art contemporain - languedoc roussillon - juin juillet aoĂťt septembre 2012 - numĂŠro 29
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# 29
Laurent Goumarre. This is my Life. 8 juin - 21 juillet, Galerie Vasistas, Montpellier.
le présent sans The Kooples - Corinne Rondeau pablo garcia - hétérotopie la norme et la surprise - Julien Mijangos perfect life - Fiorenza Menini michel françois - Pièces à conviction felice varini - horizontale, verticale, 2012 les cousines - Hippolyte Hentgen & Jean-Luc Verna twin paradox - Mathilde Monnier la dramatique vie de marie r. - Marie Reverdy silhouette - Dominique Rochet a-chroniques - Benoist Bouvot i’m back - Laurent Goumarre addenda
offshore est édité par BMédiation 39 avenue Bouisson Bertrand 34090 Montpellier directeur de publication : Emmanuel Berard rédacteur en chef : Jean-Paul Guarino ISSN 1639-6855 dépôt légal : à parution impression : Atelier 6. St Clément de Rivière contacts : offshore@wanadoo.fr tél. : 04 67 52 47 37
photo couverture de Fiorenza Menini © offshore 2012 www.fiorenza-menini.com ont collaboré à ce numéro : Benoist Bouvot, Laurent Goumarre, Julien Mijangos, Marie Reverdy, Dominique Rochet, Corinne Rondeau crédits photographiques : Marc Coudrais, Michel François, Pablo Garcia, Laurent Goumarre, Fiorenza Menini, Julien Mijangos, Christian Perez, Jean-Paul Planchon, Dominique Rochet, Michaël Viala
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le présent sans The Kooples corinne rondeau
Si je n'avais qu'une vie, elle serait sans intention. Et comme je n'en ai qu'une, il va falloir assumer une contradiction : être sans intention mais pas sans conviction. La conviction est aussi ce qui donne aux joues le feu de la colère face au constat navrant d'un monde où nombre de politiques culturelles et institutions n'arrivent plus à prendre le risque nécessaire de défendre l'inconnu ou freiner le dominant. Le présent reste une attitude de contrastes sans-arrières pensées. On appelle ça se jeter à l'eau… à poil ou habillé, pour trouver le présent dans l'art. Oui il y a de la colère à entendre ou à lire les discours bien huilés des bons credo sur le temps, alors même que la pensée est à son degré zéro en se drapant d'une commémoration servile aux temps passés. C'est ainsi qu'on se pose la question vieille de plus de deux cents ans : qu'est-ce que notre présent ? En remettant en perspective ce cher Foucault via les Lumières, en raclant le fond des pots de l'éternel et du transitoire de ce cher Baudelaire 1, l'horizon s'est abaissé et le plongeon devenu sans risque. Le bon vieux poète a inventé les hommes en redingote noire métamorphosés en marque publicitaire de la modernité. Il n'avait pas pensé que la mode échangerait sa poétique contre le dernier chic branché de chez The Kooples. Il a trouvé l'image de son siècle quand nous avons la coupe de cheveux à la seventies de Frédéric Beigbeder. Comment s'étonner du transitoire quand tout l'est aujourd'hui comme L'amour dure 3 ans ? Baudelaire avait trouvé une poétique de l'homme moderne dans une masse, une mode et une couleur. Comment trouver notre masse, notre couleur, notre mode ? Les temps qui courent sont aux losers, non aux héros même quand ils s'appellent le peuple. Baudelaire est derrière nous et c'est notre salut ! Ce qui est devant nous, à part l'affiche publicitaire et le communiqué de presse qui passent pour les valeurs dominantes de la culture, est un monde sans héroïsme. Le cynisme ambiant en est le symptôme le plus patent. Le cynique hait le présent parce que rien ne doit faire de l'ombre à son actualité. Malgré sa verve critique pop, sa haine n'est que la face cachée d'un Dark Vador que la mélancolie immodérée de ses 15 ans fait encore frissonner à l'écoute de Patrick Hernandez ou Michel Legrand. Les losers sont partout autour de la scène et toujours le même monde dessus. Non que la scène soit trop petite mais réservée. Les losers sont nombre, invisibles et du retrait. Ils sont dispersés. Ils sont littéralement idiots : jamais ils ne dépassent ce qui leur arrive. On a beau les chercher sans jamais les trouver parce qu'ils sont là, sous le nez. Que faire de ce qui arrive ? est la question du présent et des losers qui n'attendent pas la consécration : ils avancent. Et à poil ou habillé, même en The Kooples, ils n'ont pas peur de la tasse. Avouons l'ambition : ce que cherche ceux qui n'ont pas froid aux yeux, c'est toujours un homme qui s'invente lui-même. Nous ne sommes pas héroïques, – OK ! Nous avons trop de mots, – OK ! Nous avons trop usé des belles ritournelles commençant par post- ou altern- ou finissant par -isme, – OK ! Les losers cherchent le mot qui ne vient pas mais leur indécision frappe tout de suite l'oreille comme un choix, quand on n'est pas devenu sourd ou feindre de l'être. Ils ne sont pas des héros, mais ne sont pas vaincus. Nul désert n'a jamais retenti d'autant d'hommes qui (se) cherchent. Les héros, enfin ce qui en reste, courent toujours après des ombres, les losers après un rêve 2. Les premiers ont le délire de faire communauté, les seconds la force d'inventer des histoires, de réécrire des passions avec la naïveté ou l'inconscience que suppose toute aventure. Et cela suppose de chercher encore. Ils cherchent quelque chose d'autre, dans les milliers d'images qui passent chaque jour. Ils cherchent quelque chose d'autre que les théories flottant dans l'air du temps, vite chassées par une nouvelle bourrasque. Ils cherchent à exprimer, sans effets d’éloquence et dans le silence, ce qui les réunit à un monde qui n'aurait pas perdu son -n. Les losers, nos artistes au présent, cherchent à inventer le voyage que nous
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On se reportera au texte de Michel Foucault Qu'est-ce que les Lumières ? de 1984, qui était les mêmes titre et question du texte de Kant en 1784. L'enjeu des deux philosophes porte sur le présent. « En me référant au texte de Kant, je me demande si on ne peut pas envisager la modernité plutôt comme une attitude que comme une période de l'histoire. Par attitude, je veux dire un mode de relation à l'égard de l'actualité ; un choix volontaire qui est fait par certains ; enfin, une manière de penser et de sentir, une manière aussi d'agir et de se conduire qui, tout à la fois, marque une appartenance et se présente comme une tâche. » Dits et écrits, Tome 2, p.1387. Cette attitude convoquera la modernité de Baudelaire définie selon ses termes dans Le peintre de la vie moderne comme « le transitoire, le fugitif, le contingent ». Si l'enjeu de la modernité est l'attitude qui consiste à « héroïser » le présent, le monde actuel a remplacé le moment « héroïque » du présent par la mode. Présent dont l'un des buts pour Foucault est de relancer « le travail indéfini de la liberté » (p.1393). Par ailleurs, depuis vingt ou trente ans ces deux références alimentent des discours qui évitent soigneusement son épine dorsale : faire une « critique de ce que nous disons, pensons et faisons ».
