54 ÉTATS, LE MAGAZINE DE L'AFRIQUE N°20 THE ICT GENERATION, AFRICA'S CONNECTEDN20 issuu

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N°20 mars / avril 2015 ÉDITION INTERNATIONALE

OBASANJO

ancien président du Nigeria

« CE SIÈCLE SERA CELUI DE L’AFRIQUE »

Le guérisseur de demain

LA BAD

CHERCHE SON BOSS

M 01939 - 20 - F: 3,80 E - RD

3’:HIKLTD=^UX]UX:?a@a@c@k@k";

VÉRONE MANKOU LE STEVE JOBS AFRICAIN

ÉDITION INTERNATIONALE ET AFRIQUE SUBSAHARIENNE : FRANCE 3,80 € - DOM 4,80 € - RÉUNION 4,80 € - GUYANE 4,80 € - BEL 4,00 € - MAROC 40 DH - ALGÉRIE : 394,3 DZA - TUN 6,8 DT - ZONE CFA 3100 - NIGER 3100 XAF - CAMEROUN 2700 XAF - SÉNÉGAL 2700 XAF - GAB 2700 XAF - CÔTE D’IVOIRE 2700 XAF - ISSN 2258 - 0131

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Bata - Guinée équatoriale Eau potable

Luanda - Angola Kikuxi - Eau potable Mossel Bay - Afrique du Sud Eau potable

Annaba - Algérie - Eaux usées

LʼEAU EN AFRIQUE

Kenifra - Maroc - Eau potable Ingall - Niger - Eau potable

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Oujda– Maroc – Eau potable Bata - Guinée équatoriale - Eaux usées


AFRICA INSIDE

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Internet en quelques chiffres ............................................................................ 8 Solutions transformatrices pour 2015 et au-delà .............................................. 9 Interview : Rikin Ghandi, PDG de Digital Green ............................................. 12 Télémédecine : un remède pour l’Afrique ?.................................................... 16 The African Silicon Valley ............................................................................... 18 TIC & gouvernance : pas de miracle ! ............................................................ 20 Smartphones : « Afrique, tu m’entends ? » .................................................... 24 Mobile : des applications à suivre................................................................... 26 Le Maghreb cherche sa voie .......................................................................... 28 Cimetière numérique ...................................................................................... 34 En Afrique, la tentation de la cybercriminalité ................................................ 37 Les Anonymous, justiciers du Net ? .............................................................. 38 Anonymous terrorists : la cyber-guerre est déclarée ...................................... 40 Faut-il défendre les hackers ? ........................................................................ 42 Darknet, la face cachée du web : une menace pour notre sécurité ? ............ 44 Vérone Mankou réveille le continent .............................................................. 48 Alix Desforges démêle cyber-fantasmes et cyber-réalités ............................. 50 Olusegun Obasanjo : esprit éclairé de l’Afrique ............................................ 54 Gambia : l’improbable président Jammeh ..................................................... 56 Brèves....… ..................................................................................................... 59

AFRICA OUTSIDE

Russie : « l’empire » contre-attaque ? ............................................................ 60 L’Arabie saoudite face à son destin ................................................................ 62 Brèves ........................................................................................................... 64

BUSINESS

Casting high tech in Africa .............................................................................. 66 Jaloul Ayed : ses ambitions pour la BAD ........................................................ 68 8 candidats à la présidence de la BAD .......................................................... 70 Birama Sidibé : ma vision de l’Afrique ............................................................ 71 AGCO Africa Summit : améliorer le partenariat ! ............................................ 72 Agrobusiness et l’agriculture paysanne en RDC ............................................ 74

TRIBUNE LIBRE

Sidy Diop, vice-président de Microeconomix Procédures litigieuses en Afrique : ce qu’il faut savoir ................................... 76

ÉCONOMIE

Péril jaune en terre rouge ? ............................................................................ 78 Zoom sur la présence chinoise en Afrique ..................................................... 80 Des minerais hautement stratégiques ............................................................ 81 Isabel dos Santos : une femme qui compte ................................................... 84

TENDANCE

Cap-Vert : le pays de la diva aux pieds nus ................................................... 86 Mayra Andrade ............................................................................................... 88 Le printemps arrive : oust les rondeurs ! ........................................................ 90 Kiro’o games : bienvenue dans l’african fantasy ! .......................................... 92

SPORT

Hervé Renard : intronisé roi de la CAN .......................................................... 94

Carte ............................................................................................................... 96 Données sur l’Afrique ..................................................................................... 97 Abonnement ................................................................................................... 98

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SOMMAIRE

LE MAGAZINE DE L’AFRIQUE / THE AFRICA MAGAZINE

COVER / SPECIAL REPORT

Retrouvez-nous sur www.lekiosk.com rubrique presse spécialisée et sur application 54 États 3


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LA RÉDACTION EDITORIAL STAFF

Email : contact@54etats.fr Site : 54etats.fr N° commission paritaire : 0714191439 N° ISSN : 2258-0131 Tirage : 20 000 exemplaires Société éditrice: Wolmer Communication SAS 5, rue du Capitaine Tarron 75020 Paris Tél. : 01 40 31 30 82 Siren : 751 081 159 R.C.S Bobigny Code APE : 58147 Directrice de la publication : Priscilla Wolmer priscilla.wolmer@54etats.fr

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PRISCILLA WOLMER

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ÉDITO EDITORIAL

Plutôt paradoxal pour une invention vieille de plus de 40 ans ! 54 ÉTATS ne dressera pas ici l’historique du réseau Internet. Ce 20e numéro offre un tour d’horizon sur les éléments déterminants qui ont permis à Internet de s’ouvrir au « grand public » et à l’Afrique. Tout y passe sous forme d’analyses, d’expertises et d’études de cas. Du fantasme autour du monde virtuel et impalpable des hackers à l’enjeu économique autour des « sauts numériques » avec l’utilisation massive des smartphones et l'essor prochain des tabphones. L’Afrique bouge et règle son modèle social, éducatif, économique, politique et culturel à l’heure du Web 2.0. Ainsi, l’éducation, calquée sur le modèle d’un certain Rikin Gandhi, prend des allures virtuelles quand, sur les champs, les agriculteurs en sus des tracteurs, débarquent caméra au front, prêts à bombarder YouTube et Farmbook de vidéos instructives. Une manière moderne d’apprendre à cultiver son jardin ! Côté santé, si l’Afrique n’a pas suffisamment de médecins et de spécialistes, la télémédecine (ou coopération médicale à distance) suscite de nouveaux espoirs. En revanche, bien que la solution soit partiellement trouvée pour amoindrir la souffrance des malades en attente de soins, l’Afrique dans une incompréhension totale n’a pas trouvé la force de dire non à l’Europe qui a choisi de lui déverser tous ses déchets et autres composants électroniques. L'Afrique, plus qu’un poumon vert, mute en un dépotoir. Certains conservateurs africains rechignent et grognent mais qu’ont-ils à gagner à lutter contre le progrès ? La foudre des Anonymous qui promettent de filer un coup de pouce à la démocratie en renversant d’autres États africains, comme ils l’ont fait, en 2011, en Tunisie. Ou la montée des cyber-terroristes qui, cachés dans les montagnes afghanes ou les déserts du Sahel, maîtrisent finalement plus le cyber que les versets. Priscilla Wolmer, Directrice de la publication

It seems rather ironic, considering that the invention is now over 40 years old! Nevertheless, 54 STATES won’t be tracing the history of the Internet network. Instead, this 20th issue deals with the key factors that have enabled Internet to open up to the “general public” and Africa. From the enigmatic, virtual and intangible world of hackers to the economic stakes involved in “digital progress” with the widespread use of smartphones and the forthcoming “phablets”, every aspect is covered and commented on by means of analyses, expert opinions and case studies. Africa’s evolving and adapting its social, educational, economic, political and cultural systems to the era of Web 2.0. Consequently, thanks to Rikin Gandhi’s technological, educational invention, in addition to their tractors, farmers are now also equipped with cameras that they use to record their problems and share solutions via Youtube and Farmbook. Modern technology can now teach us how to cultivate our gardens! Regarding the health sector, Africa may be lacking in doctors and specialists but telemedicine and long-distance medical cooperation are sources of new hope. However, although the beginnings of a solution to reduce the suffering of patients waiting for medical care are emerging, Africa, inexplicably, hasn’t found the strength to say no to Europe and to its practice of discharging its waste and other electronic components on the African continent. Africa, that beautiful green oasis, is turning into a dumping site. Some conservative Africans object and complain but what do they have to gain by battling progress? Then, there’s the fervor of les Anonymous, who promise to lend democracy a helping hand by bringing down other African States, like they did in Tunisia in 2011. Not to mention the rise in the number of cyber-terrorists who, hidden in the Afghan mountains or in the Sahel desert, master their cyber activity better than their verses and prayers. Priscilla Wolmer, Publisher. Translation from French Susan Allen Maurin

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DIRECTRICE DE LA PUBLICATION, PUBLISHER

Priscilla WOLMER

En Afrique lors de la dernière décennie, les TIC ont connu une croissance considérable. Ce dossier spécial propose de faire un tour d’horizon de cette ère aux multiples dimensions. La progression des utilisateurs de la téléphonie cellulaire et des connexions à l’Internet est impressionnante. Cet essor qui demeure inégal entre les différents pays, et limité en raison de la faiblesse des infrastructures, n’en a pas moins suscité quelques réflexions et projets tendant à présenter les TIC comme le nouveau levier de développement pour les pays émergents. Au-delà des opportunités sectorielles que les TIC permettent en Afrique, leur gouvernance à l’échelle mondiale constitue un enjeu essentiel aujourd’hui. Les TIC pourraient faciliter la libéralisation des systèmes d'informations et contribuer à la recomposition du champ politique dans les sociétés africaines. L'idée fait évidemment peur aux dernières dictatures d'Afrique qui parfois ne se privent pas pour verrouiller l'accès à Internet. L'e-business qui fait désormais en grande partie vivre l'Internet en est l'un des volets. Cette gigantesque communauté d'internautes regorge de "nerds" qui ont su associer la modernité aux besoins économique, politique et social de leur pays. Découvrez ainsi les prouesses du jeune Rikin Ghandi qui révolutionnne de l'Inde à l'Afrique la sphère agricole en matière d'accès aux connaissances et au savoir ; ou découvrez comment, en matière de santé, faute de personnels médicaux sur place, on opère à distance en Afrique. Belle parade pour contrer la fracture numérique ! De même, le développement des cyber-cafés encadrés par une politique visant à multiplier l'accès aux TIC pour les populations pourrait constituer des gisements de création d'emplois et de richesses. Par ailleurs, avec le déploiement des activités de sous-traitance et de délocalisation, de nombreux services vers l'Afrique du Nord et l'Afrique de l'Ouest se répandent. C'est l'objet du sujet "panorama Maghreb". Enfin, ce dossier spécial TIC questionne : nos vies privées sont-elles menacées face à l’utilisation à outrance des TIC ? Au travers de débats, entretiens et analyses, 54 ÉTATS s'attardera sur le phénomène du hacking et sur les méfaits, de manière globale que génèrent la production ou l'utilisation criminelle des TIC : Darknet, cyber-arnaques et cyberattaques, et plein d'autres sujets au programme. Priscilla Wolmer, Directrice de la publication

ICTs have grown substantially in Africa over the past decade. This special issue provides an overview of this multidimensional era. The number of mobile phone and Internet connection users has increased dramatically. This rise, which varies from one country to another and that, due to inadequate infrastructures, remains limited, has nevertheless generated some brainstorming and projects aimed at introducing ICTs as the new lever for the development of emerging countries. Beyond sector-based opportunities that ICTs offer in Africa, their worldwide governance now represents a major challenge. ICTs could facilitate information system liberalisation and contribute to the rebuilding of the political spectrum in African societies. Of course, this idea is an alarming prospect for the last of the African dictatorships, which, sometimes, don’t hesitate to block the access to Internet. E-business, which now provides for Internet, is one of its aspects. This huge Internet user community is full of nerds that have been able to combine modernity with the economic, political and social needs of their country. Discover the success story of Rikin Gandhi, a young man who, from India to Africa, is revolutionizing the agricultural community by providing it with access to knowledge and know-how ! Or, find out how, in the health industry, due to the lack of medical staff on site, medical care can be provided at a distance in Africa ! What a great way to counter the digital divide ! The development of cyber-cafés, regulated by a policy aiming at multiplying access to ICTs for the populations, could provide a source of employment and wealth. Furthermore, with the development of outsourcing and relocation activities, numerous services are spreading to North and West Africa. This is the subject of the “Maghreb Panorama”. Finally, this special issue asks : are our personal lives threatened by ICT overuse? Through debates, interviews and analyses, 54 États focuses on the hacker phenomenon, the harm brought about by the production or the criminal use of ICTs on a worldwide scale: Darknet, cyber-crimes, cyber-attacks and many other themes. Priscilla Wolmer, Publisher

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1975

Altair 8800, Marketing of the mputer. e first personal co considered as th

1976

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1977

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Plus de 1 MILLIARD DEUX CENT MILLE sites Internet dans le monde Source : Internet Live Stat

More than 1 BILLION TWO HUNDRED THOUSAND Internet sites in the world

Plus de 240 MILLIONS d'internautes en Afrique sur une population de 1 milliard Source : Internet World Stat

More than 240 MILLION Internet users in Africa out of population of 1 billion people

STATISTIQUES D'USAGE D'INTERNET

STATISTICS RELATING TO INTERNET USE 3,025 milliards d'internautes, soit 42 % de la population mondiale 20 % en Afrique 3.025 billion Internet users or 42% of the world population 20% in Africa

TEMPS PASSÉ SUR INTERNET

TIME SPENT ON INTERNET 8 nouveaux utilisateurs chaque seconde 8 new users each second 822 240 nouveaux sites Internet sont mis en ligne chaque jour 822,240 new Internet sites are put on line On estime à 432 millions, le nombre de pirates à travers le monde Source : NBC et Torrent Freak

The number of hackers in the world is estimated to 432 million 8


Les innovations peuvent changer positivement les conditions de vie des populations. Un rapport intitulé Solutions transformatrices pour 2015 et audelà recense la façon dont le large bande et les TIC participent à ce changement. ZOOM avec 54 ÉTATS sur les dix défis recensés par l’organe de l’Union internationale des télécommunications (UIT) et de l’Unesco, lesquels sont inspirés de l’Agenda d’action pour le développement durable des Nations unies.

Innovations may change positively living conditions of populations. A report entitled, Transformative Solutions for 2015 and Beyond, sums up how broadband and ICTs contribute to this change. ZOOM with 54 ÉTATS on the the challenges listed by the International Telecommunication Union (ITU) and the United Nations Educational, Scientific and Cultural organization (Unesco) which are inspired from the Action Agenda for Sustainable Development established by the United nations.

