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Saint-Pierre-et-Miquelon

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SAINT-PIERRE-ET-MIQUELON

Robert Langlois, président de la Fédération territoriale des associations agréées pour la pêche et la protection du milieu aquatique de Saint-Pierre-et-Miquelon (FTPSPM), est l'auteur de cet article.

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LA GESTION DURABLE DES MILIEUX AQUATIQUES, UN PRÉALABLE ESSENTIEL À L’ÉLEVAGE DE POISSONS EN EAU DOUCE

À l’échelle mondiale, un poisson consommé sur deux est issu de l’élevage. Depuis 10 ans, dans les rivières, étangs et marais de l'archipel, la production piscicole fait l'objet d'actions pour repeupler les plans d'eau en préservant les milieux naturels. Robert langlois nous décrit avec passion cette aventure au long cours, au cœur de laquelle une espèce phare se fraye un chemin : l'omble de fontaine, ou truite mouchetée.

Dès 2009, passionné de pêche à la mouche et soucieux des nombreux témoignages qui faisaient état d’une diminution drastique du stock de notre poisson emblématique l’omble de fontaine, j’ai commencé un travail visant à récolter toutes les sources d’information possibles dans un dossier que j’ai nommé « Programme de gestion de l’omble de fontaine ». J’ai présenté ce dossier au président de la société de pêche sportive Saint-Pierre-Langlade qui, à son tour, l’a proposé au directeur de la DTAM (Direction des territoires, de l’alimentation et de la mer). Après quelques rencontres, notamment avec l’association des Joyeux pêcheurs de Miquelon, des crédits ont été débloqués et ont mené à la création du CPPMA (Comité pour la pêche et la protection des milieux aquatiques). En 2011, un chargé de mission et un technicien de rivière ont été recrutés et un plan de gestion piscicole mis en place sur une période de trois ans.

Par définition, la gestion piscicole, c’est l’organisation des actions menées par les associations de pêcheurs en faveur des ruisseaux, des rivières, des étangs et marais ou de tous les milieux aquatiques, ceux-ci constituant la priorité, juste avant les poissons et les pêcheurs. Dans le passé, c’est exactement l’inverse qui a été appliqué : les pêcheurs détenaient la priorité, les lâchers de poissons d’élevage étaient utilisés pour compenser les faiblesses de production des milieux aquatiques. On s’attaquait aux conséquences, jamais aux causes du mal. Ainsi, lentement mais inexorablement, certains milieux se sont dégradés. La décision a donc été prise de réagir avant l’agonie de ces milieux dégradés.

Le document qui en découlera fait le point sur les potentialités de chaque cours d’eau, étang ou marais et de chaque secteur analysé ou bassin versant (unité de gestion) pour définir des actions permettant d’améliorer et/ou valoriser la production piscicole. Il s’agit d’un véritable programme adapté à chaque type de rivière, ruisseau, étang ou marais. Le CPPMA a aussi joué un rôle d’éducation, de sensibilisation et d’information auprès des jeunes et des adultes, par diverses interventions dans les écoles et sur le terrain.

Le plan de gestion terminé, le chargé de mission ayant quitté l’archipel et les crédits ne suivant plus, s’est posée la question de l’avenir du CPPMA. Grâce aux démarches auprès de la FNPF (Fédération nationale de la pêche en France) initiées par Daniel Gerdeaux, alors président du CSTPN (Conseil scientifique territorial du patrimoine naturel), une délégation de la FNPF s’est rendue à Saint-Pierre-et-Miquelon en 2013 et, un an plus tard, le CPPMA s’affiliait à la fédération nationale pour devenir FTPSPM. Cela a permis la continuité des actions préconisées dans le plan de gestion piscicole.

Dans l’archipel, le Conseil territorial, présent depuis le début de l’aventure, est propriétaire des eaux douces, toutes de première catégorie, et en délègue la gestion aux deux AAPPMA (Associations agréées de pêche et de protection des milieux aquatiques) locales, que nous fédérons.

Principal cours d’eau de l’archipel, la Belle Rivière s’écoule sur l’île de Langlade (commune de Miquelon-Langlade).

