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art contemporain - languedoc-roussillon midi-pyrénées - mars avril mai 2016 - numéro 40


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abonnement 3 numéros par an 10 € Envoyez votre chèque (à l’ordre de BMédiation) et vos coordonnées à BMédiation 39 avenue Bouisson Bertrand 34090 Montpellier le site de la revue

acturama - des articles inédits sur l’actualité addenda - une sélection d’expositions archives - toutes les chroniques publiées


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Une petite surprise au premier qui identifie cette terrasse

contre nature - Corinne Rondeau (s’)exposer autrement - Mickaël Roy le tombeau vivant de chantal akerman - Corinne Rondeau have blue - Yohann Gozard yohann gozard - w09_03_2 (04.05.2015 - 21h19/21h22) / Wonderpools nicolas bourriaud - ça se discute acturama BBB, Toulouse - Le Parvis, Ibos-Tarbes - Crac, Sète - Iconoscope, Montpellier a-chroniques - Benoist Bouvot silhouette - Dominique Rochet la dramatique vie de marie r. - Marie Reverdy i’m back - Laurent Goumarre addenda

offshore est édité par BMédiation 39 avenue Bouisson Bertrand 34090 Montpellier

Couverture : Alessandro Sciarroni par Karim Zeriahen © offshore 2016

directeur de publication : Emmanuel Berard rédacteur en chef : Jean-Paul Guarino

ont collaboré à ce numéro : Benoist Bouvot, Laurent Goumarre, Marie Reverdy, Dominique Rochet, Corinne Rondeau, Mickaël Roy

site : offshore-revue.fr tél. : 04 67 52 47 37 courriel : offshore@wanadoo.fr ISSN 1639-6855 dépôt légal : à parution impression : Atelier 6. St Clément de Rivière

crédits photographiques : Laurent Goumarre, Yohann Gozard, Jean-Paul Guarino, Cécile Marson, Dominique Rochet, Ugo Rondinone, Karim Zeriahen

vous pouvez recevoir chez vous les 3 prochains numéros d’offshore en envoyant vos coordonnées et un chèque de 10 € à BMédiation, 39 avenue Bouisson Bertrand 34090 Montpellier


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contre nature corinne rondeau Extrait du catalogue (Éditions Hatje Cantz) de l’exposition Becoming Soil d’Ugo Rondinone à Carré d’Art, Nîmes, 15 avril - 18 juillet 2016

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« Je sais qu'elle est au fond d'une vallée, d'une gorge infernale où surgit une fontaine miraculeuse, mais rien ne nous empêche de croire la Centrale au sommet d'une montagne très haute. » Jean Genet, Miracle de la rose

Les expositions d'Ugo Rondinone ressemblent à des constellations, elles appellent la circonférence d'un horizon, à l'image d'un regard scrutant un paysage, convoquent le repli, provoquent la suspension, l'incompréhension face à un monde où deux et deux ne ferait plus quatre. Ne cessant de se développer dans l'espace de leur clôture, où aucune lumière naturelle ne filtre, les œuvres déjouent toute accumulation par combinaison, permutation, résonance. Séries qui prolifèrent, rayonnent en leur propre sein, dégagent de nouvelles constellations qui font de chaque exposition le renouvellement d'un lieu. Ça commence comme les premiers vers de La Divine Comédie : « Au milieu du chemin de notre vie / je me retrouvai par une forêt obscure / car la voie droite était perdue. » Lieu où les corps tombent tels des corps morts, où la traversée est soumise à la gravité de cercles, les visions attirées par l'inertie d'un centre, où le spectacle de l'immobilité et des lenteurs va d'un œil qui ne voit pas mais devine jusqu'à atteindre la région claire d'un chemin secret où s'entrevoient, aux derniers vers, « les belles choses / que le ciel porte, par un pertuis rond ». Becoming Soil ressemble une nouvelle fois à l'exploration d'un voyage initiatique, à l'invention de visions qui auraient leurs forêts, leurs nuits étoilées, leurs ciels lavés de bleu, entraînées par des créatures, des vides, des courants d'air doux ou parfumés, le repos descendant avec son ombre à même la terre, comme Virgile dédaignant les richesses du monde extérieur. À cause et grâce à la pesanteur qui attend son ciel, le spectateur est convoqué et provoqué en ce lieu, comme un prisonnier revenant à une seule question, dernier pouvoir confondu à sa limite, comment sortir sans sortir, il n'y a ni porte ni fenêtre, que serrure et éternité ? Sombre la question, clairs les espacements : ce qui est épuré n'est pas pureté. On dit souvent des expositions d'Ugo Rondinone qu'elles ont quelque chose d'une apesanteur, d'un vertige. On en oublierait le cercle qui s'y développe : la chute des corps attirés par la gravité, désarmés par le sommeil, parfois désœuvrés, à la manière de ces sculptures de clowns couchés ou de ces personnages de cire assis et relâchés, abandonnés. Comment dépasser l'obstacle, l'issue même, pour voir la constellation ouvrir un lieu fermé sur lui-même, voir la proximité du lointain ? À la manière du Chant d'amour de Jean Genet, enfermement et violence initient peut-être d'autres façons d'aimer les corps, les images, de les unir et les désunir, d'inventer le rêve d'une évasion, le pouvoir de regarder, le miracle d'une chaîne transformée en guirlande de roses blanches. L'évasion pour toute ambition et illusion. Quatrième mur, mur invisible des apparences et des transparences, où s'écrivent les amours et les rêves. Le regard est ce « divertissement » qui ne joue jamais de la même manière : un dépaysement, une méditation, un enchantement enchâssé dans le désenchantement de toute limite, une volatilisation des identités, la confusion du désir et de l'existence – rien ne s'unit qui ne soit séparé ;


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Ugo Rondinone. fünfundzwanzigsterjunizweitausendundfünfzehn, 2015. Acrylique sur toile, 260 x 175 cm. Courtesy Sadie Coles, Londres © Ugo Rondinone


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Ugo Rondinone. Blue White Blue Clock, 2013. Vitrail, fil, diam. 50 cm. Courtesy Gallery Eva Presenhuber, Zurich Š Ugo Rondinone


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rien de séparé qui ne doive s'unir. Confusion sans quoi, rien ne se laisserait regarder, sans quoi rien ne change ni se déplace.

