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ÎLE AMSTERDAM : UNE OPÉRATION D’ÉRADICATION D’ENVERGURE POUR PROTÉGER UN ÉCOSYSTÈME UNIQUE

Dans le cadre du projet RECI de lutte contre les espèces exotiques envahissantes, les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) se préparent à l’éradication des mammifères terrestres – souris, rats surmulots et chats harets – introduits sur l’île Amsterdam.

À l’instar des îles Crozet, Kerguelen et Saint-Paul, l’île Amsterdam est extrêmement éloignée des centres d’activité humaine et constitue un véritable sanctuaire de biodiversité. « L’administration des Terres australes et antarctiques françaises, en tant que gestionnaire de ces territoires, est porteuse du projet RECI (Restauration des Écosystèmes insulaires de l’océan Indien) afin de restaurer et sauvegarder cet écosystème unique », indique Lucie Pichot, chargée de la sensibilisation et de la visibilité du projet RECI.

L’île est, par exemple, le site de reproduction de l’otarie à fourrure subantarctique, de neuf espèces d’oiseaux marins, ainsi que de l’albatros d’Amsterdam, espèce endémique stricte de l’île particulièrement rare avec seulement environ 60 couples.

Côté flore, ce sont 17 plantes à fleurs autochtones qui y vivent, dont neuf endémiques aux îles SaintPaul et Amsterdam, ainsi que le Phylica arborea, le seul arbre indigène des Terres australes françaises.

Les falaises d’Entrecasteaux sont le refuge d’importantes colonies d’oiseaux marins.
© Lucie Pichot

UN ÉCOSYSTÈME EN DANGER FACE AUX PRÉDATEURS VENUS D’AILLEURS

Cet écosystème est fragilisé par les changements globaux, en particulier par la présence des rats surmulots, des souris domestiques et de quelques chats harets. « Ils sont arrivés par bateau à partir du XIXème siècle. Sachant qu’il n’y a aucun prédateur autochtone de l’île Amsterdam, leurs populations mettent en danger la faune et la flore indigènes de l’île », retrace Fabrice Le Bouard, responsable technique du projet RECI et chef des opérations pour l’île Amsterdam.

Ces mammifères terrestres s’attaquent directement aux oiseaux marins, à leurs œufs ainsi qu’aux poussins. Au-delà de la prédation, « les rats sont également vecteurs du choléra aviaire dans les colonies d’oiseaux. Cette maladie est la principale cause de déclin des populations d’oiseaux depuis une dizaine d’années dans les falaises d’Entrecasteaux, et menace sérieusement la conservation des espèces locales, dont les albatros à bec jaune de l’océan Indien qui ont une reproduction quasi nulle aujourd’hui », continue Fabrice Le Bouard

Poussin d’albatros à bec jaune prédaté par des rats.
© Jordan Bazile
Avec une population estimée à un peu plus de 200 individus, l’albatros d’Amsterdam (Diomedea amsterdamensis), endémique de l’île éponyme, est l’un des albatros les plus menacés de disparition au monde.
© Cédric Marteau

UNE MISSION D’ÉRADICATION D’ENVERGURE

Depuis cinq ans, les agents de la direction de l’environnement des TAAF travaillent sur place afin d’étudier les espèces cibles et réaliser des tests in situ pour optimiser la méthode d’éradication et augmenter les chances de réussite de l’opération.

« Cette année, entre avril et août, deux hélicoptères spécialement équipés épandront des granulés sur l’ensemble de l’île en un temps restreint. On souhaite éradiquer tous les rats et toutes les souris en une seule fois, il ne doit pas rester un seul individu », avance le responsable des opérations.

Paysage de l’île Amsterdam.
© Alexandre Trouvilliez

Avant de partir, c’est une logistique de précision qui est menée par l’équipe : « En ce moment, notre rôle est principalement logistique au bureau, on achète le matériel pour les hélicoptères comme les GPS et les épandeurs, on établit le plan opérationnel permettant de détailler nos actions, la densité de granulés que l’on va épandre... En résumé, on supervise tout en amont. J’ai hâte de revenir sur cette île pour participer à cette action concrète, coordonner l’opération et nous assurer que l’épandage se fasse de la meilleure des manières ». Fabrice Le Bouard était en effet venu sur l’île Amsterdam il y a 22 ans pendant son service militaire en tant qu’ornithologue avant de poursuivre sa carrière dans les îles subantarctiques.

Otarie à fourrure subantarctique, ou otarie d’Amsterdam (Arctocephalus tropicalis).
© Alexandre Trouvilliez

Concernant l’épandage, il se veut rassurant : « Le fait de travailler sur une île où les seuls mammifères terrestres sont les espèces introduites facilite notre mission. Les oiseaux et mammifères marins, à l’instar de l’albatros à bec jaune et des otaries, viennent sur l’île uniquement pour se reproduire. Ces espèces jeûnent ou s’alimentent en mer et ne sont donc pas susceptibles de consommer les appâts. »

Amsterdam concentre plus de 65 % des albatros à bec jaune de l’océan Indien (Thalassarche carteri). Les maladies aviaires et la prédation des œufs et des poussins, en particulier par le rat surmulot (Rattus norvegicus), sont les principales causes du déclin de l’espèce.
© Cédric Marteau

Cette méthode d’épandage reconnue est efficace pour restaurer l’écosystème local comme elle l’a été par exemple sur l’île Saint-Paul, distante de 85 kilomètres. « Jusqu’en 1997, les lapins et les rats causaient les mêmes problèmes que sur l’île Amsterdam. Grâce à cette même méthode, ils ont été éradiqués de l’île Saint-Paul et plusieurs espèces d’oiseaux marins ont recolonisé la petite île. D’une dizaine de couples, ils sont passés à des milliers une vingtaine d’année plus tard », illustre, confiant, Fabrice Le Bouard.

Rédaction : Pierre-Yves Fouché
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