ĂŠtĂŠ 2020
mensuel gratuit
#16
art culture architecture
N 16 .04
Nuits de Fourvière 2018
.10
déambulations
Sebastião salgado©
Arts visuels
dossier spécial rentrée
De chair et d’os
Genesis
La fascinante invitation au voyage de Sebastião Salgado
.07 7e art
DR/Archives Charlotte Perriand, ADAGP, 2020©
On ira tous... au cinéma !
.08
forme et fonction
Charlotte Perriand, un style hors piste
Expos, cinéma, rendez-vous en plein air : l’été sera aéré (l’inévitable distanciation physique !), l’été sera hexagonal (et si on en profitait pour découvrir nos petits villages et nos coins de paradis secrets ?), l’été sera différent (plus proche de la nature, moins dans la consommation, est-ce réalisable ?) mais toujours ouvert à tous les possibles (ça, c’est du ressort de chacun !). On vous donne rendez-vous dès le 9 septembre pour un numéro qui couvrira exceptionnellement septembre et octobre, histoire de laisser le temps aux lieux de reprendre le cours de "leur vie" et au virus… de nous oublier. Et on a l’espoir fou de retrouver, enfin tous ensemble, la chaleureuse intimité des salles de spectacles et la liberté de se presser devant un concert… Haut les cœurs ! Bel été. A.H.
.14
arkuchi #16 été 2020
success story
Qu’il a été long ce printemps loin de vous… Après trois mois d’absence forcée, ArKuchi « déconfine » avec une joie non dissimulée. 16 pages c’est peu, mais c’est beaucoup, pour retrouver lecteurs, lieux (une pensée à tous ceux qui sont encore fermés) et un peu de culture, enfin.
EDITO
.06
Paul Bourdrel©
On a tellement besoin du spectacle vivant et de revenir à l’essentiel : les artistes
contact.arkuchi@orange.fr
Mensuel gratuit Lyon, Métropole & Rhône-Alpes Edité par ArKuchi, 18 rue de Belfort, Lyon 4 Direction de la publication - Rédaction en chef Anne Huguet - 06 13 07 06 97 Secrétariat de rédaction : Emmanuelle Babe Ont participé à ce numéro Valie Artaud, Emmanuelle Babe, Claudia Cardoso, Blandine Dauvilaire, Lucie Diondet, Ponia Dumont, Émiland Griès, Trina Mounier, Florence Roux Illustration de couverture : Jérôme Bertin Publicité : contact.arkuchi@orange.fr 06 13 07 06 97 Conception et mise en page Impression : FOT
Tirage : 8 000 ex. Dépôt légal à parution – ISSN : 2646-8387
La rédaction n’est pas responsable des textes et photos publiés qui engagent la seule responsabilité de leurs auteurs. Tous droits de reproduction réservés.
ArKuchi est présent dans plus de 400 lieux : centres culturels, théâtres & salles de spectacles, bibliothèques, musées, cinémas, magasins spécialisés, bars & restaus, mairies, MJCs, etc. Abonnement
Popote(s)
Red fresh sweeties
9 num./an
27 eur.
Jugeote Rejoignez la communauté ArKuchi
.15
Street art by Graphull
Melissa Perre
°
déambulations
arts visuels
Par Valie Artaud, Emmanuelle Babe, Lucie Diondet, Émiland Griès, Anne Huguet
Globe-trotteurs La BF15©
Jusqu’au 18.07.20
hugo pernet the neck
Nouveau quatuor à la Galerie Le Réverbère, autour d’un sujet photographique d’un (a priori) pur classicisme en la matière : le voyage. Quatre photographes bien connus de l’endroit nous offrent des bribes d’échappées solitaires, toutes en contrastes et apparente vacuité. De visages plus ou moins f(l)ous de Rome, arpentée maintes fois par Bernard Plossu, à divers lieux de la Gaspésie, fixés par l’objectif « photoponymique » de Jacques Damez, le regard dérive vers les aurores mégapolitaines de Serge Clément, une corne de l’Afrique foulée au cœur par Thomas Chable, et les séquences animées par ces deux derniers. Si elles ne sont « pas l’Éden et encore moins le Paradis », ces visions du monde sont surtout celles de voyageurs « regardeurs » et « filmeurs », loin des images d’Épinal et autres banales cartes postales. L.D. Galerie Le Réverbère Lyon 1
galerielereverbere.com
Nörka©
série SECRET DE FAMILLE
Contes en série JUSQU’AU 01.08.20
Des « contes d’hiver » pour son exposition d’été, voilà ce que propose la BF 15. Sur les cimaises de la galerie lyonnaise, une sélection de la série Winter Tales signée du Dijonnais Hugo Pernet, lequel, après avoir produit un travail très abstrait et minimaliste, propose aujourd’hui une peinture plus figurative mais toujours « instinctive ». À travers le chromatisme glacé vieux rose et vert bleuté, l’artiste donne à voir le propos universaliste voire impersonnel du conte sans toutefois imposer une lecture ni une émotion : en se laissant happer par les formes, on devine ici une tête de cheval, là un ours blanc, ailleurs, une feuille morte. La peinture, comme « illusion d’une narration ». E.B. La BF 15 Lyon 1