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« Existe-t-il quelque chose, en dehors du changement, qui se laisse représenter ? » Samuel Beckett, Le monde et le pantalon

Figuratives ou abstraites, ouvertes ou fermées, les séries de Becoming Soil engendrent la circulation selon des rythmes binaires entre des salles de sculptures et de tableaux, et des surfaces et des volumes au sein d'une seule salle en usant de rappels et de relances. Il n'est pas inutile de rappeler que depuis une trentaine d'années, la forme « installation » soumet tous les médiums à des rapports spatiotemporels, faisant de l'exposition un enjeu d'inclusion/ exclusion du spectateur. L'exposition n'expose plus les œuvres, peut-être même plus l'art ; elle expose un spectateur, dans tous les sens du terme. L'art n'est pas là, mais l'exposition appelle toujours son fantôme, comme un esprit – « Y es-tu ? ». Comme l'issue que cherche le prisonnier, l'art est un seuil où ce qui fait œuvre se confond avec ce qui fait exposition, le regard y cristallise les inquiétudes : « Que faut-il voir ? » ; la recherche du sens : « Que faut-il comprendre ? » ; les rhétoriques : « Que faut-il justifier ? » L'art de l'exposition d'Ugo Rondinone pose la question du lieu de l'art en convoquant et provoquant regard et récit, en cristallisant un tout autre complexe, celui d'un théâtre de correspondances, et d'affinités électives. Doit-on se contenter de répéter ce qu'on a pu définir comme un effacement, une dissimulation de sa démarche artistique, alors même qu'il conçoit parfois des expositions en tant que « commissaire » ? Ne s'agit-il pas plutôt d'être intercesseur, à une place qui traduit des signes en intuitions, en représentations, transforme les pensées en sentiments, rejoue et garantit les possibilités d'associations, nourrit les rapports, leur cohérence au sein d'une expérience qui suit des puissances étrangères, aux antipodes de la biographie ou de la monographie. Accepter encore l'affinité : unir ce qui est divisé ; divisé ce qui est uni. S'effacer peut aussi signifier être enveloppé par une étrangeté qui demeure mystère non par coquetterie, non pour tenir un rôle au sens théâtral, ni une place au sens mondain, mais par une conscience faite de relations : l'infinie variété et variation des choses et des êtres, la conjonction de l'illimitation de fragments et d'un idéal spéculatif et spéculaire. L'intercesseur est un acteur du théâtre d'Ugo Rondinone, il peut prendre le nom de « regard », il peut prendre un autre nom que le monde de l'art prononce à de rares exceptions, « amour » : ce qui retourne l'adresse d'un regard, ce qui l'expose. [...]

Corinne Rondeau est Maître de conférences Esthétique et Sciences de l’art à l’Université de Nîmes, critique d’art, collaboratrice à La Dispute sur France Culture.


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(s’)exposer autrement mickaël roy 1/ L'art est une pratique du monde 2/ Cette pratique est le fait de communautés interprétatives 3/ La compatibilité a remplacé la spécificité comme opérateur majeur de cette pratique 4/ Les mondes de l'art sont des cercles magiques dans des prairies fleuries 5/ Il n'y a plus lieu de faire des expositions Voilà les cinq points par lesquels le coup de semonce est arrivé, le 5 décembre dernier alors que Christian Bernard, nouvellement à la tête du Printemps de Septembre, présentait à Toulouse, dans le cadre des événements préfigurant la prochaine édition de ce festival, la vidéo intitulée Allocution sommaire de Paul Devautour. Bien plus qu'une œuvre au statut arrêté, cette vidéo est un objet artistique non identifié, qui tient sa qualité en ce qu'elle joue de la difficulté à être circonscrite pour ce qu'elle est – un postulat critique, un manifeste théorique, un statement discursif, une adresse sans retour ? – pour tout observateur qui aurait l'occasion de la rencontrer, là en situation de projection publique, ou là en situation d'exposition. Mais pour ce type d'œuvre volatile, qui peut autant se glisser dans les interstices qu'on veut bien lui accorder qu'échapper à tout cadre de monstration, la diversité des occasions de son apparition ne modifie nullement l'effet sismique qu'elle produit en regard des contextes actuels de sa réception. C'est donc là que, devant quelques dizaines de spectateurs, ce geste énigmatique d'une des figures artistiques les plus surprenantes des dernières décennies pour avoir su se ménager une place en négatif des modes d'existence de ses pairs, s'est manifesté avec une redoutable discrétion, portant en lui le potentiel d'un coup de tonnerre aussi politique qu'esthétique qui lui confère un pouvoir encore mal mesuré mais définitivement efficace par son intention d'établir un état des lieux autant qu'un projet d'action sous couvert d'une prise de position théorique. Ainsi l'interpellation est venue de l'apparition d'un homme à l'écran et, sans détour, adressée autant à l'attention des regardeurs que des usagers du milieu tant cette Allocution sommaire participe sans équivoque d'un mouvement héritier de la critique institutionnelle qui s'installe en porte-à-faux des standards de l'art contemporain et qui interpelle et séduit en tant que forme-limite de l'art d'aujourd'hui. Cet homme aurait pu être journaliste, reporter, envoyé spécial. Là, dans une posture aussi fragile qu'absurde, au milieu du champ de l'image occupée à l'arrière-plan par de hauts immeubles d'habitation aux pieds desquels demeure tout en contraste une plus petite maison – motifs de la vie courante et d'une agitation humaine dissimulée – autant qu'il est situé, planté même, lui, l'homme de la situation, au milieu d'un champ d'herbes et de fleurs hautes et folles, Paul Devautour, micro et discours à la main, prend la parole et adresse un message enregistré depuis Shanghai, le 10 avril 2014, à 10h, heure locale, et diffusé à la Gaîté Lyrique à Paris, le soir-même. Pendant sept minutes environ, cette Allocution sommaire des plus

oxymoriques par son titre, dit en deux mots toute la dérision qu'il prête à son geste qui ne s'attache d'aucune façon à la logorrhée qui caractérise les discours officiels, politiques et même académiques. Car c'est bien dans sa contemporanéité, sans laquelle elle n'aurait pu apparaître, et la nôtre aussi, que cette vidéo trouve la raison de son existence et de son dialogue avec les tremblements et les convulsions qu'elle peut susciter dans le milieu auquel elle s'adresse aujourd'hui. Ce milieu n'est autre que celui de l'art contemporain aussi divers est-il, dont les acteurs, artistes et médiateurs au sens élargi du terme, sont ici concernés par cet appel qui sonne comme une leçon au présent certes, mais qui pourrait bien convaincre de provoquer dans un futur proche une remise en cause de ses pratiques et de ses spécificités. Paul Devautour, issu du milieu (de l'art contemporain, entendonsnous) en tant qu'il est artiste et par ailleurs enseignant, s'installe et apparaît de fait en marge géographiquement de ce milieu. C'est d'ailleurs avec l'appui de cette position éloignée à plusieurs titres, après avoir œuvré en tant qu'« opérateur en art » par mimétisme et simulacre des caractéristiques de l'art contemporain à travers le projet de la collection Yoon Ja et Paul Devautour démarrée en 1985 et développée jusqu'en 2004, période « pendant laquelle (il) a pratiqué l'art comme un jeu dont l'enjeu était d'en changer les règles » et en faisant récemment œuvre pédagogique par ce texte de nature à la fois professorale et performative, qu'il livre pour longtemps une matière soumise à la réflexion des professionnels de l'art avec cette théorie de l'art, organisée en cinq points détaillés avec le calme disproportionné du boulet rouge envoyé à la figure de l'écoumène duquel il surgit, et auquel il parle. Et c'est sans qualité esthétique et oratoire particulière, dans une mise en scène composée, construite mais sobre autant que la situation frontale simple doit souligner l'importance du discours moins que de la forme pourtant remarquable pour son incongruité, dans un coin de nature urbanisée, que Paul Devautour déroule sa pensée, précise – pourrions-nous dire – ses convictions ? « puisque l'heure est venue (…) de taire les hésitations ». En faisant tomber d'un seul coup nombre des réflexes propres au champ de l'art qui se regarde par la seule ornière de la spécificité de son activité qui n'aurait pas trouvé à rendre compatibles ses contours avec les espaces de la société civile, la figure de l'artiste qu'il incarne, sans production artistique au sens personnel et plastique, s'immisce et se fond dans un paysage avec l'impertinence d'une position bien difficile à désigner tant « il continue, selon Christian Bernard, d'œuvrer au nom de l'art en dehors des lieux de l'art » en contribuant à son endroit, par cette pratique artistique en semi-retrait, en semi-présence déjà, à l'adoption d'une « forme paradoxale d'invisibilité » à laquelle sa théorie invite précisément. Avec cette parole formulée, congrue, a priori inoffensive mais puissante par son analyse, l'art serait donc déjà en acte. Et la pratique au long cours de Paul Devautour s'en trouverait d'ailleurs par ce biais exposée et partant, légitimée… par lui-même. Mais aussi par


