déc. 21 / jan. 22
mensuel gratuit
#24
art culture architecture
N 24 .04
Dans Le Rétro... Dans le Viseur
.27
.16
À la Moulinette
La Femme se dévoile
Carte blanche
Jean Bellorini... à la poursuite d’Orphée et d’Eurydice
.06
c dans l'air • Le Réverbère souffle ses 40 bougies • Margaux Eskenazi
.28
Philippe Pétremant - Courtesy Galerie Le Réverbère ©
Expos Marie-Julie Michel À fleur de chair
.30
Déambulations Arts visuels
.32
Lettres & Ratures
Série Vacuité (2003)
.08
.34
Popote(s) & Jugeote
.18
éléphant de mer Géorgie du Sud
FOKUS
Laurence Fischer montre la beauté du monde
.20
arkuchi #24 déc. 21 / jan. 22
Lucie Schosseler ©
ADN Lucie Schosseler : magicienne de la SF
contact.arkuchi@orange.fr
Mensuel gratuit Diffusion : plus de 400 lieux Lyon, Métropole & Rhône-Alpes Édité par ArKuchi, 18 rue de Belfort, Lyon 4 Direction de la publication - Rédaction en chef Anne Huguet - 06 13 07 06 97 Secrétariat de rédaction : Emmanuelle Babe Ont participé à ce numéro Jérôme Bertin, Claudia Cardoso, Blandine Dauvilaire, Lucie Diondet, Ponia DuMont, Graphull, Marco Jéru, Trina Mounier, Nikki Renard, Florence Roux, Gallia Valette-Pilenko Photo de couverture : Laurence Fischer Publicité : contact.arkuchi@orange.fr 06 13 07 06 97 Conception et mise en page Impression : FOT
20 sur Vin
.10
Malleval, la plus vieille cave de Lyon
Portrait
Julie Deliquet
La rédaction n’est pas responsable des textes et photos publiés qui engagent la seule responsabilité de leurs auteurs. Tous droits de reproduction réservés.
.22
C’était Mieux Avant
.12
Dominic Sonic
Bêtes de Scènes
Mourad Merzouki, Gregory Maqoma, Angelin Preljocaj, Johanny Bert, Azimuts, True copy
Tirage : 15 000 ex. Dépôt légal à parution – ISSN : 2646-8387
Abonnement
9 num./an = 30 eur. Rejoignez la communauté ArKuchi
.24
Déambulations Musiques
°
Drôle de Bonheur que celui narré par Tatiana Frolova. Jamais la Russe n’est aussi juste et émouvante que lorsque le quotidien et les petites histoires télescopent la grande Histoire. Vu à Sens Interdits.
Émotion
dans le rétro...
Par Emmanuelle Babe, Lucie Diondet, Anne Huguet, Trina Mounier, Gallia Valette-Pilenko
Tatiana Frolova ©
A chaud L’Atelier du Canal se délocalise à L’Annexe au 3 rue Pléney. Des meubles, des luminaires, de l’art urbain (Britt, Ofé, TOKI, Zorm...) et une déco sur-mesure du duo L’Estanco. Esprit broc
01 > 31 déc.
Ils vont vous faire décoller, Les Anges au plafond, avec Le nécessaire déséquilibre des choses, fable SF mitonnée de mythologie à l’esthétique rouge et or. Le Polaris 03 & 04 déc. Poème visuel
ouvrent grand leurs cimaises pour partager leur passion de l’art contemporain. Un petit nouveau entre dans la danse, la renommée Ceysson & Bénétière. 05 déc. / 10h > 18h30
Jeux de lumières 31 œuvres et 27 sites : la Fête
des Lumières de Lyon retrouve tout son éclat ! Les ondulations lumineuses de Caty Olive sur une bande-son de Nosfell, le Phénix de néons de Julien Menzel, des Ricochets au Parc de la Tête d’Or, une grosse lune suspendue aux SUBS... Sans compter les Expérimentations étudiantes place Sathonay. De quoi faire briller les mirettes ! 08 > 11 déc.
Tout l’univers du skate sur 150 m² avec une collection de 600 planches et autres œuvres graphiques. Waouh. The DiSturb HouSe MuSeum Grigny
Dimitri Jourdan ©
Dans les
Open Art Osez les galeries, épisode 3. 21 lieux
Fan de…
oreilles... On a craqué pour The Beachland Ballroom ou Car crash. IDLES a lâché Crawler (Partisan Records, 12/11). Austère, noyé de reverb, expérimental et... toujours addictif.
Raconter l’histoire d’Œdipe en commençant par la fin, à la manière d’une enquête de police, c’est l’idée originale de Sandrine Bauer. Avec quatorze comédiens, svp, au plateau. Espace 44 09 > 19 déc. Cold case
ArKuchi #24 déc.21 / jan.22
La claque
vil
Les festivités ont débuté, dès cet automne, pour la Capitale de la culture 2022. Au TNP avec les skateurs et comédiens de la création Archipel, au Rize qui se met À hauteur d’enfants, avec Le Parlement façon KompleX KapharnaüM... Ça bouillonne carrément à l’Est avec 300 spectacles, 40 festivals, 4 expos programmés.
viva
RADIANT-bellevue / 25 jan. 22
leurban
Il faut aller voir Les Naufragés, la poignante adaptation par Emmanuel Meirieu du livre sans concession de Patrick Declerck sur ses dix-huit mois passés en compagnie des clochards de Paris. Une fresque qui vous secoue les tripes et l’âme avec un François Cotrelle magistral.
Loewen photographie ©
Trois interprètes donnent tout jusqu’à la transe dans République Zombie de Nina Santes, vu aux SUBS. Le genre de performance qu’on n’oublie pas.
Corps Zombie
... dans le viseur
Courts à foison
ne
tendance
Mood sentimental Les années 1980, Mitterrand, les radios pirates, la campagne française, des cœurs qui se donnent et des chemins qui se dessinent sur les ondes de la bidouille... Entouré de sa bande magnétique, Vincent Maël Cardona signe un premier film vibrant. Les Magnétiques en salle
Goûter les œufs en meurette de Grégory Cuilleron au sein d’une galerie éphémère graffée par des cadors du post graffiti (Kalouf, Momies, etc.) ? C’est chez YUZOO au rez-de-chaussée de Silex². Miam miam. 03 déc. > 16 jan. 22
Le Rwanda est à l’honneur du 22e Festival du Film Court Francophone de Vaulx-en-Velin. Du documentaire à l’animation, les 47 films en compétition(s) font rayonner une francophonie engagée et plurielle. Dans toute l’agglo. Un poing c’est court 14 > 22 jan. 22
prophétique On dévore les six épisodes de Anna du génial Nicolo Ammaniti, sorte de Alice aux pays des horreurs sur fond de virus et de Sicile apocalyptique. Giulia Dragotto est géniale.
ARTE.tv > 12 déc ArKuchi #24 déc.21 / jan.22
Par florence roux
40 ans
d’amour pour la photo
D
Pour ses quarante bougies, la galerie lyonnaise Le Réverbère offre une traversée de ses collections par six des assistants qui, depuis vingt ans, ont aidé à la présentation et à la préservation des photos.
La Galerie a 40 ans ! La parole aux assistant.e.s Galerie Le Réverbère Lyon 1 > 31 déc. galerielereverbere.com
ès la première salle, la nouvelle exposition du Réverbère, à Lyon, consacrée aux quarante ans de cette galerie d’art dédiée à la photographie, donne le ton avec un hommage à Jean-Claude Palisse, décédé en juin dernier. Un billet évoque justement la première rencontre entre le photographe et les deux créateurs du lieu, Catherine Dérioz et Jacques Damez, « en juillet 1980, dans la chaleur étouffante d'Arles », écrit Jacques, lui-même photographe. Regards croisés Et comme pour mieux porter le propos, deux paires d’yeux flous en gros plan vous fixent sur le mur d’en face, dans une photo éclatée en six tirages de Under Control, une série sur le couple réalisée par Palisse, de 2002 à 2004. On pourrait appeler cela une mise en regard, pour se préparer à voir le reste de l’exposition née, elle aussi, de rencontres. Pour l’anniversaire de leur galerie, Catherine Dérioz et Jacques Damez ont en effet décidé de donner la parole aux assistants qui, depuis 2001, ont travaillé avec eux à la gestion concrète du Réverbère. « Le défi, pour les galeristes, explique Catherine Dérioz, était de redécouvrir notre histoire et les collections à travers le regard de la nouvelle génération,
de façon vivante, émouvante. » Le deal, pour les six assistants (sur neuf) qui ont accepté la carte blanche : choisir des clichés qui les ont marqués chez les artistes représentés par la galerie, pour raconter l’histoire de l’endroit. Pour se raconter un peu aussi. Le résultat, d’un mur à l’autre, est à leur mesure et à leur rythme sans doute. Quasiment tous photographes, ils ont fait leur choix. Ici, Monta Kruze met en avant trois artistes et « des images gravées dans la mémoire à la manière des rêves ». Dans la même salle, Laure Abouaf montre les formats les plus divers, couleur comme noir et blanc, la rue de William Klein contre celle de Géraldine Lay, de « ces œuvres qui vous touchent tout de suite, celles qui s’enfouissent à l’intérieur de vous, celles qui vous marquent ou vous soutiennent »... Avec Mathilde Protet, qui aime des paysages très humains, elle partage la même photo, très étrange, d’un Bus de Serge Clément. Sur un mur très haut, Aurélie Sannazzaro laisse s’épanouir son goût pour les corps, « mon premier sujet d’étude en photographie », écrit-elle. À l’étage, Lise Lemonier a choisi ses œuvres comme « on s’ouvre à un morceau de musique ». Loïc Xavier opte, lui, pour la profusion des lignes, gens, scènes, paysages, figures, de près, de loin, comme pour capter ce qu’il nomme « la profondeur du medium photographique ».
