ARKUCHI#33 JANVIER/FÉVRIER 23

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JAN. I FÉV. 23
art culture architecture #33 gratuit

contact.arkuchi@orange.fr Mensuel gratuit Diffusion : plus de 400 lieux Lyon, Métropole & Rhône‑Alpes Édité par La Plume d’icKar S.A.S. au capital de 1 000 € ‑ 18 rue Belfort 69004 Lyon

Direction de la publication ‑ Rédaction en chef Anne Huguet ‑ 06 13 07 06 97

Secrétariat de rédaction : Emmanuelle Babe Ont participé à ce numéro Martin Barnier, Blandine Dauvilaire, Fooddenou, Graphull, Émiland Griès, Marco Jéru, Valérie Legrain Doussau, Sébastien Martinez, Trina Mounier, Irène Rigaldiès, Florence Roux, Élise Ternat, Gallia Valette Pilenko, Laurent Zine Illustration de couverture : Dorothée Richard Publicité : mag.arkuchi@gmail.com 06 13 07 06 97

Conception et mise en page Impression : FOT Tirage

Larédactionn’estpasresponsabledestextesetphotos publiésquiengagentlaseuleresponsabilitédeleurs auteurs.Tousdroitsdereproductionréservés. ABONNEMENT 7 num./an = 30 eur.

N°33 N 33
#33
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ARKUCHI
JANVIER
FÉVRIER 23
12
Rejoignez la communauté ArKuchi .04 Dans le Rétro... Dans le Viseur ORAN 2019 .06 C DANS L'AIR • Depardon/Daoud : l’œil et la plume • Drôle d’endroit pour des rencontres .08 SUCCESS STORY • Sens Dessus Dessous • Plug & Play, le retour Raymond Depardon / Magnum Photos © .10 Agora Nathalie Perrin-Gilbert : « Ramener la culture dans le paysage » .14 Déambulations Musiques Jean Louis Fernandez © .12 À L’AFFICHE • Opéra de Lyon : tour d’horizon avec Richard Brunel • Go Public!, ça va chauffer MÉLISANDE .20 Expos Taysir Batniji – Bijou bijoux - Telexxx .23 À la Moulinette Thomas & ses perruques FOKUS Dorothée Richard Croqueuse de vie feutrée .18 Les Films Pelleas © .22 7 E ART Famille, je vous hais .26 Bêtes de Scènes Emmanuel Meirieu Thomas Jolly Miet Warlop Nelly Pulicani Joris Mathieu Cirque Barcode Chloé Moglia Perforama aux SUBS… .32 Lettres & Ratures Cédric Rassat .33 Street Art by Graphull .24 TÊTE D’AFFICHE Adama Diop dévore les rôles .34 Popote(s) & Jugeote UN BEAU MATIN
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000 ex. Dépôt légal à parution – ISSN : 2646‑8387

ecrans Mixtes

fini !

Près de 700 manifestations labellisées Capitale de la culture et 700 000 visiteurs au rendez-vous : Villeurbanne a gagné son pari et refermé son année exceptionnelle avec Vitale, une rétrospective poétique en 3D.

SONIC’S ADDICTION

LYONNAISERIES

Pour les fans de post punk dark et rêche. Avec les quadras lyonnais de Rank toujours en colère et Sunday Panic annoncé comme « l’enfant caché de Blitz et Fontaines D.C. ». Tout ça pour 6€, cadeau. 21 JAN.

ENFANTS TERRIBLES

Encore des Londoniens à suivre de très près. Sorry distille un rock bizarroïde qui bouffe à tous les râteliers avec la voix nonchalante d’Asha. Quelque part entre Dry Cleaning et Wet Leg. 25 FÉV.

LÉGENDAIRES

40 ans que The Legendary Pink Dots déverse sa musique à part entre néo-psyché, noise, darkwave, krautrock et expérimentations sonores. Planant et rituel. 28 FÉV.

A chaud

SUJET BRÛLANT Peut-on encore voir les films de Polanski ? Écouter la musique de Cantat ? Et oublier ce dont ils sont accusés ? On peut compter sur Giulia Foïs et Étienne Gaudillère pour en débattre… sans en découdre.

GRAND REPORTERRE Théâtre du Point du Jour 16 > 20 JAN.

TRANSMISSION Catherine Diverrès remonte et revisite Écho. 40 ans de danse et plus de 30 pièces pour transmettre le geste et une certaine relation au monde. Maison de la Danse 23 JAN.

IMPLOSION Trois corps sur scène et autant de langues, trois instants de vie et la mise en scène de Philippe Vincent qui s’emballe : La Fin de l’Humanité de David Mambouch est une réaction en chaîne. Théâtre de la Renaissance Oullins 31 JAN. > 09 FÉV.

EMPRISE Après Duo Juan, le duo Mangenot/Huou du Théâtre de l’Entre-Deux s’offre un Tartuffe, pour une promenade amoureuse et dangereuse dans Molière.

Théâtre Théo Argence Saint Priest 02 > 04 FÉV.

À SUIVRE Upshot de la compagnie Relevant narre en mouvement la discrimination par le prisme de la relation entre l’individu et le groupe. Une pièce intense à la danse incarnée. Théâtre de Vénissieux 03 FÉV.

DE VIE ET DE TRÉPAS Artiste associé des Célestins, revoilà Thierry Jolivet avec Sommeil sans rêve. Un spectacle choral, lit-on, où les destins se croisent et les histoires s’enchâssent. Création. Première le 23.

Théâtre des Célestins 23 FÉV. > 04 MARS

4 ARKUCHI #33 JAN. | FÉV. 23 DANS LE RÉTRO...
PAR ANNE HUGUET, TRINA MOUNIER, IRÈNE RIGALDIÈS, GALLIA VALETTE-PILENKO
BRAVO !
ÉDITION •
MARS
MÉTROPOLE
13E
1ER AU 9
LYON &
D.A.N © RANK
Marie Losier & Lucya
©

2022NICK CAVE & THE BAD SEEDS

La musique habitée du crooner-prêcheur australien, sa présence magnétique… Un moment d’éternité.

THE COLLECTION Gros kif pour Alessandro Sciarroni et sa transe performative autour du Schuhplattler traditionnel bavarois.

LA DOULEUR Duras sur scène grâce à Dominique Blanc pour dire l’indicible. Bouleversant.

SUREXPOSITIONS

Marion Aubert et Vincent Rocha font feu de tout bois pour faire revivre Patrick Dewaere… et on y croit !

POP MACABRE rattrapage

Le festival Télérama programme As bestas de Rodrigo Sorogoyen (2022), l’occasion de (re)voir ce drame étouffant  au cœur des montagnes de Galice, théâtre de deux mondes qui s’opposent. En salles.

Festival Télérama 18 > 24 JAN.

©

C’EST FOUAPA QUI BOUCLE LA SÉRIE AU 120, AVENUE JEAN-JAURÈS. ON CONNAIT SES COLLAGES COLORÉS DANS LA RUE, IL TRAVAILLE AUSSI SUR LES OBJETS DU QUOTIDIEN EN VOLUME. AVEC LA BOUCHERIE DES GÔNES, IL REND HOMMAGE À LYON, SA VILLE DE CŒUR. GALERIE 120 > 28 JAN.I

Charlotte Pilat

ouvre l’année 2023 chez Omart avec Façades et toujours cette obsession pour les couleurs et les lignes.

Omart Lyon 2 > 28 JAN.

nouvelles têtes

Ça bouge aux Nuits de Fourvière : Dominique Delorme à la retraite, c’est un binôme qui prend le relais. Emmanuelle Durand (Auditorium de Lyon) et Vincent Anglade (Philharmonie de Paris) prendront leur poste dès le 1er avril 2023.

dans les oreilles

ONE TWO THREE

Rodolphe Burger

Sofiane Saidi Mehdi Haddad

TOMORROW Working Men’s Club

FINGERS OF STEEL Shame

5 ARKUCHI #33 JAN.
FÉV. 23 ... DANS LE VISEUR
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COPINAGE
Lucia

L'œil et la plume

ORAN, 2019

Photographe et cinéaste, Raymond Depardon a aussi écrit. Mais, deux ans avant le 60 e anniversaire de l’indépendance de l’Algérie, en 2018, l’artiste français avait préféré s’adresser à Kamel Daoud, l’écrivain oranais « au talent fou », pour poser un regard et des mots sur les photos que, reporter de dix-neuf ans, il avait prises en 1961 à Alger et à Bois d'Avault, dans les coulisses des accords d’Evian.

D’abord réticent pour ne pas « perpétuer une image de l’Algérie figée dans l’histoire », le romancier né après l’indépendance se laisse convaincre par les photos de Depardon qui, au-delà de l'information, « montrent la complexité humaine ». Il se lance le défi de « voir ces images avec un peu de liberté » et invite le photographe à retourner à Alger et à Oran en 2019. Résultat : un livre de photos et de textes conçu avec les éditions Barzakh (*), Son œil dans ma main, avant une exposition éponyme à l'Institut du monde arabe, à Paris, début 2022.

LE PÔLE PIXEL PRÉSENTE UNE PASSIONNANTE EXPOSITION DE RAYMOND DEPARDON ET KAMEL DAOUD. PAR L’IMAGE ET PAR LE VERBE, LE PHOTOGRAPHE FRANÇAIS OCTOGÉNAIRE ET L’ÉCRIVAIN ALGÉRIEN DE CINQUANTE-DEUX ANS DONNENT À VOIR UNE ALGÉRIE QUOTIDIENNE ET UNIVERSELLE. * Éditeur algérien de l’auteur qui coédite le livre avec Images Plurielles (Marseille).

Actuellement présenté au Studio 24 du Pôle Pixel, cet accrochage offre une circulation aisée entre 78 photos de Depardon, cinq grands textes et de courtes citations de Daoud. Est-ce le bleu des cimaises, l’eclairage ou l’encadrement métallique des œuvres ? L’atmosphère a quelque chose de doux et d’un peu froid qui aide à plonger dans les œuvres organisées en trois parties : les photos du quotidien algérois en 1961, les clichés intimes des participants du FLN aux accords d’Evian, captés à Bois d'Avault, en été 1961 et enfin ces images d’une foule mouvante, jeune, bigarrée, saisie dans les rues d’Alger et d’Oran en 2019.

Ici ou là, à côté de ce cadre, le verbe de Kamel Daoud accroche l’œil, frappe l’esprit, en puissant écho à cette image de deux femmes, par exemple : « Deux femmes, l’une d’elles est recherchée par les cailloux depuis des millénaires. » Ou encore, non loin d'une silhouette isolée au milieu d'une photo : « Cet homme ne refuse pas seulement le temps qu’il fait, mais le temps lui-même. » Au-delà du commentaire, de la légende, le dialogue se crée, fécond, entre les photos et les mots.

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C DANS L'AIR
SON ŒIL DANS MA MAIN > 26 MARS Pôle Pixel Villeurbanne polepixel.fr PAR FLORENCE ROUX Raymond Depardon / Magnum Photos © DEPARDON / DAOUD

DRÔLE D’ENDROIT POUR DES RENCONTRES 27 > 29 JAN.

