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Nouvelle-Calédonie
Un incendie survenu à Thio en 2019. @ Matthieu Juncker
UN ŒIL GRAND OUVERT SUR LES FEUX DE BROUSSE…
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Chaque année, la Nouvelle-Calédonie doit faire face à un véritable fléau : des incendies fréquents et intenses ravagent d’importantes étendues de milieux naturels. Mais le territoire dispose aujourd’hui de données fiables et homogènes pour détecter les feux, comprendre leur impact et renforcer la lutte contre ces « feux de brousse ».
Depuis plus de 10 ans, l’OEIL (Observatoire de l’environnement en Nouvelle-Calédonie) développe des outils de surveillance et d’acquisition de connaissances sur les incendies. Les données récoltées offrent un constat alarmant : les incendies touchent généralement de 10 000 à 50 000 hectares par an, l’équivalent d’une à cinq fois la surface de Paris !
Le phénomène est plus intense en saison sèche (1), et varie selon les années en fonction de l’état de la végétation et surtout du facteur humain : 99 % des incendies du « Caillou » sont d’origine humaine. Le dernier bilan publié par l’OEIL ne montre d’ailleurs aucune corrélation statistique entre les impacts de foudre et les départs de feux alors que la corrélation avec la proximité des axes routiers est par exemple bien visible. Agriculture, débroussaillage, chasse, conflits ou tout simplement actes d’irresponsabilité comme les jets de mégots : les causes des départs de feux sont connues. Avec des techniques mieux maîtrisées et une prise de conscience collective, la quasi-totalité des incendies pourrait être évitée.
(1) En 2018, 72 % des feux se sont déclarés du 15 septembre au 15 décembre. Cette période officielle de vigilance accrue est appelée « SAFF », saison administrative des feux de forêts.
Les feux de brousses sont aujourd’hui l’une des premières causes de destruction de la biodiversité en Nouvelle-Calédonie et touchent tous les milieux, avec des conséquences multiples : augmentation de l’érosion des sols et ses impacts sur l’eau et les écosytèmes marins, perte de biodiversité au profit d’espèces envahissantes plus compétitives, appauvrissement et réduction des forêts, émissions de gaz à effet de serre contribuant au dérèglement climatique, pollution atmosphérique...
DÉTECTER
Les données sur les incendies de Nouvelle-Calédonie sont issues de satellites des programmes spatiaux européens et américains. Depuis 2017, les satellites européens Sentinel détectent avec une grande précision les anomalies colorimétriques. Ces données permettent d’évaluer les surfaces brûlées et d’étudier l’impact environnemental des feux.
ALERTER
Via son site internet, l’OEIL a mis en place un service d’alerte informant dans les 10 minutes de la détection des feux importants. Depuis 2018, environ 5 000 alertes ont ainsi été lancées. La sécurité civile (DSCGR) a d’ailleurs intégré ce service à sa chaîne opérationnelle : en 2019, elle avait reçu 14 % des alertes au moyen de cet outil.
ANALYSER
L’OEIL recueille l’ensemble des données satellitaires sur des systèmes d’information géographique. Pour les initiés aux outils d’analyse cartographique, un portail en ligne a été créé : Vulvain Pro. Il propose plusieurs couches de données et permet de visualiser en temps réel les surfaces potentiellement impactées par des incendies depuis 2001. Depuis 2017, l’observatoire publie aussi tous les ans un rapport technique sur les pertes environnementales causées par les incendies. Le rapport de 2019 a été présenté à l’occasion d’une restitution publique le 22 juillet dernier et est accessible en ligne. En voici un extrait (p. 6) :
COMMUNIQUER
Face aux feux de brousse, l’observatoire ne se contente pas d’ouvrir l’œil : il fait entendre sa voix ! Informer, sensibiliser, éduquer sont les meilleures armes pour lutter contre les incendies. En ce mois de septembre, l’OEIL inaugure sa toute nouvelle plateforme en ligne grand public : Vulcain. Ce tableau de bord très visuel permet de se documenter en direct sur les incendies et les chiffres clés associés. De nombreux supports vulgarisés sont par ailleurs disponibles sur le site de l’OEIL, notamment des brochures présentant les conclusions des rapports techniques. La brochure de 2019 devrait être publiée d’ici le mois d’octobre.
+ d’info ici : https://www.oeil.nc/
Rédaction : Romy Loublier
PUBLI-COMMUNIQUÉ
PROJET CLIPSSA : DES DONNÉES INÉDITES SUR LE CLIMAT FUTUR DU PACIFIQUE, POUR Y FACILITER L’ADAPTATION AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
Porté par l’Agence française de développement (AFD), l'IRD et Météo-France, le Projet CLIPSSA débute en septembre 2021. Il va permettre de produire des simulations climatiques à très haute résolution dans l’outre-mer du Pacifique et au Vanuatu, en collectant par ailleurs les savoirs écologiques locaux. L’objectif : favoriser une meilleure résilience de ces territoires insulaires face aux phénomènes extrêmes.