2 Ce rêve n'est pas doux. Il est la matière d'une fiction qui invente une réalité de plus au monde. Cette réalité c'est le présent lui-même. S'il ne peut avoir lieu dans la société et le corps politique, il peut se produire, comme Baudelaire l'avait envisagé, dans l'art.
ne ferons jamais car le monde manque de courage. Pourtant, ce serait dommage de rater l'embarquement pour Cythère et de méconnaître d'autres illusions que celles éphémères des amoureux des modes qui défilent. « L'illusion nous prévient que rien n'existe mais que tout est possible. » 3
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Fiorenza Menini est une artiste de notre présent. Ses images n'ont pas d'autre fin qu'elles-mêmes, elles font avec ce qui arrive, et permettent d'affirmer cette indéfinie liberté qui nous fait penser et sentir.
Fiorenza Menini. Sans titre (Extrait des Carnets américains), 2012. Corinne Rondeau est Maître de conférences Esthétique et Sciences de l’art à l’Université de Nîmes, critique d’art, collaboratrice à La Dispute sur France Culture
pablo garcia hétérotopie
Hétérotopie, 2011. Réalisé avec le soutien de la Région Languedoc-Roussillon et de la Direction Régionale des Affaires Culturelles. Photos J.-P. Planchon, MRAC Sérignan
Le dispositif d’aide individuelle à la création dans le domaine des arts plastiques et visuels, mis en place par la Région Languedoc-Roussillon, s’inscrit dans une démarche volontaire d'accompagnement des artistes. Il a pour but de soutenir la création contemporaine dans sa diversité, de permettre aux artistes de la région d’exercer dans les meilleures conditions leur activité sur le territoire et de favoriser l’implantation de nouveaux créateurs en Languedoc-Roussillon. Informations sur www.laregion-culture.fr
alain badiou, de quoi sarkozy est-il le nom ? — alain badiou, l’hypothèse communiste — alain badiou, le siècle — alain badiou, l’être et l’événement — alain badiou, petit manuel d’inesthétique — alain badiou / slavoj zizek, l’idée du communisme — alain declercq, alain declercq — albert camus, les justes — annie lacroix-riz, l’histoire contemporaine sous influence — art spigelman, maus — bakounine, dieu et l’état — bernard stiegler, passer à l’acte — bernard stiegler, aimer, s’aimer, nous aimer — bernard stiegler, réenchanter le monde — bertold brecht, journal de travail — bertrand tillier, la commmune de paris, révolution sans images ? — luc boltanski / laurent thévenot, de la justification — christian salmon, storytelling — claire moulène, art contemporain et lien social — claude lévi-strauss, race et histoire — collectif, quand les artistes font école t.1 — collectif, quand les artistes font école t.2 — collectif, le bal - l’image document entre réalité fiction — collectif, textes des prisonniers de la RAF — collectif, démocratie, dans quel état ? 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— olivia rosenthal, on n’est pas là pour disparaître — olivia rosenthal, les sept voies de la désobéissance — olivier razac, histoire du politique du barbelé — paul ardennne, un art contextuel — paul célan, choix de poèmes — philippe lacoue-labarthe / jean-luc nancy, le mythe nazi — pier paolo pasolini, écrits corsaires — pierre bourdieu, sur la télévision — pierre joseph proudhon, liberté partout et toujours — pierre joseph proudhon, du principe de l’art et de sa destination sociale — pierre kropotkine, la commune — pierre kropotkine, l’esprit de révolte — pierre kropotkine, l’entraide — pierre michon, les onze — pierre michon, vies minuscules — pierre vidal naquet, les assassins de la mémoire — primo levi, si c’est un homme — pierre joseph proudhon / bakounine / pierre kropotkine, la révolution libertaire — rainer maria rilke, le livre de la pauvreté et de la mort — ralph ellison, homme invisible pour qui chantes-tu ? — ray bradbury, fahrenheit 451 — robert antelm, l’espèce humaine — robert mcliam wilson, les dépossédés — simone veil, la pesanteur et la grâce — simone veil, la condition ouvrière — sous commandant marcos, ya basta ! t.2 — tardi / vautrin, le cri du peuple 1 — tardi / vautrin, le cri du peuple 2 — tardi / vautrin, le cri du peuple 3 — tardi / vautrin, le cri du peuple 4 — tardi / verneya, putain de guerre 1 — tardi / verneya, putain de guerre 2 — thierry paquot, utopies et utopistes — thierry paquot / marc bédarida, habiter l’utopie — varlam chalamov, récits de la kolyma — victor klemperer, lti, la langue du troisieme reich — violette maurice, nacht und nebel — vitttorio foa / miriam mafai / alfredo reichlin, le silence des communistes — voltairine de cleyre, de l’action directe — william t. vollmann, pourquoi êtes-vous pauvres ? — yankel fijalkow, sociologie de la ville