ArKuchi #24 déc.21 / jan.22
Géraline Lay - Courtesy Galerie Le Réverbère ©
c dans l’air
Série Un mince vernis de réalité
c dans l’air
i Eskenaz x u a g r Ma
e l r e Bris ce si l e n Par Trina Mounier
Loic-Nys ©
Elle fait partie des autrices et des metteuses en scène les plus intéressantes de sa génération. Margaux Eskenazi, encore inconnue à Lyon, est artiste invitée du TNP pour 3 saisons : elle présente en janvier Et le cœur fume encore.
Et le cœur fume encore...
Cette pièce très documentée est le second volet d’un diptyque écrit avec Alice Carré, intitulé Écrire en pays dominé. Les deux autrices ont réalisé une longue traversée des mémoires de la guerre d’Algérie à partir de témoignages de proches, mais aussi d’intellectuels ou d’historiens. Son beau titre, emprunté au poète Kateb Yacine, en dit long : Et le cœur fume encore... Le texte explore les traces, les blessures et les béances de la guerre d’Algérie. Margaux Eskenazi a puisé dans son histoire personnelle, mais aussi au gré de son travail sur le terrain en Seine-Saint-Denis pour construire ce récit pluriel. Une enquête unanimement saluée par la critique comme par les spectateurs. La grande réussite de ce spectacle est de n’être jamais univoque, 4 > 14 JAN. 22 même quand il aborde sans détour la TNP torture, la trahison des idéaux, les sujets Villeurbanne irréconciliables qui dressent les uns contre tnp-villeurbanne.com les autres encore aujourd’hui. Les jeunes 25 JAN. 22 comédiens s’y donnent sans réserve, Théâtre de Vénissieux rendant vivantes les émotions et les révoltes. theatre-venissieux.fr
ArKuchi #24 déc.21 / jan.22
adn
Lucie Schosseler
inspirations monstres Professionnelle du maquillage FX pour le cinéma ou le théâtre, Lucie Schosseler présente plusieurs créations dans l’exposition Effets Spéciaux, crevez l’écran, au Pôle Pixel. Une passion qui vient de l’enfance, entre ciné fantastique et (géniale) bricole.
Lucie Schosseler ©
Par Florence Roux
De
grands yeux bruns, le teint clair et la bouche rouge, joliment dessinée entre de longs cheveux châtains : Lucie Schosseler ne fait pas peur, assurément. Pourtant, cette jeune femme de 31 ans n’aime rien tant que de transformer un minois en zombie, de poser une prothèse de nez, de créer un masque de raptor inspiré du vélociraptor, petit dinosaure de la fin du Crétacé, de sculpter un bébé Xarlax, croisement entre une lamproie, un amphibien, une pieuvre et un pélican, avec un air d’étoile de mer et de nourrisson de la famille dinosaure. Brrrrr.
Fabriquer du faux vrai La native d’Obernai, en Alsace, raconte avoir vu Jurassic Park et Alien un peu jeune, s’être nourrie de films de science-fiction. « Ces films m’ont d’abord traumatisée, reconnaît-elle. Mais comment des choses pareilles peuvent-elles exister ? Mon père m’a expliqué que c’était des gens qui fabriquaient ça. Et là, ça m'a attirée : fabriquer lucieschosseler.com lucieschosselersfx du faux vrai. Cela pouvait être un métier, mais comment lucieschosseler imaginer que c’était pour moi ? »
Effets spéciaux, crevez l’écran ! Studio 24 – Pôle PIXEL Villeurbanne > 27 MARS 22 polepixel.fr
Naturellement, celle qui, petite, faisait du modelage et de la peinture, entre aux Beaux-Arts en section peinture-sculpture, avant de suivre, en 2014, la formation Effets spéciaux de l’École de Maquillage professionnel Métamorphoses, à Strasbourg. « Ça alliait tout ce que j’aime : la sculpture, la peinture et le maquillage, la pose de prothèses », se souvient-elle. Elle apprend à utiliser les silicones, la gélatine, les résines, le latex et les mousses. Peu après sa sortie, un premier contrat de publicité lui permet de transformer le rugbyman Sébastien Chabal en homme de Cro-Magnon : excellent ! Puis, la pro se lâche. Créatures, faux nez, dinosaures, Frankenstein, zombies, masques d’animaux, cadavres réalistes : elle enchaîne les travaux pour Nexus VI (la chaîne SF de YouTube), des groupes de musique, des DJ, la publicité, l’opéra et le théâtre, recompose des bouts de corps pour l’entraînement des chirurgiens, collabore avec une amie artiste contemporaine, invente des figurines... Lucie s’inspire souvent « d’animaux qui existent mais semblent venir d’ailleurs » et cherche toujours « à inventer une créature qui “fonctionne”. Il faut se demander comment elle mange, marche, vit... Se raconter son histoire parce que cela impacte son physique, ses yeux, ses poils, ses écailles, ses plumes... Il y a une cohérence. »
ArKuchi #24 déc.21 / jan.22
Pascal Victor ©
portrait
Par trina mounier
Formée au cinéma et au théâtre, c’est ce dernier que Julie Deliquet a choisi comme terrain d’élection. Mais elle nourrit souvent son inspiration d’incursions et d’emprunts aux œuvres de scénaristes qu’elle admire. Après Fanny et Alexandre et Un conte de Noël, elle met en scène, cette fois-ci, Rainer Fassbinder.
Huit heures ne font pas un jour Théâtre des Célestins Lyon 2 19 JAN. 22 theatredescelestins.com
Saga en terre ouvrière
Fassbinder, donc. JULIE DELIQUET Je cherchais un texte qui ne souffre pas d’une comparaison, un Émile Zola des temps modernes. Les éditions de l’Arche m’ont proposé ce texte tout juste traduit, jamais monté, une série écrite à la fin de la guerre par Rainer Fassbinder pour passer en prime time à la télévision allemande et redonner des perspectives d’avenir aux gens. Je précise que je n’aime pas les séries, je n’en regarde jamais. Mais j’aime les sagas, leur développement au long cours. Huit heures ne font pas un jour rend hommage au collectif avec sa galerie de personnages que nous allons suivre sur plusieurs générations, voir grandir, chuter, se ressaisir... Une série, ce n’est pas un format fait pour le théâtre... JD Dans ce type d’adaptation, la difficulté tient à la multiplicité des lieux. J’ai choisi un espace frontalier, le vestiaire, centre névralgique de l’usine où l’intime se dévoile. J’ai par ailleurs rogné le résumé et l’annonce de suite propres aux différents épisodes des séries, et supprimé quelques personnages et intrigues secondaires. Du coup, on passe de huit heures à trois et de cinquante personnages à une vingtaine. Mais je n’ai rien changé aux mots eux-
mêmes, à cette matière foisonnante superbement traduite par Laurent Muhleisen. L’improvisation que j’affectionne a été cantonnée à la mise en scène au plateau. Et comme toujours la troupe, ici complètement intergénérationnelle, est composée du noyau dur d’In Vitro et d’acteurs qui s’y greffent, liés à ce projet précis, à cette histoire. Nous ne sommes pas une famille fusionnelle, figée. Dans ce spectacle, il y a quelques jeunes issus de l’École de la Comédie de Saint-Étienne – j’étais leur marraine de promotion – pour qui c’est la première création. Cette pièce parle-t-elle aux spectateurs d’aujourd’hui ? JD Cela m’a plu de créer cette épopée des travailleurs en Seine-Saint-Denis (dont je dirige le Théâtre Gérard Philipe – CDN), cette terre ouvrière qui a tant donné pendant la pandémie et a si bien su tenir bon. Cette histoire est porteuse d’espoir, c’est rare et précieux chez Fassbinder. Elle raconte qu’ensemble on est plus fort, que plein de petites initiatives peuvent beaucoup. C’est un coup de chapeau aux associations, à tous ceux qui résistent dans l’adversité. Cette pièce fait du bien, elle donne envie de s’émanciper.