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DeYi Studio (Paul Devautour et Xia Yilan). Allocution sommaire, 2014. Vidéo, son, 7' 50''.Collection FRAC Poitou-Charentes. Photo : capture vidéo, © Paul Devautour

les acteurs du milieu, à telle enseigne qu'il faut préciser que cette Allocution sommaire est aujourd'hui entrée dans les collections du Fonds régional d'art contemporain Poitou-Charentes dont la vidéo et le texte sont placés sous licence Creative Commons, c'est-à-dire librement copiables, remettant ainsi volontairement en jeu les définitions strictes d'unicité et de valeur symbolique et économique de l'œuvre. Sa présentation ce soir-là de décembre dernier participe également de cette même dynamique de légitimation par le milieu car cette Allocution sommaire finit par agir comme une recommandation qui brûle les doigts des professionnels et des institutions qui se risquent à s'en saisir courageusement dans le même temps qu'elle oblige par un opportun paradoxe les uns et les autres à une évidente remise en question des logiques et des formats expographiques en regard du cinquième pilier de cette bien elliptique théorie de l'art : « il n'y a plus lieu de faire des expositions ». Vraiment ? En l'occurrence, cette dernière sentence aussi péremptoire que radicale apparaît comme une flagrante détonation, et à tout le moins comme la manifestation d'un état de réflexions qui venait à point nommé confirmer la prescience d'un débat perçu et partagé en de récentes occasions tant du point de vue de l'amateur que du curateur qui, sans être de la même génération que Paul Devautour s'interroge, à partir des mêmes symptômes mais sans observer le même diagnostic, sur les perspectives et les issues d'un impératif selon lequel l'exposition serait le médium dédié si ce n'est exclusif de l'apparition de l'œuvre d'art. Si l'exposition d'art contemporain en tant que format consacré peut apparaître de plus en plus actuellement, du fait notamment d'une fréquence soutenue dont le rythme emprunte à une logique événementielle et consumériste mimétique en cela de la visibilité qu'offre les accès virtuels à des connaissances artistiques globalisées, et d'une autorité du discours conçue selon un moyen de fiction bien davantage que selon un moyen d'exégèse critique ou tout au moins proche de l'histoire de l'œuvre, comme un produit aussi balisé et ce faisant fatigué et fatiguant qu'une figure imposée bien en peine à trouver les voies du renouvellement de ses attributions et de ses enjeux, il y aurait en effet toutes les raisons d'estimer qu'il n'y a plus lieu de faire des expositions, et au sens strict, que ses lieux, somme toute, ses espaces ont été épuisés. Néanmoins, si cette déclaration peut être aussi convaincante que séduisante pour qui serait d'accord avec l'essoufflement actuel des formats d'exposition, elle mérite néanmoins d'être nuancée plutôt que d'apparaître comme une manière définitive d'entériner une réali-

té univoque. Oui, l'art contemporain peine à réinventer les conditions de sa monstration. Oui, parfois, les expositions flirtent avec un principe de catalogage thématique qui ne présente pas plus intelligemment ses « produits » qu'un site internet de vente en ligne. Oui, souvent, le discours du curateur prend le pas sur l'intelligibilité silencieuse de l'œuvre tandis que les efforts de médiation tentent de suppléer ce que la relation d'une œuvre forte intrinsèquement peut produire par elle-même si elle n'est pas diluée dans un appareil discursif qui redouble la fiction que l'œuvre devrait être la seule à posséder et à d'abord engager. Mais non, l'œuvre n'est pas prête à perdre de son autonomie de même que l'exposition n'est pas encore morte. Et si Paul Devautour déclare avec justesse : « L'exposition est à ce point devenue le média exclusif de l'art que les recherches les plus radicales et les plus libres finissent toujours par démissionner devant les compromis imposés par la nécessité d'exposer », nous pourrions néanmoins y opposer une alternative. L'exposition de l'art, par des modalités aussi variées et encore peu explorées, ou tout du moins dans les marges des modèles institutionnels, selon une expérience des temps et des espaces, ne pourraitelle pas être propice à intégrer des pratiques rapprochant l'art d'une dimension attentionnelle et poétique « par la subversion du cercle professionnel de la légitimité » au profit « d'une myriade de cercles de conversation où s'élaborent les interprétations » ? Dans ce cas, nous voudrions croire qu'il y a bel et bien encore lieu de « faire exposition » moins que de « faire des expositions » car la définition de l'art comme pratique du monde ne saurait se satisfaire uniquement des cadres étroits du white cube institutionnel et marchand où s'exerce les autorités attendues et reconnues, peu ou prou. Paul Devautour annonce un état de fait ; en retour nous souhaiterions esquisser une proposition à l'endroit même de la nécessité de ne pas abandonner le terrain de l'exposition qui mérite de s'emparer des conditions de l'expérience et de l'interprétation qu'il est en mesure d'offrir aux potentiels participants d' « un jeu massivement multijoueurs ». Si pour Paul Devautour, « l'art comme pratique du monde, sans le confondre avec la vie », permet d'envisager son « encapsulation dans toutes sortes d'activités », alors le recours à des communautés interprétatives douées du sens de la rencontre et de l'échange offre une des nouvelles voies de l'exposition par le langage et l'oralité qu'elle permet et qu'elle produit selon une esthétique notamment conversationnelle. Dès lors, cette approche serait valable dans l'espace de l'exposition connu selon des modalités qui dépasseraient celles de la stricte médiation culturelle mais aussi désormais en dehors de l'exposition, partout là où l'œuvre serait un potentiel de relation horizontale, de délibération et de discussion illimitée (Nicolas Bourriaud), dont les formes seraient ainsi rendues compatibles avec l'espace de l'agora publique dans une logique où l'ambition d'un partage du sensible (Jacques Rancière) trouverait à s'installer là où les places des uns ne s'opposeraient pas à celles des autres. En cela, au-delà du débat qui opposerait l'enjeu de la reconnaissance de cette Allocution sommaire pour son autonomie ou pour son caractère auto-référentiel, Paul Devautour a déjà commencé à contribuer à cette nouvelle voie, en prenant la parole comme medium, en l'exposant publiquement, et, à sa suite, en libérant celle de ceux qui, interpellés, de cercles magiques en prairies fleuries, voudront bien se risquer à l'interpréter. A sa suite, l'exposition ainsi élargie peut éventuellement se réinventer, se poursuivre, et ainsi, sans cesse et sans lassitude, utilement re-commencer.


