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Saint-Martin
Julien Chalifour, responsable du pôle scientifique de la Réserve de Saint-Martin, participe aux suivis des espèces marines et aux contrôles des usagers des sites naturels. © Mariane Aimar
RECONSTRUIRE ET PRÉSERVER LA BIODIVERSITÉ, UN ENJEU MAJEUR
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Après l'ouragan Irma de 2017, l’île de Saint-Martin a entamé une importante reconstruction de ses infrastructures littorales. Pour préserver les sites de ponte des tortues marines, la Réserve naturelle de l’île s’est largement impliquée pour concilier ces aménagements côtiers aux besoins des espèces présentes.
Si l’île franco-hollandaise de Saint-Martin est réputée pour son caractère festif et son tourisme de masse, elle fait également partie des hotspots de la biodiversité marine. Ses eaux abritent de nombreuses espèces aquatiques et accueillent une plus grande population de tortues marines que de nombreuses autres îles de la Caraïbe. À cela, deux raisons principales : les pratiques de pêche y sont différentes et contrairement à la Guadeloupe et à la Martinique, l’usage des nasses et filets y est très peu développé. Or ces deux types d’engins de pêche sont tristement réputés pour les captures accidentelles qu’ils occasionnent sur les tortues marines. « À Saint-Martin, nous avons très peu de pêcheurs et ils pêchent essentiellement des poissons pélagiques, au large », indique Julien Chalifour, responsable du pôle scientifique de la Réserve naturelle de Saint-Martin. Par ailleurs, l’île abrite de vastes herbiers sous-marins encore en bonne santé, qui sont le lieu principal d’alimentation des tortues marines. Ainsi, les lagons accueillent de nombreuses tortues et, rien que sur la partie française, plus de 250 traces de pontes sont recensées chaque année.
En raison de sa violence, le cyclone Irma, l’un des plus intenses jamais enregistrés dans la Caraïbe, a rebattu les cartes du territoire saint-martinois. Les constructions du bord de mer, fréquentes sur cette île où les règles d’urbanisme sont peu respectées, ont été balayées par la houle cyclonique et des vents à plus de 300 km/h. Pour Julien Chalifour « cette situation aurait pu servir de base à un réaménagement du territoire plus adapté aux événements climatiques extrêmes et permettant une meilleure préservation et mise en valeur des littoraux de l’île, qui représentent le principal attrait de la partie française ». Si la Réserve naturelle s’est investie pour sensibiliser en ce sens, la population a rejeté massivement le Plan de prévention des risques naturels établi par les services de l’État après le cyclone.
Sous la pression de l’État, certains promoteurs ont réagi et, en collaboration avec la Réserve, ont consenti à prendre en compte les impacts de leurs chantiers de construction de résidences sur le littoral. « Avec la société GTM, nous avons mis en place un programme de comptage des traces des tortues marines tous les matins avant le démarrage du chantier, ainsi qu’une sensibilisation du personnel », se félicite Aude Berger, chef du projet Agir pour les tortues marines à Saint-Martin financé par l’OFB et la DEAL Guadeloupe. Et l’intérêt de cette démarche va bien au-delà du simple respect des lieux de vie des tortues. En effet, le cyclone ayant considérablement réduit la surface de la bande sableuse en bord de mer, les promoteurs ont cherché à tout prix à préserver leurs nouvelles constructions en érigeant des murs et des digues au détriment du couvert végétal naturel. Or, la végétation naturelle joue un rôle majeur dans la lutte contre l’érosion littorale et d’atténuation des épisodes destructeurs de fortes houles. Préserver les sites de pontes en replantant des espèces végétales locales permet donc de protéger aussi la bande sableuse et les constructions d’arrière-plage.
L’ACCÈS À L’ÎLET TINTAMARRE MIEUX ENCADRÉ
Ce petit îlet paradisiaque et inhabité est un haut lieu de pontes des tortues marines, où le « turtle watching » est très prisé par les excursionnistes. Classé en Réserve naturelle nationale, cet espace a donc été aménagé et le camping, très pratiqué ici, encadré. Les campeurs doivent prévenir la Réserve, s’engager à respecter les espaces prévus pour les barbecues et déposer un chèque de caution. «Avec cette caution, qui n’est restituée que si le site est laissé propre, nous avons un moyen pour responsabiliser les usagers. Ce système est aujourd’hui bien entré dans les mœurs», indique Aude Berger. Grâce à ce travail quotidien des agents de la Réserve, tourisme et préservation de la biodiversité marine sont désormais conciliables. Un difficile équilibre qui mérite une attention constante, mais qui ouvre la voie à un développement économique plus respectueux.
Rédaction : Mariane Aimar