Lors de la fixation des objectifs millénaires du développement (OMD) en 2000, il existait des preuves matérielles relativement limitées rendant compte des répercussions du large bande sur le développement économique et social. L’année 2015 approchant et les leaders de ce monde se réunissant pour la toute première fois à l’Assemblée générale des Nations unies afin de discuter du cadre de développement post-2015, la révolution des TIC est vouée à considérablement influencer les vies et moyens d’existence des populations des pays développés et en voie de développement de la même façon. Cette nouvelle ère du large bande offre de grandes opportunités en matière de changements transformateurs, lesquels concernent l’intégralité du spectre de développement : de la recherche d’une plus grande équité en matière de santé et d’éducation à celle d’une croissance économique plus forte en passant par la création d’emploi jusqu’à la réduction de l’impact sur l’environnement. Pour exploiter le potentiel des TIC et celui du large bande aux fins d’un développement durable, toutes les parties prenantes sont encouragées à tenir compte des mesures suivantes :

When the MDGs were launched in 2000, relatively limited tangible evidence existed as to how broadband would impact economic and social development. As 2015 approaches, and as world leaders gather at the UN General Assembly for the first time to discuss the Post-2015 development framework, the ICT revolution is dramatically affecting people’s lives and livelihoods in developed and developing countries alike. In the emerging broadband era, major opportunities exist for transformative change across the entire development spectrum: from greater equity in healthcare and education to enhanced economic growth and from job creation to mitigation of environmental impact. To harness the potential of ICT and broadband to deliver sustainable development, all stakeholders are encouraged to consider the following actions:

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DISPONIBILITÉ ET ACCESSIBILITÉ Faire en sorte que les TIC et le large bande à haut débit soient universellement accessibles à un coût abordable.

AFFORDABILITY AND ACCESSIBILITY Make ICT and high speed broadband universally available at affordable cost for all.

STRATÉGIE ET VISION EN MATIÈRE DE DÉVELOPPEMENT DURABLE

SUSTAINABLE DEVELOPMENT STRATEGY AND VISION

Veiller à ce que les TIC et le large bande soient inscrits dans la définition de l’ensemble des objectifs universels et cibles nationales dans le cadre de l’agenda de développement global post-2015 afin d’arrêter des solutions durables et transformatrices.

Ensure that ICT and broadband are embedded in all of the universal goals and national targets to be defined as part of the Post-2015 global development agenda to fully capture transformative, sustainable solutions.

INTÉGRATION INTERSECTORIELLE DES POLITIQUES ET PLANS Déployer des politiques et plans nationaux de développement afin d’accompagner activement l’intégration intersectorielle des résultats économiques et sociaux, attendus et progressifs, par l’intermédiaire des TIC et du large bande.

PERMETTRE L’INSTAURATION D’UN ENVIRONNEMENT RÉGLEMENTAIRE Créer un environnement réglementaire rationalisé et favorable aux fins de l’instauration d’une ère du large bande qui accélère la suppression des barrières à l’accès au marché aux fins de l’utilisation des TIC et du large bande.

INCITATIONS SUR LE MARCHÉ Proposer des incitations destinées aux consommateurs et avoir la maîtrise des contrats publics pour encourager la demande et stimuler les innovations et investissements au sein du secteur privé. 10

CROSS-SECTOR INTEGRATION OF POLICY AND PLANS Deploy national development policies and plans to actively drive the cross-sector integration of economic and social outcomes deliverable and scalable through ICT and broadband.

ENABLING REGULATORY ENVIRONMENT

Create a streamlined and enabling regulatory environment for the broadband era that accelerates removal of barriers to market entry for broadband ICT uptake.

MARKET INCENTIVES Provide consumer incentives and harness government procurement to drive demand and stimulate private sector innovation and investment


PARTENARIAT ET COLLABORATION MULTIPARTITE Innovations et investissements afférents au large bande Twin avec des modèles d’affaires multipartites durables afin de capitaliser le potentiel transformateur des TIC universelles.

PARTNERSHIP AND MULTI- STAKEHOLDER COLLABORATION Twin broadband innovation and investment with sustainable multi-stakeholder business models to capitalize on the transformative potential of universal ICT.

OPTIMISATION DU SPECTRE

SPECTRUM OPTIMIZATION

Favoriser le potentiel « qui changera la donne » du large bande mobile à travers l’utilisation optimisée du spectre de fréquence radioélectrique des TIC universelles aux fins de la pénétration du développement.

Drive the game-changing potential of mobile broadband through the optimized use of radio-electrical frequency spectrum for universal ICT for development penetration.

HARMONISATION ET STANDARDISATION Promouvoir l’utilisation des standards mondiaux afin de permettre l’harmonisation et l’interopérabilité des TIC ainsi que des services et applications à large bande, en se concentrant plus spécifiquement sur la notion d’accessibilité, notamment l’accessibilité financière.

HARMONIZATION AND STANDARDIZATION Promote the utilization of global standards to enable the harmonization and interoperability of ICT and broadbandenabled services and applications, puttin special emphasis on affordability and accessibility.

CONTRÔLE ET ÉVALUATION

Établir un cadre de suivi exhaustif relatif au déploiement du large bande et aux mécanismes de gestion fiables afin de suivre l’évolution du développement à l’aide de critères et d’indicateurs spécifiques aux TIC

à large bande à l’échelle du secteur.

MOBILISATION DES RESSOURCES, INNOVATIONS ET INVESTISSEMENTS Développer des solutions appropriées afin de maximiser la mobilisation des ressources, les innovations et investissements afférents au large bande en ce qui concerne les pays développés et en voie de développement.

MONITORING AND EVALUATION establish a comprehensive monitoring framework for broadband deployment and robust accountability mechanisms to track development progress via industry-wide broadband ICT metrics and indicators.

RESOURCE MOBILIZATION, INNOVATION AND INVESTMENT Develop appropriate solutions to maximize resource mobilization, innovation and investment in broadband for both developed and developing countries. 11


GANDHI RIKIN

HELPS FARMERS WITH VIDEO par Priscilla WOLMER

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© DR


Digital Green Net Work

FONDATEUR ET PDG DE DIGITAL GREEN, RIKIN GANDHI RASSEMBLE LES CRITÈRES TECHNOLOGIQUES ET SOCIAUX POUR AMÉLIORER L’EFFICACITÉ ET LE PARTAGE DES PRATIQUES AU SEIN DES PETITES COMMUNAUTÉS D’AGRICULTEURS. À TRAVERS L’INDE, DIGITAL GREEN, SON RÉSEAU DE PARTENAIRES ET DE COMMUNAUTÉS A PRODUIT PLUS DE 1 900 VIDÉOS. DES VIDÉOS, FAITES PAR DES AGRICULTEURS POUR DES AGRICULTEURS, QUI TOUCHENT PLUS DE 65 000 FERMIERS CHAQUE SEMAINE.

RIKIN GANDHI IS CEO AND FOUNDER OF DIGITAL GREEN. RIKIN BRINGS TOGETHER TECHNOLOGY AND SOCIAL ORGANIZATION TO IMPROVE THE EFFICIENCY OF TRAINING AND SHARING BEST PRACTICES AMONG SMALLHOLDER FARMING COMMUNITIES. ACROSS INDIA, HIS DIGITAL GREEN NETWORK OF PARTNERS AND COMMUNITIES HAS PRODUCED OVER 1,900 VIDEOS BY FARMERS, FOR FARMERS, AND OF FARMERS WHICH REACH OVER 65,000 FARMERS EVERY WEEK.

54 ÉTATS : Qu’est-ce que le projet Digital Green ?

54 ÉTATS: What is your project Digital Green about?

Rikin Gandhi (R. G.) : Au sein de Digital Green, nous formons les communautés à produire des vidéos faites par le peuple et pour le peuple, destinées à échanger sur des pratiques agricoles qui peuvent accroître leur productivité et encourager un meilleur comportement en matière de santé, le tout afin d’améliorer leur qualité de vie.

Rikin Gandhi (R. G.): At Digital Green, we train rural communities to produce videos that are by the people, of people, and for people to exchange agricultural practices that can boost their productivity and health behaviors that can improve the quality of their lives. We partner with existing public, private, and civil society organizations that are working with rural communities. We then train individuals from the community at video production hubs on filmmaking skills that range from storyboard to editing. In each village, we train frontline workers, such as community health workers and agricultural extension agents, to facilitate the screening of these videos among self-help groups and other social organizations on a regular basis. The frontline workers use the videos as a starting point for having an interactive discussion with the communities and record usage data and feedback to inform the production of the next set of videos. The community remains engaged through the entire process in an ongoing iterative cycle of learning. The individuals trained on video production and dissemination often include early adopters of certain practices or promoters within their communities who also feature in the videos, thus helping increase the probability of the community adopting the promoted practices. Feedback from the community and metadata related to the key processes of our approach is recorded by the frontline workers trained on data management and entered into our open-source data management framework, COCO (Connect Online, Connect Offline). An Analytics dashboard suite (analytics.digitalgreen. org) customized to low resource settings is used to analyze this near real-time data on dissemination and adoption trends, as well as gauge community interest.

Nous sommes partenaires d'organismes publics et privés qui travaillent avec les communautés rurales. Nous formons ensuite des individus de la communauté aux techniques de tournage, qui vont du synopsis à l’édition, dans un centre dédié à cet effet. Dans chaque village, nous formons des travailleurs sur le terrain, comme les travailleurs de la santé ou les agents agricoles, afin de faciliter la sélection de ces vidéos au sein d’un groupe d’entraide et d’associations à but social. Les travailleurs sur le terrain utilisent ainsi les vidéos comme point de départ d’échanges avec les communautés. Les données sont enregistrées et transmises à la production pour la mise en place de prochaines vidéos. La communauté reste ainsi engagée dans un processus d’apprentissage permanent. Les formations individuelles sur la production de vidéos et leur diffusion incluent souvent des gens formés au sein même de la communauté qui participent aux films, ce qui aide considérablement à l’adoption des pratiques par la communauté. Les retours et les données de notre travail sont ensuite enregistrés par des travailleurs formés à la gestion de données dans notre centre de sauvegarde, appelé COCO ( Connect online, connect offline). Un tableau de bord analytique personnalisé analyse ensuite en temps réel les tendances d’adoption des pratiques, comme une jauge.

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54 ÉTATS : Comment votre projet est-il devenu global ? R. G. : Au départ, Digital Green est un projet débuté initié en 2006 et issu d’un centre de recherche Microsoft, basé en Inde, spécialisé dans la recherche de technologies et l’étude des marchés émergents. L’objectif étant d’enquêter sur l’utilité des vidéos participatives et l’instruction afin d’améliorer l’efficacité des techniques agricoles. En 2008, nous sommes devenus une organisation à but non lucratif indépendante. Nous nous sommes ensuite associés à une organisation non gouvernementale populaire appelée Green Foundation, et avons testé notre technique d’approche innovante auprès de communautés dont elle était partenaire. Après, nous avons collaboré avec d’autres ONG présentes dans les États indiens de Karnataka, de Jhrakhland, du Madhya Pradesh et d’Odisha afin d’utiliser notre approche pour améliorer l’efficacité de leur pratiques. En 2009, nous sommes devenus partenaires avec le gouvernement national indien pour les moyens de subsistance dans le milieu rural afin de fusionner notre approche avec les moyens déjà existants. L’objectif est d’atteindre le nombre de plus d’un million de fermiers à travers 10 000 villages par le biais des vidéos communautaires participatives, principalement dans les deux États de l’Andhra Pradesh et de Bihar, et ce, afin d’améliorer l’efficacité des pratiques agricoles en promouvant les meilleures techniques. En 2014, nous sommes entrés dans un programme national de compréhension avec l’objectif d’étendre notre approche aux autres États ruraux et à d’autres partenaires indiens. En 2012, nous avons testé l’efficacité de notre approche avec un partenaire du secteur public et des organisations civiles dans deux pays africains, l’Éthiopie et le Ghana, afin de partager sur l’élevage et la santé à travers des messages adaptés aux besoins des communautés locales. Le succès de notre approche en Éthiopie nous a amenés à une rapide expansion. Nous avons maintenant pour projet d’étendre notre approche à la Tanzanie, au Niger et à l’Afghanistan.

54 ÉTATS: In which way have your project become global? R. G.: Digital Green began as a project at Microsoft Research India’s Technology for Emerging Markets laboratory in 2006 to investigate the use of participatory video and mediated instruction to improve the efficiency of agricultural extension services and spun-off as an independent not-for-profit organization in 2008. We partnered with a grassroots-level non-governmental organization, called GREEN Foundation, and tried our innovative learning approach with the rural communities they engaged with. We went on to collaborate with other NGOs across the Indian states of Karnataka, Jhrakhand, Madhya Pradesh, and Odisha to use our approach to amplify the effectiveness of their extension services. In 2009, we partnered with Government of India’s flagship National Rural Livelihoods Mission to integrate our approach with the existing extension systems. The mandate is to reach more than one million farmers across 10,000 villages through participatory community videos, primarily in the two states of Andhra Pradesh and Bihar, to improve the efficiency of agriculture and livelihoods interventions by promoting relevant best practices. In 2014, we entered into a national level memorandum of understanding (MOU) with the Mission as a National Support Organization to expand our approach to other state rural livelihood missions and partners across India. In 2012, we tested the efficacy of our approach with public sector partners and civil society organizations in two African nations, namely, Ethiopia and Ghana, to share contextualized farming and health related messages appropriate to the needs of local communities across these geographies. The successful deployment of our approach in Ethiopia has led to its rapid countrywide scale-up. In terms of new geographies, we are in the process of expanding our approach to Tanzania, Niger and Afghanistan.

© Parmesh Shahani

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54 ÉTATS: Êtes-vous en train de transposer votre réseau Digital Green à d’autres pays sur le continent africain, comme l’Éthiopie par exemple ?

54 ÉTATS: Are you applying this system of Digital Green network to other countries of the African continent, like in Ethiopia?

R. G. : En 2012, nous avons piloté un projet en Éthiopie en collaboration avec le ministre de l’Agriculture qui a démontré avec succès l’efficacité de notre approche, amenant à un développement rapide de notre projet. Notre approche, basée sur les vidéos participatives, est aujourd’hui utilisée dans le renforcement des pratiques agricoles en Éthiopie à travers des domaines multiples allant des moyens de subsistance aux pratiques de santé en passant par la nutrition. Nous sommes actuellement en relation avec plus de 30 000 agriculteurs dans quatre régions majeures de l’Éthiopie : Tigray, Oromia, Amhara et les nations du Sud. Le programme sera étendu afin d’atteindre le chiffre de plus de 1 million dans les trois ans, grâce aux soutiens de la Bill & Melinda Gates Foundation et de la USAID New Alliance ICT Extension Challenge Fund. Nous avons également implanté notre approche dans les régions de l’Ashanti et de la Volta, au Ghana, en atteignant 2000 fermiers dans 60 villages. Le tout en partenariat avec la World Cocoa Foundation, l’Africa Rice, la Hope for Future Generations.

R. G.: In 2012, we piloted a project in Ethiopia in collaboration with the Ministry of Agriculture, funded by DFID, which has successfully demonstrated the efficacy of our approach, leading to a rapid countrywide scale-up of the project. Our participatory video-based approach is being used to strengthen agriculture extension services in Ethiopia across multiple domains – livelihoods, multiple agricultural value chains, health practices as well as nutrition and agriculture-nutrition convergence topics. We are currently engaging with over 30,000 farmers in four major regions of Ethiopia: Tigray, Oromia, Amhara and Southern Nations, Nationalities, and Peoples’ Region and will be expanding to reach over 1 million over the next three years, with new support from the Bill & Melinda Gates Foundation and the USAID New Alliance ICT Extension Challenge Fund. We have also implemented our approach in Ashanti and Volta regions of Ghana, reaching over 2,000 farmers in 60 villages, in partnership with World Cocoa Foundation, Africa Rice, and Hope for Future Generations. Tanzania and Niger are the other African countries we will be replicating our approach in through 2015.

