Cerveau & Psycho
Cerveau & Psycho
YOGA, tai-chi, qi gong…
Comment ces pratiques renforcent notre cerveau
Juillet-août 2021
N°134
N° 134 Juillet-août 2021
COMMENT RETROUVER L’ODORAT APRÈS UN COVID ?
YOGA
tai-chi, qi gong…
Comment ces pratiques renforcent notre cerveau PSYCHOLOGIE D’OÙ VIENT NOTRE ATTIRANCE POUR LES RAGOTS ?
THÉRAPIE ÉCRIRE POUR SORTIR DU TRAUMA NEUROSCIENCES QUAND LES SOUVENIRS S’IMPRIMENT DANS LES GÈNES ANTHROPOLOGIE POURQUOI LES HUMAINS SONT DEVENUS SOCIABLES DOM/S : 8,90 € – BEL/LUX : 8,50 € – CH : 11,90 CHF – CAN : 12,99 CA$ – TOM : 1 200 XPF
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Accueillir, reconnaître, agir
quesaisje.com
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N° 134
NOS CONTRIBUTEURS
ÉDITORIAL
p. 14-17
SÉBASTIEN BOHLER
Betty Mamane
Journaliste scientifique, elle a enquêté sur la perte d’odorat liée au Covid et sur les procédures les plus recommandées pour recouvrer l’accès aux odeurs après une infection.
Rédacteur en chef
Il paraît que Macron…
p. 18-25
Brian Hare
Professeur d’anthropologie évolutionniste à l’université Duke, il étudie l’évolution des capacités cognitives de l’être humain par comparaison avec celles des primates, et analyse les processus de socialisation au sein de notre espèce.
p. 50-55
Lionel Coudron
Médecin, professeur de yoga et directeur de l’institut de Yogathérapie, il préconise le yoga dans des approches thérapeutiques pour le traitement de l’anxiété, de la dépression, des TOC ou du trauma.
p. 62-64
Nayla Chidiac
Psychologue clinicienne, docteure en psychopathologie clinique et consultante auprès de l’ONU pour la prise en charge des victimes de traumatismes, Nayla Chidiac a fondé un atelier d’écriture au centre hospitalier Sainte-Anne, à Paris. Elle nous explique en quoi écrire aide à surmonter un traumatisme.
T
out de suite, votre cerveau s’allume. Si vous aviez lu : « Il est prouvé que Macron… », l’effet n’aurait pas été le même. Pas drôle. Alors que, lorsqu’on lit : « Il paraît… », ce qui est intéressant, ce n’est plus le fait lui-même, mais ce qu’en disent les autres. On retrouve alors le besoin atavique d’échanger, de deviner comment pensent nos semblables, de savoir s’ils vont donner prise à une hypothèse, une rumeur, et s’ils sont prêts à médire, car cela reflète leurs dispositions vis-à-vis de la personne visée. C’est pourquoi notre cerveau se serait configuré pour les potins et les ragots, nous explique Sylvie Chokron dans sa chronique de ce mois-ci. Mais bon, puisqu’on en parle, il paraît que Macron est un lézard géant. Avec une couche de silicone sur le visage et un costume pour faire humain. La théorie complotiste des reptiliens (à laquelle adhèrent jusqu’à 10 % des populations occidentales) stipule en effet que le monde est gouverné par des sauriens en costume. Là encore, pourquoi croit-on de telles inventions ? Dans sa chronique, Nicolas Gauvrit nous explique surtout comment nous en prémunir. Enfin, plus sérieusement, il paraît que Macron pratique le yoga assidûment pour apaiser le stress inhérent à sa fonction. Et que cela recâble son cerveau, en augmentant sa matière grise et ses faisceaux de substance blanche. Vrai ou faux ? Cela aurait pu être au programme du concours d’anecdotes livré par le président avec les youtubeurs McFly et Carlito. La bonne nouvelle : en lisant ce numéro, vous aurez la réponse. Un indice, tout de même, une partie de la phrase est vraie. Reste à savoir laquelle ! £
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SOMMAIRE N° 134 JUILLET-AOÛT 2021
p. 14
p. 18
p. 26
p. 32
p. 14-38
DÉCOUVERTES p. 6 ACTUALITÉS Dans la tête d’un tireur de pénalty Apprendre à lire : bas les masques ! Un bon microbiote diminue l’anxiété Des champignons contre la migraine ? Mais d’où vient donc la curiosité ? Fumer abîme le cerveau des femmes p. 14 FOCUS
Covid-19 À la recherche de l’odorat perdu
En montrant comment le virus infecte le système olfactif, on en déduit de meilleures méthodes de récupération.
p. 26 THÉRAPIE
Écrire pour sortir du trauma
p. 39-60
Dossier p. 39
YOGA, TAI-CHI, QI GONG…
Nayla Chidiac
COMMENT CES PRATIQUES RENFORCENT NOTRE CERVEAU
p. 32 ÉPIGÉNÉTIQUE
p. 40 NEUROSCIENCES
Après un drame de la vie, mettre par écrit ses ressentis et son imaginaire apporte des bénéfices insoupçonnés.
La mémoire dans les gènes
Certaines enzymes modifient notre ADN de façon à ancrer durablement certains souvenirs à forte connotation émotionnelle. Johannes Gräff
YOGA VERS L’ÉQUILIBRE MENTAL
La pratique du yoga renforce certaines zones du cerveau et améliore les voies de connexions neuronales. Avec des effets mesurables sur la dépression ou l’anxiété. Miriam Berger
Betty Mamane
p. 50 INTERVIEW
p. 18 ANTHROPOLOGIE
LE YOGA RECONNECTE LE CORPS ET LE CERVEAU
L’homme est-il un animal domestique ?
Lionel Coudron
p. 56 SANTÉ
Au fil des millénaires, les humains se seraient domestiqués eux-mêmes, en sélectionnant les individus les plus sociables…
TAI-CHI : LES MOUVEMENTS QUI GUÉRISSENT Parkinson, déclin cognitif, concentration, mémoire, intelligence émotionnelle : le tai-chi chuan a de larges bénéfices sur nos fonctions cognitives.
Brian Hare
Sébastien Bohler
Ce numéro comporte un encart d’abonnement Cerveau & Psycho, jeté en cahier intérieur, sur toute la diffusion kiosque en France métropolitaine. Il comporte également un courrier de réabonnement, posé sur le magazine, sur une sélection d’abonnés. En couverture : © Gettyimages / Malte Mueller
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p. 62
p. 74
p. 66
p. 82
p. 94
p. 70 p. 92 p. 86
p. 88
p. 62-72
p. 74-91
ÉCLAIRAGES
VIE QUOTIDIENNE LIVRES
p. 62 PSYCHOLOGIE
p. 74 PSYCHOLOGIE
Après un an sous cloche, de plus en plus de gens n’ont même plus envie de sortir…
Qui sont ces gens qui enfilent des couches et boivent le biberon en rentrant du travail ?
Melba Newsome
Giovanni Sabato
p. 66 L’ENVERS DU DÉVELOPPEMENT
p. 82 L’ÉCOLE DES CERVEAUX
p. 92-97
Covid-19 : l’étrange peur Les bébés adultes : de sortir de chez soi retour en enfance !
PERSONNEL
YVES-ALEXANDRE THALMANN
Le juteux marché de l’énergie cosmique Mettre sa pensée sur pause, se fier à son intuition : ces mantras du développement personnel dénotent une méconnaissance totale de la psychologie. p. 70 RAISON ET DÉRAISONS
JEAN-PHILIPPE LACHAUX
Les trois temps de l’apprentissage
Le cerveau apprend sur trois échelles de temps : les maîtriser aide à devenir expert. p. 86 LA QUESTION DU MOIS
Une pièce paraît-elle plus grande avec ou sans meubles ? Christoph Freiherr Von Castell
NICOLAS GAUVRIT
Comment se protéger contre les théories du complot ?
