Voyage au Yemen en 1977 Avec un stop en Syrie Auteur : Jocelyne Pruvot 1
EN SYRIE DAMAS - SINDHAYA
AU YEMEN SANAA - WADI DAHR - MANAKHA - BAGIL - BEIT EL FAQUI TAEZ - IBB - DJIBLA - AL NADREH - DAMT SANAA - RHOWDA - HADDA - SHIBAME - KHAUKABAN
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Là encore, j'ai suivi la route des voyageurs des années 70. L'Inde, l'Afghanistan, et le Yemen étaient des pays à la mode. En 1977 sévissait une guerre civile au Yemen. Le Nord et le Sud étaient divisés en deux pays bien distincts. Nous étions trois copines, et nous sommes parties complètement en voyage libre, par un vol de la Syrian, avec une nuit passée à Damas, et une escale à Jeddah en Arabie Saoudite. Nous sommes allées donc uniquement au Yemen du Nord. On ne s'est rendu compte des risques, à l'époque ... qu'au retour, mais tout s'est très bien passé au cours du voyage. On a fait connaissance dans l'avion d'un couple de voyageurs, et de deux garçons, et nous avons décidé de nous réunir afin de louer une land-rover avec chauffeur yéménite (qui ne parlait pas anglais), et cela pendant une semaine. On n'avait pas réalisé qu'on allait voyager en pleine période de Ramadan. On se nourrissait de boites de conserves de "baked beans" anglais, de "cream-biscuits", et de "vache qui rit", rose, tellement elle était vieille. Le soir, c'était poulet riz. On n'a pas pu aller vers le nord, ni vers l'est (région de Marib) parce qu'il y avait encore la guerre, et que l'on nous disait que des gamins armés tiraient un peu partout, un peu sur tout. De toute façon les militaires bloquaient les routes et empêchaient les voitures de s'avancer quand ils y voyaient nos têtes d'étrangers. La deuxième semaine on s'est tous séparé, et on est resté nous trois et on a circulé en étoile, en allers et retours, à partir de Sanaa. Tout s'est bien passé. On prenait les taxis collectifs et on a même fait des retours en stop, par manque de taxis. Des bruits couraient qu'une grande fête s'approchait, que l'aéroport allait être fermé pour on ne savait pas combien de temps.
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On a ressenti une atmosphère inquiétante. On en avait marre aussi de ne pas trouver à manger. On a décidé de rentrer une semaine avant la date prévue.
A notre retour en France, on a appris que deux filles Françaises venaient d'être assassinées.
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Syrie 1977 PARIS - DAMAS Vendredi 9 septembre 1977 Mon voyage vers le Yemen se passait par un stop à Damas, en Syrie, avec une nuit à passer à Damas. Départ à 11h30 de la maison, en taxi, les sacs au dos tout neufs à la main, et bien bourrés. Direction Orly Sud. Nous sommes trois copines. Rendez-vous pour retirer le billet acheté chez Nouvelles Frontières à 14 hres (précises). On y est à 14 hres, précises, pour apprendre que l'avion (une ligne régulière de Syrian Airlines) prévu à 16h10 est déjà affiché pour un départ à... 21h30.... Remise des billets, enregistrement des bagages, et une journée à passer dans l'aéroport d'Orly. Heureusement, à Orly, il y a deux cinémas. Alors, pour passer le temps, on va voir un film idiot, incompréhensible, " l'Imprécateur " de Bertolucci, avec Piccoli, Londsdale etc. Enfin, ça a passé le temps. Puis, balades, et re-balades à travers l'aéroport. Vers 19h30, on songe à dîner (dîner offert par la compagnie comme il se doit). le dîner est prévu pour 20 h 00 au restaurant du duty free. Et là, débarque un groupe d'une centaine de voyageurs. Nous, on a... failli dîner... on nous expédie au bar avec un sandwich au jambon et une boisson. Un repas devrait nous être servi à bord. Le départ de l'avion n'est affiché au tableau que très tard. Embarquement à 21h30. On embarque effectivement à l'heure. Mais le décollage ne s'effectue qu'à 22h45 !
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Le vol Vol Syrian Air - RB 412
Boeing 727. Direction Damas. J'ai une place au milieu. Un repas chaud est effectivement servi, du poulet. Mais le vol n'est pas direct, on fait une escale à Rome.
PARIS - ROME
1h20 de vol Escale. On reste dans l'avion.
ROME - DAMAS
3 hres de vol. Je dors environ pendant une heure.
ARRIVEE A DAMAS
5 hres 30 du matin !!! Le jour se lève rapidement. Il faut obtenir un visa de transit. Il y a la queue. Il coûte 4 $. Le visa de 15 jours est encore plus cher, et il faut insister pour que l'on nous donne bien un visa «transit». Formalités de police, sans problèmes. Douanes, pareil.
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DAMAS Samedi 10 septembre 1977 Il y a des bus entre l'aéroport de Damas et la ville. Le premier bus est à 6 hres. Il coûte 1 livre (environ 1 FF). Dans l'avion, nous avons fait connaissance d'un couple belge, Bernard et Myriam Van Maele. Ils ont entendu parler d'un hôtel correct, qui doit se trouver près de l'arrêt du bus. Nous nous y rendons ensemble.
City Hotel
(Behind Damascus Cinema, opposite Ministry of Information) Près de la Place Merdjé Tel : 118069 L'hôtel est dans une petite rue, donc à l'abri du bruit. Les chambres de trois coûtent 42 £ syriennes avec la salle de bain à la porte à côté, il y a une salle de bain pour deux chambres. L'hôtel est très bien. Les lits sont un peu durs. La douche est chaude, très bonne. les WC fonctionnent bien. On prend un petit déjeuner pour 52 £ à trois, très copieux, pain et confiture. Et on part directement en visite, sans se coucher.
- Le Musée Fresques de la synagogue dans la cour d'entrée, statues de Palmyre, de Mari, le trésor des Kholms (masques, bijoux).
- Les souks Al Hamidié
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Damas
- La Mosquée des Ommeyades Difficulté pour la trouver. Il nous faut trouver la bonne direction au fond des souks. On doit pour y entrer, revêtir une cape noire à capuche, des plus horribles. La mosquée est décevante hormis quelques fresques au plafond.
- Le Palais Azem Très intéressant. Beau jardin, beau palais, dans les pièces duquel sont reconstituées des scènes quotidiennes, représentées par des mannequins de cire : les différentes étapes du bain par exemple. Un Coran écrit sur une cacahuète. On rencontre des touristes venus d'Alep. les gardiens nous prennent en main pour nous faire visiter, nous expliquer, et on se rend compte que sans eux, on passait à côté de toutes ces scènes sans rien y comprendre. (Comme le Coran sur la cacahuète, on ne l'aurait pas remarqué, il y a une loupe qui permet de le lire).
On rentre en taxi, une Chevrolet cahotant, vers 16 hres, crevées. On se couche et tout le monde s'endort, jusqu'à ... 19 hres !
Au réveil, c'est la nuit. On n'a pas envie de sortir, mais avec du courage, on prend une douche et on va dîner au restaurant Ali Baba. Décors kitch, très agréable, pittoresque, immense, mais vide.
Le repas : Kebab de poulet Tomates et champignons Crème caramel Une eau d'Evian Très bon repas pour 25 £ à trois cad 17 FF par personne.
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SINDHAYA Dimanche 11 septembre 1977
On avait envie de sortir de Damas, car on trouvait qu'en un jour, ça suffisait, on en avait fait le tour. Et c'est une ville, donc peu agréable. Envie de voir un peu de la campagne syrienne. Réveil à 6h30. réveillées par le couple belge, avec qui on s'était mis d'accord pour partir ensemble et louer un taxi. Sindhaya est à 1415 m d'altitude, sur les collines, et à 37 Km au NE de Damas. Elle est célèbre par son couvent, un monastère, un lieu de pèlerinage, encore habité par des Orthodoxes. On est parti à 8h15. On a trouvé le taxi dans la rue, et on a marchandé le prix, juste pour l'aller. Le taxi à cinq nous a coûté 25 £ S.
Sindhaya
On arrive à Sindhaya encore tôt le matin. Il n'y a encore personne dans les rues. Il y a des églises (Sainte Sophie) et on grimpe pour visiter le grand sanctuaire. Des gens y sont en train de prier. ce sont des Orthodoxes byzantins. Et de plus en plus de monde arrive. On est Dimanche, et c'est un lieu de pèlerinage. On se retire, et on demande si on peut nous ouvrir la porte pour visiter les reliques, des icônes.
Puis, on se promène dans le village. Et là, un gars nous aborde, en nous disant en anglais qu'il a besoin de pratiquer son anglais, il est étudiant en anglais à Damas. Il nous propose de nous faire visiter d'autres endroits. Il s'appelle Waleed Abou Sekkeh.
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Le départ pour le Yemen Dimanche 11 septembre 1977 Attente à l’hôtel
Puis une longue attente commence dans le salon de l'hôtel, car notre avion pour Sanaa, n'est qu'à 2 hres du matin. Il y a la télévision. on regarde .. un show français ... Sylvie Vartan dans ses plus beaux décolletés, Julien Clerc, Michel Fugain ... Un Syrien de l'hôtel s'étonne que l'on aille ... au Yeman.. où il n'y a rien à voir, dit-il ! On prend le bus de l'aéroport à 23 hres. Il doit en avoir encore un à 24 hres, mais c'était plus sûr.
A l'aéroport
On prend le bus de l'aéroport à 23 hres. Il doit en avoir encore un à 24 hres, mais c'était plus sûr. A l'aéroport, c'est la foule, et la bagarre pour l'enregistrement des bagages. On y retrouve deux gars français, qui voyagent aussi en indépendants, Henri Piollet et François Serre. Eux, ils se sont bien débrouillés et ils ont trouvé le moyen d'aller à Palmyre, en prenant les bus Karnak à 7 hres du matin tout de suite en sortant de l'avion. Ils ont dormi là bas, et sont revenus le lendemain matin. Ils se joignent à nous, et on enregistre les bagages tous ensemble, comme si on était en groupe. Il faut dire qu'étant touristes européens, on nous a fait passer devant tous les locaux qui se poussaient devant le bureau. Il y a beaucoup de monde car notre avion fait escale à Djeddaien (Djedda), en Arabie Saoudite. Et tous ces gens, ils vont à Djedda pour gagner beaucoup d'argent et revenir ensuite dans leur pays. Ensuite il faut faire la queue pour obtenir plein de timbres sur le passeport. Et là, une sale affaire s'est passée : on avait re-changé toutes les livres syriennes qu'il nous restait, et on ne savait pas qu'il fallait payer, encore, pour sortir du pays. On n'avait plus rien.On décide de payer en dollars, et ça marche, on passe. Mais voilà que quand les autres ont voulu payer, eux aussi en dollars, en disant que nous, on l'avait déjà fait, et qu'un chef a entendu ça, il a découvert que les employés avaient empoché les dollars sans mettre sur nos passeports les timbres correspondants. Si bien qu'on se trouvait en situation illégale. Le chef qui avait découvert ça nous a fait revenir, nous a demandé de signer un papier pour qu'il puisse engager des poursuites au sein de son service, et il nous a régularisé le passage. Car, en principe, avant de passer à ce bureau, il faut aller à un autre bureau, pour y acheter les timbres à coller sur le passeport, et qui sont ensuite tamponnés à ce deuxième bureau où il y a une queue énorme. C'est très simple... Enfin, comme on était très en avance, ça a fait passer le temps... Commence de nouveau une longue attente dans l'aéroport de Damas.
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Le vol de Damas à Sanaa DAMAS - DJEDDA - SANAA - Vol RB 383
Boeing 727 Il était prévu initialement sur la convocation pour décoller à 1h15 du matin. Reculé, déjà à la confirmation du vol à Damas, à 2h15.