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le tombeau vivant de chantal akerman corinne rondeau No Home Movie commence par une image folle de quatre minutes trente. Plan fixe du faîte d'un arbre mi-mort mi-feuillu, si sèchement secoué qu'à tout instant l'œil, et l'oreille envahie d'un vent assourdissant, sont affolés. En apnée, on scrute inquiet les branches : laquelle va céder, comme si elle allait traverser l'écran ? Brutalement ouvert sur le générique silencieux, ce plan, qui réveillerait un mort, se referme en cut. Murmures et sifflements d'oiseaux d'un jardin public, soleil dru, pelouse vert jaune, ce nouveau plan est une respiration cherchant sa pesanteur, le calme après la tempête. De dos, un homme torse nu, d'un âge certain. Plein centre, il est assis à l'envers sur un banc. Encore en cut, nouveau jardin, privé celui-là. En plongée d'un balcon, l'image fixe d'un transat vide, bleu sur vert. Nouveau cut. Intérieur jour. Une vieille femme de dos, léger déséquilibre de la marche. Elle entre dans un salon d'une bourgeoisie vieillissante. Se retourne, s'approche face caméra, on entend un son guttural, souffle entravé pas encore râle, puis parle. C'est Natalia, la mère de Chantal Akerman : « Il vient pas aujourd'hui le kiné ? – Non demain, jeudi. » Tout le film est rythmé par des dehors et des dedans : les paysages en plan fixe ou travelling ; la maison de la mère à Bruxelles, en plan fixe ou caméra à l'épaule. Le balcon donnant sur le jardin, celui sur la rue et entre eux, l'agencement des portes et des pièces par le corps d'une vieille femme. Tout le cinéma d'Akerman, jusqu'à ses installations vidéos, se tient sur la coupure de deux espaces, avec la netteté blessante car répétée de la question : comment sort-on de la maison ? Déjà avec News From Home (1976) : New York, de jour et de nuit. Rues et sous-sols du métro pour tout extérieurs. Wagons pour tout intérieur. Intérieur de transit. Elle a vingt ans. Off, elle lit d'une voix qui n'a pas encore les intonations de Delphine Seyrig, les lettres que sa mère lui envoie d'Europe. Litanies asphyxiantes des « écris-moi vite mon amour », « quand rentres-tu ? », « tu me manques », « je vis au rythme de tes lettres », et les « je ne veux pas être égoïste », « je ne veux que ton bonheur », « ne reviens pas, si tu n'as pas tout fait pour qu'ensuite tu regrettes ». L'amour insupportable qui prend soin et déchire, en même temps. On ne peut rien recevoir de lui sans qu'il coupe ici ou là. Alors s'arracher du dedans pour passer au dehors, aller. Là-Bas (2006), film à Tel-Aviv d'où tombent les derniers mots : « Le paradis n'existe pas ». No Home Movie n'est pas moins net, symétrique, coupé par des bords, des murs, des fenêtres, des portes que News From Home. Mais de la quête du dehors se dépliera, dès Jeanne Dielman, celle du dedans, car on ne sort pas de la maison sans y rester, c'est de là qu'on apprend qu'on est dans le monde ou pas. Oui, une maison est pleine d'arêtes, et le cinéma d'Akerman est comme une maison : un assaut perpétuel de lames – battements des dehors et des dedans. La fenêtre est l'archétype du passage des corps avec la lumière : le lieu du séjour et du regard entre le monde et soi. Skype est la fenêtre d'un nouveau monde qu'il faut montrer : il n'y a « plus de distance dans le monde, tu es à Bruxelles, moi dans l'Oklahoma ». À quoi sa mère répond : « Quand je te vois, j'ai envie de te serrer dans mes bras. » … Chantal réclame la fin de la communication : « Éteins ! » Ce que fera la dame de compagnie, car ni la mère ni la fille ne le font. Pour Akerman, le cut est l'une des armes les plus efficaces du rythme et du récit. Arme de son art du montage : le corps est la couture d'un monde. Comme ces plans fixes où le passage de la mère modifie le capteur de lumière : il la rabat, la repousse, la densifie ou la diffuse d'un côté ou de l'autre de l'embrasure. Comment pourrait-il exister un cinéma de la maison sans ce corps-fenêtre ? Comment faire des histoires sans scénario, et des images sans ce corps qui articule le monde et soi ? Cette fin de la relation, final cut, s'annonce dans les plans surexposés d'une caméra agitée en extérieur, tel l'arbre mi-mort mi-feuillu. Reste à tirer le rideau, regarder la symétrie entre la cuisine et la chambre à coucher de la mère, là où précédemment avaient eu lieu parole, regard, mémoire dans le quotidien le plus banal et le flux le plus lent du home. Un film qui ne console pas de la mort, un tombeau vivant.

Chantal Akerman No Home Movie, 2016. Durée 115 mn., sortie le 24 février 2016.

Corinne Rondeau est Maître de conférences Esthétique et Sciences de l’art à l’Université de Nîmes, critique d’art, collaboratrice à La Dispute sur France Culture.


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have blue yohann gozard

(Noir) Là où le moindre photon finit – ce n'est qu'une question de temps – par révéler une parcelle de monde sans horizon, un décor de théâtre d'ombres entre deux représentations, enveloppé d'une obscurité utérine. Un noir devenu sanguin, palpitant d'orange et de jaune, des lux incandescents accrochant l'atmosphère vaporeuse du plus fort de la nuit. Un noir constellé des étoiles frivoles des guirlandes colorées qui se balancent dans un léger cortège de cliquetis et tintements métalliques, accompagnant le souffle du vent en visite sur un parc de voitures d'occasion. Un noir charbonneux des pigments d'une image imprimée dont se détachent progressivement formes puis espaces, comme une expérience de la nuit qui se rejoue en plein jour sur la surface d'une simple feuille.

(Bleu) L'azur du paysage et la perspective dite atmosphérique où le bleu contamine en silence les couleurs, effaçant progressivement les détails au passage tandis qu'à l'horizon se mêlent sans fin sol et ciel.

