art
#32 gratuit DÉC. 22 I JAN. 23
culture architecture
Fooddenou, Graphull, Émiland Griès, Marco Jéru, Valérie Legrain Doussau, Sébastien Martinez, Trina Mounier, Florence Roux, Élise Ternat, Gallia Valette Pilenko
Photo de couverture : Fleurine Popspiech Publicité : mag.arkuchi@gmail.com 06 13 07 06 97
Conception et mise en page Impression : FOT Tirage : 12 000 ex. Dépôt légal à parution – ISSN : 2646‑8387
N°32 N 32 .04 Dans le Rétro... Dans le Viseur Tempora / trentesept © Enna Pator © TOUTANKHAMON .10 Bêtes de Scènes Les artistes suisses en force –
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.16 À la Moulinette Étienne Saglio ARKUCHI #32 DÉCEMBRE 22 | JANVIER 23 Larédactionn’estpasresponsabledestextesetphotos publiésquiengagentlaseuleresponsabilitédeleurs
L’Avare de Molière
Le Suicidé de Jean Bellorini David Murgia – Petit pays de Gaël Faye Ballet national de Marseille – Marlène Saldana, etc.
auteurs.Tousdroitsdereproductionréservés. ABONNEMENT 7 num./an = 30 eur. contact.arkuchi@orange.fr Mensuel gratuit Diffusion : plus de 400 lieux Lyon, Métropole & Rhône‑Alpes Édité par La Plume d’icKar S.A.S. au capital de 1 000 € ‑ 18 rue Belfort 69004 Lyon Direction de la publication ‑ Rédaction en chef Anne Huguet ‑ 06 13 07 06 97 Secrétariat de rédaction : Emmanuelle Babe Ont participé à ce numéro Martin Barnier, Blandine Dauvilaire,
Rejoignez la communauté ArKuchi .08 CARTE BLANCHE Myriam Boudenia à cœur ouvert .26 SUCCESS STORY • La patte Olivier Goethals • Fête des Lumières FOKUS Fleurine Popspiech Des photos pop ultra-léchées .18 .20 Forme & Fonction La Tourette, emblématique .22 Déambulations Musiques Jérôme Prébois / Ad Vitam © LES AMANDIERS .25 7 E ART Inspirantes années 1980 .28 Expos Marcelle Cahn – Ça coule de source - Telexxx .32 Lettres & Ratures Brigitte Giraud .33 Street Art by Graphull .34 Popote(s) & Jugeote .30 FLASH-BACK Soulages, l’œuvre au noir .06 C DANS L'AIR L’Égypte très en vogue
tour de force
Violence, cris et larmes pour cette famille entre amour et haine. Sylvain Creuzevault et sa bande de comédiens épatants servent une version survoltée des Frères Karamazov. Rattrapage à la Comédie de Saint Étienne. 07 > 09 DÉC.
laclaque
1h10 pour réinventer la pureté du geste flamenco. Rocio Molina danse comme personne, libre et magistrale. Mains, bras, cambrés, déhanchés, tacones… sa danse n’est que poésie. Bluffant. Vu à la Maison de la Danse.
A chaud
FAN DE Après un L(OO)PING très réussi en 2021, Rone revient croiser le fer avec l’Orchestre national de Lyon. Les machines font corps avec les instruments classiques et sa musique en sort transfigurée. On y va. Auditorium de Lyon 01 & 02 DÉC.
RÔLE SUR MESURE Vanessa Paradis fait ses premiers pas sur scène dans la pièce Maman écrite pour elle par Samuel Benchetrit. Elle incarne Jeanne, une femme mariée en manque d’enfant qui s’ennuie. Une première réussie pour la chanteuse. Radiant Bellevue 14 > 16 DÉC.
DANSE-POÈME Le duo Wang Ramirez n’a pas son pareil pour faire naître l’émotion et la poésie. Dans Parts, un danseur, un acrobate sur échasses et un immense tissu composent une fresque onirique pour narrer la fragilité d’une humanité à bout de souffle.
Maison de la Danse 11 & 12 JAN. 23
FABLE MODERNE Des histoires et des drames du quotidien chez Émilie Flacher. Notre Vallée invite un bout de campagne française sur scène, avec paysans, petits animaux et toute sa nature animés par cinq marionnettistes de talent. Création. Théâtre de Bourg en Bresse (01) 12 & 13 JAN. 23
ORPHÉE TOUJOURS On avait flashé sur Béatrice Venet, comédienne hypnotique qui jouait Gena Rowlands dans Une femme sous influence. La revoilà avec La mort n’est que la mort (…) de Jean-Pierre Siméon sur le mythe d’Orphée.
Théâtre des Clochards Célestes 19 > 23 JAN. 23
À TABLE !
l’ art du clown
L’exil, la mort, l’amour… Le Mur est une pièce tendre et grave portée par deux clowns émouvants. Un bel éloge du genre par un Philippe Delaigue inspiré.
6 DÉC.I Théâtre de Vénissieux
La Cité internationale de la Gastronomie remet le couvert avec l’exposition Banquet. Une expérience ludique et sensorielle très réussie, qui fait appel aux nouvelles technologies. Un lieu à (re)découvrir.
Hôtel-Dieu Lyon 2 > 05 NOV. 23
4 ARKUCHI #32 DÉC. 22 | JAN. 23
Simon Gosselin ©
DANS LE RÉTRO... PAR BLANDINE DAUVILAIRE, ANNE HUGUET, TRINA MOUNIER
Óscar Romero ©
GRAND-MESSE
la hotte
PRÉCIEUX Des bijoux en cuir de carpe réalisés dans la Dombes de manière artisanale. Un cadeau local et responsable. À la boutique du musée des Confluences et sur arteum.com
ÉTHIQUE AU PIED Recyclables et écoconçus, les ballons de foot Rebond sont customisés par Docteur Paper et autres artistes. 20 clubs au choix. 12% des ventes reversés à des associations. rebond project.com
ÇA ROULE Les âges et usages du vélo de 1930 à 1990, immortalisés par l’œil tendre de Doisneau. 120 photos dont beaucoup d’inédites. Un trésor. Les Vélos de Doisneau Éditions Glénat (OCT. 22) 35,95 €
TRIBAL ETHNIK On adore les bijoux faits main de Karine aka Kumka. Des pièces chic à base de métal, corne, bois, métal, pierres, etc. Pour tous les goûts et à petits prix. kumka.fr
Tout Rosi
CINÉMA
Main basse sur la ville (1963), L’Affaire Mattei (1972) ou Chronique d’une mort annoncée (1987) : l’Institut Lumière rembobine le cinéma du Napolitain Francesco Rosi, l’inventeur du "film dossier". Radical et politiquement engagé. > 24 JAN. 23I
SUR LA PLATINE
MAN OF TIME KaS Product Tribute FINGERS OF STEEL shame
La galerie Em’Arts, nouvelle annexe de L’Atelier du Canal sur la Presqu’île, présente l’exposition Musique !. Avec le gratin de la scène locale et un chouette choix d’œuvres d’art urbain (lampes, photos, peintures, collages…). En guest : La Dactylo, Mifamosa ou Bouda.
5 ARKUCHI #32 DÉC. 22 | JAN. 23
TOUJOURS
PLUS HOTTE SUR NOTRE INSTAGRAM : @ARKUCHI C éc i le Fra Ate l ier Rob ©
... DANS LE VISEUR
2H30 DE SHOW, MERCI THE CURE. AVEC QUELQUES MORCEAUX D’ANTHOLOGIE : SHAKE DOG SHAKE, A FOREST, A STRANGE DAY OU ONE HUNDRED YEARS. CULTE, BIEN SÛR.
Égyptomanie
PAR BLANDINE DAUVILAIRE
Cette année, l’Égypte est au cœur de plusieurs expositions passionnantes. C’est le cas à La Sucrière avec Toutankhamon, à la découverte du pharaon oublié. Réalisé par Tempora, le parcours immersif retrace l’histoire de Howard Carter, découvreur du tombeau en novembre 1922. Guidé par le récit de Carter (l’audioguide est remarquable), nous débarquons en Égypte, revivons toutes les étapes de sa quête ainsi que l’ouverture de la tombe peuplée de trésors, puis mesurons l’impact de cette découverte. Reproduits à l’identique avec la caution de scientifiques, les décors impressionnants sont peuplés d’objets rutilants. Ils ne dégagent pas l’émotion des pièces archéologiques, mais offrent un vrai voyage dans le temps. Cette initiative privée
a un prix : 17 € le billet d’entrée ! De son côté, le Musée des Beaux-Arts de Lyon rappelle dans une expo intimiste, qu’il y a tout juste deux cents ans, Jean-François Champollion réussissait à percer le mystère des hiéroglyphes. La relation scientifique et amicale que François Artaud, premier directeur du musée, noua avec les deux frères Champollion, est à l’origine de sa passion pour l’Égypte antique et du développement des collections lyonnaises. Ce que l’on sait moins, c’est qu’en mettant à disposition des documents originaux conservés par des collectionneurs lyonnais, Artaud contribua au déchiffrement des hiéroglyphes. Archives inédites, objets de la vie quotidienne, ouvrages, cercueils peints… 145 pièces de toute beauté font revivre cette période exaltante. Dans un tout autre genre, le pôle de commerces et de loisirs Confluence propose de vivre, avec L’Horizon
6 ARKUCHI #32 DÉC. 22 | JAN. 23 C DANS L'AIR
Tempora / trentesept ©
À LA RECHERCHE DES HIÉROGLYPHES OUBLIÉS > 31 DÉC.
Musée des Beaux Arts Lyon 1 mba lyon.fr
L’HORIZON DE KHÉOPS > 23 MARS 23
Centre commercial Confluence Lyon 2 horizonkheops.com
TOUTANKHAMON, À LA DÉCOUVERTE DU PHARAON OUBLIÉ > 24 AVR. 23 La Sucrière Lyon 2 expo toutankhamon.com
UN CHANTIER DÉCHIFFRÉ > 31 OCT. 23
Musée Champollion Vif (38) musees.isere.fr
ÉGYPTOMANIA, LA COLLECTION JEAN-MARCEL HUMBERT > 27 NOV. 23
Musée dauphinois Grenoble (38) musees.isere.fr
de Khéops, une expérience immersive inédite. Équipé d’un casque de réalité virtuelle, le visiteur explore à son rythme la grande pyramide de Khéops. Il pénètre dans la chambre de la Reine, assiste à une cérémonie d'embaumement puis aux funérailles de Khéops sur le Nil… Bluffant ! (45 minutes, dès 21,50€) Et si vos pas vous mènent en Isère, ne manquez pas Égyptomania, la collection Jean-Marcel Humbert au Musée dauphinois de Grenoble. À travers près de 300 objets et documents, l’exposition montre que, depuis plus de deux siècles, les créations des artistes et des publicitaires reflètent une vision fantasmée de l’Orient. Enfin, au Musée Champollion de Vif, Un chantier déchiffré permet de comprendre comment la propriété familiale des Champollion est devenue ce petit musée dédié aux deux frères et à l’égyptologie.
ARKUCHI
7
#32 DÉC. 22 | JAN. 23
C DANS L'AIR
TOUTANKHAMON
MYRIAM BOUDENIA EST AUTRICE DRAMATIQUE ET METTEUSE EN SCÈNE, COMÉDIENNE ÉGALEMENT.