la norme et la surprise julien mijangos On se paume en forêt et à la longue on s'y retrouve comme chez soi. Chez moi ce n'est pas chez vous. Pour qu'on se rencontre il faut un temps d'adaptation. L'art public c'est une contorsion des uns et des autres. Quand ce qu'on voit est simple, c'est peut-être qu'on s'est alambiqué soi-même ! Et tout s'arrange mais souvent de manière partagée : parfois un peu trop vite, parfois pas assez. Les photos ? Elles m'arrangent encore mieux, ou encore moins bien ! Voir Michael Viala par exemple. En voilà un plutôt du genre concentré à la tâche. Il est à ce qu'il fait, tout le monde le dit et lui aussi. Il trimballe une espèce de veille, une présence soutenue. Un veilleur ! Bref, à raconter c'est facile : par terre, ses bandes de bois fin sont assemblées en cercles, courbées, posées sur la tranche, et peintes à l'extérieur du rouge des italiens. Trois cercles dans la grande et haute salle, un à l'étage d'au-dessus. Tous hauts comme une marche, 17 cm. C'est la largeur qui varie : comme trois tailles d'estrade dans la grande salle, au-dessus comme une large piste ou un manège. Ce dernier est difficile à contourner autrement qu'en rasant les murs. Il rabat hors d'une scène pleine et ronde toute la périphérie, faite de décaissés, décrochements, cachettes. Il pousse les murs comme on dit. Alors bien sûr on enjambe le cercle : on franchit un deuxième seuil dans cette salle, celui de son centre élargi. Les trois d'au-dessous partagent la place, entretenant entre eux l'écart magnétique de leurs importances respectives. Comment, quoi : dans la grande salle, chaque circonférence de cercle est faite telle qu'égale à la hauteur puis la longueur puis la largeur de la grande salle, d'ailleurs presque aussi large que haute (autour des 7,5 mètres). Le plus grand cercle correspond à la longueur. Toutes dimensions ramenées en boucles au plan et à l'aire, c'est-à-dire sans plus d'extrémités ni de bouts. Au-dessus c'est l'addition : la circonférence du grand manège = longueur + largeur + hauteur de cette salle-ci, étendue et assez basse, une grande galette rectangulaire. Cette façon de faire, au ras du sol, report méthodique, qu'attend-on de cela ? Les données de fabrication n'expliquent rien mais en tout cas elles indiquent ! Presque comme un nom de place, une adresse, comment on y va, d'où nous sommes. Par ailleurs observez que, des ronds dans un plan d'eau, on se déplace pour ça, on peut en avoir le projet. Quand on y est, l'attention se mobilise comme rarement. On guette, on jette et on guette. On peut apporter des cailloux mais pas emporter les ronds. Ils restent à l'adresse des pierres ! Michaël Viala ne déploie pas un art programmatique valable en tous lieux et temps, il cultive simplement les raisons de ses formes, préférant de grands gestes rapides et légers comme ici. Ma note d'intention sur cette exposition ne laissait pas vraiment présager de ce qu'on allait y faire, j'ai titré « La norme et la surprise » au plus sûr de ce que je pouvais anticiper. A deux doigts du poncif, sans l'atteindre j'espère. Là-dedans une lecture accessible se retourne en amorce. Il s'agit d'expliquer qu'on ne sait pas mais qu'on est sûrs de nous. En outre, dans l'attente de voir, ce titre permettra de laisser voir les choses telles qu'elles seront ! A présent je sais que la plupart de nos travaux formulent des formes évidées, plus ou moins transparentes à l'espace d'exposition. Laisser voir le fond tourne toujours l'objet dans l'action, et le quoi glisse dans le comment. Romain Boulay est lui aussi arrivé avec un projet, établi à partir du week-end de visite préliminaire, invitation judicieuse de Guillaume Sonnet. Il est ainsi revenu le premier jour du montage en même temps que sa commande de bois. Pour lui le moment du montage est le plus dense du point de vue de la tournure. Plutôt que de finir un objet il y cherche à définir ses gestes. Le reste du temps il donne autrement forme à sa nature, lire, découvrir des artistes, toutes questions alimentaires qu'il traite. Un projet ce n'est pas une tournure, c'est
une image dont il s'acquitte toujours avec intérêt et profit, mais ce coup-là, en Lozère, le bois sitôt arrivé est devenu ou redevenu 215 mètres linéaires en linteaux, comme une limite supérieure. Pour le nantais un tel paquet de bois au pied d'une tour est en soi un assez beau projet. Tout bon projet est au moins en partie un fait accompli ! Et donc n'en est pas un, pour sa meilleure part ! Quant à la limite inférieure ? La tour, notre espace d'exposition ! Il l'excède, vous allez voir. Des murs épais mais abondamment ouverts. On y monte par une passerelle extérieure et c'est là qu'il a choisi d'appuyer des cadres de 4x5m. C'est encore la taille de grands tableaux et ça rejoint aussi bien les dimensions architecturales. Les formes fermées des cadres cassent une part de leur autonomie : elles traversent et reposent les unes sur les autres, contre le sol, la passerelle, le mur. Les parties portées-appuyées-posées ne sont stables et solides que dans l'ensemble, lui