Les États et territoires insulaires du Pacifique sont aux avant-postes du changement climatique en cours. Aujourd’hui, leurs populations sont d’ores et déjà confrontées à des événements climatiques et hydrologiques de grande ampleur et dont la fréquence augmente : cyclones, montée du niveau marin, acidification de l’océan, renforcement des périodes de sécheresse, vagues de chaleur marine et atmosphérique ayant un fort impact sur le blanchissement des coraux... Les modèles climatiques montrent que la température du Pacifique va continuer d’augmenter, de 1 à 2 °C d’ici 2100 dans les scénarios optimistes d’émission de gaz à effet de serre et de 2 à 4 °C dans les scénarios pessimistes.
Dans ce contexte de menaces climatiques grandissantes, des stratégies d’actions, ou Plans nationaux d’adaptation (PNA), ont été élaborées dans de nombreuses régions du monde afin d’améliorer la résilience des sociétés au changement climatique. Mais ce n’est pas le cas dans tous les territoires français du Pacifique et le plan du Vanuatu nécessite une mise à jour. Le projet CLIPSSA – « climat du Pacifique, savoirs locaux et stratégies d’adaptation » – propose de combler ces lacunes, en produisant notamment un ensemble de données et de mesures sur le climat futur de ces territoires.
Pour créer les futurs plans d’adaptation, il est nécessaire de connaître en amont l’évolution du climat de manière suffisamment précise. Or dans les îles du Pacifique, les grands aléas climatiques à venir tels que les températures, les précipitations moyennes et les cyclones ne sont pas bien connus. En effet, les simulations climatiques actuellement disponibles pour le Pacifique ont été conçues à grande échelle – 100 kilomètres – et ne s’avèrent pas pertinentes à l’échelle des îles, qu’elles ne couvrent pas (voir le schéma p.39) : ces modèles existants considèrent par exemple la Polynésie française comme l’océan.
Le projet CLIPSSA vise ainsi en premier lieu à développer dans la région de nouvelles données du climat d’ici 2100, grâce à des projections climatiques à haute résolution, à maille fine de 2,5 kilomètres. La zone d’étude du projet couvre les trois territoires de l’outre-mer français du Pacifique Sud – Polynésie française, Nouvelle-Calédonie et Wallis-et-Futuna – ainsi que le Vanuatu.
, considère Caroline Edant, chargée de mission régionale biodiversité et climat, à la direction régionale océan Pacifique de l’AFD.
Dans ces archipels qui diffèrent par leur géomorphologie, leur histoire et leur développement économique, des « cultures du risque » se sont construites au cours du temps. Chaque société insulaire a appris à faire face aux événements climatiques et socio-environnementaux, en s’appuyant sur des savoirs, normes et valeurs propres. C’est pourquoi le projet CLIPSSA, au-delà de son volet scientifique, comportera une analyse des ressentis et du vécu des populations face à ces impacts, ainsi que de l’évolution des savoirs locaux utiles pour faire face aux événements extrêmes.
Ces savoirs et savoir-faire mobilisés pour s’adapter au changement climatique peuvent concerner par exemple les domaines de l’horticulture, de la pêche ou de l’habitat. Les futurs plans d’adaptation des territoires gagneront beaucoup à tenir compte des représentations et pratiques des communautés locales. Cela est essentiel pour assurer une meilleure appropriation collective de ces plans qui viseront à renforcer la résilience des communautés face au changement climatique.
Mieux connaître le climat futur des territoires et s’appuyer sur le socle indispendable des connaissances traditionnelles locales sont les deux clés du projet CLIPSSA, pour nourrir les stratégies locales d’ajustement au changement climatique. La démarche et les résultats de CLIPSSA, qui est actuellement en phase de lancement, se veulent un jalon pour les simulations climatiques et la construction de modèles d’impacts liés au climat dans l’ensemble de la région Pacifique.
CLIPSSA, LE PARTENARIAT ENGAGÉ
Impliquant des chercheurs des sciences du climat et des sciences sociales, le projet pluridisciplinaire CLIPSSA vise à susciter un dialogue nourri avec les autorités compétentes et la société civile des pays et territoires.
Il est aligné avec les cadres existants : la politique du Vanuatu en matière de changement climatique et de réduction des risques et des catastrophes 2016-2030 ; le plan national de développement durable 2016-2030 du Vanuatu ; la stratégie d’adaptation au changement climatique de Wallis-et-Futuna ; ainsi que les politiques climat de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française.
Un comité de pilotage composé de représentants du gouvernement du Vanuatu, de la Polynésie française, de la Nouvelle-Calédonie, de Wallis-et-Futuna et enfin du Programme régional océanien de l’environnement (PROE) accompagnera le projet.
+ d’info ici : https://www.afd.fr/