Le degré d’études atteint par un individu est la meilleure protection. Ce qui signifie : investir massivement dans l’enseignement.
p. 88 LES CLÉS DU COMPORTEMENT SYLVIE CHOKRON
Les délices du commérage
Colporter des ragots a probablement été le premier ciment des sociétés humaines.
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p. 92 SÉLECTION DE LIVRES Le Cerveau reptilien Pas de panique au volant ! Fake news L’Attachement Aromathérapsy Le Dialogue intérieur p. 94 NEUROSCIENCE ET LITTÉRATURE SEBASTIAN DIEGUEZ
Les Exercices spirituels : un café avec Dieu
Dans ces écrits d’Ignace de Loyola, on trouve une méthode pour favoriser des hallucinations rendant l’expérience de Dieu plus concrète.
DÉCOUVERTES Actualités
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NUTRITION
Un bon microbiote diminue l’anxiété
n le sait bien maintenant : notre intestin et notre cerveau communiquent en permanence de diverses façons, la santé de l’un influençant celle de l’autre, et vice versa. Et ce grâce notamment au microbiote intestinal, l’ensemble des bactéries inoffensives qui peuplent notre système digestif. Mais on n’avait pas encore la preuve directe – chez l’homme – qu’un bon microbiote améliore la santé mentale, notamment en diminuant l’anxiété. C’est désormais chose faite avec cette étude de Nicola Johnstone, de l’université de Surrey, en Angleterre, et ses collègues. Pour ce faire, les chercheurs ont recruté 64 personnes âgées de 18 à 25 ans, en excellente santé physique et mentale, et leur ont fait consommer, chaque jour pendant quatre semaines, soit un prébiotique, à savoir 7,5 grammes de galacto-oligosaccharide (GOS), soit un placebo. Les prébiotiques, tout comme les probiotiques, sont désormais ce que l’on nomme des « psychobiotiques », des substances qui, une fois ingérées, seraient capables d’améliorer la santé mentale. Johnstone et ses collègues ont, en parallèle, analysé l’humeur, le sommeil et le bien-être des participants, ainsi que l’évolution de leur microbiote, par analyse des selles. Résultat : comparé au placebo, le prébiotique diminue bien l’anxiété et améliore le sommeil des individus les plus
Faut-il dormir avec son chat ?
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i votre enfant dort régulièrement avec son chat ou son chien, faut-il s’inquiéter pour son sommeil ? Certains médecins le pensent, mais sans véritable argument scientifique. Or une nouvelle étude menée par Hillary Rowe, de l’université Concordia, à Montréal, et ses collègues vient battre en brèche cette idée.
anxieux. Tout en améliorant la qualité de leur microbiote intestinal, avec notamment davantage de bifidobactéries. Pourquoi avoir choisi des sujets si jeunes ? Parce que, chez l’être humain, on avait déjà suggéré qu’un bon microbiote dans l’enfance serait associé à moins de risques ultérieurs de dépression et d’autres maladies mentales, suggérant que les effets des bactéries intestinales sur le cerveau sont cruciaux au moment du neurodéveloppement. Mais, pour l’instant, les seules données concernant l’effet direct des bonnes bactéries intestinales sur le cerveau et l’humeur avaient été obtenues sur des animaux de laboratoire. C’est donc la première fois que l’on démontre qu’une intervention avec un prébiotique durant la fin de l’adolescence et le début de l’âge adulte est possible et encore bénéfique. Bien qu’il ne soit pas forcément nécessaire de consommer des compléments alimentaires prébiotiques pour avoir un bon microbiote – car une alimentation saine et équilibrée est souvent suffisante –, peut-être serait-il quand même intéressant d’analyser le microbiote des jeunes les plus anxieux afin de le corriger s’il est déséquilibré. £ Bénédicte Salthun-Lassalle
Grâce à une batterie de capteurs et de questionnaires, ces chercheurs ont analysé les nuits de 188 enfants âgés de 11 à 17 ans. Plus du tiers d’entre eux dormaient parfois ou souvent avec leur animal, mais cela n’affectait aucun paramètre objectif de leur sommeil. Au contraire, la présence fréquente de leur compagnon à quatre pattes leur donnait le sentiment subjectif de mieux dormir. « Peut-être parce que les enfants considèrent les animaux de compagnie comme des amis proches et trouvent leur présence réconfortante », estime Hillary Rowe. £ G. J.
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Nicola Johnstone et al., Scientific Reports, le 15 avril 2021.
Un magazine édité par POUR LA SCIENCE 170 bis boulevard du Montparnasse 75014 Paris
NEUROBIOLOGIE
Des champignons contre la migraine ?
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© Shutterstock.com/Dmytro Tkachenko
E. Schindler et al., Neurotherapeutics, vol. 18, pp. 534-543, 2021.
uand on est migraineux et que l’on souffre, trois ou quatre jours par semaine, de crises qui rendent parfois toute activité impossible, bénéficier d’un traitement efficace est une priorité absolue. Aujourd’hui, une des classes de médicaments les plus efficaces est celle des triptans, des molécules qui imitent l’action d’un important neuromédiateur du cerveau qui semble faire défaut pendant les crises : la sérotonine. Les triptans se fixent sur les récepteurs de la sérotonine et en reproduisent l’action, avec des effets appréciables, mais ils ne parviennent à neutraliser entièrement la douleur que chez 30 % des patients, et chez une bonne partie d’entre eux elle revient dans la journée. Pourrait-on aller plus loin dans l’activation de cette voie de la sérotonine ? Depuis quelques années, la recherche sur les composés hallucinogènes a le vent en poupe, et certaines molécules comme la psilocybine, contenue dans le champignon psilocybe (que l’on trouve facilement dans nos prés et champs), révèlent des effets thérapeutiques étonnants, notamment dans le traitement de dépressions résistantes aux traitements usuels. Or la dépression est une maladie dans laquelle les taux de sérotonine sont également insuffisants. La psilocybine se fixe sur les récepteurs de la sérotonine et les active : se pourrait-il qu’elle atténue les douleurs des migraines ?
Directrice des rédactions : Cécile Lestienne Cerveau & Psycho Rédacteur en chef : Sébastien Bohler Rédactrice en chef adjointe : Bénédicte Salthun-Lassalle Rédacteur : Guillaume Jacquemont Conception graphique : William Londiche Directrice artistique : Céline Lapert Maquette : Pauline Bilbault, Raphaël Queruel, Ingrid Leroy, Charlotte Calament Réviseuse : Anne-Rozenn Jouble Développement numérique : Philippe Ribeau-Gésippe Community manager : Aëla Keryhuel Marketing et diffusion : Charline Buché Chef de produit : Eléna Delanne Directrice du personnel : Olivia Le Prévost Sécrétaire général : Nicolas Bréon Fabrication : Marianne Sigogne, Zoé Farré-Vilalta Directeur de la publication et gérant : Frédéric Mériot Ont également participé à ce numéro : Maud Bruguière, Caroline Vanhoove, Charlotte Matoussowsky Anciens directeurs de la rédaction : Françoise Pétry et Philippe Boulanger Publicité France stephanie.jullien@pourlascience.fr
Pour le savoir, Emmanuelle Schindler et ses collègues de l’université de Yale ont donné une seule dose de psilocybine à des volontaires qui avaient en moyenne des crises de migraine pendant 3,5 jours par semaine. Résultat : après une brève phase d’hallucinations visuelles (souvent accompagnée d’un sentiment de paix et de calme), la fréquence des crises est passée à 1,7 jour par semaine, et leur durée de 15 à 10 heures. Outre le changement important de qualité de vie, l’avantage est de n’avoir à prendre qu’une seule dose au début de chaque période, sans effet secondaire noté à ce jour. Mais cette étude pilote devra être répliquée sur de plus vastes échantillons avant de déboucher sur des traitements disponibles sur le marché. Et surtout, si vous avez une migraine, n’allez pas consommer de psilocybes récoltés dans les prés ! Leur cueillette est interdite, la psilocybine doit être isolée par des méthodes chimiques contrôlées, et son administration encadrée par un personnel spécialisé. £ S. B.