qui multiplie les appuis et épouse, quitte à plier le bois qui se tord. L'ensemble délaisse l'accrochage pour créer l'accroche, faire tenir, faire passer, jouer des écarts comme un rythme serait dû à la taille. Une construction spatiale géante, mais à fleur de geste. Oui j'aime la batterie, Art Blakey, Max Roach ! Proportionnellement, un linteau ressemble à une allumette. C'est la dimension que prend le dernier cadre, jeté dans la montagne en vis-à-vis et visible depuis les plus grandes fenêtres de la tour. A contrario la vue embrasse difficilement les deux cadres qui furent insérés dans la tour, au prix de quelques efforts. En effet, une fois dans la place, il fallut choisir leur posture, où toucher les murs, la passerelle et l'escalier métalliques, et donc manipuler, soulever, manœuvrer, redresser, tenir, défaire et tourner. Au départ les cadres se trouvent réellement trop grands pour l'espace d'accueil. Ce facteur engendre des contraintes dont le déroulement fut observable, suscitant des choix simples. Au final, on aboutit à une pièce qui travaille audessus de nos têtes, en hauteur. Les deux cadres insérés sont au plus grand, d'autant qu'une de leurs diagonales augmente avec la torsion des angles. Ces deux grandes formes qui se côtoient au milieu du volume disponible, nos yeux arrivent à leur hauteur à mesure que l'on monte d'un étage. Orientant et dessinant nettement des lignes et des pentes, suspendues puis soulevées, difficile de ne pas voir le col ! On remarque alors que la tour, archétype n'est-ce pas d'une certaine verticalité, laisse se déployer l'horizontalité des manières de faire et des vues. Ses étages répètent son plan le long d'autant d'horizons successifs, et il est difficile, de jour, d'oublier le vis-à-vis des montagnes. Dans une tour, la vue et la pensée sont horizontales ! Pardonnez-moi de ne traiter de ma contribution que de l'intérieur. Et de me montrer intarissable. Le programme, le projet, l'intention, les « tiens on pourrait faire ceci ou cela » : une
Romain Boulay Sans titre, 2012. 8 cadres 4 x 5 m chaque Julien Mijangos Forme déduite autour d'un axe, 2012 / Cinq boîtes « on », 2006 / Croisement, 2012. 11,10 x 7,65 m. Michaël Viala Module 69, 2012. Contreplaqué, acrylique, circonférence 9,7 m. / Module 70, 2012. Circonférence 7 m. / Module 71, 2012. Circonférence 7,17 m. / Module 72, 2012. Circonférence 21,4 m.
faim de loup ! La dalle du Gévaudan ! Tu ouvres un manoir, un espace, une galerie ? Une cabine téléphonique ? Quelle poussée ! Plus posément, un principe d'intervention représente une prise physique que j'aime voir s'exercer. De l'adaptation appuyée. Quand je l'observe ça m'encourage. Un principe d'intervention, la promesse d'un moyen d'accès. Nous assistions au réveil progressif d'une grande et belle tour, le parc qui va entrer en saison, un climat rafraîchi, par conséquent du feu, sorties entrecoupées de café. Tous les trois chez Guillaume on s'est un peu attendu. On disait des « ce serait bien » : de faire simple, d'être tous présents à chaque étage, vu les inégalités de taille, de lumière etc. En fait chacun a posé une façon d'envisager le montage : une action choisie pour la place et dotée d'une marge de manœuvre pour l'un, pour l'autre une marge de manœuvre et d'expérimentation qui ne laisse pas voir à l'avance la teneur précise de l'action, pour moi trois objets. « Installations », je trouve ce terme trop fondu dans le décor – pardon si je me trompe. A l'accueil, cette seule et même salle en partie voûtée en partie poutrée (chaque partie étant une surprise pour l'autre), j'ai mis une « porte à tambour », c'est-à-dire une « forme déduite autour d'un axe ». C'est une intervention à principe : l'axe touche deux parois, sol, plafond ou autre. Puis tailler la forme de la porte qui peut tourner autour de l'axe sans heurter les murs, plafonds, sols, limites. Toute coupe opérée dans la porte découle de la place de l'axe, proximité des murs, orientation, inclinaison. Cette forme de porte j'en découpe trois, et je les dispose en hélice autour de l'axe de rotation. Ça tourne, on la pousse à la main et on passe, la visite observe et recoupe la facture. Aussi cela partage la lumière. Cela peut plaire à la vue mais j'insiste pour qu'on passe dedans. J'ai de vieilles références, sans connivence ni déférence. Je viens d'en faire une autre à Bruxelles et suis heureux de constater que le pli est pris : les « formes déduites » rejoignent la petite troupe de mes principes d'intervention, tous ces « objets bien distincts qui ne sont pourtant rien en eux-mêmes ». Le lieu d'accueil apporte le tambour, je fournis les portes. La forme de la porte reprend les reliefs de la voûte bosselée. Un geste géométrique ne va pas à l'encontre des formes organiques qui nous englobent. Formations plus ou moins secrètes ou protégées du passé pour architecte spéléologue. Cavités