ArKuchi #24 déc.21 / jan.22
bêtes de scènes
Laurent Philippe ©
Corps à corps avec le vent Après l’apesanteur et la verticalité, le chorégraphe lyonnais Mourad Merzouki et ses dix danseurs se collètent à l’air impalpable et aux vents. Zéphyr, tout juste créé en novembre, embarque le public pour une heure dix d’odyssée sensible où le souffle du vent sculpte l’espace autant que les mouvements, inventant une nouvelle poétique des corps. Zéphyr
Par Anne Huguet
Qu’évoque Zéphyr ?
Zéphyr est une pièce forte et puissante, dans laquelle le mouvement, l’énergie, la générosité des interprètes sont mis en avant, mais aussi mis à l’épreuve : je confronte cette danse et cette gestuelle au souffle et aux vents. Après, chacun se raconte l’histoire qu’il veut, au-delà du Vendée Globe et des sportifs de haut niveau qui affrontent la mer pour ce tour du monde où ils jouent leur vie. On peut, par ricochets, y voir des individus qui jouent leur vie pour un monde meilleur. Toutes ces populations qui migrent par la mer au risque de leur vie... Cela résonne sans doute inconsciemment en moi. Mais il y a de l’espoir dans Zéphyr et cette danse qui tire vers le haut et rassemble. Mourad Merzouki
11 > 22 jan. 22 Cette pièce est-elle dans la continuité Maison de la Danse de votre travail ? Lyon 8 MM
C’est une pièce dense, très écrite, où tout est
maisondeladanse.com sculpté. Ce qui devient la règle lorsqu’on travaille avec
une scénographie poussée ou en musiques (ici la bandeson d’Armand Amar qui invite au voyage). Je préfère tout écrire. Mais je pars toujours de la gestuelle des danseurs, ce qu’ils incarnent dans leur corps et dans leur énergie. Ensuite il y a cette scénographie de neuf ventilateurs puissants qui créent le souffle, comme une force opposée aux corps avec laquelle les danseurs vont devoir lutter ou se laisser porter. Concrètement, lorsque je demande au danseur de se mettre devant les turbines, son costume va réagir, ses bras, ses épaules, son corps vont bouger d'une autre manière, il n’est plus seul. Il faut trouver la combinaison qui matche avec le souffle. Cette lutte avec le vent amène une espèce d’émotion. [...] J’aime quand ça danse, ça transpire, ça monte, ça sort du plateau pour aller chercher le public, tout en étant sensible à la poétique des corps. Mais il y a des moments de respiration où la danse est plus en retenue, comme suspendue, tout devient de fait moins frontal et plus poétique.
ArKuchi #24 déc.21 / jan.22
bêtes de scènes
JC Carbonne ©
c a L Un é v r e s é r p 02 > 12 déc. Maison de la Danse Lyon 8 maisondeladanse.com 07 & 08 jan. 22 Théâtre de Mâcon (71) theatre-macon.com 05 fév. 22 Opéra Théâtre Saint-étienne (42) opera.saint-etienne.fr Lac des cygnes
Par blandine dauvilaire
Après Roméo et Juliette, Blanche-Neige ou encore les Mille et une nuits, le chorégraphe Angelin Preljocaj réaffirme son attachement à la narration en s’emparant du Lac des cygnes. Il faut une certaine audace pour s’attaquer à cet Everest de la danse, et beaucoup de talent pour en proposer une relecture dans l’air du temps, qui soit à la hauteur de la partition de Tchaïkovski. L’artiste relève le défi en tirant l’œuvre vers le XXIe
siècle avec énergie. Si la trame amoureuse est conservée, l’histoire se nourrit de préoccupations environnementales. Un soir au bord du lac, la jeune Odette férue d’écologie se retrouve nez à nez avec Rothbart, entrepreneur véreux qui souhaite exploiter un gisement d’énergie fossile. Craignant qu’elle ne contrecarre ses plans, il transforme la jeune fille en cygne. De son côté, le jeune Siegfried s’oppose au projet d’usine que son père
veut implanter près du lac. Le destin diabolique est en marche... Servie par une troupe virtuose de vingt-six danseurs, sur une musique mâtinée d’électro, cette version revisitée du plus beau des ballets russes est mise en lumière par le génial Éric Soyer. Chaque scène est travaillée par Preljocaj comme un tableau vivant, avec élégance et délicatesse, pour que le Lac conserve toute sa magie.
Les déesses de Maqoma Avec Robyn Orlin, chorégraphe majeure de son pays, Gregory Maqoma est l’autre figure de proue de la danse sudafricaine. Issu du township de Soweto, il se forme au Moving into Dance Mophatong, à l’époque l’une des seules compagnies métisses et noires, avant d’intégrer P.A.R.T.S., la célèbre école de Anne Teresa de Keersmaeker et de conquérir les scènes européennes. Sa danse est traversée de toutes sortes d’influences, piochées autant dans sa culture que dans ses collaborations multiples, notamment en Europe. Dans cette première pièce pour les interprètes du Ballet de l’Opéra de Lyon, il nage à contre-courant, cherchant un peu de lumière dans la morosité ambiante. « J’aimerais rendre possible, le temps d’un spectacle, le monde que j’ai envie de voir et que chacun puisse repartir avec un sentiment fort d’espoir et de liberté », déclare Gregory Maqoma. Quatre danseuses et une chanteuse portent cette Valley of the Human Sound, qui entend réenchanter le monde, au moins quelques instants ! G.V.-P.
ArKuchi #24 déc.21 / jan.22
17 > 30 déc. Théâtre de la Croix-Rousse Lyon 4 croix-rousse.com
Raphaelle Mueller ©
bêtes de scènes
nos désirs font-ils désordre [...]
Par trina mounier
AZIMUTS 21 > 23 jan. Les SUBS Théâtre de l’Élysée Théâtre du Point du Jour les-subs.com lelysee.com pointdujourtheatre.fr
n a l p n bo s i o à tr
Trois salles dédiées à l’expérimentation et à l’émergence, Les SUBS, l’Élysée et le Théâtre du Point du Jour, ont uni leur force pour concocter Azimuts, une occasion de faire le plein d’œuvres inclassables. Quinze spectacles en trois jours, sur trois lieux de l’agglo, ça devrait faire le buzz ! Mais chacun, cependant, conserve ses spécificités. Alors que l’Élysée joue les rampes de lancement pour jeunes compagnies, le Point du Jour se présente comme un lieu militant qui questionne notre société et les SUBS se spécialisent dans les innovations en tout genre, de préférence performatives ! À y regarder de plus près, il semble bien qu’on fasse du neuf avec du vieux. L’Élysée redonne sa chance à Pierre Bidard qui présentera enfin Que se répètent les heures (empêché à cause de la pandémie), chronique d’une tentative historique de vivre avec la maladie mentale,
ainsi que sa nouvelle création, Il faut tenter de vivre. Le Point du Jour inscrit les spectacles programmés dans la période avec les stars du moment : François Hien et Mort d’une montagne et Étienne Gaudillère dans un Grand ReporTerre très actuel autour de la question polémique « Peut-on séparer l’homme de l’artiste ? ». On ne sait si les SUBS avaient prévu le coup, mais leur programmation juste dévoilée entend surprendre voire bousculer avec deux créations – dont celle de l’activiste genevoise du monde de la nuit, Isabelle Chladek, qui devrait mettre le feu avec Nos désirs font désordre, les vôtres sont-ils des ordres ?, joyeux projet qui joue de tous les codes –, et un voyage hallucinatoire en Auvergne. En prime, l’achat d’un pass 3 spectacles à 30 euros donne droit à la soirée techno-queer [No Gender] décentrée pour l’occasion du Ninkasi, son port d’attache habituel, aux SUBS. 1, 2, 3, tous Azimuts !