Cinéma Les Alizés Bron cinemalesalizes.com

Grand écran

Pas de tapis rouge ni remise de prix à paillettes au 31e festival Drôle d’endroit pour des rencontres de Bron. Dédié au cinéma français, l’événement engagé affiche cette année dix films, dont neuf avant-premières, suivis de débats avec les équipes de tournage. L’occasion de voir des premiers films marquants, comme Dalva d’Emmanuelle Nicot sur le thème de l’inceste, dont l’actrice principale Zelda Samson a reçu le Prix Louis Roederer de la révélation à Cannes. Dans Toi non plus tu n’as rien vu (avec Maud Wyler, Géraldine Nakache et Grégoire Colin), la réalisatrice Béatrice Pollet aborde la question du déni de grossesse. Coup de cœur pour Arrête avec tes mensonges d’Olivier Peyon, adapté du livre de Philippe Besson. Dans la peau du héros hanté par sa première histoire d’amour, Guillaume de Tonquédec révèle une autre facette de son talent. Sans oublier Maurice le chat fabuleux de Toby Genkel, présenté en séance ciné relax adaptée aux spectateurs en situation de handicap. On rappelle que le cinéma Les Alizés est le seul du département à proposer ce type de dispositif permettant l’accès à la culture à tous. Et 5 € la place, c’est cadeau !

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Sensito Films © TOI NON PLUS TU N’AS RIEN VU, BÉATRICE POLLET PAR BLANDINE DAUVILAIRE
C DANS L'AIR

LA VOIX EST LIBRE !

Créé en 2012 par Dominique Hervieu à son arrivée à la Maison de la Danse, le festival Sens Dessus Dessous vit ses dernières heures sous sa forme actuelle. L’occasion de se plonger dans la programmation de cette édition 2023. D’autant que la thématique choisie, "la voix", peut interpeller dans l’univers de la danse. Encore que… Les chorégraphes s’intéressent depuis longtemps aux voix, notamment à ce qu’elles produisent sur le corps dansant. Fanny de Chaillé a fait des mots son moteur principal depuis ses débuts d’artiste. C’est aussi le cas de Flora Détraz, artiste associée à la Maison, qui présente Glottis. Nach, autre artiste associée, prend la parole en compagnie de trois danseuses – dont la même Flora Détraz également conseillère voix sur ce projet – pour Elles disent, sa première pièce de groupe. Quant aux joyeux lurons du collectif ÈS, leur Fiasco fait l’effet d’une décharge d’énergie furieuse. Parmi tous ces talents, coup de cœur pour deux chorégraphes : l’Italienne Silvia Gribaudi et la Stéphanoise Hélène Iratchet.

Cherchant le « juste milieu entre Pina Bausch et Jacqueline Maillan », Hélène Iratchet développe dans

sa nouvelle création Les Délivrés, une « danse de boulevard » qui ne se prend pas la tête. S’emparant du sujet des livreurs d’aujourd’hui, elle pose son regard décalé sur cette tendance de fond qui fait que tout, absolument tout, peut être "livré". À l’instar de la pratique de certains grands ballets américains (qui émerge tout juste en France) de "livrer" des transmissions de danses, sortes de « tutos vivants ». On ne doute pas une seconde que l’extravagance et le goût du burlesque – que cultive la chorégraphe dans toutes ses propositions – vont, encore ici, exploser dans un feu d’artifice de perruques et autres objets en tous genres !

Inspiré par Les Trois Grâces, la cultissime sculpture néo-classique d’Antonio Canova, Graces de la chorégraphe et performeuse italienne Silvia Gribaudi se moque allègrement des représentations du corps classique normé. La pièce convoque trois éphèbes et la chorégraphe, pulpeuse en diable, pour une digression drolatique sur les canons de la beauté. Entre vocabulaire académique, cirque et cabaret, le quatuor en caleçon moulant pour les garçons et justaucorps noir pour la danseuse, chaussettes noires pour tout le monde, se délecte de gestes comiques, décalés et irrévérencieux, créant un vibrant éloge de l’imperfection… On adore !

8 ARKUCHI #33 JAN. | FÉV. 23 SUCCESS STORY
FESTIVAL SENS DESSUS DESSOUS 20 FÉV. > 03 MARS LES DÉLIVRÉS 21 > 24 FÉV. Les SUBS Lyon 1 GRACES 27 > 28 FÉV. Maison de la Danse Lyon 8 02 MARS La Mouche Saint Genis Laval
HÉLÈNE
LES DÉLIVRÉS,
IRATCHET
Philippe Grollier ©

Marathon indé

Après deux années blanches, Plug & Play, le petit festival du Kraspek Myzik, reprend du service et ouvre le bal avec le rock étrange de BOUCAN. « Une douzième édition très rock et bien folk », annoncent en substance Inès et Franck, les activistes du lieu. Au menu, 14 concerts mais pas vraiment de tête d’affiche ! Plutôt des artistes en devenir et des découvertes. Ici, il faut ouvrir ses esgourdes et oser les aventures d’un soir avec des affiches aux noms improbables. Nouveauté 2023 : les soirées "carte blanche" aux labels indé du coin, comme Carton Records ou Dur & Doux. Après PoiL ou Saint Sadrill, c’est Rien Faire – de la pop imprévisible, qu’ils disent – qui lâche sa galette, en compagnie des potos indie-grunge Pili Coït (20/1). Pour les zélateurs de cold, on réserve pour danser jusqu’au bout de la nuit avec le synthé bancal de DONNY VEGAS, le live qui arrache d’Eyes and Legs et la dark disco de Frau Nana (21/1). Mais aussi des riffs enragés et de la gueule avec Barn Hooker qui distille un hard blues impétueux, fortement inspiré de Dead Weather et Led Zep (31/1). Dans la série qui fait du bruit, les Parisiens d’IMPARFAIT devraient faire le job avec un rap-métal explosif et hargneux, en clôture au Marché Gare avec la pop urbaine des Lyonnais de Gazzel (3/2). Cerise sur le gâteau, Oddateee et son hip hop toujours un peu freaks sera aussi de la partie, en compagnie de The Despentes, un all star tribute band 100% lyonnais et bruitiste. À vos agendas.

9 ARKUCHI #33 JAN. | FÉV. 23 SUCCESS STORY DR ©
PAR ANNE HUGUET
PLUG & PLAY #12 > 03 FÉV. Kraspek Myzik Les Valseuses Marché Gare kraspekmyzik
IMPARFAIT

Ramener la culture dans le paysage

Après un début de mandat culturel sur fond de crise sanitaire, comment la Ville a-t-elle renouvelé la charte de coopération culturelle, signée le 21 octobre ?

NATHALIE PERRIN-GILBERT Le fonds d’urgence de quatre millions d’euros pour la culture, voté fin juillet 2020 et attribué sur 2020 et 2021, a évité des fermetures, soutenu l’emploi et aidé des artistes. Cette crise a confirmé la fragilité économique de certains acteurs, mais révélé un élan de solidarité entre les lieux. Très vite, aussi, des visios régulières avec les structures culturelles nous ont permis de partager concrètement des informations et de débattre sur le fond, pour ramener la culture dans le paysage. Et ce dialogue s’est poursuivi pour réfléchir ensemble, dans des ateliers, à la charte de coopération culturelle qui se terminait fin 2022.

FONDS D’URGENCE AUX LIEUX ET AUX ARTISTES, CHARTE DE COOPÉRATION CULTURELLE, SCÈNES DÉCOUVERTES, VILLA GILLET ET ÉDUCATION ARTISTIQUE… QUELLE CULTURE SOUTIENT LA VILLE DE LYON ? POINT D’ÉTAPE AVEC NATHALIE PERRIN-GILBERT, 7E ADJOINTE AU MAIRE DE LYON, DÉLÉGUÉE À LA CULTURE.

Que change la nouvelle charte ?

NP-G La précédente était un peu devenue un catalogue d’actions. La nouvelle, que 38 structures culturelles ont signée pour 2023/27, conserve une attention aux quartiers en politique de la ville, mais élargit son horizon à l’ensemble de la cité afin de favoriser la circulation des publics et des œuvres. Son premier axe, fondamental, est l’accès de tous à la culture dans une égale dignité. Les lieux signataires s’engagent aussi à travailler en reliant les bassins de vie – plutôt que des aires administratives – et à nouer des partenariats durables, entre eux et avec les acteurs du territoire. La charte les incite aussi à s’engager dans la transition écologique. Et, enfin, elle doit s’inscrire au cœur, et non à côté, de la politique d’un lieu. Chaque année, à l’heure du bilan, on évaluera, plus qu’une liste d’actions, la manière dont chaque structure s’appuie sur la charte dans toute son activité, pour embarquer le plus large public vers les spectacles.

10 ARKUCHI #33 JAN. | FÉV. 23 Renaud Allouche © AGORA

Cette charte incite à s’engager dans la transition écologique

Qu’est-ce qui a changé pour les Scènes Découvertes ?

Parmi les nouveaux signataires, on trouve la Villa Gillet ou le festival Sens interdits, deux structures qui, en 2022, ont perdu toute aide régionale. Comment la Ville les soutient-elle ?

NP-G Pour la Villa Gillet, notre subvention est passée de 221 à 250 000 euros, entre 2020 et 2022. En 2023, je soumettrai une augmentation pour que le soutien de la Ville atteigne 400 000 euros. L’État augmente aussi son aide de 100 000 euros… Sans ces efforts, alors que la Région lui a retiré en 2022 sa subvention de 350 000 euros, la Villa aurait fermé aujourd’hui. Idem pour le festival Sens Interdits, menacé par la suppression de son aide régionale. Avec l’État et la Métropole, nous allons le soutenir. À hauteur de 50 000 euros, déjà, en ce qui concerne la Ville de Lyon.

NP-G Avec l’État et la Région, nous avons lancé un nouvel appel à candidature fin 2021 et retenu, en 2022, huit scènes sur dix-sept projets, avec une exigence plus grande encore sur l’émergence, l’accompagnement et la diffusion des artistes. Depuis septembre, le réseau comprend, comme avant, les théâtres de l’Elysée et des Clochards Célestes, l’École de cirque de la MJC de Ménival, la compagnie de danse désoblique au Croiseur, À Thou Bout d’Chant et le Kraspek Myzik. Et il a accueilli la péniche du Sonic et le Grand Nid de Poule, spécialisé dans les arts de la rue et qui mène un réel travail de suivi et de mise en réseau des artistes émergents. Nous avons augmenté le financement du dispositif. Nous maintenons un soutien au Théâtre des Marronniers et nous sommes en discussion avec l’Espace 44.

Avec Le Ciel, projet choisi pour le Nouveau théâtre du huitième, qui ouvre en 2023, Lyon aura une seconde scène dédiée au jeune public…

NP-G On n’a pas trop de deux théâtres jeune public pour une ville comme Lyon ! D’autant que les projets comme leurs champs artistiques sont différents. Nous maintenons notre soutien au TNG, aux travaux en cours comme à Joris Mathieu et son équipe, reconduits jusqu’en septembre 2024 et qui portent une réflexion forte, notamment sur les liens entre le théâtre et les arts numériques (lire page 28). Avec Le Ciel, Amélia Boyet et Mathieu Loos s’ouvrent aux diverses formes du spectacle vivant et veulent s’inscrire dans un réseau de scènes jeunesse européenne. Une dimension essentielle pour Lyon.