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Espace abonnements www.boutique.groupepourlascience.fr Courriel : serviceclients@groupepourlascience.fr Téléphone : 01 86 70 01 76 Adresse postale : Service abonnement Groupe Pour la Science 56 rue du Rocher 75008 Paris Diffusion de Cerveau & Psycho Contact kiosques : À juste titres ; Alicia Abadie Tel : 04 88 15 12 47 Information/modification de service/réassort : www.direct-editeurs.fr Abonnement France Métropolitaine : 1 an – 11 numéros – 54 € (TVA 2,10 %) Europe : 67,75 € ; reste du monde : 81,50 € Toutes les demandes d’autorisation de reproduire, pour le public français ou francophone, les textes, les photos, les dessins ou les documents contenus dans la revue Cerveau & Psycho doivent être adressées par écrit à « Pour la Science S.A.R.L. », 162, rue du Faubourg Saint-Denis, 75010 Paris. © Pour la Science S.A.R.L. Tous droits de reproduction, de traduction, d’adaptation et de représentation réservés pour tous les pays. Certains articles de ce numéro sont publiés en accord avec la revue Spektrum der Wissenschaft (© Spektrum der Wissenschaft Verlagsgesellschaft, mbHD-69126, Heidelberg). En application de la loi du 11 mars 1957, il est interdit de reproduire intégralement ou partiellement la présente revue sans autorisation de l’éditeur ou du Centre français de l’exploitation du droit de copie (20, rue des Grands-Augustins — 75006 Paris). Origine du papier : Finlande Taux de fibres recyclées : 0 % « Eutrophisation » ou « Impact sur l’eau » : Ptot 0,005 kg/tonne La pâte à papier utilisée pour la fabrication du papier de cet ouvrage provient de forêts certifiées et gérées durablement.
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DÉCOUVERTES Anthropologie
L’homme est-il un animal domestique ? Par Brian Hare, professeur d’anthropologie évolutionniste, de psychologie et de neurosciences à l’université Duke, aux États-Unis, et Vanessa Woods, chercheuse et directrice de la crèche canine expérimentale de l’université Duke (Duke Puppy Kindergarten).
Nos ancêtres ont domestiqué le chien, le cochon ou la vache en sélectionnant les animaux les plus doux et commodes. En fait, ils pourraient avoir aussi domestiqué… l’homme lui-même.
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ous sommes seuls humains sur Terre aujourd’hui, mais, à l’échelle de l’évolution, tout récemment encore, nous avions encore de la compagnie. Pendant les 300 000 ans ou plus de son existence, notre espèce a partagé la Terre avec au moins quatre autres espèces humaines, puis, manifestement, elle s’est imposée… Pourquoi ? Parce que nos ancêtres étaient les meilleurs chasseurs, plus intelligents et avaient plus de savoir-faire, c’est évident ! Du moins, est-ce là l’histoire bien gentille que nous nous répétons. La réalité est que certaines
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des autres espèces ont vécu bien plus longtemps que la nôtre – au moins 1 million d’années de plus –, que le cerveau néandertalien semble avoir été plus gros que le nôtre, et que certains des savoir-faire de nos cousins humains étaient plus avancés que ceux de nos ancêtres… Ainsi, si un extraterrestre avait tenté il y a 100 000 ans de deviner quelle espèce humaine prendrait le dessus sur la planète, il aurait peutêtre parié sur nos musculeux cousins néandertaliens : l’ancêtre commun que nous partageons avec eux vécut il y a quelque 600 000 ans ; ils ne le cédaient en rien à nos lointains aïeuls pour ce qui est de l’habileté à la chasse, puisqu’ils étaient capables d’abattre des mammouths, des aurochs… et tous les grands mammifères de leur époque ; ils étaient également doués d’une pensée symbolique, puisqu’ils décoraient leurs corps de pigments et de parures faites de plumes, de coquillages et d’os ;
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DÉCOUVERTES Thérapie
Écrire pour sortir du trauma
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Par Nayla Chidiac, psychologue clinicienne, docteure en psychopathologie clinique, consultante auprès de l’ONU pour la prise en charge des victimes de traumatismes, fondatrice des ateliers d’écriture au centre hospitalier Sainte-Anne, à Paris.
Après un trauma, l’angoisse et les ruminations empoisonnent souvent l’existence. Mettre par écrit ses ressentis, voire son imaginaire, apporte alors des bénéfices insoupçonnés.
EN BREF £ Chez les victimes de stress post-traumatique, la pensée tourne souvent en boucle, sur fond de stress permanent. £ Écrire sur l’événement douloureux aide alors à s’apaiser et à sortir de ces ruminations – même si la supervision d’un thérapeute est souvent nécessaire pour éviter des effets contre-productifs.
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£ D’autres techniques d’écriture, qui ne sont pas forcément focalisées sur le traumatisme lui-même, permettent plus généralement un « assouplissement psychique » salutaire.
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uand il se présente à ma consultation, Ovide, 28 ans, est dans un état d’esprit douloureux et indéfini. Expertcomptable, expatrié en Amérique du Sud, il ne peut plus exercer son métier depuis des mois, son entreprise ayant déposé le bilan. Il se sent bloqué, dans une impasse, contrarié, souvent triste sans savoir pourquoi. Alternant entre les attitudes conflictuelles et la fuite, il a l’impression de « fonctionner à moitié ». Habitué à décompresser grâce à la musique, il ne parvient plus à se ressourcer en jouant, en particulier dans cette période pandémique où la distanciation sociale lui interdit de retrouver son groupe. Il s’isole de plus en plus, à tel point que sa compagne lui conseille de consulter un thérapeute. Seul avec ses pensées, débordé par leur flux incessant et incapable de les mettre en ordre, il lui faut trouver un moyen d’exprimer son trop-plein d’émotions. En réalité, le manque d’interactions sociales, chez Ovide, n’a fait qu’approfondir un problème plus ancien. Il y a deux ans, il a vécu un deuil traumatique dont il ne s’est jamais remis : le suicide de son frère, qu’il a découvert pendu en entrant dans sa chambre. Comme Ovide n’est pas très à l’aise pour s’exprimer par oral, je lui propose une thérapie par l’écriture – via Zoom, étant donné l’éloignement
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DÉCOUVERTES Épigénétique
La mémoire dans les gènes Par Johannes Gräff, professeur à l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), en Suisse, où il dirige le laboratoire de neuroépigénétique.
© Shutterstock.com/GoodStudio
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Pourquoi vous souvenez-vous encore, des décennies plus tard, de votre tout premier baiser ? Des études récentes révèlent que les expériences fortes, bonnes ou mauvaises, s’impriment dans notre ADN.