Faussaire de génie C’est l’histoire d’un (vrai) faussaire, Geert Jan Jansen, qui, pour une faute d’orthographe malencontreuse, a été démasqué (mais pas condamné). Pendant des dizaines d’années, il a peint des faux et fait fortune en grugeant experts et musées du monde entier. Il est là, en personne sur le plateau pour raconter son histoire et des histoires, digresser sur l’art, invité par le collectif flamand Berlin. S’inscrivant dans le cycle Horror Vacui (l’horreur du vide), True Copy creuse la veine qu’ont choisi d’exploiter les deux compères du Groupe Berlin, Yves Degryse et Bart Baele, celle d’un décloisonnement entre documentaire et fiction, entre vidéo et spectacle vivant. Pendant une heure trente, le spectateur est tenu en haleine, cherchant à démêler le vrai du faux, à tenter de répondre aux questions qui se présentent à lui. L’air de rien, Degryse et Baele questionnent les ambiguïtés du monde de l'art, comme dans la vie. C’est drôle et joyeux, grave et intelligent ! G.V.-P.
ArKuchi #24 déc.21 / jan.22
14 & 15 déc. TNG Vaise Lyon 9 tng-lyon.fr
bêtes de scènes
le caméléon On l’attendait depuis deux ans, Johanny Bert. Et le voici enfin avec deux spectacles, Hen et Le Processus, si différents qu’on les dirait conçus par deux artistes distincts.
Par Trina Mounier
Christophe Raynaud de Lage ©
Johanny Bert
Hen Théâtre des Célestins 09 > 26 déc. celestins-lyon.org Le Processus Théâtre de la Croix-Rousse 13 > 15 jan. 22 croix-rousse.com
Comment vous définiriez-vous ? Johanny Bert J’ai mis du temps à affirmer ce désir-là car les théâtres ont besoin d’une identité à mettre en avant. Schématiquement, si on fait de la marionnette, on est marionnettiste, si on fait du théâtre, on fait du théâtre. Idem pour le jeune public. En voyant Le Processus, beaucoup ont été surpris : « Ah... tu es metteur en scène ? ». Ce qui relie tous ces projets, c’est le sujet : il oriente de quelle manière je vais l’aborder. Bizarrement, le public n’a aucun mal avec ça, il s’accommode des choix artistiques liés au spectacle. Ainsi, pas de marionnette dans Le Processus... mais du dessin d’animation ? JB Le Processus a été construit en deux temps : une première, itinérante, avec une actrice au milieu des adolescents en lumière du jour. Lors des débats, ces jeunes ont manifesté l’envie de partager cette histoire avec leurs parents. Il est vrai que le sujet de l’entrée en sexualité, de l’avortement, n’est pas toujours facile à aborder en famille. J’ai donc proposé à Catherine Verlaguet, l’autrice, et à Juliette Allain, l’actrice, une version plateau, radicalement nouvelle. Je n’avais encore jamais fait de film d’animation... Inès BernardEspina a réalisé des sortes d’incrustation qui donnent vie à ce qui se passe dans la tête de la jeune fille.
ArKuchi #24 déc.21 / jan.22
hen
Hen paraît à l’inverse extrêmement personnel... JB Oui et non : c’est parler d’aujourd’hui, de sujets encore tabous, sensibles. Même si on le fait avec humour, on y parle de la liberté d’être ce que l’on veut et d’avoir une sexualité qui peut changer quand on en a envie. Ce n’est pas si éloigné... Mais effectivement, en termes d’esthétique et de façon de travailler, c’est très différent !
carte blanche
Je crois que notre pensée se rétrécit dès lors que notre langue s’appauvrit
À la poursui d’Orphé d’Euryd
Louise Allavoine / Hans Lucas ©
Homme de théâtre ancré dans son époque et metteur en scène attaché aux grands textes dramatiques et littéraires, Jean Bellorini mêle étroitement dans ses pièces théâtre et musique, insufflant un esprit de troupe généreux. Il défend un théâtre populaire et poétique. Après six années au Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis, il a pris la direction du TNP de Villeurbanne en janvier 2020. les 101 ans du TNP ont lancé sa première vraie saison. En janvier, place au Jeu des ombres, belle occasion de (re)découvrir son travail*.
Par Jean Bellorini
Le Jeu des Ombres TNP 13 > 30 jan. 22 tnp-villeurbanne.com *À (re)voir également Onéguine, 10 au 13 mai 22 au Théâtre de Villefranche
Ce
n’est pas mon premier voyage à la poursuite d’Orphée et d’Eurydice. Je me suis intéressé à ce mythe grâce à L’Orfeo de Claudio Monteverdi que j’ai mis en espace en 2017 dans la Basilique de Saint-Denis. Cette œuvre, considérée comme le premier opéra, dit le lien très particulier qui existe entre la musique et l’histoire de l’humanité. La musique panse le monde, le verbe le déchire. L’histoire d’Orphée rappelle combien la parole est avant tout sensible. Elle est un chant. Et si
les maux du monde étaient nés par l’utilisation de la parole en tant que simple moyen de communication, dénué de toute poésie ? Diriger un chanteur d’opéra baroque est passionnant car il s’agit de trouver la confusion entre le sentiment et la musique, entre le fond et la forme, entre le sens et le sensible. La parole chantée est alors en accord avec la complexité d’un sentiment, voire même d’une idée. Le sens n’est pas fermé. Lorsque j’ai voulu refaire ce chemin (retourner aux Enfers ?) par le biais du théâtre, je me suis tourné tout naturellement vers Valère Novarina. Le verbe est chez lui toujours polyphonique, nuancé à l’infini. La
ArKuchi #24 déc.21 / jan.22
carte blanche
te e et ice richesse de son écriture est une réponse à la nécessité absolue, organique et métaphysique, de variations. Grâce aux sons des mots, grâce aux acteurs et à leur chant intérieur, le sens d’un seul mot, sa puissance et son charme se multiplient. Demander à Valère Novarina d’écrire son interprétation contemporaine du mythe d’Orphée, c’était questionner la puissance de la parole, la possibilité d’affirmer que les nuances sont constitutives – comme la palette d’une même couleur est infinie – de la richesse du monde. Je crois que notre pensée se rétrécit dès lors que notre langue s’appauvrit. Le Jeu des Ombres est un écho lointain du mythe original. Ce qui domine, c’est l’insolence et la drôlerie de l’écriture chorale, intrinsèquement vivace. C’est une partition dont la troupe est l’orchestre ; les acteurs sont des acrobates qui jonglent avec les mots. Il y a bien entendu un grand vertige face à cette parole, et ce même vertige devient le moteur : ce texte secret, profond, ouvre la parole et permet aux acteurs de dire l’indicible. Nécessité de combler le vide par la parole et de faire advenir la musique. Toute la difficulté était de trouver l’équilibre dans ce grand écart : l’envie de l’énergie, de la joie, du moteur, de la vitalité de la langue et l’envie de la profondeur, se rappeler que ce qui est vrai ne se voit pas et appartient au spectateur, invisible... Et la musique, cœur battant du spectacle, raconte sans doute ce grand écart entre le dicible et l’indicible. Cet espace des limbes est aussi l’espace du théâtre, là où les ombres jouent. Partout où le spectacle aura lieu, je veux créer la sensation d’un monde de cendres, perdu, sombre, où les âmes viennent réanimer et réenchanter l’espace. Car au-delà du mythe et de la descente aux Enfers, ce jeu des ombres est un pur hommage au théâtre.