Quels projets pour 2023 ? NP-G Avec quelque 108 millions d’euros (deuxième budget de la ville), la politique culturelle devrait être reconduite. Nous renforçons encore notre soutien à l’Auditorium, aux Célestins et au Conservatoire, affectés par la revalorisation du point d’indice des musiciens et techniciens. Nous continuons aussi d’aider Lyon BD, notamment pour leur installation pérenne, dès le printemps 2023 dans l’ancien collège Truffaut, sur les pentes de la CroixRousse. L’association organisera trois mois par an des expositions de BD et, sur 300 mètres carrés, elle accueillera des ateliers graphiques pour la création, ouverts à vingt-cinq dessinateurs régionaux, internationaux, en exil ou en résidence. En partenariat avec, notamment, l’Épicerie séquentielle ou la Villa Gillet. Autre grand projet 2023 : en co-construction avec l’Éducation nationale, nous développons fortement l’éducation artistique et culturelle. À partir de septembre 2023, nous proposerons aux élèves, de la maternelle à la 6e incluse, des parcours d’éducation musicale, d’éducation à l’image et de lecture publique. Pour aller vers un service public de l’éducation artistique.

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AGORA

CONNECTÉE À SON ÉPOQUE, OUVERTE AUX MISES EN SCÈNE AUDACIEUSES ET AUX NOUVELLES VOIX, LA PROGRAMMATION DE L’OPÉRA DE LYON SE RÉVÈLE BIEN PLUS ACCESSIBLE QU’ON POURRAIT LE PENSER. TOUR D’HORIZON DES TEMPS FORTS À VENIR AVEC RICHARD BRUNEL, SON DIRECTEUR.

Un

L’année commence avec l’opéra Moïse et Pharaon de Rossini, pourquoi ce choix ?

RICHARD BRUNEL Cet opéra qui parle de l’exil des Hébreux est l’un des grands opéras à la française, un genre qui aborde des sujets politiques. La mise en scène de Tobias Kratzer fait vraiment le lien avec l’actualité, en faisant référence aux migrants et à la façon dont le monde occidental réagit. L’œuvre est dirigée par Daniele Rustioni qui excelle dans ce répertoire. La distribution est belle avec notamment Alex Esposito (Pharaon) et Michele Pertusi (Moïse).

Quelle est la particularité de Mélisande que vous mettez en scène d’après la pièce de Maeterlinck et l’opéra de Debussy ?

RB Cette adaptation pour quatre instruments et quatre acteurs raconte l’histoire du point de vue du personnage, ce qui crée une forme d’intimité. Dans le rôle principal, Judith Chemla est une Mélisande incandescente et bouleversante. Elle est vraiment géniale.

En quoi les deux derniers opéras de la saison sont-ils incontournables ?

RB Katia Kabanova de Leoš Janáček est une œuvre sublime sur la place d’une jeune femme qui veut s’affranchir des conventions

sociales. Barbara Wysocka a eu une très belle idée de mise en scène qui va mettre en valeur la grande poésie de cet opéra. Par ailleurs, je recommande On purge bébé à ceux qui pensent que l’opéra c’est toujours sérieux. La pièce de Philippe Boesmans que je mets en scène a une dimension farcesque, drolatique et profonde à la fois. Elle raconte l’histoire d’un enfant qui, parce qu’il est constipé, devient un élément dysfonctionnel du couple formé par ses parents. Dans ces deux spectacles, il va y avoir de grandes émotions.

Pour sa part, le Ballet de l’Opéra de Lyon va interpréter des pièces emblématiques de son répertoire… R.B. On retrouvera Dance de Lucinda Childs, qui est un monument. Pour l’occasion, la chorégraphe nous fera l’honneur de créer un solo en première partie qui sera interprété par Noëllie Conjeaud. Puis en juin, nous proposerons une soirée William Forsythe composée de trois pièces : N.N.N.N. et son quatuor masculin, Quintett accompagnée de l’œuvre musicale de Gavin Bryars, et One flat thing, reproduced, magnifique pièce pour 14 danseurs et 20 tables. Un beau programme.

12 ARKUCHI #33 JAN. | FÉV. 23 À L'AFFICHE
PAR BLANDINE DAUVILAIRE
Agathe Poupeney ©
QUINTETT,
BALLET DE L’OPÉRA DE LYON
air
MOÏSE ET PHARAON 20 JAN. > 01 FÉV. MÉLISANDE 27 FÉV. > 05 MARS KATIA KABANOVA 28 AVR. > 13 MAI ON PURGE BÉBÉ 05 > 17 JUIN SOIRÉE WILLIAM FORSYTHE 24 > 29 JUIN Opéra de Lyon Lyon 1 opera lyon.com DANCE 02 > 04 FÉV. Toboggan Décines
d’opéra

Punk, spleen et rififi

C’est l’histoire d’un rayon de soleil en plein cœur de l’hiver. Une sonique attention qui (re)donne envie de couiner sous la douche ou de bondir au plafond, de monter le volume à douze avant d’aller se rouler dans la neige. C’est l’histoire d’un premier album, celui de Go Public ! baptisé Between Nowhere and Goodbye et composé par des gugusses qui n’en sont justement pas à leur premier coup d’éclat. Entendu qu’ils ont précédemment mis le feu aux scènes de toute l’Europe avec des groupes du cru : Sixpack, Parkinson Square, Condense, Wei-Ji, Garlic Frog Diet, Le Peuple de l’Herbe ou Not Scientists. C’est de fait l’histoire d’un mariage réussi et savamment orchestré entre la power pop euphorisante et le punk rock ciselé au corps. Ce sont douze titres qui s’écoutent en boucle et des textes d’une pertinence et d’une sincérité rares. De ceux qui vous causent au plus profond et vous revigorent instantanément. « Ethics not aesthetics » hurlent-ils ainsi à qui veut bien l’entendre ! C’est l’histoire d’un vinyle que vous allez vouloir triturer, écouter religieusement et contempler sous tous les angles, comme si vous aviez quinze ans et que c’était la première fois. Parce que ce disque est tout bonnement terrible. C’est enfin l’histoire d’un concert que le groupe donnera au Ninkasi à Gerland avec les excellents Vanilla Blue et Monsieur Pit Samprass. C’est sûrement la meilleure nouvelle de ce début d’année concernant tout ce qui peut bien circuler entre nos oreilles. Alors achetez cet album sinon je tue le chien et ruez-vous à ce concert parce que c’est votre destin. À bon entendeur… gopublicband

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À L'AFFICHE
BETWEEN NOWHERE AND GOODBYE Go Public! Twenty Something 2022 GO PUBLIC! + VANILLA BLUE + PIT SAMPRASS 21 FÉV. Ninkasi Gerland Lyon 7
Noé Gauthier ©
GO PUBLIC!
PAR LAURENT ZINE

MUSIQUES

LES DÉDOUBLEMENTS DE PAULINE

20.01.23 | 20H30

Les années passent mais Pauline Croze a gardé sa douce mélancolie et cette voix grave singulière qui a fait son succès (le tubesque T’es beau sorti en 2005). Derrière la délicatesse se révèle toutefois une chanteuse libre et passionnée, à l’image de son sixième album sorti en 2021, Après les heures grises. Écrit pendant le confinement, il marque un tournant dans le style de l’artiste avec des sons plus urbains. De nouvelles couleurs apportées grâce à des collaborations inattendues, tel le Stéphanois Fils Cara. Avec pour fil rouge des textes à la poésie engagée, Pauline Croze passe avec talent du funk au piano-voix, de Crever l’écran à No Derme. Après le gris, l’envol. EB

BRASSEUR DE GENRES

28.01.23 | 20H

Moins d’un an après la sortie de Human Disorder (en mars 22), les rockeurs chtis repartent à l’assaut des scènes. Ce 12-titres éclectique leur ressemble, à la fois marqué par la période et empli « d’une indéfectible soif de vie ». Dans cet album, Skip The Use se frotte à l’indus et au métal, ose les couleurs synth-pop et se lâche avec des textes en français plutôt personnels (Les Sables d’Or). Comment ne pas se déhancher sur le funky Dancing Alone ou sur The One Two (duo avec Anthéa, la femme de Mat Bastard) ! Du genre à faire danser les foules et trembler les murs sur scène. Alors, échauffez-vous ! SM

Radiant‑Bellevue

Caluire

radiant‑bellevue.fr

FRAÎCHEUR INDIE-POP

31.01.23 | 20H

Leur sixième album 10 Tracks to Echo In the Dark sous le bras, The Kooks reviennent aux bases avec ce subtil mélange d’indie rock que l’on aime et de sonorités plus inattendues. Comme cette pointe d’électro sur Connexion qui donne le ton à l’album ou cette touche disco avec Oasis. Live, la setlist impeccable mixe tubes indémodables (Naive, Seaside), vieux titres (Sofa Song, Ooh la) et chansons récentes. Avec en prime le charisme du leader Luke Pritchard. SM

Transbordeur Villeurbanne transbordeur.fr

PAULINE CROZE Julie Trannoy ©
DÉAMBULATIONS
SKIP THE USE Nicko
Guilal ©
Espace Albert Camus Bron pole en scenes.com

LA PROMESSE DU FLOW

07.02.23 | 20H

Il est le numéro 1 du rap québécois, en témoignent les deux concerts donnés à guichets fermés en 2019 au Centre Bell de Montréal. Les fans français peuvent se réjouir : Loud repart en tournée pour son troisième album, Aucune promesse. Après avoir roulé sa bosse en trio avec LLA, le rappeur aura pris toute la francophonie par surprise avec son premier album solo, Une année record (2017). À 34 ans et trois albums plus tard, il livre un opus intime autour du succès et de la postérité. Et convie la jeune garde du rap local, dont White-B. Biberonné au rap US – Drake, Pusha T, Vince Staples… –, le Montréalais n’en assume pas moins sa "francitude". À l’arrivée : un flow en franglais qui en jette ! EB

Marché Gare Lyon 2 marchegare.fr

PRINCE DE LA SOUL

04.02.22 | 20H

On aime la voix rauque et suave de ce papy résistant, l’un des derniers grands soulmen en activité. Lee Fields, soixante-douze ans au compteur et plus fringant que jamais, vient de lâcher Sentimental Fool, un 12-titres de soul teintée de rhythm and blues dans la plus pure tradition. L’album est signé, en prime, chez Daptone Records avec la crème de ses musiciens (ceux de Charles Bradley, Sharon Jones, Wilson Pickett…). On se laisse embarquer dès Forever par la beauté plaintive des mélodies soul et la puissance vocale du chanteur de Caroline du Nord. I Should Have Let You Be, Sentimental Fool, The Door… Les titres enchaînent, de vrais bijoux vintage à l’ancienne comme on aime. Sur scène, c’est aussi la grande classe avec les costumes qui vont bien, les chœurs et cette voix vibrante qui prend aux tripes pour chanter les histoires d’amour qui finissent mal. AH

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BEAUTÉ FOLK

07.02.23 | 20H30

Alela Diane revient avec Looking Glass, un sixième opus intimiste, pudique et lumineux. Depuis The Pirate’s Gospel en 2004, la chanteuse californienne n’en finit pas de séduire les amateurs de belle folk avec ses douces berceuses et ses ballades d’americana habitées. De Paloma à When We Belived, on se laisse subjuguer par la beauté des mélodies aux arrangements délicats et la puissance évocatrice de la voix cristalline. Le genre de concert contemplatif à vivre de l’intérieur. AH