Les heures passent : 3 hres, 4 hres... Plusieurs "faux" appels, car, en plus, on ne comprend rien de ce qu'annonce l'hôtesse par le haut parleur.
On finit par s'étendre tous par terre, en rond. (On a retrouvé le groupe organisé de nouvelles Frontières qui était dans le même avion vers Damas que nous). On est tous couchés, écroulés, à moitié endormis à 5 hres du matin. Au début, nous nous étions moqués des Arabes qui avaient installé leurs tapis par terre au milieu de l'aéroport, et qui buvaient le thé sur leur tapis.
L'embarquement a dû avoir lieu vers les 5 hres du matin. Ça a été la ruée. Et ça poussait là dedans ! Et comme pour la fouille il y avait une file pour les hommes et une pour les femmes, on avait un mal fou à se trouver dans la bonne file. Et les femmes complètement voilées qui se marraient tant qu'elles pouvaient quand elles étaient fouillées.
Je me suis pas trop mal débrouillée, et je me suis retrouvée dans les premières à accéder à l'avion, complètement crevée, en manque de sommeil.
Je me suis à peine rendue compte de l'escale de Djeddah, j'ai refusé le repas, tant que je me trouvais entre sommeil et éveil.
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Yemen 1977 SANAA Lundi 12 septembre 1977
On est arrivé à Sanaa au petit matin. Il y a environ 3 hres de vol de Damas à Djeddah, et ensuite, une heure et quelque pour Sanaa. Et on prend une heure de décalage horaire.
Arrivée à l'aéroport de Sanaa
Formalités faciles. pas de monde dans l'aéroport. Douanes : une croix sur le sac sans l'ouvrir. Change : 1 Rial = + d'1FF (≈ 1F20)
Le taxi :
Nous sept + un Anglais, tout seul, et à qui on a proposé de se joindre à nous. Longs, très longs pourparlers avec les chauffeurs de taxis, qui sont nombreux, mais qui ne veulent pas baisser le prix à moins de 10 rials par personne.
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Sanaa Recherche d'hôtel :
A Sanaa, le premier hôtel qu'on essaye de voir est l'Oriental. Il nous paraît dégueulasse pour un prix exorbitant. On va voir celui d'en face, là où le groupe Nouvelles Frontières est descendu, à l'Al Zohra. L'hôtel paraît un tout petit peu moins minable, pour un prix aussi exorbitant. On se fait une raison, on ne doit pas pouvoir trouver moins cher dans cette ville, on nous avait dit que les hôtels étaient très chers. On demande à voir la chambre ... c'est tout juste. Pas très réjouissant. A côté, notre hôtel de Damas, le City Hôtel, était un palace !!
Hotel Al Zohra
Donc, chambre à trois pour 72 rials, avec des sanitaires extérieurs, communs à tout l'étage, qui seront régulièrement bouchés, et une douche éclaboussant par dessus bord. Seul avantage : notre chambre donnait par derrière, (absolument nécessaire si on veut dormir), et avait une terrasse très pratique pour faire sécher le linge, ou les cheveux, et qui faisait qu'on se sentait un peu moins à l'étroit dans notre chambre. On est au dernier étage, chambre n°33, et on découvre une vue magnifique sur la vieille ville de Sanaa. Mais que c'était haut pour y grimper à notre étage !
Petit déjeuner Petit déjeuner : 6 rials. Très copieux : du pain, bon, avec du beurre (en boite), du Kraft cheese (en boite), et de la confiture (en pot). Il est bon, mais, une demie heure d'attente avant d'être servi, et chaque matin des crises de nerfs sur la lenteur du même qui prépare le petit déjeuner devant vous, si bien qu'on a fini qu'on a pris les choses en main, et que l'on se l'est préparé nous même, ce qui a entraîné les foudres des serveurs.
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Sanaa Matin : formalités administratives
On doit aller accomplir les formalités administratives : D'abord aller chercher au Bureau de l'Immigration le visa d'entrée. En principe l'hôtel s'en occupe, mais, comme on voulait récupérer nos passeports tout de suite, on y est allé avec eux.
Deuxième démarche : aller à l'Office du Tourisme, pour savoir si les routes vers Saada et de Maarib sont ouvertes ou fermées, car les bruits courent très fortement, qu'elles sont encore fermées à cause des rébellions des tribus. L'Office du Tourisme est fermé ! Tous ces bâtiments se situent autour de la Place El Taghir qui est le point central de la ville de Sanaa.
Nous allons donc chercher les informations à l'Ambassade de France, qui se trouve rue Abdel Nasser. on a un peu de mal à la trouver. Les ambassades de tous les pays se succèdent, et l'Ambassade de France est assez loin au bout de la rue. C'est un endroit agréable, calme, et frais. Ils sont bien installés. Accueil très cordial. On nous dit que les routes sont effectivement fermées, et on nous déconseille fortement de nous y aventurer. On nous donne également volontiers quelques renseignements touristiques.
Après-midi :
Le problème du repas commence à se poser, car on est encore pour quelques jours en pleine période du Ramadan. Et il est très respecté ici : Toutes les boutiques sont fermées. On a avec nous quelques conserves qu'on avait emporté de France, elles sont bienvenues. On fait une petite sieste, puis, vers 16h30, on part se promener dans la vieille ville. C'est un peu tard pour les photos, le jour décline. Très vite on est abordé, et, invité. D'abord par un type qui insiste pour qu'on aille boire le café chez lui. Il a une belle maison. Ils nous fait entrer et nous offre un café ... dégueulasse, un genre de café avec le marc mélangé. Et on s'aperçoit qu'il nous a invités, en fait, pour nous vendre des pierres et des bijoux. Sans intérêt. Deuxième invitation : par des femmes. Elles nous font visiter toutes le pièces de leur maison, et nous offrent des galettes de pain. Elles veulent nous faire goûter la halba qu'elles sont en train de préparer, et qui ne nous inspire pas trop confiance. Tout e qu'elles étaient en train de préparer, elles voulaient nous le faire goûter, et nous en donner.
Soir : Les restaurants se sont ouverts, et c'est la grosse pagaille. A côté de l'hôtel, on cuit des poulets à la broche à la chaîne. On s'offre un poulet pour 20 rials, et une assiette de riz pour 2 rials. le seul spectacle du restaurant vaut la peine d'être là.
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Lundi 12 septembre 1977 - Sanaa (2 ème jour) - Wadi Dhar J'ai été réveillée très tôt, 6h30, comme ce sera tous les matins. On tente notre première sortie vers les environs de Sanaa. La ville est encore déserte lorsqu'on part, et comme en plus c'est le Ramadan, il n'y a pas beaucoup de taxis-services sur la grande place. On nous indique la direction de la sortie de la ville, dans la direction du Wadi Dahr qui se trouve à 15 km au nord de Sanaa. Wadi veut dire "vallée".
Donc, on marche un petit peu, en faisant signe aux taxis qui passent. le premier nous propose un prix exorbitant. le deuxième, nous propose 20 rials. Accepté. On traverse la montagne. Ce sont les montagnes qui entourent Sanaa. Puis c'est une route plutôt caillouteuse.
LE WADI DAHR Dans le Wadi Dhar se situe l’un des monuments les plus célèbres du Yémen, le Dhar Al-Hajjar, le Palais du Rocher. Ce palais a été érigé en 1786 sous le règne de l’imam Al-Mansour Ali Bin alMahdi Abbas, et c’est vers 1930 que l’imam Yahia l’a fait agrandir dans le but d’en faire sa résidence d’été. Il domine le Wadi Dhar de ses cinq étages.
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Wadi Dhar Le palais se dresse sur un piton. Très bel ensemble, très beau bâtiment. on s'y dirige, mais un gamin nous fait comprendre qu'il est fermé jusqu'à 13 hres, car les gardiens ... dorment encore (c'est le ramadan). On va alors, donc, se balader. Il fait un vent terrible. On suit le ours asséché du wadi dans la pierraille, et on arrive dans le village. On est assailli par les gosses, ils ne nous lâchent pas, une vraie meute. ils finissent par nous jeter des pierres. On sort du village, on parvient avec beaucoup de mal à les semer. Et on se promène dans la campagne. On croise des femmes, qui sont en train de laver, ou qui s'arrêtent pour nous regarder lorsqu'on s'assoit. On s'en retourne vers le palais, et on s'assoit dans un coin en attendant l'ouverture. les enfants et les femmes se plantent devant nous et nous regardent en se marrant. Echanges de mots et de regards. Puis trois hommes arrivent et nous font signe de les suivre. Ils nous font entrer chez eux, nous font asseoir sur des coussins. L'un est encore allongé en train de dormir. On le réveille ! Ils nous offrent du pain et du thé, que l'on ne veut pas accepter. Ils nous font comprendre qu'ils sont la police du Wadi Dahr, et que ce sont eux qui sont chargés d'ouvrir la porte. Ils nous montrent la clé. Une clé si grosse, digne de Barbe Bleue. L'un d'eux porte une magnifique djambia, ce poignard traditionnel yéménite à large lame , dans un fourreau d'argent. On reste là, assis, un bon moment, jusqu'à ce qu'ils se décident à aller nous ouvrir. La grosse porte s'ouvre, et ils nous servent de guides, nous faisant visiter toutes les pièces du château, les vitraux,(Les vitraux multicolores sont une spécialité yéménite, ils se trouvent audessus des fenêtres ou des portes intérieures), la cuisine, jusqu'à la terrasse d'où l'on découvre le panorama. Là-haut le vent est insoutenable, et j'ai de gros problèmes avec ma jupe qui se soulève, et c'est le fou-rire, car mon guide porte lui aussi une jupe, et il a les mêmes problèmes de décence que moi. On se quitte en prenant des photos de toute la troupe, et comme on leur explique que ce n'est pas un Polaroïd, ils veulent nous donner leur adresse, en écriture arabe, pour qu'on leur envoie la photo de Paris ! Au sortir du village une voiture s'apprête à démarrer. On demande : Sanaa ? Oui... 9 rials... OK. C'est une Toyota camionnette, et on grimpe derrière, à l'air libre. Ça cahote un peu au sortir du village sur la piste, mais la balade en plein-air, sur le retour vers Sanaa, est sensationnelle, et c'est bien mieux que le taxi fermé. On arrive à l'hôtel vers les 15 hres, et... on se couche. Le soir Pourparlers pour obtenir une Toyota et un chauffeur pour partir le lendemain. On nous présente à l'hôtel Ali Azar qui nous sert d'intermédiaire auprès d'un chauffeur. Mohamed a l'air sympa. Il est d'accord pour 300 rials par jour, d'accord sur le trajet, tout à l'air de bien s'annoncer. On va boire un pot ensemble, et après on va dîner du poulet traditionnel.
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Lundi 12 septembre 1977 - Partir de Sanaa
On est un jour de fête : c'est la fin du Ramadan. Et on en a su quelque chose : toute la nuit les mosquées n'ont fait que brailler.
On avait rendez-vous à 8h15 avec Mohamed, le chauffeur, devant l'hôtel. personne. On pense que ça doit être habituel, dans ce pays-là, d'attendre. Mais l'attente se fait longue. On tente de joindre Ali Azar qui travaille au Sam City Palace, le dernier palace de la ville, ouvert depuis deux mois seulement. Sans succès.
Alors, on y va au Sam City Palace, on arrive à le trouver, et il nous dit qu'il va venir d'ici une demie heure. Quand on revient à notre hôtel, on trouve devant la porte de notre hôtel, une Toyota avec un chauffeur qui n'est pas du tout celui qu'on a rencontré la veille, et qui nous dit être venu pour nous emmener.