Have Blue, un avion-paysage, oiseau de nuit prototype, conçu pour se tapir dans l'ombre, scruter et récolter toutes les informations transpirant des territoires du bloc adverse, cartographier les intentions et les possibles et entériner la souveraineté de son propre territoire. À l'origine des ombres des guerres du Golfe et d'autres oiseaux hors-de-prix et d'atteinte et premier avion réellement et activement furtif de l'histoire. Pour conserver le secret de son existence, il finit enterré sur le territoire dont il devait protéger les intérêts et l'impénétrabilité des contours géographiques. (Blanc) Blanc fuyant, calvitie galopante sur le sommet sublime du crâne terrestre, objet de convoitises sans borne des voisins bipolaires qui l'encerclent. Confettis blancs et coups d'emporte-pièce, en lieu et place de terrains vagues, de terrains militaires et autres indécences environnementales, territoires non photogéniques et zones provisoires à long-terme, ils parsèment d'un reliquat d'inconnu et de rêve une cartographie moderne omnisciente et sans mystère. Rectangles et haricots patatoïdes de plastique dressés dans la nuit, monolithes hallucinés éblouissant les accotements de vieilles nationales déclassées. Moaï aux yeux pris dans les phares du rêve hollywoodien, peut-être quelque part entre Marseille et Perpignan. Constellation de points lumineux comme autant de lucioles : étoiles qui se multiplient sans limite au fur et à mesure qu'elles se sentent observées, satellites furtifs et pressés, avions prenant le monde de haut mais se trainant dans leurs clignotements. Regards ensauvagés perçant la nuit humaine lorsqu'ils croisent les auréoles balourdes des véhicules à œillères qui déchirent la nuit. Rectangles blancs du papier, avant le noir de l'encre. Yohann Gozard. Have blue. Galerie Vasistas, Montpellier. 18 mars - 27 avril 2016

Yohann Gozard Sans titre (04.05.2013 – 22h00), de la série about: blank. Digigraphie, 58,3 x 40,6 cm. Have blue, 2014 (détail), de l'exposition Chronotope. Installation in-situ en bois peint, 390 x 265 x 50 cm. w02_03_1 (12.10.2008 – 21h16), de la série Wonderpools. Digigraphie, 24 x 16 cm.


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Yohann Gozard

w09_03_2 (04.05.2015 – 21h19 / 21h22), de la série Wonderpools Digigraphie, 60 x 40 cm.


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Yohann GOZARD Have blue 18 mars - 23 avril 2016

Galerie Vasistas

du mercredi au samedi 15h - 18h30 37 avenue bouisson bertrand - montpellier


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nicolas bourriaud ça se discute

Une pensée. La fameuse citation de René Char « Pour qu'un héritage soit réellement grand, il faut que la main du défunt ne se voie pas ». Une remarque. Les jeunes artistes des années 90-2000, consciemment ou pas, et de par l'enseignement reçu, se « référaient » à l'art et aux artistes qui les précédaient. Nombre de jeunes artistes actuels, tout aussi savants, seraient moins sensibles au poids de la filiation, ou quand un Héritage n'est plus un référent mais rejoint l'Histoire. Je parle des artistes, on peut aussi penser aux fonctionnements des lieux – Centres d'art et fondations – et aux institutions – Écoles d'art et musées. Vous, que faites-vous du passé et comment percevez-vous le sens différemment partagé de l'Héritage ? Jean-Paul Guarino, rédacteur en chef de la revue Offshore

Cher Jean-Paul, À votre citation de René Char, je répondrai spontanément avec une autre, de Gilles Deleuze : « Il faut beaucoup de mémoire pour oublier le passé ». J'ai toujours pensé que le domaine de la transmission était divisé en deux : d'un côté la tradition dans ce qu'elle a de plus formel, avec ses rites à respecter et ses codes à conserver précieusement ; c'est la tradition morte. De l'autre, ce que l'on pourrait appeler la tradition vivante, évolutive. C'est là la matière de la transmission. En art, il y a les artistes qui recopient, et ne veulent pas le savoir. Et ceux qui copient, mais qui le savent : en réalité, on ne crée jamais à partir de rien, et seuls les fans de l'art brut croient que l'art peut tomber du ciel de la névrose, mais franchement je ne le pense pas. Personne ne peut s'extraire du monde. La vraie question, c'est celle qui consiste à se demander qui copier, de qui on s'inspire. Et faire semblant de créer à partir de rien, comme Dieu, en somme (mais ça reste à prouver), équivaut à copier de mauvais modèles, plus diffus. Dieu at-il copié ? C'est une bonne question à poser, celle des gnostiques, et cela prend tout son sens en pays cathare. Plus sérieusement, la notion de transmission prend en compte cette masse de savoirs, de techniques, de pensées, qui représente un lien entre l'Histoire et le potentiel futur. Quand on est professeur dans une école d'art, par exemple, on doit faire passer des éléments du passé dans le présent : faire le tri, choisir entre différentes versions de l'histoire, expliquer pourquoi celle-ci ou celle-là retient votre attention. La tâche de « l'historien matérialiste », selon Walter Benjamin, consiste à restituer la parole aux vaincus. Ensuite, si j'en crois les multiples rencontres que j'ai faites avec les étudiants des Beaux-Arts de Paris pendant les quatre ans où j'ai dirigé cette école, je ne crois pas que ceux-ci soient moins sensibles au poids de la filiation, mais ils ou elles ont une manière différente d'en rendre compte. La nouvelle génération semble avoir intégré l'idée que l'Histoire n'est pas un dictionnaire de citations, c'est-à-dire un domaine d'autorité, mais qu'elle constitue une boîte à outils, autrement dit un répertoire de formes qu'il s'agit d'utiliser et de faire fonctionner. C'est la thèse que je défendais dans mon essai Postproduction*, et je suis heureux de constater que les arguments d'autorité finissent par péricliter. Cette génération des années 2010 m'apparaît comme décomplexée par rapport aux modèles historiques, tout en étant attentive aux formats et aux attitudes laissés par leurs aînés. La main du défunt n'est plus guère qu'un outil, et l'art de demain s'en ressentira heureusement. * Postproduction, Collection Documents sur l’art, Ed. les presses du réel, 2006, 2009. A lire aussi, sorti en décembre 2015, Nicolas Bourriaud dans la collection Les grand entretiens d’artpress.