ROCK BIEN TREMPÉ 10.02.22 | 20H

On a découvert ce combo en provenance de Portsmouth par la BO (toujours d’excellente facture) de Peaky Blinders avec The Last Hangman, hymne punk de sales gosses porté par un synthé obsédant. Nom de scène : Hotel Lux (en référence à l’hôtel Luxe moscovite sous la Russie stalinienne ?). Style : un post punk groovy bien ficelé typiquement british. Avec une poignée de singles bien sentis (Envoi, Daddy, National Team…) dépeignant à la Ken Loach le monde dans lequel on vit et des concerts bordéliques qui envoient la sauce, les Anglais ont sûrement fait monter leur cote depuis 2017. Ils annoncent enfin un premier album Hands Accross The Creek pour début 2023 et débarquent à six sur nos scènes toutes colère et guitares en avant. On les attend. AH

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15 ARKUCHI #33 JAN. | FÉV. 23 DÉAMBULATIONS
LEE FIELDS
HOTEL LUX
Rosie Cohe © Ed Miles © Radiant Bellevue Caluire radiant bellevue.fr

FOLK GOTHIQUE

19.02.23 | 20H30

Voilà plus de dix ans que la compositrice et guitariste Emma Ruth Rundle se fraie patiemment mais sûrement un sentier sensible à travers la planète rock, émaillé de collaborations remarquées (Chelsea Wolfe, Jaye Jayle, Thou…) et comme membres des groupes Marriage et Red Sparowes. La Californienne distille dans chacun de ses morceaux une mélancolie qui résonne dans les réverbérations shoegaze ou qui infuse dans des univers plus ambient. Engine of Hell (2021), son cinquième album solo, a été encensé par la critique à l’instar d’Electric Guitar II : Dowsing Voice (2022), autre facette, plus expérimentale, de son travail. Son escale à Feyzin sera l’occasion de plonger dans les tréfonds de son onirisme à la noirceur élégante. ET

COME-BACK

24.02.23

| 20H

La dernière fois, à l’Opéra de Lyon en 2021, elle accompagnait Bertrand Belin. La revoici en trio pour présenter Tarbes, son quatrième album sorti à l’automne et déjà encensé. Agnès Gayraud alias La Féline y distille sa pop moderne introspective et y narre ses souvenirs (« Oh je sentais la musique [...] Seule sur mon lit défait / Je dansais allongée ») de la ville qui l’a vue naître et qu’elle a depuis longtemps quittée. Treize plages pour plonger dans son monde, comme un retour en arrière ou une déclaration d’amour, et (re)visiter cette ville de province un peu terne avec son Dancing ou sa Place de Verdun. Voix douce, souvent plus proche du parler que du chanter, mélancolie des mélodies, là quelques chœurs occitans ou un accordéon (Solazur) : la Tarbaise, agrégée de philosophie (on n’a pas oublié), continue de surprendre avec une pop sophistiquée avant-gardiste. AH

HOMME-ORCHESTRE 01.03.23 | 20H

Ultra inventif, le pianiste Mezerg a révolutionné l’utilisation de son instrument : il y a intégré des caissons de basses sur lesquels ses pieds jouent des kicks, cadençant les notes frénétiques de son clavier. Le « Piano Boom Boom », ainsi a-t-il baptisé sa création ! Mezerg le virtuose est capable de passer du ragtime au classique, qu’il télescope avec des beats technos ou trans aux accents balkaniques. Après l’Amérique du Nord et l’Europe, le Bordelais va électriser le Transbo. Cerise sur le gâteau, il ne recule devant aucune improvisation lors de ses sets. En piste ! EB

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16 ARKUCHI #33 JAN. | FÉV. 23
MEZERG
DÉAMBULATIONS DR ©
EMMA RUTH RUNDLE Mason Rose © Amphi Opéra de Lyon Lyon 1 opera‑lyon.com LA FÉLINE Alexandre Guirkinger ©

AUFEELING DOROTHÉERICHARD

« Dessiner chaque jour et en vivre, et ne rien lâcher pour que cela continue », voilà ce qui tient en haleine Dorothée Richard. Cette artiste passée par les Beaux-Arts de Rouen et du Havre dessine à tout va. « Six à huit heures par jour », avoue-t-elle, assise à sa table au quatrième étage d’un Canut très lumineux. Lumière et vue sur les toits lyonnais. Et « être dans ma bulle ». Elle dessine au feutre à alcool et à l’encre de Chine. Une histoire d’amour débutée il y a une petite dizaine d’années lorsqu’elle s’est installée à Lyon. « Ça a été la révélation ! Pas de temps de séchage, un panel de couleurs infini, sans oublier le côté pratique et immédiat. Je peux faire des mélanges, superposer les couleurs, donner de l’épaisseur avec le trait… Un peu comme dans la peinture. » Un papier Bristol qui glisse et qui ne boit pas, des feutres de toutes les couleurs – parfois même usagés ! – sans oublier des marqueurs à huile pour les aplats, sa table de travail « en bordel », l’ordinateur branché et hop, elle croque, travaille les lignes, épaissit le trait, rajoute des détails, change les couleurs, joue des aplats… Tout en se questionnant sans fin : « Quand le dessin est-il terminé ? Quand doit-on s’arrêter de remplir la feuille ? »

Son dada ? Le quotidien, les choses de la vie, banales, celles qu’on ne voit plus. Les tommettes d’un sol, les serres du parc de la Tête d’Or, les piscines, les stations-services, les pieds de la chaise,

FOKUS

les toits, les natures mortes… « C’est sous mes yeux. Je ne sais pas trop ce que je recherche. Juste poser mon regard sur ce qui nous environne. Peut-être dans l’idée de regarder le monde et de se dire que c’est beau... » Autant de séries enclenchées sur lesquelles elle revient de manière aléatoire en rajoutant des dessins. Beaucoup d’objets et de détails dans ses illustrations, parfois quelques portraits ou plein de personnages, comme dans ses piscines. « J’adore l’eau. Puis un lieu comme la piscine du Rhône avec son architecture, ses lignes, ses reflets, me fascine. Les serres du parc de la Tête d’Or ou certaines vues de Lyon m’ont aussi fortement marquée et ça m’impacte toujours. » Tout l’inspire « car tout est sujet », sourit-elle, et on trouve de la poésie en toute chose. Les routes, donc, à perte de vue avec leurs ciels brûlants, des enfants qui jouent à la plage, des fauteuils abandonnés, des intérieurs surchargés, le bleu des piscines et même des madones ! Ou des personnages de cinéma, comme sa série autour du film In the Mood for Love. « Le cinéma est source d’inspiration, peut-être de manière inconsciente ? Les plans, les cadrages, la lumière, les couleurs influencent sans doute mes propres compositions. » Autre élément essentiel de son travail ? L’omniprésence de la couleur, « souvent au feeling ! ». Du vert pétant, des bleus électriques, des violets, du noir, des gris, du jaune… Pour raconter les gens, les rencontres, les sensations, les expériences, le mouvement, « la vie, quoi ! ». Partageant son temps entre commandes (Libération ou IDEAT par exemple) et projets personnels, elle est régulièrement exposée à la galerie Autour de l’image qui la soutient depuis ses débuts lyonnais. Après l’expo collective Comme si c’était hier qui vient de fermer ses portes, elle y sera de nouveau accrochée en avril.

INSPIRATIONS

dorotherichard

ESSAYER D’ÊTRE

David Hockney, Edward Hopper, Notes de chevet de Sei Shōnagon, Wong Kar‑Wai, Ernest Pignon‑Ernest, Georges Perec…
01 AVR. > 06 MAI Autour de L’Image Lyon 2 dorotheerichard.com
DANS LA VIE UN MAXIMUM ...

TAYSIR BATNIJI

Mes cousins d’Amérique

Taysir Batniji n’est « pas sorti indemne » du projet Home Away From Home. Le photographe franco-palestinien, également peintre et plasticien, le confie sans fausse pudeur en présentant l’exposition accrochée à la galerie Le Bleu du Ciel. Réalisé en 2017 dans le cadre du programme Immersion des fondations Hermès et Aperture, ce travail à la frontière de l’intime et du documentaire a consisté à retracer l’histoire de ses cousins palestiniens, immigrés aux États-Unis depuis les années 1960. Les séries exposées sont le fruit de deux séjours : en Californie, chez Sobhi et Khadra, Kamal, Samir, Akram et leurs familles respectives, et en Floride, chez Ahmed et les siens.

Les premiers, médecins diplômés, « ont suivi le rêve américain » et vivent confortablement leur intégration dans

la société de l’Oncle Sam. Le second, qui s’est lui-même renommé Adam, tient une épicerie dans un quartier pauvre. Sa vie oscille entre braquages et solidarité entre habitants. À la fois témoin et proche de ses sujets, Taysir Batniji donne à voir le quotidien de cette diaspora, toujours avec le souci de privilégier « les captations spontanées ». D’un côté, l’intérieur chic des Californiens, leur flânerie sur la pelouse impeccable du jardin. De l’autre, la crosse du pistolet que l’on devine derrière le comptoir d’Ahmed, les clients de l’épicerie qui se sont laissés apprivoiser par Taysir. Son travail, constitué également de vidéos, est ancré dans le réel que le photographe parvient à transcender avec poésie. Il interroge l’exil, la quête d’identité. L’émotion est palpable derrière ces décors et portraits de familles toujours connectées à leurs origines. « Ils ont été un miroir pour moi », conclut l’artiste.

20 ARKUCHI #33 JAN. | FÉV. 23 EXPOS
LE PHOTOGRAPHE FRANCO-PALESTINIEN TAYSIR BATNIJI MONTRE LE QUOTIDIEN DE PARENTS AYANT QUITTÉ GAZA POUR LES ÉTATS-UNIS. UNE APPROCHE SENSIBLE DE L’EXIL ET DE SON COROLLAIRE, L’ENRACINEMENT. HOME AWAY FROM HOME > 04 MARS Le Bleu du Ciel Lyon 1 lebleuduciel.net HOME AWAY FROM HOME, ADAM, 2017 Taysir Batniji ©

BIJOU BIJOUX > 19 FÉV. Musée de l’Imprimerie et de la Communication graphique Lyon 2 imprimerie.lyon.fr

Tout ce qui brille brille brille

Une expo sur le bijou sans bijou, en voilà un concept audacieux ! C’est le parti pris qu’a choisi le Musée de l’imprimerie et de la communication graphique pour sa nouvelle expo Bijou bijoux. Il faut dire que ce genre d’objet ne figure pas dans les collections. Par contre, des planches de bijoux (les joyaux de la Couronne, vendus aux enchères en 1887), de motifs de joaillerie, il y en a, comme des carnets de dessins d’un bijoutier lyonnais et d’autres imprimés tout aussi étonnants. Même si le visiteur ne voit aucune gemme, il découvre tout ce qui gravite autour des bijoux, ces objets sentimentaux transmis de mère en fille. Grâce à la riche collection de Geoffray Riondet, le commissaire de l’exposition – il est gemmologue, spécialiste en bijou ancien et bibliophile –, on comprend que l’Auvergne était réputée pour ses améthystes ou que l’on extrayait également le saphir, et de l’or et de l’argent, dans les Alpes iséroises. On apprend avec étonnement que la ruée vers l’or a eu un impact sur des Lyonnais qui ont imprimé des actions aux porteurs et fondé le Syndicat lyonnais du Klondike, seule société française en activité à cette époque. On pourra également admirer un exemplaire du plus petit livre imprimé du monde, réalisé en 1951 et contenant le Notre Père en sept langues : un bijou de minutie.