AVEC SA COMPAGNIE LA VOLIÈRE, ELLE MONTE SES PROPRES TEXTES DONT, RÉCEMMENT, PALPITANTS ET DÉVASTÉS (2021) OU L’AVENIR N’EXISTE PAS ENCORE (2022). ELLE RÉPOND AUSSI RÉGULIÈREMENT À DES COMMANDES D’ÉCRITURE. TRÈS ACTIVE, ELLE INTERVIENT À L’ENSATT ET ŒUVRE AUPRÈS DE L’ASSOCIATION SINGA LYON, AVEC LE PROJET THÉÂTRE "FEMMES EN SCÈNE".
Faire du théâtre comme on fait de l’archéologie
PAR MYRIAM BOUDENIA
ÉCRIRE : POSER L’ARMURE, COMMENCER LE COMBAT
« Le monde est une menace, ne pleure pas devant les autres » : maxime de l’enfance réitérée et ingurgitée jusqu’à la lie.
D’accord ! Ceux qui me précèdent n’ont pas toujours tort, l’Histoire, ses guerres et ses silences leur ont donné raison. Souvent.
Née d’un père algérien et d’une mère ukrainienne, je suis traversée depuis toujours par les questions intimes et politiques de l’identité et de l’exil. Le cul entre trois chaises, la notion est mouvante : d’où tu viens, où tu vas ? Refuser les sommations à dire je suis ceci ou je suis cela, célébrer l’héritage ou se défaire de son poids ? Rester amnésique ou dire ?
Vaincre la peur. Pratiquer l’art du camouflage. Endosser l’armure, sortir le bouclier, devenir chevaleresse. Et puis, un jour, se rendre compte que la menace du dehors se love aussi au-dedans. Une autre, sourde, qui assaille à des moments et qui disparaît tout à fait comme si elle n’avait jamais existé. Est-ce que je deviens folle ?
8 ARKUCHI #32 DÉC. 22 | JAN. 23
CARTE BLANCHE
Enna Pator ©
PALPITANTS ET DÉVASTÉS
05 JAN. 23
La Mouche Saint Genis Laval
LA LUNE, SI POSSIBLE 11 > 14 MARS 23
Auditorium de Seynod (74)
LES PISSENLITS 11 > 15 AVR. 23
Théâtre de l’Élysée Lyon 7
Yo-yo peur-confiance-peur-confiance-peur, ad lib. Comme c’est effrayant. On ne voit ni le fond ni les bords, c’est palpitant et dévasté. Toucher alors les parois élastiques de l’écriture et du théâtre. Et ma foi, s’y plaire, dans ce bain à remous.
Une autre maxime surgit alors : « Il y a un autre monde possible mais il est dans celui-ci » lue chez Paul Éluard, qui, lui-même, l’a lue chez le philosophe suisse Ignaz Vitalis Troxler. En plus de faire de la philo, Ignaz était médecin ophtalmologue. On lui doit l'effet Troxler. C’est une illusion d'optique qui affecte la perception visuelle : il arrive que lorsqu'on fixe son attention sur un point précis de notre champ de vision, le reste autour semble disparaître peu à peu… Focus. Concentration pour faire surgir ce monde possible, en germe dans l’ici et maintenant. Un monde parallèle ? Un monde superposé ? Augmenter sa capacité à voir les papiers calques qui s’empilent sur notre espacetemps. Alors le lieu s’épaissit, prend de la profondeur de champ : un miroir qui fait face à un autre miroir. Un monde dans un monde dans un monde dans un monde dans un monde, ad lib. Infinité du reflet. Poupées russes. Kaléidoscope. Le temps est infini lui aussi, il tourne sur lui-même, comme la Lune autour de la Terre et la Terre autour du Soleil. J’attrape au passage des souvenirs, des bouts de mémoire et fais parler les fantômes tout à côté des vivants. Des strates d’histoires s’empilent sur ma lande, les personnages se croisent, se voient, se répondent dans ce temps circulaire où je peux naviguer à ma guise. Sans peur, parce que l’avenir n’existe pas encore. Quelle chance !
Faire du théâtre comme on fait de l’archéologie : à partir d’un tesson d’amphore enfoui sous des gravats, reconstituer la main qui l’a façonnée, puis son corps tout entier, puis écouter ce que cette personne a à nous dire. Un petit tesson de rien du tout a de la valeur, renferme des trésors de sensibilité, enclot des silences et des rires. Encore faut-il tendre l’oreille pour écouter ce qui se tait et donner de la voix pour celles et ceux qui croient n’intéresser personne ou qu’on a volontairement réduits au silence.
Retirer l’armure et le bouclier mais garder l’épée tranchante, écrire et jouer.
9 ARKUCHI #32 DÉC. 22 | JAN. 23 CARTE BLANCHE
La Suisse en force
CENTRE CULTUREL SUISSE ON TOUR À LYON
10 > 21 JAN. 23
Les SUBS, Théâtre des Célestins, Théâtre de la Croix Rousse, BF15, Clochards Célestes, Périscope, etc. ccsparis.com les‑subs.com
En cours de rénovation, le Centre culturel suisse est parti sur les routes de France depuis la rentrée. Il fait escale à Lyon du 10 au 21 janvier avec, dans ses bagages, plusieurs créatrices et créateurs à découvrir. Cette affiche hors les murs permet de dresser un mini-panorama des artistes de ce petit voisin. La création helvétique va essaimer dans toute la ville, de la BF15 au TNG (lire Marion Duval, ci-après), du Théâtre de la Croix-Rousse à la librairie Archipel en passant par le Périscope et le Théâtre des Clochards Célestes. Avec l’idée de « promouvoir les jeunes générations » selon les mots de son directeur, Jean-Marc Diébold. Et de fait, à part Milo Rau, la « tête d’affiche » que le Théâtre de la Croix-Rousse accueille, en janvier, avec le spectacle choc Hate Radio, les autres pièces sont peu connues mais gagnent certainement à l’être… À commencer par le travail de Johana Blanc et Simone Holliger, plasticiennes réunies à la BF15 avec deux
Confessions intimes
propositions très différentes : la première, nettement sculpturale de Simone Holliger, et la seconde, plus performative, avec Johana Blanc qui développe une pratique autour des mots comme matière plastique et signifiante. Avec un temps fort intitulé Perforama, les SUBS deviennent le théâtre de drôles de performances. Le circassien Julian Vogel s’interroge sur la vulnérabilité au moyen de diabolos en porcelaine, nécessairement fragiles et éphémères, tandis qu’Aurélien Dougé plonge le public, avec Hors-sol, dans une expérience immersive atemporelle ; le duo de performeurs Igor Cardellini et Tomas Gonzalez propose, lui, une visite guidée un peu spéciale du centre commercial de la Part-Dieu. L’Âge d’Or est une déambulation, casque sur les oreilles, dans un temple de la consommation, qui s’apparente à une visite archéologique d’un nouveau genre et qui met à mal sans doute bon nombre d’idées reçues ! À l’instar de Mélina Martin qui s’attache à déconstruire le personnage mythique d’Hélène de Troie dans un seule-en-scène assez bluffant aux Clochards Célestes.
Marion Duval est l’artiste à ne manquer sous aucun prétexte. Déjà vue sur le plateau du TNG (Hulul en 2020), elle revient avec deux spectacles dont Cécile, « particulièrement impressionnant », selon le directeur du CCS, et « l’une des pièces les plus marquantes de ces dernières années ». Il faut dire que Marion Duval n’est pas une comédienne comme les autres, elle se moque d’elle-même et de son art. Formée à la danse classique et contemporaine au Conservatoire de Nice, elle débute le théâtre à Toulouse avant de sortir diplômée de la Haute école des arts de la scène de Lausanne. Elle devient interprète pour des metteurs en scène et des chorégraphes, dont Marco Berrettini avec lequel elle crée Claptrap en 2016, confession jubilatoire dans laquelle elle renonce à la scène. Jusqu’à quand ? En tout cas, ça ne l’empêche pas de continuer de monter des projets comme Cécile, autre déballage d’une femme qui a eu plusieurs vies, racontées sur scène avec brio. GV-P
10 ARKUCHI #32 DÉC. 22 | JAN. 23 BÊTES DE SCÈNES
PAR GALLIA VALETTE-PILENKO
CÉCILE 12 > 14 JAN. 23 CLAPTRAP 18 & 19 JAN. 23 Les Ateliers Presqu’île Lyon 2 tng lyon.fr à
CLAPTRAP, MARION DUVAL
Yvonne Dickopf ©
Hymne à la joie
Il est temps de faire connaissance avec François Gremaud, metteur en scène suisse découvert en 2019 au Festival d’Avignon. Il est à l’affiche en janvier avec Phèdre ! et Auréliens, deux seuls-en-scène aussi différents que possible. Normal, au vu de la personnalité de cet artiste singulier qui aurait pu « faire des spectacles sur à peu près n’importe quoi ». Mais pas avec n’importe qui : le choix de l’interprète est primordial et constitue la base de sa création. Ainsi Phèdre ! a été écrite pour Romain Daroles (même si Racine y est très présent…) et Auréliens, qui reprend une conférence de l’astrophysicien Aurélien Barrau, pour Aurélien Patouillard. François Gremaud a une telle confiance dans le corps de l’acteur et l’imaginaire du spectateur qu’il conçoit des mises en scène minimalistes.
Mais sa marque de fabrique, c’est la joie qu’il aime partager par-dessus tout avec le public, par le biais du comédieninstrument. Même quand le sujet d’Auréliens invite le public à s'interroger sur l’urgence climatique. « Le génie d’un interprète et la joie, comme une condition de la vie, la puissance fondamentale de la vie », nous dit-il. En un mot, il a l’art inestimable de transformer une tragédie antique en odyssée jubilatoire et une conférence savante (sur un sujet plutôt plombant) en interpellation sensible et poétique. En décentrant le propos, il lui donne une tout autre ampleur.
11 ARKUCHI #32 DÉC. 22 | JAN. 23 BÊTES DE SCÈNES
PAR TRINA MOUNIER
PHÈDRE ! 10 > 14 JAN. 23 Théâtre de la Croix Rousse Lyon 4 croix rousse.com 18 & 19 JAN. 23 Théâtre de Villefranche theatredevillefranche.com AURÉLIENS 24 > 27 JAN. 23 TNG tng‑lyon.fr
Nguyen ©
Cloan
Harpagonbête de scène
Après celui de Jérôme Deschamps (au TNP en octobre), qui a quelque peu déçu par son classicisme, malgré une interprétation remarquable du personnage, plus cupide que jamais et plus repoussant qu’on ne l’avait jamais vu, voici celui de Benoît Lambert avec Emmanuel Vérité, très applaudi dans le rôle-titre. Pour le metteur en scène (et directeur) de la Comédie de Saint-Étienne, qui se revendique de Brecht, la lecture politique et sociale de Molière est un passage obligé : « Nous n’avons pas cherché la modernité mais à rendre quelque chose de la naissance de la famille bourgeoise. Molière, fils d’un grand bourgeois, ce n’est pas
Désir d’avenir
Elon Musk, mais un homme qui travaille et donne de sa personne. Méprisé par une noblesse frivole, Harpagon se retrouve face à un fils qui ne pense qu’à dépenser en rubans… Un véritable conflit de générations. »
Proche de cette lecture de L’Avare, Michel Boujenah, récompensé par le Molière du comédien pour son interprétation, a tenté de retrouver la part d’humanité dans le désespoir et la solitude d'Harpagon, « de tous les humains, l’humain le moins humain » Pour le comédien, cet avare s’est battu « comme un chien pour engranger des pistoles que son fils ne pense qu’à dépenser, tandis que sa fille lui ment, et lui est incapable de déclarer sa flamme à Marianne. Bref, il s’est trompé sur toute la ligne ». Tentant, non ?