labf15.org
Flow urbain
JUSQU’AU 29.08.20
Nouvelle venue au 35-rue-Burdeau, NörKa, elle-même artiste photographe, s’est installée discrètement dans les 80 m2 de la Galerie Pallade, officiellement fermée depuis le 23 mai. À peine le temps de réinvestir les lieux à sa façon, « avec ma patte », avant que ne s’ouvre sa première exposition personnelle : L’Individualité en Mouvement, une série de vingt-et-une photographies couleur autour du mouvement et du Dasein*. La jeune galeriste promet cinq à six expositions par an, d’artistes reconnus mais aussi émergents, avec comme fil rouge « le mouvement ». La Galerie NörKa sera ouverte tout l’été, l’occasion d’aller découvrir les flous de celle qui cherche à capter l’instantanéité du mouvement tout en soignant particulièrement l’arrière-plan. A.H. Galerie Nörka Lyon 1
galerie-norka.com
*Le terme, issu de la philosophie de Heidegger, désigne l’existence humaine conçue comme présence au monde.
ArKuchi #16 été 2020
L’enfance de l’art
Alberto Cosi©
déambulations
JUSQU’AU 27.09.20
Loin des lendemains qui chantent, ceux que donne à voir l’IAC font davantage frissonner. Car nul besoin d’être collapsologue* ou pourfendeur de fin du monde pour constater l’étrange résonance entre la période actuelle et l’ambiance si particulière d’Infantia. Cette œuvre totale signée Fabien Giraud et Raphaël Siboni délivre une lecture pré ou post-apocalyptique de notre réalité. De la sculpture à la vidéo, de la performance à l’installation, le duo fait dialoguer les œuvres entre elles, véhiculant la vision complexe d’un monde fictionnel. Des films, issus d’un minutieux protocole de captation en continu, projetés en boucle, peuvent être vus comme les épisodes d’une série faisant état d’une société dissidente au milieu d’un univers disloqué. Seuls quelques rescapés endormis, au milieu de vestiges, héritiers d’un temps incertain, emplissent de leur étrange présence les différents espaces offerts à la déambulation. V.A.
Bamboo sports hall - Thaïlande
Institut d’Art Contemporain Villeurbanne
i-ac.eu
*La collapsologie est un courant de pensée du XXe siècle qui prédit et étudie l’effondrement de notre civilisation moderne par la convergence de toutes les crises.
Fibre verte
ARCHIPEL. Bamboo sports hall
01.07.20 > 30.09.20
Le bâtiment pollue au cours de sa longue vie – construction, utilisation, entretien, rénovation, démolition. En ces temps d’intense remise en question de nos modes de vie bien peu écologiques, l’exposition Architecture en fibres végétales d’aujourd’hui, cet été à Archipel, contribue à la réflexion. Elle présente cinquante édifices réalisés à travers le monde en matériau végétal (bambou, chanvre, roseaux…). Ce parti-pris architectural limite le prélèvement des ressources minérales non renouvelables et les bâtiments ainsi réalisés endossent le rôle de gigantesques stocks de carbone. On cherche les défauts à ces propositions ! E.G. Archipel Centre de Culture Urbaine Lyon 1
archipel-cdcu.fr Lionel Sabatté Martyr du 03 02 19
Le beau bizarre JUSQU’AU 14.11.20
Avec Fragments mouvants, Lionel Sabatté marque son grand retour à la Fondation Bullukian. Un an après la réalisation d’une imposante sculpture de bronze, à l’occasion du parcours inaugurant l’Institut franco-chinois de Lyon, l’artiste toulousain revient avec une exposition monographique retraçant dix années d’un parcours riche et protéiforme. Faisant la part belle à l’insignifiant, au laissé-pour-compte, Sabatté donne une seconde vie à ce qui est habituellement négligé. Ainsi, la poussière, la ferraille, les peaux mortes et autres rebuts plus ou moins éphémères forment une œuvre fragile et sensible, faisant surgir une beauté inattendue. Tel un démiurge, Sabatté transfigure ainsi la matière en de multiples créations, bestiaire de curiosité qui ne va pas sans rappeler les figures de Giacometti pour l’aspect décharné et longiligne de ses sculptures ou de Hans Bellmer pour la rondeur et la finesse de son trait. À noter également en écho, l’exposition du même artiste en dialogue avec Rembrandt à la galerie LE 1111 (jusqu’au 4 juillet). V.A. Fondation Bullukian Lyon 2
Studio Rémy Villaggi©
bullukian.com celinemoine.com
ArKuchi #16 été 2020
success story
À la Sucrière, l’exposition Genesis réunit 245 photographies noir et blanc de Sebastião Salgado. Une ode à la nature époustouflante.
