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Saint-Pierre-et-Miquelon

UN NOUVEAU PLAN DE DÉVELOPPEMENT AGRICOLE DURABLE

Si le nombre d’exploitants a doublé entre 2019 et 2023, l’agriculture saint-pierraise et miquelonnaise reste très entravée par un manque d’accès au foncier, des normes non adaptées et des surcoûts de production. Un nouveau plan de développement agricole durable 2024-2028 a été signé en octobre pour répondre à ces problématiques.

Une orientation « plus pragmatique » qui part des « demandes du terrain » pour développer l’agriculture à Saint-Pierre-et-Miquelon. Le 27 octobre, la préfecture et la Collectivité territoriale ont signé le prochain Plan de développement agricole durable (PDAD) de l’archipel.

Ces dernières années, la production de pommes de terre a fortement augmenté à Saint-Pierre-et-Miquelon.
© Cacima

En vigueur jusqu’en 2028, cette feuille de route de la filière agricole a pour objectif de renforcer la souveraineté alimentaire du territoire, alors qu’à ce jour la production locale ne couvre que 3 % des besoins. Surtout, ce chiffre faible n’a presque pas bougé ces dernières années, malgré un doublement du nombre d’exploitants – ils sont passés de quatre à huit –pendant le précédent PDAD (2019-2023). Si la production de pommes de terre, de salade ou d’œufs a sensiblement augmenté, la production de volaille de chair a fortement décliné tandis que la filière ovine a disparu, le seul atelier existant ayant cessé cette activité.

Favoriser la montée en compétence des professionnels et limiter les coûts de production par le collectif sont deux des objectifs du PDAD 2024-2028. © Cacima

DES COÛTS DE PRODUCTION TROP ÉLEVÉS

« Le nombre d’installés reste trop faible, mais ce n’est pas le seul frein », analyse Cassandre Bourgeois, conseillère agricole à la Cacima. « Nous pâtissons d’une double insularité, la plupart des agriculteurs étant installés à Miquelon, alors que le marché et le port principal se trouvent à Saint-Pierre. Cela rend l’importation des moyens de production comme les poussins ou les semences, très longue et coûteuse. »

Pour faire baisser ces coûts de production, plusieurs pistes sont évoquées dans le PDAD, comme la mise en place d’outils collectifs partagés entre les différents exploitants ou la création d’un système de fret pour les produits locaux entre Saint-Pierre et Miquelon.

Mais, une fois que les porteurs de projets motivés ont été identifiés, encore faut-il avoir des terres où les installer. Or, si une grande partie des terres de la plaine tourbeuse de Miquelon a été requalifiée en foncier agricole – une demande de la profession – celles-ci ne sont pas arables pour autant. Il faut encore restructurer les sols afin de pouvoir y planter une prairie ou des légumes, ce qui demande de l’investissement.

« C’est la Collectivité qui a la propriété de l’essentiel du foncier. La réhabilitation en terres agricoles relève donc de sa compétence. C’est une demande de la filière et un axe fort du prochain PDAD. Sans cela, on ne pourra pas étendre les exploitations existantes ni installer de nouvelles personnes », nous confirme Cassandre Bourgeois.

Exploitation Saveurs Fermières située dans la zone du Calvaire à Miquelon et créée en 2022 pour exercer ces activités : production de fromages et préparations fromagères, caprins, poulets de chair et accueil à la ferme. Le nouveau PDAD vise à limiter les contraintes qui se posent à la filière dans son développement, à travailler sur une économie d’échelle et à favoriser le développement agricole.
© Cacima

ANTICIPER LE DÉRÈGLEMENT CLIMATIQUE

Sur les dix objectifs que s’est fixé le PDAD, se trouve aussi la précision du statut d’agriculteur selon des critères répondant aux particularités locales. Ce statut, bien qu’existant dans les textes, ne fait pas l’objet de décret d’application, ce qui, concrètement, freine l’obtention de certaines aides comme des dotations à l’installation ou des subventions spécifiques aux agriculteurs exerçant à titre d’activité principale.

Pour assurer son développement, l’agriculture miquelonnaise doit également anticiper les défis de demain comme le dérèglement climatique. « Il n’existe pas de système assurantiel pour les exploitations et les cultures comme dans le reste du pays. Or, nous savons qu’avec le dérèglement climatique, nous serons de plus en plus confrontés à des vents exceptionnellement violents, tandis que la plaine de Miquelon est de plus en plus exposée aux inondations », analyse Cassandre Bourgeois.

Si la filière ovine a aujourd’hui disparu de l’archipel, deux élevages caprins perdurent à Miquelon. Historiquement positionné sur le secteur de la pêche industrielle, le territoire essaie ainsi de s’ouvrir à de nouvelles perspectives de développement en matière d’agriculture.
© Cacima

La concurrence – impossible à tenir – avec le Canada et les importations venues de l’Hexagone font aussi partie des préoccupations, notamment pour la culture de pomme de terre, produit très consommé pour lequel les Saint-Pierrais et Miquelonais ne font pas vraiment preuve de patriotisme économique. Le PDAD prévoit ainsi « d’accompagner la commercialisation des produits locaux », en menant un travail de sensibilisation auprès des habitants.

Malgré ces difficultés structurelles, la crise qui secoue l’agriculture hexagonale n’a pas de répercussions locales, essentiellement en raison des différences de normes et de contexte. « On a des problèmes, comme partout, notamment avec la gestion de l’abattoir qui est assez compliquée », rappelle Cassandre Bourgeois. « Mais le dialogue reste apaisé, facilité par le fait que ce soit un petit milieu », conclut-elle.

Rédaction : Enzo Dubesset
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