Nous ne marchons pas dans la combine. Nous avons, la veille, signé un contrat avec Mohamed, et non avec celui-là ! Un petit gamin, qui vient de Djibouti, et qui parle parfaitement le Français et l'Arabe, nous fut d'un grand secours pour les pourparlers, prenant notre parti, et écoutant tout ce qui se disait.
Il est déjà 10h30. le chauffeur menace de partir. Ou plutôt, on apprend que lui, il n'est pas le chauffeur, mais il est le propriétaire de la voiture. On décide d'aller ensemble chercher le chauffeur. On apprend que le chauffeur, qui était prévu, est parti brusquement pendant la nuit pour Taez !
Ali Azar n'étant toujours pas arrivé, on décide de retourner au Sam City Palace. Rencontre et discussions entre Ali Azar et le propriétaire de la voiture. Longs pourparlers en Arabe. On attends le résultat de cette longue conversation, qui par ses mimiques, fait penser à une scène de pièce de théâtre.
Ali nous fait enfin le compte-rendu : Mohamed, le chauffeur d'hier soir a appris soudainement cette nuit le décès de quelqu'un de sa famille, et est parti pour Taez. Le propriétaire de la voiture veut bien nous conduire, mais à raison de 400 rials par jour au lieu de 300. Voilà la farce qu'on tente de nous faire avaler. Pour nous le chauffeur était d'accord pour 300 rials par jour mais le propriétaire de la voiture ne l'a pas été, et s'est intercepté.
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Sanaa
Le problème c'est qu'on est le jour de la fête de la fin du Ramadan, et qu'on a aucune chance de trouver une autre voiture, la plupart des Yéménites étant partis dans leurs familles pour faire la fête. Personne ne travaille aujourd'hui, ça se comprend, et ici quand il y a fête, on ne fait plus rien pendant une semaine ! On risque donc d'être coincés à Sanaa pendant 4/5 jours, au moins. Il faut donc partir aujourd'hui à tout prix. On cède sur la moyenne, 350 rials par jour... prix accepté.
Mines réjouies, embrassades entre le propriétaire de la voiture, qui se nomme Abdallah et Ali Azar. Abdallah est d'accord quant au circuit.
On retourne à l'hôtel, mais on se dit qu'avec cet Abdallah-là, on aura des problèmes...
Départ de Sanaa
Il faut dire qu'il est midi. Et on s'embarque donc à sept dans la Toyota, deux à l'avant plus le chauffeur, trois au milieu, deux derrière, ainsi que notre petit de Djibouti, qui continue à nous aider jusqu'à la sortie de la ville, pour qu'on re-signe un nouveau contrat... avec Abdallah, qui indiquera le trajet, et la somme de 700 rials, que l'on donne immédiatement pour deux jours d'avance. Il faut dire que le premier mot qu'on entend prononcé par Abdallah, est "flouss, flouss" !
Ensuite, il faut partir à la recherche de l'essence, car une, deux pompes à essences ... ouvertes ... mais vides. On parcourt tout Sanaa. Il est 13 hres. 13h30 quand, enfin, on quitte cette ville avec beaucoup de joie.
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En gros notre circuit
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MANAKHA Mercredi 14 septembre 1977 La route de Sanaa à Manakha : La route est une route montagneuse, très belle, ce qui nous met de meilleur humeur. On grimpe de plus en plus jusqu'à franchir un col, et Manakkha se trouve derrière, en haut d'un piton, au milieu de terrasses cultivées. On n'a pas mangé à midi. Tout au long du voyage, seul Abdallah réclamera à s'arrêter pour manger, par un "mangiare" habituel, parce que son père était allé en Italie. Et il lui faut chaque jour qu'il achète son quat, qu'il mâchonne en conduisant.
MANAKHA
On arrive à Manakkha dans l'après-midi. Ce n'est pas très loin en fait, deux heures trente de route goudronnée environ. On nous indique le funduk. Des marches à monter. Pas très facile avec le sac à dos et l'altitude. On est à 2200 mètres d’altitude. Et ensuite il faut encore grimper dans le funduk un escalier, très étroit, aux marches très hautes, car les pièces dans les maisons yéménites sont toujours en hauteur.
On nous donne une pièce pour nous sept. Des matelas de mousse sont posés par terre. Une pièce pas très grande. On décide qu'on mettra les matelas côte à côte, comme pour faire un grand lit pour arriver à dormir à sept. Toutes les chaussures sont enlevées à la porte car l'espace manque à l'intérieur, et les sacs à dos sont posés en ligne contre un mur.
On sort faire un petit tour. D'abord vers la fontaine qu'on nous a indiquée : il y a une source un peu en descendant où l'on peut prendre de l'eau et se laver.
Au fait, le funduk a des WC à chaque étage, très rudimentaires : la colonne d'eau n'est pas accrochée et dégringole sur la tête lorsque l'on tire la chasse.
On rencontre un voyageur, qui lui en est à la fin de son voyage, et il nous fait part de ses impressions. Il nous parle des sources chaudes sublimes, dans lesquelles il s'est baigné, et des "splendides" nuits de Manakkha où le réveil se fait d'abord par les aboiements des chiens à l'aurore, puis par les haut-parleurs de la mosquée qui donne en plein sur le funduk. A part cela, on y mange bien ...
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Jeudi 15 septembre 1977 – Manakha (2 ème jour) Quelle nuit !
Comme on nous l'avait dit, ça a commencé par les chiens, je ne sais pas à quelle heure. malgré les boules Quies, on entend quand même. puis à 4 hres, l'appel du muezzin. Je me dis que ça va se terminer, que je vais me rendormir. Mais ça dure, Ça dure. ça a duré 3/4 d'heure, et ça n'a fait que me réveiller d'avantage. Il fait encore sombre dans la pièce. Tout le monde s'agite dans son sac de couchage. Visiblement on est tous réveillés. Je me rendors. Il est 5 hres. Myriam qui était allée dormir dans une autre chambre pour avoir la paix lors de la fiesta d'hier soir, ouvre la porte en criant "Bernard" ! Ils avaient décidé d'aller voir le lever du soleil. Je me rendors. Il est 7 hres. Les garçons se lèvent, s'habillent et partent. On ouvre l'oeil, et cette fois c'est pour de bon, la nuit est terminée.
Je descends pour essayer de trouver quelqu'un pour le petit déjeuner. Je trouve quelque chose qui ressemble à une cuisine, et une femme. dans mon arabe usuel, j'essaye de lui demander mon petit déjeuner. Ça a bien marché, puisque peu de temps après, elle nous apporte, dans notre chambre, deux thés et un verre d'eau chaude pour mon Nescafé (que j'ai emporté de France), plus un plat de galettes ruisselantes de miel, un peu dans le genre du gâteau d'hier soir. Difficile à manger car le miel dégouline de partout, mais délicieuses et copieuses.
On part à 8 hres pour se promener dans la montagne. On va au delà de la source en direction d'un village qu'on aperçoit devant nous, au loin, sur un piton.La route traverse des paysages splendides en terrasses. On croise des ânes, des hommes, des voitures. Les mômes nous escortent, sympas, et tiennent des discussions... Il y a un village sur la droite, et de ce village descend toute une troupe d'hommes, musique en tête, comme si c'était pour une fête. On les suit, et on sympathise. On peut faire toutes les photos qu'on veut. En fait, il n'y a pas de fête, il ne se passe rien. Puis, on rebrousse chemin, et on va voir le village qu'on avait laissé de côté. Il y a de splendides maisons dont une toute colorée avec du blanc et du jaune. Les femmes nous donnent des amandes. On donne des bonbons et des trombones aux enfants. Mais très gentils qu'ils étaient au début et pas ennuyeux, ils deviennent, eux aussi, par la suite, très agaçants et très accrocheurs et poussent des braillements lorsque l'on tente de quitter le village. Sur le retour, une voiture, une Toyota camionnette, nous prend en stop sans qu'on ait demandé quoi que ce soit. On est bien contant, en fait, car on se rend compte que la distance était assez longue. On ne nous demande même pas d'argent. De retour au funduk, la discussion reprend au sujet de la note à payer : 10 rials par lit, 10 rials pour le repas, mais 15 rials parce qu'il y avait de la viande. La discussion se pose à cause de la viande pare qu'on y a vraiment pas touché.
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De Manakha à Beit El Faqui en passant par Bagil Jeudi 15 septembre 1977 Départ de Manakha : On part vers les midi, et encore une fois avec la provision de qât. la route descend. on va descendre assez vite, jusqu'au niveau de la mer. On guette avec impatience la rivière dont nous a parlé François, et qui doit se trouver au sortir de Mankha, car la chaleur se fait de plus en plus sentir. Mais c'est après pas mal de route qu'on la découvre : une magnifique cascade.
La cascade :
On s'arrête. l'accès à la cascade n'est pas facile.Il faut passer par pas mal de gués. Et à certains endroits les pierres sont trop recouvertes par l'eau et on doit se déchausser, et pieds nus, les pierres se révèlent être très glissantes. Et c'est comme ça que moi qui suis la première à passer, je me retrouve toute habillée, allongée dans l'eau, retenue par le bras par un sauveteur venu à mon secours. Ce "sauveteur" fait partie d'un groupe de coopérants arabes qui pique-niquaient près de la cascade, faisant cuire du mouton sur un feu de bois.
On fait connaissance (en anglais), ils nous offrent des morceaux de leur mouton.... et du whisky de leur gourde ...
Bain et toilette dans la cascade, au dépit de la décence.
Le retour par le passage périlleux s'avère plus facile car cette fois je garde mes chaussures pour marcher dans l'eau, tant pis, elles seront trempées, mais au moins elles accrochent. Au retour mes vêtements sont presque secs.
On descend de plus en plus vers la Tihama. Le nom "Tihama", "hama" ou "hum" signifie "chaleur", ou "pays bas". C'est une bande sablonneuse de 40 à 80 km de large qui borde la mer Rouge. De fortes chaleurs, de 30° C à 45° CLa chaleur est forte. le vent souffle, mais il est chaud. On colle dans la voiture.
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Bagil Une halte pour prendre un thé dans un petit "café". Une chaleur humide et moite. peu d'animation. Une ville triste, à l'approche de laquelle se trouve une usine de cimenterie ... Russe !
On fait un tour. Des huttes comme en Afrique, mais entourées de murs, si bien qu'on ne peut rien voir. Cette région est tournée vers la mer Rouge et donc vers la Corne de l’Afrique et est marquée par l’influence de la culture africaine jusque dans son architecture ou sa cuisine. La chaleur et le silence rompu par le bruit des motos, qui est le moyen de locomotion principal ici. Vraiment aucun intérêt à rester dans cette ville.
La route traverse ensuite un désert de sable. On s'arrête sur la route pour aller voir un village de cases que l'on a aperçu au loin. On prend des photos. Indifférence complète des gens du village, aboiement des chiens.
Toujours aussi chaud.
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BEIT EL FAQUI Jeudi 15 septembre 1977
Beit al Faqih signifie « la maison du lettré ». Cette ville doit son nom à son fondateur, un sage nommé Cheik Ahmad Ibn Aujail. Au 18 ème siècle...
Enfin Beit el Faqui. Enfin, est un grand mot, on cherche le funduk. Les indications sont contradictoires. On va d'abord au centre, puis on nous renvoie vers l'entrée du village. Et il faut bien admettre que ce que l'on nous a indiqué est un funduk ! parce que des lits de corde tressée sont disposés dehors.
Il y en en fait deux, trois funduks qui sont accolés. On va voir. Ils sont tous pareils : une pièce sans fenêtre au rez de chaussée avec une porte, et où on crève de chaleur et de manque d'air, ou alors les lits dehors, en bordure de la route... Mais si on dort dehors, on met les bagages où ? Le tarif est de 2 rials par lit. Ça c'est bien un funduk yéménite, et pas pour touristes...