uand j’avais six ans, je faisais souvent du vélo avec mon meilleur ami. Je me souviens encore des routes que nous dévalions à toute vitesse, évitant les obstacles et toujours en faisant la course. Pourquoi ce souvenir est-il si vivace, si précis ? À l’époque où je ne faisais que pédaler, cette question préoccupait déjà Francis Crick, un des récipiendaires du prix Nobel de physiologie ou médecine pour l’élucidation de la structure de l’ADN. Il précisait, dans une publication datée de 1984, que la plupart des composants des neurones ne sont pas du tout adaptés au stockage de souvenirs pendant des années, voire des décennies. En effet, les neurones sont en grande partie constitués de protéines dont la demi-vie est de quelques heures, tout au plus de quelques jours… L’ADN N’OUBLIE PAS Comment, dans ce cas, le cerveau peut-il garder la trace d’une information pendant des décennies ? Existerait-il, dans notre organisme,
EN BREF £ Les souvenirs à long terme laissent des « marques » épigénétiques sur notre matériel génétique : ce sont, entre autres, des groupements acétyles sur les histones autour desquelles s’enroule l’ADN et des méthyles sur certains gènes. £ En revanche, le cerveau des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer présente moins d’acétyle – qui favorisent la mémorisation –, tout comme celui des sujets atteints de stress post-traumatique qui n’arrivent pas à guérir. £ Chez les rongeurs, on a déjà réussi à restaurer l’acétylation avec des médicaments et ainsi amélioré leur mémorisation ou diminué leur anxiété…
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des molécules qui resteraient presque immuables dans le temps ? Une telle molécule est l’ADN. Il code l’information génétique de façon extrêmement stable. Crick s’est donc demandé si les souvenirs ne pouvaient pas être « ancrés » dans le génome, sous forme de modifications chimiques. Dans les années 1980, ses collègues chercheurs n’accueillirent pas très favorablement cette nouvelle idée. Mais depuis lors, de nombreuses études scientifiques ont prouvé que des changements chimiques de l’ADN interviennent bel et bien : de tels changements modifient l’expression des gènes, sans pour autant changer leur séquence, et ils contribuent effectivement à la formation et au maintien de la mémoire. On parle alors de modifications épigénétiques, du grec épi signifiant « sur » (voir l’encadré page 35). DES ATTACHES CHIMIQUES SUR L’ADN La première preuve d’un codage épigénétique des souvenirs nous vient de David Sweatt, de l’université de South Alabama à Birmingham, aux États-Unis. En 2004, il a conditionné des rats à redouter un son particulier. Puis il a remarqué que leur cerveau contenait alors un nombre important de groupements chimiques, comme des acétyles, sur certaines molécules associées à
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Dossier 39
SOMMAIRE
p. 40 Yoga Vers l’équilibre mental
YOGA,
p. 50 Interview Le yoga reconnecte le corps et le cerveau p. 56 Tai-chi : les mouvements qui guérissent
TAI-CHI, QI GONG… Comment ces pratiques renforcent notre cerveau
« Apaiser l’agitation du mental » :
qui ne voudrait pas d’un tel programme par les temps qui courent ? Fini l’anxiété, le stress, la déprime… Et comment dites-vous que ça marche ? En s’asseyant. En se relevant, en se tenant debout, en joignant les mains, en gardant l’équilibre. Parce que, pendant ce temps-là, votre corps se reconnecte à votre cerveau, qui libère des molécules nourricières qui font pousser les neurones, renforcent les zones de la mémoire, de la concentration, et ralentissent l’usure des cellules due au vieillissement. Pas étonnant que le yoga se répande comme une traînée de poudre… Et, avec lui, les autres disciplines mêlant le corps et l’esprit, comme le tai-chi chuan ou le qi gong. Il était temps de remettre un peu de calme dans ce monde dopé à la performance. Mais pour mieux comprendre comment cela fonctionne, et ce que vous pouvez en attendre, bienvenue dans ce dossier où l’on parlera de yoga… et, bien sûr, de cerveau ! Sébastien Bohler
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Dossier
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Comme toutes les postures inversées en Yoga, la posture sur la tête permet d’apporter plus d’oxygène au cerveau.
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YOGA
VERS L’ÉQUILIBRE MENTAL En quelques années, un art millénaire est devenu objet d’étude scientifique. Et l’on mesure ses bienfaits : reconfiguration du cerveau, libération de neurotransmetteurs apaisants, effets antistress et antidépresseurs… Mais comment choisir sa bonne pratique ? Par Miriam Berger, psychologue et journaliste scientifique.
EN BREF £ Des études ont montré que le yoga atténue l’agitation liée au stress et améliore le bien-être. £ Des études d’imagerie montrent également des effets neurobiologiques, tels qu’une libération accrue du messager inhibiteur GABA et un développement accru de l’hippocampe, le centre de la mémoire dans le cerveau. £ En tant que mesure de soutien, le yoga peut favoriser la thérapie de l’anxiété et de la dépression.
A
ujourd’hui, le yoga connaît une expansion spectaculaire. Des dizaines de millions de personnes en Europe pratiquent régulièrement les positions du guerrier, du corbeau et du cobra. À la mode dans toutes les professions et tous les groupes d’âge, il attire pour des raisons diverses. D’abord pour des raisons de santé : relaxation, gestion du stress, entraînement du dos ou maintien d’une bonne forme physique.
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La progression de cette pratique est constante. Depuis les années 1990, le nombre d’adeptes en Europe ou aux États-Unis n’a cessé d’augmenter. Bien sûr, un vrai yogi a besoin des bons accessoires : tapis, vêtements, livres de yoga, et bien d’autres choses encore dont le commerce fleurit inévitablement. Mais dans quelle mesure le yoga renforce-t-il réellement la santé mentale ? Quelles sont les possibilités et les limites des exercices d’étirement et de relaxation ? Le yoga traditionnel (du sanskrit yuga, « lier », « harnacher ») vient d’Inde, et ses origines remontent probablement à plus de cinq mille ans. Une source importante de cette école spirituelle, qui est censée ouvrir la voie vers le divin, est un écrit du savant indien Patañjali : le Yoga Sutra contient les bases essentielles de l’enseignement.
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INTERVIEW
LIONEL COUDRON
MÉDECIN, DIRECTEUR DE L’INSTITUT DE YOGATHÉRAPIE (IDYT) DEPUIS 1993, ANCIEN PRÉSIDENT DE L’ÉCOLE DE PROFESSEURS DE LA FÉDÉRATION FRANÇAISE DE HATHA YOGA, ET ENSEIGNANT DE YOGA.
LE YOGA RECONNECTE LE CORPS ET LE CERVEAU En 2020, le récit autobiographique Yoga, d’Emmanuel Carrère, est pressenti pour le prix Goncourt et se vend à presque 200 000 exemplaires. Parallèlement, le nombre de pratiquants ne cesse d’augmenter dans le monde. Comment expliquez-vous ce succès ? Cela répond tout simplement à un besoin de notre époque. L’arrivée en force du yoga dans notre culture est le résultat d’une évolution entamée
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dès la fin des années 1960, avec le mouvement imprimé par les Beatles et leurs voyages en Inde. En France cette première vague a pris au début dans les maisons des jeunes et de la culture peu après et aux tout débuts du Club Med (eh oui !), sous la houlette de son créateur Gérard Blitz, qui en était un grand pratiquant et l’a implanté dans tous ses centres. Toutes celles et ceux qui le faisaient pendant leurs vacances continuaient en rentrant chez eux. A suivi, dans les années 2000, un boom du yoga aux États-Unis, avant un retour de vague en France en 2007. Parallèlement, le mouvement a eu un très fort succès en Asie (en Chine, notamment), alors pourtant qu’il venait d’Inde. Pourquoi ce succès planétaire ? Il vient compenser à mon avis une perte de repères des individus au tournant du millénaire. On n’a plus les certitudes d’autrefois. La religion, la vision classique du monde avec la famille, les institutions… Tout cela a fait place à une accélération des rythmes de vie et bien souvent, devant cet effacement des repères traditionnels de la société, on se raccroche à ce qui est « soi ». Et cela commence par le corps. Vers la fin du XXe siècle, on commence à accorder beaucoup d’importance à la santé du corps, au bien-être… Des préoccupations qui n’étaient évidemment pas celles d’autrefois. Le corps, est-ce le « soi » ? En partie, oui. La culture occidentale a séparé le corps et l’esprit sous l’influence de la pensée dualiste de Descartes, mais bien avant dans la tradition chrétienne l’esprit et le corps sont déjà bien distincts. Or le yoga, par son sens originaire même, signifie « ce qui relie ». C’est ce qui relie le corps et l’esprit, mais aussi l’individu et le monde. Le lien entre corps et esprit prend aujourd’hui son sens à la lumière des connaissances acquises en physiologie et en psychologie. Le courant de recherches sur la cognition incarnée, très actif