des monuments anciens. Quand tu agis là-dedans tout geste est géométrique. Je détermine l'axe mais la forme et l'envergure de l'ensemble sont souvent surprenants. Dans le grand espace j'ai disposé une série de cinq boîtes de même hauteur mais dont la proportion du couvercle change. Couvercles appuyés au mur : boîtes « on ». Fermées : « off ». Chaque boîte avance dans la pièce selon l'importance de son couvercle. Plutôt que de m'étaler j'ai préféré rester dense. Ce sera dans le texte comme dans l'expo. Comme « avancer dans l'espace à partir de ses limites » est l'alternateur de toutes mes interventions et outils associés, j'espère tenir tête au moins par métonymie aux deux camarades qui partagent cette exposition avec moi, et à qui il ne faut pas en raconter. Là-haut, avec le grand manège central de Michaël Viala, le bref exposé des murs me permettait par contre une taille et une dilution similaires. Les sangles élastiques montrent la moyenne de deux horizons, de part et d'autre de l'épaisseur du 3e étage. En fonction, leur croisement choisi peut bien sûr s'inscrire localement dans l'espace investi, ne l'engageant pas en totalité. Ou bien comme ici, l'envergure de l'objet lui fera partager avec le lieu d'accueil ses plus grandes limites, globalement inclus, calé : sa longueur au sol, sa largeur au plafond. Une longueur de sangle pour une longueur de sol, idem pour la poutre. Comme la sangle de la poutre est plus courte que celle du sol, cela se croise plutôt en hauteur. La forme vient donc d'un rapport de proportions déjà présent dans le lieu d'accueil, les dimensions de l'objet traduisant celles de départ (place du point de contact entre les sangles, élongation des bras). La sempiternelle question de formaliser des données à demi-génériques, à demi existentielles Je décide quelles grandeurs relever, le croisement se produit. Par analogie, il y a du barycentre là-dedans. Ce que « pèsent » chaque point d'ancrage. Il y a toujours plusieurs possibilités de croisement dans un même espace. J'en produis un toujours plutôt qu'un autre. Depuis 2000 ! Mais un croisement est toujours jeune ! Tout au plus avec l'âge on le retend, chaque sangle à proportion des autres.
Je suis convaincu que tout peut être expliqué à condition de s'entraîner régulièrement. Et donc que vous comprendrez certainement comment cette exposition a failli s'appeler, dans son projet finalement remanié pour « La norme et la surprise », « Combines natatoires » :
Combines natatoires De ce titre découle un petit texte qui va m'empêcher de dormir au moins ce soir. Il s'agit moins d'une astuce publicitaire que d'une image poétique. Et aussi c'est opératoire. Je place la présence comme but. Toute prévision, programme ou principe, toute notation préalable sont des moyens. Là-dedans une accommodation est possible. Pas de point de vue sur un point de vue, c'est aussi le choix des artistes présents. L'immanence de tout point de vue. Tout point de vue est un bain. Il n'y a de stratagème, d'astuce ou de système que pour nager. Ce qui lie les formes aux attitudes ? De la nécessité et du retournement, de la remise en jeu. La taille du lac ? A priori ? Trois étages dont certains existent depuis neuf siècles. Une énorme tasse à boire, dans laquelle prévoir de mettre ensemble les objets finis confine à l'infini ! Le cran exposé d'une roue toute dentelée ! L'arrêt choisi d'une proposition.
(merci à François Perrodin).
La norme et la surprise. Romain Boulay, Julien Mijangos, Michaël Viala L’exposition eut lieu du 8 avril au 5 juin 2012 au Vallon du Villaret à Bagnols-les-Bains (48).
perfect life fiorenza menini - série unique de 19 pièces - 21 x 35 cm. chaque
This is my Life. Patxi Bergé, Laurent Goumarre, Fiorenza Menini, Dominique Rochet, Karim Zeriahen. Galerie Vasistas, Montpellier. 8 juin - 21 juillet 2012
Michel François Pièces à conviction CRAC, Sète. 29 juin - 30 septembre 2012
felice varini horizontale, verticale, 2012
« J’appelle point de vue un point de l’espace que je choisis avec précision : il est généralement situé à hauteur de mes yeux et localisé de préférence sur un passage obligé. Le point de vue va fonctionner comme un point de lecture, c’est à dire comme un point de départ possible à l’approche de la peinture et de l’espace. La forme peinte est cohérente quand le spectateur se trouve au point de vue. Lorsque celui-ci en sort, le travail rencontre l’espace qui en engendre alors une infinité de nouveaux sur la forme. Ce n’est donc pas à travers ce point de vue premier que je vois le travail effectué ; celui-ci se tient dans l’ensemble des vues que le spectateur peut avoir sur lui. »
Photos J-P Planchon
L’intervention de Felice Varini – qui propose un double point de vue – invite le spectateur à pénétrer « Marcher dans la couleur », l’exposition estival du MRAC, et à parcourir les œuvres comme lieux d’expériences sensorielles.