Mais Myriam a une bonne idée, elle demande s'il n'y a pas de terrasse. Eh oui, un escalier conduit à une terrasse. On sera à l'aise là-haut. Seuls, en plein air, sur un endroit propre, et personne ne viendra voler nos bagages. C'est décidé, on montera les matelas sur la terrasse.
Evidemment dans ce genre de funduk il n'y a pas d'eau, et les WC sont dans la nature.
Manger :
On cherche à manger, et surtout à boire car les gourdes sont vides, avec cette chaleur. On n'a trouvé aucun point d'eau depuis la cascade. Une boutique au village veut bien nous préparer à manger. On rempli les gourdes avec du "Miranda Orange" qui est... chaud. C'est ce qu'il y a de plus dégueulasse, mais on n'a que ça à boire.
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Beit El Faqui Le repas : une boite d'haricots blancs épicés + un peu de sauce tomate et un oeuf mélangé là dedans. Pour un prix je crois de 3 rials. On a un gros morceau de pain pour manger, car il n'y a pas de couverts. Ce n'est pas facile ! Mais on a nos ouverts de camping, matériel de tout voyageur, heureusement, car ce n'est pas facile de manger des haricots avec une miche de pain.
Dormir :
Il ne reste rien d'autre à faire qu'à aller se coucher. Il n'est pourtant que 19h30. A l'assaut de la terrasse. On y trouve les matelas déjà installés les uns à côté des autres, un véritable dortoir. Le pire, c'est que cette fois, on doit se taper Abdallah avec nous dans le dortoir !
Il fait chaud, mais le vent souffle. On asperge nos matelas de poudre anti-puces, c'est la première fois qu'on le fait. mais on est bien content de l'avoir emporté. Un drap de couchage suffit, et je supporte quand même un chemisier à manches courtes. Je m'enduis de repellent contre les moustiques, car en plein air, et dans la Tihama, on ne sait jamais.
Et on essaye de dormir, avec les boules Quies, bien entendu, mais en vain, car on est en bord de route dirai-je "nationale") et les motos tonitruantes ne cessent de passer. Entre le vent qui souffle, et le bruit des motos, on met des heures à s'endormir. Et ça remue dans les sacs à viande ! En désespoir de cause, je prends un somnifère. Très efficace, chose à emporter en voyage, tout comme les boules Quies.
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Vendredi 16 septembre 1977 – Beit El Faqui Ce matin, les chiens, les motos, et les mosquées, ont eu vite fait de nous réveiller. Il est 6 hres. Il fait jour. On a passé tout de même une bonne nuit en plein air.
Le temps de ranger les affaires et on aperçoit deux Toyotas sur la route. C'est le groupe organisé Nouvelles Frontières qui était dans le même avion de Paris que nous. de la terrasse on leur fait de grands signes. on apprendra qu'eux, ont dormi dans un champ. Ce rassemblement n'est pas tout à fait un concours de circonstances, car, eux, comme nous, nous avions prémédité d'être à Beit el Faqui, le Vendredi, parce que c'est jour de marché, et l'un des plus importants de la région. On nous avait dit, malheureusement, que justement il n'y aurait pas de marché aujourd'hui, à cause des fêtes de la fin du Ramadan, mais on avait voulu quand même tenter notre chance.
Le problème à résoudre maintenant c'est le café du matin. je demande à tout hasard à un homme du funduk, s'il y a "maya marlea sokhun", ça veut dire "eau chaude bouillie". Et en une minute il m'apporte un verre d'eau chaude. Et je peux préparer mon Nescafé (emporté de France). Et du coup, je suis la seule à avoir eu mon café.
On part à pied vers la ville, et on donne rendez-vous à Abdallah au centre ville. On retrouve là-bas le groupe Nouvelles Frontières, ils prennent leur thé. On échange nos souvenirs de voyage. Tout le monde prend son thé ensemble, et il y a du bon pain tout frais que l'on couvre de "golden syrup". On va visiter la ville. Il y a quand même un rassemblement de marchands assez important. C'est très animé, plein de gens pittoresques, et il y a un marché au bétail fantastique, hameaux et chèvres. On passe la matinée à déambuler dans ces ruelles si passionnantes. Le problème c'est encore de trouver à boire, et frais si possible, car la gourde est à sec. Entre les "mixed fruit can" et les "Canada dry" et les "Miranda Orange"... pas d'eau minérale ! Ici, on vend de l'eau, dans des bidons. L'eau est fraîche et j'en achète, 1/2 rial, pour remplir ma gourde.
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ZEBIB Vendredi 16 septembre 1977 On quitte Beit el Faqui à 13 hres en direction de Zebib, qui n'est pas très loin.
Zebib, ou Zabib, est une ville qui a eu son heure de gloire : fondée par le dernier gouverneur abbasside de la région, Muhammad Ibn Ziyad, au début du 9 ème siècle, capitale du Yémen entre 1295 et 1400, elle a connu un rayonnement allant au-delà des frontières du pays et a été un centre intellectuel grâce à son université. Des intellectuels du monde entier se réunissaient à Zabid pour partager et diffuser leurs savoirs. Le faste de cette époque était souligné par la beauté de la ville. Zabid était entourée de milliers de palmeraies étalant sa richesse naturelle, et comptait de nombreux palais et mosquées.
Quand on arrive, la ville est assez déserte. A l'entrée, une mosquée, vide, et des bâtiments à l'architecture assez belle. On se fait une toilette en utilisant le jet d'eau de la mosquée. Puis il faut attendre Abdallah, qui lui, est parti... manger.
On s'assied sur une pierre et on discute avec les gens. Echange de cadeaux et de photos.
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Zebib
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Vendredi 16 septembre 1977 - De Zebib à Taez
Las d'attendre, on se rend là où Abdallah est en train de manger. Il est en compagnie de ses copains, les chauffeurs du groupe Nouvelles Frontières, et ne veut plus les quitter. C'est avec beaucoup de difficulté qu'on arrive à le tirer et à le décider de prendre la route avant eux. Cela fait deux heures qu'on l'attend. On repart. Sur la route on s'arrête dans un village de cases où deux femmes tiraient de l'eau à un puits.
On s'arrête ensuite à HAYS, petit village célèbre pour ses potiers. Mais on a bien du mal à les trouver ces potiers. On passe par les ruelles du village et on finit par en trouver... un. Encore une légende passée.
Un tournant. C'est la fin de la ligne droite qui longe la Tihama. Et on bifurque vers TAEZ.
Le paysage est très très beau. Les montagnes. Le ciel se couvre. De la pluie s'annoncerait-elle ?Ce serait la première pluie. On descend les bagages qui étaient sur le toit de la voiture, et on se serre dans la voiture, avec les bagages. Éclairs et petite pluie fine, mais qui mouille. On nous avait dit qu'à Taez, il pleuvait très tard dans la saison.
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TAEZ Vendredi 16 septembre 1977 - A la recherche d’un hôtel A Taez il est difficile de trouver un hôtel, non qu'il n'y en ait pas, au contraire, et des beaux, mais ils sont hors de prix !
1 er hôtel : Al Khaukh
Abdallah nous conduit d'abord au Al Khaukha, superbe, situé sur une colline d'où on domine la ville et les montagnes, hall d'entrée hic, moquette, fauteuil, enfin un hôtel tel qu'on n'en n'avait pas vu depuis longtemps. Prix des chambres 150 FF pour trois et 120 FF pour deux. C'est relativement trop cher, et puis l'hôtel est en dehors de la ville. 2 ème hôtel : le Deluxe Hotel
Là, pas de problème, il n'y a plus de chambres !
3 ème hôtel : le Piazza Hotel
Un peu plus bas, le Piazza Hotel, qui arbore sur son entrée un écusson JSF. 120 rials la chambre de trois ...
4 ème hôtel : le Al Nahan
Situé dans la vieille ville. Alors là, pour 10 rials, c'est le funduk ! dans sa pire description. Une odeur d'urine dans tout l'hôtel, les chambres sont minables. Et le funduk d'à côté est tout pareil.
Au final, sans regret, on mettra 40 FF par personne, et on ira au Piazza. 40FF c'est cher payé, car la chambre ne les valait pas, quoique les lits soient bons, et la salle de bain est dans le couloir pour ce prix là. La douche ne coule pas, la chasse d'eau ne fonctionne pas, et on risque de s'y trouver enfermé une fois le verrou fermé. Les garçons ayant un chambre de deux, avec salle de bain privée, c'est chez eux qu'on est allé se décrasser, et se laver les cheveux. Cela faisait un bon bout de temps qu'on était sale !
Ensuite, le repas. Une salle à manger, une nappe, des serveurs... on se sent des fringales, surtout à la vue des frites dans l'assiette de notre voisin. On prend un poulet frit avec frites, 15 rials ! et on boit l'eau de la gourde. 30
Samedi 17 septembre 1977 – Taez Le matin :
Après un petit déjeuner de toasts, pain frais (le pain est excellent dans cet hôtel), beurre et confiture, on se retrouve dans le hall de l'hôtel pour prendre une décision. Normalement, on aurait dû rester un jour à Taez, pour visiter la ville et les environs, Turbah, par exemple. Mais la ville ne nous dit rien du tout, des bâtiments modernes sans charme. Les garçons, qui, la veille ont rendu visite à une femme médecin, amie de leurs parents, et qui réside au Yemen depuis 20 ans, nous font un compte-rendu : Turbah = sans intérêt. Taez = sans intérêt. Ibb et Djibla = oui. La région des volcans, elle ne connaissait pas.
Ils nous racontent aussi la curieuse histoire des poulets du Yeman. Les poulets que l'on voit à la broche en série, alléchants, à la devanture des restaurants, arrivent congelés de France sur les ports de la Tihama, Hodeidah... Là, ils restent des semaines, se décongèlent par la forte chaleur, il paraît même qu'on voit leur sang couler, et ensuite ils sont re-congelés pour être envoyés sur Sanaa et ailleurs. A l'idée des microbes qu'on a pu avaler en dégustant nos poulets, l'unique viande que l'on pouvait manger au Yemen, on est plutôt écoeuré.
Grosse discussion avec Abdallah
Notre décision est prise : on ne reste pas un jour de plus à Taez. Le plus dur est de faire avaler ça à Abdallah. Car cela lui supprime, d'une part, une journée de salaire, et d'autre part, il avait prévu de retrouver ici ses copains chauffeurs, qui avaient fait un détours par Mokkha et Al Khaukha, et avaient donc un jour de retard sur nous. Et ça nous ne le voulions absolument pas, parce que chaque fois qu'il est avec ses copains chauffeurs, ils le résonnent et il devient intraitable. La discussion est dure, et ça, il ne nous le pardonnera pas cette journée en moins à Taez. On joue sur le fait que lui, n'a pas voulu aller à Hajja. Et la question "flouss" revient. Ce qu'il a toujours eu peur, c'est qu'on n'ait pas d'argent et qu'on ne puisse plus le payer. Surtout qu'on dort dans des funduks, et qu'on n'a pas les moyens de se payer les hôtels. On arrive à le faire céder, mais on sent que la discussion va reprendre quand il s'agira d'aller à Damt, où il faut prendre de la piste, et on s'est bien rendu compte qu'il ne tenait pas à faire de la piste.
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Taez
Les Souks :
On décide tout de même avant de quitter Taez de jeter un coup d'oeil aux Souks. On demande donc à Abdallah de nous y emmener une heure.Le souks n'ont pas grand intérêt. C'est plutôt sale et il n'y a rien à acheter.