depuis une vingtaine d’années, montre très bien que les actions du corps conditionnent en grande partie nos émotions et nos pensées. Par exemple, quand on amène une personne à réaliser à son insu des mouvements du visage qui ressemblent à un sourire, elle liste ensuite plus d’émotions positives sur une feuille de papier. Les contractions musculaires et les commandes motrices sont connectées aux centres limbiques des émotions dans le cerveau. Vouloir séparer les deux est artificiel, et le yoga table justement sur cette connexion pour moduler le contenu mental en agissant sur les postures corporelles. Concrètement, comment cela se passe-t-il ? Le pratiquant va travailler différentes postures, en adaptant la respiration selon les circonstances, en général en l’allongeant, et en prenant conscience du mouvement des pensées, des émotions, tout en restant attentif aux ressentis du corps. Tout le principe de la pratique repose sur le fait que le cerveau et le corps sont en interconnexion permanente. Ce que je ressens dans mon corps influe sur ce que je pense. Et donc, si je peux agir sur mon corps, je peux aussi influer sur le reste. Par exemple, si je ressens une crispation,
prennent le pouvoir, les pensées surviennent et sont colorées par ces dernières. Au contraire, si je me place dans un état de décontraction et de relaxation, où je suis détendu musculairement, je ressens des émotions positives associées. Mon organisme sécrète moins de cortisol, l’hormone du stress, et une dynamique différente se met en place. L’idée, on l’a compris, est ici de piéger les tensions corporelles et de les éliminer, au moyen de contractions et d’étirements. Mais il faut toujours veiller à ce que ce travail soit accompagné d’une respiration adéquate, profonde, en phase avec les mouvements. Chaque posture a-t-elle un effet différent sur le mental ? Indéniablement. Mais cela dépend aussi du ressenti de chaque pratiquant. Il y a des postures de redressement, et d’autres dites « de fermeture ». Par exemple, se mettre en boule, en position fœtale (la position dite « de l’enfant »), aide souvent les pratiquants qui le souhaitent à se sentir en sécurité. Les postures verticales associent la confiance et le lâcher-prise vis-àvis des cognitions négatives comme l’angoisse ou la colère. De façon générale les postures d’équilibre
L’intérêt majeur est que le lieu du refuge est le corps propre. Et dès qu’on sait quelle posture nous apaise, on peut y revenir. une oppression thoracique, si j’ai le ventre crispé, les mâchoires serrées, ces tensions sont captées par certaines aires du cerveau comme le cortex cingulaire antérieur ou l’insula, et répercutées sur le système limbique des émotions, notamment l’amygdale et l’hippocampe. Dès lors, une fois que les émotions
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(par exemple, l’arbre, où l’on se tient debout sur un pied, mains jointes au-dessus de la tête avec une jambe repliée contre l’autre) sont des attitudes extraordinaires pour développer les cognitions positives car elles développent la confiance et l’assise (asana, en sanskrit). Elles obligent le corps à corriger sans cesse les petits
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DOSSIER YOGA, TAI-CHI, QI GONG…
TAI-CHI
LES MOUVEMENTS QUI GUÉRISSENT
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Le tai-chi chuan, art ancestral de la coordination et du souffle, révèle aujourd’hui de multiples bénéfices sur la santé physique et mentale. Jusqu’à recâbler finement votre cerveau. Par Sébastien Bohler, rédacteur en chef de Cerveau & Psycho.
EN BREF £ Né en Chine il y a huit siècles, le tai-chi chuan a conquis quelque 300 millions de personnes dans le monde. Il propose des exercices à base de mouvements lents et de souffle profond. £ Les effets de cette pratique pour le corps sont excellents : amélioration des capacités respiratoires, diminution du stress, protection contre le risque cardiovasculaire et l’hypertension.
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£ Le tai-chi fait grossir le cerveau, en renforçant tout particulièrement les zones importantes pour la mémoire, l’imaginaire et la compréhension des autres. Il ralentit le déclin cognitif et la progression de la maladie de Parkinson. £ Le qi gong, une pratique apparentée, plus focalisée sur le souffle, apporte des bénéfices analogues, qui commencent tout juste à être étudiés.
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’est à la fin du XIII e siècle, en Chine, que naquit la légende du moine Zhang Sanfeng. Ce mystérieux personnage errant possédait, dit-on, des pouvoirs extraordinaires. Capable de jeûner pendant des semaines entières, il était également à même d’ingurgiter autant de nourriture qu’on lui en proposait. L’âge n’avait pas prise sur lui et ses os étaient d’une solidité à toute épreuve. Sa renommée arriva aux oreilles de l’empereur, car on prétendait qu’il avait inventé un nouvel art martial, le tai-chi chuan, ou encore la « boxe du faîte suprême ». Le principe de cette discipline : canaliser l’énergie du corps, elle-même issue de la terre. Ainsi, le pratiquant puisait son pouvoir dans les pieds, dans l’enracinement du corps dans le sol, d’où l’énergie remontait et devait être orientée par le bassin, en mouvements spiraux, avant d’être libérée par la main. La discipline se transmit de disciple en disciple jusqu’à sa formalisation écrite sous la forme d’un manuel du tai-chi chuan en 1930. Il s’est ensuite transformé pour ne conserver que des mouvements lents et relâchés dont le but est de favoriser la circulation de l’énergie dite « fluide », le jing, par opposition à la force brute. UN SUCCÈS MONDIAL Les exercices de tai-chi chuan, aujourd’hui pratiqués par quelque 300 millions d’adeptes de par le monde, mêlent souplesse, équilibre et respiration, notamment dans le qi gong, un art affilié qui insiste plus particulièrement sur le souffle. D’où vient ce succès ? Pour les pratiquants, le tai-chi chuan apporte une sensation de bien-être, d’énergie, de meilleure circulation sanguine et d’émotions positives sans pareille. Au point que, depuis quelques années maintenant, les scientifiques se sont penchés sur la question. Le nombre de publications sur ce sujet a littéralement explosé : alors qu’une seule étude était publiée en 1990, on en dénombrait près de 200 en 2015. Besoin de relier le corps et l’esprit, de retrouver de la lenteur et de la maîtrise dans un monde toujours plus rapide, et façon de se recentrer sur soi – les ingrédients d’une sorte d’antidote aux maux modernes se trouvaient réunis. Que disent la médecine et la science sur les effets avérés de cette pratique ? En 2016, une grande synthèse des études réalisées sur le tai-chi
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ÉCLAIRAGES p. 66 Le juteux marché de l’énergie cosmique p. 70 Comment se protéger contre les théories du complot ?
Covid-19
L’étrange peur de sortir de chez soi
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Après plus d’un an de distanciation sociale liée à la pandémie de Covid-19, certaines personnes sont victimes d’un étrange syndrome, dit « de la cabane » : la simple idée de retrouver la vie d’avant et de se mêler à nouveau aux autres les angoisse.
Par Melba Newsome, journaliste scientifique.
EN BREF £ Le syndrome de la cabane désigne une peur de sortir de chez soi et de retrouver une vie normale après une période d’isolement.
© Gettyimages/Justin Paget
£ Il serait lié aux nouvelles habitudes de vie prises pendant cette période, ainsi que, dans le cas du Covid-19, à une mauvaise perception des risques liés à la pandémie. £ S’il est léger, quelques activités comme la musique peuvent suffire à l’apaiser, mais pour les formes plus graves, mieux vaut consulter un professionnel de la santé mentale.
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iagnostiquée positive au Covid-19 en novembre 2020, Andrea Collier ne se sent pas pour autant protégée par les anticorps qu’elle a développés : craignant une nouvelle infection, elle est déterminée à se faire vacciner. Elle s’inscrit à de nombreux sites et se démène pour obtenir un rendez-vous, qu’elle finit par décrocher. Le 21 février, elle reçoit sa deuxième dose de Pfizer. Enfin la délivrance ? À sa grande surprise, pas du tout. Lorsque le 8 mars les Centers for disease control and prevention (CDC) américains autorisent les personnes vaccinées à reprendre certaines activités prépandémiques, comme se réunir à l’intérieur sans masque, elle n’éprouve pas l’intense sentiment de liberté qu’elle attendait. Au
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contraire, sa peur de l’infection ne fait que croître. Plusieurs mois plus tard, elle n’a toujours pas mangé dans un restaurant ni rencontré quelqu’un en dehors de sa « bulle pandémique ». Autrefois grande voyageuse, elle n’arrive pas à s’imaginer prendre l’avion dans un avenir proche. Andrea Collier est loin d’être seule dans ce cas : après une année de distanciation sociale, de nombreuses personnes ont peur de retrouver leur vie d’avant, même si elles sont complètement vaccinées. Il existe d’ailleurs un nom pour décrire leur expérience : le syndrome de la cabane. LE SYNDROME DE LA CABANE C’est qu’entre le refuge offert par son domicile et l’incertitude du monde extérieur, la transition est parfois difficile. Jacqueline Gollan, professeur de psychiatrie et de sciences du comportement à l’université Northwestern, affirme que l’adaptation à la nouvelle normalité, quelle qu’elle soit, prendra du temps. « Les changements liés à la pandémie ont suscité
ÉCLAIRAGES Raison et déraisons
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NICOLAS GAUVRIT
Psychologue du développement et enseignant-chercheur en sciences cognitives à l’université de Lille.