Quels points communs existe-t-il entre le plastique et les dinosaures ? Une archéologie des détritus peutelle possiblement voir le jour ? Et que penser de la sexualité des minéraux ? Autant de questions épineuses et saugrenues dont l’artiste David Wahl s’empare à l’occasion de trois spectacles estampillés "Nos Futurs". À commencer par Histoires de fouilles, une pérégrination à destination des plus jeunes pour remonter le fil historique du plastique. Entre cochons, urine et déchets radioactifs, Le sale discours dresse quant à lui une petite histoire des poubelles de l’Homme. Nos cœurs en Terre enfin où la mutation de deux interprètes en golem* célèbrera notre fragile et féconde planète Terre. Autant d’occasions de rire non sans sérieux du devenir possible et désirable de notre monde en proie à de nombreux bouleversements. ET *Dans la mythologie juive, être gigantesque fait d'argile, créé pour servir son maître.
12 ARKUCHI #32 DÉC. 22 | JAN. 23 BÊTES DE SCÈNES
L’AVARE (BENOIN/BOUJENAH) 04 & 05 JAN. 23 Radiant Bellevue Caluire radiant bellevue.com L’AVARE (LAMBERT/VÉRITÉ) 06 > 12 JAN.
17
23 Comédie de Saint Étienne (42) lacomedie.fr
> 21 JAN. 23 Théâtre de Bourg en Bresse (01) 25 > 27 JAN. 23 Théâtre de la Renaissance Oullins 01 & 02 MARS 23 Théâtre de Villefranche 07 > 10 MARS 23 Espace des Arts Chalon sur Saône (71)
10 & 11
LE
13
14
NOS
TNG
HISTOIRES DE FOUILLES
DÉC.
SALE DISCOURS
&
DÉC.
CŒURS EN TERRE 15 > 17 DÉC.
Les Ateliers Presqu’île Lyon 2 tng lyon.fr
Sonia Barcet ©
L'AVARE, BENOÎT LAMBERT
APRÈS TARTUFFE L’AN DERNIER, C’EST DÉSORMAIS À L’AVARE D’OCCUPER LE DEVANT DE LA SCÈNE. PAS MOINS DE TROIS VERSIONS, DE QUOI DONNER ENVIE DE RELIRE SES CLASSIQUES !
PAR TRINA MOUNIER
À la vie à la mort
PAR TRINA MOUNIER
ON AVAIT DÉCOUVERT, L’AN DERNIER, JEAN BELLORINI ESPIÈGLE ET JOYEUX AVEC IL TARTUFO. IL REVIENT AVEC LE SUICIDÉ, PIÈCE ÉCRITE PAR LE RUSSE NICOLAÏ ERDMAN DANS LES ANNÉES 1920, ET VAUDEVILLE SOVIÉTIQUE DÉBRIDÉ, À BASE DE QUIPROQUOS ET D’IMBROGLIOS.
On connaît peu Nikolaï Erdman. Pouvez-vous nous parler de cet auteur ?
JEAN BELLORINI Il s’agit d’un grand intellectuel russe, ami de Maïakovski et de Boulgakov. Sa première pièce Le Mandat fit un triomphe mais son contenu férocement satirique attira l’attention des autorités. Le Suicidé fut interdit avant même d’être joué et un court poème réussit à l’envoyer en Sibérie d’où il revint détruit. Lui qui était un esprit gai, comme on le verra dans Le Suicidé, n’a jamais pu guérir de sa peur.
Parlez-nous de ce Suicidé…
JB C’est une pièce extrêmement drôle qui démarre sur un quiproquo. Un pauvre chômeur, affamé, s’apprête à avaler un saucisson de foie. Craignant qu’il ait voulu se supprimer, les autres s’occupent de lui, il devient tout d’un coup important. Sa vie commence au moment où tout le monde croit qu’il va mourir. En quelque sorte, c’est la mort qui le tient debout. La pièce est construite comme un compte à rebours jusqu’à la fin.
Quelle est, selon vous, la plus grande qualité de ce texte ?
JB Son rythme très vif, incroyablement rapide, et l’amour de la vie qu’il exprime si fort en parallèle avec la dénonciation. La musique, déjà très présente dans l’écriture elle-même, sera aussi sur scène avec des cuivres, des percussions, un accordéon et des acteurs qui tous chantent. Car je suis persuadé que, quand on ne peut plus dire, on peut encore chanter. Mais c’est une pièce drôle, vraiment, c’est comme ça qu’elle est écrite. J’ai pensé mettre en scène Le Suicidé quand tout était à l’arrêt, car je sentais qu’il était essentiel de retourner au théâtre pour être heureux ensemble. Comme un lieu de retrouvailles… d’autant plus nécessaire en ces moments de troubles où on a un tel besoin de réconfort…
13 ARKUCHI #32 DÉC. 22 | JAN. 23 BÊTES DE SCÈNES
LE SUICIDÉ, VAUDEVILLE SOVIÉTIQUE 15 > 17 DÉC. 06 > 20 JAN. 23 TNP Villeurbanne tnp villeurbanne.com
Un micro pour les oubliés
David Murgia parle avec enthousiasme de l’art de raconter selon Celestini – il est aussi l’un des grands acteurs du théâtre narratif. « C’est un auteur pour qui l’épreuve de l’écriture se fait par le dire. Ses textes sont comme des partitions de jazz, faites pour donner lieu à des échappées personnelles. Ce sont des partitions mobiles, de l’oralité pure… »
Le Discours à la nation qu’ils avaient composé ensemble selon le même procédé a obtenu, on s’en souvient, un beau succès. L’auteur et son interprète y pointaient l’arrogance et le cynisme des puissants. Cette fois-ci, ils laissent la parole aux petits, ceux qui sont écrasés par notre système social et qu’on ne voit même pas : les invisibles, les sans-voix. « Le personnage principal, explique le comédien belge,
Féminin pluriel
c’est une zone de la périphérie avec un supermarché, son parking, un immeuble miteux et un entrepôt où travaillent des Africains sans papiers. Celui qui raconte, par ma voix, habite cet immeuble, il est l’un d’eux. Il les voit de sa fenêtre. Il fréquente les bars et quand il parle, c’est un flot de paroles qui se bousculent. Vrai ou faux ? Imaginaire ? Fantasmé ? On ne sait pas et peu importe. »
Les deux pièces se ressemblent, formant les deux faces d’une même description, d’une même histoire. Les points de vue sont différents et les personnages aussi, mais tous marqués par la violence sociale.
On aurait tort d’imaginer des seuls-en-scène. Le personnage incarné par David Murgia est accompagné soit d’un colocataire musicien, soit de voix qui proviennent d’on ne sait où (mais on reconnaît Yolande Moreau) : la solitude invite à s’inventer des interlocuteurs…
À la tête du Ballet national de Marseille depuis 2019, le collectif (LA)HORDE décloisonne la danse avec audace pour l’ouvrir à différents courants artistiques. Après les secousses rageuses de Room with a view, qui nous mettaient les doigts dans la prise électro, la troupe est de retour à Lyon avec un programme signé par quatre femmes chorégraphes à fort tempérament. D’abord Lucinda Childs revisite Tempo Vicino, pièce d’une géométrie rigoureuse aux lumières superbes, puis Tânia Carvalho présente sa nouvelle création One of Four Periods in Time. Icône queer du voguing, Lasseindra Ninja invente avec Mood un cabaret jubilatoire, où les corps libérés expriment leur personnalité et leur orientation sexuelle. Enfin, sur le très beau Miserere mei de Gregorio Allegri remixé par ses soins, Oona Doherty présente Lazarus. À partir de la colère des jeunes des banlieues de Belfast, la chorégraphe crée un langage chorégraphique presque poétique. Une soirée riche en émotions. BD
14 ARKUCHI #32 DÉC. 22 | JAN. 23 BÊTES DE SCÈNES
PAR TRINA MOUNIER
DAVID MURGIA PRÉSENTE AU THÉÂTRE DES CÉLESTINS LAÏKA ET PUEBLO, DIPTYQUE ÉCRIT PAR L’AUTEUR ET HOMME DE THÉÂTRE ITALIEN, ASCANIO CELESTINI.
PUEBLO 06 > 17 DÉC. LAÏKA 09 & 10 DÉC. 16 & 17 DÉC. Théâtre des Célestins Lyon 2 theatredescelestins.com
07 & 08 DÉC.
14 > 16 DÉC.
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Comédie de Valence (26)
Maison de la Danse Lyon
LAÏKA
Dominique Houcmant Goldo ©
sans tabou
Dans le genre poético-trash, la comédienne-danseuse et performeuse Marlène Saldana est un sommet. Originaire de Tassin-la-DemiLune, elle fait ses classes à la Scène sur Saône avant d’être remarquée par l’artiste inclassable Yves-Noël Genod et la compagnie du Zerep (Sophie Perez et Xavier Boussiron), Boris Charmatz et surtout Christophe Honoré qui en fait l’une de ses Idoles. Avec son complice Jonathan Drillet, la voilà qui s’empare avec jubilation de Showgirls, le film culte de Paul Verhoeven, pour un solo à nul autre pareil. Elle ose tout, sans complexes ni limites. Pour celle qui considère que « le bon goût est l’ennemi de la créativité », rien n’est tabou, surtout pas l’extravagance et le kitsch. Et dans Showgirl (sans s, contrairement au film), elle s’en donne à cœur joie, endossant tous les personnages, chantant, jouant, dansant et digressant sur tout ce qui gratte et qui fait mal. Avec Sophie Perez à la scénographie et l’électro trash de Rebeka Warrior, c’est du feu qui attend le spectateur. Incontournable !
À fleur de peau
Frédéric R. Fisbach adapte pour la scène Petit pays, le roman bestseller de Gaël Faye. Avec la complicité du dramaturge Samuel Gallet et de six comédiens qui composent un chœur narrateur.
Papier, écran, scène. Traduit dans une quarantaine de langues depuis sa première publication en 2016, Petit pays de Gaël Faye, Goncourt des lycéens, a déjà fait l’objet d’un film sorti en 2020. Il est aujourd'hui porté au théâtre par le metteur en scène Frédéric R. Fisbach. Bouleversé par la lecture du texte, il a souhaité l'adapter pour la scène avec le désir de parler de génocide et de « représenter le métissage, explique-t-il, tout en racontant une histoire simple et directe ». Le premier roman de Gaël Faye, inspiré de sa vie, narre les péripéties et les interrogations de Gaby, un enfant de dix ans, au début des années 1990. À Bujumbura, au Burundi, où il vit avec sa sœur, sa mère rwandaise et son père français, son existence heureuse entre jeux de gamins et découverte de la lecture bascule quand ses parents se séparent, que la guerre civile déchire son pays et que le génocide des Tutsis, en 1994, dévaste le Rwanda voisin. Le récit, à hauteur d’enfant et à fleur de peau, est à la fois joyeux et tragique. Sur le plateau, Frédéric R. Fisbach convoque six comédiennes et comédiens de toutes origines. Ils forment à la fois un « chœur narrateur » et jouent les différents rôles. Le metteur en scène souhaite faire un théâtre qui, dit-il, « use de tous les artifices pour créer une représentation festive et directe ». FR
15 ARKUCHI #32 DÉC. 22 | JAN. 23 BÊTES DE SCÈNES
04 > 08 JAN. 23
Théâtre des Célestins Lyon 2 theatredescelestins.com
Jason R Warren ©
PETIT PAYS
SHOWGIRL
DÉC.