Village mursi de Dargui Éthiopie 2007
Par Blandine Dauvilaire photo Sebastião salgado
Iguane marin Galápagos 2004 Baleine franche australe Argentine 2004
Photoreporter autodidacte, Sebastião Salgado a consacré une partie de sa vie aux guerres et aux génocides. Cette expérience du désastre l’a mené au bord du gouffre. Pour guérir sa dépression, l’artiste est retourné vivre au Brésil dans la ferme familiale, mais là aussi, la terre était ravagée par l’homme. Avec l’aide de son épouse Lélia, ils ont replanté plus de 300 variétés d’arbres. En vingt ans, les animaux ont repeuplé cette forêt et redonné à Salgado une raison de vivre. « Je suis parti arpenter la planète de l’Antarctique à l’Arctique, j’ai découvert que 46 % de sa surface était encore intacte, comme au premier jour », raconte avec émotion ce passeur d’images. « Les 245 photos exposées résument mes huit années d’expéditions dans les zones les plus reculées. » Construit comme un voyage, le parcours fait la part belle aux paysages grandioses magnifiés par le noir et blanc. En Amazonie, Salgado a immortalisé les arbres à perte de vue comme autant de respirations majuscules, et des fleuves aux reflets d’acier qui servent de miroir aux nuages. Dans les sanctuaires habités de peuples aux rites ancestraux, comme aux Galápagos ou à Madagascar, il a croisé des visages emplis de sagesse. Sans oublier les animaux qui sont omniprésents : du Pantanal peuplé de caïmans aux vols d’oiseaux majestueux, en passant par un jaguar assoiffé qui plante ses yeux dans les nôtres. Cette beauté sauvage que contemple Salgado à la lisière du monde est plus que jamais menacée par l’homme. Ignorant raffiné qui court à sa perte quand la nature, elle, poursuit son chemin. Violentée mais résiliente. Parce qu’il réveille nos consciences en partageant ce que la Terre a de plus beau à offrir, Salgado mérite notre gratitude.
ArKuchi #16 été 2020
Parc national de Kafue. Zambie 2010
les Nénètses et leur troupeau Sibérie 2011
Iceberg Péninsule Antarctique 2005
Genesis
Jusqu’au 26.07.20 La Sucrière Lyon 2 expo.salgado.com
7 e art
grac.asso.fr institut-lumiere.org cinemaspathegaumont.com ugc.fr
Salles fermées, films déprogrammés de Sébastien Lifshitz, Adolescentes. texte & photo Lucie Diondet voire sacrifiés, spectateurs Quant à La Cravate et à l’adaptation confinés : le secteur du cinéma a été de l’ouvrage de Thomas Piketty, profondément bouleversé. Comme Le Capital au XXIe siècle, ils pourront s’avérer fort utiles en tant d’autres. Pourtant, pendant ces ces temps électoraux et de grands semaines habituellement fécondes plans économiques. Révision des pour le grand écran, la cinéphilie classiques toujours, avec les belles n’a pas disparu. Séances VOD, restaurations d’Elephant Man de DVDthèque, plateformes et autres David Lynch, des films de G.W. chaînes de cinéma : pour celles et Pabst (Loulou, c’est lui) et de titres ceux qui eurent subitement plus qui choquèrent l’Amérique de de temps, ce fut l’occasion rêvée l’ère Pré-Code* (maléfique Baby de (re)visiter le Nouvel Hollywood, Face…). On hurlera plus que jamais de s’essayer au film d’horreur ou « Black Lives Matters » au sortir expérimental, de se (re)faire les plus grands nanars… sans sortir de chez soi. Si ce n’est pas de Mississipi Burning, on fêtera les vingt-cinq ans de La Haine, on frissonnera devant Les Lèvres rouges de Delphine Seyrig et malheureux au pays des frères Lumière ! La réouverture des salles, lieux de partage et de rencontres, est Scanners de David Cronenberg ; on pleurera encore et encore donc un vrai soulagement. Et ce drôle d’été cinématographique, Michel Piccoli… Parmi les nouveautés un tantinet inquiétantes, adapté au protocole sanitaire, sans aucune sortie mondiale, on ne saurait que trop conseiller Exit, plongée en apnée dans se montre étonnamment riche. Films passés à la trappe ce les sous-sols de Copenhague. Just Kids, Benni, Jumbo et Été 85 printemps, sorties nationales, titres du patrimoine et œuvres – nouvel opus de François Ozon, labellisé Cannes 2020 comme cultes dessinent un joli éventail Art & Essai. Ce qui n’est pas cinquante-cinq autres films annoncés en salles avant l’hiver pour nous déplaire. Du côté des titres fauchés en plein vol, on 2021 – nous offriront des pages délicates des jeunesses française ne manquera pas les reprises de La Communion du Polonais et allemande. Pour les plus jeunes, rendez-vous avec un sacré Jan Komasa, de la première réalisation de Mehdi M. Barsaoui, bestiaire composé d’un hamster nommé… Viggo Mortensen Un fils, ou de Monos de l’Argentin Alejandro Landes. Entre un (Dreams), de l’indémodable La petite taupe aime la nature délinquant touché par la foi, une attaque terroriste en Tunisie et et de Nous les chiens. Sans oublier Mulan, dernière livraison des cousins de Sa Majesté des Mouches, place à un peu de légèreté "guerrière" du géant aux grandes oreilles. avec le tandem Binoche-Moreau dans La Bonne épouse. Le Ne vous reste plus qu’à surveiller les programmes et surtout, à cinéma documentaire crèvera l’écran, tel le projet au long cours envahir les salles !
au cinéma on ira tous ...
* Films tournés aux États-Unis entre le krach de 1929 et la nomination de Joseph I. Bree en 1934 à la direction de la société MPPDA. Bree mit en application le code Hays, un code de censure morale au cinéma dont le texte est en constante évolution. ArKuchi #16 été 2020
FORME & FONCTION
Après ce bien étrange printemps 2020, la rétrospective Charlotte Perriand à la Fondation Vuitton cet hiver ne ressemble plus qu’à un lointain souvenir... Voilà une seconde chance de (re)découvrir cette architecte emblématique au cœur des montagnes qu’elle affectionnait.
première
Charlotte Perriand dans le refuge Bivouac au mont Joly (74), 1938
cordée Par émiland griès
ArKuchi #16 été 2020
DR/Archives Charlotte Perriand, ADAGP, 2020©
de
FORME & FONCTION
« J’aime la montagne, profondément. Elle a été de tout temps le baromètre de mon équilibre physique et moral. Pourquoi ? Parce qu’elle offre à l’homme la possibilité de dépassement dont il a besoin. » Avec ces mots, tout est dit de la relation passionnée que Charlotte Perriand a entretenue toute sa vie avec les Alpes savoyardes. Femme architecte française traversant le XXe siècle (1903-1999), elle a laissé une empreinte indélébile dans notre vie quotidienne, sans que nous nous en rendions toujours bien compte. Les tables en matériaux naturels (plateau de bois massif et pieds en métal peint) aux formes souples et aléatoires ? C’est elle qui les conçoit dès 1928. Les rangements modulables formant paravent, avec panneaux et cuvettes coulissantes ? C’est encore elle qui les dessine en 1952. Les banquettes minimalistes, les assises faites d’une feuille de bois contreplaqué courbée, les tapis ressemblant à des tableaux abstraits, les luminaires métalliques orientables aux formes épurées, les cuisines intégrées ouvertes sur le séjour, c’est aussi et toujours elle ! Même les boules chinoises qui pendent à nos plafonds lui doivent leur succès : elle rapporte les premiers luminaires en papier tendu sur de frêles baguettes d’osier de son séjour au Japon entre 1940 et 1942. Nos intérieurs contemporains au mobilier économique, conçus pour une vie pratique et ergonomique, lui doivent quasiment tout. Sa créativité toujours innovante a d’ailleurs été reconnue de son vivant. Elle collabore à de nombreuses occasions avec les plus grands concepteurs de l’époque : l’architecte Le Corbusier, l’ingénieur Jean Prouvé, le plasticien Fernand Léger, et bien d’autres encore. L’exposition de Saint-Nicolas-de-Véroce (74) braque le projecteur sur le constant tropisme alpin de Charlotte Perriand. Décidément précurseuse dans bien des domaines, on la découvre randonneuse accomplie, à travers les clichés noir et blanc pris dans les années trente et tirés de ses archives personnelles. Skis sur l’épaule, elle y gravit les pentes enneigées, en total hors-piste, bien évidemment ! La montagne en hiver, à cette époque, n’est pas affaire de mauviettes ! En femme libérée et indépendante, on la voit même topless (de dos), lever les bras en signe de victoire sur un sommet… Femen avant l’heure, donc ? Sa créativité s’est naturellement portée sur la mise au point de plusieurs bivouacs expérimentaux, transportables et démontables, offrant un confort spartiate mais pensé dans les moindres détails, permettant