Puissance

Chez Manifesta, Céline Melon propose une rencontre privilégiée avec l’art contemporain. Autour du thème Super Nature, elle a réuni des œuvres-pépites provenant de la galerie parisienne Valérie Delaunay. Coup de cœur pour les sculptures en céramique travaillées avec sensualité par Claire Lindner, les paysages en laine de Claude Como qui font voyager le regard, les toiles d’Olivier Masmonteil inspirées de l’histoire de l’art, et les horizons poétiques qu’Hélène Muheim réalise avec de la poudre de graphite et des ombres à paupières.

> 02 MARS

Manifesta Lyon 1

Respiration

Dans sa Petite galerie, au 6 rue de Vauzelles, qui a doublé de surface, Françoise Besson réunit 12 artistes qui nous invitent à respirer, méditer, rêver face aux œuvres entremêlées. Des fumées intrigantes photographiées par Julien Guinand aux paysages peints avec délicatesse par Numa Droz, en passant par les œuvres sensibles de Giulia Zanvit, les créations végétales de Sophie Matter, les toiles de Clément Montolio et d’Emmanuelle Rosso… L’accrochage capture la force et la poésie du vivant. Très inspirant.

RESPIRE

> 04 MARS

La Petite galerie Lyon 1

Désir

Provoquant, érotique, amoureux ! Le Musée des Beaux-Arts dévoile la face méconnue de Nicolas Poussin dans une exposition impressionnante, tant elle aligne de chefs-d’œuvre. Le parcours chronologique comprend son premier tableau connu, le dernier resté inachevé et plusieurs œuvres inédites. Dans la plupart de ces trésors, l’amour occupe une place centrale. Sensualité des chairs qui accrochent la lumière, ivresse des sens lors des bacchanales, volupté du pinceau qui fait palpiter le désir… Le peintre se délecte, avec un sens du naturalisme très poussé pour l’époque. Un conseil : optez pour la visite commentée car les œuvres sont emplies de secrets et symboles.

POUSSIN ET L’AMOUR + PICASSO, POUSSIN, BACCHANALES > 05 MARS

Musée des Beaux Arts de Lyon Lyon 1

21 ARKUCHI #33 JAN. | FÉV. 23
EXPOS TELEXxxxxxxx
PLANCHE DE BIJOUX PAR MINARD ALBUM DE LA DÉCORATION, 1900

Famille

DESTRUCTRICE, AU BORD DE L’IMPLOSION OU DERNIER REFUGE D’AMOUR VRAI, LA FAMILLE CHARPENTE PLUSIEURS FILMS RÉCENTS. QUE CE SOIT DANS L’INNOCENT DE LOUIS GARREL, UN BEAU MATIN DE MIA HANSENLØVE, L’ORIGINE DU MAL DE SÉBASTIEN MARNIER OU LES MIENS DE ROSCHDY ZEM, LES RÉALISATEURS SE NOURRISSENT DE LEUR PROPRE HISTOIRE. L’INNOCENT

je vous hais

Au sens étymologique, une famille est un ensemble des personnes vivant sous le même toit. Comme ces trois générations qui cohabitent dans L’origine du mal, une famille tentaculaire à laquelle on veut à tout prix échapper. Pour Jeanne, la petite-fille, « la famille est ce qu’il y a de pire au monde, c’est comme un poison qu’on a dans le sang qui contamine et qui rend malade ». Le décor est planté !

Louis Garrel (2022)

Mia Hansen‑Løve (2022)

Roschdy Zem (2022)

L’ORIGINE DU MAL

Sébastien Marnier (2022)

Autre regard avec une famille proche de l’explosion face à la maladie chez Zem et Hansen-Løve, tandis que celle de L’Innocent est bouleversée à cause d’un braquage. Les vérités cachées éclatent et mettent en péril la cellule familiale. Après une période de tensions ou de difficultés, les liens finissent par se resserrer. Le rapport mère/fils s’inverse quand L’Innocent Abel (Louis Garrel) entreprend de sauver le couple formé par sa mère et son nouveau beau-père. Dans Un beau matin, en dépit d’un divorce, Françoise (jouée avec finesse par Nicole Garcia) reste pour aider son ex-mari, qui souffre d’une maladie dégénérative. De même, la maladie du frère, dans Les Miens, ébranle la fratrie. Et pour cause : Moussa (Sami Bouajila), le frère le plus doux, balance à chacun ses quatre vérités à la suite

d’un traumatisme crânien. Voilà de quoi éprouver les liens du sang. Zem voulait d’ailleurs appeler son film Sans filtre. Tous ces films ont une dimension autobiographique. Sébastien Marnier, par exemple, s’est inspiré de sa propre histoire et de la rencontre, tardive, entre sa mère et son véritable géniteur, issu d’un milieu aisé. L’Innocent, quant à lui, emprunte un épisode de la vie de la mère de Garrel, la comédienne et réalisatrice Brigitte Sy. Comme le personnage interprété par Anouk Grinberg, elle a épousé un détenu en prison. Mia Hansen-Løve a, de son côté, voulu rendre compte du chamboulement émotionnel vécu dans sa quête d’une structure d’accueil pour son père. Le philosophe Ole Hansen-Løve, atteint du syndrome de Benson et privé peu à peu de ses facultés intellectuelles, est incarné à l’écran avec beaucoup de justesse par Pascal Greggory. Le film qui colle le plus à la vie de son réalisateur reste Les Miens. Roschdy Zem explique que c’est son film le plus autobiographique. Il ne s’épargne pas d’ailleurs dans le rôle du frère autocentré, surprotégé par ses ainés. « Je n’invente pas, je retrouve », explique le prix Nobel de littérature, Annie Ernaux. L’autofiction qui touche un large pan de la littérature française actuelle est-elle en train d’envahir nos écrans ?

22 ARKUCHI #33 JAN. | FÉV. 23 7 E ART
L’INNOCENT UN BEAU MATIN LES MIENS Les Films des Tournelles ©
23 ARKUCHI #33 JAN. | FÉV. 23 À LA MOULINETTE Sacrés postiches !
LE CONFINEMENT AVEC
PASTILLES VIDÉO.
EN A FAIT UN SPECTACLE AUTOUR DU MÊME CONCEPT :
PERRUQUE POUR
PERSONNAGE. IL Y
DU MONDE SUR ET DANS SA TÊTE ! À QUI AURIEZ-VOUS AIMÉ RESSEMBLER ENFANT ? À MUSCLOR, LE MAÎTRE DE L’UNIVERS. OU À SHE-RA, LA PRINCESSE DU POUVOIR. ET VOUS, VOUS ÊTES DU GENRE ÉBOURIFFÉ OU BIEN LISSÉ ? DU GENRE CINQ ÉPIS EN MOYENNE, MAL DOMPTÉS PAR DU GEL SOI-DISANT ULTRA FIXANT. QUELLE EST VOTRE DEVISE ? QUAND Y’A UN DOUTE, Y’A PAS DE DOUTE. ET LES CHAUVES DANS TOUT ÇA ?! ILS SOURIENT. CHAUVES SOURIENT. DÉSOLÉ. LE SPECTACLE EST PLUS DRÔLE. DE LA VIDÉO À LA SCÈNE : COMMENT FUT LA TRANSITION ? COMME CERTAINS PERSONNAGES DANS CE SPECTACLE SONT NÉS SUR UN TOUT PETIT ÉCRAN, IL A FALLU " AGRANDIR " LEURS PAROLES. * Thomas Poitevin, Hélène François, Stéphane Foenkinos, Yannick Barbe. THOMAS JOUE SES PERRUQUES 26 > 27 JAN. Théâtre de Bourg en Bresse (01) 21 FÉV. Théâtre du Vellein Villefontaine (38) levellein.capi agglo.fr 24 FÉV. L’Aqueduc Dardilly aqueduc.dardilly.fr Marlène Delcambre © LE SPECTACLE S’ÉCRIT À 8 MAINS*. À CHACUN SES PERRUQUES ? LE MODE D’EMPLOI EST TRÈS ALÉATOIRE. C’EST PLUTÔT UN JEU DE PING-PONG, D’ALLERS-RETOURS. LA PERRUQUE PRÉFÉRÉE DE VOTRE COLLECTION ? CAROLINE, LA PERRUQUE ROUSSE, " CAROTTE " PLUS EXACTEMENT. LA PLUS ÂGÉE, PERPÉTUELLEMENT EN RÉANIMATION CAPILLAIRE ! OÙ TROUVEZ-VOUS L’INSPIRATION ? DANS LA VIE : LE PRÉSENT BIEN SÛR, ET LE PASSÉ, TOUT CE QUI SE DÉPOSE COMME SOUVENIRS AU FIL DES ANNÉES.
LE COMÉDIEN THOMAS POITEVIN A ENCHANTÉ
SES
IL
UNE
UN
A

ON L’A VU DANS LA CERISAIE DE TIAGO RODRIGUES À AVIGNON, PUIS

Noblesse de l’interprète

AU TNP À LA RENTRÉE. ADAMA DIOP Y INTERPRÉTAIT LOPAKHINE AVEC UNE GRANDE SUBTILITÉ. LE VOICI DE RETOUR DANS LE RÔLE D’OTHELLO, SOUS LA DIRECTION DE JEAN-FRANÇOIS SIVADIER, AUTRE IMMENSE METTEUR EN SCÈNE DONT LES SENTINELLES NOUS AVAIT ÉBLOUIS.

Vous avez joué des personnages centraux sous la direction de Castorf, Gosselin ou Braunschweig, et avec certains grands comédiens comme Nicolas Bouchaud que vous allez retrouver. Beau parcours à tout juste 41 ans !

ADAMA DIOP Rien ne m’y destinait pourtant. J’étais en licence d’anglais au Sénégal, mon pays natal, m’orientant vers le journalisme, quand j’ai été accidenté, percuté par le théâtre à l’occasion d’un festival. J’y ai trouvé le moyen de questionner le monde qui nous entoure et que je comprenais de moins en moins. S’il y a un fil rouge entre tous ces metteurs en scène avec qui j’ai eu la chance de travailler, c’est cette quête de savoir qui nous sommes. L’art pose ces questions-là.

Comment travaillez-vous ? Que faites-vous avant de monter sur scène ?

AD J’aime beaucoup le mot interprète pour désigner mon métier. Je prends les metteurs en scène comme des langues que je dois m’efforcer de déchiffrer et traduire. Je m’attache plus à leur vision d’artiste qu’au rôle stricto sensu. J’adore entrer dans leur monde. Gosselin utilise beaucoup de techniques avec lesquelles j’ai à interagir. Avec Rodrigues, on n’a pas l’impression de travailler, on lit à la table et on

passe au plateau. Et pourtant… Gosselin nous fait lire à la table beaucoup de textes qui nous nourrissent. J’aborde chaque spectacle comme un nouveau terrain de jeu avec ses codes que je ne connais pas au départ et cela me donne parfois l’impression de ne rien connaître de mon métier. J’ai besoin de bouger quelque chose de moi-même, de me confronter à ce qui me paraît infaisable. Ceci dit, je travaille beaucoup, mon personnage m’accompagne sans arrêt dans ma vie quotidienne, même si j’essaie d’établir des ruptures entre les deux parce que c’est nécessaire de passer à autre chose.