Narcisse
Agency © 15 & 16
Les SUBS Lyon 1 les subs.com
PAR GALLIA VALETTE-PILENKO
16 ARKUCHI #32 DÉC. 22 | JAN. 23 La grande illusion La grande illusion À
La grande illusion PAR EMMANUELLE BABE MAGICIEN, ACTEUR, JONGLEUR, ÉTIENNE SAGLIO PROMÈNE SES CRÉATURES MERVEILLEUSES ENTRE RÉALITÉ ET MONDES ENCHANTÉS. FIGURE DE LA MAGIE NOUVELLE, IL CULTIVE UNE POÉSIE SUBTILE. ET SI ON S’ÉVADAIT ? LE BRUIT DES LOUPS 13 & 14 DÉC. Théâtre du Vellein Villefontaine (38) levellein.capi agglo.fr GOUPIL ET KOSMAO 13 > 16 DÉC. Espace Malraux Chambéry (73) Benjamin Guillement © VOUS ÊTES MAGICIEN, CIRCASSIEN OU "CIRCAGICIEN" ? MAGICIEN ME VA TRÈS BIEN, J’AIME BIEN LES MOTS SIMPLES MAIS VASTES SI VOUS ÉTIEZ UN ANIMAL, PLUTÔT LOUP OU SOURIS ? UN LOUP GRIS SOURIS CROYEZ-VOUS (VRAIMENT) AUX FANTÔMES ? OUI. ILS ME TOURMENTENT OU M’APAISENT. JE CROIS "AUX FORCES DE L’ESPRIT" EN QUOI LA NATURE VOUS INSPIRE ? J’AIME BIEN IMAGINER LES AUTRES ESPÈCES VIVANTES QUI NOUS OBSERVENT LE POUVOIR MAGIQUE DONT VOUS RÊVEZ ? PARLER LE LANGAGE DES FLEURS ET DES CHOSES MUETTES S’AVENTURER DANS LES LIMBES… CHICHE ? GRAVE ! JE ME SOUVIENS QUE JE CHERCHAIS TOUJOURS À SORTIR DES PARCOURS DE COURSES AUTOMOBILES DANS LES JEUX VIDÉO. ALLER VOIR DERRIÈRE LA MONTAGNE. J’AI APPRIS QUE ÇA S’APPELAIT "LES LIMBES" UNE ŒUVRE, UN ARTISTE QUI VOUS INSPIRE ? LIRE LE LIVRE CROIRE AUX FAUVES DE NASTASSJA MARTIN EN ÉCOUTANT LE DERNIER ALBUM DE BENJAMIN CLEMENTINE AVEZ-VOUS UN MONSTRE INTÉRIEUR ? S’IL N'Y EN AVAIT QU’UN, IL S’EMBÊTERAIT... LE PAUVRE ! SI VOUS ÉTIEZ UN PROVERBE ? LE TEMPS NE RESPECTE PAS CE QUI A ÉTÉ FAIT SANS LUI
LA MOULINETTE
JE
FLEURINE POSPIECH
BRICOLEUSE D’IMAGES
PAR EMMANUELLE BABE PHOTOS FLEURINE POSPIECH
Son état civil fait tendre l’oreille. Fleurine Pospiech : un prénom de fée, un patronyme qui fuse comme une onomatopée… L’imagination est en marche, avant même de rencontrer la demoiselle. Un coup d’œil sur son fil Instagram finit d’attiser la curiosité. On y découvre notamment un bel autoportrait : Fleurine vous fixe de ses yeux océan s’étirant sous sa frange rouquine ; sur ses joues, des larmes bleu métallique. L’image est accompagnée d’un joli texte écrit par sa mère sur le thème de l’hypersensibilité. Encore une collaboration réussie pour la jeune photographe, qui travaille seule mais aime créer à plusieurs. Sa maman, justement, a forgé la sensibilité artistique de Fleurine. Elle est artiste peintre et plasticienne, les enfants traînent dans l’atelier qui est à domicile. Fleurine a 12 ans lorsque la famille quitte l’Alsace pour la Bourgogne. Après des premières amours pour la danse classique, son intérêt pour la photographie grandit. Premier appareil à 12 ans, Reflex à 15, et option photo au bac : la voilà embarquée. Bac littéraire en poche, elle commence les Beaux-Arts à Lyon, puis des études de cinéma avant un BTS photo à la SEPR. « À chaque fois que j’ai voulu quitter la photo, j’ai toujours
FOKUS
TRAVAILLE TRÈS PEU EN DÉCOR NATUREL OU URBAIN. JE PRÉFÈRE LE STUDIO.
fini par y retourner », sourit Fleurine. Aujourd’hui, à 25 ans, elle se consacre quasi exclusivement à la photographie, entre commandes et projets personnels qui donnent à voir tout son talent de plasticienne : Fleurine crée elle-même les décors de ses photos en bricolant chutes de tissu, plâtre, papier mâché et tout ce qui se réutilise. Son mantra : « donner une seconde vie aux poubelles ! ». Dans sa cuisine, elle pique et coud, pratique la teinture aux glaçons pour créer des fonds originaux. Fleurine la photographe s’abandonne sans complexe au coloré et au kitsch, au pop et au brillant. Sa série Gucci en témoigne, clin d’œil aux campagnes de la marque italienne qu'elle s'amuse à singer avec force couleurs tape-à-l’œil, modèles poseurs et éclairage 70's. « À l’origine je voulais être photographe de mode car je suis dingue de vêtements. J’ai renoncé, mais je collabore volontiers avec la jeune création ou des créateurs éthiques. » Ses projets les plus ambitieux, Fleurine les mène avec Le Châtelain, membre du Consœurtium, un collectif de drag queens et clubkids. C’est elle qui l’a contacté pour un travail en première année de BTS : « Adolescente, je traînais déjà dans le milieu queer. J’aime leur liberté de style. » Depuis, Fleurine est devenue la photographe et la scénographe du collectif : « Cette collaboration, c’est une révélation esthétique ! » Avec Le Châtelain, elle réalise plusieurs séries sur le thème de l’eau pour sensibiliser à la pollution marine. « Je m’inspire de ses costumes pour créer les décors. À la fin, c’est un tableau. » Elle aime mettre en scène*, comme dans cette série inspirée des peintures à thème biblique. Le DIY a ses travers : il faut retoucher les images pour rattraper les petites imperfections de fabrication. À l’arrivée, ça claque : bravo l’artiste !
* Avec Pauline Fiorina au maquillage.
INFLUENCES
fleurine.pospiech.fr fleurine_pospiech
Pierre et Gilles, Tim Walker, Cindy Sherman, David LaChapelle, Elizaveta Porodina, Lou Escobar, Nadia Lee Cohen, Cho Gi‑Seok, Fred Deux…
ROSSSA > 06 DÉC. Sofffa Lyon 7
LE VAISSEAU DE BÉTON
Le Corbusier n’en est pas à son premier édifice religieux lorsqu’il accepte en 1953 la commande des frères dominicains. Il est en effet en train de diriger la construction de la chapelle de Ronchamp sur une colline de Franche-Comté.
COUVENT DE LA TOURETTE Éveux (L’Arbresle)
couventdelatourette.fr fondationlecorbusier.fr lecorbusier‑worldheritage.org
Lui qui, jeune homme découvrant la Chartreuse de Galluzzo près de Florence et le Mont Athos en Grèce, trouvait la vie monastique « héroïque », ne peut que difficilement résister à un projet de couvent ! Sur les conseils de ses commanditaires, il va néanmoins compléter sa culture en la matière par un voyage d’études à l’abbaye romane du Thoronet, une des trois sœurs cisterciennes provencales, joyau de dépouillement architectural. L’homme n’est pas particulièrement religieux. É levé au sein de la pragmatique société suisse protestante,
c’est un intellectuel de son temps, tout en rationalisme. Mais parmi les commanditaires du projet, veille le Père Couturier, prêtre et théoricien de l’art, qui, dans un article intitulé Aux grands hommes les grandes choses, écrit en 1950 : « Cent-vingt églises ont pu être bâties autour de Paris sans qu’un seul des grands architectes français, respectés du monde entier, ait seulement été consulté. […] Il vaut mieux s’adresser à des hommes de génie sans la foi qu’à des croyants sans talent. » En termes de recrutement, la messe est donc dite ! Quant au programme, il s’agit de construire à Éveux, près de L’Arbresle, un couvent d’études, lieu de méditation, de recherche et de prière, dans le parc d’un château.
Tout de béton banché à la planche aux finitions rudimentaires, le couvent de La Tourette apparaît de prime abord tel un austère, brutal et imposant parallélépipède. L’édifice recèle pourtant
des trésors de poésie et de finesse architecturales à découvrir en son sein, pour le plus grand bénéfice de ses usagers. Jugeant dès sa première visite sur place, début mai 1954, que le site est « si mobile, si fuyant, si descendant, si coulant », Le Corbusier fait le choix radical de disposer son projet sur pilotis, lui conférant une dimension aérienne inattendue. Le bâtiment en forme de U sur plan carré, ainsi affranchi de la forte pente du terrain, est refermé sur son quatrième côté par la grande boîte opaque de l’église, pour sa part solidement arrimée au sol.
Toits-terrasses jardins, longues baies libérées des contraintes structurelles, trames de poteaux détachés des parois, promenades intérieures suivant un jeu de rampes douces en croix, vues cadrées sur le paysage ou sur une partie du bâtiment à travers ce qu’il nomme abusivement le cloître : toute la grammaire architecturale moderniste,
20 ARKUCHI #32 DÉC. 22 | JAN. 23
FORME & FONCTION
PAR ÉMILAND GRIÈS
NOTRE RÉGION EST RICHE DE PLUSIEURS ŒUVRES DE LE CORBUSIER. OUTRE LE LIGÉRIEN FIRMINY-VERT AVEC SON IMMEUBLE DE 350 LOGEMENTS, SON STADE, SA MAISON DE LA CULTURE ET SON ÉGLISE, LES CONTREFORTS DES MONTS DU LYONNAIS SONT L’ÉCRIN D’UNE DE SES MASTERPIECE : LE COUVENT DE LA TOURETTE.
GIUSEPPE PENONE > 24 DÉC.
