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Cirad

VERS UNE AGRICULTURE SANS INTRANT CHIMIQUE

Comment passer d’une agriculture gourmande en produits de synthèse polluants à des systèmes de production agroécologiques à La Réunion ? C’est la question à laquelle s’appliquent à répondre les chercheurs du Cirad, en collaboration avec tous les acteurs du territoire.

TÉMOIGNAGE

CAROLINE BRUNEL, CHERCHEUSE EN ÉCOLOGIE MICROBIENNE AU SEIN DE L’UNITÉ HORTSYS

Caroline Brunel

« Un des axes de travail pour aller vers des systèmes agroécologiques est de s’appuyer sur la biodiversité des organismes présents dans les sols et leurs fonctions.

Certains organismes rendent en effet des services écosystémiques tels que le recyclage des nutriments du sol ou la gestion de pathogènes. Ils contribuent alors à une meilleure croissance des plantes, à la dépollution de certains sols et à l’équilibre entre les mécanismes de symbiose et antagonistes, garantissant un sol fonctionnel sans apport d’intrants.

La biodiversité des sols des systèmes agricoles de La Réunion est cependant encore peu connue. Il est donc crucial de réaliser un état de l’art (bilan des connaissances d'un domaine à un instant donné) de leur état de conservation pour estimer le pourcentage de perte de biodiversité des milieux, à la fois agricoles et naturels.

Les travaux de l’unité HortSys sont centrés sur la recherche de systèmes de cultures horticoles agroécologiques. Ici, un atelier animé par Caroline Brunel et Anaïs Chailleux.
© Thibault Neve / Cirad

Ma mission consiste à extraire l’ADN présent dans les sols, plus particulièrement des champignons mycorhiziens et rhizobactéries, afin de produire un référentiel de différents types de sols provenant de parcelles maraîchères ou de paysans. En collaboration avec Anaïs Chailleux, également chercheuse en écologie au Cirad, nous analysons la régulation naturelle par l’entomofaune et les bénéfices de ces communautés pour limiter les intrants.

La parcelle expérimentale STOP. | ST0P signifie « Systèmes de production Tropicaux 0 Pesticide de synthèse ». Basé sur la biodiversité fonctionnelle, le projet ST0P lancé à La Réunion expérimente trois systèmes agroécologiques de cultures multi-espèces, coconstruits par plusieurs acteurs experts. L’objectif : identifier les leviers agroécologiques menant à une meilleure protection des cultures sans recours à des intrants de synthèse. Ces trois systèmes sont ensuite évalués selon des critères économiques, environnementaux et sociaux.
© Marion Dailloux / Cirad

Une campagne d’échantillonnage démarre en janvier 2024 et ses conclusions, disponibles en 2027, fourniront des préconisations aux agriculteurs en termes d’association culturale, de rotations et d’amendement pour optimiser la biodiversité de leur système agricole et ainsi limiter l’usage d’intrants chimiques. Ce projet participatif et collaboratif a pour ambition d’impliquer les différents acteurs de l’île, qu’il s’agisse des associations environnementales, des lycées agricoles, des organisations de producteurs, des instituts techniques et des gestionnaires de milieux. Neuf unités de recherche participent au projet. »

TÉMOIGNAGE

CHARLES MOTTES, CHERCHEUR AU SEIN DE L’UNITÉ HORTSYS

Charles Mottes

« Je travaille à la compréhension et à la gestion des pesticides dans l’eau et dans les sols pour accompagner les producteurs vers des pratiques agricoles plus vertueuses. En 2022, 165 tonnes de pesticides ont ainsi été vendues à La Réunion, dont un petit pourcentage est transféré des sols vers l’eau, mais qui générerait un coût démesuré de 50 à 165 millions d’euros s’il devait être dépollué.

Afin d’étudier la pollution des eaux par l’usage des produits phytosanitaires, un observatoire agrohydrologique a été mis en place sur un captage d’eau potable. Cela permet de mesurer la teneur en pesticides contenue dans des échantillons d’eau. L’objectif est de comprendre les facteurs générant les pollutions, puis d’établir un diagnostic destiné aux acteurs territoriaux et aux agriculteurs pour proposer des solutions et faire évoluer les pratiques, principalement en matière de gestion de l’enherbement, c’est-dire de retrait des mauvaises herbes.

Chaque minute, une mesure des débits est effectuée et chaque heure et quart, un dispositif automatisé prélève 200 ml d’eau dans la rivière, qui est ensuite stockée dans des contenants. Une fois par semaine, les chercheurs récupèrent alors des aliquots d’échantillons, ou échantillons composites, pour analyser les produits contenus dans l’eau.
© Cirad

En effet, parmi les cinq molécules observées dans les échantillons d’eau, l’hydroxy atrazine, produit de dégradation de l’atrazine, herbicide utilisé depuis les années 1960-1970 jusqu’en 2003 sur l’île, et perturbateur endocrinien avéré, se retrouve, en 2021, dans plus de 80 % des échantillons d’une station. La gestion de l’enherbement a par ailleurs pour but de réduire les pollutions des quatre autres molécules retrouvées, à savoir le glyphosate et son produit de dégradation l’AMPA, le métolachlore et le 24D.

À partir des résultats d’analyse, les acteurs territoriaux impliqués ont coconstruit une représentation partagée de la gestion de l’enherbement. Celle-ci sera intégrée à un outil interactif ou “serious game” qui évaluera des scénarios d’évolution de pratiques agricoles et leurs impacts sur la qualité de l’eau. Des solutions seront ainsi testées dans le monde virtuel avant d’être appliquées dans la vie réelle. »

Rédaction : Axelle Dorville
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