Nicolas Bourriaud est à la tête de la préfiguration du futur Centre d’art contemporain de Montpellier et directeur artistique de la Panacée à Montpellier


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acturama bbb, toulouse - le parvis, ibos-tarbes - crac, sète - iconoscope, montpellier

Élodie Lesourd est commissaire invitée par le BBB centre d'art où, pour faire suite à ses recherches, choisit le Black Metal comme opérateur de discours. Après avoir parsemé son travail plastique de référents inhérents à cette culture, elle approfondit l'analyse des rapports entre le Black Metal et l'art contemporain sous plusieurs formes : d'une première ébauche d'exposition collective « Svarte Sirkel » en 2007, à l'écriture d'un texte « Le Baptême ou la mort : Le Black Metal dans l'art contemporain, naissance d'une nouvelle catégorie esthétique » et d'autres collaborations avec le journal américain Helvete, l'élaboration de l'édition du journal CS consacré à son rapport au mouvement a définitivement scellé son lien au sujet. Ainsi l'exposition collective « Freux Follets » se présente comme la volonté de lever le voile, de faire l'exégèse d'une union aussi inattendue que le mariage du ciel et de l'enfer et s'attache à montrer la force du dépassement par l'acte esthétique. Il s'agit d'outrepasser la simple relation de ce mouvement musical à l'art contemporain pour mettre en lumière la singularité d'œuvres seules à même de sublimer ce matériau brut. Michael Gumhold. Untitled (KADAVERGEHORSAM/obéissance aveugle), 2006. Tirage sur Dibond, 70 x 90 cm. Photographer : Jason Lazarus, Chicago. Courtesy the artist & Georg Kargl Fine Arts, Vienna, Autriche

BBB - Centre d’art. 96, rue Michel-Ange, Toulouse (31) Freux Follets Commissariat d’Élodie Lesourd Dimitris Foutris, Michael Gumhold, Yuki Higashino, Julien Langendorff, Per-Oskar Leu, Andrew McLeod, Steven Shearer, Julien Sirjacq, Sindre Foss Skancke, Erik Smith, The Bells Angels, Erik Tidemann, Torbjørn Rødland, Gisèle Vienne jusqu’au 16 avril 2016

Il est dit que Philippe Quesne s’intéresse aux micro-événements et aux grands gestes, à notre fragile humanité, à ses petits travers et vaines utopies. Dans ses spectacles, toute son attention est portée à nous tous, acteurs et spectateurs. Il semble juste espérer être seulement un parmi nous et donc nous avec lui. La tendresse, quoi. L’artiste est invité dans le cadre du Festival In Vivo à s’emparer du Centre d’art comme il le ferait d’un plateau de théâtre. Soit, à penser un projet dont la forme va s’autogénérer, se nourrir de l’expérience et des envies de personnalités invitées : des artistes, des scientifiques et historiens, la société civile aussi, autour de la question du monde souterrain, de la caverne de Platon à celle d’Ali Baba. Au départ, puis en cours et jusqu’à l’arrivée, Welcome to Caveland, ou toute la poétique incongruité d’un parc d’attraction dans une grotte préhistorique. © Philippe Quesne. Photo Martin Argyroglo

Le Parvis - Scène nationale. Ibos-Tarbes (65) Welcome to Caveland. Philippe Quesne jusqu’au 16 avril 2016


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En ce printemps, Noëlle Tissier, directrice du Centre d’art, propose trois monographies consacrées à Philippe Durand, Olga Kisseleva et Philippe Ramette, qui, chacun, explore le paysage d'un point de vue critique et singulier, interrogeant la mémoire comme la préfiguration du futur ou encore la relation de l'homme avec son environnement. Philippe Durand développe une pratique photographique sur le mode de la déambulation, à la recherche de traces d’expression visibles dans l’espace public, dressant, au fil des ans et tel un poète ethnographe, les portraits de nombre villes de notre planète. En 2014, le regard promeneur de Philippe Durand a été capté par le site, bien nommé, de la vallée des Merveilles du Parc National du Mercantour. Considérant ce site comme un proto-musée en plein air, sans auteur, sans commissaire, sans public ni communication, l’artiste en fait le lieu d’un développement de son travail, dans une nouvelle dimension spatiale et temporelle. Son projet d’exposition tente d’en recomposer la topographie usant d’images comme de sculptures, invitant à lecture joueuse comme méditative et proposant ainsi une immersion dans une vallée des Merveilles 2, non comme un fac-similé à usage touristique, mais comme un essai de reconstitution dans l’espace apaisé d’exposition, offrant des temps de perception et de rêverie différents. Philippe Durand. Vallée des Merveilles 2 (extrait), 2015 © Philippe Durand

CRAC - Centre Régional d’Art Contemporain. Quai Aspirant Herber, Sète (34) Monographies de Philippe Ramette, Philippe Durand et Olga Kisseleva Commissariats de Noëlle Tissier

11 mars - 29 mai 2016

La peinture peut être très démonstrative de la façon dont une image apparaît, car on a une tendance naturelle à voir des images dans la moindre tache, dans quelques simples traits. Notre regard cherche sans cesse à interpréter, à donner du sens au perçu. J’ai toujours aspiré à une pratique de la peinture qui serait plus analytique qu’improvisée. Il m’intéresse de trouver où commence et où s’arrête la ressemblance. Pour comprendre le mécanisme du reconnaissable, parfois mes images frisent l’abstrait. Pour voir à quel moment la peinture commence à faire référence, à ressembler à autre chose qu’à elle-même. Il est question d’une peinture souvent gestuelle mais non pas expressive. D’un geste qui n’est pas improvisé, mais planifié. Un geste que j’appelle maniéré, dans le sens où l’on vise moins à représenter un objet qu’à manifester l’artifice de l’art, à mettre l’art en représentation. The Auction, 2015. Huile sur toile, 73 x 92 cm.

Iconoscope 25 rue du Faubourg du Courreau, Montpellier (34) Entrevu. Henni Alftan jusqu’au 16 avril 2016