Marcher dans la couleur, Musée régional d’art contemporain, Sérignan. 1er juillet - 28 octobre 2012 Daniel Buren, Ann Veronica Janssens, Mai-Thu Perret, Veit Stratmann, James Turrell, Felice Varini, Jessica Warboys
les cousines hippolyte hentgen & jean-luc verna
Hippolyte Hentgen. Le faune, 2012. Crayon de couleur sur papier Arches, 160 x 122 cm. Jean-Luc Verna. Sans titre, 2012. Gants dessinés par Jean-Luc Verna pour la Maison Causse, sérigraphie sur cuir noir, série limitée
Les Cousines. Hippolyte Hentgen & Jean-Luc Verna. Iconoscope, Montpellier. 4 mai - 13 juillet 2012
twin paradox mathilde monnier
Je pense la scène comme un espace neutre, sans patrie en quelque sorte, qui à sa manière crée ses propres coordonnées, hors de la géographie du monde mais plus encore peut-être, hors du temps. Pourtant, la scène est toujours là quelque part en vrai, dans la vie en vrai, au bord forcément du monde réel, de la rumeur de ce monde, au bord de l'Histoire et des événements. C'est dans cette presque contradiction, dans cette suspension et en même temps frottement que la danse advient, avec sa durée propre, apatride donc juste à côté du monde, espace-temps infini qui continue malgré tout, à laquelle même il faudrait se raccrocher : continuer à danser quoiqu'il arrive, même si le monde nous tombe sur la tête. Dans l'indéterminé du plateau, vient se loger l'essence même de la détermination : celle à poursuivre et poursuivre encore, comme si la danse était un dernier refuge contre ou devant les éléments, continuer coûte que coûte et de toutes les façons, forme de ligne avancée où la danse devient un socle, une arme, un manifeste aussi mais qui ne revendique rien d'autre que sa propre présence et si l'on peut dire, survivance. Danser malgré tout. Danser après tout. [...] « Danser malgré tout, danser après tout », tel pourrait être est le préambule de Twin paradox. Comme un écho direct à ces propos, Mathilde Monnier s'inspire des marathons de danse apparus dans les années 20 aux Etats-Unis. [...] Dans cette pièce, il s'agit moins de s'intéresser à ce phénomène pour ce qu'il représente historiquement mais d'utiliser d'avantage le traitement de la durée, comme folie à danser sans cesse à ce point précis où la danse crée son propre monde et insiste sur elle-même, développant alors une dramaturgie propre de la durée – diffraction, reprise, boucle – qui échappe au temps de la réalité. Dans tout ce matériau, ce qui revient sans cesse, c'est aussi la danse à deux, le couple, qui sera la figure récurrente de ce travail d'écriture. Ici, à côté de la grande communauté humaine, il s'agit de réinventer les amants, comme une première forme de la communauté. Le couple donc, et le duo, qui s'accroche l'un à l'autre pour tenir, pour avancer, pour performer, pour survivre mais aussi couple qui se transforme, qui s'aide, qui danse. Le couple comme première entité de la danse, comme entité et premier accord rythmique. [...] Twin paradox, Mathilde Monnier - Création Festival Montpellier Danse 012 - 23, 24, 25 juin 2012. Théâtre de Grammont, Montpellier. Photo Marc Coudrais
la dramatique vie de marie r. marie reverdy
C'est quoi la dramaturgie ?
Trois heures du matin, ambiance électrique et quelque peu alcoolisée dans le sous-sol d'une boîte du centre ville de La Rochelle. Nous étions alors en résidence de création et avions décidé, ce soir là, de sortir. La boite était étroite, la musique peu originale... J'ai aperçu un garçon, vraiment beau et blond, je me suis approchée et ai engagé la conversation. Très rapidement, comme le font tous les trentenaires, s'est posée la fameuse question « tu fais quoi dans la vie ? » à laquelle j'ai répondu « dramaturge ». Visiblement je n'aurais pas dû. Effectivement « dramaturge » ça rime avec « purge », « grabuge » ou « vermifuge » bref, a priori, ça ne fait pas envie. Bien évidemment, et comme souvent, la question suivante a été « c'est quoi dramaturge ? ». Profession inconnue ! Pourtant, si ce n'est pas le plus vieux métier du monde, il n'en est pas loin. En effet dès l'antiquité grecque, dans sa poétique, Aristote réfléchissait à la question du drame, c'est à dire aux éléments qui régissent l'action représentée. Pour lui la créativité du poète ne se manifestait pas au niveau de la forme verbale, de la « beauté » de la langue, mais au niveau de la création d'une histoire et de l'agencement de ses constituants, on parle alors de la « structure du drame ». C'est à cet endroit précis que réside l'origine de la réflexion dramaturgique. Le « drame » et sa mise en scène se présentaient alors comme une structure relativement fixe, tandis que l'histoire « particulière », comme celle d'Œdipe ou d'Antigone, ne constituait alors qu'une variable. Le XXème siècle, que l'on pourrait appeler « le siècle de la mise en scène », s'est libéré des contraintes de « l'histoire bien faite » ou « bien racontée ». La mise en scène se présente comme une lecture particulière du texte, une interprétation. La dramaturgie offre quant à elle la possibilité de l'expliquer, c'est à dire d'en découvrir la structure profonde, ce qui construit le texte et non le sens qu'il prend à un moment donné. Bien évidemment toute lecture, qu'elle soit celle du metteur en scène, du dramaturge ou du lecteur lambda, oscille toujours entre ces deux termes. C'est donc le but visé dans l'acte de lecture, avec plus ou moins d'outils et de connaissances, qui différencie la part du metteur en scène et la part du dramaturge. La différence entre la compréhension immédiate du lecteur, la lecture du metteur en scène et l'analyse dramaturgique pourrait se résumer par la différence qui existe entre ces trois questions « Qu'est ce que cela me dit ? », « qu'est ce que cela veut dire ? », « Qu'est ce que cette