© DR

54 ÉTATS : Avez-vous des commentaires à faire partager ? R. G. : Notre intérêt immédiat est d’étendre notre approche à 10 000 villages afin de recruter plus d’un million de fermiers, le tout en formant 10 000 travailleurs de la communauté, soit un par village. Ce sont eux qui ensuite conduiront notre approche. Nous travaillons aussi actuellement sur le développement d’un apprentissage virtuel et d’une plateforme d’accréditation pour ces travailleurs par le biais de vidéos. Nous pensons que ce programme possède le potentiel nécessaire pour devenir la première grande plateforme ouverte pour le développement des classes populaires agricoles. 54 ÉTATS : Quel est le plus grand challenge que vous ayez eu à affronter dans le développement de votre projet ? R. G. : Le succès de notre approche dépend des partenariats que nous établissons avec des organisations qui ont un système de livraison déjà existant. Notre principal défi est d’identifier les organisations qui ont réussi à mobiliser des groupes communautaires et qui ont avec eux des agents du village qui amélioreront l’efficacité de leurs méthodes à travers notre approche. Il y a aussi un besoin d’assurer la qualité de notre formation vu que nous nous développons très rapidement, mais aussi la manière dont les agents facilitent la projection dans chaque village ainsi que le suivi permettant aux fermiers d’adopter les pratiques.

54 ÉTATS: Do you have any final comments you would like to share? R. G.: Our immediate focus is on scaling up our approach to 10,000 villages to engage more than a million farmers by training 10,000 community frontline workers, one in each village, who will drive this approach. We are also working toward developing a virtual learning and accreditation platform for these community frontline workers built around videos. We believe this has the potential of becoming the first massive open online and offline courseware platform for grassroots-level development. 54 ÉTATS: What is the greatest challenge that you have experimented so far in developing this model? R. G.: The success of our approach depends on partnering with organizations that have an existing delivery system. The key challenge we face is to identify organizations that have mobilized community groups and that have a cadre of village-level extension agents for whom our approach can provide support to amplify their effectiveness. There is also a need to ensure quality as we rapidly scale in our training, the manner in which village agents facilitate screenings, and follow-up to enable farmers to adopt practices. 15


© Pascal Deloche

par Élise FRANÇOIS-DAINVILLE

ALORS QUE L’OMS ESTIME QU’IL MANQUE DEUX MILLIONS DE PROFESSIONNELS DE SANTÉ SUR LE CONTINENT AFRICAIN, LE DÉVELOPPEMENT DES NTIC, ET AVEC ELLES LA TÉLÉMÉDECINE, SUSCITENT DE NOUVEAUX ESPOIRS. Insuffisance des médecins et des infrastructures, mauvaise répartition de l’accès aux soins, les enjeux liés à la santé sont importants en Afrique. Si l’accès aux soins s’est amélioré dans les grands espaces urbains, les difficultés persistent pour les communautés rurales. Les coûts importants occasionnés par les déplacements privent les populations les plus isolées d’une prise en charge adaptée. En ville, on souffre surtout du manque de spécialistes. Face à ces constats, le développement de la télémédecine, véritable coopération médicale à distance, semble apporter quelques réponses. En mettant en relation des médecins de zones rurales avec des médecins de zones urbaines, elle pallie le manque de personnels et d’infrastructures. Et en encourageant la prise en charge des patients sur place, elle permet d’éviter les évacuations sanitaires et les hospitalisations inutiles en brousse. Cette pratique augmenterait ainsi l’efficacité de la médecine traditionnelle, tout en en réduisant les coûts. 16

THE WHO ESTIMATES THAT THERE IS A LACK OF TWO MILLION HEALTH CARE PROFESSIONALS ACROSS THE AFRICAN CONTINENT, BUT THE DEVELOPMENT OF NICTS AND TELEMEDICINE ARE OFFERING NEW OPPORTUNITIES FOR DEALING WITH POPULATION HEALTH MANAGEMENT. The lack of doctors and health infrastructures, as well as inequitable access to medical care are just a few of the many health-related issues in Africa. Although access to health care has improved in large, urban areas, difficulties persist in the rural regions. Significant travel costs deprive the most isolated populations of appropriate care. In urban areas, there is notably a shortage of specialists. On the basis of these findings, the development of telemedicine, a true long-distance cooperation between health specialists, appears to provide some solutions. By establishing contacts between rural and urban doctors, it compensates for the lack of health care personnel and infrastructures. Also, by encouraging patient management on site, it avoids the need for medical evacuations and unnecessary hospitalizations in the bush. This solution would increase the efficacy of traditional medicine while, at the same time, reducing costs.


LE MALI PIONNIER DE LA TÉLÉMÉDECINE EN AFRIQUE

© RAFT

Depuis 2003, année de création du RAFT (Réseau en Afrique francophone pour la télémédecine), un millier de professionnels interviennent dans près de vingt pays dans le monde. Parmi eux, le Mali fait figure de pionner en matière d’e-santé. Dans ce pays, les premières applications datent de 1996 (avec la mise en place d’outils et de travail collaboratif) et en 2004, la Société malienne d’imagerie médicale (SOMIM) mettait en place IKON, un service qui se base sur les TIC pour le transfert et l’interprétation des images radiologiques prises dans les centres hospitaliers régionaux. Ailleurs sur le continent, des projets similaires sont menés : en Égypte par exemple, Orange a développé une solution de télé-dermatologie : les photographies et descriptions des symptômes sont transmises à une plateforme en ligne via le réseau mobile. Des dermatologues confirmés étudient ensuite ces cas et fournissent un diagnostic. Au niveau de la formation des professionnels de santé, les NTIC se révèlent également être un outil pertinent. En Ouganda par exemple, un réseau a été crée en 2003 par l’Uganda Chartered HealthNet et la faculté de médecine de l’Université Makerere. Ce réseau permet d’améliorer la qualité et l’accessibilité de l’information relative à la santé grâce à des terminaux mobiles peu onéreux. Mettre les hautes technologies au service de la santé pour tous, cela nécessite toutefois de lever certains freins. Le premier est énergétique : en effet, l’une des difficultés réside dans l’approvisionnement régulier et continu en électricité (pour recharger les batteries des téléphones mobiles, par exemple). Les autres freins sont d’ordre financier. Car l’équipement de tous les centres requiert d’importants investissements, sans lesquels la télémédecine et ses nombreuses applications ne resteront que très limitées.

© IICD

MALI, THE PIONEER OF E-HEALTH IN AFRICA Since the creation of RAFT (Telemedicine Network in French-speaking Africa), about a thousand health care professionals operate in nearly twenty countries over the world. Among them, Mali has proved itself a pioneer in the domain of e-health. The first applications in this country date back to 1996 (with the implementation of tools and collaborative work) and in 2004, the Malian Society of Medical Imaging (SOMIM) set up IKON, a service based on ICTs (Information and Communication Technologies) for the transfer and interpretation of X-Ray images taken in regional hospitals. Similar projects are being run elsewhere on the continent: in Egypt, for example, Orange has developed a solution for teledermatology : photographs and descriptions of the patient’s symptoms are transmitted to an online platform via the wireless network. Dermatologists are then able to study each case and provide a medical diagnosis. These new ICTs are also proving to be a valuable tool for the training of health care professionals. In 2003 in Uganda, for example, the Uganda Chartered HealthNet and the Makerere University School of Medicine created a network using low-cost mobile terminals that improves the quality and accessibility of health-related information. However, making the latest technologies in the field of health available to everyone necessitates overcoming certain obstacles. The first concerns energy: indeed, one of the main difficulties is to provide a steady and continuous supply of electricity (to recharge, for example, the batteries of mobile phones). The other obstacle is financial because equipping all the centers requires significant investments, otherwise telemedicine and its wide range of applications will remain extremely limited.

© Pascal Deloche

© RAFT

Translated from French by Susan Allen Maurin 17


© globalconreview.com

par Arnaud LONGATTE

Une moisson de pôles technologiques est en train de s’engranger en Afrique. À l’instar du site américain, où se concentrent les géants de la technologie de pointe, les États africains, lancés dans la course au numérique, rivalisent d’ambition pour créer à leur tour des centres ultra-modernes. Là, se concentreront « hubs technologiques », entreprises high tech et start-ups qui feront fleurir la nouvelle Afrique numérique, au cœur d’un enjeu de portée mondiale. 18

Based on the American model, where the giants of cutting-edge technology have set up their businesses, scores of technology parks are now emerging throughout Africa. The African States are joining the digital race and rivaling with each other to create their own, state-of-theart centers for « technology hubs », high-tech companies and start-ups, which will enable the new digital Africa to prosper in a sphere where challenges take on a global dimension.


© sodere.com © allaafrica

ETHIO ICT EN ÉTHIOPIE

KONZA CITY AU KENYA Une véritable ville devrait surgir de terre au sud de Nairobi. Konza City, aussi surnommée Silicon Savannah, vouée à devenir le premier centre de haute technologie d’Afrique. Un projet pharaonique initié en 2013 qui devrait s’achever en… 2030. Jusqu’à 10 milliards de dollars pourraient être déboursés pour ériger cette cité de métal et de verre destinée à accueillir les leaders du numérique kenyan. Quartier d’affaires, start-ups, centre de recherche, parc technologique composeront cette ville ultra-moderne. L’ambition est de voir le Kenya attirer les investisseurs et créer jusqu’à 200 000 emplois.

KONZA CITY IN KENYA

© stratsisincite.com

Konza City, a real town, should be rising out of the ground to the south of Nairobi. Also known as Silicon Savannah, the city is destined to become Africa’s first high-tech center. The ambitious project was launched in 2013 and should be finished by…2030. This ultramodern city, built from metal and glass and costing an estimated 10 billion dollars, is intended to host Kenya’s digital forerunners and will include business districts, startups, a research facility and a technology park. Kenya’s ambition is to attract investors and create up to 200 000 jobs.

HOPE CITY AU GHANA À 30 minutes d’Accra, Hope City devrait s’imposer d’ici 2016 comme le centre technologique le plus moderne d’Afrique de l’Ouest. Le Ghana veut aussi posséder sa « tech city ». Lancé en mars 2013, le projet sera, selon ses concepteurs, « le centre de référence en technologies de l’information et de la communication sur le continent ». Constitué d’un cœur fait de six tours de verres, dont l’une culminant à 270 mètres avec ses 75 étages devrait être la plus haute d’Afrique, ce centre ne cache pas ses ambitions. Un projet qui rivalise avec celui du Kenya et dont le budget est équivalent. Le vice-président de Microsoft ainsi qu’une délégation de décideurs étaient présents lors du coup d’envoi en mars 2013. La « cité de l’espoir » ne laisse place à aucune ambiguïté : elle devrait être l’un des pôles de l’Afrique de demain.

HOPE CITY IN GHANA Located at about 30 minutes from Accra, Hope City should be finished by 2016 and will represent the most modern technology center in West Africa.Ghana also wants to have its own « tech city ». The project, which was launched in March 2013, will be, according to its developers, who make no secret of their ambitions, « the ICT (Information and Communication Technology) reference center of the African continent ». Indeed, the heart of the city, with its six glass towers, including one with 75 floors and a height of 270 meters, should be the tallest tower in Africa. With an equivalent budget, this project rivals that of Kenya. Microsoft’s Vice-President and a delegation of decision-makers were present for the official launching of the project in March 2013. The ambition of Hope City is to become one of Africa’s major technology centers.

Avec ce projet estimé à 270 millions de dollars, l’Éthiopie n’est pas en reste. Il devrait lui aussi être opérationnel d’ici 2016. Des entreprises nationales et internationales ont déjà réservé des emplacements dans ce futur centre, dont quelques entreprises chinoises. Le gouvernement éthiopien investit lourdement dans ce parc technologique qui devrait créer des emplois et favoriser la croissance du secteur des TIC dans le pays.

ETHIO ICT IN ETHIOPIA With a project that should be operational between now and 2016 and costing an estimated 270 million dollars, Ethiopia is also in the race. National and international businesses, including several Chinese companies, have already reserved their space in this future center and the Ethiopian government is investing heavily in this technology park that should create jobs and encourage growth in the country’s ICT sector.

Dans la lignée de ces projets fous, les autres pays d’Afrique ne veulent pas non plus rater le « virage numérique » que le continent emprunte. Une multitude de projets similaires éclosent un peu partout : Rhapta City en Tanzanie, technopole d’Alger en Algérie, Technopark de Casablanca ou encore Technopolis à Rabat au Maroc. Égypte, Namibie, Sénégal, Afrique du Sud, Tunisie, Rwanda et même l’Ouganda sont à l’étude pour créer également des centres technologiques. Nul doute que l’Afrique, dans quelques années, ne ressemblera plus du tout à celle qu’ont connue nos aînés. In line with these ambitious projects, the rest of Africa doesn’t want to miss out on the opportunity of being part of the digital revolution that is spreading over the continent. A multitude of similar projects are springing up almost everywhere: Rhapta City en Tanzania, the Technopole of Algiers in Algeria, Casablanca Technopark and Technopolis in Rabat, Morocco. Egypt, Namibia, Senegal, South Africa, Tunisia, Rwanda and even Uganda are conducting research to create their own technology centers. There is no doubt that, in a few years from now, Africa will bear no resemblance at all to its former self. Translation from French: Susan ALLEN MAURIN 19


par Hervé PUGI

POUR BEAUCOUP DE SPÉCIALISTES AVERTIS, L’ESSOR DES TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION ET DE LA COMMUNICATION (TIC) APPARAÎT COMME UNE INCROYABLE OPPORTUNITÉ POUR L’AFRIQUE. QU’IL S’AGISSE DE « SAUTER LES ÉTAPES DU DÉVELOPPEMENT » OU « D’ACCÉLÉRER SA MARCHE VERS UN AVENIR MEILLEUR », DIXIT LE SPÉCIALISTE CAMEROUNAIS DES TIC JACQUES BONJAWO, TOUT CE QUI SE RAPPORTE DE PRÈS OU DE LOIN À L’ELDORADO NUMÉRIQUE EST PORTEUR D’UN INCROYABLE ESPOIR. NOTAMMENT EN MATIÈRE DE DÉMOCRATIE. ALORS, LES TIC INFLUENT-ELLES SUR LA GOUVERNANCE DES ÉTATS ? LA RÉVOLUTION 2.0 PEUT-ELLE BOUSCULER L’ORDRE ÉTABLI ? DÉBUT DE RÉPONSE…

by Hervé PUGI

FOR MANY WELL-INFORMED SPECIALISTS, THE BOOM IN INFORMATION AND COMMUNICATION TECHNOLOGIES (ICT) APPEARS TO BE AN INCREDIBLE OPPORTUNITY FOR AFRICA. ACCORDING TO THE CAMEROONIAN ICT EXPERT, JACQUES BONJAWO, WHETHER IT IMPLIES « SKIPPING THE STAGES OF DEVELOPMENT » OR « ACCELERATING ITS PROGRESSION TOWARDS A BETTER FUTURE », ANYTHING THAT IS CLOSELY OR REMOTELY RELATED TO THE DIGITAL ELDORADO BRINGS WITH IT INCREDIBLE HOPE AND NOTABLY, WHERE DEMOCRACY IS CONCERNED. SO, DO ICTs INFLUENCE THE WAY IN WHICH STATES ARE GOVERNED? CAN THE 2.0 REVOLUTION SHAKE UP THE ESTABLISHED ORDER? HERE ARE THE BEGINNINGS OF AN ANSWER… 20

© Ahmad Nazzal

« Les technologies ne peuvent jouer un rôle que lorsque les fondamentaux sont mis en place. S'il n'y a pas de vraie liberté de parole ou de presse, le rôle des technologies devient limité ». Voilà résumée en quelques mots toute la problématique de la relation, pour le moins complexe, entre les TIC et le principe de gouvernance. Et celui qui tient ces propos sait de quoi il parle. Kwami Ahiabenu II est chef d’équipe à l’International Institute for ICT Journalism et coordinateur du Projet élections en Afrique (PEA). Interrogé par le site Global Voices, le consultant ghanéen se veut catégorique : « les technologies peuvent contribuer à l’autonomisation ». Toutefois, celui-ci prévient : « le chemin est long pour que l’Afrique dans son ensemble s’en nourrisse. » Nul doute, l’éclosion du numérique contribue à réduire la marginalité du continent africain. De même, les TIC concourent au développement économique et social d’une Afrique dynamique qui voit dans ce secteur en devenir une réelle opportunité pour lutter contre l’exclusion et la pauvreté. "Technology can only play a role when the fundamentals are in place. If there is no true freedom of speech or of the press, the role of technology is limited". These few words resume the somewhat complex, problematic relationship between ICTs and the concept of governance. And the author of these comments knows precisely what he is talking about. Kwami Ahiabenu II is a team leader at the International Institute for ICT Journalism and coordinator of the African Elections Project (AEP) in Africa. Interviewed by the site Global Voices, this Ghanaian consultant adamantly states : "technology can contribute to empowerment ». He does add, however, « we still have a long way to go to ensure that Africa as a whole nurtures its democracy." There is no doubt that the digital outbreak is helping reduce the marginalization of the African continent. Likewise, ICTs contribute to the economic and social development of a dynamic Africa that considers this emerging sector as a real opportunity to combat exclusion and poverty.