ArKuchi #24 déc.21 / jan.22
fokus
Laurence Fischer
On the rocks Par Emmanuelle Babe
Manchot royal en mue Géorgie du SUd
photos Laurence Fischer
C’est l’histoire d’une minette de Lyon qui a décidé de plaquer talons hauts et carrière dans le marketing pour chausser des bottes fourrées et arpenter l’Arctique et l’Antarctique, objectifs en bandoulière. Laurence Fischer, aujourd’hui employée d’une compagnie de croisières d’expédition, veut être sur tous les fronts de l’extase face à ces territoires qui la transportent. Une lune sanguine sur la mer de Baffin, des pingouins prêts au plongeon du haut d’un iceberg bleuté en Terre Adélie, une montagne noire zébrée par la neige : tout est bon à étreindre dans « le poumon bleu de la Terre ». Son envie de voyages et d’images l’a saisie dès l’enfance mais le pragmatisme paternel l’a rattrapée... Études de commerce international et droit communautaire. C’est son père, encore lui, qui lui « a collé son reflex dans les mains quand j’étais petite ». De workshops en rencontres, Laurence Fischer se forme à la pratique photographique. Son attirance pour les pôles est trop forte et, à 30 ans, elle saisit son sac à dos et direction le Groenland, pour randonner. Le début d’un
Iles Lofoten Norvège
Chaos sur glacier à Neko Harbour Antarctique
Linaigrettes Fjords de l'ouest Islande Nuuk Groenland
changement de vie et l’ouverture d’un grand livre d’images qu’elle ne cesse, depuis, de remplir et souvent d’exposer. La glace offre le spectacle permanent de la matière en mouvement, ou figée dans celui-ci. Du pain bénit pour la photographe qui s’amuse à en saisir la diversité des failles, des couleurs naturellement saturées, des contrastes qui interrogent l’œil. Les montagnes plongent dans des eaux bleues tachées de glace mousseuse alors que, au cœur du Svalbard norvégien, Laurence dévoile un glacier brun et blanc strié telles les cernes sur les souches d'arbres. Sur ces terres hostiles, la photographe s’intéresse aussi à la faune et « la lutte pour la survie ». Le réchauffement climatique frappe fort et « la pluie qui a remplacé la neige décime les colonies de manchots ». La réglementation interdit d’approcher les animaux de trop près, « j’ai un 600 mm pour ça ! On se tient à distance, une dizaine de mètres minimum. Parfois, un manchot curieux va venir vers nous. On ne bouge pas, on observe. Des moments très forts. » Laurence fait aussi le choix du détail : la nageoire d’une baleine, la patte d’un éléphant de mer, la nuque d’un pingouin. Son ambition, « montrer la beauté du monde » mais aussi sa « fragilité, qui touche les animaux comme les populations locales ». La photographe soigne de plus en plus la composition. « Je déclenche beaucoup moins qu’avant. Je prends beaucoup plus le temps de m'imprégner du lieu, de chercher mon arrière-plan. » Par conséquent, la préparation est importante et le traitement, « assez mineur ». Du temps de gagné pour son apprentissage du kalaallisut, la langue du Groenland de l'ouest.
Ses INSPIRATIONS Luc Jacquet, Paul Nicklen, Hokusai, Marin-Marie, Emmanuel et François Lepage, Matsuo Bashō, Constantin Cavafy, la mythologie inuite
laurencefischer.com laurence fischer @laurence_fischer
Ce sont des territoires à la fois d'une sérénité infinie mais aussi très durs
Macareux moine Islande
des algues colorent la neige Danco Island, Antarctique
Griffes de phoques Antarctique
20 sur vin
L’insolence de l’âge Maison Malleval
11, rue Émile-Zola Lyon 2 04 78 42 02 07
Sa vitrine rouge à la flamboyance surannée trône depuis un siècle et demi au cœur de la Presqu’île. La Maison Malleval, doyenne des caves lyonnaises, reste le lieu de référence pour tout amateur de bon vin.
malleval.com
Par Laurent Turrel
Le vin choisi par Franck Jabouley Franck apprécie particulièrement cette cuvée récemment découverte et référencée à la cave : le Clos Secret du Mas Combarèla, en IGP SaintGuilhem-le-Désert. Un rare vin rouge issu à 100% du cépage cinsault. Son nez méditerranéen s’harmonise à une texture véritablement élégante et aérienne. Mas Combarèla
Clos Secret IGP Saint-Guilhem-le-Désert Rouge, 2019 20 euros (env.)
F
ondée en 1869 par un certain monsieur Malleval, la cave a été reprise, en 1989, par Claude et Franck Jabouley, qui lui ont donné ses lettres de noblesse. Originaires de la région stéphanoise, ils ont quitté la réputée maison familiale Verot (charcuterie-traiteur) afin de tenter l’aventure à Lyon. Franck connaissait bien le vin car il s’occupait déjà de la partie cave. Cela lui a permis d’accéder immédiatement à des fournisseurs recherchés pour son référencement de cuvées. Cave renommée et épicerie fine émérite, la Maison Malleval totalise environ 9 000 références, agencées autour d’un maîtremot martelé par Franck Jabouley : « Qualité, qualité, qualité ». À l’époque où le couple reprend la maison, il décide d’orienter la cave vers des domaines de la Vallée du Rhône et de la Bourgogne alors peu connus, tels le Domaine Roumier, le Château Fonsalette ou le Clos Rougeard, aujourd’hui véritables icônes. Depuis, la recette n’a pas changé : le lundi, jour de fermeture, est dédié à la visite de vignobles et à la rencontre avec ceux qui font les vins. Ceux-ci sont la plupart du temps dégustés
photo Jérome Bertin
par l’ensemble de l’équipe : Franck apprécie l’avis de tous. L’objectif reste de repérer et de référencer avant tout le monde des vins de qualité encore peu connus. Mails il faut être rapide car aujourd’hui l’information circule vite et la clientèle a changé : « plus pointue, plus connaisseuse, plus exigeante ; plus jeune aussi », constate-t-il. Il faut donc aller sur le terrain en véritable défricheur des nouvelles cuvées et tendances. La sélection ne repose pas sur la seule dégustation. La rencontre avec le vigneron, ses valeurs, sa façon de travailler sont tout aussi déterminantes. La vraie force de la Maison Malleval ? Proposer à côté de grands domaines institutionnalisés, de vraies découvertes et des vignerons prometteurs, comme, par exemple, le Saint-Joseph Petit Père d’Aymeric Paillard ou les Fleurie, certifiés bio et biodynamie, du Château des Bachelards. L’avenir, Franck l’envisage sereinement pour ce lieu de vin précurseur. Le développement de la vente numérique et la mise en ligne partielle du fameux catalogue sont en réflexion pour adapter la prestigieuse enseigne aux nouveaux modes de consommation.
ArKuchi #24 déc.21 / jan.22
c’était mieux avant
Emmanuelle Margarita ©
Acoustic Ido/Pias, 2021 Cold Tears [Réédition] Crammed Discs, 2021 Dominic Sonic Barclay, 1991
En 1989, le chanteur de rock français Dominic Sonic (1964-2020) sort Cold Tears, étincelant premier album... Après le feu de paille des débuts, il traça sa route brûlant les planches d’où perlent des larmes froides, tel ce fameux soir de décembre 2002, aux Transmusicales, avec The Stooges... et leur No Fun.
Par Nikki Renard
À
l’heure où sortent simultanément la réédition de son premier opus et le disque posthume, Acoustic, avec Mona Soyoc de Kas Product ou Didier Wampas en invités de marque, je me remémore une folle nuit rennaise, à l’Ubu, en 1989. Tu revenais tout juste de Bruxelles avec les bandes de Cold Tears, et tu semblais heureux et fier de nous les faire découvrir. Sous un halo de fumée bleue, les riffs de When my tears run cold crachés dans la sono fendaient l’air et giflaient mes joues encore roses. Tes compositions, la reprise de Cold Turkey de Lennon, des Cocksucker Blues des Stones : tout me ravissait ! Dès ton plus jeune âge, tu avais développé ton oreille dans le garage automobile de ton père mais aussi au bord de l’autoroute. Tu savais reconnaître les yeux fermés la marque
et l’année d’une voiture ! L’amour de la vitesse et du rock’n’roll ne t’ont jamais quitté... Too much, too soon, comme chantait Johnny Thunders, une autre de tes références. Un son "super-sonic" que tu restituas dans le chaos métallique de Kalashnikov, ton premier groupe. En solo, ton univers oscille entre ballades douces amères et violence des guitares saturées, comme une caresse sur une carlingue froissée encore fumante. Quand j’écoute Sonic, je ressens la réverbération de l’asphalte qui enivre mes sens jusqu’à leur quintessence. La route encore, comme celle des migrants que tu évoques sur le sublime Rootless Nation, accompagné par le violon de Mirabelle Gilis. Les étincelles sous la pluie bretonne de décembre ou d’une fin de juillet n’y pourront rien, aussi loin s’en vont les nuages qu’une plume d’ange noir flotte à l’horizon...