ArKuchi #16 été 2020
aux amoureux du trekking d’assouvir leur soif de grands espaces naturels, pas toujours hospitaliers. S’ensuit la conception de refuges et chalets plus aboutis, dont certains pour son propre usage. Ils traduisent, chacun à sa manière, l’expérience acquise par l’habitat traditionnel montagnard, qu’elle a su observer, analyser, interpréter dans une écriture architecturale moderne, faisant la part belle aux interactions avec le paysage environnant. De grandes baies coulissantes ou pivotantes abolissent à volonté la frontière entre intérieur et extérieur, foyer chaleureux et paysages grandioses. Toujours subjugée par la montagne, elle participe, jusque dans les années quatre-vingts, à la création de stations de sports d’hiver, tels Les Arcs en Tarentaise. Grâce aux dessins originaux présentés et aux maquettes de logements, l’exposition relate fidèlement la singularité de sa conception : dans les programmes résidentiels qui lui sont confiés, Charlotte Perriand poursuit sans relache sa quête d’optimisation des espaces intérieurs, mettant par exemple au point des salles de bains moulées préfabriquées, imbriquant les couchages qui s’escamotent la journée. Par ailleurs, elle insère discrètement, dans le relief, ses projets imposants, par le jeu de grandes toitures en pente, de façades souples et décalées qui épousent les courbes de niveaux. Et elle préserve l’essentiel à ses yeux : la contemplation panoramique des paysages grandioses, même depuis le plus petit des studios-cabines.
Charlotte Perriand en montagne
Jusqu’au 20/09/20 Musée d’art sacré de Saint-Nicolas-de-Véroce (74) saintgervais.com
Le monde nouveau de Charlotte Perriand Catalogue de l’exposition
Gallimard/Fondation Louis Vuitton, 2019
Et devant moi la liberté. Journal imaginaire de Charlotte Perriand
Virginie Mouzat Flammarion, 2019
Charlotte Perriand, créer l’habitat au XXe siècle
Jacques Barsac (documentaire) CIST, 1985
Résidence Cascade (1969), Arc 1600 (73) Architectes Charlotte Perriand et Atelier d’architecture en montagne/ Gaston Regairaz et Guy Rey-Millet
Pernette Perriand-Barsac / Archives Charlotte Perriand - ADAGP, 2020
dossier rentrée
theatredescelestins.com les-subs.com maisondeladanse.com radiant-bellevue.fr tnp-villeurbanne.com theatrelarenaissance.com levellein.capi-agglo.fr comediedevalence.com
Nous allons devoir puiser au fin fond de notre identité Stéphane Malfettes
DE CHAIR Christophe Raynaud de Lage©
Une fois n’est pas coutume. En cette saison qui peine à sortir de l’obsession sanitaire et sécuritaire, les quelques directeurs de théâtre interrogés nous confient, sans fausse pudeur ni prétention, leurs rêves et leurs inquiétudes pour la reprise tant attendue du spectacle vivant. Des cris du cœur…
Jean-Baptiste André, utoPistes 2018
ArKuchi #16 été 2020
dossier rentrée
à
l’heure où vous lirez ces lignes, les théâtres auront réouvert ou non, avec des règles de distanciation bien peu propices au spectacle vivant, enfin peut-être… Qui peut savoir ? Car l’un des premiers constats sur la fameuse date du 14 mars 2020 fut l’incroyable brutalité de la nouvelle. « Nous nous sommes sentis empêchés dans ce qui est le cœur de notre mission… Une mise à l’arrêt, une crise redoutable pour le secteur culturel », témoigne Stéphane Malfettes, dont c’est la première saison aux commandes des Subs. Il n’est pas le seul à prendre la responsabilité d’une grande institution théâtrale sous de si mauvais auspices : Jean Bellorini a pris ses fonctions au TNP le 1er janvier dernier, de même que Marc Lainé à la Comédie de Valence.