Comment se protéger contre les théories du complot ? Une des meilleures protections contre les théories conspirationnistes serait conférée par le degré d’études atteint par un individu. Raison de plus pour investir massivement dans l’école et l’université !
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n avril dernier, le professeur de médecine spécialiste des maladies infectieuses, Christian Perronne, répondait à Jean-Marc Morandini sur le plateau de CNews à propos du Covid, à l’occasion de la sortie de son dernier livre Décidément, ILS n’ont toujours rien compris. Covid‑19. Celui qui dit la vérité doit être exécuté. Selon le professeur, l’efficacité des
vaccins contre le coronavirus n’est pas encore avérée. Des médicaments efficients existent et sont connus, mais ne sont pas prescrits du fait de l’action des lobbys pharmaceutiques. D’ailleurs, explique-t-il, « on » nous ment et le professeur dérange parce qu’il dit la vérité. Un discours qui évoque les théories du complot, ces convictions intimes, non fondées sur des faits probants, qu’un complot caché explique tel ou tel événement de société. Pourtant, Perronne est un médecin et un professeur d’université patenté. Ce qui laisse poindre une possibilité angoissante : le niveau d’éducation d’une personne (notamment, sa formation intellectuelle, son accès à la
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culture et au savoir) n’aurait-il donc aucun effet sur son adhésion aux théories du complot ? VOULEZ-VOUS ÊTRE IMMUNISÉ CONTRE LES THÉORIES DÉLIRANTES ? En réalité, s’il existe bien évidemment des personnes diplômées montrant une forte tendance conspirationniste, l’effet de l’éducation est au contraire bien établi : en tendance, un niveau d’instruction plus élevé est statistiquement associé à une plus faible probabilité d’adhésion aux théories du complot. En 2017, Jan-Willem van Prooijen, c herc heur à l’université d’Amsterdam et grand spécialiste de la
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Selon la théorie des reptiliens, l'humanité est gouvernée par des hommes-lézards déguisés en Barack Obama, Angela Merkel, Emmanuel Macron et même, en d'autres temps, Georges Pompidou. Environ 1 Britannique sur 10 y croirait, et le Premier ministre néozélandais a dû déclarer publiquement qu'il n'était pas un saurien en costume pour rassurer ses électeurs.
pensée conspirationniste, a tenté d’en savoir plus grâce à deux enquêtes menées aux Pays-Bas. Son objectif : comprendre ce qui détermine l’effet réducteur de l’éducation sur l’adhésion conspirationniste. La première enquête de van Prooijen fut menée en ligne auprès de 4 062 internautes. Un questionnaire de 10 minutes environ permettait d’estimer le niveau de pensée conspirationniste, le niveau d’étude, ainsi que quatre facteurs que le chercheur entendait examiner parce qu’ils sont connus pour être liés à la fois au niveau d’étude et à la pensée conspirationniste. Il s’agit du sentiment d’impuissance, de la
classe sociale subjective (autrement dit l’idée que l’on se fait de sa place dans la société), de l’estime de soi, et de la complexité cognitive. UN DANGEREUX SENTIMENT D’IMPUISSANCE Le sentiment d’impuissance est l’impression que les efforts que l’individu peut déployer pour faire face à une situation sont sans effet. Cela peut concerner la lutte contre un virus (l’impression que les gestes barrières sont inefficaces), le chômage (le sentiment que toutes les démarches pour trouver un emploi n’aboutiront à rien) ou le découragement face à l’action politique
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(« mon vote ne sert à rien »). Quant à la complexité cognitive, il s’agira cette fois de la capacité ou la disposition à déployer u ne pen sée élaborée et réfléchie, et à se méfier des solutions trop simples. Par exemple, si l’on vous dit que pour guérir du Covid il suffit de prendre un médicament miracle, une faible complexité cognitive vous portera à croire aisément ce genre d’affirmation, alors qu’une complexité cognitive élevée vous amènera à vous demander si cela tient debout. Pour évaluer chez des volontaires cette dimension de la personnalité, l’auteur a cherché si les participants considéraient que des solutions rudimentaires pouvaient résoudre
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VIE QUOTIDIENNE p. 82 Les trois temps de l’apprentissage p. 86 La question du mois p. 88 Les délices du commérage
Les bébés adultes : retour en enfance ! Ils portent des couches et raffolent du biberon : ce sont les « adult babies », ou bébés adultes, des personnes comme vous et moi qui, par plaisir, retombent dans des comportements infantiles. Un phénomène en pleine expansion.
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Par Giovanni Sabato, journaliste scientifique.
ario, tout heureux, se laisse mettre une couche-culotte. Puis il part à quatre pattes jouer avec des peluches. À l’heure du biberon, il tète, juché sur une chaise haute, avant de faire dodo dans un lit à barreaux. Rien d’étrange à tout cela, si ce n’est que Mario a 36 ans. Il fait partie de ceux que l’on appelle les adult babies – diaper lovers (ABDL), en français « bébés adultes – adeptes des couches », c’est-à-dire des adultes qui adorent adopter des comportements infantiles (les adult babies), enfiler des couches (les diaper lovers), voire les deux. D’aucuns classent ce phénomène dans la grande famille des paraphilies, que l’on appelait autrefois perversions : un intérêt sexuel intense pour autre chose que l’accouplement classique entre adultes consentants. Ces tendances sont considérées comme non pathologiques tant qu’elles ne sont pas source de souffrance pour l’intéressé ou ses partenaires – dans ce dernier cas, on parle de trouble paraphilique. Pourtant, pour beaucoup, les pratiques ABDL n’ont pas grand-chose à voir avec le sexe. Ces comportements « étranges » ont des racines plus complexes,
EN BREF £ Enfiler une couche, boire le biberon ou jouer avec un hochet : tel est le dada de milliers d’adultes appelés ABDL, autrement dit, en français, « bébés adultes et amateurs de couches ». £ Les uns souhaitent revivre les sensations de l’enfance, les autres fétichisent la coucheculotte. £ Derrière ces comportements, ni TOC ni pédophilie. Mais, le plus souvent, une enfance malheureuse qu’on cherche à « revisiter ».
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encore mal comprises et peu étudiées par les psychologues. Actuellement, le nombre de personnes ABDL est difficile à estimer, même si la Diaper Alliance Foundation parle de 34 000 adeptes pour la France. Dans certains pays comme l’Italie, le phénomène commence à être étudié par les psychologues. « C’est un phénomène souterrain. Ces personnes ont une vie sociale et professionnelle ordinaire, mais pour vivre leur ressenti profond, elles mettent un masque. Les repérer est difficile, car elles ne cherchent pas d’assistance psychologique et n’ont pas d’autres contacts liés à ces comportements, pas plus qu’elles ne disposent d’associations de référence », explique Raffaella Perrella, professeure associée au département de psychologie de l’université Luigi-Vanvitelli à Caserte, dans le sud de l’Italie. Avec son collègue Vincenzo Paolo Senese, elle a coordonné une enquête sur les ABDL italiens, parue en 2020 dans la revue International Journal of Environmental Research and Public Health. Réalisée en collaboration avec les doctorants Antonietta Lasala et Francesco Paparo, il s’agit de la première étude sur le sujet en Europe.