ArKuchi #24 déc.21 / jan.22
musiques déambulations
Par Emmanuelle Babe, Anne Huguet, Élise Ternat
Des tubes en chœur 09.12.21 | 20h00
Andrea Montano ©
REQUIN CHAGRIN
Trois ans après Trafic, Gaetan Roussel revient avec un 4e album solo Est-ce que tu sais, composé seul à la guitare et très acoustique. De la variété-pop-rock classieuse comme l’exchanteur de Louise Attaque sait le faire avec des arrangements ciselés, le bon gimmick accrocheur, son art de la ballade, et des textes forts qui racontent la vie et ses secousses [On ne meurt pas (en une seule fois)]. On connait son talent pour l’écriture : il a collaboré, entre autres, avec Bashung, Rachid Taha, Vanessa Paradis ou encore Rachida Brakni. L’occasion pour le chanteur à la voix éraillée si reconnaissable d’enchaîner sur scène tubes, reprises et morceaux moins connus, comme J’envisage de Bashung. A.H. Radiant-Bellevue Caluire radiant-bellevue.fr
Chamanisme sonore
Chanson céleste 17.12.21 | 20h00
Marion Brunetto revient enfiévrer les esprits avec Bye Bye Baby et sa dream pop synthétique. Avec ce troisième opus, la jeune compositrice multiinstrumentiste nous invite dans ses mondes intérieurs. Requin Chagrin n’a rien perdu de son esprit selfmade mais semble avoir au contraire acquis en maturité et en précision. Le résultat : dix morceaux introspectifs et aboutis, avec toujours des faux airs de Taxi Girl mâtinés de l’esprit de Cigarettes After Sex. Synthés, pédales d’effet vintage et reverb ouvrent une voie stellaire avec cette pointe de nostalgie héritée d’une époque révolue et pourtant si proche. E.T.
Les inconditionnels de persistances sonores et autres nappes bruitistes verront frétiller leurs tympans à l’occasion d’une soirée noisy des plus réjouissantes avec Ar Ker et le duo Magrava. Mon premier est un projet solo situé quelque part entre performance numérique, musique contemporaine et electronica porté par Sébastien Brun. Batteur, compositeur et producteur de l’excellent label Carton Records (Jeanne Added, Magnetic Ensemble, Dix Ailes...), il signe un jeu singulier qui diffracte notre perception du temps. Dans mon second, la guitare de Cyril Meysson croise la batterie de Rodolphe Loubatière pour produire une matière épaisse et saturée. Le résultat : une invitation à la transe entre shoegazing et post black metal. E.T. Le Périscope Lyon 2 periscope-lyon.com
Transbordeur Villeurbanne transbordeur.fr
ArKuchi #24 déc.21 / jan.22
Gaetan Clément ©
17.12.21 | 21h00
déambulations
Hors catégorie 18.12.21 | 20h00
Toujours dans le game
Vu souvent sur la scène de l’Opéra Underground, le tonitruant collectif des musiques savantes Aquaserge prend un malin plaisir à déconstruire les cadres et à mêler joyeusement moult expérimentations de tous bords à ses compositions élaborées, entre rock, musique contemporaine et jazz. C’est un faux et joyeux bazar qui en résulte, savamment orchestré et toujours maîtrisé, ne boudant en rien son plaisir et sa générosité. Le collectif à huit têtes s’offre le luxe, pour ce concert-spectacle ludique, d’une invitée de marque avec l’électron libre Jeanne Added et sa pop troublante. L’affiche idéale pour ceux qui aiment emprunter les chemins de traverse et autres hors champs, loin des propositions convenues. E.T.
13.01.22 | 20h30
Installé à Lyon depuis une dizaine d’années, le chanteur et guitariste togolais Peter Solo est aujourd’hui une référence sur la planète groove inspirée de l’afro-funk des 70’s. Originaire du berceau de la culture vaudou, le neveu de Roger Damawuzan aka "le James Brown de Lomé" revendique et diffuse cet héritage spirituel autant que musical avec Vaudou Game et sa transe festive. Le confinement a donné lieu à un quatrième album nommé Noussin (« reste fort » en mina). L’afro-groove engagé est toujours là mais mâtiné ici de rock, là de funk, ailleurs de spiritual jazz. Rien de mieux que la scène et un Peter Solo au style dément – torse nu, cascade de colliers et coiffe immaculée – pour se laisser porter par ce nouvel opus entre claviers psyché, envolées rock et chœurs dansants. E.B. L’Épicerie Moderne Feyzin epiceriemoderne.com Julien Lebrun ©
Opéra Underground, Amphi-Opéra Lyon 1 opera-underground.com
Dark vibes 18.12.21 | 23h00
Le vent glacial de l’EBM* va souffler sur la scène du Sucre avec le grand retour de The Hacker, l’un des pionniers de l’électroclash. Le fondateur du label Zone – sur lequel est récemment sortie l’excellente compilation Interzone – a su marquer de son empreinte la scène musicale des années 1990 avec une techno froide et puissante. Invité régulier des Nuits Sonores et du Sucre, le Grenoblois sera accompagné aux platines de la dj stambouliote Günce Aci et ses nappes hypnotiques, ainsi que de Leonor du label défricheur lyonnais Hard Fist. Un plateau digne des bas-fonds berlinois ! E.T. *Electronic Body Music
vaudou game
Le Sucre Lyon 2 le-sucre.eu
Chants de la terre 17.01.22 | 20h00
On ne présente plus Piers Faccini, orfèvre du son et des mots et digne héritier des grandes icônes folk, Nick Drake pour n’en citer qu’un. Anglo-italien de naissance et français de cœur, l’homme est talentueux : auteur-compositeurinterprète, mais aussi peintre et photographe. Son 7e album Shapes of the fall, toujours aussi personnel, questionne notre monde qui s’effondre mais résonne aussi comme une pulsion de vie. Il sera sur la grande scène de l’Opéra de Lyon pour distiller ses mélopées singulières à la croisée du folk, des musiques du Maghreb et des sons de la Méditerranée avec quatuor à cordes et pulsations gnawas. Hors modes, hors du temps et sans frontières. A.H. Opéra de Lyon Lyon 1 opera-underground.com The Hacker
ArKuchi #24 déc.21 / jan.22
L’épure
Lavage à sec 20.01.22 | 20h30
Début 2021, ils étaient "the next big thing" et on les attendait de pied ferme sur scène. Mais le Covid a mis à mal toutes nos envies de live. On devrait enfin voir de quel bois se chauffe le quatuor londonien qui a lâché, en avril dernier, l’excellent New Long Leg. Un 13-titres produit, svp, par John Parish himself et sorti chez 4AD, label britannique précurseur dans la musique indépendante : voilà autant de bonnes raisons d’aller se pencher sur la musique de Dry Cleaning. Trois gars (batterie, basse, guitare) et une fille, une bandeson sous tension avec des guitares qui vrillent, des dissonances et d’étranges arrangements. Et surtout, il y a le chant mécanique presque neurasthénique de Florence Shaw (pas très loin d’une Anne Clark), qui récite ses paroles dans un flow souple, au final totalement addictif. L’une des dates de ce début d’année les plus excitantes. A.H.
Nouveau tour de chant en trio prometteur pour Bachar Mar-Khalifé, qui s’en revient avec On/Off, dernier opus à fleur de peau enregistré dans les montagnes du Jaj au Liban. Il y chante l’exil, l’amour, l’espoir ou son pays avec cette reprise de Fairouz, Ya Hawa Beirut. On y retrouve tout ce qui fait la magie du musicien franco-libanais : le mélange des genres (électro, jazz, classique), les mélopées arabes, le chant français, la douce poésie, l’épure d’une musique habitée quasi mystique. Il a électrisé en octobre dernier le public de l’Opéra de Lyon, l’emportant dans sa transe. Le genre de concert qui ne se refuse pas. A.H. Théâtre de Mâcon (71) theatredemacon.com
Mansfield.Tya Philippe Jarrigeon ©
déambulations
19.01.22 | 20h30
Pooneh Ghana ©
Le Périscope Lyon 2 periscope-lyon.com
Alchimie de l’ordinaire 28.01.22 | 20h30
Quelle joie de retrouver Mansfield.TYA avec un nouvel album, Monument ordinaire ! Le duo nantais est composé de Julia Lanoë aka Rebeka Warrior, jamais là où on l’attend (Sexy Sushi puis Kompromat), et de la multi-instrumentiste virtuose Carla Pallone. Album après album, entre violon et electronica, passant sans complexe du spleen minimaliste aux beats incandescents, les deux agitatrices prennent un virage parfois plus synthétique mais tout aussi onirique. Ici, la poésie se déploie sans mièvrerie mais dans la chaleur d’une voix portée par des mélodies catchy. L’alchimie opère et surprend toujours, sans jamais lasser. E.T. Dry Cleaning
Le Fil Saint-Étienne (42) le-fil.com
ArKuchi #24 déc.21 / jan.22
à la moulinette
vous Qui êtese- c e que r i a f r u o p es ? vous fait r ? Un tro
ubado
ent-on i v e d t n e Comm nteur ? cha ssion e e succ par un ds r a de has
-vousl ? z e n n o i t c Que colclse... non ! Rien de spésciqiaue
u
TOUT FEU TOUT FEmme
la comme e et la a bonn il y a l ise mauva
Par anne huguet
qualificatifs qui collent aux basques de La Femme, le groupe à géométrie variable de Sacha Got et Marlon Magnée, le binôme historique. Les revoilà avec Paradigmes, troisième opus qui se joue des styles et mélange passé, présent, futur. On a cuisiné Sacha.