FLC 2022 / Jonathan Letoublon
©
PHOTOS : COUVENT DE LA TOURETTE, EXPOSITION GIUSEPPE PENONE, 2022
inventée trente ans auparavant par Le Corbusier, est mise en œuvre. Sa maestria dans l’art de marier ombre et lumière s’exprime pleinement dans l’église : les rayons du soleil y pénétrent par des canons tronconiques obliques et lèchent des pans inclinés peints aux couleurs primaires. Mais au-delà des impressionnants jeux formels des volumes géométriques entre eux (pyramide coiffant l’oratoire, cube évidé du clocher, cylindre de l’escalier), des multiples motifs de façades (moucharabieh des loggias, panneaux vitrés Mondrian, pans de verre ondulatoires conçus par l’ingénieur architecte et compositeur Iannis Xenakis), le couvent est réglé jusque dans ses moindres détails sur l’ergonomie humaine. Hauteurs, largeurs et longueurs sont calibrées sur le Modulor, outil de mesure établi par l’architecte et issu des dimensions humaines. Ainsi, les cellules monacales
mesurent 183 centimètres de large, soit le Modulor les bras en croix. Elles sont étroites, mais humainement étroites. La référence sous-jacente aux dimensions physiques humaines est sans aucun doute une des clés de l’harmonie ressentie dans le couvent. Inauguré en 1960, monument historique depuis 1979, patrimoine UNESCO depuis 2016, La Tourette, toujours en activité, est ouvert au public et organise chaque année des rencontres culturelles et une exposition automnale d’art contemporain aux invités prestigieux (François Morellet, Anish Kapoor, Lee Ufan, pour ne citer qu’eux).
Le couvent reçoit actuellement les interventions et les œuvres, entre ses murs et alentour dans son parc, du plasticien italien de l’Arte povera Giuseppe Penone (voir ArKuchi #31).
21 ARKUCHI #32 DÉC. 22 | JAN. 23
FORME & FONCTION
ALBERO IN TORSIONE SINISTRA 1988
ALBERO DI 4 METRI MATRICE 2006
ANATOMIA 6 1994
FLC 2022 /
Jonathan
Letoublon ©
FLC 2022 /
Jonathan Letoublon ©
MUSIQUES
PAR EMMANUELLE BABE, ANNE HUGUET, SÉBASTIEN MARTINEZ, ÉLISE TERNAT, GALLIA VALETTE-PILENKO
POP EN APESANTEUR
02.12.22 | 20H00
Depuis plus de dix ans, Cascadeur conquiert les publics sur les routes de France. Il a aussi beaucoup composé pour le petit et le grand écran, dont la série Lupin sur Netflix ou encore pour Michel Gondry. Il nous emmène le temps d’une musique ou d’un concert dans son monde et ses rêves. Après The Human Octopus puis Ghost Surfer, le pianiste et chanteur de Metz a sorti au printemps son quatrième album Revenant, collection de textes en français posés en douceur sur une électro-pop sophistiquée et chorale. En tenue (cette fois-ci) d'homme volant et casque vissé sur la tête – « je me déguise pour pouvoir être moimême » –, il séduit sur scène avec sa voix de falsetto et ses arrangements de pop symphonique. SM
TRASH LÉGENDE
09.12.22 | 21H
Dans la série vieux de la vieille tombés dans le chaudron du trash garage et de psychobilly, The Monsters se placent là. « On ne sait pas jouer, pas chanter, mais bon, ça plaît alors tant mieux ! » Les Suisses de Berne, emmenés par un certain Beat-Man (leur frontman et chanteurguitariste, également fondateur du label couillu Voodoo Rhythm Records) sévissent sur les scènes du monde entier depuis 1986, plus de trentecinq ans dédiés au fuzz et au dieu rock’n’roll. Respect ! C’est saignant au possible, sans fioriture et hurlé tambour battant. Garage punk, wild teenage rockabilly, gospel trash, hardcore boogie : les Suisses bouffent à tous les râteliers et balancent leur furieuse musique grattée avec force vociférations et cavalcades speedées. Sans concession. AH
Périscope Lyon 2 periscope lyon.com
TEMPEST SOUS UN CRÂNE
05.12.22 | 20H30
Poétique et politique, l’intensité de son spoken word lui confère une dimension majeure sur la scène musicale comme littéraire. Depuis plus d’une dizaine d’années, Kae Tempest écrit pour le théâtre, des romans (dont le puissant Écoute la ville tomber), de la poésie et des albums de rap. Après sa venue en juillet aux Nuits de Fourvière, c’est dans un cadre plus intimiste que la star du slam outreManche revient présenter The Line is a Curve, quatrième album produit par Dan Carey et Rick Rubin, dans lequel la puissance incantatoire des mots vient se frotter à des rythmiques électro totalement hypnotiques. ET
Épicerie Moderne Feyzin epicerie‑moderne.fr
22 ARKUCHI #32 DÉC. 22 | JAN. 23 DÉAMBULATIONS
Salle Jean Vilar Romans sur Isère (26)
Le
CASCADEUR
THE MONSTERS
Thomas Guerigen ©
DR ©
À L’ÉCOUTE DU MONDE
13.12.22 | 20H30
Dominique A reprend la route pour défendre son nouvel album Le monde réel (Wagram/Cinq 7), sorti à la rentrée en même temps que son premier recueil de poésie, Le présent impossible, illustré par Baudoin. Plus ancré dans l’actualité que d’habitude – l’artiste est préoccupé par la crise climatique et les soubresauts du monde –, ce quatorzième opus reste du pur Dominique A. Même s’il a forcément mûri depuis La Fossette, premier album sorti il y a trente ans déjà (oui, oui, ça ne nous rajeunit pas !), le grand chauve distille toujours sa poésie mélancolique et délicate. Nous invitant à écouter le Dernier appel de la forêt, il souligne aussi que Nous n’irons bien qu’avec les autres / Nous n’irons loin qu’avec les autres. Avec les autres, deuxième morceau du 10-titres, est un petit bijou comme on les aime : une mélodie faussement simple, un texte splendide et des arrangements assez géniaux. À l’instar de celui qui donne son titre à l’album, très orchestré et presque symphonique, sur lequel il pose sa voix veloutée. Non dénué d’humour, ce disque a été imaginé en commun, avec quatre musiciens et le producteur Yann Arnaud (AIR, Cocoon…), dans le studio de La Frette en région parisienne, et porte la marque d’un travail collectif assez remarquable. On est vraiment curieux de découvrir en concert ce Monde réel, d’autant que le Nantais a coutume de sonner plus rock sur scène que sur album, surtout en version groupe ! GV-P
DÉCEMBRE
CHAUD DEVANT 14.12.22 | 20H
Double affiche tout feu tout flamme avec Svinkels et UltraMoule. Les premiers sont en pleine tournée avant de partager leur 4e opus, Rechute, vingt-cinq après Alcotest, le titre qui sortit de l’anonymat ce trio français de rappeurs blagueurs lorgnant sur le punk. Renouant avec le rap US des 90’s, Svinkels promet du son et des missiles ! De l’énergie également du côté d’UltraMoule, trois Lyonnaises dans le vent qui, armées de leur violon et violoncelle électriques et d’un flow décoiffant, nous ont explosé en pleine face avec le féministe Bouge ton boule. En mai, les trois grâces trash sortaient l’album Le Retour : on imagine qu’elles le défendront avec ardeur sur scène ! EB
POÉSIE DU QUOTIDIEN
15.12.22 | 20H
Vous avez manqué Grand Corps Malade à Lyon en mars ? Il revient à la Halle ! Depuis le succès de Mesdames (2020), album de duos inédits qui rend hommage aux femmes, le poète slameur n'arrête pas. Éphémère vient de sortir en septembre, « une parenthèse » à trois sans contrainte et pour le plaisir, en compagnie de Ben Mazué et Gaël Faye. Mais c'est avec son trio de musiciens qu'il a repris la route pour balancer ses chansons de slam toujours captivantes. De Midi 20 à Roméo kiffe Juliette, de Mais je t'aime à Pendant 24 heures, l'artiste du 9-3 n'a pas son pareil pour transmettre ses valeurs et déclamer de sa voix grave et profonde des textes souvent personnels qui font mouche. SM
Halle Tony Garnier Lyon 7 halle‑tony‑garnier.com
23 ARKUCHI #32 DÉC. 22 | JAN. 23 DÉAMBULATIONS
Transbordeur Villeurbanne transbordeur.fr
Radiant Bellevue Caluire radiant‑bellevue.fr
DOMINIQUE A
ULTRA MOULE
Jérôme Bonnet ©
Gregory Rubinstein Collectif Des Flous Furieux ©
14
SALLE DE L’ISLE L’Isle d’Abeau (38)
PÈRE ET FILS
16.12.22 | 20H
Après la valse des festivals, les Dutronc & Dutronc continuent leur tournée des Grands Ducs. De Il est cinq heures à J’aime les filles, le duo père et fils, très en verve, revisite avec un plaisir non dissimulé les classiques indémodables du chanteur au cigare. Ray-Ban et total look en noir pour nos deux dandys, les titres (L’aventurier y compris) s’enchaînent à deux voix avec un son plutôt rock. Les musiciens sur scène sont tous très bons et Thomas, à la guitare, la joue manouche, tandis que le père esquisse quelques pas de danse chaloupés. Et moi, et moi et moi, Les cactus, On nous cache tout, on nous dit rien : tout le monde connaît par cœur les paroles du Gentleman Cambrioleur. Un tour de chant d’anthologie, parfois presque émouvant, qui ne se refuse pas. AH
MECCANO MUSICAL
13.01.23 | 21H
Voilà quatre décennies que l’infatigable Pierre Bastien navigue entre improvisation libre et scène jazz inventive. Sa musique acousmatique et concrète résulte d’une fabrique permanente d’instruments. Objets du quotidien, peignes, brosses à dents, marteaux et autres accessoires s’assemblent pour donner vie à un "Mécanium", véritable installation en mouvement. Son dernier EP Sonic folkways, sorti en juillet, promet un passage très attendu du côté du Périscope. L’occasion rare de se laisser porter par les subtiles persistances sonores de sa poésie feutrée aux mille détails cousus main. ET
Le Périscope Lyon 2 periscope lyon.fr
VIBRATION SPIRITUELLE
14.01.23 | 20H
TRANSE ETHNIQUE
10.01.23 | 20H
Après la virulente (dé)charge des Ukrainiennes du Théâtre de Lviv avec Imperium delendum est (vu en octobre au TNP, dans le cadre de Contre-Sens), place aux DakhaBrakha de Kiev qui viennent à leur tour déverser leurs polyphonies slaves et leur musique inclassable au nom d’une Ukraine libre. Autre mode d’action mais même volonté de se battre pour leur pays. Chez les DakhaBrakha, la musique et la culture sont là pour sauver le monde. Le quatuor – déjà venu plus d’une fois sur nos scènes hexagonales – définit son style comme un « chaos ethnique ». Laissez-vous donc emporter par ces voix cristallines qui piochent dans un folklore des Balkans métissé de plein de sonorités (avec derbouka, tabla, didjeridoo…) et de rythmiques des quatre coins du monde. Engagé, joyeux, tribal, rageur… jusqu’à la transe. AH
Villeurbanne
tnp villeurbanne.com
Depuis 2002, Le Trio Joubran tisse ses créations et ses joutes improvisées sur une subtile relecture des maqâms savants et grands airs populaires. Les trois frères palestiniens, Samir, Wissam et Adnan, n’ont pas leur pareil pour ne faire qu’un à l’oud (luth oriental aux riches sonorités) avec un jeu innovant et vibrant. Les revoilà à l’Auditorium de Lyon en version sextet (avec percussions, violoncelle et machines) pour donner le frisson avec une musique palpitante qui navigue entre tradition et modernité, mélangeant cordes envoûtantes, silences brûlants, vagues de claviers et influences d’ici et d’ailleurs, du flamenco au tango et à l’électro. L’âme de tout un peuple qui résonne. AH
Auditorium de Lyon Lyon 3 auditorium‑lyon.com
24 ARKUCHI #32 DÉC. 22 | JAN. 23 DÉAMBULATIONS
TNP
11 JANVIER 2023
DAKHABRAKHA
THÉÂTRE DE VILLEFRANCHE
LE TRIO JOUBRAN
Myriam
Boulos ©
Yuri Gryaznov ©
Halle Tony Garnier Lyon 7 halle tony garnier.com
La eightiesvague
DEPUIS DEUX ANS, CERTAINS FILMS FRANÇAIS JETTENT UN REGARD RÉTROSPECTIF ET PERSONNEL SUR LES ANNÉES 1980. ÉTÉ 85 DE FRANÇOIS OZON, LES MAGNÉTIQUES DE VINCENT MAËL CARDONA, LES PASSAGERS DE LA NUIT DE MIKHAËL HERS ET LES AMANDIERS DE VALERIA BRUNI TEDESCHI NARRENT, CHACUN À LEUR MANIÈRE, LA DÉCENNIE MITTERRAND.