Tous les trois le disent : il faut réagir, et donc inventer, créer. Bellorini l’affirme : « Il faudra faire du théâtre, même si pour cela il faut s’adapter. Trouver d’autres formes, faire des petites et de grandes choses, jouer dans la grande salle ou devant des publics de quartiers à Villeurbanne. » Car il est très attaché à cette décentralisation à taille locale, à cette idée de donner à tous la possibilité de ces rencontres avec des spectacles inoubliables, comme à la Par Trina Mounier
une nécessité et une évidence de revenir à l’essentiel : les artistes
nécessité de pratiquer, de se confronter à l’acte de création… Ce n’est pas sans émotion qu’il raconte l’enthousiasme de Peter Brook, pas du tout inquiet d’ouvrir la saison du TNP et ravi de se lancer, à 95 ans, dans un nouveau workshop ! « Nous allons devoir puiser au fin fond de notre identité, poursuit Stéphane Malfettes, engager le public dans une dimension plus participative, moins consommatrice, et développer les pratiques amateurs. Bref sortir du cadre. » Quant à Marc Lainé, il reconnaît « être chanceux dans cette crise : la saison devait se dérouler de toutes façons hors les murs. Elle était déjà itinérante et de formes légères… Mais au-delà de ça, je me méfie de l’opportunité, que crée cette crise, de tout remettre à plat, notamment du point de vue du service public. Le vocabulaire libéral – adaptabilité, flexibilité – appliqué à la création, cela me fait peur : l’hyperréactivité qu’on attend de nous est mortelle pour les petites
Dominique Hervieu maisondeladanse.com
La Maison de la Danse a dévoilé le 17 juin sa nouvelle saison, nécessairement « un peu différente : les premiers spectacles ne démarrent qu’en novembre, explique sa directrice Dominique Hervieu. Il était capital pour moi de revenir à l’essentiel, c’est-àdire aux artistes et à leurs besoins. » Le plateau de la Maison de la Danse devient donc un lieu de création et de répétitions pour les artistes associés (Amala Dianor, Fouad Boussouf ou Galactik Ensemble). Car il faut donner du temps aux artistes, leur permettre de se reconstruire, de se retrouver. « Les danseurs et les circassiens, qui sont sur des dimensions de virtuosité, sont les plus touchés par ce qui s’est passé. Parce qu’il faut se remettre en forme, recommencer à travailler à plusieurs. Dans le cirque, pour les acrobaties par exemple, il faut pouvoir toucher les autres, ce qui est toujours impossible aujourd’hui », rappelle Dominique Hervieu. Avec la Maison des Savoirs, « on va proposer aux spectateurs d’apprendre sur l’art chorégraphique et non plus de simplement "consommer" des spectacles. » Outre Numeridanse, « qui est vraiment un outil de culture chorégraphique », il y aura des temps de rencontres avec les artistes (Ballet de l’Opéra de Lyon, CCN
Deux Ponts - Manufacture d’histoires©
Retrouver l’essentiel de Rillieux-la-Pape) qui raconteront leur quotidien. Ainsi la rencontre avec Rachid Ouramdane pour parler de ce « qu’est une reprise ». Ou le projet de Mourad Merzouki autour d’un Musée Imaginaire où il confiera ce qui l’a influencé et inspiré pour construire son œuvre. Deuxième acte, en novembre, les artistes réinvestissent le plateau avec une saison qui va aller crescendo jusqu’à la Biennale de la Danse exceptionnellement reportée en mai et juin. La danse revient dans toute sa grandeur et sa diversité (hip-hop, comédie musicale "bollywoodienne", ballet, flamenco…) avant le come-back des compagnies internationales en deuxième partie de saison, en 2021. « Il faut que les artistes continuent leur métier ; il faut que je continue le mien en repartant d’eux. Ceux qui inventent des nouveaux possibles. Il faut revenir à une espèce de pertinence dans le champ de la création, tout en réaffirmant notre utilité dans la société. » L’Automne de la Danse (100% gratuit) ouvrira la saison, un peu « comme une parenthèse où l’on est plus humain et où l’on a un rapport privilégié à la création ». a.h. Angelin Preljocaj
ArKuchi #16 été 2020
dossier rentrée
compagnies qui ont besoin de temps. Or nous avons tous besoin de ces grands moments de communion que procure le théâtre. Par contre, il va nous falloir apprendre à mutualiser et faire voyager ces grands spectacles si nous voulons assumer notre responsabilité écologique. » Cette inquiétude est partagée, notamment par Gérard Lecointe, directeur du Théâtre de la Renaissance : « Quelques théâtres ont décidé de faire table rase et de repartir directement sur la nouvelle saison. C’est terrifiant, comme de ne plus envisager la vie. Je ressens une ferveur, une rage devant ce désastre, si douloureux pour les compagnies. Je me sens dans une boulangerie qui ne fabrique pas de pain, mais la vie doit continuer. Le théâtre nous parle de cela, tout le temps. » Il annonce une saison « épique », traversée par les mythes et les grands récits. Tous font front, aucun ne renonce. Monique Reboul, directrice du Théâtre du Vellein à Villefontaine, comme Claudia Stavisky
et Pierre-Yves Lenoir à la tête des Célestins : ils s’adaptent, acceptent les contraintes sanitaires qui les obligent à réduire les jauges pour mieux donner, malgré tout, du rêve, de l’émotion, de la beauté à un public qui en redemande déjà (les abonnements à l’Opéra n’ont, paraît-il, jamais été aussi nombreux que cette année, ceux de la Maison de la Danse se sont envolés, 75% en une seule soirée…).