forme signifie ? ». Bien évidemment pour l'analyse dramaturgique il faut, comme postulat de départ, considérer que cette structure est analysable car signifiante. Jean-Marie Piemme, dans Le Souffleur inquiet (Alternatives théâtrales n°20-21, déc. 1984) nous rappelle que « la dramaturgie procède de l'idée que ce qui est montré/regardé exclut l'immotivé, le hasardeux, l'aléatoire – même si chaque tracé d'écriture n'a pas été sciemment prévu. » Aujourd'hui nous aurions plutôt tendance à dire que si il y a une place pour le hasard, cela est dû à un fait intentionnel de l'artiste, ce qui, d'un point de vue de l'analyse dramaturgique, n'est pas trop problématique dans la mesure où il est entendu que le hasard est analysable ou du moins qu'il a un statut auquel on peut prêter du sens. Le dramaturge dispose de toute une palette d'outils d'analyse, réactualisée aujourd'hui par la sémiotique, la sémantique structurale de Greimas, la question des énoncés de fiction, la pragmatique, la philosophie de l'action... Bien que le travail d'analyse soit long et laborieux, la grande difficulté de l'activité du dramaturge ne réside pas dans cet exercice, car l'artillerie pour ce faire est suffisamment lourde, mais dans l'adresse au metteur en scène. L'information délivrée doit être efficace, pertinente, et cela ne peut se faire que si le dramaturge connait le parti-pris esthétique de la compagnie dans laquelle il travaille. Et même au-delà, le dramaturge est appelé à théoriser ce travail du plateau. En fait, cela revient à dire qu'un vrai travail de dramaturge ne peut se faire que dans le cadre d'un proposition artistique forte, ou du moins assez claire. Je rajouterais même que ce travail ne peut avoir lieu que dans le cadre d'une relation longue. Finalement, dramaturge, ça peut faire envie.
silhouette dominique rochet
Du côté de Balbec, temps incertain Cardigan en mohair vert canard sur chemise en lin jaune paille délavé et cravate en cuir aubergine sur short ville bouton d'or, spartiates brou de noix. Pour lui, sweat à capuche assorti.
a-chroniques benoist bouvot
Microchiroptera ou si Batman avait été plus mélomane que bagarreur
Quelques animaux mesurent les distances par le son, les chauves-souris, les dauphins ou baleines, les guacharos… Les humains n'ont pas trouvé autre chose qu'une interface pour effectuer de telles mesures et interpréter l'écho. Même si j'ai le souvenir d'un homme aveugle qui se déplace et évalue l'éloignement des objets par des claquements de langue. Mais passons sur de telles capacités exceptionnelles, que Batman lui-même préfère remplacer par des gadgets onéreux, à défaut d'une pratique et d'un apprentissage fastidieux. Tout repose au fond sur cette réverbération qui semble être l'élément nécessaire de n'importe quel enregistrement. Entend-on souvent une voix à laquelle on ne prend pas le temps d'ajouter une réverbération artificielle, si la dite voix n'a pas été prise dans un environnement hautement réverbérant ? Cette passion de l'écho pourrait s'apparenter à une passion de la distance ou peut être du « vide » (non pas au sens physique, mais bien dans ce que nous définissons comme un espace non encombré). Une mesure purement sensorielle de l'espace dans lequel le son vibre pour exister. Autrement dit, nous n'écoutons pas simplement de la musique, mais que ce soit le sifflement d'Ennio Morricone, les lointaines clarinettes mêlées de l'Holocene de Bon Iver, les voix et les guitares du « Adventures in Your Own Backyard » de Patrick Watson, sans parler du label ECM, nous n'écoutons pas simplement les émotions mélodico-harmoniques qui traduisent l'intention créatrice, mais le dévoilement de l'espace dans lequel est censé se déployer le son. Si on déplie un tant soit peu cette pensée, on peut se demander ce qu'il en est de l'action même d'écouter de la musique. Posons simplement le fait que de faire lire un disque ou un fichier son sur un matériel donné, dans une pièce donnée, nous invite à mesurer sans interface notre besoin d'espace sensori-emotionnel hic et nunc. Une sorte de sonar affectif, une communion de l'instant et du tout, le hoc du présent eucharistique qui révèle la présence se file ici dans une célébration païenne de la jouissance musicale ou sonore qui actualise la présence de l'espace absent comme le tout de notre instantanéité. Ce qui nous amène à nous poser la question insoluble : Batman écoute-t-il de la musique en lisant Hegel ? « La divinité semble définie par l'écho. Qu'il s'agisse du Chœur des Petits Chanteurs de Vienne ou de moines psalmodiant sur un CD en tête des meilleures ventes, le sacré semble toujours habiter la province du caverneux. La raison à cela n'a rien de très compliqué. Un écho, tout en impliquant une immensité spatiale, la définit également dans le même temps, la limite, et même temporairement l'habite. » Mark Z. Danielewski. La Maison des feuilles. Edit. Denoël, 2002.