© Robert Langlois

En 2018, FTPSPM obtient un financement de l’OFB dans le cadre de l’appel à projet « Initiatives pour la reconquête de la biodiversité dans les outre-mer ». Le but est de valider l’hypothèse d’une population relictuelle de saumon d’eau douce (land-locked, ouananiche au Québec) dans le bassin de la Belle Rivière, d’en estimer les effectifs et d’établir un plan de conservation de cette population. Affectée par les effets de la pandémie, cette étude n’a réellement démarré que cet été.

Par ailleurs, j’avais émis il y a trois ans l’idée de créer un bâtiment accueillant notre siège, mais aussi une maison de la pêche et de la nature abritant : un musée de la pêche, des aquariums vivants, une écloserie et une section d’éducation et sensibilisation. Le hasard faisant bien les choses, nous avions rencontré Fabrice Télétchéa, enseignant-chercheur à l’université de Lorraine, responsable pédagogique d’une licence professionnelle en « Aquaculture continentale et aquariologie ». Des membres de notre Fédération avaient entrepris une collaboration avec M. Télétchéa, aujourd’hui porteur du projet OmbleSPM, financé par la Fondation de France et le Conseil territorial. Voici un extrait du projet : «Les objectifs sont de synthétiser l’ensemble des connaissances acquises localement sur cette espèce, de les compléter par de nouveaux travaux de terrain, puis de les comparer aux données obtenues sur des populations d’omble extérieures à l’archipel. Ce premier travail permettra de mettre en place un plan de gestion adapté au territoire tout en y associant les pêcheurs locaux. Parallèlement, le second objectif majeur est de développer de nouvelles activités, incluant la conception d’une maison de la pêche et de la protection des milieux aquatiques, et l’écotourisme (pêche sportive à la journée). Le consortium associe une dizaine de partenaires locaux, métropolitains et nord-américains. À terme, ce projet devrait permettre de mieux connaître cette espèce, de gérer la pêche sportive, de développer l’écotourisme autour de celle-ci, et de renforcer les partenariats techniques et scientifiques entre les collègues français, canadiens et de l’archipel ». La première étape a débuté cette année, avec la venue de deux jeunes scientifiques, Erwan Durand et Edgard Gustave.

Dans la continuité, FTPSPM obtient, toujours avec l’appui de Fabrice Télétchéa, un contrat de subvention BEST 2.0+, avec l’UICN, pour environ 60 000 €, pour améliorer les connaissances et la conservation des seules populations indigènes et vierges d’ombles de fontaine d’Europe, ce poisson étant une espèce d’eau douce clé de la pêche locale à la ligne. En raison de son importance écologique et sociale, l’omble de fontaine pourrait servir d’espèce-cadre (Roberge et Per Angelstam, 2005) pour protéger un grand nombre d’espèces naturellement présentes, particulièrement sensibles aux changements mondiaux (Paukert et al., 2017). Les deux principaux objectifs appliqués sont de proposer certains travaux sur le terrain pour améliorer la connectivité écologique et restaurer les habitats de l’omble, tels que les frayères, et de développer une activité durable d’écotourisme centrée sur ce poisson.

En cours, FTPSPM prépare un dossier de restauration d’un milieu aquatique en un lieu hautement important pour l’archipel : l’étang de Mirande, coupé en deux par une route. L’enjeu est d’assurer la continuité écologique entre l’étang et l’océan, nécessaire à l’accomplissement du cycle de vie de l’omble de fontaine anadrome (remonte en eau douce pour pondre), et de l’anguille d’Amérique catadrome (descend en mer pour pondre) ; de réactiver la dynamique hydraulique de l’étang et d’améliorer ses capacités auto-épuratoires.

Parallèlement aux gros projets, FTPSPM continue ses missions d’amélioration et restauration des milieux aquatiques sur le terrain, ainsi que ses missions d’éducation et de sensibilisation, notamment avec la Maison de la Nature et de l’Environnement de la collectivité.

Un cours d’eau est déclaré de première catégorie quand son peuplement piscicole dominant est constitué de salmonidés (rivières à truites), car ces poissons très sensibles à la pollution de l’eau sont réputés être de bons bioindicateurs de la qualité de l’écosystème.

Rédaction : Robert Langlois

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