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Guyane

SÉCHERESSE EN GUYANE : QUEL AVENIR CLIMATIQUE ?

Baisse de la pluviométrie, hausse des températures, effacement du « petit été » de mars... Alors que la Guyane connaît une sécheresse historique, à quoi faut-il s’attendre dans les prochaines années, avec le dérèglement climatique ?

Jamais le niveau d’étiage des cours d’eau guyanais n’avait été si bas en saison sèche. La situation est si critique qu’il est presque impossible de relier les communes les plus en amont des fleuves en pirogue.

Le 29 octobre, la préfecture a même déclenché un plan Orsec Eau afin d’assurer, via un pont aérien, le ravitaillement des communes isolées, où les fleuves font normalement office de route, comme Maripasoula, Papaïchton, Grand-Santi ou Camopi.

Cette situation exceptionnelle est la conséquence de 18 mois de déficit hydrique – à l’exception de mai 2024 – et de températures anormalement hautes. Sur les 10 premiers mois de 2024, le cumul de pluie a été inférieur à la normale de 16 % et l’année 2024 a été la plus chaude jamais enregistrée depuis 1968.

Les températures de l’an dernier ont été de 0,2 ° C au-dessus de la moyenne de 2023, année qui avait déjà marqué un record de chaleur historique, selon les relevés de Météo-France.

à la fin de l’année 2024, le niveau historiquement bas du Maroni a placé les habitants des communes les plus en amont du fleuve dans une situation d’enclavement inédit, avec l’arrêt des approvisionnements par transport fluvial.
© Enzo Dubesset

LE RAPPORT GUYACLIMAT

L’intensité historique de cette sécheresse est avant tout liée au phénomène océanique El Niño, qui s’est terminé en août, mais dont les effets restent perceptibles. Toutefois, le dérèglement climatique agit en toile de fond en intensifiant, comme sur le reste de la planète, les épisodes extrêmes.

« Actuellement, on parle de phénomène extrême, mais ces sécheresses vont devenir de plus en plus normales à mesure que les conséquences du dérèglement climatique vont se faire sentir », confirme Jérémy Lepesqueur, météorologue spécialiste du climat des Antilles et de la Guyane.

À en croire les résultats de l’étude GuyaClimat, publiée en 2022, qui modélise les impacts locaux du changement climatique, la Guyane, à l’instar du reste du bassin amazonien, va connaître un « déplacement de la Zone de convergence intertropicale (ZCIT) au sud de l’équateur, lors du premier trimestre 2025 », ce qui se traduira par une « réduction des précipitations » alors même que cette période de l’année coïncide avec la saison des pluies. « Selon les scénarios, il faut s’attendre à une baisse de pluviométrie de l’ordre de 15 à 25% par rapport à la moyenne des années 1980-2014, ce qui est vraiment significatif », prédit le météorologue.

La variabilité des années, plus ou moins pluvieuses en fonction de l’influence d’El Niño ou de la Niña, va, elle aussi, s’atténuer, avec en conséquence une tendance globale à l’assèchement de la Guyane. Le « petit été » de mars qui, selon de nombreux agriculteurs guyanais, a déjà presque disparu, deviendra une forme de petite saison sèche.

Le transport en pirogue entravé par la sécheresse.
© Enzo Dubesset
Températures moyennes en Guyane de 1991 à 2020 (en bleu), puis en 2023 (jaune) et 2024 (rouge).
© Météo-France

UN RISQUE D’HYPERTHERMIE

Enfin, les températures minimales augmenteront en Guyane de 2,5 à 4,5 ° C à l’horizon 2100, en fonction des scénarios SSP2 (émissions de CO 2 contenues, scénario considéré comme le plus probable) ou SSP5 (hausse des émissions due à une dépendance aux combustibles fossiles) du GIEC. Un phénomène qui augmentera le nombre de « nuits chaudes », ces nuits où la température reste trop élevée pour permettre la bonne régulation du corps humain.

« La principale conséquence, c’est le risque de multiplication des cas d’hyperthermie, notamment pour les sportifs ou les personnes travaillant en extérieur. À terme, une adaptation des modes de vie devra s’opérer pour limiter les efforts physiques lors des heures les plus chaudes de la journée », analyse Jérémy Lepesqueur.

Aperçu, en saison sèche, de la bande littorale sans nuages (en noir) sous influence de la brise de mer.
© Météo-France

Outre les sécheresses qui demandent de repenser les transports, l’agriculture ou encore l’approvisionnement en eau potable de régions entières, le dérèglement climatique exposera également la Guyane à d’autres phénomènes extrêmes.

Parmi ces derniers, les pluies cinquantennales, qui désignent des pluies tropicales dont l’intensité est telle que leurs débits ont la probabilité d’être atteints en moyenne tous les 50 ans, risquent par exemple d’être plus sévères à l’avenir, avec un risque accru d’inondations.

Enfin, la montée globale du niveau de la mer – de 0,24 à 0,28 mètre d’ici 2050 – expose les côtes guyanaises, déjà très basses, et certaines agglomérations à l’érosion du littoral, au risque de submersions marines en cas de grandes marées.

Commune du Haut-Maroni isolée à l’ouest de la Guyane, comptant 11 000 habitants, Maripasoula a beaucoup souffert de la sécheresse historique de 2024. Depuis le quasi-arrêt du transport fluvial fin octobre, l’approvisionnement par avion des produits de première nécessité s’est avéré très onéreux. C’est pourquoi une dizaine de restaurateurs, un boulanger et un agriculteur de la commune se sont associés, fin novembre, pour regrouper leurs commandes de marchandises depuis Cayenne et ainsi bénéficier de prix plus avantageux.
© Enzo Dubesset
Rédaction : Enzo Dubesset
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