PAR MARTIN BARNIER & VALÉRIE LEGRAIN-DOUSSAU
Ces films ont une dimension autobiographique. Leurs réalisateurs, qui ont vécu ces années-là, ont envie de partager leur jeunesse et de raconter une certaine époque : l’élection de Mitterrand en 1981, la vie dans une petite ville de province que l’on rêve de quitter, les radios pirates, le service militaire, la troupe de Patrice Chéreau aux Amandiers…
Cette plongée dans les années 1980 se construit grâce à différents éléments. Dans Les Passagers de la nuit, le quartier Beaugrenelle (à Paris) avec ses grandes tours fascine Hers. Là, les bonnes vieilles cassettes glissées dans un walkman rappellent comment la musique s’échangeait et s’écoutait alors. Ici, la présence des cabines téléphoniques plante le décor vintage. Ou encore, dans Les Amandiers, le nom des otages détenus au Liban qu’on égrène au journal de 20 heures. La musique est primordiale pour recréer l’ambiance. On retrouve ainsi sur les bandes-son la new wave et les tubes de ces années-là, de Bananarama aux Innocents, de Raf aux Rita Mitsouko. Dans Été 85, In Between Days des Cure prend toute son importance. C’est cette chanson qu’Alexis,
le personnage principal, écoute à fond, walkman sur les oreilles, pour se donner la force de danser sur la tombe de son amoureux. Ozon a expliqué qu’il avait changé le titre de son film – Été 84 à l’origine – pour pouvoir intégrer ce tube, sorti en 1985 seulement. De la même manière, les morceaux de Joy Division ou de Front 242 sont essentiels chez Cardona dans le contexte des radios libres de l’époque. En plus de ressusciter le son de l’époque, les réalisateurs travaillent l’image pour retrouver un grain eighties. Été 85 est tourné en Super 16mm. Hers mélange la vidéo et le 16mm pour évoquer le cinéma de ces années-là. Bruni Tedeschi, qui souhaitait tourner en pellicule, a finalement opté pour le numérique, avec une texture à l’ancienne et le Super 16mm en référence. Même souci de reconstitution fidèle chez Cardona, qui utilise également le numérique et des optiques vintage, pour convoquer des matières et des lumières de son enfance en ajoutant du grain et du flou.
Ces films, nourris des souvenirs personnels de leurs réalisateurs, nous font replonger avec style dans cette France caractéristique des années 1980, provoquant une certaine nostalgie pour ceux qui les ont vécues et une curiosité amusée pour les plus jeunes.
ÉTÉ 85
François Ozon (2020)
LES MAGNÉTIQUES
Vincent Maël Cardona (2021)
LES PASSAGERS DE LA NUIT Mikhaël Hers (2022)
LES AMANDIERS Valeria Bruni Tedeschi (2022)
25 ARKUCHI #32 DÉC. 22 | JAN. 23 7 E ART
LES MAGNÉTIQUES
Céline Nieszawer ©
espaces
Mise en sensibles
Architecte ? Scénographe ? Faut-il choisir un titre à Olivier Goethals, l’artiste belge qui orchestre la mise en espace de lieux et d’œuvres en musicien… Dans le cadre de la Biennale d’art contemporain de Lyon, il intervient au musée Guimet et au MAC, notamment. Mais c’est dans les 29 000 mètres carrés des anciennes usines Fagor, « énormes, impressionnantes », qu’il s’est senti avoir « le plus de liberté », et qu'il a trouvé un superbe terrain d’expression.
Un cheminement en rythme Une fois franchi le seuil, on pénètre dans un vaste hall cerné d'échafaudages. Ces ossatures de métal à la peau de plastique sont un des motifs récurrents de l'artiste, en même temps qu’un matériau « modulable, pas cher et réutilisable ». Dans l'usine, l’architecte a opéré « des coupes » pour relier les halls entre eux. « J'aime créer des espaces et des perspectives, lance-t-il, continuer des lignes et les briser, créer des coins et des recoins, des entre-deux. Exactement comme je composerais une musique, avec des motifs et des variations, des couches. »
La "variation" de Fagor offre un parcours d'exposition fluide, où le lieu ne nous quitte jamais, mais sans imposer ses béances, ni écraser les œuvres. Foin des cimaises insipides. Depuis l’entrée, on plonge dès le hall 1 dans une perspective de créations : on chemine vers une peinture isolée, on se frotte à la tribu sculptée de Sylvie Selig, on ressent la solitude des copies d’antiques du musée des moulages, entreposées dans des sortes de cases faites d’échafaudages… Il arrive aussi qu’on échoue sur la fragilité d’une femme dans l’immense tapisserie Why Now ? d’Erin M. Riley, accrochée dans un angle et dans laquelle brûle une flamme, comme en écho à la signalétique jaune d’un pilier. Ou l'inverse. « Relier les lieux et les œuvres crée parfois des relations qu’on n’attendait pas, mais qui prennent plusieurs sens, pointe Olivier Goethals. L’environnement créé doit être généreux pour accueillir les œuvres et contribuer avec le lieu à l’expérience du visiteur. » Pour lui, présenter une œuvre d’art devrait être « un exercice ludique, beau et sans les typiques préconditions qui voudraient qu’une œuvre d’art ait un mur blanc derrière elle. Tout est question de contexte » Il tient aussi à ce que les matériaux utilisés, échafaudages, toiles, bois, containers soient réutilisables. C’est réussi.
26 ARKUCHI #32 DÉC. 22 | JAN. 23 16E BIENNALE D'ART CONTEMPORAIN > 31 DÉC. labiennaledelyon.com
Blaise Adilon ©
SUCCESS STORY
USINES FAGOR STATELESS, WEIRD FAMILY SYLVIE SELLIG
PAR FLORENCE ROUX
POUR LA 16E BIENNALE D’ART CONTEMPORAIN DE LYON, LES COMMISSAIRES SAM BARDAOUIL ET TILL FELLRATH ONT INVITÉ L’ARCHITECTE ET URBANISTE BELGE OLIVIER GOETHALS À SCÉNOGRAPHIER LES ESPACES D’EXPOSITION. VISITE GUIDÉE À FAGOR OÙ L’EXERCICE TIENT DE LA CHORÉGRAPHIE, OU DE LA MUSIQUE.
Éteins la lumière !
À l’heure où l’on traque chaque kilowattheure, la Fête des Lumières s’engage à briller par sa sobriété énergétique, sans sacrifier la qualité des œuvres présentées. Dépense électrique estimée ? 3 500 euros sur les 3 millions dépensés pour l’événement, de quoi ne pas trop culpabiliser. Cette année, sur les 30 projets proposés, 17 artistes viennent pour la première fois à Lyon, équipés des dernières technologies. Un détour s’impose par le parc de la Tête d’Or pour découvrir deux installations qui feront corps avec la nature. D’abord Agorythm, voyage poétique scandé de rayons lumineux, imaginé par Onionlab, puis les projections géométriques sur un écran d’arbres de Javier Riera, inspirées du nombre d’or. Sur la cathédrale Saint-Jean, Filip Roca et Zarko Komar dévoileront Time, superbe réflexion sur la fuite du temps composée d’images monumentales issues d’algorithmes. Expérience plus ludique et en première mondiale place des Terreaux, où une quinzaine de tableaux échappés du musée des Beaux-Arts prendront vie de manière spectaculaire. Grâce à la technique du deepfake reposant sur l’intelligence artificielle, les personnages peints nous inviteront à chanter avec eux sur des airs populaires. Une prouesse signée du studio lyonnais Inook. Enfin, de l’autre côté de la Saône, les façades de la gare Saint-Paul serviront de tremplin à la Nouvelle vague des jeunes talents du mapping vidéo.
FÊTE DES LUMIÈRES 08 > 11 DÉC. fetedeslumieres.lyon.fr
27 ARKUCHI #32 DÉC. 22 | JAN. 23
Filip Roca © TIME
PAR BLANDINE DAUVILAIRE
SUCCESS STORY
Femmes, femmes, femmes
30 + 1 se tient au Cloître, galerieappartement sise rue des Capucins. 30 + 1 en référence au célèbre accrochage d’art contemporain dans la galerie de Peggy Guggenheim en 1943, 30 femmes qui célébraient l’art moderne au féminin. Deuxième volet d’une exposition initiée en 2021, on y découvre d’étranges sculptureschaises d'Émilie Perotto ou de fascinants dessins hyperréalistes de Linda Roux réalisés au stylo bille. Et les épatants prêts de la MLIS – dont les clichés de Sophie Calle et Delphine Balley – pour un minipanorama de l’art d’aujourd’hui, au féminin. GV-P > 17 DÉC.
Le Cloître art contemporain Lyon 1
BLANDINE DAUVILAIRE
Ça coule de source
« L’exposition Nous, les fleuves présente l’incroyable diversité des réalités d’un fleuve, si vous voulez comprendre ce qu’est la Vie, venez la voir ! », s’enthousiasme l’écrivain Erik Orsenna*, commissaire scientifique de la nouvelle exposition du Musée des Confluences. Tandis que la scénographie multiplie les surprises, le parcours foisonnant nous plonge dans le lit d’un fleuve imaginaire, de sa source jusqu’à la mer, pour explorer toutes les facettes du sujet. Naissance des civilisations, couleur des fleuves à travers le monde, enjeux écologiques… Chaque section dévoile un visage essentiel des eaux fluviales ô combien vitales. Et ce flot de connaissances n’est pas exempt de poésie, comme cette installation contemporaine composée de gouttes, ou ces superbes tableaux impressionnistes qui retranscrivent les effets de la lumière sur l’eau. Une étrange beauté se dégage également de la Mappemonde des chevelus. Cette carte du monde aux couleurs flashy fait apparaître chaque fleuve et ses affluents à la manière de vaisseaux sanguins qui irriguent la Terre. On découvre à travers ces bassins versants que les frontières des fleuves ne sont pas celles des hommes. « La moitié de la population mondiale dépend d’un fleuve qui descend du Tibet », précise Erik Orsenna. De quoi engendrer bien des conflits. Au fil du temps, le lit des eaux débordé ou asséché modifie la biodiversité des écosystèmes. L’habitat des animaux présents dans l’exposition s’en trouve alors affecté, et les hommes ne sont pas épargnés.
