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Guyane

" COLONISATION, CIVILISATION, ASSIMILATION, ET LA SUITE… " (LÉON-GONTRAN DAMAS)

Né à Cayenne, Karl Joseph puise ses sources d’inspiration en Guyane. À travers son œil de photographe aguerri, il s’intéresse en particulier aux problématiques socioéconomiques et politiques du territoire. Éclairage.

Ci-dessus : l’une des photographies favorites de l’artiste. © Karl Joseph

INTERVIEW

KARL JOSEPH, PHOTOJOURNALISTE ET COFONDATEUR DES RENCONTRES PHOTOGRAPHIQUES DE GUYANE

Karl Joseph

• Comment vous décririez-vous ?

- J’ai 49 ans. Aujourd’hui, je vis entre Sète et Cayenne. Dès l’âge de 19 ans, je suis parti faire mes études en métropole. Après avoir travaillé quelques années pour le Comité du Tourisme de la Guyane, j’ai choisi en 2005 de changer de cap pour me consacrer entièrement à la photo, une passion qui m’anime depuis toujours. J’ai suivi une formation de photojournalisme à l’École des métiers de l’information (EMI-CFD) à Paris.

• Racontez-nous un peu votre parcours professionnel en tant que photographe...

- Je suis photojournaliste depuis 2005, ce qui m’a amené à quitter la France jusqu’en 2009 pour vivre en Espagne puis au Mexique. J’ai collaboré à de nombreux titres de presse, comme par exemple Le Monde, Télérama, VSD, Libération... tout en poursuivant mes projets personnels. J’ai publié Les Guyanais aux éditions Ibis Rouge en 2011, après Les contes de Malastrana aux éditions Terrail en 2007.
En 2011, sur une demande de la Région Guyane, j’ai cofondé la biennale des Rencontres Photographiques de Guyane, dont je suis le directeur artistique. Cet événement unique sur le territoire et dans les outremer est une plateforme d’expression, de diffusion et d’exposition de qualité pour les artistes guyanais, régionaux et internationaux. Aujourd’hui, j’essaie d’allier travaux personnels et direction artistique.
Dans l’ouest guyanais, des femmes et des hommes pénètrent dans la forêt lors d’une procession vaudou.
© Karl Joseph
Dans l’ouest guyanais, des femmes et des hommes pénètrent dans la forêt lors d’une procession vaudou.
© Karl Joseph

• Quelles sont vos sources d’inspiration ?

- Mes mentors en tant que photographe se réclamant du photojournalisme et de la photographie documentaire sont les grands photographes de chez Magnum mais aussi d’autres tels que Robert Franck, Pieter Hugo ou encore plus proche Luiz Braga… Ce que j’ai toujours photographié c’est la Guyane, une colonie en pleine évolution. Je m’intéresse aux problématiques socioéconomiques et politiques du territoire. Pour reprendre une phrase du poète guyanais Léon-Gontran Damas : « Colonisation, Civilisation, Assimilation et la suite… ». C’est une phrase qui m’inspire, c’est peut-être « la suite » que je photographie.
La Guyane, terre d’exploration du photographe, qui s’intéresse notamment au rapport des hommes à la nature.
© Karl Joseph

• Quel est votre processus de travail ?

- J’ai longtemps travaillé seul mais depuis 2017, j’essaie d’établir des collaborations sur des sujets qui me plaisent. J’ai travaillé avec l’écrivain Colin Niel sur le livre La Guyane du Capitaine Anato aux éditions du Rouergue. Œ uvrer à plusieurs permet de multiplier les points de vue. Du point de vue technique, je suis un coloriste. Pour des projets personnels, je peux travailler l’argentique mais pour des commandes, je privilégie le numérique.

• Que souhaitez-vous transmettre à travers vos photos ?

- Mon rôle est plutôt d’interroger, d’éveiller les esprits critiques à travers l’esthétique et l’émotion qu’une photo peut transmettre. Ma photo doit provoquer une interrogation. Tous mes travaux en Guyane s’inscrivent dans la poursuite ou dans la recherche de cette suite dont parle le poète…
À Saint Laurent du Maroni, un homme cueille une branche dont les feuilles serviront à un bain traditionnel noir marron.
© Karl Joseph

• Des projets ?

- Je termine deux travaux. Un premier sur le monde politique en Guyane, en collaboration avec un autre artiste Olivier Menanteau, un film est en cours de réalisation. Le deuxième est une collaboration avec Marc-Alexandre Tareau, ethnobotaniste avec un livre à venir, Kalalou, qui mettra en lumière les relations des cultures afro-guyanaises à la biodiversité amazonienne. Durant deux années, nous avons sillonné le territoire à la rencontre de certaines populations et organisé notre travail autour de six thèmes : cueillir, cultiver, manger, se soigner, croire, faire. Plusieurs expositions du projet Kalalou ont déjà eu lieu à Berlin, à Roura, à l’Université de Guyane, et récemment à Stuttgart en février. Une autre exposition aura lieu en Guadeloupe à la fin de l’année.
Enfin, je travaille avec l’association porteuse de la biennale des Rencontres Photographiques de Guyane, à la création de la Maison de la photographie de Guyane-Amazonie. Elle devrait voir le jour en février 2024.
© Karl Joseph

• Une photo coup de cœur ?

- Il y en a deux. Un monsieur sur un vélo, sa tête est cachée par un cocotier. Cette photo symbolise le fait que l’être humain a sa part à jouer dans la circulation des plantes. L’autre, c’est purement esthétique, une jeune fille qui transporte des plantes utilisées pour le bain.

Rédaction et interview : Sandrine Chopot

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