LE MYTHE DU PRINTEMPS ARABE…

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ourtant, n’en déplaise à certains, la révolution numérique ne devrait pas conduire à l’échafaud ces gouvernements pour qui les termes transparence, intégrité ou responsabilité ne sont que de vains mots. Comme le souligne Imen Khanchel El Mehdi, dans son étude Gouvernance et TIC : cas des pays d’Afrique, il apparaît que « si les TIC ont pour impact de faciliter l’accès rapide aux informations et d’accroître l’efficacité administrative, elles restent un outil manipulable dans les deux sens et de portée limitée pour ce qui est de l’amélioration de la gouvernance ». Surtout, les travaux de ce maître de conférences à l’École supérieure de commerce de Tunis ne manquent pas de souligner que « tout développement technologique nécessite une amélioration de la gouvernance plutôt que le contraire ». Voilà qui est dit… Les révolutions arabes, particulièrement le cas tunisien, seraient-elles les contreexemples parfaits à de telles affirmations ? Souvent présentés comme un soulèvement 2.0, les événements de 2011 trouvent-ils leur origine dans le cyberactivisme forcené de quelques internautes ? Ce n’est pas ce que pense Mounir Bensalah, auteur de Réseaux sociaux et révolutions arabes ? pour qui « la révolution Facebook ou Twitter est un fantasme né de raccourcis journalistiques ». Ce blogueur marocain, dans un entretien accordé à France 24, explique ainsi que « peu de gens étaient réellement connectés et beaucoup d’entre eux n’avaient même pas un accès à un ordinateur ». Tout juste le militant concède-t-il que les réseaux sociaux « ont servi à mobiliser, à informer et à s’informer. Voire à attiser la colère. Ils ont en outre permis d’attirer l’attention des médias étrangers. » Une caisse de résonnance que les réseaux sociaux ? C’est ce qui ressort aussi de l’expérience du Burkina Faso. D’après nombre d’analystes, rien dans l’activité constatée sur le web avant le 30 octobre ne laissait présager une quelconque révolte populaire. Et ce alors que, de l’aveu des journalistes et observateurs sur le terrain, la rue grondait de rage et bruissait de rumeurs. De fait, à l’heure du soulèvement, c’est dans la diaspora burkinabée et les pays limitrophes qu’il fallait chercher les « twittos » les plus zélés dans ce qui est désormais appelé la révolution de l’hirondelle.

THE MYTH OF THE ARAB SPRING…

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ith all due respect, however, it is unlikely that the digital revolution will result in leading governments, which consider the terms transparency, integrity or responsibility as mere rhetoric, to the scaffold. Because, just as Imen Khanchel El Mehdi, underlines in his study, Governance and ICT : the case of African countries, it appears that "if ICTs facilitate the rapid access to information and increase administrative efficacy, they remain a manipulative tool both ways and with a limited scope as far as governance improvement is concerned". This lecturer at the Business School of Tunis also points out that "any technological development requires an improvement in governance rather than the contrary". So, that’s settled…

Could the Arab revolutions, particularly in the case of Tunisia, be the perfect counter-examples of such statements? Often presented as a 2.0 uprising, did the events of 2011 stem from the fanatic cyber activity of several Internet surfers? Mounir Bensalah, the author of Social networks and Arab revolutions? Doesn’t think so. His belief is that " the Facebook or Twitter revolution is a fantasy resulting from journalistic shortcuts". In an interview with France 24, this Moroccan blogger explained that "few people were really connected and many didn’t even have access to a computer". Nevertheless, this activist does half-heartedly admit that social networks "have been useful to mobilize, inform and to be informed. Even stir up anger. Furthermore, they have attracted the attention of foreign media." So, are social networks a sounding board? This would seem evident from Burkina Faso’s experience. According to a number of analysts, no web activity before 30th October gave any indications about a popular revolt. Although, according to journalists and observers in the field, anger was brewing in the streets and rumors were rife. When the time came for the uprising, now known as the Swallow Revolution, the most fervent "tweeters" were in Burkina Faso’s diaspora and bordering countries.

LA RÉVOLUTION FACEBOOK OU TWITTER EST UN FANTASME NÉ DE RACCOURCIS JOURNALISTIQUES

© Sonia Palomar

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© LeBlogEveryMac

EN ALGÉRIE, ON S’OPPOSE SUR LA TOILE À défaut d’hirondelles ou de printemps, l’Algérie a vu dans son interminable hiver politique éclore quelques bourgeons contestataires, notamment le mouvement Barakat (« Ça suffit »), militant contre un 4e mandat du président Bouteflika. Bravant l’interdiction de manifester, ses partisans ont systématiquement vu leurs rassemblements dispersés manu militari. C’était sans compter sur les plusieurs dizaines de téléphones filmant ces scènes, aussitôt partagées en ligne. Suffisant pour faire fléchir la stratégie sécuritaire des autorités algériennes. Loin de réunir les foules, c’est surtout sur la toile que Barakat a pu sonder sa popularité grandissante. En ce sens, cette expérience rejoint l’un des constats effectués par Imen Khanchel El Mehdi, à savoir que « les TIC représentent, pour la société civile, un moyen qui permet de structurer et d’organiser les mouvements sociaux ». Pour autant, loin d’abandonner cet autre terrain de lutte qu’est le web, la riposte des pro-Bouteflika n’a pas tardé avec une soudaine flambée de pages Facebook hostiles au camp du boycott. Derrière les « Sauvons l’Algérie », « Barakat Escroquerie 2014 » et autres « Algériens une seule main contre les marchands de la fitna » se cacheraient plus que les simples partisans du président. Le pouvoir, tout simplement... « Le rôle que les technologies peuvent jouer ne peut pas être examiné de manière isolée », conclut Kwami Ahiabenu. Pour le fondateur du PEA, « la croissance rapide des principes de la démocratie sur le continent est une garantie de l’impact des technologies ». De fait, difficile de voir dans les TIC. Ce ne sont finalement que des outils, des facilitateurs, qui ne pourront jamais se substituer à l’indispensable culture démocratique.

ALGERIA, WHERE OPPOSITION IS EXPRESSED VIA THE WEB In the absence of swallows or spring and during its endless political winter, Algeria did witness the emergence of several demonstrators and notably, the Barakat ("Enough"), movement, protesting against President Bouteflika’s bid for a 4th term. Bravely defying the ban on demonstrations, its rallies were systematically dispersed by force. But, the military hadn’t counted on several dozens of people filming the events and uploading the scenes on-line, which was sufficient to put pressure on the security strategy of the Algerian authorities. Instead of gathering in the streets, Barakat followers gathered on the web, where their support revealed the movement’s increasing popularity, hence echoing the following observation put forward by Imen Khanchel El Mehdi, "in regards to civil society, ICTs represent a way of structuring and organizing social movements". However, far from abandoning the web, this other terrain of conflicts, pro-Bouteflika supporters were quick to respond with a sudden surge of pages on Facebook, expressing their hostility to boycott campaigns. It would seem that behind the "Save Algeria", "Barakat Swindlers 2014" and other "Algerians single-handed against the merchants of fitna" are simple supporters of the President or, quite simply, power… "The role technology can play must not be studied in isolation", concludes Kwami Ahiabenu. For the founder of AEP, "a rapid increase in democratic principles on the continent is a guarantee for a technological impact". Indeed, it is difficult to envisage ICTs as an end in themselves. Ultimately, they are only tools or facilitators that will never become a substitute for an indispensable, democratic culture.

LES TIC REPRÉSENTENT, POUR LA SOCIÉTÉ CIVILE, UN MOYEN QUI PERMET DE STRUCTURER ET D’ORGANISER LES MOUVEMENTS SOCIAUX 22


Š Michael Thompson

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© ICT4D.at1

par Hervé PUGI

L’AFRIQUE SONNE ! L’AFRIQUE VIBRE ! L’AFRIQUE TOURBILLONNE AU RYTHME DE SES SMARTPHONES ! UNE TENDANCE LOURDE SUR LE CONTINENT QU’IL CONVIENT DE DÉCRYPTER AVEC UN SPÉCIALISTE, KARIM KOUNDI, ASSOCIÉ DELOITTE TUNISIE EN CHARGE DE L’INDUSTRIE TECHNOLOGIES, MÉDIAS ET TÉLÉCOMMUNICATIONS (TMT) POUR L’AFRIQUE FRANCOPHONE. L’Afrique coupée du monde ? Il faut oublier ! Karim Koundi a un message et celui-ci passe sans interférence : « l’Afrique, par ses sauts technologiques, s’inscrit dans la mondialisation ». Un léger détail que l’on oublie trop souvent… Clairement, le continent africain est connecté et devrait l’être plus encore dans les prochaines années. Avec 15 % de taux de pénétration de smartphones, l’expert de la société Deloitte se veut catégorique : « au niveau mondial, l’Afrique, malgré de nombreuses disparités, connaît la croissance la plus rapide ! » Comment expliquer cela ? Le spécialiste tunisien a son avis. Certains facteurs s’imposent d’eux-mêmes dans l’analyse : « un taux de couverture télécom qui s’étend, un contexte macroéconomique qui s’y prête (25 pays sur les 54 du continent présentent une croissance oscillant entre 8 et 15 %) mais aussi, et surtout, l’émergence d’une classe moyenne à laquelle s’ajoutera plus de 100 millions de personnes d’ici 2020. » On ajoutera à cela deux points cruciaux. D’une part, Karim Koundi l’affirme : « il y a un marché africain de la téléphonie avec des tarifs en baisse. On peut aujourd’hui avoir un smartphone low cost pour 25 ou 30 dollars qui est adapté au marché africain. » Voilà qui fait les affaires des Samsung, Huawei mais aussi Microsoft/ Nokia qui s’imposent par une politique pensée pour le continent.

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AFRICA’S RINGING! AFRICA’S BUZZING! AFRICA’S VIBRATING…JUST LIKE ITS SMARTPHONES! WITH THE HELP OF KARIM KOUNDI, A SPECIALIST AND PARTNER AT DELOITTE TUNISIA, IN CHARGE OF THE TECHNOLOGY, MEDIA AND TELECOMMUNICATIONS (TMT) SECTOR FOR FRENCH-SPEAKING AFRICA, THIS ARTICLE TAKES A CLOSER LOOK AT THE MEGATREND THAT’S SPREADING OVER THE CONTINENT. Africa cut off from the world! No way! Karim Koundi’s message is clear : "With its progress in technology, Africa has now joined the global consumer bandwagon". A small detail that is too often forgotten… Clearly, the African continent is already connected and no doubt, will be even more so in the years to come. With a 15% rate of smartphone penetration, this Deloitte expert is adamant: "Despite numerous disparities, Africa is now the fastest growing continent in the world !" So, how can this phenomenon be explained? The Tunisian expert puts forward some obvious factors: "a telecom coverage that is constantly expanding, a favorable macroeconomic context (25 out of the 54 countries on the continent have an economic growth rate that fluctuates between 8 and 15%) but above all, there’s an emerging middle-class that will include another 100 million people by 2020." There are also two other key points to be considered. As Karim Koundi states: "The African telephony market has seen a drop in prices. Nowadays, it’s possible to purchase a lowcost smartphone for 25 or 30 dollars, the cost of which is adapted to the needs of the African market." And this cutrate niche suits the likes of Samsung and Huawei, as well as Microsoft/Nokia who, thanks to a well-thought out strategy, dominate the continent’s marketplace.


EN ATTENDANT LES TABPHONES… Une tendance lourde qui se ressent nettement à en croire notre spécialiste qui estime qu’en termes d’équipements technologiques plus que les PC, les consoles de jeux ou les télévisions HD, l’avenir appartient assurément aux « smartphones mais aussi et surtout aux tabphones ». Un autre saut technologique notable car, très clairement, on se dirige vers un modèle de tabphone « qui permettra de répondre à toutes les attentes et plus encore. Un pays comme le Kenya peut ainsi se prévaloir de voir 30 % de son PIB se faire via des transactions par paiement mobile. Notre smartphone est aujourd’hui un porte-monnaie et tant d’autres choses à la fois… » De fait, si le marché africain profite aux multinationales, celui-ci profite également aux Africains eux-mêmes. Des applications, sites et autres programmes 100 % Afrique fleurissent ici ou là ! Pour autant, reste à régler la question de la disparité de l’accès à la connexion. Sur ce point, Karim Koundi est clair : « À l’heure actuelle, les pays côtiers sont clairement mieux desservis. Les câbles sous-marins réduisant les coûts télécom y sont pour beaucoup. Les pays de l’Afrique de l’Ouest, du Maghreb ou le Kenya en profitent largement. Tout comme l’Afrique du Sud, pour d’autres raisons. En revanche, des États comme le Tchad, le Niger, une partie du Mali et quelques autres en Afrique centrale doivent faire face à des coûts élevés. C’est un frein. » Un frein qui devrait rapidement sauter. Car l’Afrique, berceau de l’Humanité, est clairement – démographie oblige – son futur ! Un futur assurément plein de TIC et… de coups de téléphone ...