« Les fleuves ont besoin de nous, il faut les écouter, reprend Erik Orsenna. Nous avions perdu le lien avec eux, nous cherchons aujourd’hui à le retrouver en pensant des espaces hybrides, comme à Rotterdam où le fleuve peut déborder dans un parc pendant les crues, ou en Suisse, où les habitants se baignent dans le Rhin. » Les cours d’eau et les hommes ont un destin commun, de leur bonne santé dépend la nôtre. Il est urgent de s’en souvenir.
28 ARKUCHI #32 DÉC. 22 | JAN. 23 TELEXxxxxxxx
EXPOS
PAR EMMANUELLE BABE FLORENCE ROUX GALLIA VALETTE-PILENKO
> 27 AOÛT 23 Musée des Confluences Lyon 2 museedesconfluences.fr
PAR
VEINES DU FLEUVE LÉNA, 2019 (IMAGE LIDAR)
Daniel Coe ©
* Président d'IAGF, Initiatives pour l’Avenir des Grands Fleuves
>05MARS23
Muséed’artmoderneetcontemporain
MathieuBertola,MuséesdelaVilledeStrasbourg©
modernefemmeune
Étienne(42)etienne.fr
PAR GALLIA VALETTE-PILENKO
Marcelle Cahn est la grande oubliée de la peinture moderne française. Et pourtant, la rétrospective que lui consacre le Musée d’art moderne et contemporain de Saint-Étienne démontre avec évidence qu’elle a toute sa place dans l’histoire de l’art. Coproduite par le Musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg (auquel l’artiste a cédé l’ensemble de son œuvre) et le Musée des Beaux-Arts de Rennes, l’exposition intitulée fort pertinemment En quête d’espace propose un parcours chronologique qui permet d’embrasser l’ensemble d’une œuvre protéiforme, rigoureuse et fantasque à la fois. Plus de 400 peintures, dessins, collages et autres sculptures jalonnent une déambulation au cœur d’un univers singulier et pointu. Née en 1895 à Strasbourg dans une famille juive bourgeoise, Marcelle Cahn se forme aussi bien auprès de Lovis Corinth et Eugen Spiro à Berlin où elle passe les quatre années de la Première Guerre mondiale, qu’à Paris auprès de Fernand Léger et Amédée Ozenfant. Elle côtoie et fréquente également Hans Arp et Sophie Taeuber-Arp, Natalia Gontcharova, entre autres. Elle pratique l’abstraction dès 1925, devient rapidement membre actif du groupe Cercle et Carré (elle y rencontre le couple Arp). Artiste discrète cultivant le mystère, Marcelle Cahn cherche inlassablement, malgré une vie précaire, à célébrer sa créativité et sa liberté intrinsèques. Une ambition soutenue dans le temps, de ses débuts de peintre puriste à ses dernières productions, de petits collages malicieux et poétiques. Et c’est la formidable réussite de cette exposition que de nous faire découvrir cette cette artiste injustement laissée dans l'ombre.
Passion Japon
Tandem de choc à la galerie Le Réverbère qui présente de façon croisée les travaux de Marc Riboud et Géraldine Lay. Le Japon en duo raconte l’archipel : le photoreporter lyonnais Marc Riboud l’a arpenté en 1958 alors que Géraldine Lay y a séjourné à quatre reprises entre 2016 et 2019. Entre street photographie et photo humaniste, ils montrent un pays sur le fil, à cheval entre traditions orientales et culture mondialisée. Géraldine Lay est une portraitiste hors pair, Marc Riboud l’instinctif cultivait l’art de capter les beaux gestes. EB > 31 DÉC. Galerie Le Réverbère Lyon 1
Regards de vies
Une traversée de l’histoire en noir et blanc sur des murs dont les bleus évoquent irrésistiblement la Méditerranée : l’exposition Son œil dans ma main associe 80 photos prises par Raymond Depardon en Algérie en 1961 (dont d’étonnants clichés dans les coulisses des accords d’Evian) et en 2019, et 5 textes inédits de l’écrivain oranais Kamel Daoud. Une plongée rare et un peu à distance, dans l’Alger et l’Oran d’avant l’indépendance puis, dans les rues d’aujourd’hui, pleines d’une jeunesse à la mode habituée à l’image. Et, plus qu’à l’histoire, le regard de l'un et les mots de l'autre rendent hommage à la vie et aux gens qui passent. Comme le temps. FR > 26 MARS 23
Pôle Pixel Villeurbanne polepixel.fr
29 ARKUCHI #32 DÉC. 22 | JAN. 23
MARCELLECAHNPAR
EXPOS
SHIRLEY GOLDFARB& GREGORI MAZUROWSKI,VERS1955 ARCHIVESDUMAMCS FONDSMARCELLECAHN
pierre‑soulages.com musee‑soulages‑rodez.fr
PIERRE SOULAGES VIENT DE S’ÉTEINDRE À 102 ANS. L’ARTISTE A FAIT BRILLER DE MILLE FEUX LA MATIÈRE NOIRE DANS SES TABLEAUX.
Vous peignez avec du noir et du blanc, vous prenez la peinture par les cornes, c'est-à-dire par la magie. » Ces mots de Sonia Delaunay tracent dès 1943 le parcours artistique de celui qui deviendra, dans toute sa singularité, un des maîtres français de l’abstraction du XXe siècle.
Le chemin est long pour que le noir conquière totalement ses toiles. Néanmoins, dès l’origine, les lavis monochromes du peintre aveyronnais, débarqué à Paris en 1946, suggèrent, à grands coups de pinceaux, espace et lumière dans les interstices laissés vierges, indépendamment de toute représentation figurative.
Peu à peu, le pigment noir envahit les toiles de plus en plus grandes de Soulages. À l’opposé de toute notion d’obscurité, il est selon lui « l’absence de couleur la plus intense qui confère une présence violente aux couleurs, même au blanc ».
Ses œuvres sans titre, simplement désignées par leurs dimensions, se constituent d’un matériau homogène à l’apparente viscosité du bitume, dont il brosse, racle, griffe et rainure la forte épaisseur. Noir et lumière, intimement mêlés dans un jeu de reflets et brillances insaisissables et démultipliées sur les surfaces travaillées, produisent l’Outrenoir, à la fois conceptuel et sensuel, propre à Soulages.
Toujours dans cette même quête créatrice, il conçoit entre 1987 et 1994 les 104 nouveaux vitraux de l’abbatiale de Conques-en-Rouergue. Souhaitant laisser entrer la lumière aussi naturellement que possible dans ce joyau d’architecture romane, il compose des panneaux de verre blanc, sertis en bandes parallèles obliques, droites ou courbes, remplaçant les vitraux polychromes mis en place après la Seconde Guerre mondiale.
La majeure partie de l’œuvre de Soulages est regroupée depuis 2014 dans un musée éponyme, conçu par les
FLASH-BACK
OUTRE
30 ARKUCHI #32 DÉC. 22 | JAN. 23
Musée Soulages Jardin du Foirail av. Victor Hugo Rodez (12)
PAR ÉMILAND GRIÈS
T. Estadieu ©
EAU-FORTE XXII, 96X9493X94 CM, 1973 COLLECTION MUSÉE SOULAGES. DONATION PIERRE ET COLETTE SOULAGES
noir
architectes catalans Rafael Aranda, Carme Pigem et Ramón Vilalta, succession de hauts blocs aveugles bardés d’acier Corten, dont la teinte rouille dialogue avec le grès rose de la cathédrale voisine au centre de Rodez, sa ville natale.
Soulages est également exposé dans les plus prestigieux musées du monde entier, de l’Ermitage de SaintPetersbourg au Guggenheim de New York, en passant par la Tate Gallery de Londres et plusieurs collections tokyoïtes. Plus près de nous, on le trouve également dans les musées des Beaux-Arts de Lyon, Valence, Bourg-en-Bresse, d’art moderne et contemporain de Saint-Étienne ainsi que dans le Fonds régional de Clermont-Ferrand.
L’œuvre de Soulages, tel un veilleur de nuit, renvoie à l’expérience de l’humanité depuis la nuit des temps : celle du passage de la nuit au jour, de l’obscurité à la lumière.
FLASH-BACK 31 ARKUCHI #32 DÉC. 22 | JAN. 23
Musée Soulages Rodez / Photo Fritz Pitz ©
VITE Prix Goncourt 2022 Flammarion
BOULEVERSANT ROMAN QUE VIVRE VITE… UNE ENQUÊTE EN FORME DE VORTEX ENVOÛTANT, UNE PLONGÉE DANS UN PRÉCIPITÉ D’HYPOTHÈSES DOUBLÉ D’UN COMPTE À REBOURS PALPITANT. EN LIGNE DE MIRE DE CE MAELSTRÖM DE QUESTIONS QUE SE POSE BRIGITTE GIRAUD : COMPRENDRE L’ACCIDENT DE MOTO QUI A COÛTÉ LA VIE À SON MARI LE 22 JUIN 1999. ATTEINDRE L’ŒIL DU CYCLONE OÙ LE FRACAS S’ÉTEINT, L’ENDROIT OÙ ELLE POURRA SE RECONSTRUIRE.
Requiem en si majeur pour un Goncourt lyonnais
PAR MARCO JÉRU
«Si le nez de Cléopâtre eût été plus court, toute la face du monde aurait changé. » Avec des si, cher Blaise Pascal, une fois n’est pas coutume, on aurait mis Lyon en bouteille – et non l’être aimé entre quatre planches… On aurait apprivoisé le chaos, déjoué la théorie des dominos, dévié les réactions en chaîne et vécu une histoire accordée à ses désirs. Une histoire simple et belle, entre un enfant, la musique pour lui et l’écriture pour elle. Mais voilà… « la Réalité, c’est quand on se cogne » ; le Destin se joue de nous ; Claude est mort ; la vie s’est arrêtée. Et c’est là que la petite musique des si commence, comme une lancinante scie musicale : s’il n’y avait pas eu ce projet de vie à deux… S’il n’y avait pas eu cette vente d’appartement… Si on n’avait pas eu en avance les clés de cette maison à visiter… S’il n’y avait pas eu cette foutue moto de compétition interdite au Japon pour usage routier (mais pas en France), qui était celle du frère de Brigitte… Et si Claude avait écouté Don't panic de Coldplay plutôt que Dirge de Death in Vegas… Bref, si ce coquin de sort ne s’en était pas mêlé… Claude aurait survécu et la vie eût été autre.
En une litanie de suppositions, Brigitte Giraud s’attaque avec une rare sagacité à la chaîne des tenants et aboutissants, hasards et coïncidences ayant conduit à l’inéluctable. Entre culpabilité, rage et révolte, au prix même de ruminations qui, confinant au délire, n’en sont que plus violemment remuantes, elle dissèque le passé dans ses moindres détails, épuise tous les possibles pour expliquer l’impensable, dessine le plan d’immanence d’une mort que rien n’annonçait. Par ce mouvement même, elle recrée la vie, ressuscite Claude, comme pour rendre au Destin la monnaie de sa pièce, lui faire payer la rançon de sa lucidité – ce fichu destin qui, vingt ans plus tard, l’exproprie du bien immobilier « responsable » de cette « Chute ».