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Les personnes ABDL (bébés adultes amateurs de couches) ont parfois honte d’avouer leur penchant à leur partenaire mais, dans environ 50 % des cas, ce dernier se montre compréhensif.
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VIE QUOTIDIENNE Les clés du comportement
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SYLVIE CHOKRON
Membre du laboratoire de psychologie et neurocognition à Grenoble et responsable de l’équipe Vision et cognition, à la fondation ophtalmologique Rothschild, à Paris.
Les délices du commérage Avouons-le, on a parfois un peu honte de colporter des ragots douteux avec son collègue ou son voisin de palier. Mais que ça fait du bien ! L’ocytocine, hormone du lien social, coule alors à flots… La raison ? Depuis des millénaires, les potins auraient été le ciment des sociétés humaines.
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vez-vous raconté à votre voisine de palier que le nouveau voisin du sixième ne respecte pas le tri sélectif et jette toutes ses ordures dans la poubelle à couvercle vert en ignorant superbement les autres conteneurs ? Peut-être que ce n’est pas votre genre de colporter ce type d’information. Il n’empêche que l’autre jour, à la machine à café, tout le monde n’avait qu’un sujet à la bouche, le fait que le directeur adjoint doit probablement sa promotion à la relation amoureuse qu’il entretient avec la directrice générale… Enfin, vous tombiez des nues lorsque votre fille vous a raconté que sa meilleure
EN BREF £ Les ragots, potins et autres commérages sont indissociables de la vie sociale des groupes. Les chercheurs considèrent qu’ils ont permis à nos ancêtres de réguler leurs interactions. £ Sur le plan affectif, médire d’une personne resserre les liens entre les « médisants ». £ Ce rapprochement social repose sur la libération d’une hormone du lien: l’ocytocine. Un mécanisme probablement sélectionné en raison de l’avantage évolutif qui en résulte pour l’espèce.
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amie avait triché lors d’une épreuve du bac et vous n’avez pas pu vous empêcher d’en parler à une de vos très bonnes amies qui, comme vous, s’étonne que l’on puisse prendre le risque d’être interdit d’examen pendant cinq ans. Prendre du temps avec nos voisins, nos collègues, nos amis ou encore nos proches pour échanger des ragots sur nos connaissances communes, voilà une activité que nous connaissons bien et qui prend beaucoup de place dans notre vie ! Il semblerait d’ailleurs que les potins et autres racontars concernent deux tiers de nos conversations journalières en moyenne, même si, bien évidemment, nous nous en défendons… Car, on le sait bien, la médisance est considérée comme un vilain défaut, d’ailleurs sévèrement réprimandé dans les principales religions monothéistes. Le fait de colporter des informations plus ou moins reluisantes sur nos connaissances a ainsi acquis une bien mauvaise image. Ce
© Charlotte Martin/www.c-est-a-direi.fr
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LIVRES
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p. 92 Sélection de livres p. 94 Neurosciences et littérature
SÉLECTION
A N A LY S E
Par Georges Chapouthier
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CULTURE & SOCIÉTÉ Fake news Doan Bui et Leslie Plée Delcourt
CULTURE & SOCIÉTÉ Le Cerveau reptilien, Sébastien Lemerle CNRS, 2021, 224 pages, 24 €
2021, 176 pages, 22,95 €
’est le neurobiologiste américain Paul MacLean qui proposa, dans les années 1960, la thèse du « cerveau reptilien ». Selon celle-ci, les étages « supérieurs », émotionnels et cognitifs, de notre cerveau de mammifère seraient relativement indépendants d’un étage inférieur, dit « reptilien », hérité de nos ancêtres à sang froid et responsable de comportements basiques, comme les pulsions sexuelles ou l’agressivité. Cette thèse s’est révélée largement erronée, puisque les reptiles disposent, eux aussi, de structures dites « supérieures ». Les oiseaux, aux performances mentales comparables à celles des mammifères, sont d’ailleurs des reptiles (à peine) modifiés. Malgré cela, le cerveau reptilien a connu, dans des domaines non scientifiques, un succès considérable, qu’analyse ici le sociologue Sébastien Lemerle. On retrouve ainsi ce concept dans les œuvres de multiples écrivains, cinéastes ou philosophes – tel Michel Onfray, qui associe le cerveau reptilien « aux dirigeants politiques qu’il déteste le plus ». Il est également présent dans « de larges secteurs du champ journalistique », allant des journaux grand public à la presse paramédicale ou économique, qu’elle soit de droite ou de gauche, où il est devenu « une ressource symbolique […] pour quiconque désirait imputer le déplorable état du monde aux défauts innés de la nature humaine ». Enfin, dans la pratique psychosociale et le champ du développement personnel, on assiste à une nouvelle utilisation du cerveau reptilien : savoir apprivoiser le « crocodile en soi » permettrait d’acquérir un meilleur équilibre psychologique. L’ouvrage montre donc élégamment comment un concept scientifique dépassé peut trouver une nouvelle jeunesse dans des domaines inattendus. Plus généralement, il examine la façon dont le savoir scientifique « infuse » la société, parfois de façon abusive, et se demande comment éviter les erreurs et détournements : une question centrale, à l’heure où la crise du Covid-19 a révélé toute la difficulté de propager largement ce savoir, dont certains aspects sont par essence provisoires, en perpétuelle évolution grâce aux progrès des connaissances. Georges Chapouthier est neurobiologiste, philosophe et directeur de recherche émérite au CNRS.
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THÉRAPIE Pas de panique au volant ! Roger Zumbrunnen et Éric Malbos Odile Jacob
2021, 320 pages, 18,50 €
Selon une enquête espagnole, un tiers des gens ont une peur plus ou moins importante de conduire, au point de ne plus le faire du tout pour 6 % d’entre eux. Si c’est votre cas, et que cela vous handicape au quotidien, vous trouverez dans ce livre tous les outils pour reprendre la route : explications, exercices pour gérer l’anxiété, histoires de patients… Cette nouvelle édition d’un précédent ouvrage est en outre enrichie par l’apport du psychiatre Éric Malbos, spécialiste des thérapies par exposition en réalité virtuelle, qui présente les atouts de cette nouvelle technologie et les indications nécessaires pour l’utiliser.
Climatosceptiques, anti-vaccins, platistes – terme désignant ceux qui sont persuadés que la Terre est plate… Avec cette bande dessinée, la journaliste Doan Bui et la dessinatrice Leslie Plée nous emmènent dans l’univers parallèle des complotistes de tout poil. À travers une série de rencontres et de décryptages, elles analysent la façon dont internet a fait exploser le phénomène, disséquant aussi bien les algorithmes des réseaux sociaux que les pratiques perverses qu’ils engendrent – édifiant, l’exemple de cette petite ville macédonienne où l’on gagnait quatre fois le salaire d’un professeur en diffusant des fake news pro-Trump pour « faire du clic » ! À lire absolument.
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COUP DE CŒUR Par Xuyan Xiao
THÉRAPIE Aromathérapsy Françoise Couic Marinier et Laurent Briquet Terre vivante 2021, 304 pages, 21 €
ÉDUCATION L’Attachement Daniel Siegel et Tina Payne Bryson Les Arènes
2021, 352 pages, 19,90 €
Ce livre n’a pas la prétention de faire de nous des parents parfaits, mais de nous apprendre l’essentiel : être présents pour nos enfants. C’est à cette condition qu’ils développeront un attachement dit « sécure », qui aide à mener une vie plus épanouie. La présence dont il s’agit ici est active et décrite par l’acronyme Parc (pour protection, attention, réconfort, confiance). Les auteurs, respectivement psychiatre et psychothérapeute, distillent alors de multiples conseils pour la maintenir dans les diverses situations de la vie quotidienne, sur un ton résolument positif et déculpabilisant.