Le rôle d’Othello semble taillé sur mesure. Qu’en pensez-vous ?

AD Cette question me paraît superflue. Car ce qui compte, c’est de nous approprier la voix et le corps d’un texte qui est couché sur du papier et de faire croire que je suis cette personne. Huppert et Bozonnet ne sont pas plus russes que moi dans La Cerisaie ! Où est le problème ? Le théâtre a résolu cette question depuis longtemps : ce que l’on dit sur une scène existe, c’est ainsi. Quelque chose me touche chez Lopakhine comme chez Othello, c’est leur besoin de dépasser leur condition originelle alors qu’en réalité ils ont réussi et n’ont plus rien à prouver…

24 ARKUCHI #33 JAN. | FÉV. 23 TÊTE D'AFFICHE
LA CERISAIE, TIAGO RODRIGUES Christophe Raynaud de Lage ©
DIOP
ADAMA
OTHELLO 26 JAN. > 04 FÉV. TNP Villeurbanne 01 > 04 MARS La Comédie de Saint Étienne (42) 26 > 28 AVR. MC2 Grenoble (38)

Épopées circassiennes

Coup de cœur pour la jeune compagnie montréalaise Cirque Barcode qui a fait ses classes auprès des meilleurs, dont Les 7 Doigts de la main et les voltigeurs fous de XY. En 2019, le quatuor, deux filles et deux garçons, ose une première pièce foisonnante, De sueur et d’encre, qui mixe acrobaties et voltiges les plus audacieuses et intermèdes plus humoristiques (une marque du cirque québécois) avec comme fil rouge un questionnement (un peu intello sur le papier) autour de la mémoire et de l’oubli. Ils revisitent des disciplines

traditionnelles (cerceau aérien, main à main, manipulation...) avec une prise de risque maximale, tel ce travail, bluffant, à la barre russe où Alexandra Royer s’envole à des hauteurs vertigineuses. Le solo avec les boîtes à cigares est aussi épatant. Cerise sur le gâteau : la bande-son signée par la chanteuse à la voix puissante de Beast aka Betty Bonifassi. Une pièce intense et dense qui prend tous les risques, tout en s’interrogeant sur la trace (numérique, entre autres) qu’on laisse dans le monde. Un peu plus loin, c’est ANIMA, performance-installation immersive qui interpelle. Un projet atypique, sur fond de conte écolo, de la metteuse en scène Maëlle Poésy avec les photos de

Noémie Goudal, la musique obsédante de Chloé Thévenin et le solo à vif de Chloé Moglia. La circassienne, comme à son habitude, joue, à la force des bras ou de la main, avec le vide, le vertige et les lois de la gravité ; son art consommé de la lenteur prend aux tripes comme jamais. Enfin, place à L’Or blanc, fresque poétique sur le parcours initiatique d’un jeune homme en quête de sagesse. Avec le riz, fameux "or blanc", comme élément phare de la scénographie. Les jeunes circassiens, tous issus du Phare Circus, enchaînent équilibres et acrobaties au trapèze ou à la bascule coréenne, jonglent avec des gerbes de riz. Un cirque généreux nourri des traditions khmères.

26 ARKUCHI #33 JAN. | FÉV. 23 BÊTES DE SCÈNES
L’OR BLANC 18 > 21 JAN. Bonlieu Scène Nationale Annecy (74) bonlieu annecy.com 29 JAN. Radiant Bellevue Caluire radiant bellevue.fr DE SUEUR ET D’ENCRE 31 JAN. Espace Albert Camus Bron pole en scenes.com ANIMA 24 > 25 FÉV. Espace des Arts Chalon sur Saône (71) espace des arts.com Jan Hromadko © CIRQUE BARCODE

remuante Jeunesse

Après la Norvège, c’est du côté de la Suisse que les SUBS nous embarquent avec l’aventureux programme Perforama en collaboration avec le Grütli, fer de lance de la jeune création helvétique. Et pour clore en beauté ce programme, un copieux week-end se profile, entre cirque, danse et performance. À commencer par Workpiece, pièce coup de poing d’Anna-Marija Adomaityté qui interroge sans détour la mécanisation du travail au sein des fast-foods et ses effets sur les corps. Il sera également question de danse performative et politique avec Catol Teixeira. L’artiste brésilienne enquête sur les manières d’habiter les physiques et sonde en profondeur la notion d’identité.

Entre affirmation et disparition, son envoûtant solo se nourrit sans cesse des réactions du public. Enfin, avec Take Care of Yourself, le circassien Marc Oosterhoff promet des frissons. Face à un numéro tout en tension, c’est bien le risque comme moteur possible de l’existence qu’il s’agit ici d’explorer. Flirtant avec l’irréparable, l’artiste nous entraîne vers des issues inconnues, y compris de lui-même. Heureusement, la fête aura le dernier mot avec le collectif Ouinch Ouinch et son Happy Hype. Entre folklore et culture club, cette chaleureuse partie de danse inspirée du krump aura de quoi contaminer la scène de son énergie puissante et diablement contagieuse.

Jusqu’à épuisement

Encensé par la critique lors du dernier festival d’Avignon, One Song de Miet Warlop est une performance d’une efficacité telle qu’elle balaie tout sur son passage. En une petite heure, l’artiste belge réussit le tour de force de convoquer à la fois l’artistique, le visuel, le musical, le sportif, dans un maelström semblable à une course effrénée, un interminable sprint avec pour moteur un élan vital qui transcende l’épuisement. Une gymnaste violoniste perchée sur une poutre, un pom-pom boy à la gestuelle millimétrée, une équipe de supporters survoltés, une partition de violoncelle allongée : voici quelques-uns des défis rendus possibles et obéissant au rythme d’un métronome devenu fou. Montés sur ressorts, les interprètes donnent la mesure d’un évènement aussi extrême que jouissif qui célèbre le collectif à la manière d’une explosion. Une ritournelle qui tourne mal, et dont les entêtantes déflagrations signent cette incroyable partition qu’on n’est pas près d’oublier. ET

27 ARKUCHI #33 JAN. | FÉV. 23
BÊTES DE SCÈNES
18 > 21 JAN.
19
21
PAR ÉLISE TERNAT LA PEAU ENTRE LES DOIGTS
WORKPIECE TAKE CARE OF YOURSELF
>
JAN. HAPPY HYPE 21 JAN. Les SUBS Lyon 1 les‑subs.com
Julie Folly © HAPPY HYPE, COLLECTIF OUINCH OUINCH
ONE SONG [HISTOIRE(S) DU THÉÂTRE IV] 02 > 03 FÉV. Comédie de Valence (26) comediedevalence.com Michiel Devijver ©
MIET WARLOP

DES MONDES POSSIBLES

Pouvez-vous brièvement présenter le projet ?

JORIS MATHIEU La Germination est un spectacle dans lequel on invite les gens à se réunir, équipés de lunettes de réalité augmentée. Il s’agit d’une narration qui met en scène trois personnages : ils ont fait le choix de participer à une expérimentation durant laquelle ils vont s’isoler loin des métropoles et vivre à l’écart du monde. Pour se donner l’occasion de penser autrement le rapport à notre vie et notre environnement. Ça prend la forme d’une sorte de sitcom. C’est un peu comme si France Culture avait été obligée dans son évolution de faire de la téléréalité ! Ces trois personnages vont débattre, avec des visions très différentes, de la façon dont il faudrait agir pour se sortir de l’impasse anxiogène dans laquelle on peut avoir l’impression de vivre.

NICOLAS BOUDIER Au début, ils expérimentent le vivreensemble, en se retirant tous les trois dans une serre agricole [le dispositif scénographique, ndlr] où ils vont pouvoir cultiver leurs réflexions mais aussi leur jardin.

À force de réfléchir, ils vont se radicaliser et prendre des chemins différents. D’où, les trois utopies qui vont naître : l’animalisme, le cosmopolitisme et le transhumanisme.

Pourquoi ces trois utopies-là ?

JM Les points de vue sont très différents. Avec le transhumanisme, c’est le "je" qui est convoqué, tandis que c’est le "tu" dans l’animalisme et le "nous" dans le cosmopolitisme. C’est cette conflictualité qui nous intéresse. On s’intéresse à ces utopies aussi parce qu’elles sont vivaces.

Pourquoi avoir choisi d’utiliser la réalité augmentée pour cette pièce en particulier ?

NB On s’intéresse toujours à l’innovation dans notre travail. La réalité augmentée s’inscrit dans la continuité de notre projet. Elle permet de traverser le quatrième mur et d’avoir une vraie sensation de théâtre augmenté.

Envie de rigoler ? D’insolence ? Et aussi de bon théâtre ? Courez voir Les Gros patinent bien, Molière 2022 (meilleur spectacle) du théâtre public. Ce "cabaret de carton" pour deux acteurs qui déménagent, Pierre Guillois et Olivier Martin-Salvan, fête sa 300e représentation, preuve s’il en était besoin que le public est au rendez-vous. Tentons un résumé : un grand acteur bien rondelet de Stratford-on-Avon, quelque part dans le XVIe élisabéthain, entreprend de raconter l’aventure – que dis-je l’épopée – d’un voyageur qui traverse terres brûlantes et mers gelées à la recherche d’un bonheur hypothétique. Mieux ! Il la met en scène grâce à un décorateur-accessoiriste-homme à tout faire malingre et prêt à tout, tour à tour porteur de cartons sorti d’un film muet, maquereau pêché en mer du Nord et vieille maman retrouvée. L’ensemble est burlesque à souhait, enlevé et tordant. Le carton est promu personnage principal. TM

28 ARKUCHI #33 JAN. | FÉV. 23
SCÈNES
BÊTES DE
PAR GALLIA VALETTEPILENKO CRÉATION MAISON DU THÉÂTRE NOUVELLE GÉNÉRATION, LA GERMINATION - D’AUTRES MONDES POSSIBLES (ÉPISODE 1) EST LE PREMIER OPUS D’UN TRIPTYQUE QUI SE DÉROULERA SUR TROIS SAISONS. RENCONTRE AVEC JORIS MATHIEU ET NICOLAS BOUDIER, DEUX DE SES TÊTES PENSANTES.
21 FÉV. > 04 MARS TNG Les Ateliers Presqu’île Lyon 2 tng‑lyon.fr
Nicolas Boudier © LA GERMINATION - D’AUTRES MONDES POSSIBLES (ÉPISODE 1)
un vrai carton !
24 > 27 JAN. La Comédie de Saint‑Étienne (42) lacomedie.fr

deMonstrethéâtre

Thomas Jolly aurait-il trois têtes comme le dragon de la pièce éponyme d’Evgueni Schwartz, qu’il a créée l’an dernier ? En tous cas, le metteur en scène de quarante ans semble partout. Il a dépoussiéré Starmania cet automne, prépare un Roméo et Juliette pour le Palais Garnier et orchestrera les cérémonies des JO de Paris en 2024... Et il vient de présenter en décembre aux Célestins Arlequin poli par l’amour de Marivaux, avant Le Dragon, en février, au TNP.