On y fait des rencontres, et des gens qui nous accrochent, et nous racontent leur vie. Un type qui est allé en France, à Marseille, et qui parle le Français. Un autre qui, lui, parle l'Anglais, et qui nous parle de la prochaine visite de Valéry Giscard d'Estaing au Yeman, où il est invité par le président, qui lui, s'est déjà rendu en France.
Rencontre :
Et puis, on rencontre une fille très sympa, qui nous parle en Français. Elle vient de Madagascar, ou plutôt exactement des Comores, qu'elle a fuis avec sa famille, lors des événements aux Comores. Elle est là avec son frère et ses deux enfants, et elle travaille à l'Ambassade à Djeddah en Arabie Saoudite. C'est son père, qui est Yéménite, qui a voulu revenir au Yemen, mais eux ne s'y plaisent pas, et veulent retourner en Arabie Saoudite où... tout est mieux... Elle nous montre son passeport français, semblable au nôtre, pour nous prouver qu'on peut aller en Arabie Saoudite , comme ça, avec un passeport français, ce qui nous étonne.
On reprend les autres à l'hôtel, et on s'embarque en direction de Ibb.
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Samedi 17 septembre 1977 – De Taez à Djibla avec un stop à Ibb On s'embarque en direction de Ibb.
En route : On s'arrête dans un petit village inconnu où il y a un beau ?. On a raté Djanet, à cause du guide. (Djanet se trouve à 5 km de Taez, presque à la sortie).
IBB
La pluie s'est mise à tomber en route, et on arrive à Ibb dans une ville inondée où tout patauge dans la gadoue. On cherche à manger, mais se déplacer dans la gadoue pose de gros problèmes. On stationne dans une boutique où on boit du thé, et on s'en retourne à la voiture pour manger les quelques boites de Kraft Cheese que nous possédons en stock. C'est tout ce que l'on verra de Ibb. Il semble y avoir une belle vieille ville sur la colline, mais la pluie, et le marécage, nous a fait fuir, avec l'espoir de trouver un hôtel à Jibla, plus reposant que cette ville.
En route pour Djibla
La pluie a cessé et la piste est heureusement plutôt sèche et facile. Djibla est à quelques kilomètres.
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DJIBLA Samedi 17 septembre 1977 Djibla est située sur un promontoire au milieu des montagnes. Le site est très beau. Il y a, à l'entrée du village, un hôpital américain très connu et très moderne.
Logement en funduk
Il y a un funduk, tout neuf, et très, très propre, avec WC et eau dans les couloirs, et douche à l'étage. 15 rials le lit. Mais ça les vaut. C'est presque un hôtel. En plus, on sera les seuls résidents cette nuit-là.
La ville :
On va faire une balade dans la ville, escortés par la meute habituelle des gosses. C'est une ville, on peut dire aux cent mosquées. A chaque détour, on en aperçoit une nouvelle. Et en plus, elles sont très belles, aux minarets très ouvragés. Jibla a été fondée par la dernière reine de la dynastie ismaélienne des Sulayades (1038-1138), la reine Arwa bint Ahmed qui, après la reine de Saba, fut la seconde femme à avoir le pays. Subissant des pressions politiques et religieuses, elle s’éloigna de Sanaa pour s’installer à Jibla, qu'elle instaura alors capitale du Yémen. Sa grande mosquée est un haut lieu de visite car se trouve en son sein, dans la salle de prière, le mausolée de la reine Arwa. Les mômes nous font visiter la médina, les souks, la grande mosquée. Puis, on traverse le wadi, et on s'en retourne par l'autre rive, une route longe le wadi un peu en hauteur, et d'où l'on voit toute la ville. Cette route rejoint l'hôpital américain, et là, on rebrousse chemin pour attraper un pont qui nous permet de nous retrouver en ville.
Le dîner :
Gueulletons de conserves dans la chambre. Comme le seul inconvénient du funduk est de ne pas pouvoir faire la cuisine, et qu'il ne fait pas évidemment restaurant, on a raflé toutes les conserves qu'on a pu trouver dans les deux petites boutiques du coin pour se constituer un dîner : maquereaux, pain + thon français et sardines françaises (apportées de Paris) fromage Kraft Chees, pêches au sirop Tout cela mangé à même les boites une fourchette que l'on se passe à tour de rôle. Voilà notre gueulleton.
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Dimanche 18 septembre 1977 – Djibbla (2 ème jour)
On se lève assez tôt comme d'habitude. Le réveil est très agréable. On est au calme et on aperçoit par les fenêtres le beau paysage des montagnes avec le soleil qui vient de se lever.
On reste encore quelques heures à Djibla ce matin pour pouvoir profiter de ce site merveilleux.
Problème de petit déjeuner. Pour la bouffe ce n'est pas très équipé ici. J'utilise pour la première fois mon petit réchaud que j'ai emporté de France, pour chauffer de l'eau, et me faire mon Nescafé, avec quelques sandwich-cream biscuits, petit déjeuner pris au soleil, très agréable, pendant que les autres cherchent en vain à prendre un thé en ville.
Re-balade dans la campagne. On évite la ville cette fois-ci. Ce qui a été très agréable, c'est qu'il n'y a pas d'autres Occidentaux à part nous ici. On a rencontré deux gars hier, mais ils ont du rentrer sur Ibb, et on a été les seuls à passer la nuit à Djibla.
On se dirige donc vers le bas du village, et on traverse le wadi. mais comme l'escalade est un peu compliquée, on marche dans la wadi lui-même, qui est à sec. Mais le terrain devient plus difficile et les pierres glissantes. On traverse alors pour retrouver un chemin qui nous fait grimper un peu dans la montagne.
De là, on a une très belle vue d'ensemble sur la ville avec toutes ses mosquées. Djibla a été la capitale de la dynastie Sulaihide entre 1047 et 1138. On l'appelle aussi Djiblah "la ville aux deux rivières" parce qu'elle se situe sur une colline, entre deux rivières.
Puis, on redescend vers le pont d'hier, et on prend le même chemin qui nous permet de retrouver le funduk.
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Dimanche 18 septembre 1977 – De Djibla à Damt
Direction Ibb, et re-discussion avec Abdallah pour qu'il accepte de prendre la piste.
Lui, veut faire Ibb - Al Thary - Damt - Al Nadreh, et nous nous voulons faire Ibb - Al Nadreh Damt. C'est qu'il n'a jamais pris cette piste-là, il ne la connaît pas, et il fait tout pour l'éviter. Il a fallu qu'un type du pays nous donne un coup de main, et lui explique la route. Enfin une bataille de gagnée. Et on y tenait à celle-la !
Et on part donc à l'aventure, et on ne le regrette pas, car les paysages du Wadi Bana et des terrasses, sont sublimes. De très belles montagnes, de beaux panoramas sur des villages isolés au milieu des montagnes.
Al Nadreh est sans intérêt, et on ne s'y arrête pas.
La piste jusqu'à Al Nadreh est facile, mais après, ça se corse : une piste de cailloux et ça cahote pas mal.
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DAMT Dimanche 18 septembre 1977 On arrive à Damt. C'est un petit village. Une rue principale.
Recherche d'un funduk :
On nous l'indique. Il donne dans la rue principale. Un escalier jonché de crottes. Une doublepièce, l'une avec quatre lits et une porte, et dans l'autre, quatre lits et une fenêtre. Avec ça, si on n'étouffe pas ! Le lieu est dégueulasse. Il n'y a pas d'eau, pas de WC. On est obligé d'aller très loin dans la campagne, au-delà du village, pour faire ses besoins. Le prix : 5 rials. On s'installe. les matelas nous paraissent vraiment douteux. On y met de la poudre anti-puces. Il y a une couverture posée sur le matelas. Je pose ma rabane dessus, et mon sac à viande, seulement au-dessus de tout ça. On nous a parlé des fameuses sources chaudes de Damt. On aperçoit à la sortie du village une petite baraque, et on est déçu quand on apprend que c'est seulement "ça" les sources chaudes.
Le volcan et le lac :
Mais avant, on part à l'ascension du volcan. Le village est dominé par un petit volcan. Au sommet se trouve un lac de cratère dont on peut faire le tour. Pour y accéder, la montée n'est pas trop difficile, ça prend pas mal de temps, mais les pierres ne sont pas glissantes, et forment comme un escalier. Evidemment le lac est caché dans le trou, et si l'on veut le voir, il faut faire de l'escalade. Ce qui est difficile c'est de passer dans la fente du sommet, car c'est très étroit, et là, les pierres glissent, et quand même, on et ... tout en haut. On arrive sur un chemin plat qui contourne le lac, qui lui se trouve encore plus au fond du trou. C'est très beau, mais ce qui nous inquiète plus, c'est de re-descendre. On est très content d'être là, de voir le lac, ça en vaut la peine, mais le retour nous effraye, surtout de devoir re-passer par cette fente, où l'on a du mal à s'agripper, et avec tous nos appareils photos, et certains ont le vertige en plus. Mais le passage, en fait, se déroule bien. On passe l'un après l'autre, en prenant notre temps, en faisant attention, et en se passant les sacs. La descente ensuite, en escalier, ne pose aucun problème. Une fois en bas, on se dirige vers les sources chaudes.
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Damt Les sources chaudes :
Quand on y arrive, on se rend compte qu'il n'y a que des femmes, et à moitié nues. On fait signe aux gars de ne pas venir. On nous explique qu'aujourd'hui, c'est le jour des femmes, et que demain, c'est le jour des hommes.
A l'intérieur de la baraque, il y a un bain de 2 m sur 3 environ, et une pièce attenante, le vestiaire. On se met en maillot de bain. Mais il nous est impossible de mettre, même le pied, dans l'eau, tellement elle est chaude. Ça fait au moins 40 ° !!! C'est pareil que quand on met le doigt dans une casserole d'eau bouillante.
Les filles se marrent tant qu'elles peuvent et nous invitent fortement à y aller. On ne pensait qu'on n'y arriverait jamais à se baigner dans cette eau bouillante, mais petit à petit on s'habitue, et après y avoir habitué les pieds, petit à petit on peut rentrer le corps. Et on s'y trouve pas trop mal ..
Je ne peux pas dire qu'on y resterait des heures... Les filles nous prêtent un savon, le nôtre, on l'a laissé au funduk. Toilette ! enfin ! ça fait du bien. on va jusqu'à ébaucher quelques brasses de nage sur ces 2m sur 3. Ce qui fait bien rire nos compagnes yéménites, qui n'ont pas l'air de savoir nager. On a été ce jour là la grande attraction.
Après ce bain, on ressent effectivement un bien-être. D'abord propres comme on ne l'a jamais été, complètement décapées, mais avec les jambes flagellantes.
Retour au funduk, où les gars nous attendaient à la porte, car ils ne pouvaient pas entrer au "hamam" ! Et c'est nous qui avions gardé la clé !
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Damt Dîner chez le pharmacien du village :
On part à la recherche de nourriture, en demandant aux gens "Fen hobz ?". Ceci nous conduit chez le pharmacien du village, qui nous a fait signe de venir. Lui, il parle l'anglais (plus ou moins compréhensible). Il nous fait visiter son officine, veut nous offrir un thé, nous présente sa femme, et ses soeurs, dont l'une a le visage complètement maquillé en jaune. Il nous montre sa cuisine, et nous invite à manger chez lui, c'est à dire qu'il nous montre une poignée de riz qu'il se propose de nous cuire comme repas. On propose d'aller acheter quelques boites de conserves pour accompagner le riz. Il nous semble qu'il soit habitué à recevoir chez lui les étrangers qui passent dans son village.
Nous allons donc faire nos emplettes de boites de conserves, et nous retournons chez le pharmacien. A notre surprise, rien n'a été préparé. Il nous fait pénétrer dans l'appartement de ses femmes, une pièce unique avec un seul lit et des matelas posés à terre, qui sert à la fois de chambre à coucher commune, de salle à manger, et de pièce à vivre.