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a-chroniques benoist bouvot

Icosaèdre ou les faces de l'écoute

Après avoir écouté Icosaèdre le dernier EP de Gérald Kurdian, me vient cette envie. Il faudrait peut-être, un peu à la manière des scientifiques, ou plutôt comme des chercheurs de la sensation intime, faire deux expériences qui peuvent paraître contradictoires. Dans un premier temps répertorier les sons, ce premier temps étant de toute évidence infini, un peu à la manière de la course entre Achille et la tortue. On plonge dans l'infiniment petit de la dénomination en se penchant toujours de plus en plus dans l'individualité (dans le sens de ce qui ne peut être divisé), et on se perd dans l'ineptie de la désignation répertoriante qui devance tout juste la classification linnéenne, un peu à la manière de Pierre Schaeffer et de ses objets sonores. Pour faire face au désarroi de l'impossibilité d'accomplir la tâche, il est sans doute préférable de prendre comme règle une donnée affective, qui arrête le dénombrement et la recherche par l'impression même de satisfaction et de plénitude. Ainsi on trouvera un panel singulier de sons qui peuvent habiter ou non la musique, le monde personnel ou plus largement l'expérience auditive, voire même la fiction. En effet cette dernière est au-delà de toute chose le plus étonnant des mensonges. Les fictions auditives les plus répandues sont celles du cinéma, qui nous fait croire que nous connaissons les bruits de chute d'un corps, de coups violents, d'explosion ou d'armes à feu, de vaisseaux spatiaux... On trouve alors le son associé nécessairement à d'autres données plus visuelles, et à l'action même des choses du monde. Il apparaît même comme un effet plus que comme une entité possible et singulière. C'est cette notion d'effet qui le ramène à notre expérience de départ. Une fois dénombrés et séparés, les sons se trouvent tout de même accolés à un phénomène qui est leur cause substantielle. En d'autres termes le bruit de la pluie est de fait lié à la chute de l'eau et nous plonge immédiatement dans un paysage personnel qui, propre à chacun, convoque le lieu de la pluie. Muni de ce petit répertoire nous sommes en mesure de commencer la seconde expérience qui semble déconstruire la première. Dans un second temps il s'agirait donc de reprendre ces unités affectives ainsi dégagées pour les réunir à nouveau dans les assemblages les plus libres. A la manière de l'émerveillement des premiers compositeurs de musique électroacoustique et concrète, on réaliserait donc la fiction tout aussi infinie et libre que le dénombrement précédent, de paysages, ou lieux sonores. Par exemple on mixerait, car il s'agit là justement de mixage, le bruit de la pluie au son du sable qui glisse sur les dunes d'un désert avec le craquement d'un vieux parquet et une longue note aiguë de violon... Ainsi se sachant capable de créer soi-même une possibilité d'écoute interne, on se place sur une autre face de l'écoute, qui donne à la musique une saveur toute différente. Les paroles elles-mêmes viennent se perdre au-delà de la beauté de leur assemblage. Et tout en partageant la possibilité de créer un espace sonore sans pour autant avoir à le réaliser, on rentre dans la communauté de la proposition musicale comme dans une discussion. On glisse alors tout simplement dans la sensation des couches instrumentales et sonores qui charpentent un morceau avec l'œil d'un voyageur immobile qui échappe à la solidité des choses. « Tant que des foules comme pierres qui croulent, dépensent l'or, l'ego, les forces, l'au-delà ». Gérald Kurdian. Icosaèdre - Les solides.

« Le corps est un mirage, un effet de cornée. […] Nous envoyons en l'air des messages secrets, mais n'avons de repère que nos propres reflets ». Gérald Kurdian. Icosaèdre - L'âge.


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silhouette dominique rochet

Geek dandy Veste à carreaux sur chemise lavallière, jean évasé et chaussures Jiminy Cricket.


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la dramatique vie de marie r. marie reverdy Le conditionnel et l'angoisse Il nous tardait de changer d'année ! On voulait l'ivresse, certes, mais sans la gueule de bois, manière de dire que 2016 ne sera pas 2015. On souhaitait que personne n'ait l'alcool mauvais ou le vin triste, on voulait seulement l'ivresse, la transe de l'ivresse, quelque peu dionysiaque, le transport, l'euphorie ; autrement dit, on voulait le Rausch, comme diraient nos voisins allemands. Rausch est le titre d'une pièce de Falk Richter, traduite en français par Ivresse. Mais la traduction ne me satisfait pas, elle ne recouvre pas l'exact territoire du concept allemand. L'ivresse française nous raconte la perte de contrôle, de raison, et de conscience : on peut, en français, être ivre-mort. Le Rausch allemand, en revanche, suppose la pleine conscience de cet état second afin d'en mesurer la saveur. C'est peut-être cette différence radicale qui nous trompe dans notre lecture de cette pièce de Falk Richter. Tout commence par l'incertitude d'un conditionnel, un « j'aimerais tellement », qui se prolonge par le souhait capital d'un « SANS ANGOISSE », que le choix de la police, capitale également, redouble. Première page, dix lignes à peine, et mon esprit vagabonde devant cette étrange alliance, car il me semble bien que le conditionnel est le mode même de l'angoisse, distincte de l'anxiété ou de la peur. Heidegger fait de l'angoisse le fond même de l'existence humaine, le revers de la liberté fondamentale que nous avons à nous déterminer nous-même pour remplir le néant qui nous habite. J'existe comme une paroi autour de ce néant, et la conscience, sautillante sur le rebord de ce puits, s'angoisse comme on a le vertige. J'ai seulement peur du précipice, mais j'ai l'angoisse absolue de savoir que je peux m'y jeter dedans, tout seul, comme un con. L'angoisse et la liberté, pour la philosophie existentialiste, c'est un peu comme le sublime et la raison dans l'esthétique de Kant : une histoire de gouffre comme exemple probant. Le sujet du conditionnel est, a priori, pieds et poings liés à la contingence. Mais chez Falk Richter, le « j'aimerais » appelle un « si » qui ne viendra jamais, un impossible « si » si l'on considère que l'angoisse est la condition même de l'existence, car souhaiter la fin de l'angoisse, ce serait comme souhaiter en finir, mort. Le conditionnel de Rausch manifeste alors la capitulation de l'imagination face au néant des possibles, le vertige au bord du gouffre, l'ivresse face aux désirs. Il faut dire que le vertige est une traduction possible du Rausch allemand. Bien sûr, il y a également, en toile de fond de la pièce, l'enivrant vertige de la spéculation, de la rentabilité, de la plus-value, de la surpuissance du moi individuel et de l'amour qui nous oblige avant tout à « être à la hauteur de l'exigence de la relation ». Mais là n'est pas le plus intéressant. Si on repliait la pièce sur elle-même, comme une feuille, nous aurions une forme symétrique parfaite : au conditionnel du « j'aimerais » et au souhait de quitter l'angoisse, la pièce se termine par une affirmation de la volonté, une liste de « je veux », portant uniquement sur des objets accessibles, concevables, enfin possibles. Si le « j'aimerais » anti-

cipe la déception et favorise la résignation, le « je veux » est le début de la rupture, la condition première de l'attente déçue. Le « je veux » de Rausch est l'affirmation d'une volonté en forme de rouleau compresseur, bouclant la boucle des désirs inassouvis par une liste rythmique longue comme le bras de Morphée. Cette ivresse verbale, dont le lyrisme relève de la transe débordant toute raison, nous ramène à l'ivresse dionysiaque que décrit Nietzsche et qu'il oppose au principe apollinien comme on oppose l'ordre au désordre, le calme à la tempête, la mesure à la démesure. Ce débordement de l'individu est l'affirmation de la volonté humaine et naturelle contre toute contrainte sociale. Nietzsche fait d'ailleurs de Dionysos, dans la section 19 de La Naissance de la Tragédie, un « infaillible justicier ». L'ivresse amoureuse du personnage de Rausch est avant tout une rébellion contre l'ordre établi, un juste désordre de l'émotion, anti-système, à l'endroit exact où la raison capitule au profit de l'angoisse. Le « je veux » est porté par un « infaillible » amoureux dont la démesure ne faiblira pas, jusqu'à la brûlure s'il le faut, jusqu'à l'auto-destruction, au saut dans le vide. Il faut dire que la « ruée » est également une traduction possible du Rausch allemand, tout comme « bruit » ou « tumulte ». Le Rausch allemand, c'est une poussée enivrante hors de soi, dans le tonnerre de l'arrivée en terre inconnue. Moi aussi « j'aimerais » autant que « je veux », et « SANS ANGOISSE » qui plus est, écrire sans me soucier de rien, sans me soucier de la vie plus ou moins dramatique qui est la mienne. Écrire sans sourciller, comme si l'écriture avait ce pouvoir de faire table rase de tout ce qui se sédimente dans le fond de l'être, en attente de résolution improbable. Moi aussi j'aimerais, comme lui, « partir par l'écriture dans un autre monde, m'écrire à l'intérieur d'un autre monde qui me serait propre, lentement m'aventurer dans des instants que je n'ai encore jamais vécus, dans des rencontres que je n'ai encore jamais faites, dans un monde où pourrait se passer tout ce qui n'a pas lieu autour de moi et en moi. » Savoir que je n'aurai jamais fini, mais que je veux, absolument.