PENDING PHABLETS… According to our specialist, in the matter of future trends regarding technological equipment, the demand for "smartphones but also phablets, in particular" will be greater than that for PCs, game consoles or HD televisions. The arrival of the phablet represents another technological leap forward "that will meet, and even exceed, expectations. A country like Kenya can take pride in seeing that 30% of its GDP comes from mobile transactions. The smartphone of today is a wallet and so many other things too…" The African market not only benefits the multinationals, it also serves the indigenous population. 100% Africa-dedicated applications, sites and other programmes are flourishing all over the continent! Nevertheless, the issue of disparities in accessing connectivity remains to be resolved. Karim Koundi is clear on this point: "Currently, coastal countries are much better served because submarine cables help reduce the cost of telecommunications, which is an advantage for West Africa, North Africa and Kenya. There’s also South Africa, but for other reasons. However, the higher cost for States like Chad, Niger and a part of Mali, remains an obstacle." But one that should soon be overcome. After all, given its demography, Africa, the cradle of humanity, clearly holds a bright future for ICT and … telephone calls… Translation from French Susan Allen Maurin

© Tony Quinn

© Tony Quinn

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MOBILE

RE…

DES APPLICATIONS À SUIV

THE LATEST IN APPLICATIONS FOR MOBILES… LES AFRICAINS SONT CONNECTÉS ET S’OUTILLENT À TOUT-VA ! TRÈS BIEN, RESTE ENCORE À DÉVELOPPER DES CONTENUS APPROPRIÉS À LEURS ATTENTES ET BESOINS. UNE TERRE VIERGE QUE LE CONTINENT EN CE DOMAINE ? QUE NENNI ! S’IL RESTE ENCORE DU CHEMIN À PARCOURIR, CERTAINS VISIONNAIRES SE SONT DÉJÀ LANCÉS DANS LE DÉVELOPPEMENT D’APPLICATIONS 100 % AFRIQUE. VOICI QUELQUES EXEMPLES, PÊLE-MÊLE, DE BELLES INITIATIVES…

AFRICANS ARE CONNECTED AND ARE GETTING EQUIPPED LIKE MAD! THAT’S ALL VERY WELL, BUT THERE REMAINS A NEED FOR THE DEVELOPMENT OF SUITABLE CONTENTS, WHICH MEET THEIR EXPECTATIONS AND REQUIREMENTS. DOES THIS MEAN THAT THE AFRICAN CONTINENT IS LAGGING BEHIND? NOT AT ALL! ALTHOUGH MORE REMAINS TO BE DONE, SOME VISIONARIES HAVE ALREADY STARTED DEVELOPING APPLICATIONS 100% MADE IN AFRICA! THE FOLLOWING ARE SOME RANDOM, NON-EXHAUSTIVE EXAMPLES OF SOME GREAT INITIATIVES…

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MPedigree

UNE APPLI D’UTILITÉ PUBLIQUE ! La contrefaçon est une plaie. Une plaie mortelle lorsqu’il s’agit de médicaments. Pas moins de 100 000 personnes décèderaient chaque année des suites de ce fléau. C’est pourquoi le Ghanéen Bright Simons a décidé de lancer cette plateforme pour mobile. Concrètement, il s’agit d’envoyer par SMS le code inscrit sur sa boîte de médicaments. Le serveur MPedigree valide (ou pas) le produit. Pratique mais surtout salvateur ! www.mpedigree.net

MPedigree

UNE APPLI D’UTILITÉ PUBLIQUE ! Counterfeiting is a real threat, especially where medicine is concerned. No less than 100 000 people die each year as a result of this scourge, which is why the Ghanaian, Bright Simons, decided to launch his mobile platform. The code that appears on the medicine pack is simply sent via text message to MPedigree. The server then validates (or not) the product. It’s not only practical, it can save lives too! www.mpedigree.net

No Bakchich

STOP À LA CORRUPTION ! C’est la solution anti pot-de-vin mise au point au Cameroun. No Bakchich se propose d’établir une cartographie des services les plus corrompus du pays. Et ce par le signalement des demandes de « dessous de table » dans les administrations. L’initiative de Hervé Djia, informaticien et développeur, permet à ses compatriotes d’entreprendre leurs démarches en toute tranquillité en s’adressant à des fonctionnaires honnêtes ! www.nobakchich.org

No Bakchich

STOP À LA CORRUPTION ! This anti-bribery solution was developed in Cameroon. No Bakchich (No Bribery) offers a mapping function of the most corrupt services in the country and is used to alert its users of any bribery in administrations. The invention of Hervé Djia, a software engineer and developer, is a reassuring initiative for his fellow countrymen, who can now deal with honest public servants! www.nobakchich.org

Afrinolly

LUDIQUE, CAPTIF, ATTRACTIF…

Ushahidi

UN PRÉCIEUX TÉMOIN Signifiant « témoin » en Swahili, cette plateforme permet par le simple envoi d’un SMS de publier un appel à l’aide, un témoignage ou un signalement d’événement. Cette application a été développée au Kenya pour relayer les violences urbaines constatées. Le tout est évidemment accompagné de coordonnées géographiques précises. Succès oblige, Ushahidi a fait boule de neige à travers le monde (RDC, Gaza, Chili, Russie etc.) www.ushahidi.com

Ushahidi

AN INVALUABLE WITNESS Ushahidi, means “testimony” in Swahili. All the users have to do is send a simple text message to issue a call for help, send a testimony or report an incident. The application was developed in Kenya to pass on information about the perpetration of urban violence. All these features are evidently accompanied with precise geographical coordinates. Hugely successful, Ushahidi has snowballed across the world (DRC, Gaza, Chile, Russia etc.). www.ushahidi.com

Voilà quatre années que l’agence de marketing en ligne nigériane Fans Connect Online s’est lancée dans l’aventure Afrinolly. Bandes annonces de films, potins sur les célébrités, vidéos clips musicaux, tout pour « scotcher » devant son écran les mordus de ce que l’Afrique compte de divertissements. L’application est un carton et a eu l’honneur d’être honorée, dès 2012, par le prix de l’Androïd Developpers Challenge pour l’Afrique. www.afrinolly.com

Afrinolly

FUN, CAPTIVATING, ATTRACTIVE… Four years ago, the Nigerian, online marketing agency, Fans Connect Online, embarked on the Afrinolly adventure. Film trailers, celebrity gossip, music video clips… just about everything to satisfy African fans of entertainment in all its forms. The application became a huge success and in 2012, it was awarded the Androïd Developers Challenge for Africa. www.afrinolly.com

IL CONVIENT ÉGALEMENT DE METTRE EN LUMIÈRE D’AUTRES BELLES INITIATIVES COMME LE TRÈS PROPRET ARCLEAN QUI ENTEND « NETTOYER » DAKAR DE SES ORDURES PAR UNE SENSIBILISATION TOUT AZIMUT AU CIVISME ÉLÉMENTAIRE. DANS UN TOUT AUTRE STYLE, LA KÉNYANE MPAYER PROPOSE AUX ENTREPRISES DE FACILITER ET DE SÉCURISER LEURS TRANSFERTS D’ARGENT. MEDAFRICA NOUS VIENT ÉGALEMENT DU KENYA ET PERMET EN QUELQUES CLICS D’ACCÉDER À UNE LOCALISATION DES HÔPITAUX ET DES MÉDECINS LES PLUS PROCHES. ENFIN, JUMIA SE PRÉSENTE COMME L’AMAZON AFRICAIN. PLUS DE 50 000 ARTICLES EN LIGNE SUR LE PLUS GRAND SITE DE VENTE EN LIGNE DU CONTINENT. UNE RÉFÉRENCE. IT IS ALSO IMPORTANT TO MENTION OTHER FINE INITIATIVES, SUCH AS ARCLEAN, WHICH AIMS TO “CLEAN UP” DAKAR AND DISPOSE OF ITS WASTE BY LAUNCHING AN ALL-OUT CAMPAIGN TO RAISE AWARENESS AMONG THE POPULATION THAT PUBLIC WELFARE MUST BE PUT BEFORE SELF-INTEREST. ALTERNATIVELY, THE KENYAN, MPAYER, OFFERS COMPANIES AN EASY, SECURE WAY OF TRANSFERRING THEIR MONEY. WITH JUST A FEW CLICKS, MEDAFRICA, WHICH IS ALSO KENYAN, PROVIDES THE LOCATION OF THE NEAREST HOSPITALS AND DOCTORS. FINALLY, JUMIA IS PRESENTED AS THE AFRICAN AMAZON. IT HAS BECOME A REFERENCE IN ITS FIELD AND WITH OVER 50 000 ARTICLES, IS THE LARGEST ONLINE STORE ON THE CONTINENT. TRANSLATION FROM FRENCH SUSAN ALLEN MAURIN

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HEIR WAY…

RYING TO FIND T TRIES THAT ARE T

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par Hervé PUGI


LA 3E RÉVOLUTION INDUSTRIELLE, CELLE DU NUMÉRIQUE, EST EN MARCHE ET LES PAYS DU MAGHREB COMPTENT BIEN SE JOINDRE AU CORTÈGE DES RÉVOLUTIONNAIRES 2.0. MAROC NUMERIC 2020, TUNISIE DIGITALE 2018 OU E-ALGÉRIE - APPELLATIONS ÉVOCATRICES - APPARAISSENT AINSI COMME AUTANT DE PLANS STRATÉGIQUES VISANT À FAIRE DE CHACUN DE CES PAYS DE VÉRITABLES LEADERS DANS LE DOMAINE DES TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION ET DE LA COMMUNICATION (TIC). MAIS SAISIR À PLEINES MAINS CE LEVIER ÉCONOMIQUE MAJEUR NE SUFFIT PAS, IL CONVIENT ENCORE DE L’ACTIONNER CORRECTEMENT POUR INITIER LE CERCLE VERTUEUX SYMBOLISÉ PAR LE TRIPTYQUE « CROISSANCE, EMPLOI, INNOVATION ». POUR L’HEURE, ENTRE ESPOIR ET DOUTE, C’EST UN BILAN CONTRASTÉ QU’AFFICHENT LES UNS ET LES AUTRES. ÉTAT DES LIEUX DE CETTE AUTRE RÉVOLUTION QUI POURRAIT BIEN « ENFLAMMER » LE MONDE ARABE DANS LES PROCHAINES ANNÉES.

THE 3rd INDUSTRIAL REVOLUTION, THAT OF DIGITAL TECHNOLOGY, IS UNDERWAY AND THE MAGHREB COUNTRIES ARE SERIOUSLY COUNTING ON JOINING THE PROCESSION OF THE 2.0. REVOLUTIONARIES. DIGITAL MOROCCO 2020, DIGITAL TUNISIA 2018 OR E-ALGERIA – MEANINGFUL NAMES – SEEM TO POP UP, JUST LIKE STRATEGIC PLANS AIMING TO MAKE EACH ONE OF THESE COUNTRIES A TRUE LEADER IN THE FIELD OF INFORMATION AND COMMUNICATION TECHNOLOGY (ICT). BUT SIMPLY GRASPING THIS MAJOR ECONOMIC LEVER IS NOT ENOUGH. IT NEEDS TO BE EXPLOITED CORRECTLY IN ORDER TO INITIATE THE VIRTUOUS CIRCLE, SYMBOLIZED BY THE "GROWTH, EMPLOYMENT, INNOVATION" TRIPTYCH. FOR NOW, EACH ONE DISPLAYS AMBIVALENT RESULTS AND A MIXTURE OF HOPE AND DOUBT. THE STATUS REPORT ON THIS "OTHER" REVOLUTION MAY WELL STIR THE ARAB WORLD IN THE YEARS TO COME.

© STS Solutions

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LA CARTE « CHIFA » La Caisse nationale de la sécurité sociale des travailleurs salariés (CNAS) a effectué la dématérialisation de la carte de sécurité sociale. L’impact est considérable puisqu’on estime à cent millions le nombre de feuilles de soins électroniques traités chaque année grâce à des cartes à microprocesseur.

THE "CHIFA" CHIP CARD The National Social Security Fund for Salaried Workers (CNAS) has started implementing the electronic social security card. The impact is considerable because thanks to these smart cards, it is estimated that about 100 million electronic medical forms are processed every year.

LE PROGRAMME « OUSRATIC » Lancé en 2005, « Ousratic » avait vocation à démocratiser l’informatique par des prêts spécifiques et un rabais sur la TVA (de 17 à 7 %) sur les ordinateurs. Ce fut un fiasco. La faute à l’impossibilité pour nombre d’Algériens d’accéder… au crédit. Le projet « Ousratic II » (2013) est lui resté mort-né. THE "OUSRATIC" PROGRAMME Launched in 2005, the aim of the “Ousratic” programme was to democratize of computing via specific loans and a lower rate of VAT (from 17 to 7 %) on computers. The operation was a total fiasco. The main reason? A certain number of Algerians had no access to…loans. Nothing came of the “Ousratic II” programme announced in 2013.

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En Algérie, on a du pétrole mais on a aussi des idées ! Toutefois, comme souvent, le plus grand pays du continent africain souffre d’un manque cruel de volontarisme pour mener à bien ses projets. Ainsi, le plan multisectoriel e-Algérie, auquel était précédemment accolé « 2013 », ne se voit plus astreindre une quelconque échéance. Un aveu. Acteurs, publics comme privés, se retrouvent ainsi sur le fait qu’un certain retard a été pris. C’est ce que révèlent les initiateurs de la stratégie e-Algérie, dans un document de synthèse, lorsqu’ils constatent que « l’effort financier de l’État a eu un effet visible sur les infrastructures et équipements installés au niveau des administrations et entreprises. Cependant, l’impact sur l’usage des TIC dans la société ne fut pas trop important. »` Un impact limité dont les symptômes les plus évidents apparaissent être « un nombre limité de services en ligne » ou encore « une appropriation réduite des TIC aussi bien par l’administration que par les entreprises et les citoyens ». En outre, souligne le document, « les fonds et programmes de soutien et d’appui n’ont pas été suffisamment exploités et n’ont donc pas produit l’effet escompté sur le développement économique ». Pour beaucoup d’experts, aussi ambitieux et fondé que puisse-être le plan e-Algérie, il souffrirait du syndrome bien connu de la… coquille vide. Comme a pu le souligner l’Institut de prospective économique du monde méditerranéen (IPEMED), « sa mise en œuvre a été très en deçà des annonces faites malgré quelques succès ». Et le même institut d’expliquer cet échec par « l’environnement juridique, institutionnel et économique du pays », tout en rappelant que « le développement d’une stratégie ambitieuse pour le numérique doit être accompagné par des réformes dans la sphère économique, sociale et institutionnelle du pays ».

There’s not only petrol in Algeria, there are ideas! Nevertheless, as is often the case, the largest country on the African continent suffers from a cruel lack of voluntarism to see its projects through. Thus, the e-Algeria multi-sectoral project, to which the year “2013” was previously associated, is no longer subject to any determined date. An admission. Both public and private actors are confronted with a certain delay. This is what the initiators of the e-Algeria strategy have revealed in a summary in which they note that “the financial effort on the part of the State has had a visible effect on the infrastructures and equipment installed in administrations and companies. Nevertheless, the impact of ICT in the society was not significant.” The most obvious reasons for this limited impact seem to be “a partial number of developed and unexploited online services” or a “restricted use of ICT by the administration, businesses and citizens”. Furthermore, the document points out that “the funds and support programmes that were set up initially were not sufficiently exploited and, consequently, did not have the desired effect on economic development”. In the opinion of many experts, no matter how ambitious and justified the e-Algeria project may be, it suffers from the well-known syndrome of the … empty shell. As the Institute of Economic Forecasting for the greater Mediterranean (IPEMED) pointed out, “despite some success, its implementation fell far short of expectations”. And the same institute explains this failure by “the country’s legal, institutional and economic environment ", and recalling that “the development of an ambitious digital strategy must be accompanied by reforms in the country’s economic, social and institutional spheres”.