Et il nous invite, nous les femmes, à mettre la main à la pâte, 'est à dire d'aider sa soeur à faire cuir le riz. On se rend donc dans la petite cabane extérieure à la maison, qui sert de cuisine, et on aide à allumer le réchaud, un réchaud à alcool, avec le paquet d'allumettes. Le réchaud fonctionne tant bien que mal. On lave le riz, puis la soeur le fait revenir dans le poêlon avec des oignons et des graines de quelque chose qui fera qu'en résultat le riz sera fortement épicé. Puis on verse le riz, et on le recouvre d'eau. Voilà notre travail terminé.
On nous a donné des assiettes et des couverts. On nous sert le riz sur lequel nous versons les boites de maquereau. Ensuite, on mange du Kraft Cheese, et des macédoines de fruits en boite. Curieusement, on ne nous a pas offert de thé au cours du repas.
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Damt
Il nous a semblé que le pharmacien nous ait fait venir pour être un objet de distraction pour ses femmes... et les autres... car pendant tout le temps qu'on était là, lui, il est resté dans la pharmacie, et il ouvrait la fenêtre entre les deux pièces, pour nous présenter des amis à lui, à plusieurs reprises, qui, semble-t-il, sont venus pour voir "les étrangers".
Les femmes, pendant ce temps, s'amusent bien à nos dépends. Elles nous dévisagent, comparent nos accoutrements aux leurs, et il semble qu'elles soient très étonnées du fait que nous ne portions pas de bijoux, et que nous ne soyons pas maquillées. Elles, elles ont le visage, et les mains, et les bras, pas tatoués, mais ornée de motifs noirs. Et elles insistent fortement pour nous faire, à nous, ces beaux maquillages. Elles s'affairent d'autant plus sur mon sort, que je suis blonde, et que ce soir-là, j'ai dénoué mes cheveux.
Avoir les cheveux longs, dénoués sur le dos ne semble pas normal ? et elles insistent pour me faire comme à elles, de petites nattes, puis me posent un fichu sur la tête, en s'amusant comme des folles. Le pire, c'est qu'elles se sont mises en tête de me couper une frange, car, au Yemen, les femmes quand elles sont mariées portent une frange sur le front, c'est le signe distinctif.
La bagarre a été dure : elles sont arrivées avec un énorme ciseau, et j'ai pu y échapper en leur expliquant, qu'au Yemen on coupe la frange, mais qu'en France ce serait une honte pour moi d'avoir une frange, et je pousse des grands cris comme si j'allais être déshonorée. Ça a marché.
Myriam, elle, accepte d'être maquillée, sur le visage et sur les mains, ce qui leur fait plaisir. Elles s'arment de peinture, et d'une petite épingle qui leur sert de pinceau.
Je saisis la première occasion pour pour me sauver et aller me coucher, inquiète de rentrer tatouée et les cheveux coupés ! Myriam, elle, aura un mal fou, pour faire disparaître son maquillage, et pendant plusieurs jours il tiendra, malgré des tentatives de l'effacer avec de l'alcool ou de l'éther.
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Lundi 19 septembre 1977 – Départ de Damt Encore une nuit terrible.
Cette fois ça a été l'âne qui n'a pas cessé de faire son cri dès le petit matin.
On a pu prendre notre petit déjeuner en face, dans un "café" qui servait du thé. j'ai pu obtenir mon eau bouillie, pour faire mon Nescafé, et même ils vendaient du pain. Une crêpe de pain, c'est largement bourratif au petit déjeuner.
Nous restons encore à Damt quelques heures pour profiter de ce magnifique paysage, et pour que les garçons prennent leur bain dans le hammam à leur tour. En attendant, nous allons nous balader près de la rivière. On essaye d'y prendre de l'eau, mais malheureusement il y a des particules en suspension. Evidemment tout y traverse, les bêtes et les véhicules...
De retour au village, nous assistons à un grand rassemblement. C'est l'affolement général. Il y a eu un accident de voiture, et le conducteur est blessé. Sa femme pleure et court dans tous les sens. On va le conduire en voiture à Sanaa en voiture, où il y a un médecin. On constate à quel point ces villages sont isolés. Sanaa est à plusieurs heures de route.
Un départ difficile
A l'heure prévue pour le départ, on ne voit pas d'Abdallah. Nous présentons qu'il traîne exprès pour rallonger le voyage. Il va de nouveau y avoir de la bagarre... Nous chargeons les bagages dans la voiture. Il arrive. Tous assis dans la voiture, la discussion commence : "flouss" OK, flouss à Sanaa. On fait Damt - Al Thary - Sanaa... Pas d'accord : on fait Damt - Al Thary - Yarim - Dhamar, et demain Dhamar - Sanaa (c'est à dire seulement deux heures de route). Et il remet sur le tapis le fait qu'il était prévu de rester deux jours à Taez, et qu'on y est resté qu'un seul. Alors Abdallah essaye de récupérer sa journée en scindant la prochaine étape en deux. Nous jouons sur le fait qu'il ne soit pas allé à Hajja, donc au lieu de huit jours de Toyota, il n'en reste plus que six. Une bonne heure passe dans cette discussion sans fin. Et on reprend le circuit prévu de long en large, depuis le début, et un interprète de passage nous aide dans cette discussion. Et Abdallah veut de l'argent tout de suite et non à l'arrivée à Sanaa. (car il a peur qu'on ne le paye pas. On s'en tire en faisant un mensonge d'intention (qu'il ne manquera pas de nous rappeler par la suite). On lui dit : OK on va à Dhamar. Ce qui le décide à enfin démarrer.
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Lundi 19 septembre 1977 – De Damt à Sanaa Départ de Damt
On prend l'autre piste, celle qui passe par Al Thary, et qui est beaucoup moins difficile. Le paysage est beau mais la piste d'Al Nadreh était bien plus belle.
Al Thary
On s'arrête un instant à Al Thary, ou plutôt c'est Abdallah qui décide de s'arrêter sans nous demander notre avis, pour boire un coup.C'est un village sans intérêt.
Yarim
Puis route vers Yarim. On quitte peu à peu les montagnes. Yarim est une ville sans intérêt. On cherche à manger, parce qu'il est 13 hres. C'est un peu tard au Yemen pour déjeuner, il n'y a plus rien dans les "restaurants". On s'installe, ayant trouvé du pain et on mange du "Kraft Cheese" en sandwich ! Abdallah, lui, arrive à se faire cuire des oeufs. Et nous, rien du tout. On ne peut même pas nous servir du thé.
On se balade un peu dans cette ville à la recherche de quoi boire. On s'en retourne au café car évidemment Abdallah traîne tant qu'il peut. Et la discussion recommence avec l'aide d'un nouvel interprète qui s'est mêlé de la conversation. Dormira-t-on à Dhamar, ou ira-t-on à Sanaa ? L'interprète est en notre faveur et nous défend. A la fin de la discussion, c'est la victoire, Abdallah a cédé. Grâce à l'aide de notre traducteur, il faut le reconnaître, qui était très convaincant et très fort.
On ré-embarque dans la voiture, et la chanson recommence : ce matin, vous avez dit Dhamar, OK etc etc. La solution est de ne pas lui répondre. Et, lui, passe son temps à reprendre tout haut, jour par jour, le circuit, en nous regardant de biais.
Dhamar
Nous nous demandons ce qui va se passer à Dhamar. Dhamar est une ville intéressante pour ses nombreuses mosquées dont on voit les minarets de loin, et par les tombeaux d'imams, mais pas question de s'y arrêter sinon on ne repartira plus !
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De Damt à Sanaa
Stop. Abdallah a stoppé la voiture. Gros silence. "Sanaa... "
Et la discussion reprend. Nous sommes à deux heures de route seulement de Sanaa, et c'est une grande route, donc nous sommes sauvés car nous trouverons toujours un moyen de transport pour rentrer maintenant. Nous sommes en force, et Abdallah le sait bien. nous le menaçons de la quitter. Il essaye alors de nous demander d'avantage d'argent pour nous conduire jusqu'à Sanaa. Et en dernier ressort, il nous marchande ça au prix que nous paierons si nous prenions un taxi entre Dhamar et Sanaa. Abdallah nous demande 100 rials de plus pour nous conduire jusqu'à Sanaa. Le taxi coûterait 20 rials par personne.
Mais on en a trop marre d'Abdallah et on préfère donner cet argent à quelqu'un d'autre plutôt qu'à lui. On grimpe sur le toit de la Toyota, et on commence à défaire nos bagages. Surtout qu'il y a plein de camions qui passent sur cette grande route, et qu'avec un peu de chance, on pourrait même être pris en stop.
Nous voyant défaire nos bagages, Abdallah sait qu'il a perdu la partie. Il nous fait signe de tout remettre en place : Ok il ira jusqu'à Sanaa.
Nous sommes malgré tout assez contents, car le temps avait changé. Il fait froid, il fait du vent, et ça menace de pleuvoir. Deux heures à rouler en haut d'un camion, ça n'aurait pas été une partie de plaisir ...
Et Abdallah fonce comme il ne l'a jamais fait : on roule à 120 km/h. Jamais je n'aurais pensé qu'une Toyota puisse aller si vite. On n'entend pas un mot dans la voiture. Abdallah ne chante plus.
Pourtant, la route redevient belle. On recommence à grimper dans la montagne. Il y a un col à passer avant d'arriver sur Sanaa. Et le passage du col est magnifique.
Puis on redescend,, et on aperçoit Sanaa, recouverte de ce ciel de poussière qui lui est habituel. Abdallah s'est remis à chanter. Il nous indique même Hadda au passage, sur la gauche.
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SANAA Lundi 19 septembre 1977 On défait les bagages, et on quitte Abdallah sans regret, et sans lui dire au-revoir. Et Henri ne trouve rien de mieux que de lui faire ses adieux en lui offrant sa bouteille de whisky ! Et il paraît même qu'Abdallah nous avait tous invités pour le lendemain soir chez lui, au Wadi Dahr ! Il ne verra pas grand monde, et pourra nous attendre !
Al Zohra Hotel
On retouve le Al Zohra, et on demande une chambre sur la cour. On n'a aucun problème pour en trouver. On obtient une chambre à trois au premier étage, chambre 17. La chambre est encore mieux que la première que nous avions eue. On aura moins à grimper, encore que les escaliers nous semblent moins difficiles. Peut-être nous sommes nous habitués aux maisons yéménites et à leurs hautes marches au terme de notre voyage. Après une bonne douche, un bon décrassage, nous sortons pour manger, un poulet, qui nous changera malgré tout des boites de conserves. Nous allons à notre restaurant habituel : pas de poulet aujourd'hui, seulement du riz... qui est très bon d'ailleurs.
Rencontre :
Un type qui est venu manger à côté de nous, nous aborde en français. Il n'a pas l'air yéménite. Il nous dit venir de Djibouti et avoir envie de parler français, et nous invite à boire un pot. Au moment de payer, nous nous apercevons qu'il a payé notre repas avec le sien. Cela nous embête beaucoup, et nous sommes encore, et nous sommes encore plus surprises quand nous découvrons qu'il ne nous a pas invitées à boire un pot dans un café, mais dans sa chambre d'hôtel, à l'Oriental, qui est situé en face de notre hôtel, là où Bernard et Myriam avaient pris une chambre sur l'arrière, à Sanaa. Il a une petite chambre, mais bien arrangée et bien propre. Il nous explique qu'il vit ici, qu'il a signé un contrat de deux ans avec une entreprise, et qu'il a bien fallu qu'il s'organise sa vie à Sanaa. Il est bien organisé, d'ailleurs, car il nous sort des bouteilles de sirop de fruit, des verres, du Pastis ! offert par un ami venu de France... des petits gâteaux apéritif mais salés, et nous met de la musique via son radio-cassette.
