5 minute read

Mayotte

Next Article
Port Réunion

Port Réunion

« MAYOTTE SUBIRA LES CONSÉQUENCES DES DÉCISIONS PRISES PAR LES GRANDES PUISSANCES »

Hausse des températures et du niveau de la mer, érosion côtière, sécheresse, fortes houles... Le projet Brio, mené par Météo-France, l’Agence française de développement (AFD) et la Commission de l’océan Indien (COI) apporte des projections chiffrées pour aider Mayotte à anticiper les effets du réchauffement climatique.

Photo ci-dessus : le cyclone Hellen, qui a frappé Mayotte en 2014, comme ici dans la commune d’Acoua, est resté dans les annales pour son intensification très rapide. © BRGM | DEAL Mayotte

Alors que les conséquences du changement climatique sont déjà bien visibles dans ce département français, le projet Brio (Building Resilience in the Indian Ocean) apporte, pour la première fois, des projections sur la situation climatique dans l’océan Indien à l’horizon 2100.

Objectif : permettre aux autorités locales et aux institutions de mettre en place, rapidement, des politiques adaptées. « Les résolutions apportées par le Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, NDLR) couvrent l’ensemble du globe. Aucun modèle n’étudiait le cas spécifique des petites îles de la région », analyse François Bonnardot, responsable de la division études et climatologie océan Indien pour Météo-France.

Submersion marine lors d’un épisode de grande marée sur le littoral de Pamandzi en Petite-Terre, fin mars 2023.
© Météo-France

SIX MOIS DE FORTES CHALEURS

Dans le scénario le plus positif, le projet prévoit un réchauffement de 1 à 1,5 ° C à Mayotte d’ici 2100 à condition que les émissions de gaz à effet de serre diminuent drastiquement.

Si ces émissions restent stables, la température augmentera de 4 ° C. « Mayotte subira les conséquences des décisions prises par les grandes puissances », regrette-t-il. Les simulations indiquent une baisse de 30 % des précipitations de mai à octobre, une augmentation de la sévérité des périodes de sécheresse et un nombre de jours de fortes chaleurs bien plus élevé. « Il pourrait représenter plus de six mois de l’année, contre 30 jours actuellement ».

Les cyclones ne seront pas plus nombreux mais plus intenses, augmentant ainsi les dégâts matériels et humains. D’après François Bonnardot, le changement climatique doit être anticipé selon la vulnérabilité d’un territoire : « Pour un même niveau d’élévation de la mer, l’île de Mayotte étant plus basse, elle sera plus impactée que La Réunion. Pour définir la vulnérabilité d’un territoire, il faut croiser les aléas climatiques et les spécificités géographiques ».

INTERVIEW

FLORIANE BEN HASSEN, RESPONSABLE DU CENTRE MÉTÉOROLOGIQUE DE MAYOTTE

Floriane Ben Hassen

• Mayotte est-elle plus vulnérable face au dérèglement climatique ?

C’est un territoire insulaire, il est donc particulièrement sensible à l’évolution du niveau de la mer et aux modifications induites par le changement climatique sur les saisons, notamment lors de celle des pluies.
On constate déjà un raccourcissement des saisons dites « de recharge » en eau des nappes et cette tendance va s’accentuer. Alors que l’île s’est enfoncée de plus de 15 centimètres en 2018 après une crise sismo-volcanique, des quartiers sont déjà inondés. Le littoral de Mayotte est fortement peuplé et des projets d’aménagement du territoire se font encore sur cette zone vulnérable. De nombreux bidonvilles implantés dans les hauteurs sont sujets aux vents et aux glissements de terrains en cas d’aléa cyclonique. La façade la plus peuplée est mécaniquement la plus vulnérable.
En générant une élévation du niveau des océans et des phénomènes météorologiques plus sévères, le changement climatique accélère l’érosion marine, comme ici en février 2023 à Sada, où elle a atteint le mur d’enceinte de l’école maternelle de Mangajou.
© Météo-France

• Quelles sont les conséquences sur l’agriculture et la biodiversité ?

Les Mahorais sont confrontés à un important manque d’eau, notamment en période de sécheresse comme cette année. Ce n’est pas sans conséquence sur l’agriculture car la majeure partie de l’agriculture est vivrière et non professionnelle, ce qui ne permet pas de bénéficier des aides européennes de la PAC (Politique agricole commune). Si l’eau venait à manquer, il y aurait une priorisation des usages entre l’agriculture et les besoins en consommation. On observe aussi une importante érosion des sols causée par la déforestation intensive et la monoculture, de manioc et de banane.
Le phénomène de blanchiment des coraux est une des conséquences de l’augmentation de la température de l’eau. C’est très inquiétant car la barrière de corail est fragilisée alors qu’elle joue un rôle protecteur face à la houle et aux phénomènes climatiques extrêmes. La mer gagne du terrain alors que de nombreuses plages ici sont des zones de ponte pour les tortues.

• Comment un territoire si pauvre peut-il faire face ?

L’île est à une étape cruciale de son développement, le changement climatique implique de gros dilemmes. Il faut trouver un équilibre entre les infrastructures nécessaires et la préservation de la biodiversité.
D’un côté, les pouvoirs publics doivent agir pour anticiper le réchauffement climatique, et en même temps, Mayotte a besoin de se développer afin de répondre aux besoins des habitants, alors même que 77 % de la population vit sous le seuil de pauvreté.

Rédaction et interview : Marion Durand

This article is from: