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Guyane
UNE BIODIVERSITÉ AU SERVICE DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE
Dans cette région française d’Amérique du Sud, la forêt, qui recouvre plus de 96 % du territoire, renferme une diversité biologique extrêmement riche. Alors qu’une grande partie des maladies infectieuses se transmet par les animaux, la Guyane est une terre émergente dans l’étude des maladies tropicales.
INTERVIEW
ANNE LAVERGNE, RESPONSABLE ADJOINTE DU CENTRE NATIONAL DE RÉFÉRENCE (CNR) ARBOVIRUS À L’INSTITUT PASTEUR DE GUYANE.
• Pourquoi la Guyane représente-t-elle un avantposte scientifique dans la détection des maladies émergentes ?
- On estime que 75 % des maladies infectieuses sont d’origine zoonotique, c’est-à-dire qu’elles se transmettent des animaux vertébrés à l’Homme par contact direct ou par l’intermédiaire d’un vecteur, comme un insecte.
La Guyane est un territoire qui héberge une importante biodiversité, on s’attend donc à ce qu’elle soit une terre d’émergence de maladies car les réservoirs naturels y sont plus nombreux. Les animaux comme les rongeurs, les primates, les chauves-souris, les moustiques, sont des espèces qui hébergent un grand nombre de virus.
On qualifie un virus d’émergent lorsqu’un nouveau pathogène est découvert, comme c’était le cas pour le SRAS, ou qu’une nouvelle distribution de ce virus apparaît, comme pour Zika en Amérique du Sud.
• De nouveaux virus ont-ils été détectés récemment ?
- À l’heure actuelle, on dénombre peu de phénomènes d’émergence. Ce n’est pas si fréquent, nous en découvrons en moyenne un tous les deux ans. En 2020, le virus Oropouche, présent au Brésil, a été détecté pour la première fois en Guyane par l’Institut Pasteur. Au début de l’année 2022, quatre cas d’infection à hantavirus ont été relevés, le virus Maripa a été identifié en Guyane depuis 2008. Nous surveillons de près ses hôtes réservoirs, des rongeurs qui vivent généralement dans les savanes.
• Doit-on s’attendre à l’avenir à une augmentation du nombre de virus ?
- Il y aura peut-être davantage de virus émergents, cela dépendra de ce qui se passe entre la faune sauvage et l’Homme. Lorsqu’une zone est perturbée, les réservoirs des pathogènes présents uniquement en forêt vont parfois se retrouver en contact avec l’Homme, ce qui favorise une transmission de ces pathogènes.
La Guyane reste une zone assez bien préservée mais ce n’est pas le cas du Brésil, où la déforestation, en plus de détruire l’environnement, induit des processus de contact entre les maladies et les populations humaines.
• Comment étudiez-vous ces maladies émergentes ?
- Il y a d’abord une approche moléculaire classique lorsqu’on connaît l’agent pathogène. C’est le cas lorsqu’on recherche un virus comme la dengue, on peut le détecter par PCR (une technique d’amplification d’ADN in vitro). Quand on ne connaît pas ce que l’on cherche, on fait appel à une approche de séquençage haut débit pour caractériser le génome des virus sans a priori. On cherche alors tous les virus possibles présents dans un échantillon, on peut le faire chez l’Homme ou chez les animaux. Cette approche a été utilisée sur des chauves-souris vampires, ce qui a permis de mettre en évidence une cinquantaine de familles virales jamais décrites auparavant sur ces espèces.
• Le SRAS, responsable de l’épidémie de la Covid19, aurait-il pu être détecté ?
- La recherche de virus au sein des réservoirs animaux nécessite des travaux très lourds car il faut capturer les animaux, identifier les potentiels virus qu’ils hébergent et leurs potentiels pathogènes. De gros programmes de surveillance sont menés en Asie mais on peut dire que, depuis l’expérience du SRAS, on observe une plus grande anticipation, avec la nécessité d’identifier ces nouveaux virus qui circulent dans les populations animales pour prévenir les situations émergentes.