Des copains à lui viennent frapper à la porte et se joignent à la petite réunion. Il y a un Saoudien qui travaille à l'aéroport, et un Yéménite. Il discute en arabe avec eux, et en français avec nous. Il nous explique qu'il parle toujours arabe, et que rencontrer des gens avec qui il peut parler français lui fait plaisir. Il veut même nous emmener au cinéma ! Nous commençons à le trouver un peu trop collant. Et en plus, nous commençons à être bien fatiguées, il est presque 23 hres, ce qui n'est plus dans nos habitudes. Et nous le quittons.
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Mardi 20 septembre 1977 – Sanaa (2 ème jour) A partir de maintenant nous allons faire des visites toutes les trois, en aller et retour, chaque jour, en étoile, autour de Sanaa.
Ce matin, le petit déjeuner a été long à être servi, et en ayant marre d'attendre, nous l'avons préparé nous-mêmes, en nous servant dans le réfrigérateur et dans le placard, ce qui a mis notre gamin-serveur dans une fureur folle.. Nous avons beaucoup de choses à régler e matin afin de décider ce que nous allons faire dans les jours suivants. D'abord, savoir s'il est possible de prendre l'avion de retour une semaine plus tôt. Nous avons pris cette décision, parce que nous en avons assez de la saleté, de la bouffe, et n'ayant plus rien à voir dans ce pays, dont nous avons fait le tour en six jours de tout ce qui était ouvert aux étrangers.
Infos sécurité :
Nous voulons d'abord aller à l'Office du Tourisme pour savoir si la route du Nord est toujours fermée. Nous croisons Myriam et Bernard qui en reviennent et ils nous donnent la réponse qui leur a été donnée : "on ne peut vous interdire d'y aller, mais c'est à vos risques et périls." On entendra dire, par la suite, que la ville de Saada, au Nord, était gardée par des gamins, et comme des gamins, ils tiraient un peu facilement sur tout e qui essayait de rentrer dans Saada. Et on a entendu parler d'un touriste qui aurait voulu s'aventurer par les moyens locaux de transports et qui avait reçu une balle. Nous abandonnons donc l'idée.
Avancer notre vol chez Syrian air
2 ème étape : trouver l'agence de Syrian air pour essayer d'avancer le vol de retour, et de partir samedi. Nous avions un peu peur de ne pas le pouvoir, mais l'agence nous a dit que cela ne posait aucun problème, qu'il y a de la place dans l'avion qui va de Sanaa à Damas (ce qui est pour nous le plus important : sortir du Yemen ; après entre Damas et Paris, il y a des vols tous les jours, de toutes les compagnies. On nous inscrit donc sur une liste de passagers, et on nous dit de revenir le lendemain, car il faut qu'ils envoient un telex à Damas, pour confirmer le tronçon de vol jusqu'à Paris, et on nous confirmera donc le vol demain. tout s'annonce bien.
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Sanaa - Rowda
Nous allons ensuite faire un tour au Souk. Nous sortons par la Bab el Yemen, qui est une magnifique et imposante porte, puis nous nous retournons vers l'hôtel en suivant les les murs extérieurs de Sanaa.
Nous allons déjeuner à notre restaurant habituel, espérant qu'on ne tomberait pas sur "Djibouti", puisqu'il nous avait dit travailler de 6 hres à 16 hres. Le plat du jour, c'est riz-poulet ou spaghetti. pour changer, nous prenons des spaghetti à 2 rials, qui sont certainement des spaghetti de boite de conserve, et qui sont très grasses. La vue de nos voisins qui mangent le riz à pleine main, et prennent et remettent les morceaux de poulet dans le plat de service, nous dégoûte définitivement, et nous décidons que la prochaine fois nous chercherons un autre restaurant.
Après-midi : ROWDA
On consacre l'après-midi à la visite de Rowda. Nous emploierons ces quelques jours qui nous restent à Sanaa, pour visiter les environs par les taxis collectifs et le stop.
Rowda n'est pas très loin, 12 km. C'est là où se trouve le Rowda Palace, l'ancien palais d'un Imam, transformé en hôtel de luxe. Ce palais est l'un des plus beaux que j'ai vus, peut-être a-t-il été souvent restauré ? Devant, un jardin, et un magnifique cheval blanc. Nous entrons. C'est plutôt désert. Il y a une petite réception dans un coin. Pas de grand hall, de grand salon, simplement des coussins posés sur une banquette de pierre, au fond. Nous commandons café et thé. Agréable moment à déguster quelque chose de bon et dans le calme.
Nous faisons connaissance d'un des clients de l'hôtel. C'est un Suisse, cinéaste de télévision, venu au Yemen pour faire un film et qui nous explique qu'il passe son temps en pourparlers, et qu'il a même fait de la prison au Yemen, sans savoir pourquoi.
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Rowda - Sanaa
Nous allons ensuite nous promener dans le village. Une mosquée, des maisons des plus belles que j'ai vues. Il y règne un calme extraordinaire, étonnant alors que nous sommes à la sortie de Sanaa.Ce calme est seulement troublé par le bruit anachronique du passage des avions à basse altitude, car l'aéroport est tout près. Les enfants que nous rencontrons sont très gentils. Cette promenade dans Rowda fut très reposante.
Nous sortons du village et marchons un peu. Deux gars nous emboîtent le pas. Ils semblent aller, eux aussi, vers Sanaa, et ensemble, nous grimpons dans une Toyota, qui nous a pris en stop, et nous profitons de ce que nous adorons : faire de la route sur une voiture découverte. A l'arrivée, on nous demande aucun argent pour le servie rendu.
Nous rentrons assez tôt, en fait, à l'hôtel, et passons le reste de l'après-midi à nous reposer.
Nous avons trouvé un autre petit restaurant, en bas de la rue, qui sert, lui, des oeufs. Cela nous change. Et nous mangeons des "beide", des oeufs brouillés, légèrement pimentés, et très acceptables.
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Mercredi 21 septembre 1977 – Sanaa (3 ème jour) A partir de maintenant nous allons faire des visites toutes les trois, en aller et retour, chaque jour, en étoile, autour de Sanaa.
Nous avons un programme encore chargé de démarches administratives, et nous sommes coincées par les horaires d'ouverture des bureaux. Nous devons aller à l'agence de Syrian air, et en attendant l'ouverture, comme nous sommes toujours réveillées et prêtes de bon matin, nous allons visiter le musée de Sanaa.
Le musée de Sanaa :
Le prix d'entrée est assez cher. Manque de chance : la salle du 1er étage, qui est consacrée à l'archéologie, est fermée pour réfection.C'est là où se trouvent tous les vestiges venant de la ville de Maarib.
Le musée est aussi un ancien palais d'Imam, ce qui nous permet de revoir ce qu'était l'intérieur d'un palais yéménite : un escalier étroit aux très hautes marhes, et en colimaçon, les salles de réception où se trouvent installées les expositions d'objets, beaucoup de souvenirs de l'Imam Yahia, et des photos prises par Claudie Fayein, et dont le commentaire nous rappelle étrangement ce que nous avons lu dans son récit de "Petite Planète", des extraits du bouquin.
Il y a des représentations de scènes (mariage etc) avec des mannequins portant les anciens costumes yéménites, des armes, des trônes.
Il y a donc le 2ème, et le 3 ème étage à visiter, et tout en haut, une terrasse, d'où l'on découvre tout Sanaa entourée de ses montagnes, et l'avenue Abdel Moghni, qui semble, vue du haut, sans sa saleté, et sans le bruit, des Champs Elysées !
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Sanaa Deuxième démarche : l'agence de Syrian Air
Alors là, stupeur. Alors qu'hier, on nous affirmait qu'il était presque sûr que nous pouvions partir, voilà la nouvelle : nous avons des places dans l'avion pour Damas, des places dans l'avion de Damas à Paris, MAIS ! on n'est pas sûr que l'avion qui vient de Damas pourra atterrir à l'aéroport de Sanaa, car la fête nationale étant le 26 septembre, c'est à dire lundi, et notre vol est quatre jours avant, il risque que les employés de l'aéroport se mettent déjà en congé pour faire la fête, et que l'aéroport soit fermé pendant 4/5 jours ! Eh oui, il faut s'y faire. Don, on ne saura si l'aéroport fonctionnera que jeudi soir, ou vendredi matin... pour un vol qui doit avoir lieu vendredi soir ...
Au cas où nous ne pourrions pas décoller dans la nuit de vendredi, on nous inscrira automatiquement sur la liste des passagers de l'avion suivant, c'est à dire.... le mardi ! Car il n'y a que deux vols par semaines de la Syrian Air entre Sanaa et Damas, le vendredi et le mardi, tous les deux à 3 hres de la nuit.
Quitter ce pays au plus vite
Un sentiment me traverse alors : il faut quitter ce pays au plus vite, de risque de s'y retrouver bloquée. Si on ne part pas vendredi, on nous dira "vous partez mardi", et de mardi à l'autre vendredi etc, et vu la décontraction de l'employé de l'agence, cela semble être habituel. C'est là qu'on réalise qu'on est au bout du monde.
Au bureau de l'Immigration :
Pour être prêtes à partir, car nous voulons partir à tout prix, nous allons régler l'histoire du visa de sortie, car, pour sortir du Yemen, il faut un tampon apposé sur le passeport, comme on a eu à l'arrivée, pour y être autorisé à séjourner, faute de quoi on paye une amende à l'aéroport. On obtient ce visa de sortie de nouveau en allant au bureau de l'Immigration. il y a une foule incroyable dans ce couloir, des Yéménites qui viennent chercher des visas pour aller en Arabie Saoudite. On ne peut pas dire que les Yéménites ne voyagent pas ! Il faut passer dans trois bureaux successifs, et par chance, à la vue de nos têtes d'européennes, on nous fait passer devant tout le monde, et nous n'avons pas eu à faire la queue, qui était effrayante. Alors maintenant, nous pouvons partir, nous pouvons quitter le Yemen, sûr !
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HADDA Nous entreprenons donc l'excursion du jour, Hadda, un "oasis de calme et de verdure, des vergers, lieu de villégiature et de week-end des riches Yéménites".
De la place Taghir, nous prenons un taxi pour Bab el Balaya.1/2 rial comme d'habitude, pour nous trois. "wahed rial unos". A la porte, les taxis nous demandent trop cher, et nous décidons de faire du stop. Il y a un sens giratoire qui nous complique un peu pour trouver où est la bonne route qui sort vers Hadda. La première voiture que nous arrêtons nous demande le même prix qu'un taxi : 20 rials. pas question. Et la deuxième nous demande 2 rials, ce qui est honnête. Mais alors, on paye le prix de l'inconfort. C'est une camionnette bâchée, pleine à craquer. Quand nous passons à l'arrière, nous disons "mais nous ne pouvons pas monter !" Les deux bancs de côté sont remplis. Les gosses, assis par terre, au milieu, mangent des haricots crus. Mais les gens se poussent, se serrent, et nous font une demi-place sur chaque banc de côté. J'ai une demi fesse de placée, jamais je n'arriverai à voyager ainsi ! J'ai le bord de la voiture qui me rentre dans l'autre. Voyant mon inconfort, les gens se repoussent d'avantage? Et les derniers viennent s'accrocher sur le derrière de la voiture, sur le marche-pied. On ne voit pas grand chose du paysage !