« Ce livre est un livre comme je les aime, un livre de soignants : amical, concret, soucieux de donner des conseils pratiques qui soient le plus possible adossés à des données scientifiques » : voilà comment le psychiatre Christophe André présente cet ouvrage en préface. Coécrit par deux docteurs, l’un en pharmacie et l’autre en psychologie, il décrit toute une série de problèmes – anxiété, insomnie, dépression… – et préconise diverses huiles essentielles pour aider à les traiter, en complément d’une autre thérapie. Une plongée dans une médecine douce qui est peut-être en train de gagner ses lettres de noblesse scientifiques.
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COGNITION Le Dialogue intérieur, Charles Fernyhough Albin Michel, 2021, 384 pages, 24 €
e discours intérieur accompagne notre vie comme un soubassement : quand nous pensons, lisons, écrivons, agissons, il y a souvent des voix qui parlent en nous, tantôt positives (« Ce paysage est magnifique »), tantôt négatives (« Je suis nul »). Le psychologue anglais Charles Fernyhough a commencé à s’intéresser à ce phénomène dans les années 1990. À l’époque, beaucoup doutaient qu’on puisse l’étudier scientifiquement – trop intime, trop inaccessible à l’observation extérieure –, mais aujourd’hui le domaine est en plein essor. Avec ce livre, l’auteur propose une belle synthèse des avancées réalisées et dévoile le rôle essentiel de ces voix intérieures dans notre cognition. Selon Fernyhough, la pensée prend fréquemment la forme d’un dialogue silencieux dans notre tête. Ce dernier naîtrait de l’intériorisation des échanges sociaux, dont la pratique entraîne dans la prime enfance la création de structures cérébrales capables d’orchestrer des échanges imaginaires entre différentes voix – ces voix formant le « chœur du moi ». Telle est aussi l’hypothèse fondatrice du psychologue soviétique Vygotski dans les années 1930. L’auteur suppose alors que les hallucinations auditives verbales, qui touchent par exemple les patients schizophrènes, proviennent d’un dérèglement de ce processus. Mais le dialogue intérieur est omniprésent dans notre vie à tous. Fernyhough le montre à travers un large éventail de données, présentant par exemple le cas des sportifs qui s’exhortent à la performance (« Tu peux y arriver », « Ne lâche pas la balle des yeux ») ou les expériences menées pour enregistrer le discours intérieur « en direct » – à l’aide de bipeurs interrompant régulièrement les participants, qui doivent alors noter ce qu’ils ont en tête. Au passage, il invite chacun de nous à repenser son rapport avec le ou les interlocuteurs qui parlent en lui. Car « mieux comprendre les voix c’est, à terme, mieux apprécier le fonctionnement de l’esprit et apprendre à vivre de manière plus productive avec les murmures, tantôt gais, tantôt chagrins, mais toujours souples et créatifs, qui vivent dans nos têtes. » Xuyan Xiao est doctorante et spécialiste du langage intérieur à l’université de Paris.
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LIVRES Neurosciences et littérature
SEBASTIAN DIEGUEZ Chercheur en neurosciences au Laboratoire de sciences cognitives et neurologiques de l’université de Fribourg, en Suisse.
Les Exercices spirituels
Un café avec Dieu Ignace de Loyola, fondateur de l’ordre des jésuites, avait inventé une méthode pour favoriser des sortes d’hallucinations rendant l’expérience de Dieu plus tangible. En actionnant, sans le savoir, de puissants principes cérébraux de la perception et de l’illusion…
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ujourd’hui, de nombreuses personnes se revendiquent « spirituelles mais non religieuses », et conçoivent la religiosité comme une quête individuelle de bienêtre, un phénomène qui se mesure au succès de l’industrie de la méditation, des retraites, des séminaires, des jeûnes organisés et autres techniques d’épanouissement du soi. Étonnamment, ce besoin de vivre la spiritualité sur un plan individuel a existé aussi en des temps où la croyance officielle était très puissante. Un des penseurs les plus novateurs sur ce plan fut Ignace de Loyola, prêtre espagnol qui fonda l’ordre des Jésuites : il avait tout simplement proposé une méthode qu’on pourrait qualifier de cognitive, pour vivre Dieu comme quelque
EN BREF £ Pour sentir la présence de Dieu, croire ne suffit pas : tel est le principe des Exercices spirituels d’Ignace de Loyola. £ Le but de ces exercices est de faire jaillir des sensations et émotions qui permettent de ressentir pour de vrai l’existence de l’enfer, du paradis ou du Créateur. £ À l’inverse des théories psychologiques classiques, la croyance ne découlerait pas d’illusions, mais en rechercherait à dessein pour se renforcer.
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chose de plus concret et de plus vif qu’une croyance. Ce furent ses Exercices spirituels, qui, quand on se penche plus attentivement sur leur contenu, mobilisent des ressorts profonds de notre fonctionnement cérébral. UNE TECHNOLOGIE COMPLEXE DE L’ESPRIT L’idée de pratiquer des « exercices spirituels » est déjà présente dans l’Antiquité, chez les Stoïques, qui voyaient la philosophie comme une pratique plutôt qu’une réflexion, dans l’ascétisme gréco-romain, dans les spiritualités orientales et les traditions mystiques juives et soufies, et bien avant cela dans les cultures chamaniques que l’on retrouve dans le monde entier. Ignace de Loyola en a produit un petit manuel très influent, publié dans sa version finale et approuvée par les autorités catholiques en 1548. Aujourd’hui encore il existe de nombreuses propositions de retraites ignatiennes, et chaque année des milliers de personnes de tous horizons se retirent du monde pour suivre, ou tenter de suivre, les préceptes des Exercices spirituels.
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À retrouver dans ce numéro
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SUPERMÉMOIRE
Les gènes sous-tendant la mémoire fonctionnent mieux entourés de groupements chimiques appelés « acétyles ». En favorisant la fixation de ces acétyles autour de l’ADN, on peut inverser le déclin cognitif de souris malades d’Alzheimer. p. 18
TESTOSTÉRONE
Nos ancêtres préhistoriques possédaient des taux de testostérone plus élevés que nous. Mais à mesure que la coopération progressait dans l’espèce humaine, les individus moins agressifs auraient eu plus de succès et mieux survécu. Une force de sélection qui aurait fait de l’humanité une espèce hypersociale. p. 66
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TRAINING OLFACTIF
85 % de patients atteints du Covid souffrent de pertes d’odorat. Un entraînement olfactif est alors très efficace : il faut s’exercer deux fois par jour pendant cinq minutes à identifier des odeurs de citron, clou de girofle, rose, eucalyptus, menthe poivrée ou café, les yeux fermés, puis de lire l’étiquette du flacon pour reformer les connexions cérébrales entre le nom de l’odeur et la sensation correspondante.
PENSÉE INTUITIVE
Penser « par intuition » est inefficace, mais reposant, ce qui explique que ce soit encouragé dans l’univers du développement personnel. Yves-Alexandre Thalmann, université de Fribourg.
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49 %
des adultes se disent mal à l’aise à l’idée de reprendre des interactions en chair et en os. Après une année passée loin de leurs amis et de leurs collègues, ils auraient du mal à reprendre leurs habitudes publiques. p. 40
GABA
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ABDL
Le sigle ABDL signifie adult babies – diaper lovers, ou « bébés adultes, amateurs de couches ». On en compte environ 35 000 en France, et 1 000 associations de par le monde. Le but : mettre des couches et prendre son biberon comme un bébé, pour régresser et retrouver des émotions oubliées.
Le GABA, ou acide aminobutyrique, est une molécule messagère du cerveau qui atténue l’excitabilité des cellules nerveuses. Des études montrent que le yoga augmente son taux dans diverses régions cérébrales, stimulant le sentiment de bien-être et réduisant les symptômes d’anxiété.
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COMPLEXITÉ COGNITIVE
La capacité à privilégier le raisonnement aux solutions trop simples protège contre les théories du complot. Elle se construit par des années d’études.
Imprimé en France – Maury imprimeur S. A. Malesherbes– Dépôt légal : juillet 2021 – N° d’édition : M0760134-01 – Commission paritaire : 0723 K 83412 – Distribution : MLP – ISSN : 1639-6936 – N° d’imprimeur : 254 660 – Directeur de la publication et gérant : Frédéric Mériot