© cityscape

Favoriser la transformation sociale, développer l’e-gouvernement, renforcer la productivité des PME et développer la filière TIC telles étaient les visées du plan Maroc Numeric 2013, prolongé en décembre dernier par sa version 2020. En l’espace de cinq ans, le royaume chérifien s’est façonné une image de hub technologique relativement prisé par nombre de sociétés de services en ingénierie informatique (SSII). La meilleure illustration réside dans l’ouverture du centre offshore IBM à Casablanca. Une activité qui a vu son chiffre d’affaires passer de 760 millions de dirhams en 2008 à près de 2 milliards en 2010. L’impact apparaît également positif pour les entreprises locales. Les plus performantes se développent et prospèrent au point d’aborder des projets à dimension nationale, voire continentale. Une vision idéalisée toutefois battue en brèche, en septembre 2014, par un rapport de la Cour des comptes qui a stigmatisé une « stratégie (qui) n’a pas été soumise à un processus de validation préalable afin d’assurer une cohérence de son contenu, un engagement formalisé et une adhésion pour sa mise en œuvre, ce qui a influencé négativement sa bonne conduite ». Pour dire les choses plus clairement, les résultats constatés ne seraient pas à la hauteur des deniers publics engagés. Et le rapport délivré de pointer les manquements des programmes eGov (36 % des réalisations prévues auraient été réalisés), compétitivité PME (22 %) ou développement des technologies de l’information (22 %). L’institution regrette aussi à la fois la « négligence de l’élément humain », le manque de dimension régionale et l’absence de politique participative. Le tout, il faut le préciser, sur fond de règlement de compte politique entre l’ancienne et la nouvelle majorité.

© IBM

IBM CEO Ginni Rometty is flanked by Hightech Payments Systems CEO Mohamed Horami (left) and IBM Morocco Country General Manager Hassan Bahej (right) at the opening of the IBM Innovation Centre in Casablanca on February 6, 2014.

UN ACCÈS AU WEB EN ESSOR

AN ACCESS TO INTERNET IN FULL BOOM

Dans un pays frappé par de grandes disparités, le plan Maroc Numeric a permis de considérablement accroître le taux de pénétration d’Internet. Si seulement 14 % des familles marocaines pouvaient surfer sur le web en 2008, ce taux s’élèverait désormais – selon les chiffres communiqués – à plus de 40 %.

In a country that is characterized by wide disparities, the Digital Morocco project has resulted in a considerable increase in the Internet penetration rate. Only 14 % of Moroccan households could surf on the net in 2008, but it would seem, according to the latest figures, that the number now exceeds 40 %.

LA FORMATION NE SUIT PAS

A LACK OF TRAINING

« Une activité à forte croissance et évolutive face à un système éducatif qui n’arrive pas à suivre ». Ce constat sans appel est signé par l’IPEMED qui note également que « le déficit de compétences s’accroît au fur et à mesure de la croissance du marché, notamment en matière de profils très pointus ».

“An activity with a high-growth and the potential to evolve is faced with an education system that cannot keep up”. This stark observation was made by the IPEMED that also remarks “as the market continues to develop, the skills gap widens even further, notably in terms of specific, expert profiles”.

Some of the objectives in the Digital Morocco 2013 project, incidentally extended last December with the version 2020, included encouraging social change, developing e-government, reinforcing the productivity of SME structures and extending the ICT sector. In five years, the Kingdom of Morocco has shaped its image as a technology hub, relatively popular with software engineering companies or ICT companies. One good example is the opening of IBM’s offshore center in Casablanca. The company saw its turnover go from 760 million dirhams in 2008 to nearly 2 billion in 2010. The impact also seems positive where national service companies are concerned. The most efficient ones continue to develop and thrive and are even considering projects on a nationwide, or even, continental scale. However, this idyllic vision was shattered with the publication of a report by the Court of Auditors in September 2014, which denounced a “strategy (that) hadn’t been submitted for validation beforehand so as to ensure the consistency of its content, a formal commitment and an indispensable cohesion for its implementation, which had a negative effect on its smooth operation”. In other words, the observed results were not adequate in relation to the public funds that had been allotted to the project. The report also identifies the failings of the programmes: e-Gov (36 % of the anticipated achievements were accomplished), SME competitiveness (22 %) or the development of the ICT sector (22 %). Likewise, the institution regrets the “disregard for the human element”, the lack of a regional dimension and the absence of a participatory policy. It is important to mention that the above conclusions were published against a backdrop of political score-settling.

LE MAROC S’EST FAÇONNÉ UNE IMAGE DE HUB TECHNOLOGIQUE PRISÉ

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THE PIONEER THAT IS NEGLECTING ITSELF... Avec Tunisie digitale 2018, le plus modeste (mais pas le moindre) des pays du Maghreb montre les muscles en voulant « faire de la Tunisie une référence internationale dans le domaine et faire des TIC un levier de développement socio-économique ». Du côté de Tunis, on peut se prévaloir d’un savoir-faire éprouvé. Au point de devenir « une destination privilégiée pour les entreprises et les investisseurs du secteur des TIC », dixit l’IPEMED. La Tunisie a acquis ses lettres de noblesse par son industrie du logiciel, des services et du multimédia. La liste des multinationales et des éditeurs ayant investi dans des sites de production, d’assistance ou de représentation régionale est longue. Pas un hasard, tout a été mis en œuvre pour offrir les meilleures conditions d’installation : infrastructures, équipements, zones technologiques dédiées mais aussi (et surtout) un bassin d’emploi capable d’assurer les missions proposées. Revers de la médaille, cette politique laisse sur le bord de la route les entreprises locales. À l’image de Smart Tunisia, lancée fin 2013. Si le projet tend à créer 50 000 emplois dans le secteur des TIC en cinq ans, ce dispositif s’adresse uniquement aux sociétés étrangères désireuses de se lancer dans l’offshoring. Certains experts doutent également de l’impact réel de Smart Tunisia en termes d’embauche. Ainsi, l’expert en stratégies TIC Mustapha Mezghani, dans les colonnes de Business News, ne manquait pas de rappeler que « le taux actuel de chômeurs en informatique et télécommunication représente moins de 3 % du total des chômeurs. » Pour ce spécialiste, aucun doute, il faut impérativement « apporter des aménagements nécessaires » à la politique numérique actuelle afin « de faire exploser le potentiel des entreprises locales des TIC qui ont fait leurs preuves à l’international et ont démontré leurs capacités à ramener des devises ».

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With Digital Tunisia 2018, the smallest (but not the least) of the Maghreb countries is flexing its muscles “to make Tunisia an international reference in the field and to make ICT a lever for socio-economic development”. Indeed, Tunis can already take pride in its proven expertise. So much so that, according to IPEMED, it’s set to become “a popular destination for companies and investors in the ICT sector”. Tunisia acquired its reputation thanks to its software, service and multimedia industry. The list of multinationals and publishers that have invested in production sites, support or regional representation is long and it is not a coincidence. Every effort has been made to offer not only the best possible installations: infrastructures, equipment, special technological zones but also an employment pool, capable of assuming the tasks. However, the drawback of this policy is that local companies are being left by the wayside. Take, for example, the Smart Tunisia scheme, which was launched at the end of 2013. Given that the project is seeking to create 50 000 jobs over five years in the ICT sector, this measure only concerns foreign companies that are interested in going into offshore business. In addition to the fact, some experts are doubtful as to whether Smart Tunisia will have a real impact in terms of employment. As Mustapha Mezghani, an expert on ICT strategies declared in the columns of Business News, “the present rate of unemployed people in the fields of computer science and telecommunications represents less than 3% of the total number of the unemployed.” There is no doubt that, in the opinion of this specialist, “the necessary amendments must be made” to the current digital policy so that “the potential of local ICT companies, that have proven themselves on the international market and have shown their ability to bring in foreign currency, can be exploited to the full”.

NÉCESSAIRE DE FAIRE EXPLOSER LE POTENTIEL DES ENTREPRISES TUNISIENNES

UNE STRATÉGIE PEU DIVERSIFIÉE Le seul offshoring ne peut suffire. C’est l’avis de Mustapha Mezghani pour qui « il faut mettre l’accent sur des activités qui recourent aux TIC, mais qui ne sont pas du secteur (banque, RH, assurance, santé, etc.) pouvant créer un nombre important d’emplois, dont certains à très haute valeur ajoutée ». A STRATEGY WITH LIMITED DIVERSIFICATION The offshoring cannot be enough. According to Mustapha Mezghani, “it would be wiser to focus on activities that require ICT, but that don’t actually belong to the sector (banking, insurance, health, etc.) and that can create a significant number of posts, some of which are very high value-added jobs”.

UN PARC TECHNOLOGIQUE INTELLIGENT

A SMART TECHNOLOGY PARK

Pays pionnier, la Tunisie a misé sur le développement de zones technologiques intelligentes aux standards internationaux. Dès 1997, le Technopark El Gazala ouvre ses portes, suivi par Manouba, Ennahli ou Sfax mais aussi par une quinzaine de cyberparcs régionaux. Bel exemple de décentralisation.

In its capacity as a pioneer, Tunisia focused on developing hightech zones in keeping with international standards. EL Gazala techno-park opened its gates back in 1997. Other parks followed, including Manouba, Ennahli and Sfax, as well as fifteen or so regional cyber-parks. A fine example of decentralization.


© Lynx

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© Pure Hearth

par Élise FRANÇOIS-DAINVILLE CHAQUE ANNÉE, 74 MILLIONS DE TONNES DE DÉCHETS ÉLECTRONIQUES SONT PRODUITS DANS LE MONDE. LA MAJORITÉ DE CES DÉCHETS ATTERRIT EN AFRIQUE, SUR D’IMMENSES DÉCHARGES À CIEL OUVERT. On les appelle DEEE, ou encore D3E, des lettres qui signifient « déchets d’équipements électriques et électroniques ». Mais ces acronymes techniques masquent une réalité dramatique. Car la plupart de ces produits sont envoyés en Afrique où ils atterrissent sur de gigantesques décharges à ciel ouvert avant d’être triés, et éventuellement recyclés par les populations locales. Une véritable catastrophe pour l’environnement et la santé des populations, car ces déchets contiennent des substances nocives à des niveaux très élevés (comme le plomb, l’arsenic, et le cadmium par exemple). Au Ghana, dans la banlieue d’Accra, près du marché d’Agbogbloshie, se trouve l’une des plus grandes décharges de produits électroniques au monde. Sampson Atiemo, spécialiste ghanéen des déchets électroniques raconte au journal Le Monde : « Des fumées âcres se dégagent des produits qui sont brûlés, et les gens qui viennent faire leurs courses les respirent. Les particules de pollution s'attachent aussi aux aliments, qu’on mange ensuite. Ça provoque des maux de tête, des irritations de la peau. Mais surtout, même si on n’a pas d’études pour le prouver, on soupçonne que ça provoque des cancers à long terme. » Les principales victimes sont les enfants qui viennent brûler les déchets pour en récupérer le cuivre ou d’autres matières premières. © Pure Hearth

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© Marlenenapoli

EVERY YEAR, THE WORLD PRODUCES 74 MILLION TONS OF ELECTRONIC WASTE OF WHICH THE MAJORITY ENDS UP ON IMMENSE, OPEN-AIR LANDFILLS IN AFRICA.

This waste is called WEEE or W3E, meaning "Waste Electrical and Electronic Equipment". But behind these technical acronyms, the situation is dramatic. Most of this waste is transported to Africa where it finishes on huge, open-air landfills before being sorted and possibly recycled by the local population. It is a real disaster for the environment and the health of the inhabitants because this waste contains extremely high levels of noxious substances (like lead, arsenic and cadmium, for example). One of the world’s largest electronic waste dump grounds is close to the market of Agbogbloshie in the suburbs of Accra, Ghana. Sampson Atiemo, a Ghanaian expert on electronic waste told Le Monde newspaper : "The acrid smoke that is produced by the burning objects is inhaled by nearby shoppers. Polluting particles attach themselves to food that we then eat, provoking headaches and irritated skin. But above all, and although there haven’t been any studies to prove it, we believe that these substances can cause cancer in the long term." The main victims are children who come to burn the waste to recover copper or other raw materials.


L’AFRIQUE, PRINCIPAL POLLUEUR En tête du classement des exportateurs de déchets électroniques, on trouve le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne, qui sous couvert de « dons humanitaires », n’hésitent pas à envoyer en Afrique du matériel frauduleusement qualifié d’occasion. Pour tenter de remédier à ce phénomène, des lois ont été votées en Europe en 2012. Elles prévoient notamment un renforcement des contrôles aux frontières. Mais un rapport de l’ONU datant du 10 février 2012 indique que la consommation intérieure du continent africain est à l’origine de la majorité (jusqu’à 85 %) des déchets électroniques produits dans la région. Le rapport se base sur une étude effectuée dans 5 pays d’Afrique de l’Ouest (Bénin, Côte d’Ivoire, Ghana, Liberia et Nigeria), où 650 000 à 1 million de tonnes de déchets électroniques issus de la consommation intérieure sont produites chaque année (la quantité de DEEE exportée depuis l’Europe est estimée à 250 000 tonnes). Ce phénomène est lié au fait que l’utilisation d’équipements électriques et électroniques s’étend à un rythme exponentiel en Afrique. Le taux de pénétration des ordinateurs personnels, par exemple, s’est multiplié par 10 au cours de la dernière décennie, tandis que le nombre d’abonnés à la téléphonie mobile a centuplé. Mais le pire reste à venir… Les experts onusiens prévoient en effet qu’en 2017, la quantité de ces e-déchets africains dépassera celle générée par l’Europe, pour représenter chaque année 65,4 millions de tonnes. Si la solution passe par la responsabilisation des détenteurs de DEEE, une autre se situe du côté du recyclage. Ainsi, le Nigeria qui abrite les plus grandes décharges au monde de DEEE est aussi le champion africain du recyclage. Sur place, c’est déjà toute une économie qui repose sur la remise en état de ces déchets et qui fait vivre plusieurs milliers de personnes.

AFRICA, THE MAIN POLLUTER Topping the list of e-waste exporters are the United Kingdom, France and Germany, which, on the pretext of providing "humanitarian aid", don’t think twice about falsely representing their electronic waste as second-hand. In an attempt to remedy this phenomenon, Europe voted some new laws in 2012, which notably include stricter border controls. However, an UNO report of 10th February 2012 reveals that the consumption within the African continent accounts for the majority (up to 85 %) of e-waste produced in the region. The report is based on studies carried out in 5 West African countries (Benin, Ivory Coast, Ghana, Liberia and Nigeria), where between 650 000 and 1 million tons of e-waste are produced every year by domestic consumption (the quantity of WEEE exported by Europe is an estimated 250 000 tons). This is a consequence of the rapidly increasing use of electrical and electronic equipment in Africa. The penetration rate of personal computers, for example, has increased by a factor of ten over the last decade and the number of mobile subscribers has risen a hundredfold. But the worst is yet to come…UN experts predict that in 2017, the quantity of this African e-waste will exceed that produced by Europe and will reach the staggering figure of 65.4 million tons. One solution is to encourage the holders of WEEE to be more responsible; another concerns recycling. Nigeria has one of the largest landfills in the world but it is also the African leader in recycling. On site, the processing of this waste already represents a significant economy that sustains several thousand people

© Nyaba Léon Ouedraogo

Translated from French by Susan Allen Maurin

© Follow the money

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4 VILLES, 4 DATES, PRÈS DE 4 000 CANDIDATS.