Hadda, c'est un petit village tranquille, avec des cascades, des ruisseaux. Il y a, en effet, beaucoup d'arbres fruitiers, mais pas en fleurs à cette époque. Nous grimpons en dehors du village, car il y a plein de pierrailles avec des tas de lézards, et même, nous voyons un magnifique lézard bleu. Nous apercevons, des hauteurs, la grande ville de Sanaa, tout au fond des plateaux. Nous ne grimpons pas trop, de peur des serpents dans ces pierrailles, et par cette chaleur. Nous redescendons au village, achetons ce qu'on peut y trouver à manger : des boites de sandwich-biscuits, une boite d'ananas au sirop, et nous pique-niquons, comme les riches Yéménites, au bord d'une cascade.
Nous quittons Hadda, et prenons la route vers Sanaa. Nous marchons pendant quelque temps avant de pouvoir arrêter une voiture. C'est une voiture luxueuse, l'équivalent des belles américaines dans ce pays.Le conducteur ne parle qu'arabe, et la conversation est ainsi plutôt réduite. Malheureusement, il ne va pas jusqu'à Sanaa. A une bifurcation, il nous laisse sur la route. On n'a là encore rien eu à payer pour le transport. Et nous continuons à pied jusqu'à Bab el Balaya, où nous prenons un taxi-service pour notre hôtel El Taghir. Nous rentrons ainsi tôt à l'hôtel, il n'est que 14h30. Et nous passons l'après-midi, au lit.
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Sanaa Le soir :
Nous retournons au restaurant d'hier, où il y a encore des oeufs, mais pour varier, nous commandons deux omelettes par personne. On ne peut pas dire qu'elles soient excellentes, mais sèches et brûlées, et extrêmement bourratives.
Mais la sensation d'avoir "trop mangé" m'est très agréable, car c'est bien une des rares fois que cela m'est arrivé au Yemen !
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Jeudi 22 septembre 1977 – Sanaa (4 ème jour) SANAA - SHIBAME - KHAUKABAN Une excursion dans les environs de Sanaa, relativement importante car Shibame est à 80 km de la capitale.
Départ de l'hôtel à 8 hres. Nous prenons un taxi-service jusqu'à Bab el Chaub, où nous devons en trouver un autre jusqu'à Shibame. Mais mauvaise surprise : Bab el Chaub, c'est la mauvaise porte, il faut aller prendre le taxi à Bab el Yemen ! On y va à pied en traversant le souk. Et là, il est difficile de trouver un taxi. On traverse toute la place et on marche assez loin à l'extérieur des murs pour trouver enfin la bonne station des taxis pour Shibame.
On veut d'abord nous faire payer 200 rials pour une Toyota (car le parcours est en grande partie de la piste). on veut en fait nous faire affréter entièrement la Toyota, pour un jour, à nous trois ! Il faut leur expliquer, une fois de plus par l'intermédiaire d'un Djiboutien qui se trouvait là, qui est venu spontanément nous proposer de nous servir d'interprète, que nous voulons emprunter les transports en commun ! C'était bien dire, car aussitôt, on nous propose 10 rials, pour ... 80 kilomètres ... ce qui est sensationnel comme tarif.
C'est une Toyota où il y avait déjà deux personnes d'assis, et évidemment, il faut attendre qu'elle se remplisse pour pouvoir partir. Payer pas cher, mais être patient. On ne quittera Sanaa qu'à 10 hres, et c'est à quinze qu'on se retrouvera dans la Toyota : quatre devant, cinq au milieu, et six derrière. Nous, on est derrière, et faire 80 km les jambes coincées, serrées, sans pouvoir les déplacer d'un centimètre, ça n'est pas drôle du tout.
Mais, ce qui est drôle, c'est le spectacle des passagers pendant ce petit voyage. Un gars rentrait d'Arabie Saoudite, il nous montre son passeport avec photo et tampons, mais qui s'ouvre dans le sens inverse de nos livres occidentaux (écriture et sens en arabe). il rentrait dans son village, Khaukaban, après avoir travaillé et gagné beaucoup de sous. Il montre à tout le monde sa chevalière en or, qu'il s'est acheté là-bas. Et au cours du voyage, il arrive même à la troquer à un autre passager de la voiture.
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Sanaa - Shibame
Le voisin, lui, avait une radio-cassette, et on a eu droit à la musique de ses cassettes, et des cassettes du chauffeur, et du "tube" de l'été au Yemen, un morceau qui commençait par une intro de rock/pop, et après l'intro, arrivait le style musique arabe. Et avec son radio-cassette, il en mettait plein la vue à la nana voilée qui était sa voisine de siège. Celle-ci, plaçait et déplaçait le pan de son voile entre eux deux, pour que l'autre, on suppose, puisse y glisser sa main, alors que tous les passagers de la voiture se regardaient en se marrant. Voilà comment, au Yemen, on drague une musulmane voilée.
Au sortir de Sanaa, on a pris la route du Wadi Dahr, mais au lieu de la continuer, on bifurque à gauche, et là, c'est de la piste.On traverse d'abord les montagnes (la chaîne qui entoure Sanaa), puis on traverse une région très plate, un plateau monotone. Il nous a fallu une heure de route, les jambes ainsi coincées.
SHIBAME
L'arrivée à Shibame, donc vers 11 hres, se produit en pleine animation : c'est l'heure du marché.Beaucoup d'échoppes, beaucoup de gens, de voitures.
Il y a une belle porte en arche au milieu du village, et des habitations troglodytes dans le fond. On est arrêté par un même. Il veut nous conduire à la police ! Et voir nos passeports.. Il nous laisse la paix quand on lui dit qu'on va dormir à Sanaa, et pas ici.
On tombe sur le groupe de Nouvelles Frontières. eux,, ils partent vers Khaukaban, le village voisin, mais qui est situé en hauteur, sur un piton, juste au-dessus de Shibame. Il faut grimper la montagne par une faille qui a creusé un chemin. Nous, nous voulons aller à Thula, situé plus loin, sur le plateau, par la route. Thula, c'est le village du Président Al Hamdi Abou, parait-il (c'est écrit dans le guide), et il y a une très belle vue de la falaise.
On repart vers l'entrée du village, mais après discussion avec des chauffeurs, qui nous demandaient très cher pour nous y conduire, alors que nous pensions même y aller à pied, le guide disant qu'il fallait une heure de marche alors que les chauffeurs nous disent trois heures de marche pour faire environ 4 km. C'est beaucoup trop loin, on n'a pas le temps, car il faut rentrer à Sanaa avant le coucher de soleil.
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Shibam - Khaukaban Par contre, monter à Khaukaban ça prend une heure de marche. Alors on abandonne Thula, et on remonte dans le village, et on part à l'assaut de la montagne. Nous croissons le groupe Nouvelles Frontières, qui, eux, en redescendent !
MONTÉE A KHAUKABAN
Le chemin n'est pas difficile. Il tourne sans arrêt. Il faut grimper beaucoup. Tout au long de la grimpette, on croise des Yéménites, des ânes, des chameaux, qui font des aller-retours entre les deux villages. Car là-haut, à Khaukaban, il n'y a rien, sauf un funduk. Et il faut se ravitailler à Shibame. Et on pense, même, que les gosses doivent faire le trajet tous les jours pour aller à l'école. On rencontre une fille du groupe Nouvelles Frontières, qui nous dit : "c'est le plus beau village que j'ai vu !". Et c'était bien vrai. C'est pour moi aussi, le plus beau village que j'ai vu, et il faut se donner la peine d'y grimper. On arrive sur une ville fortifiée par de hauts murs, tout en excellent état, avec un énorme donjon à l'entrée, une grosse porte, et ensuite une autre porte, à deux battants, et en arche. La vue sur les montagnes, car on se trouve en haut du piton, est splendide. Les maisons sont d'une architecture d'une finesse ! Avec des terrasses crénelées et ouvragées. Les rues sont vides. On dirait un village d'un autre siècle. On a même du mal à trouver des gosses pour nous indiquer le funduk pour y prendre un thé, et aussi pour voir à quoi il ressemble. On le trouve enfin. Personne. On entre. On prend l'escalier aux hautes marches, mais on ne voit aucune pièce. Alors on continue jusqu'en haut, et on débouche sur un décors des Mille et Une nuits : le mufredge, ce salon où l'on cause et mâche du qât, exactement tel qu'il est décrit dans les livres. Au dernier étage, une pièce, avec des coussins posés tout autour, des armes anciennes yéménites accrochées au mur, et trois Yéménites, affalés dans les coussins. L'un fume une pipe à eau et ressemble à une photographie du début du siècle, et tous mâchonnent du qât. Nous, sans nous gêner, nous nous déchaussons, et nous demandons :"chay ?" Il semble que nous soyons tombées en pleine qât-party de l'après-midi ! On nous donne du thé, et on nous reçoit bien... on nous offre même du qât ! Mais ensuite d'autres Yéménites arrivent, et on nous fait comprendre que notre place n'est plus ici. On paye le thé, et un homme nous reconduit. Il nous demande si on dort au funduk. On lui fait comprendre qu'on rentre à Sanaa.Il nous fait visiter le funduk : les chambres nous semblent correctes, elles ont des lits. Dans la cuisine, des boites de conserves et il y a même une cuisinière à gaz 4 feux. Nous prenons le chemin de la descente. On descend beaucoup plus vite, en une demi-heure. Il est 16h15 quand on arrive en bas, à Shibame.
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De Shibame à Sanaa Rentrer à Sanaa :
Et se pose le problème de la voiture de retour. On nous propose 50 rials. pas question. Alors, avec aisance, on décide de faire du stop. Mais ce n'est pas brillant, car les voitures sont rares, et le peu qui s'arrêtent ne vont pas à Sanaa, mais rentrent dans les villages voisins. Et on marche pendant 45 minutes dans cette platitude monotone. On commence à désespérer et à se dire qu'on va peut-être être obligé de dormir dans un village, car la nuit s'annonce. Et la chance a toujours été avec nous, car voici qu'un camion s'arrête. On pense grimper derrière, mais le camion est rempli de sable. On grimpe alors à l'avant, à côté du chauffeur et de son petit garçon. On se retrouve plutôt serrés, à cinq devant. Ils sont sympa, ne parlent qu'arabe, mais de temps en temps on échange quelques mots, et quelques stylo billes. Seulement, on fait du 5 km à l'heure. On suppose, car l'indicateur de vitesse est bloqué à zéro.
La nuit tombe à six heures, en cours de route. C'est la première fois qu'on traverse les montagnes en pleine nuit. Et, enfin, après ce long voyage, on aperçoit Sanaa, illuminée. Et une fois qu'on a bifurqué, et retrouvé la route goudronnée, le camion roule plus vite.
On arrive à Bab el Yemen. Le chauffeur s'arrête, et là, le mot inévitable surgit "flouss !". Nous qui pensions qu'il nous avait remorqué par amitié ! On lui donne 20 rials. Il n'est pas content. alors on se sauve à toute vitesse. Mais il n'était vraiment pas content !
Un dîner, enfin :
On prend un taxi-service jusqu'à El Taghir, et on s'arrête au passage devant le Mokkha Hotel. Alors là, une idée nous traverse à toutes en même temps la tête : manger un vrai repas, de la viande, on va se payer un dîner au Mokkha !
Restaurant au dernier étage, serveurs en tenue, musique d'ambiance anglo-saxonne. Nous, sales comme on peut l'imaginer ... Quel repos ! Escalope viennoise, frites, et crème caramel pour 26 FF chacune. (80 rials à trois). Quel soulagement !
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Vendredi 23 septembre 1977 – SANAA - PARIS Bon, je n'ai rien écrit sur ce dernier jour. Sauf qu'on est passé à l'agence, qu'on est allé à Amran, (je n'ai aucun souvenir), puis au souk.
On s'est changé à l'hôtel et on est parti pour l'aéroport.
Je ne me souviens évidemment de rien de rien.
Voilà pourquoi il faut écrire ses carnets de voyage, toujours ...
© Jocelyne Pruvot Rédigé en 1977
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