d’ouverture de notre théâtre à d’autres compagnies, d’autres collectifs, désireux de nous rejoindre pour construire une utopie. Nous voulons tisser une communauté capable de déborder de notre petit théâtre, de s’emparer d’une question artistique et politique pour la développer ensemble. Concrètement, cela signifie que, dès qu’une personne d’une compagnie a une idée, tout membre du grand collectif peut s’y joindre ».
C’est même l’occasion d’aller de l’avant. Par la voix de Sylvie Mongin-Algan, le NTH8 clame la volonté ressentie dès début mars par le collectif de « surtout ne pas subir. Nous sommes dans une démarche
Dans une autre tonalité mais avec tout autant d’énergie, Victor Bosch, qui dirige Le Radiant, Le Toboggan et le Théâtre de Bourgoin, martèle son credo : « Il n’y a rien de mieux que de voir des gens, d’échanger, de se côtoyer. J’ai confiance dans l’intelligence de l’homme, les beaux jours sont devant nous. » Alors il fait une "vraie" présentation de saison fin juin pour annoncer une programmation hautement populaire et festive, capable de susciter le désir d’aller plus loin, « du côté de Bellorini, par exemple »... La générosité est au rendez-vous.
Nous avons tous besoin de ces grands moments de communion que procure le théâtre Marc Lainé
femmes de crobatie
Simon Nogueira©
ArKuchi #16 été 2020
dossier rentrée
Résidences d’été
SCÈNEs EN LIVE Par florence roux
La scène plutôt que Skype. Depuis début juin, les huit Scènes Découvertes de Lyon* et d’autres petites salles de la métropole accueillent les compagnies pour répéter en live, enfin. Mi-juin, Les Clochards Célestes sont une ruche. Dans le théâtre, la compagnie Korpüscül compose une création symphonique sur les tempêtes et le chaos (programmée en décembre), tandis que, dans l’atelier, les jongleurs de la compagnie Ea Eo peaufinent leur futur spectacle (en novembre, aux Subs). Viendra le collectif Offense qui reprend Anatomie du départ (janvier)... Et ça n’arrête pas jusqu’à mi-juillet. « Après l’appel à projet des Scènes Découvertes, en mai, les demandes ont fusé, note Martha Spinoux, à la communication. Nous avons des plateaux, moins de contraintes techniques que les grands lieux et la mission d’accompagner l’émergence. » Même esprit au Théâtre de L’Élysée, où Olivier Borle a répété Mangeclous début juin, avant Antonella Amirante qui crée Dix kilos de tissu puis, en juillet, Camille Germser qui compose Comedia, façon music-hall (à voir en décembre). Entre autres. Début octobre, la saison s’ouvre avec Ovni, mis en scène par Olivier Maurin. « Après trois mois de silence, sans personne, il est intéressant que l’outil serve à nouveau, se réjouit Gabriel Laval Esparel, assistant à la direction… Comme chaque été, en plus joyeux ! » De la joie, il y en eut aussi lors des deux concerts "démasqués" organisés par A Thou Bout d’Chant : des artistes (Evelyne Gallet, Frédéric Bobin...) ont eu la chance de (re)jouer sur scène, en live, pour un public (évidemment) virtuel et en ligne… Au-delà du réseau des Scènes Découvertes, toutes actives, le Théâtre de l’Iris, à Villeurbanne, organise cet été des stages, mais aussi des résidences, dont celle de la troupe “maison”, en juillet, qui recrée L’École des femmes (février) ou de la compagnie Anda Jaleo qui répète La casa de Bernarda Alba de Garcia Lorca (janvier). Ici, la saison s’ouvre sur une soirée spéciale : Le Festival de retrouvailles. scenedecouvertes.com theatredeliris.fr as comadres TNP
*À Thou Bout d’Chant, Espace 44, Kraspek Myzik, Les Clochards Célestes, Théâtre des Marronniers, École de Cirque de Lyon, Théâtre de l’Elysée, Le Croiseur
D.R.