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WWW.AFRICTALENTS.COM


EN AFRIQUE, LA TENTATION

» online fraud africa

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Entre le piratage, la violation de la vie privée ou la diffusion de fausses informations, les dangers du web et autres nouvelles technologies sont légion. L’Afrique, malgré un taux de pénétration d’Internet avoisinant les 20 %, n’est pas épargnée. Between piracy, the invasion of privacy and the publication of false information, the dangers of the web and other new technologies are numerous. And Africa, with an Internet penetration rate of nearly 20%, isn’t spared.

© Joyce s. Lee

L’Afrique serait-elle devenue le paradis des escroqueries en ligne ? Depuis l’avènement de la désormais célèbre « fraude 419 », le continent est régulièrement pointé du doigt pour sa propension à regrouper des cybercriminels sur son sol. L’Afrique de l’Ouest s’en est d’ailleurs fait une spécialité. En 2010, le FBI a même classé trois pays de cette région parmi les dix premiers pays sources d’arnaque : le Nigeria, au troisième rang, le Ghana, septième, et le Cameroun, qui arrive en neuvième position. Depuis, la Côte d’Ivoire est-elle aussi rentrée dans le jeu de ses voisins. Chantage, extorsion de fonds, fausses loteries, l’arsenal de ces escrocs du net, basé sur la naïveté de ses victimes, s’est élargi d’année en année. Renommé pour être un repère des cybercriminels, le Nigeria a gagné sa réputation grâce à la fraude 419, en référence au numéro de l’article du code nigérian sanctionnant ce type de délit. Cette arnaque, née à la fin des années 90, se présente sous la forme d’un mail dans lequel une personne affirme détenir une forte somme d’argent qu’elle souhaite absolument placer à l‘étranger suite à des changements politiques. L’arnaqueur demande alors de l’aide à sa victime pour avancer des frais imaginaires avant le transfert officiel. Un transfert qui, bien entendu, ne verra jamais le jour. Devenus des maîtres en la matière, les cybercriminels nigérians se sont vite faits rattraper par leurs élèves. La tendance s’est ainsi propagée aux cybercafés ivoiriens, béninois ou encore camerounais. Et pour cause : beaucoup moins risquées en raison des réglementations plus ou moins floues à ce sujet, les cyber-arnaques peuvent rapporter des milliers d’euros à leurs auteurs. Un gain très attractif pour des centaines de petites mains du net, bien décidées à parader dans de somptueuses villas comme le font nombre de leurs prédécesseurs.

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Has Africa become the paradise of online scams? Since the advent of the now-famous « 419 scam », the continent is regularly accused of its propensity to host cyber-criminals on its territory. It has even become a specialty in West Africa. In 2010, the FBI listed three countries in this area among the top ten scam sourcing countries: Nigeria comes third, Ghana seventh and Cameroon ninth. Ivory Coast has now also jumped on the bandwagon. Raudsters benefit from the naivety of their victims by using blackmail, extortion, fake lotteries etc… and their arsenal increases from year to year. Famous for its cybercrime, Nigeria earned its reputation following the “419 scam”, named after the number of the relevant Nigerian criminal code that penalizes this type of offence. This type of scam, which started emerging in the nineties, consists of a mail in which someone claims to have a large sum of money that he would like to place abroad following political changes in his native country.

© Steven Depolo

par Alexandre BLOT LUCA

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The fraudster asks his victim to advance fictitious costs before the official transfer of the sum in question; a transfer, which, evidently, never sees the light of day. The Nigerian masters in cybercrime have been rapidly caught up by their pupils and the trend has spread to Ivorian, Beninese and Cameroonian cybercafés… for a very good reason. The imprecise nature of cyber-security regulations there means that the risks are lower and the instigators of cyber scams can earn thousands of Euros. Indeed, with such attractive gains and the prospect of parading around magnificent villas like their predecessors, hundreds of little fingers are kept very busy on the web. Translation from French: Susan ALLEN MAURIN 37


par Romain VITT

UN VÉRITABLE COUP DE TONNERRE. LE 18 JANVIER 2015, LES ANONYMOUS ATTAQUAIENT LE SITE WEB DE L’AGENCE DE L’INFORMATIQUE DE L’ÉTAT SÉNÉGALAIS (WWW.ADIE.SN) SUR LEQUEL ON POUVAIT LIRE « VOUS AVEZ VOULU INTERDIRE LA CARICATURE DE LA UNE DE CHARLIE HEBDO ? MAUVAIS CHOIX ». À LA PLACE, LA CARICATURE DU PROPHÈTE MAHOMET DU JOURNAL ET UN HOMMAGE AUX 17 VICTIMES DES ATTENTATS TERRORISTES À PARIS S'AFFICHAIENT TOUT L'APRÈS-MIDI SUR LA PAGE D'ACCUEIL.LES ANONYMOUS INCARNERAIENT-ILS LES JUSTICIERS DU NET ? 38

A REAL BOLT OUT OF THE BLUE! ON 18TH JANUARY 2015, ANONYMOUS ATTACKED THE WEBSITE OF THE SENEGALESE STATE’S IT AGENCY (WWW.ADIE.SN) AND ON WHICH ONE COULD READ « SO, YOU WANTED TO CENSOR CHARLIE HEBDO’S FRONT PAGE CARTOON? BAD DECISION. » SUBSEQUENTLY, ALL AFTERNOON, THE HOME PAGE OF THE SITE DISPLAYED THE NEWSPAPER’S SATIRICAL CARTOON OF THE PROPHET MOHAMMED AND A TRIBUTE TO THE 17 VICTIMS OF THE TERRORIST ATTACKS IN PARIS. SO, ARE THE MEMBERS OF ANONYMOUS THE VIGILANTES OF THE WEB ?


La plupart des Anonymous ne sont pas des hackers. Dans les débuts de 4chan (voir encadré), les « Anons » sont avant tout des amateurs de blagues potaches. C’est ce que l’on appelle le mouvement « Lulz » (pluriel déformé de « LOL »). En 2007, l’un des membres de la communauté tombe sur une vidéo de Tom Cruise faisant l’apologie de la scientologie. Toujours dans l’esprit « Lulz », il la diffuse sur la toile. Les scientologues expriment alors leur mécontentement et précisent que la vidéo est soumise à des copyrights, et que toute personne l’exploitant serait traînée en justice. Les « Anons » voient alors cette censure comme une atteinte à la liberté et décident de lancer leur première opération baptisée « Opération Chanology ». Ils piratent alors les sites de l’Église scientologue, publient des affiches et vidéos parodiques, et organisent des manifestations via Internet. Pour garder l’anonymat, ils choisissent comme symbole le masque à l’effigie de Guy Fawkes, cet Anglais qui tenta de faire sauter le Parlement de Londres en 1605, et repris dans le blockbuster hollywoodien « V pour Vendetta ». Pour que leurs voix ne soient pas non plus reconnues, ils utilisent un logiciel de synthèse vocale qui énonce un texte écrit de façon robotisée. Les Anonymous, en quête suprême de liberté, poursuivront leur lutte jusqu’en 2011 puis, plus récemment, en piratant le site de l’agence sénégalaise. Depuis, ce n’est pas moins de 20 000 sites web faisant l’apologie du terrorisme qui ont fait l’objet de cyber-attaques entre le 14 et le 18 janvier 2015. Dans le même esprit, une longue liste de comptes Twitter pro-terroristes a été dévoilée. Une façon claire de bloquer les moyens de communication des terroristes qui utilisent principalement sites web et réseaux sociaux.

Celui qui penserait que n’est pas Anonymous qui veut se trompe lourdement ! Leurs forums de discussion sont libres d’accès. Leur philosophie repose sur le partage du savoir, des logiciels, des contenus mais à la condition qu’ils ne soient pas exploités à des fins pécuniaires. À cette époque, la plupart des « Anons » ne sont pas des experts du hacking, ce sont des geeks. Leur objectif est de créer une sorte de mouvance conduisant à la révolte du peuple face à des pratiques qu’ils considèrent comme liberticides. Le public découvre alors leur devise officielle et les questionnements qui s’en suivent: Les institutions étatiques et autres doivent-elles davantage sécuriser leurs systèmes d’informations et bases de données?

Most of the members of Anonymous aren’t hackers. At the beginning of 4chan, the « Anons » are, first and foremost, fans of trolls and juvenile humor. Known as the « Lulz » movement (the twisted plural of « LOL »), their aim is to make fun of everything and anything, sometimes with enmity. In 2007, Anonymous tackles a more serious subject. One of the community’s members comes across a video of Tom Cruise singing the praises of Scientology. And keeping in step with the spirit of « Lulz », he decides to webcast the video. Scientologists are quick to react by expressing their disapproval and making it clear that the video is subject to copyright and that anyone using it would be brought to justice. Considering this censor as a breach of freedom, the « Anons » decide to launch their first operation named « Operation Chanology ». They hack the sites of the Church of Scientology, publish posters and parodies of videos and organize rallies via Internet. In order to remain anonymous, they wear symbolic Guy Fawkes masks modeled after the 2005 blockbuster movie « V for Vendetta ». (Guy Fawkes was an Englishman who, in 1605, attempted to destroy the Houses of Parliament in London). They use speech synthesizer software that produces an artificial, robotic-sounding voice to prevent their own voices from being identified. In their quest for freedom, Anonymous continue their fight up to 2011. They proved their commitment more recently by hacking the Senegalese Agency’s site. Between 14th and 18th January 2015, no less than 20 000 websites that had been glorifying terrorism became the target of cyber-attacks. Similarly, a long list of pro-terrorist Twitter accounts was revealed. This is one way of blocking terrorist communication on websites and social networks.

Whoever thinks that not just anyone can belong to Anonymous is very much mistaken! Their discussion forums are freely accessed. Their philosophy is based on sharing wisdom, knowledge, software and contents but, on the sole condition that they are not used for pecuniary purposes. At present, the majority of « Anons » aren’t expert hackers; they’re geeks. Their aim is to create a kind of sphere of influence to encourage a popular revolt that will combat anything that they consider as a breach of freedom. As the public discovers their official motto, the following questions are raised: Should governmental, state and other institutions be increasing the security of their information systems and databases ?

LE SAVIEZ‐VOUS

DID YOU KNOW

# Origines des Anonymous

#The origins of Anonymous

Hackers, petits génies de l’informatique, simples passionnés ? Les mythes autour du phénomène Anonymous sont nombreux, mais beaucoup d’idées reçues doivent être balayées car le mouvement Anonymous, au départ, n’a rien à voir avec le hacking. À l’origine, le berceau d’Anonymous était un site d’images. C’est en 2003 qu’un New-Yorkais d’à peine 15 ans, Christopher Poole, ouvre un forum dédié aux mangas. Inspiré d’un site japonais baptisé 2chan, il décide de nommer son forum 4chan. Aucune limite n’est imposée sur 4chan puisque les visiteurs peuvent rester anonymes. Sur chaque fichier envoyé, en lieu et place du nom de l’internaute, le serveur ajoute par défaut la signature « Anonymous ». Rapidement, des milliers d’internautes se retrouvent affublés du pseudonyme « Anonymous », le mouvement est né.

Hackers, computer masterminds or simple enthusiasts? Here are numerous myths surrounding the Anonymous phenomenon but contrary to many common beliefs, initially, the Anonymous movement had nothing whatsoever to do with hacking. This may come as a surprise to some but Anonymous was originally an image board website. In 2003, Christopher Poole, a fifteen year old New Yorker launched an English forum dedicated to mangas. The young man decided to name his forum 4chan, after the Japanese website, 4chan. Given the fact that visitors could remain anonymous, the website held no limits. Surfers simply signed their online files with « Anonymous ». In no time at all, thousands of surfers began taking on the name « Anonymous » and the movement emerged. Translation from French: Susan ALLEN MAURIN 39


© Freepik

© Pierre Rennes

& par Romain VITT

En 2011, tout bascule. Des experts en hacking rejoignent les Anonymous qui radicalisent alors leur mouvement suite aux propos d’un site expert en sécurité, HB Gary. Le site affirme avoir identifié une trentaine de membres des Anonymous, qu’il s’apprête à dénoncer au FBI. Il ajoute qu’il existe une hiérarchie au sein des Anonymous.

In 2011, everything changes. Expert hackers join Anonymous and the movement decides to adopt a more radical approach in the wake of the comments on HB Gary, a website specialized in security. The site confirms that after having identified about thirty members of Anonymous, it will be revealing them to the FBI. It also adds that there’s a hierarchy within the organization.

C’est cette déclaration qui provoque l’ire des membres du mouvement. Les « Anons » expliquent que leur mode de fonctionnement repose sur le « Hive Mind » ou « Esprit de Ruche ». Comme les abeilles, les Anonymous savent chacun instinctivement ce qu’ils doivent faire lorsque la mise en place d’une opération survient.

This declaration provokes outrage among the members of the movement. The « Anons » explain that their modus operandi is based on « HiveMind » and just like bees, each of them instinctively knows what to do when an operation is taking place.

Pas de leader, pas de hiérarchie, même s’il y a des membres plus actifs et plus créatifs que d’autres. La majorité des Anonymous sont des geeks, experts en graphisme, en montage vidéo, en réseaux sociaux. D’autres n’ont aucune expertise particulière mais contribuent à leur manière au mouvement. Enfin, les hackers sont des programmeurs de génie, des chercheurs en sécurité, ou encore administrateurs système. Néanmoins, aucune hiérarchie n’existe entre eux, ils sont tous égaux, peu importe leur degré de contribution au mouvement.

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There is neither a leader nor hierarchy, although some members are more active and creative than others. The majority of Anonymous members are geeks, experts in graphics, video editing and social networks. Others may not possess any particular expertise but each of them contribute in their own way to the movement. Finally, hackers are genius programmers, security researchers or system administrators. Nevertheless, there is no hierarchical order between them; they are all equal, regardless of the extent of their contribution.


# COMMENT OPÈRENT-ILS ? S’en suivent alors différentes opérations reposant toujours sur le même principe : les attaques DDOS combinées à une communication sur le web toujours aussi efficace. Les attaques DDOS, c’est d’ailleurs le moyen utilisé par les « Anons » pour s’attaquer aux terroristes islamistes. Pour faire simple, ils lancent une discussion sur une opération à venir. Le jour J, les Anonymous du monde entier se retrouvent sur ce même forum pour programmer une saturation des serveurs d’un site choisi. Schématiquement, les membres de l’opération envoient simultanément, grâce à un logiciel spécifique, un nombre de données plus important que le serveur ne peut supporter. Arrivé à saturation, le serveur « explose » et ils peuvent prendre le contrôle de la page d’accueil.

# LES ANONYMOUS SONT AUSSI DES CIBLES Revers de la médaille, les Anonymous deviennent alors eux aussi des cibles, et à la suite des premières attaques des « Anons » contre les terroristes, une cyber-guerre est née. À chaque assaut lancé par les Anonymous, les terroristes islamistes répondent sans ménagement. Et bien souvent leurs attaques ont davantage d’impact.

