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Cirad

VALORISER LA DIVERSITÉ DES IGNAMES PAR LA SÉLECTION VARIÉTALE

Plante vivrière tropicale, l’igname fait partie de l’alimentation quotidienne de millions de personnes dans le monde, notamment en Afrique de l’Ouest. Aux Antilles, il s’agit d’une des principales cultures vivrières, en dehors de la banane et de la canne à sucre.

Dans le cadre de sa mission d’accompagnement de l’agriculture des pays du Sud, le Cirad travaille depuis de nombreuses années sur des techniques de création et de sélection variétale de l’igname, afin de répondre aux besoins des producteurs comme des consommateurs. Zoom sur le programme de sélection variétale du Cirad Guadeloupe débuté en 2002, avec deux de ses chercheurs.

KOMIVI DOSSA, CHERCHEUR GÉNÉTICIEN SUR L’IGNAME

Komivi Dossa

Ma mission est de comprendre l’architecture génétique des traits d’intérêt de l’igname, c’est-à-dire des caractéristiques agronomiques ou de qualité du tubercule. Cela consiste plus précisément à retracer dans le génome de la plante les parties qui codent pour des traits d’intérêt particuliers afin d’optimiser la création variétale et de pouvoir transmettre aux nouvelles variétés des comportements avantageux. Il peut s’agir des traits de qualité : la couleur de la chair, l’oxydation, la forme, la teneur en protéines ou l’indice glycémique du tubercule, sur lequel nous travaillons particulièrement actuellement.
Sur le plan agronomique, nous cherchons à optimiser la performance de la plante au champ et en particulier sa résistance à la maladie principale de l’igname, l’anthracnose, à travers le projet Interreg AUSCAR.
Le rendement est également un trait d’intérêt étudié. Alors que le rendement moyen observé au niveau mondial est de 8 à dix tonnes l’hectare, nous avons sur notre station expérimentale des variétés générant jusqu’à 40 tonnes de tubercules à l’hectare. Nous recherchons aussi des variétés d’ignames permettant de limiter les dépenses liées à la gestion de l’enherbement, grâce à leur vigueur et leur capacité de recouvrement rapide des billons par les tiges et les feuilles.
Dans tous les cas, notre objectif n’est pas tant de créer de nouvelles variétés, que de développer la connaissance biologique sur la plante et la mise au point d’approches innovantes de sélection variétale. Cela suppose d’assembler diverses populations d’ignames, qu’elles soient naturelles ou issues d’hybridation, afin de conduire des travaux de séquençage des génomes de ces variétés par le biais de la bioinformatique.
Une phase de terrain est destinée à évaluer les traits d’intérêt, puis le croisement des données à travers des modèles statistiques, pour identifier les régions du génome qui codent pour ces traits d’intérêt. Nous développons ensuite des marqueurs moléculaires qui vont permettre d’optimiser les schémas de sélection variétale au sein des différents programmes de recherche sur l’igname dans le monde. Les hybrides prometteurs issus de nos travaux sont testés auprès des producteurs d’igname en Guadeloupe à travers les projets FEADER pendant plusieurs saisons et les meilleurs sont diffusés localement et auprès de nos partenaires en Afrique de l’Ouest.
L’igname est une plante annuelle, récoltée aux mois de janvier et février. Pour éviter le pourrissement du tubercule et perdre des variétés, la conservation des individus est essentielle.
© Cirad

ÉRICK MALÉDON, CADRE TECHNIQUE

Erick Malédon
Je suis chargé des travaux de laboratoire destinés à conserver des collections d’ignames en culture in vitro, pour pouvoir conduire nos études. Nous disposons d’une collection d’ignames provenant de 16 pays différents qui sert de support pour les travaux en génétique. Mon rôle est de m’assurer de la qualité des échantillons et de développer des protocoles de préservation plus efficients.
Un de nos protocoles phare est la conservation du pollen de l’igname par la lyophilisation. L’igname a des pieds mâles et femelles qui fleurissent de façon très erratique. D’une année à l’autre, une variété d’intérêt peut ne pas fleurir. La lyophilisation consiste à extraire toute l’eau des tissus de la fleur mâle d’igname dans le but de conserver le pollen pendant plusieurs années, et à température ambiante, ce qui est essentiel pour les programmes de recherche basés dans les pays du Sud. La floraison de l’igname n’étant par ailleurs pas synchronisée entre les deux sexes, il peut être difficile de créer des hybrides pour progresser dans la sélection variétale.
En Guadeloupe, il existe une collection sécurisée d’ignames, conservée au sein du centre de ressources biologiques Plantes Tropicales, coanimé par le Cirad et l’INRAe.
© Cirad
Une autre problématique rencontrée dans la recherche sur les ignames est que la plante est aisément victime de virus, ce qui nécessite d’assainir les échantillons destinés à être échangés entre les différents programmes de sélection variétale. Ce processus d’assainissement qui peut durer jusqu’à deux ans est cependant lourd à mettre en place et chronophage. Exempt de contamination, le pollen peut plus facilement être échangé et la lyophilisation permet de le conserver de façon optimale afin de pouvoir, en période de pénurie, utiliser le pollen conservé pour réaliser la pollinisation.
Chaque variété hybride ayant fait ses preuves au champ est introduite ou réintroduite en culture in vitro dans l’objectif de maintenir les collections d’individus conservés qui seront échangés avec des partenaires, et de renouveler en permanence le matériel d’étude en cas de perte au champ.
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