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Parce qu’il faut bien regarder quelque chose. Pourquoi pas ça. Ça commence comme ça : une fille est assise sur un canapé, un lit, parfois debout, face caméra. Et une voix hors-champ, une voix sans visage pose des questions : son nom ? son âge ? ce qu’elle préfère ? si elle a déjà eu des expériences de ce type ? à combien ? des choses qu’elle ne fait pas ? si elle peut enlever ses sous-vêtements ? si elle peut tourner sur elle-même ? Et la fille répond face caméra, décline son identité, raconte son métier, que oui c’est la première fois, mais que ça oui elle l’a déjà fait. Le porno sur internet, c’est d’abord ça : un dispositif de parole ; il faut parler avant de passer à l’acte. Voilà ce que le porno sur internet a mis en place depuis une dizaine d’années. Qu’est-ce qui se raconte là ? tout, même s’il ne se dit rien. Le discours de ceux/celles qui vont se faire pénétrer — parce que c’est quand même de cela qu’il s’agit — n’est pas garanti : identité vraie ou fausse ? métier fictif ou pas ? Peu importe en fait, le discours n’est qu’une adresse, un format aux allures de documentaire pour répondre au premier fantasme des consommateurs : une subjectivité partagée. Le porno 2.0 met d’abord en scène la parole des acteurs (avant leur pénétration), des acteurs au statut précaire (on est là entre la professionnelle et l’amatrice), ce qui fait de ce premier discours face caméra dirigé par une voix off, le préliminaire à leur pénétration. C’est bien ça que le porno 2.0 réinscrit sur la toile : les préliminaires. La pornographie commence là, dans cette « perversion » du langage destinée à l’excitation. Car tout est calibré sur le net pour un rendement maximal : ce spectacle de la parole n’est pas destiné à ralentir le moment du passage à l’acte, il est déjà l’acte sexuel : le « rapport » entre une voix off et une fille qui « décline » son identité, « dépose » ses vêtements. Le dispositif de la vignette porno sur le net, c’est la « déposition ». Et ce que regardent derrière leur écran la communauté des internautes, c’est la nécessité absolue de cette déposition, garantie de toutes les positions sexuelles à venir. Et le cinéma dans cette histoire ? c’en est fini. La pornographie ne « tourne » plus. Ou alors il lui faut rejouer ce qui se passe sur le net redoublé de téléréalité. C’est bien ce qu’avait compris Larry Clark dans son court-métrage Impaled. Son sujet ? le rapport à la pornographie des jeunes américains qu’il va recruter par une petite annonce en leur proposant une scène de sexe avec une professionnelle du hard. Et Clark avait choisi comme dispositif de tournage l’interview de casting : les garçons répondaient face caméra aux questions du réalisateur qui, lui, restait hors-champ, puis ils se déshabillaient face caméra, jusqu’au moment où Clark choisissait l’acteur qui avait gagné sa scène de sexe pornographique. Une version hardcore d’À la recherche de la nouvelle star. Deuxième temps : les actrices entraient en scène pour une nouvelle audition : identité déclinée, récit de leurs expériences, déshabillage jusqu’à ce que le jeune homme choisisse l’élue. Troisième temps : le tournage de la scène X. Et là Clark poursuit sa vision documentaire en gardant les ratés du tournage, les approximations : l’actrice qui demande du gel, les positions difficiles à tenir, bref ce qu’on pensait généralement devoir rester de l’ordre du hors-champ. Mais justement, le porno sur internet en a fini avec le hors-champ, en a fini avec le cinéma ; la frontière pro amateur des acteurs se redouble dans l’image qui n’opère plus aucune hiérarchie entre la pénétration et le reste. C’est bien cela qui est en jeu depuis la disparition du cinéma pornographique : la disparition du hors-champ sur le modèle de la téléréalité. Le porno 2.0 montre tout à des consommateurs qui désormais jouissent de tout et rien. Montre tout vraiment ? Non, quelque chose fait exception : la parole de celui qui pose les questions : Larry Clark dans son documentaire/la voix off du porno 2.0. Voilà le hors-champ de la pornographie : une voix qui met en place la parole et le corps de l’autre face caméra… parce qu’il faut bien regarder quelque chose, alors pourquoi pas ÇA. Laurent Goumarre est critique d’art, journaliste et producteur de l’émission Le nouveau rendez-vous sur France Inter du lundi au jeudi de 21h00 à 23h00.


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addenda languedoc-roussillon montpellier - 34 Carré Sainte-Anne Carole Benzaken / jusqu’au 22 mai 2016 Galerie Vasistas Yohann Gozard / 18 mars - 23 avril 2016 Iconoscope Henni Alftan / 29 janvier - 16 avril 2016 nîmes - 30 Carré d’Art – Musée d’art contemporain Ugo Rondidone / 22 avril - 18 septembre 2016 sérignan - 34 MRAC – Musée régional d'art contemporain Se Souvenir des Belles Choses > 17 avril 2016

sète - 34

ibos-tarbes - 65

CRAC – Centre régional d'art contemporain Monographies Philippe Ramette / Philippe Durand / Olga Kisseleva / 11 mars - 29 mai 2016

Le Parvis Philippe Quesne / jusqu’au 16 avril 2016 nègrepelisse - 82

midi-pyrénées

La Cuisine – Centre d’art et de design Marie Sirgue / jusqu’au 1er mai 2016

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saint-gaudens - 31

Le LAIT / Moulins Albigeois Souviens-toi du temps présent 25 mars - 5 juin 2016

Chapelle Saint-Jacques La Cellule / 19 mars - 21 mai 2016

cajarc - 46 Maison des arts Georges Pompidou Anne-Laure Sacriste 9 avril - 5 juin 2016 colomiers - 31 Le Pavillon Blanc Etienne Cliquet, Fanette Mellier, Uta Eisenreich, Ernesto Sartori jusqu’au 14 mai 2016

toulouse - 31 Les Abattoirs Antoni Tàpies / jusqu’au 22 mai 2016 BBB centre d’art Freux Follets / jusqu’au 16 avril 2016 Lieu-Commun Résidence Post_Production / jusqu’en avril 2016 Préface Bevis Martin & Charlie Youle > 30 avril 2016


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