é nt aim is telleme ui l e J’aura u voix q me ê m a l avoir
Paradigmes Born Bad Records avril 21
avenir De quoi l f’ait ? est-imlatière et de vide
D’inc
de o n n u,
u’une q e c t s e ’ u Q ? addicnteidounbonheur
’hormo e sa n s C’est l roduir e à rep h c r ns e ch s moye qu’on tous le r a p t e c e ss e
ÀJ
Radiant-Bellevue Caluire 21 jan. 22
photo D.R.
Mystérieux, branleurs, précurseurs, glamour : voilà autant de
u he s de m Les éc ument r t s in s Ah si, le
iste t r a l e u À q vous z e i r e v ê r bler ? m e s s e r e d o h n n y Cas h
Commentvous zdéfiniriieété ? la varcharcuterie
Qu’y a-t-oiulr de pire pe de un group ? scène public
de avoir faire Ne pas . Et se i jouer u q t n nt ! deva n joua uter e c o r t élec
À quoi n -o reconnaniat ? Tatia
c nde ave st blo e lle E s its sein de pet u ss i a cure st obs Elle e
le kif e u q e c t Qu’es time ? ul mour on, l’a
ire) ! N ides (r nd A Les ac un gra t avec r ’a l t e
Où va le monindceer ?tain,
rès , C’est t arqué ien emb b t s e n mais o ûr... c’est s
a fins ?ume l e d t o m Le rce que ça ré
s. Pa rit et Co n f u t d’esp on éta . bien m uelle.. ue act l’époq
expos
Marie-Julie Michel ©
À la Galerie LE 1111, Marie-Julie Michel présente des œuvres fascinantes, réalisées durant la maladie rare qu’elle a traversée. Une exposition d’une terrible beauté qui dialogue avec des pièces de Fred Deux et Lucien Clergue.
e m i l b u S e r i o t u ex Par Blandine Dauvilaire
> 23 déc. Le 1111 Lyon 1 galerie1111.com
« La maladie est le plus court chemin pour accéder à soimême », disait le philosophe Henri Bergson. Elle est aussi parfois la catalyse du génie artistique : Van Gogh, Camille Claudel, Frida Kahlo en sont d’illustres exemples. Dans le cas de Marie-Julie Michel, c’est une pneumopathie aspergillaire invasive, contractée en 2013, qui est devenue le tremplin de sa créativité. Confrontée à ce champignon microscopique qui proliférait dans son système respiratoire, la Lyonnaise a trouvé un second souffle grâce au dessin à l’encre. Durant des milliers d’heures, sur de grandes feuilles de papier, elle a donné un visage à cet ennemi invisible, en traçant de micro-motifs répétés à l’infini. De ce geste quasi obsessionnel sont nées des broderies sur papier d’une finesse arachnéenne qui émerveillent. Il faut les contempler à la loupe, se laisser hypnotiser par les entrelacs sensibles, pour mesurer le talent de cette autodidacte. Tapis de mosaïques, plage de coquillages, parures de perles... Ces œuvres tissées de vulnérabilité ont une dimension universelle puissante. Marie-Julie Michel a poursuivi son chemin de résilience avec la
sculpture sur bois. Accentuant les reliefs de la matière peinte en noir, elle a tracé des constellations de synapses d’un blanc presque scintillant. Chemin de lumière dans un horizon qui se dégage peu à peu. Car la maladie bat en retraite. Le support gagne en force, l’organisme aussi. Vient le temps de la céramique, qui donne à voir concrètement mais avec une exquise délicatesse, ce qu’est l’Aspergillus. S’il faut accepter de nommer les choses pour les faire exister, l’artiste choisit de transcender l’épreuve en beauté. Ses porcelaines ont la poésie des récifs coralliens balayés par les courants. Le travail de Marie-Julie Michel se fait encore plus minutieux lorsqu’elle dégage à l’aiguille, sur une carte à gratter, des formes raffinées. En lui offrant sa première exposition en galerie, Céline Moine et Laurent Giros permettent à ses œuvres de dialoguer avec des dessins de Fred Deux (1924-2015) et des photos de Lucien Clergue (1934-2014). La conversation est d’une telle évidence... Reste à savoir quel territoire l’artiste, désormais guérie, choisira d’arpenter à l’avenir. La vie a tellement plus d’imagination que nous.
ArKuchi #24 déc.21 / jan.22
Adama Sylla - Regard Sud Galerie ©
déambulations
arts visuels Par Emmanuelle Babe Blandine Dauvilaire Élise Ternat
Chroniques sénégalaises Jusqu’au 23.12.21
En présentant côte à côte les œuvres du doyen Adama Sylla, 87 ans, et de la jeune Eva Diallo, 25 ans, la galerie Regard Sud propose un intéressant croisement des regards photographiques. Les deux artistes se sont intéressés, à quelques décennies d’écart, à Saint-Louis du Sénégal. Adama Sylla y a officié au Centre de Recherches et de Documentation. Appareil en bandoulière, ce précurseur de la photographie sénégalaise a parcouru la ville, ses plages, son fleuve et chroniqué son pays et ses habitants de 1960 à 1990. Femmes et hommes sont beaux et souriants, sapés et fiers de prendre la pose. Des portraits en noir et blanc qui émeuvent. Eva Diallo, Suissesse d’origine sénégalaise, propose elle aussi de découvrir Saint-Louis, mais en couleurs et par touches allusives, plus intimes. Tous deux ont archivé la vie de la cité à leur manière, mais avec le même regard sensible. E.B. Adama au studio Regard Sud Lyon 1
www.regardsud.com
Libérées ! BM Lyon ©
En corps elles [Nos désirs font désordre]
Jusqu’au 31.12.21
Avec son cycle À Corps et à Cris, la Bibliothèque municipale de Lyon embrasse le projet ambitieux d’une approche sociologique et artistique des luttes et mobilisations féministes. Cet évènement enrichi de conférences, rencontres, films sur l’ensemble du réseau des bibliothèques municipales et du Grand Lyon, apporte un éclairage qui se veut le plus exhaustif possible sur le corps sexué des femmes dans ses dimensions culturelle, biologique et sociétale. Patriarcat, misogynie, violences matérielles ou symboliques, racisme y apparaissent parmi les maux qui entravent la libération féminine encore aujourd’hui. Depuis l’armée de terre cuite signée Sabine Li jusqu’aux œuvres performatives de ORLAN, Kiki Smith, Niki de Saint Phalle ou encore Valie Export, l’exposition dresse un panorama des différents mouvements artistiques et journalistiques du féminisme. En complément de l’exposition En corps elles à la bibliothèque de la Part-Dieu, le mois de décembre offre encore de nombreuses rencontres où il sera question du poil, de la place des femmes dans le monde du jeu vidéo, de sorcières et d’écoféminisme. Malgré quelques absentes qui font pourtant l’actualité sur ces sujets, ce rendez-vous demeure incontournable pour s’initier, enrichir ou réviser d’indispensables bases sur le sujet ! E.T. En corps elles Bibliothèque de la Part-Dieu Lyon 3
bm-lyon.fr
ArKuchi #24 déc.21 / jan.22
Yann Arthus Bertrand ©
déambulations
Ceci est mon corps
Aida
Des hommes et des cieux Jusqu’au 05.02.22
Jusqu’au 15.01.22
Attention événement : la galerie Ceysson & Bénétière de Lyon consacre une exposition à ORLAN. Plus qu’une artiste, cette femme qui a voué son corps à l’art est née à Saint-Etienne en 1947. À travers des œuvres phares, l’accrochage montre la précocité de son engagement, sa soif de liberté et sa capacité à s’emparer des nouvelles technologies. On retrouve ses photos de Corps-sculpture, l’iconique Nu descendant l’escalier avec talons compensés, le fameux Baiser de l’artiste qui l’a révélée au public, les Self-hybridations précolombiennes et africaines, ainsi que des toiles abstraites. Saisissant. B.D. ORLAN - Telle qu’en elle -m’aime Galerie Ceysson & Bénétière Lyon 2
ceyssonbenetiere.com
En partenariat avec la fondation GoodPlanet, l’UCLy (Université Catholique de Lyon) accueille une rétrospective du travail de Yann Arthus-Bertrand. Depuis quarante ans, le photographe sensibilise aux enjeux environnementaux par la beauté de ses images. Cette fois, soixante œuvres emblématiques sont réparties dans trois expositions. La section Human dévoile des portraits de femmes et d’hommes croisés dans le monde entier, ainsi qu’une projection de son film éponyme. Vingt photos aériennes, issues du bestseller La terre vue du ciel, sont exposées dans le hall du campus. Enfin, le développement durable est à l’honneur avec dix-sept photographies de Canopée qui invitent à préserver la biodiversité. B.D.