Tendu par une écriture en quête du mot juste pour manier le scalpel avec douceur et empathie, Brigitte Giraud offre un remarquable hommage à l’homme aimé parti trop tôt, un homme intensément épris de vie et de musiques, de Carte de Séjour à Iggy Pop. Si elle se perd en conjectures, c’est pour mieux se trouver, comme on va dans le désert pour trouver l’inconnu. Histoire, à l’instar de William Blake, de « tenir l’infini dans la paume de la main et l’éternité dans une heure », aussi fatidique fut-elle. Et c’est ainsi que les petites causes, si l’on y fait attention, peuvent produire de grands effets…
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LETTRES & RATURES
Pascal Ito / Flammarion ©
VIVRE
LE
33 ARKUCHI #32 DÉC. 22 | JAN. 23 JALB
STREET ART RUE LASCO NÔ NÔ NÔ CAP PHI JINKS KUNST
SAVEUR GRAFFIK
EUGENE BARRICADE
STREET
MUSÉE PAR GRAPHULL DU MOIS
Les repas de fête, mais quel casse-tête ! Entre les défenseurs de la tradition, les fanas d’originalité, les capricieux et les difficiles, dur dur de satisfaire son monde. Sans parler du temps qui manque pour cuisiner. Une seule solution : tout miser sur l’entrée pour bluffer ses convives avec un mix tradi-gastro ! Quelques heures avant la tempête, on mitonne le ketchup de betteraves. Une fois les échalotes revenues dans l'huile d'olive, jette les dés de betterave et fais dorer à feu doux 5 minutes. Rajoute alors le gingembre, la sauce soja, le sucre et l'eau et laisse mijoter 20 minutes. On en profite pour dorer la pilule des tuiles de parmesan. Sur la plaque nappée de son papier sulfurisé, dresse de petits tas de parmesan et enfourne pour 4 minutes chrono (200°). Miam, ça hume bon, mets vite à gauche ! Reviens à ton ketchup tout frémissant, un trait de vinaigre balsamique et hop tu mixes le tout. À ta cuillère, goûte pour le plaisir et ajuste, si besoin, saveur et texture avec un peu de vinaigre et d’eau. Encore tout chaud, réserve ton ketchup dans un pot jusqu’au moment de servir. The last but not least : plus qu’à faire sauter tes Saint-Jacques dans l’huile, 1 minute par face. Un dernier tour de main : dresse tes assiettes avec les SaintJacques dorées, le ketchup (tiède ou froid) et les tuiles de parmesan. C’est jour de fête, pense à décorer de jeunes pousses, quelques œufs de poisson et billes de vinaigre. Ton entrée est prête, elle va en jeter !
PAR JACKSON BERLIOZ
Horizontalement
jugeote
1. Classique de chez classique. 2. Clichés de Goya. Endormi pour l’hiver. 3. De chêne pour le vieillissement. Recette imaginaire chez Les Bronzés. 4. Circule au Danemark. C’est bien celui-ci. 5. Fils de Suzanne Valadon. Explose avec le T. 6. Pour l’Homme, c’est propre. Pare ou enfile. 7. Associée à foetida, bonne à la santé. Ventila. 8. Il nous réchauffe les doigts. Berge. 9. Laissa passer un peu de lumière. 10. Comme une piquette qui sent le sapin. Bien réfléchi.
Verticalement
A. Approvisionner le bétail. B. Connue pour sa splendeur et sa misère. C. Consternants. D. Le mal du siècle est là. C’est-à-dire. Postal souvent perturbé. E. Préposition. Personnel. Joue avec les dames. F. C’est la pagaille chez le flic. Roulée dans la farine. G. Cinq de l’île d’Oléron. Roule du galet à Chamonix. H. Musique en ébriété. Tête de meunier. I. Donnerais juste le temps. J. Elle est brisante !
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PAR FOODDENOU 4 PERSONNES 30
25
MINUTES
MINUTES
Annecy Bonlieu. Bourg-en-Bresse Musée du Brou. Tannerie. Théâtre de Bourg-en-Bresse. Zoom. Bourgoin-Jailleu Les Abattoirs. Brignais Le Briscope. Bron Espace Albert Camus. Ciné Les Alizés. Ferme du Vinatier. Jack Jack. Pôle Pik. Médiathèque de Bron. Université Lyon II. Caluire-et-Cuire Cinéma Le Méliès. Médiathèque B. Pivot. Radiant-Bellevue. Chalon-sur-Saône Espace des Arts. Chassieu Karavan Théâtre. Chazelles-sur-Lyon Musée du Chapeau. Corbas Le Polaris. Dardilly L'Aqueduc. Décines Centre de la Mémoire Arménienne. Le Toboggan. Écully Écully Cinéma. Médiathèque. Feyzin L’Épicerie Moderne. Francheville L’Iris. Givors Médiathèque Max Fouché. Théâtre de Givors. Grigny Médiathèque Léo Ferré. Irigny Le Sémaphore. La Mulatière Aquarium de Lyon. Aux Bons Sauvages. Lyon 1 À Chacun sa tasse. L'Antirouille. À Thou bout d’chant. Archipel Librairie. Art Up Déco. Bar 203. Les Barjaqueurs. Bel Ami. Bloom Vangart. Boîte à café. Bomp ! CAUE Rhône. Clef de Voûte. Condition des Soies. DRAC. Espace 44. Galerie C. Mainguy. Galerie Céline Moine (Le 1111). Galerie Nörka. Galerie Le Réverbère. Halles de la Martinière. Jarring Effects. Kraspek Myzik. La BF15. La Boucherie des Pentes. Le 3e Fleuve. Le Bal des Ardents. Le Bleu du Ciel. Le Livre en Pente. Le Voxx. Les SUBS. Mangiabuono. Manifesta. Mapraa. Médiatone. Mongi Guibane. Musée des Beaux-Arts. Musicalame. Nombril du Monde. Ô Tao Bom. Opéra de Lyon. Original Watt. Radio Canut. Regard Sud. Shalala. Sofa Disques. Sofffa Terreaux. Spacejunk. Théâtre de L’Accessoire. Théâtre Les Clochards Célestes. Technoir. Tikki Records. Traboule Kitchen. Vins Nature. Lyon 2 Archives Municipales. L’Atelier Parfumé. Cave Chez Camille. Centre national de la Danse. Cycles Marchi. Fondation Bullukian. Galerie Autour de l’Image. Galerie Ories. Galerie Slika. Galerie Tatiss. La Cloche. Librairie des Arts. Librairie Expérience. Librairie Gibert. Maison Pochat. MJC Confluence. Mob Hôtel. Musée des Confluences. Musée des Tissus. Périscope. Région A.R.A. Théâtre-Comédie Odéon. Théâtre des Ateliers. Théâtre des Célestins. Théâtre des Marronniers. UCLY. Lyon 3 Archives départementales. Auditorium de Lyon. Boomrang. De L'Autre Côté du Pont. Café du Rhône. Gnome et Rhône. Hooper. Librairie du Tramway. Métropole de Lyon. Poltred. Salle des Rancy. Lyon 4 Agend’arts. Aquarium Ciné Café. Aux Trois Cochons. Bistrot fait sa Broc. Bistrot des Voraces. Bonnesoeurs. Cavavin. Cave Tabareau. Cave Valmy. Chez Robert. Coop du Zèbre. Diable Rouge. Fournil du Boulevard. Fromagerie Galland. Galerie Françoise Besson. Galerie Vrais Rêves. L’Assiette du vin. L'Instant. L'Oiseau sur la branche. La Famille. La Valise d’Élise. Labelalyce and Co. Librairie du Métro. Maison Jolivet. Modern Art Café. Ô Fournil des Artistes. Ô Vins d’anges. Paddy's Corner. Sibilia. Théâtre de la Croix-Rousse. Un Grain dans le Grenier. Villa Gillet. Vivement Dimanche. Lyon 5 Acting’s Studio. CRR de Lyon. CNSMD. École de Cirque Ménival. ENSATT. Espace Gerson. Le Sonic. Librairie Virevolte. LUGDUNUM Musée. La Mi Graine. MJC du Vieux-Lyon. MJC Saint-Just. Musées Gadagne. Théâtre du Point du Jour. Lyon 6 MAC Lyon. Lyon 7 Arts en Scène. Bibliothèque Diderot. Café Pimpon. CHRD. Cinéma Comœdia. COREP. EAC Lyon. École de Condé. ENS. La Commune. Le Court-Circuit. Le Ptit Bouclard. Le Flâneur. Les Fauves. Galerie Tator. HO36 Montesquieu. IEP. Kargo Kult. Librairie La Madeleine. Librairie La Voix aux Chapitres. Librairie Rive Gauche. Librairie Terre des Livres. Livestation DIY. Mama Shelter. Mimo. Mowgli. Ninkasi Kafé. Sofffa Guillotière. Théâtre de L’Élysée. Lyon 8 Institut Lumière. Maison de la Danse. MJC Monplaisir. NTH8. Salle Genton. Lyon 9 Au Bonheur des Ogres. Cave Valmy. Ciné-Duchère. CNSMD. L’Attrape-Couleurs. La 9e Bulle. Les Mangeurs d’Étoiles. Musée Jean Couty. TNG. Mâcon Cave à Musique. Le Théâtre de Mâcon. Musée des Ursulines. Miribel L'Allégro. Mornant Espace Jean Carmet. Neuville-sur-Saône La Maison Jaune. Oullins La Mémo. MJC d’Oullins. Le Syndrome Peter Pan. Théâtre de La Renaissance. Pierre-Bénite Maison du Peuple. Médiathèque E. Triolet. Portes-Lès-Valence Train-Théâtre. Rillieux-la-Pape CCNR. Espace culturel Marcel André. Médiathèque L’Échappée. MJC Ô Totem. Saint-Étienne Cité du Design. La Comédie de Saint-Etienne. Le Fil. Le MAMC. Musée d’Art et d’Industrie. Musée de la Mine. Opéra de Saint-Étienne. Saint-Fons Médiathèque R. Martin du Gard. Théâtre Jean Marais. Saint-Genis-Laval La Mouche. Médiathèque B612. Saint-Priest Cinéma Le Scénario. Médiathèque Fr. Mitterrand. Théâtre Théo Argence. Saint-Vallier Ciné-Galaure. Sainte-Foy-lès-Lyon Ciné-Mourguet. Tassin-la-Demi-Lune Cinéma Le Lem. L'Atrium. Librairie Pleine Lune. MJC Omega. Vaulx-en-Velin C.C. Charlie Chaplin. Cinéma Les Amphis. École d'architecture. ENTPE. Planétarium. Valence Comédie de Valence. Vénissieux Bizarre! C.A.P. Madeleine Lambert. Cinéma Gérard-Philipe. Médiathèque Lucie Aubrac. Théâtre de Vénissieux. Vienne Théâtre de Vienne. Villefontaine Le Vellein. Villefranche-sur-Saône Auditorium. Cinéma Les 400 Coups. Conservatoire. Galerie Le 116art. Librairie des Marais. Musée Paul Dini. Office du Tourisme. Théâtre de Villefranche. Villeurbanne Bieristan. Campus de la Doua. CCO. CCVA. Cinéma Le Zola. Galerie Domus. Galerie L’Atelier du Canal. ENMDAD. ENSSIB. Espace Info. Espace Tonkin. Institut d’art contemporain. IUFM. La MLIS. Le Rize. Le Totem. Pôle Emploi Scènes & Images. Pôle Pixel. Studio 24. Théâtre Astrée. Théâtre de l'Iris. TNP. Toï Toï Le Zinc. Transbordeur. URDLA... Et dans la plupart de vos mairies, médiathèques et bibliothèques, MJCs, espaces de coworking...
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