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IFRECOR

L’IFRECOR DÉVELOPPE LA CARTOGRAPHIE AU SERVICE DES GESTIONNAIRES DE MILIEUX MARINS

L’Initiative française pour les récifs coralliens (IFRECOR) s’est fixé pour objectif de créer des guides méthodologiques de cartographies thématiques – habitats, usages, pressions – sur les milieux récifaux, à l’intention des gestionnaires dans les territoires ultramarins.

Dans le cadre de son 5e programme national 20222026, l’IFRECOR articule ses actions autour de quatre grands axes stratégiques. Parmi eux, l’axe « connaître et comprendre pour mieux gérer » inclut le thème « classification et cartographie des habitats récifaux ». Il s’agit notamment de proposer aux gestionnaires et aux services de l’État des outils d’aide à la décision, parmi lesquels les cartes thématiques, qui représentent des types précis de données.

SIMPLIFIER LA COMPLEXITÉ DES MILIEUX

L’intérêt premier d’une carte est de représenter schématiquement, et en miniature, toute la complexité d’un territoire, pour faciliter sa compréhension et les prises de décisions. Les cartes d’habitat ou d’état de santé du milieu marin aident à caractériser l’écosystème étudié et, croisées avec des cartes des pressions et d’usages, à quantifier les impacts potentiels des activités humaines et les conflits d’usages s’y exerçant.

Améliorer, mobiliser et valoriser les connaissances sur la biodiversité est l’un des objectifs de PatriNat, centre national d’expertise et de données sur le patrimoine naturel. Depuis 2020, une nouvelle dynamique a été amorcée autour des typologies d’habitats marins dans les territoires d’outre-mer français. Elle provient d’une volonté d’améliorer les connaissances sur la biodiversité et notamment sur les habitats, à l’instar de ce qui a pu être réalisé pour l’Hexagone. De ce fait, l’IFRECOR œuvre depuis plusieurs années à la construction de typologies d’habitats marins et à la réalisation de cartes représentant ces habitats. Par exemple, la carte des habitats marins côtiers de Martinique (0 à -40 mètres) a été publiée en 2024, de même que la carte de l’ensemble des habitats marins côtiers – récifaux ou non – de La Réunion.

Le but recherché est de poursuivre l’élaboration de cartes d’habitats pour les collectivités d’outre-mer ne disposant pas de carte récente.

Prise de note en scaphandre autonome, dans le cadre de la réalisation de la carte des habitats marins côtiers de Martinique.
© MAREX

DES CARTES NORMALISÉES ET PARTAGÉES

La première phase de ce travail a consisté à publier un guide afin de proposer une méthode de production cartographique permettant aux acteurs des territoires de disposer d’outils communs et de cartes normalisées. S’il existe en effet de nombreuses manières de figurer spatialement un milieu naturel, notamment avec l’arrivée de l’intelligence artificielle, il est nécessaire de disposer d’une méthodologie robuste, éprouvée, et surtout partagée à l’échelle d’un territoire – et plus largement au niveau mondial – pour servir de support aux échanges entre les différents acteurs.

Les travaux de l’IFRECOR portent aujourd’hui sur le stockage des cartes au format SIG pour qu’elles puissent être partagées et réutilisées librement dans les territoires ultramarins, grâce au portail Sextant. Gérée par l’Ifremer, Sextant est une Infrastructure de données géographiques (IDG) marines et littorales conçu pour « documenter, diffuser et promouvoir un catalogue de données relevant du milieu marin ».

INTERVIEW CROISÉE

JEAN-BENOÎT NICET, EXPERT EN ENVIRONNEMENT MARIN, COFONDATEUR DU GIE MAREX, ET SÉBASTIEN GRÉAUX, DIRECTEUR DE L’AGENCE TERRITORIALE DE L’ENVIRONNEMENT (ATE) DE SAINT-BARTHÉLEMY

Jean-Benoît Nicet
Sébastien Gréaux
• La cartographie est-elle un outil efficace pour protéger nos territoires ?

Jean-Benoît Nicet - Je dirais même que c’est un outil indispensable ! On observe, en outre-mer, de plus en plus d’interactions en milieu marin. Il me semble difficile de se passer de cartes qui représentent les habitats, les usages – que sont la pêche, les loisirs ou le commerce – mais aussi les pressions issues des bassins versants, car c’est en croisant toutes ces informations que les décideurs pourront prendre les meilleures décisions possibles pour leurs territoires.

Sébastien Gréaux - De notre point de vue de gestionnaire de la Réserve naturelle de Saint-Barthélemy, nous avons besoin de l’outil cartographique dans notre travail au quotidien. Nous nous en servons par exemple pour suivre la progression de certaines espèces exotiques envahissantes, comme Halophila stipulacea, en concurrence avec nos herbiers natifs. Grâce aux cartes, nous pouvons aussi déterminer les zones à plus forts enjeux et imaginer des réglementations particulières pour y garantir une protection spécifique.

Aperçu de la carte des habitats de Saint-Barthélemy (EDS 2020) montrant les zones sédimentaires, mangroves, herbiers, etc
• Les cartes peuvent-elles prendre en compte les impacts du changement climatique ?

Jean-Benoît Nicet - Au-delà de la cartographie des habitats marins, l’IFRECOR va concevoir en 2025 un guide méthodologique qui facilitera la production de cartes dans le cadre d’études d’impact, pour de futurs projets d’aménagement en particulier.

Ces cartes croiseront plusieurs données : l’intensité de la pression sur le milieu marin et son étendue spatiale, les enjeux propres à l’écosystème tels que la sensibilité de l’habitat... L’impact du changement climatique pourrait être représenté sur ces cartes et servir à anticiper ses effets potentiels sur les territoires.

Sébastien Gréaux - Pour vous donner un exemple, après le passage du cyclone Irma en 2017, nous avons dû désensabler en urgence le port afin de permettre aux secours d’arriver. La Collectivité de Saint-Barthélemy nous a sollicités pour définir une zone où reverser le sable pompé. Grâce à la cartographie des habitats, nous avons pu rapidement déterminer l’endroit où l’impact serait moindre pour le milieu marin. Les cartes ont vraiment été un outil crucial à la suite de cet événement climatique.

CONCLUSIONS DE LA RÉUNION DU COMITÉ NATIONAL DE L’IFRECOR

La 16 e réunion du comité national de l’IFRECOR, qui élabore notamment le programme d’actions national et en assure le suivi, s’est tenue du 19 au 21 novembre 2024 au ministère des Outre-mer, à Paris. Ce comité a été l’occasion de faire un point d’étape à mi-parcours sur le 5 e programme national et de valider le premier bureau de l’IFRECOR composé de représentants de Nouvelle-Calédonie, de Polynésie française et de Saint-Barthélemy.

+ d’info ici : Guide pour les gestionnaires

Rédaction et interview : Lucie Labbouz
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