Gregory Copitet ©
Campus Saint-Paul 10, place des Archives, Lyon 2
ucly.fr
Enterrons la hache de guerre Jusqu’au 28.08.22
En nous entraînant Sur la piste des Sioux, le Musée des Confluences nous confronte aux clichés accumulés depuis cinq cents ans pour désigner les Indiens d’Amérique. Tipi, scalp, calumet de la paix... il suffit de prononcer ces mots pour entendre les chevaux galoper dans la plaine. De fait, les représentations construites par les colons se bornent au "bon sauvage" vivant en osmose avec la nature, ou au sauvage violent. À travers un choix subtil de gravures, livres, peintures, sculptures et films, l’exposition rétablit la vérité historique. On découvre comment le show de Buffalo Bill a véhiculé le mythe indien en France, contaminant jouets et publicités. Point d’orgue du parcours, la collection de 157 parures et objets rituels, prêtés par François Chladiuk, est présentée dans une scénographie renversante. Ce parcours passionnant, enrichi de témoignages émouvants, est à voir. B.D. Musée des Confluences Lyon 2
museedesconfluences.fr ORLAN, Nu descendant l'escalier, 1967
ArKuchi #24 déc.21 / jan.22
lettres & ratures
e d r i Devo Par marco jéru
1921,
René Maran (1887-1960) est le premier auteur noir à recevoir le Goncourt avec Batouala. Né en Martinique, mais grandi à Bordeaux, il bouleverse le paysage littéraire de son époque en offrant à des personnages noirs les rôles principaux de ses romans. Précurseur de la négritude sans s'en revendiquer, il débroussaille Le devoir de violence un chemin qui voit le Sénégalais Mohamed Mbougar Yambo Sarr distingué du même Prix, cent ans plus tard pile, Ouologuem Seuil pour La plus secrète mémoire de hommes. Un roman 05.18 foisonnant de récits enchâssés façon Roberto Bolaño, Un homme au cœur duquel se tapit, derrière le pseudonyme de pareil T.C. Elimane – sorte de « Rimbaud nègre » qui agite aux autres René Maran le Paris des années 1930 – la figure, bien réelle celleÉditions du Typhon ci, de Yambo Ouologuem, auteur malien consacré par 08.21 le prix Renaudot en 1968 et descendu en flammes La plus secrète aussitôt. Bienvenue dans une enquête pour détectives mémoire des hommes sauvages, une plongée au cœur des ténèbres, en plein Mohamed angle mort littéraire... Mbougar Sarr « C’est le plus grand livre de la littérature africaine Éditions Philippe Rey 08.21 francophone. » Dixit le professeur de Mohamed Mbougar Sarr avant que ce dernier ne lui consacre Achille Mbembe, son dernier roman. Et pour cause : en décortiquant philosophe camerounais. Terme inventé par le processus par lequel on transforme la population Bernard Lubat, métissant poétique et politique. en « négraille » servile et en montrant « qu’il y a Création lexicale du une continuité entre les pouvoirs pervers de l’époque critique d’art Florent Perrier. précoloniale et la vénalité en actes du pouvoir 1
2
3
colonial »1, Le Devoir de violence fait scandale sitôt paru. À une négritude qui tend à magnifier l’Afrique précoloniale, Yambo Ouologuem répond avec une histoire violente et poïélitique2 où se mêlent pornographie et pouvoir, le constitutif terreau du Mal. Léopold Sédar Senghor, alors maître des lettres ouest-africaines et président du Sénégal, lâche : « Il n’y a pas que le génie littéraire, il y a aussi une attitude morale [...]. On ne peut pas faire une œuvre positive quand on nie tous ses ancêtres. » Le roman est reçu comme une trahison par les élites africaines et l'auteur, cabale aidant, accusé de plagiat. Quelques opus sous pseudo n’y changeront rien : Ouologuem se retire de la scène littéraire, dans sa ville de Sévaré. Pour Alain Mabanckou, « c’était la naissance de l’autocritique, une hardiesse au moment où tout écrivain africain était censé célébrer les civilisations africaines... ». Pour Achille Mbembe, Ouologuem « préfigure la littérature du “désenchantement” » dans laquelle se sont inscrits, en Afrique, des auteurs comme Ahmadou Kourouma, Sony Labou Tansi ou Mongo Beti, aux Antilles Fanon, Glissant, Confiant, Chamoiseau, Frankétienne ou Jacques Stephen Alexis... Livre célébré, puis maudit et oublié, Le Devoir de violence brille de l’éclat sombre des chefs-d’œuvre, rappelant aux êtres humains qu’il convient d’assumer sa part maudite comme sa créolité. C’est souvent au prix du blasphème, de l’hérésie et d’une bonne dose de violence envers soi-même qu’on parvient à vivre ouvert et à épanouir une œuvre libre et riche. Merci à Mohamed Mbougar Sarr, dans sa langue singulière, d’avoir ressuscité une figure majeure de la littérature écrite au « présent du subversif »3.
ArKuchi #24 déc.21 / jan.22
Par Ponia DuMont
VERTICALEMENT
A. Faisant sa déposition. B. Laisser parler ses sentiments. C. "Distinguée" ou "angélique" ! D. Omis. Greffait. E. Assoiffée. Connu. F. On ne devrait jamais se plaindre qu’elle soit trop belle ! À travers des Latins. G. Médée lui octroya une deuxième vie. Évite des ampoules à qui tourne la manivelle ? H. D’échange... de singe... ou du pape, au choix ! I. Activités au labo. Peut qualifier calcaire et schiste. J. Elle gagnait sa vie dans le chœur des églises.
ArKuchi #24
déc.21 / jan.22
1 étoile de badiane 40 cl de pastis 3 càs de vinaigre de cidre 2 càs d’huile de noix Huile d’olive, sel, poivre, noix de muscade
(ou sirop d’érable)
1 kg de panais 1 kg de moules de bouchot 1 gousse d’ail ½ botte de jeunes pousses de cresson 100 g de noix 130 g de beurre 2 càs de miel
Par claudia cardoso
4 personnes
Chères planètes, Merci de bien vouloir vous aligner cette année, ça serait super sympa, vraiment. Déjà deux ans qu’on se l’traîne, le Co-co ! Alors pour 2022, on décroche une bonne étoile et on file vivre un autre délire. Drôle d’objet volant qui nous embarque. Ma foi, c’est la vie ! L’eau bout et les panais, pelés et en tronçons, n’en finissent pas de virevolter. Les voilà cuits à point et transformés en purée bien lisse après leur avoir ajouté 50 g de beurre, 1 pincée de noix de muscade, et ce qu’il faut de sel. On découvre la marmite d’à côté pour y trouver un beurre mousseux, des moules arrosées de pastis et gravitant autour d’une étoile de badiane. Le spectacle n’est que de courte durée, le temps pour elles de s’ouvrir à en perdre la coque. On assiste alors à un autre phénomène : une pluie de noix mélangées avec 80 g de beurre fondu, un peu de miel, le tout à dorer au four 5 minutes (180°). Crash dans l’assiette : purée, moules, noix et feuilles de cresson en mal d’huile de noix et de vinaigre de cidre. Nulle envie d’être enlevé(e) par des excès terrestres. Ici-bas, ça reste extra ! En 2022, on continue l’odyssée.
20 minutes
Délice de moules et panais
popote(s)
HORIZONTALEMENT
jugeote
1. Une ouverture "post mortem" souvent sujet à caution ! 2. Assistas. Centre des opérations. 3. Mauvais courant norvégien. 4. Témoin d’un coup de savate de Khrouchtchev. Souffrance extrême à l’envers. 5. Passe inaperçu à Pékin ? Trois de Henri IV. 6. Filles de l’ancienne Gold Coast. 7. Sans bavure. Cité moldave. 8. Le tracas de nos ancêtres... ou une mélodie. Se dit d’une affaire rondement menée ! 9. N’attrape pas que les serins. 10. Souvent lourde aux fenêtres du salon. solutions Gaz rare. arkuchi 23
D E C E L Y M I R OMO S E P T R E H D E P I NU E E S
OU F L T R E AG E S E I A R A T K T U E P R E N I E R E S A S EM I
E T H E ND I O E N C I E S S T E
D E T E N T E
I S