©
ArKuchi #16 été 2020
Par ponia dumont
VERTICALEMENT
A. Absente chez le roturier ! B. Travaillons au bloc. N° 93. C. Vidé de son sang. Suivit le « Hardi » et précéda le « Hutin ». D. Interdit de l’ignorer. Vautrée. E. Pour ne pas la nommer. F. Clôt le caprice du bambin. Eau russe. G. Déplacés. Ville « napoléonienne » où l’on voit clair. H. Machinera. Peut donner la main. I. Glandais, à Québec. J. Compte au nombre des Élus. Telle une fleur sans pédoncule.
ArKuchi #16
été 2020
B E E R R L AME H I V MN E S E R I T A E T I N E S S S
T E R E D I L E S
H O I R
N I R
S
HORIZONTALEMENT
1. Vont-elles finir par tuer la Terre ? 2. Genre de charançon. Uniformise la couleur des chats ? 3. S’en retournera. 4. Pas toujours sélectif… Bouge. 5. Au parfum sur la côte. Donc repérable. 6. Un client sans dessus dessous. Bien court. 7. Font partie des acquis. Unissais. 8. Fait pâle figure. Plaît à l’amoureux transalpin ? 9. Survivant de Troie. Ne reçoit pas son inverse. 10. Descendre en bas… ou monter en haut !
solutions
arkuchi 15
OV E N U ME T C A I N E NA L E S I S T GU E S E NN E S S N T T U E R A UR E T
(facultatif)
1 c. à soupe de Malibu*
(facultatif)
Fleurs de coriandre
(broyé ou en flocons)
1 kg de pastèque 500 g de fraises 200 g de sucre 150 g de sucre glace 4 dl d’eau 5 dl de lait de coco 100 g de coco râpée 2 cm de gingembre frais râpé ¼ de botte de coriandre 1 gousse de vanille 1 c. à soupe de piment rouge
Par claudia cardoso
20 minutes
*L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. À consommer avec modération
Une fois de plus l’été sera beau, l’été sera chaud. Bonnet de bain vissé sur la tête, lunettes, maillot et serviette dans le sac, c’est avec courage que tu prends le chemin de la piscine municipale. Sur place, c’est la désillusion, il y a foule. Tu renonces, tu troques le plongeon pour une coupette de salade de fruits rafraîchissante. Coco, fraise, pastèque dans ton corps… on se sent tout de suite plus frais, pas vrai ? Commence par mixer le lait de coco, le sucre glace et la gousse de vanille. Fais-leur boire la tasse avant de passer le tout au chinois. Glisse la préparation au congélateur et viens gratter de temps en temps le granité à l’aide d’une fourchette. Coup de froid assuré ! Par cette chaleur, hydratation de rigueur. Dans une casserole, porte l’eau et le sucre à ébullition. Hors du feu, ajoute le Malibu* (facultatif) et laisse le sirop refroidir. Parce qu’elles ont bien besoin de faire trempette, on passe les fraises sous un jet d’eau froide puis on les détaille en quartiers. Même karma pour la pastèque, que l’on va découper en dés d’environ 1 cm. Renverse généreusement le sirop sur les fruits et ajoute le gingembre râpé. Marie bien le tout et offre-leur un séjour plus que mérité au frigo. Dans une assiette creuse, viens déposer la salade de fruits, saupoudre de flocons de piment rouge, ajoute quelques généreux morceaux de granité de coco, termine par les chips de coco et les fleurs de coriandre. Ça y est, le supplice est fini. Il était temps. Tu fonds de plaisir, vive l’été et ses délices.
4 personnes
Red fresh sweeties
popote(s)
jugeote
Par graphull
Peintre et street artiste parisienne, Melissa Perre puise son inspiration dans ses voyages et dans l’âge d’or du cinéma hollywoodien. Pochoirs, collages, feuille d’or, ses techniques sont multiples, comme les supports. Derrière la continuité esthétique de son travail, se mêlent le wax, les designs mauresques ou japonisants… une mosaïque ethnique qui transforme les murs en portoloin.
pentes de la Croix-Rousse @melissaperre.art
ArKuchi #16 été 2020
street art
Melissa Perre