Cette fable fantastique et politique de 1943-44 a tout pour satisfaire le goût de Thomas Jolly pour la belle machinerie en même temps que sa soif, dit-il, « d’un théâtre exigeant et populaire ». Au-delà d’un chat qui parle, d’un tapis volant, des objets animés ou du feu, la pièce raconte aussi comment l’anéantissement, par Lancelot, du dragon qui assujettissait un village depuis quatre siècles ne met pas forcément fin à la soumission de la société. Avec quatorze artistes sur le plateau, le metteur en scène gourmand déploie tous les artifices du théâtre, passant du burlesque au fantastique, du noir au glaçant, pour mieux faire résonner « le combat entre la liberté et la servitude volontaire ».

29 ARKUCHI #33 JAN. | FÉV. 23
BÊTES DE SCÈNES
LE DRAGON 23 > 26 FÉV. TNP Villeurbanne tnp‑villeurbanne.com Nicolas Joubard © LE DRAGON

Requiem pour l’humanité

On attendait avec impatience la nouvelle création d’Emmanuel Meirieu. Qu’allait-il faire dans les espaces interstellaires ? Avait-il changé de style ? Oublié ces déshérités, ces humiliés, pour lesquels il construit, de Mon traître aux Naufragés, un écrin de théâtre ? Bien sûr que non ! C’est à un pauvre bluesman aveugle que Dark Was the Night rend hommage. Ce titre est tiré d’un morceau de Blind Willie Johnson, musicien noir américain autodidacte et inspiré que ses contemporains ont laissé mourir, lui refusant soin et sépulture, quelque part au Texas en 1945. Trente ans plus tard, sa musique est gravée avec d’autres chefs-d’œuvre de notre patrimoine culturel, sur le disque d’or convoyé par la sonde Voyager et destiné à porter un message amical aux éventuels habitants des grands espaces. Une partie de ces morceaux de

musique a servi dans la bande-son du spectacle, de même que la voix d’un jeune garçon français, François, avide de rencontrer un jour ces extraterrestres. C’est là, sur ce disque, que se retrouvent les deux histoires qui composent la pièce : celle de Blind Willie Johnson et celle de François. Mais aussi sur le plateau. En effet, alors que côté cour des hommes fouillent les décombres d’une sorte de décharge à la recherche des restes humains jetés là, côté jardin, un vieil apiculteur se désole du déclin de ses abeilles dans une forêt aux arbres gigantesques. Il s’agit de François, en train de mourir de la maladie de Charcot. Deux destins parallèles et pareillement tragiques pour dire la misère, l’injustice et l’urgence écologique. On est saisi pas l’intelligence d’une scénographie tout en plans inclinés qui met les acteurs en constant déséquilibre. Si l’émotion d’Emmanuel Meirieu est palpable, sa colère semble l’avoir déserté, remplacée par une infinie tristesse.

30 ARKUCHI #33 JAN. | FÉV. 23 BÊTES DE SCÈNES
24 > 25 JAN. Espace Malraux Chambéry (73) 31 JAN. > 04 FÉV. Théâtre des Célestins Lyon 2 theatredescelestins.com 15 > 19 FÉV. Comédie de Genève (CH)
Pascal Gely ©
DARK WAS THE NIGHT

Comment choisissez-vous vos rôles ?

NP Généralement les metteurs en scène, ou les auteurs, viennent me chercher. Je regarde avec qui le projet se fait et où. J’ai la chance de pouvoir dire non… mais c’est rare. Le texte est pour moi hyper important, le thème aussi. Par exemple, en ce moment, mon personnage préféré, c’est Zoé, parce qu’elle me touche l’histoire de cette gamine de famille d’accueil imaginée par Alexis Armengol dans Vilain !. J’aime beaucoup travailler avec Julie Rossello-Rochet, on se comprend bien. Alors, cette fois, c’est moi qui lui ai passé commande de Entre ses mains. Je voulais une figure de femme inspirante, ce qui nous a demandé un gros travail de recherche sur l’hôpital public…

Comment en êtes-vous arrivée à incarner si fortement vos personnages ?

NP D’une manière générale, je m’investis beaucoup dans les rôles que je joue. Ainsi pour Entre ses mains, j’ai regardé un maximum de documentaires sur la question. Mais celle qui m’accompagne tout le temps, c’est Sarrazine, qui n’est pas seulement Albertine mais aussi une partie de moi.

D’autres envies

?

NP Oh oui ! J’ai envie de faire du cinéma. Je vais aussi me mettre au chant sur le plateau et continuer la mise en scène que j’ai commencée avec Maxime Taffanel pour Cent mètres papillon. Et puis plein de rôles, notamment des rôles d’hommes qui me font rêver depuis longtemps, le genre de travail que fait Pauline Bayle. Ça me plairait aussi de me confronter aux classiques parce que j’aime les alexandrins et que ce serait quelque chose de nouveau, cet exercice sur la langue…

La rage de jouer

souvenirs d’iran

Katayoon Latif est iranienne. Arrivée en France trois mois avant les manifestations de 2019 réprimées dans le sang, elle livre avec Ellipsis le spectacle de son histoire, nourrie de ces événements et de ceux qui se déroulent actuellement en Iran. Remarquée lors du prix Incandescences 2022 avec une maquette créée au Théâtre Kantor de l’ENS, Ellipsis met en scène trois journalistes décrivant par le menu l’existence d’une jeune Iranienne, à la manière d’un reality-show. Construite autour de trois souvenirs personnels, la pièce s’articule par ellipses, pour tenter de « représenter l’irreprésentable, dire l’indicible ». L’écriture, commencée au plateau, s’est affinée à la table avant de revenir au plateau, s’enrichissant au fil des jours et du travail. Sur scène, trois chaises, une table, des papiers constituent le décor, minimal, qu’occupent un comédien et deux comédiennes. Sans misérabilisme et avec une pointe d’humour, on découvre les pensées d’une jeune femme, exilée et inquiète (c’est un euphémisme), comme un collage de fragments épars. GV-P

31 ARKUCHI #33 JAN. | FÉV. 23 BÊTES DE SCÈNES
PAR TRINA MOUNIER À VOIR LE SOURIRE À PEINE ESQUISSÉ DE LA DISCRÊTE NELLY PULICANI, ON A DU MAL À IMAGINER LA FLAMME QUI BRÛLE EN ELLE ET QUI LA MÉTAMORPHOSE DÈS QU’ELLE EST SUR UN PLATEAU.
ENTRE SES MAINS 03 FÉV . La Mouche Saint Genis Laval 22 > 25 FÉV. Théâtre de la Croix Rousse Lyon 4 SARRAZINE 27 JAN. Le Polaris Corbas 23 MARS Théâtre 145 Grenoble (38) 23 MAI > 03 JUIN Théâtre des Célestins Lyon 2
MÈTRES PAPILLON 27 JAN. L’Amphithéâtre Pont de Claix (38) Lisa Lesourd ©
CENT
27 > 29 JAN. Théâtre de l’Elysée Lyon 7 lelysee.com

ROCK’N’ROLL, ANNÉE(S) ZÉRO FERA DATE. À LA CROISÉE DE L’HISTOIRE DU ROCK (QUI EST UN PEU CELLE DES ÉTATS-UNIS) ET DE L’HISTOIRE INTIME (QUI EST AUSSI CELLE DE LA GÉNÉRATION AYANT GRANDI DANS LES ANNÉES 1970), CE LIVRE TRUFFÉ D’INTERVIEWS, DE PORTRAITS ET D’ANECDOTES, FRUIT DE DOUZE ANS DE TRAVAIL JOURNALISTIQUE ET D’OBSTINATION, EST ÉGALEMENT UNE MINE DE RÉFÉRENCES POUR LES AMOUREUX DU GENRE. SON AUTEUR EST LYONNAIS ET S’APPELLE CÉDRIC RASSAT.

Let’s rock history !

cedric.rassat

Distancé à la fin des années 1990 par le rap et les musiques électroniques, le rock américain reprend dans les années 2000 un second souffle. De Los Angeles à New York, en passant par Portland, Memphis et Detroit, de nouveaux musiciens réactivent une scène quelque peu moribonde depuis l’ouragan grunge. Ils et elles s’appellent Elliott Smith, Crystal Antlers, Bill Callahan, Jay Reatard, Comets on Fire, Kurt Vile, The Black Keys, The White Stripes, The Strokes – j’en tais moult pour mieux teaser ! Ils et elles sont la fine fleur du rock américain (qu’il soit pop, punk, garage, math, noise, hardcore, folk ou psyché), toutes et tous rassemblés dans ce livre qui, pour subjectif qu’il soit, n’en est pas moins exhaustif, depuis les groupes et les labels cités jusqu’aux discographies proposées. Difficile de ne pas faire de découvertes (et donc d’incessants allersretours du bouquin à sa platine) et de ne pas ressentir cet immense bonheur d’apprendre tant par la tête que par les oreilles. Bonheur également de recomposer l’infini puzzle de l’histoire du rock à l’aune de cette scène aujourd’hui vingtenaire qui, tout en faisant table rase du passé, a recomposé de fond en comble le regard sur le rock (âgé alors de 50 ans). Comment ? En remettant sur le devant de la scène les héroïnes et les héros méconnus de cette Amérique de la marge et en mettant en lumière, aux côtés des géants (Bob Dylan, Neil Young, Jimi Hendrix, les Doors, le Velvet Underground, les Stooges…) des musiciens plus obscurs mais non dénués d’influence. On pense à l’hommage de Sonic Youth à John Fahey ou à celui de Joanna Newsom à Karen Dalton…

Un livre-océan, en somme (600 pages, du Pacifique à l’Atlantique), doublement préfacé (« vu d’Amérique » par Sylvie Simmons et « vu de France » par Vincent Théval), illustré (par Jean-Luc Navette, Emre Ohrun, Raphaël Gauthey et Ludivine Stock) et accompagné d’un appareil historico-musicologique d’une grande richesse (racines discographiques, glossaire, annexes…). Il permet une navigation des plus agréables, tant vers des contrées stylistiques mal identifiées (à repositionner sur les cartes sonores) que vers des plages musicales totalement inconnues. Bref, voici la B.O. d’une prodigieuse décade zéro racontée comme un road-movie coast-to-coast, un guide de voyage sonore pour touriste averti, un essai pour auditeurs aussi curieux qu’exigeants. De l’histoire et du son à rebattre, en attendant le deuxième tome sur les années 10…

32 ARKUCHI #33 JAN. | FÉV. 23 LETTRES & RATURES
ROCK’N’ROLL, ANNÉE(S) ZÉRO [HISTOIRES D’AMÉRIQUE 1. DE LOS ANGELES À NEW YORK] Cédric Rassat Éditions Longues Ondes 2022 ROCK’N’ROLL ANNÉE(S) ZÉRO SÉRIGRAPHIES >31 JAN. Théâtre Comédie Odéon Lyon 2 Raphaël
©
Gauthey