i’m back laurent goumarre
Y'a vraiment un truc avec la danse à la télévision ; « dance street », « danse avec les stars », « la meilleure danse » et j'en passe… les émissions se multiplient, bourrées de trucs improbables entre marathons de salsa, be-bop, battles de hip-hop version Palais des sports, et pointes classiques mixées Jazz de comédie musicale. Bref ça danse à tout-va, et avec n'importe qui, fringués des costumes qui me feraient même regretter le patinage artistique. Alors comment en est-on arrivé là, après des années de pénurie où la danse se limitait à des ballets de rien derrière les chanteurs puceaux de la Chance aux chansons ? Que s'était-il passé depuis que la danse s'était un jour affichée au générique de Champs-Elysées, c'était les années 80, des filles et des garçons qui s'agitaient sur fond de Tour Eiffel avant que Drucker ne vienne mouiller sa chemise ? Il paraît que c'était révolutionnaire, qu'on n'avait jamais vu ça à la télévision, parce que des corps d'origines différentes s'unissaient dans un même mouvement jazz devant la Tour. Moi je veux bien tout, mais j'ai quand même le souvenir d'une danse de salle de gym avec des costumes qui me faisaient bien regretter le patinage artistique. Bref la danse, longtemps planquée en fond des plateaux, déboule aujourd'hui sur le devant de la scène ; et de périphérique, la voici qui s'impose au centre de l'écran prime-time. Que de chemin parcouru je me disais, alors même que je regardais « A la recherche du nouveau Claude François », où des sosies manifestement torturés par des chirurgiens esthétiques, balançaient leur corps moulé dans des costumes prépatinage artistique. Que de chemin parcouru… mais à l'envers, car la danse à la télévision, c'est une amnésie généralisée. Comme si rien ne s'était jamais passé et qu'on revenait exactement là où on l'avait laissée : devant la Tour Eiffel. Comme si après un trou noir de plus de trente ans, Georges et Rosy faisaient toujours leur loi, avec des histoires de cha cha cha, d'Alexandrie Alexandra, et en bonus le retour de Redha en juré cette fois. Et pourquoi pas je me disais, frappé par la cohérence du projet, parce que la danse à la télévision, en fait, ce n'est rien d'autre qu'une danse de salon. Mais alors comment expliquer ce retour du refoulé, ces chorégraphies au kilomètre intergénérationnelles, entre pro et amateurs ? Peut-être le fait qu'après des années de programmes de bouffe, Master chef, Top chef, la téléréalité avait enfin trouvé les moyens de nous faire E-li-mi-ner. Laurent Goumarre est critique d’art, producteur de l’émission Le RenDez-Vous sur France Culture et présente Entrée libre chaque jour sur France 5 à 20h.
addenda aubais - 30 Château et autres lieux UtopiANTE politique et poétique Art Act, Jean-Adrien Arzilier, Pierre Bellemin, Daphné Brottet, Didier Casiglio, Loul Combres, Marie Duarte, Pablo Garcia, Alexandre Giroux, Hamid Maghraoui, Mehdi Melahoui, Michaël Viala... www.utopiante.fr 21 juin - 22 juillet béziers - 34 Domaine de Lézigno Heureuses coïncidences - édition 12 Colloque:ElastiCité - le corps urbain Exposition : Alexandra Leykauf Vendredi 15 juin 2012 castries - 34
Galerie Vasistas 37 avenue Bouisson Bertrand Patxi Bergé, Fiorenza Menini, Laurent Goumarre, Dominique Rochet, Karim Zeriahen 8 juin - 21 juillet 2012 Iconoscope 25 rue du Courreau Hippolyte Hentgen Jean-Luc Verna 4 mai - 13 juillet 2012 nîmes - 30 Carré d’Art Vera Lutter 6 juin - 16 septembre 2012
sète - 34 CRAC Centre régional d'art contemporain Languedoc-Roussillon 26, Quai Aspirant Herber Pièces à conviction Michel François 29 juin - 30 septembre 2012 MRAC Musée régional d'art contemporain Languedoc-Roussillon Avenue de la Plage
Printemps des comédiens Josse de Pauw – 13, 14, 16 juin Fabrice Murgia – 16, 17, 18 juin Antoine Wellens – 24, 25 juin
Courtesy Galerie chez Valentin. Photo F. Kleinefenn.
Philippe Nuell. Mais qui est-ce ? Armory 10
FRAC 4 rue Rambaud Mika Rottenberg 7 juin - 8 septembre 2012
Sarah Tritz, Ophir Agassi, Philippe Nuell, Yann Gersberger, Jason Glasser jusqu’au 21 juillet 2012
abonnement 3 numéros par an 10 €
Envoyez votre chèque (à l’ordre de BMédiation) et vos coordonnées à BMédiation 39 avenue Bouisson Bertrand 34090 Montpellier
Festival d’Avignon William Kentridge – 7-13 juillet Romeo Castellucci – 17-25 juillet Markus Öhrn – 14-19 juillet Olivier Dubois – 23-28 juillet Romeu Runa – 18-26 juillet montpellier - 34
Veit Stratmann, Un sol parisien, 2010.
montpellier - 34
avignon - 84
sérignan - 34
La Vigie 32 rue Clérisseau
Aldébaran 2 rue du cours complémentaire Jardins Publics / Jardins Privés Damien Aspe, Ghyslain Bertholon, Jean-Marc Demay, Atelier ZEP, Jean Denant... 29, 30 juin et dimanche 1er juillet
l’été des festivals
Marcher dans la couleur Daniel Buren, Ann Veronica Janssens, Mai-Thu Perret, Veit Stratmann, James Turrell, Felice Varini, Jessica Warboys 1er juillet - 28 octobre 2012
Montpellier Danse Mathilde Monnier – 24, 25 juin William Forsythe – 26, 27 juin Mathieu Hocquemiller – 5, 6 juillet uzès - 30 Uzès Danse Christophe Haleb – 20 juin Olivier Dubois – 20 juin David Wampach – 21 juin
Patxi BERGE Laurent GOUMARRE Fiorenza MENINI Dominique ROCHET Karim ZERIAHEN 8 juin - 21 juillet 2012 Galerie Vasistas 37 avenue bouisson bertrand - montpellier du mercredi au samedi - de 15h à 18h30 www.vasistas.org