ÉTUDIER LES SERVICES RENDUS PAR LA BIODIVERSITÉ POUR FAVORISER UNE AGRICULTURE DURABLE
Garantir l’intégrité des cultures locales tout en préservant et en renforçant la biodiversité des écosystèmes, telle est la mission complexe mais passionnante des chercheurs du CIRAD en Martinique. Trois d’entre eux nous présentent leurs travaux en cours.
MATHIEU COULIS, CHERCHEUR EN ÉCOLOGIE DU SOL
En tant que membre de l’unité de recherche GECO qui s’intéresse au fonctionnement écologique et à la gestion durable des agrosystèmes bananiers et ananas, ma mission consiste à étudier l’effet des pratiques agricoles sur les invertébrés du sol, et en miroir, à déterminer l’intérêt de cette biodiversité pour fournir des services écosystémiques.
En effet, la macrofaune, c’est-à-dire les espèces d’invertébrés visibles à l’œil nu, peut participer à la biorégulation des ravageurs de cultures. Les fourmis et les dermaptères par exemple sont capables de manger les oeufs du charançon noir du bananier, un ravageur majeur de cette culture. D’autre part, les vers de terre, en tant que saprophages, se nourrissent des matières organiques mortes, remettent à disposition du sol des nutriments, et modifient aussi la structure du sol par leur brassage constant. Leur action améliore alors la fertilité des sols, et permet par conséquent un moindre recours aux engrais chimiques.
La présence de vers de terre est donc un bioindicateur, un élément visible et concret renseignant sur la qualité biologique des sols, auquel je sensibilise les agriculteurs. Mon rôle de chercheur est ainsi d’étudier la biodiversité du sol dans les bananeraies et milieux naturels, en partenariat avec les instituts techniques, le Conservatoire botanique, le Parc naturel régional, pour des associations et acteurs du monde agricole.
MARIE SAUVADET, CHERCHEURE EN ÉVALUATION DES SERVICES ÉCOSYSTÉMIQUES EN BANANERAIES
Mon rôle est d’évaluer les services écosystémiques, à savoir les avantages fournis par les composantes naturelles – végétaux, arbres et organismes du sol – des agrosystèmes, en milieux cultivés. Ces écosystèmes peuvent aider au maintien de la fertilité et de la structure du sol, ou à la régulation naturelle des bioagresseurs par la prédation, et ainsi réduire les besoins en intrants des systèmes de culture. Je m’intéresse tout particulièrement au service de stockage de carbone dans les sols cultivés, qui améliore la fertilité des systèmes de culture, tout en piégeant dans le sol une partie des gaz à effet de serre que nous émettons.
J’applique ces évaluations sur les systèmes innovants développés dans les bananeraies au cours des dernières décennies aux Antilles. Ces innovations s’appuient notamment sur le recours aux plantes de services – lors des phases de jachère ou pour l’enherbement des parcelles – et la gestion du couvert végétal, qui favorise la fourniture de nombreux services écosystémiques encore peu évalués.
Notre futur projet consiste à participer au développement de l’agroforesterie en Martinique en évaluant les bénéfices et contraintes de ces systèmes, en partenariat avec les acteurs du monde agricole et les instituts locaux tels que Valcaco ou le Parc naturel régional de la Martinique.
BÉATRICE RHINO, CHERCHEURE ENTOMO- LOGISTE ET ÉCOLOGUE
Au sein de l’unité de recherche HortSys, je m’intéresse aux interactions entre les insectes et les plantes dans les systèmes de cultures maraîchères et aux solutions de biocontrôle basées sur l’écologie chimique. J’étudie ainsi le potentiel attractif ou répulsif de plantes, qui pourront être introduites au sein des parcelles ou autour de celles-ci pour lutter contre les ravageurs et attirer des auxiliaires.
Par exemple, lorsque la noctuelle pond sur les plantes en fleur de la tomate, les chenilles de ce papillon se développent dans les fruits, provoquant une perte de production pour les agriculteurs. Le maïs doux, utilisé comme plante-piège, détourne alors les pontes de Helicoverpa zea de la tomate. Intéressée par le potentiel des plantes locales pour la santé végétale, mes études actuelles portent sur l’effet répulsif ou insecticide des plantes aromatiques et médicinales. L’idée in fine est de pouvoir trouver des solutions alternatives aux insecticides de synthèse que les agriculteurs pourront facilement s’approprier.