LE STREET MUSÉE

33 ARKUCHI #33 JAN. | FÉV. 23 STREET ART
PAR GRAPHULL
DU MOIS
YNOT KAARIKOU
BENPO ONIRG SUFYR
LAURETH SULFATE
EUGÈNE BARRICADE JINKS KUNST

soupe épicée aux 3C

L’hiver est là, le froid, les rhumes, les journées courtes aussi ! La déprime pointe le bout de son nez, mais rien de tel qu’une soupe colorée et bien épicée pour se réchauffer devant un bon film. Tu t’y mets direct en rentrant du boulot. Go ! Coupe grossièrement les oignons et les carottes et fais les revenir dans un faitout avec les épices pendant 1 à 2 minutes. Ça sent tout de suite bon et ça met illico l’eau à la bouche. Faut pas mollir ! Recouvre les légumes avec suffisamment d’eau, une pincée de sel et on laisse mijoter 30 minutes. Un coup d’œil sur ta cuisson, file te mettre en pyjama sans attendre. Si t’es du genre gourmand –mais franchement qui ne l’est pas ?! –, profites-en pour "pimper" cette soupe avec un œuf mollet. Un bain d’eau bouillante de 6 minutes pour tes œufs avant de les plonger dans l’eau froide pour les écaler easy. Le tour est joué et tes légumes sont déjà cuits. Égoutte vite fait la préparation avec une écumoire, mais attention à conserver précieusement une partie de l’eau de cuisson : elle te sert à mixer dans la foulée les légumes avec le lait de coco. Plutôt velouté bien épais ou soupe très fluide ? À toi de voir selon tes goûts ! Voilà, c’est déjà fini. Il te reste à remplir les bols de soupe avant d’y plonger les œufs. Envie de craquant ? Habille ta soupe de quelques graines de courge et autres. Un trait d’huile d’olive, un soupçon de poivre, ça fume et c’est parti pour la dégustation

COCO 50 CL D’EAU 2 CÀC DE CURRY 2 CÀC DE CURCUMA HUILE D’OLIVE SEL ET POIVRE DRESSAGE : GRAINES DE COURGE, DE TOURNESOL, PERSIL, CORIANDRE…

Horizontalement

1. Marques durables ou digitales. 2. Il a dû transpirer en écrivant Le Juif errant. À très vite, familier, en deux mots. 3. Donner dans son milieu. Celle-là, elle s’est fringuée à l’envers. 4. Soporifique. 5. Le vide sidéral. 6. Dans le coup. Vaut cinq points et parfois des points de suture, si ce n’est pas en tube. 7. Ça habille le foyer. Il est noble, nouveau, rétro ou déco. 8. Réservé aux initiés. 9. Il ne mène pas grand train. Crochets de cœurs. 10. Réfléchies.

Verticalement

A. Nécessaires sans être de trop. B. Mis en mouvement. Arrivé. Trois points. C. Ont parfois des cordes dans leurs crémaillères. D. Petit pain d’épices. E. Voyelles. Est en mer avec le Pô. Note dans l’air et sort de l’eau. F. Élément d’un ensemble. Vivants. G. Comme des gorges avant l’oral. Baie du Japon. H. Costume de rat. Filtré. I. Saisons. Comme certains conflits. J. Sont sans indulgence.

34 ARKUCHI #33 JAN. | FÉV. 23 POPOTE(S)
jugeote PAR JACKSON BERLIOZ PAR FOODDENOU 4 PERSONNES 40 MINUTES 30 MINUTES 800 G DE CAROTTES 1 OIGNON 20 CL DE LAIT DE
!
solutions arkuchi 32 A C A D E M I S M E F O T O S L O I R F U T S F O U N E O R E I C E L U I U T R I L L O T N R I R E I M E T A S A P A E R A G A N T I E R A N E N T R O U V R I T R E S I N E E S E

OÙ TROUVER

Annecy Bonlieu. Bourg-en-Bresse Musée du Brou. Tannerie. Théâtre de Bourg-en-Bresse. Zoom. Bourgoin-Jailleu Les Abattoirs. Brignais Le Briscope. Bron Espace Albert Camus. Ciné Les Alizés. Ferme du Vinatier. Jack Jack. Pôle Pik. Médiathèque de Bron. Université Lyon II. Caluire-et-Cuire Cinéma Le Méliès. Médiathèque B. Pivot. Radiant-Bellevue. Chalon-sur-Saône Espace des Arts. Chassieu Karavan Théâtre. Chazelles-sur-Lyon Musée du Chapeau. Corbas Le Polaris. Dardilly L'Aqueduc. Décines Centre de la Mémoire Arménienne. Le Toboggan. Écully Écully Cinéma. Médiathèque. Feyzin L’Épicerie Moderne. Francheville L’Iris. Givors Médiathèque Max Fouché. Théâtre de Givors. Grigny Médiathèque Léo Ferré. Irigny Le Sémaphore. La Mulatière Aquarium de Lyon. Aux Bons Sauvages. Lyon 1 À Chacun sa tasse. L'Antirouille. À Thou bout d’chant. Archipel Librairie. Art Up Déco. Bar 203. Les Barjaqueurs. Bel Ami. Bloom Vangart. Boîte à café. Bomp ! CAUE Rhône. Clef de Voûte. Condition des Soies. DRAC. Espace 44. Galerie C. Mainguy. Galerie Céline Moine (Le 1111). Galerie Nörka. Galerie Le Réverbère. Halles de la Martinière. Jarring Effects. Kraspek Myzik. La BF15. La Boucherie des Pentes. Le 3e Fleuve. Le Bal des Ardents. Le Bleu du Ciel. Le Livre en Pente. Le Voxx. Les SUBS. Mangiabuono. Manifesta. Mapraa. Médiatone. Mongi Guibane. Musée des Beaux-Arts. Musicalame. Nombril du Monde. Ô Tao Bom. Opéra de Lyon. Original Watt. Radio Canut. Regard Sud. Shalala. Sofa Disques. Sofffa Terreaux. Spacejunk. Théâtre de L’Accessoire. Théâtre Les Clochards Célestes. Technoir. Tikki Records. Traboule Kitchen. Vins Nature. Lyon 2 Archives Municipales. L’Atelier Parfumé. Cave Chez Camille. Centre national de la Danse. Cycles Marchi. Fondation Bullukian. Galerie Autour de l’Image. Galerie Ories. Galerie Slika. Galerie Tatiss. La Cloche. Librairie des Arts. Librairie Expérience. Librairie Gibert. Maison Pochat. MJC Confluence. Mob Hôtel. Musée des Confluences. Musée des Tissus. Périscope. Région A.R.A. Théâtre-Comédie Odéon. Théâtre des Ateliers. Théâtre des Célestins. Théâtre des Marronniers. UCLY. Lyon 3 Archives départementales. Auditorium de Lyon. Boomrang. De L'Autre Côté du Pont. Café du Rhône. Gnome et Rhône. Hooper. Librairie du Tramway. Métropole de Lyon. Poltred. Salle des Rancy. Lyon 4 Agend’arts. Aquarium Ciné Café. Aux Trois Cochons. Bistrot fait sa Broc. Bistrot des Voraces. Bonnesoeurs. Cavavin. Cave Tabareau. Cave Valmy. Chez Robert. Coop du Zèbre. Diable Rouge. Fournil du Boulevard. Fromagerie Galland. Galerie Françoise Besson. Galerie Vrais Rêves. L’Assiette du vin. L'Instant. L'Oiseau sur la branche. La Famille. La Valise d’Élise. Labelalyce and Co. Librairie du Métro. Maison Jolivet. Modern Art Café. Ô Fournil des Artistes. Ô Vins d’anges. Paddy's Corner. Sibilia. Théâtre de la Croix-Rousse. Un Grain dans le Grenier. Villa Gillet. Vivement Dimanche. Lyon 5 Acting’s Studio. CRR de Lyon. CNSMD. École de Cirque Ménival. ENSATT. Espace Gerson. Le Sonic. Librairie Virevolte. LUGDUNUM Musée. La Mi Graine. MJC du Vieux-Lyon. MJC Saint-Just. Musées Gadagne. Théâtre du Point du Jour. Lyon 6 MAC Lyon. Lyon 7 Arts en Scène. Bibliothèque Diderot. Café Pimpon. CHRD. Cinéma Comœdia. COREP. EAC Lyon. École de Condé. ENS. La Commune. Le Court-Circuit. Le Ptit Bouclard. Le Flâneur. Les Fauves. Galerie Tator. HO36 Montesquieu. IEP. Kargo Kult. Librairie La Madeleine. Librairie La Voix aux Chapitres. Librairie Rive Gauche. Librairie Terre des Livres. Livestation DIY. Mama Shelter. Mimo. Mowgli. Ninkasi Kafé. Sofffa Guillotière. Théâtre de L’Élysée. Lyon 8 Institut Lumière. Maison de la Danse. MJC Monplaisir. NTH8. Salle Genton. Lyon 9 Au Bonheur des Ogres. Cave Valmy. Ciné-Duchère. CNSMD. L’Attrape-Couleurs. La 9e Bulle. Les Mangeurs d’Étoiles. Musée Jean Couty. TNG. Mâcon Cave à Musique. Le Théâtre de Mâcon. Musée des Ursulines. Miribel L'Allégro. Mornant Espace Jean Carmet. Neuville-sur-Saône La Maison Jaune. Oullins La Mémo. MJC d’Oullins. Le Syndrome Peter Pan. Théâtre de La Renaissance. Pierre-Bénite Maison du Peuple. Médiathèque E. Triolet. Portes-Lès-Valence Train-Théâtre. Rillieux-la-Pape CCNR. Espace culturel Marcel André. Médiathèque L’Échappée. MJC Ô Totem. Saint-Étienne Cité du Design. La Comédie de Saint-Etienne. Le Fil. Le MAMC. Musée d’Art et d’Industrie. Musée de la Mine. Opéra de Saint-Étienne. Saint-Fons Médiathèque R. Martin du Gard. Théâtre Jean Marais. Saint-Genis-Laval La Mouche. Médiathèque B612. Saint-Priest Cinéma Le Scénario. Médiathèque Fr. Mitterrand. Théâtre Théo Argence. Saint-Vallier Ciné-Galaure. Sainte-Foy-lès-Lyon Ciné-Mourguet. Tassin-la-Demi-Lune Cinéma Le Lem. L'Atrium. Librairie Pleine Lune. MJC Omega. Vaulx-en-Velin C.C. Charlie Chaplin. Cinéma Les Amphis. École d'architecture. ENTPE. Planétarium. Valence Comédie de Valence. Vénissieux Bizarre! C.A.P. Madeleine Lambert. Cinéma Gérard-Philipe. Médiathèque Lucie Aubrac. Théâtre de Vénissieux. Vienne Théâtre de Vienne. Villefontaine Le Vellein. Villefranche-sur-Saône Auditorium. Cinéma Les 400 Coups. Conservatoire. Galerie Le 116art. Librairie des Marais. Musée Paul Dini. Office du Tourisme. Théâtre de Villefranche. Villeurbanne Bieristan. Campus de la Doua. CCO. CCVA. Cinéma Le Zola. Galerie Domus. Galerie L’Atelier du Canal. ENMDAD. ENSSIB. Espace Info. Espace Tonkin. Institut d’art contemporain. IUFM. La MLIS. Le Rize. Le Totem. Pôle Emploi Scènes & Images. Pôle Pixel. Studio 24. Théâtre Astrée. Théâtre de l'Iris. TNP. Toï Toï Le Zinc. Transbordeur. URDLA... Et dans la plupart de vos mairies, médiathèques et bibliothèques, MJCs, espaces de coworking...

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