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Port Réunion
LE GRAND PORT MARITIME DE LA RÉUNION CONSTRUIT SA « STRATÉGIE BIOSÉCURITÉ »
Au carrefour de nombreuses routes maritimes, le GPMDLR, seul port de commerce de l’île, est le lieu de transit de plus de 99 % des marchandises importées ou exportées à La Réunion. Il est ainsi assujetti à la problématique de l’introduction de potentielles espèces exotiques, et s’applique à y faire face à travers la mise en place d’un plan opérationnel de biosécurité.
Les espèces exotiques à risque incluent la macrofaune, mais aussi les bactéries, champignons... Ces individus ou organismes ayant voyagé hors de leur aire naturelle peuvent potentiellement devenir envahissants au point de menacer la biodiversité locale, l’économie voire la santé humaine. Pour renforcer la prévention de ces introductions, forfuites ou non, le GPMDLR a confié à Cynorkis une étude débutée en mars. À partir d’un état des lieux, celle-ci a vocation à déterminer à l’échelle du port des leviers d’action en matière de biosécurité.
Cette notion encore méconnue intervient à la première phase du processus d’invasion biologique : l’introduction. La biosécurité regroupe ainsi les mesures visant à prévenir les risques de contamination, de pollution de l’environnement ou d’appauvrissement de la biodiversité. Elle englobe à la fois la surveillance préfrontière pour identifier les menaces potentielles, à la frontière pour contrôler les importations et enfin postfrontière pour une détection et une réaction coordonnée d’élimination de l’espèce exotique envahissante (EEE).
INTERVIEW
DOMINIQUE HOAREAU, GÉRANT DU BUREAU D’ÉTUDES EN ÉCOLOGIE CYNORKIS, BASÉ À LA RÉUNION
• Comment évaluez-vous aujourd’hui la place de La Réunion en matière de biosécurité ? Est-ce un domaine suffisamment développé ?
La littérature scientifique montre que La Réunion peut devenir l’une des pionnières en France sur les enjeux de biosécurité et cela se traduit par des actions concrètes qu’on peut mener entre autres à l’échelle du GPMDLR. Notre évaluation dans le cadre de l’étude montre que les mesures de biosécurité actuelles restent insuffisantes face aux enjeux écologiques annoncés et en comparaison avec d’autres pays leaders – Nouvelle-Zélande, Australie... – en la matière.
• Quelles sont les premières préconisations qui se dégagent de votre étude pour le GPMDLR ?
- Il existe tout un panel d’actions de biosécurité à l’échelle internationale applicables à La Réunion et qui agissent à trois niveaux : prévention d’introduction, puis détection précoce et enfin lutte rapide. L’efficacité opérationnelle dépend d’un travail collaboratif mené depuis l’élaboration des actions jusqu’à leur réalisation, entre le Grand Port Maritime et les acteurs privés et publics : législateur, entreprises et acteurs privés, acteurs institutionnels, citoyens, etc.
Ainsi, nous avons associé dès le départ de notre mission les acteurs locaux – Société d’études ornithologiques de La Réunion (SEOR), Nature océan Indien (NOI), Office français de la biodiversité (OFB), Direction de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DAAF), capitainerie du port… – pour construire un plan opérationnel qui se décline en neuf actions à réaliser sur les cinq prochaines années (2024-2029) :
• poursuivre la sensibilisation des acteurs du GPMDLR et de la population à la biosécurité ;
• identifier les voies d’introduction prioritaires ;
• renforcer le rôle de contrôle de la capitainerie et de la Direction de la mer sud océan Indien (DMSOI) ;
• installer des pièges à large spectre aux points d’entrée, de transit et de sortie de potentielles EEE ;
• détecter de nouvelles EEE grâce à la méthode de l’ADN environnemental ;
• construire des mesures d’urgence facilitant l’action en cas de détection précoce ;
• créer et animer un réseau local et régional des ports maritimes ;
• systématiser la mise en quarantaine d’espèces à risque ou non identifiées ;
• mettre en place un scanner à rayon X...
Autant de pistes proposées pour améliorer la lutte contre les invasions biologiques, qui sont la principale menace pour la biodiversité (Lenzner et al. 2020). La Réunion fait partie d’un hotspot mondial de biodiversité et le Grand Port Maritime s’affirme, à travers ce travail très innovant sur la biosécurité, parmi les acteurs de l’île répondant à ces forts enjeux de conservation.
TÉMOIGNAGES
MARC ROUSSIN, INGÉNIEUR CHARGÉ D'ÉTUDES FLORE À CYNORKIS
Dans mon métier ou dans ma vie personnelle, l’impact négatif des espèces exotiques envahissantes (végétales) sur la biodiversité et les paysages est une préoccupation quotidienne. Que ce soient les remparts de l’ouest de l’île totalement envahis par la liane papillon ou les pentes de l’est par le jambrosade, nos erreurs passées ont définitivement dégradé les écosystèmes réunionnais. Aussi, m’impliquer dans la construction de la stratégie biosécurité du Grand Port et concevoir des mesures permettant d’éviter de futures introductions est une vraie satisfaction. Le plan d’actions que nous avons construit s’adresse à l’ensemble des acteurs de Port Réunion mais vise également le législateur et les citoyens, maillons qui me semblent essentiels à la mise en place d’une biosécurité efficace.
LISA SPENLÉ, INGÉNIEURE CHARGÉE D'ÉTUDES FAUNE À CYNORKIS
Le Grand Port Maritime est une porte d’entrée d’espèces envahissantes, c’est par là que s’est introduit probablement un lézard invasif, l’agame des colons, il y a presque 25 ans (retrouver ICI notre article dans OMGN13, NDLR).Dans le but d’éviter d’autres introductions comme celle-ci, le GPMDLR nous a commandés une étude de biosécurité à mener avec l’ensemble des acteurs concernés. En ce moment, concernant la faune, le corbeau familier (Corvus splendens) arrive sur l’île par l’intermédiaire des cargos de marchandises. Nous savons qu’il représente une menace pour la faune endémique et qu’il peut être vecteur de maladies comme la grippe aviaire. Empêcher sa présence à La Réunion est essentiel, cela fait partie de notre mission pour le Grand Port Maritime.