UNE MISSION SCIENTIFIQUE POUR EXPLORER LES ABYSSES DE LA RÉUNION
À bord du navire le Lys, la mission océanographique « Objectif 1000 » s’est donné pourambition d’aller explorer les grands fonds autour des côtes réunionnaises, et d’enrichir les collections du Muséum d’Histoire naturelle de Saint-Denis.
La Réunion est un volcan dont les pentes abruptes plongent au-delà de 4 000 mètres sous la mer. Les grandes profondeurs y sont accessibles à quelques milles nautiques des côtes – entre 2 et 20 kilomètres au large – ce qui facilite l’exploration marine.
En partenariat avec l’association Sciences Réunion, ainsi qu’avec le Muséum d’Histoire naturelle de La Réunion, le Conseil départemental et la DEAL, le bureau d’études spécialisé en biologie marine Galaxea a organisé une mission océanographique pour explorer les fonds marins à 1000 mètres sous la surface, où règne le noir absolu. Au total, 20 sorties en mer, de jour et de nuit, seront réalisées par une équipe pluridisciplinaire pour aller prélever du matériel vivant à cette profondeur et pour identifier et décrire les espèces présentes dans ces eaux. Des prélèvements de sédiments seront par ailleurs analysés pour détecter la présence d’autres espèces grâce aux techniques « d’ADN environnemental», et pour identifier la présence éventuelle de microplastiques dans cette zone très profonde de l’océan.
À ce jour, près de la moitié des sorties en mer ont été effectuées et le bilan est déjà positif ! De nombreux crustacés ont été collectés ainsi que 22 spécimens de poissons, dont un requin bioluminescent jamais observé jusqu’alors à La Réunion.
La mission devrait s’achever au 3 ème trimestre 2022. Ses résultats donneront lieu à des publications scientifiques, et aussi à des communications grand public, notamment par le biais des réseaux sociaux ou de conférences en milieu scolaire à la rentrée prochaine, en lien avec l’Académie de La Réunion.
La Fondation d’entreprises des mers australes soutient ce projet innovant dans le cadre de ses missions d’appui à la recherche et de valorisation du patrimoine maritime dans les mers australes. Pour Émilie Richard, responsable Environnement et ressources halieutiques à la Compagnie maritime des Terres australes (COMATA) et membre du conseil d’administration de la Fondation :
Ce projet va permettre d’une part d’enrichir les collections du Muséum de La Réunion et d’autre part de sensibiliser et porter à la connaissance du grand public les espèces des grandes profondeurs. Cela fait partie intégrante des missions prioritaires de la Fondation qui a à cœur de soutenir ce type d’initiatives, de grand intérêt pour la biodiversité.
TÉMOIGNAGE
SOPHIE DURVILLE, CHEF DE PROJET « OBJECTIF 1 000 », SOCIÉTÉ GALAXEA
En 2007, après “ l’éruption du siècle ” du Piton de la Fournaise, nous avions observé de nombreuses espèces de poissons morts flottant à la surface, que nous ne connaissions pas à La Réunion. Nous avions alors pris conscience du manque de connaissances dont nous disposions sur le monde sous-marin au-delà de quelques centaines de mètres de profondeur. En 2019, notre mission d’exploration sousmarine sur le mont La Pérouse avec Laurent Ballesta (voir ici l’article dans l’e-mag n°1, NDLR) a été un vrai succès, et nous avons voulu continuer à explorer les grandes profondeurs. 1 000 mètres, c’est le début des abysses, dans l’imaginaire collectif c’est le désert absolu, mais il y a pourtant de la vie ! Alors nous nous sommes dit : “ Pourquoi ne pas aller voir ? ”
Nous avons constitué une équipe d’experts locaux (sur les crustacés, mollusques, poissons…), et avons sollicité des partenaires comme la Fondation des mers australes. Au départ, l’appréhension était grande, surtout au niveau technique, car pour réaliser les prélèvements, il faut envoyer des casiers, des palangres, des mini-dragues par 1 000 mètres de fond ! C’est un peu comme si on envoyait un panier depuis les nuages vers la Terre et qu’on essayait de ramener des échantillons de vie... Nous avons dû adapter nous-mêmes l’ensemble du matériel nécessaire. Il a fallu innover, tester le matériel et l’ajuster mais, au bout de quelques sorties, nos techniques étaient standardisées, et nous avons poursuivi la mission malgré une météo mauvaise cette année… En moins de 10 sorties, nos objectifs sont déjà presque remplis : nous avons trouvé diverses espèces, dont certaines inconnues à La Réunion et d’autres qui pourraient se révéler être nouvelles à l’échelle mondiale !
Les autres partenaires du projet Objectif 1 000 sont les suivants : la Préfecture de La Réunion, l’Aquarium de La Réunion, INSET, Runéo et l’Académie de La Réunion.