L’image que le commun des mortels se fait des terroristes est bien loin de la réalité. Oubliez le terroriste isolé dans la montagne. Aujourd’hui, beaucoup de soldats experts en informatiques disposent de moyens très perfectionnés et peuvent agir depuis n’importe quel endroit sur la planète, grâce à une simple connexion internet, comme le font les Anonymous, avec les mêmes méthodes. Seule la cible change.

Cette cyber-guerre ne remplacera pas le combat armé, mais son rôle sera davantage déterminant au fil du temps. Pour engager davantage de soldats, les terroristes ont pour principal moyen de communication le web et les réseaux sociaux. Et leur puissance de frappe est telle que les autorités sont totalement impuissantes. En France, il existe bien la plateforme « Pharos » sur laquelle n’importe quel internaute peut signaler un site faisant l’apologie du terrorisme, mais l’équipe, bien qu’experte en la matière, souffre d’un manque d’effectif considérable. Quelques dizaines de fonctionnaires de police pour des milliers de sites web, c’est évidemment trop peu. Et le coup de pouce des Anonymous, aussi louable soit-il, repose sur des méthodes illégales. Ils n’en demeurent pas moins déterminés et prêts à en découdre. Entre Anonymous et terroristes, la cyber-guerre est déclarée.

# HOW DO THEY OPERATE? The same principle applies to different operations: DDOS attacks combined with communication via the web are always very effective. Furthermore, the « Anons » use these DDOS attacks to tackle Islamist terrorists. In other words, they launch a discussion on a forthcoming operation. On the big day, world-wide Anonymous members gather on this same forum to overload the web servers of the chosen site. Schematically speaking, the participants use specific software to overload the server with a high volume of data that the server is incapable of handling. Once it reaches saturation point, the server « explodes » and the « Anons » can then take control of the homepage.

# MEMBERS OF ANONYMOUS ARE ALSO TARGETS The drawback is that Anonymous members also become targets. The first attack by the « Anons » against the terrorists marked the beginning of a cyber-war. Whenever Anonymous launches an attack, the response of Islamist terrorists is ruthless. And their attacks often have more impact.

The image the average person has of terrorists is far from reality. Forget about the isolated terrorist in the mountains. Nowadays, many soldiers are experts in computing with sophisticated means enabling them to act from anywhere world, thanks to a simple Internet connection. Their methods are similar to those of Anonymous… only the target is different.

Cyber-wars won’t replace armed combat but, over time, their role will become more significant. In the aim of recruiting more soldiers, terrorists communicate mainly via the web and social networks. And, their impact being so great, the authorities are left totally powerless. In France, the « Pharos » platform offers surfers the possibility of reporting any site that advocates terrorism. But, the team is lacking in experts. In fact, there are only a few dozen police officials for thousands of websites, which is obviously insufficient. And, however praiseworthy Anonymous’ helping hand may be, its methods are illegal. Nevertheless, they remain just as committed to their cause and are prepared for battle. Cyber-war is declared between Anonymous and terrorists.

Translation from French: Susan ALLEN MAURIN 41


par Priscilla WOLMER

Jonathan Ubrette et Yoram Abitbol, sont les fondateurs de l’agence Les Fantastiques, spécialisée dans l’ingénierie digitale, le développement, la programmation d‘interfaces de sites web. Ils réalisent l’étude des besoins et conseil auprès des entrepreneurs. Ils créent des solutions web sur mesure. Leur expertise technique est relative à l’interfaçage entre des ERP et des applications web.

ÊTRE UN BON HACKER, C'EST CRÉER UNE SYMBIOSE ENTRE DIFFÉRENTS CONCEPTS TECHNOLOGIQUES : PROGRAMMATION, PÉRIPHÉRIQUES RÉSEAU, PROTOCOLES, ETC.

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Jonathan Ubrette and Yoram Abitbol are the founders of Les Fantastiques agency, specialized in digital engineering, development and web APIs (Application Programming Interface). They offer advice and analyze the needs of entrepreneurs, as well as providing tailor-made web solutions. Their technical expertise relates to the interfacing between ERPs and web applications.

BEING A SKILFUL HACKER MEANS CREATING A SYMBIOSIS BETWEEN DIFFERENT TECHNOLOGICAL CONCEPTS: PROGRAMMING, NETWORK DEVICES, PROTOCOLS, ETC.


Personne passionnée par le fonctionnement interne d’un système, en particulier des ordinateurs et réseaux informatiques. Oui, mais encore ? Jonathan Ubrette et Yoram Abitbol, fondateurs de l’agence Les Fantastiques font progresser le débat : Internet serait-il possible sans les hackers ?

Someone who is fascinated by the internal functioning of a system and, in particular, that of computer systems and computer networks. But is that all? Jonathan Ubrette and Yoram Abitbol, the founders of Les Fantastiques agency take the debate further and ask: Would Internet be possible without hackers?

54 ÉTATS : À l’heure où le piratage est monnaie courante, que vous inspire le travail des hackers ?

54 ÉTATS: At a time when piracy is common practice, what do you think about the work of hackers?

Jonathan Ubrette (J.U.) et Yoram Abitbol (Y.A.) : Il y a deux façons de comprendre le travail des hackers. La première est que leur action permet de mettre en avant des failles du code d’un programme. Ils sont les gardiens du « nouveau monde ». D’ailleurs, il y a des sociétés de hackers qui sont payés pour tester des sites. Certaines entreprises lancent des concours où le principe est la mise en place de système présentant des failles. Leur mission consiste à identifier les hackers qui auront réussi à faire tomber le système. La seconde peut être vue comme une nuisance, un nouveau type de criminalité. Si au départ, le terme « hacker » ne désigne qu’un passionné d’informatique, il va prendre une connotation « criminelle » lorsque cette compétition entre groupes va amener certains d’entre eux à enfreindre la loi.

Jonathan Ubrette (J.U.) and Yoram Abitbol (Y.A.): To understand what hackers do, there are two points to be considered. The first is that, thanks to their work, they draw attention to any programme coding flaws. They’re the guardians of the "new world". Moreover, certain hacking groups are paid to test websites. Some companies even organize contests where the principle is to set up systems with flaws. Their mission is to identify any hackers who succeed in bringing down the system. The second point can be regarded as more harmful and negative as it is associated with a new type of crime. At first, the term "hacker" only referred to someone who was fascinated with computer programming. However, it takes on a new meaning with a "criminal" insinuation when competitions between groups of hackers incite some of them to break the law.

54 ÉTATS : Comment apprend-on le langage des hackers ? J. U. / Y. A. : Un bon hacker connaîtra nécessairement l’outil CMS open source et maîtrisera une portion de la chaîne d’échange de données afin de pouvoir récupérer ou «sniffer» – comme il est usité dans le jargon – ces données ou d’y injecter leur propre données. Il y a en effet plusieurs couches distinctes dans le hacking, tout dépend de la cible. Les hackers ne sont pas uniquement des programmeurs. Ils ont également des connaissances en architecture réseau pour identifier les périphériques à utiliser et surtout pour cibler les protocoles d’échange de données. 54 ÉTATS : Est-il facile de pirater un site comme cela a été récemment le cas pour la maison Sony ? J. U. / Y. A. : Il y a plusieurs façades pour pirater un site : accéder aux informations privées du site, endommager le support de données ou en empêcher l’accès. Cela peut se faire, par exemple, en multipliant les connexions simultanées. Quoi qu’il en soit, il est difficile d’estimer le degré de complexité d’un piratage, tout dépend de la technique, de l’outil utilisé et des protections que l’on a en face. Il faut mettre les mains dans le cambouis pour le savoir !

54 ÉTATS: What are the features of hacking? J.U. / Y.A.: A skillful hacker is inevitably familiar with the CMS open source tool and is capable of controlling part of the data exchange system so as to either recuperate or ‘’sniff’’ – which is the common term in hacker jargon – this data or to add his own data. In actual fact, there are several distinct layers in hacking; it all depends on the target. Hackers aren’t just programmers. They also have knowledge about network architecture, which enables them to identify which peripheral devices to use and above all, to target the data exchange protocols. A good hacker is capable of creating the perfect symbiosis between different technological concepts: computer programming, network devices, protocols, etc. 54 ÉTATS: Sony’s site was recently hacked. Has piracy become easier? J.U. / Y.A.: A site can be hacked in different ways, which can include accessing the site’s private information, damaging the data carrier or preventing access. This can be done by multiplying the number of simultaneous connections, for example. In any event, and where hacking is concerned, it’s difficult to estimate the level of complexity because it all depends on the technique, the tool and the protections the hacker can come up against. You need to get your hands dirty to find out!

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Les Anonymous offer a lot of hope. Don't you think that they're the "key" in the fight against terrorism? 54 ÉTATS : Vous est-il déjà arrivé d’avoir à réparer le système d’un site Internet qui aurait été piraté ? J. U. / Y. A. : Oui, nous avons déjà été sollicités pour corriger des failles de code qui avaient permis à des hackers de bloquer le site d’un client, ou encore de restaurer des bases de données endommagées. 54 ÉTATS : Les moyens mis en oeuvre pour lutter contre la criminalité informatique sont-ils efficaces ? J. U. / Y. A. : L’État est bien souvent dépassé par l’ingéniosité des hackers et de fait notre société nous rend tributaire du monde informatique. Un simple « clic » maladroit peut entraîner un grand « couac ». Et quand ce « clic » est intentionnel, il devient criminel. L’aspect répressif de la loi n’est pas suffisant. 54 ÉTATS : Sauriez-vous nous dire comment communiquent les hackers du monde entre eux ? J. U. / Y. A. : Ils communiquent sur des réseaux darknet comme Tor par exemple, via des forums en utilisant des logiciels, navigateurs spécifiques, comme Tor Browser, configurés pour garder les échanges anonymes.

54 ÉTATS: Have you already repaired a hacked website ? J.U. / Y.A.: Yes, we’ve already been asked to correct programme flaws that had enabled hackers to block a customer’s website and we’ve also restored damaged databases. 54 ÉTATS: Are the efforts to combat cybercrime proving to be successful? J.U. / Y.A: The State is often surpassed by the ingenuity of hackers and the society of today has made us dependent on the IT world. A simple, clumsy "click" can result in a huge "hitch". But if the "click" is intentional, it becomes criminal. The repressive aspect of the law isn’t sufficient. 54 ÉTATS: Can you tell us how hackers all over the world communicate with each other? J.U. / Y.A.: They communicate on darknet networks, like Tor, for example, via forums by using software that produce site-specific browsers like Tor Browser, which is configured to keep exchanges anonymous.

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54 ÉTATS : Que savez-vous des cyber-crimes et du darknet ? J. U. / Y. A. : La cybercriminalité touche de plus en plus de gens pour autant ce n’est pas forcément une nouvelle criminalité mais des criminels qui ont modifié leurs modes opératoires. Elle peut parfois se servir de ce qu’on appelle le darknet et dispose même aujourd’hui de sa propre monnaie/devise, le « bit coins ». La société a tendance à croire que ce réseau n’est régi que par des terroristes. Et la cyber utilité ? Souvenons-nous de l’action orchestrée par les Anonymous en Tunisie, en 2011. Que faites-vous de leur engagement suite à l’attentat contre Charlie Hebdo ? Pendant que les français défilaient massivement dans les rues de notre pays, les Anonymous s’activaient sur la toile pour freiner l’activité terroriste. C’est important de le souligner. Les Anonymous offrent beaucoup d’espoir. 54 ÉTATS : Ne pensez-vous pas qu’ils sont la clé « première » pour lutter contre le terrorisme ? J. U. / Y. A. : Si l’on regarde bien, leur organisation repose sur le même principe que les groupes terroristes, expansion, anonymat, mais leur organisation est beaucoup plus puissante que celles des terroristes. 54 ÉTATS : Pour vous, la 3e guerre mondiale pourrait-elle être cyber ? J. U. / Y. A. : Quel que soit le conflit il y aura toujours des armes et des morts. À mon humble avis, je n’envisage pas que la 3e guerre mondiale puissse être exclusivement « cyber ». En revanche, la propagande joue un rôle central dans les guerres, donc les télécommunications y prennent forcément une grande place. 54 ÉTATS : En quoi le monde digital, et les NTIC impactent elles sur l’économie, la politique et la vie sociale des habitants du monde réel ? J. U. / Y. A. : Les NTIC sont des catalyseurs ! L’accès à la communication et aux données y est plus facile et accélérée. Nous croyons beaucoup à cette dimension non réellement quantifiable qui découle de la communication et des échanges. Nous sommes bien placés pour en parler, nous avons créés la plateforme Synintra spécifiquement dédiée à l’écosystème startups et l’on constate ce qu’apportent les échanges et les synergies dans le quotidien des entrepreneurs. Chaque brique qui contribue à aider leur développement a forcément une répercussion sur leur compétitivité, et de ce fait sur l’économie du pays.

54 ÉTATS: What do you know about cybercrime and darknet? J.U. / Y.A.: Cybercrime is affecting a growing number people. Yet, it’s not necessarily a new crime; it’s just that the criminals have changed their modus operandi. Cyber-criminals sometimes use what we call Dark Net and nowadays, even have their own money or currency, known as “bit coins”. Society is inclined to believe that this network is controlled only by terrorists. But what about cyber utility? What if we recall the well-orchestrated action by les Anonymous in Tunisia in 2011? What comes of their commitment following the attack against Charlie Hebdo? It’s important to mention that while numerous crowds of people were marching through the streets in France, les Anonymous were busy on the web, trying to curb terrorist activity. Les Anonymous offer a lot of hope. 54 ÉTATS: Don’t you think that they’re the “key” in the fight against terrorism? J.U. / Y.A.: If we look closely, their organization is based on the same principle as that of terrorists – expansion and anonymity – but their structure is much more powerful than terrorist organizations. 54 ÉTATS: In your opinion, could the 3th world war be a cyber war? J.U. / Y.A.: Whatever the conflict, there will always be weapons and deaths. In my humble opinion, I don’t see a Third World War being exclusively “cyber”. However, propaganda plays a central role in wars, so, telecommunications are obviously a key factor. 54 ÉTATS: What is the impact of the digital world and NICTs on the economy, politics and social life of the inhabitants of the real world? J.U. / Y.A.: ICTs are a catalyst! They offer easier and faster access to communication and data. We strongly believe in this non-quantifiable dimension, which stems from communications and exchanges. We’re well placed to talk about it because we’ve created the Synintra platform, which is specifically dedicated to startup ecosystems, and we can see how entrepreneurs benefit from these exchanges and synergies on a daily basis. Each technological building block helps them develop, which inevitably has an impact on their competitiveness and consequently, on the country’s economy.

LES HACKERS sont les gardiens du "nouveau monde"

Translation from French Susan Allen Maurin

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par Priscilla WOLMER

IL EXISTE UN MARCHÉ NOIR, OÙ DROGUE, ARMES, PÉDOPHILIE SE NÉGOCIENT OUVERTEMENT ALORS QUE L’EXPLOSION DES COMMUNICATIONS CRYPTÉES SEMBLE MENACER LA SÉCURITÉ DES INTERNAUTES ? FACE AU CYBER TERRORISME, À LA CYBERCRIMINALITÉ, L’INDUSTRIE, LE GOUVERNEMENT, LES LÉGISLATEURS ET LA COMMUNAUTÉ CYBER TROUVERONT-ILS UN TERRAIN D’ENTENTE POUR QUE CHACUN PUISSE JOUIR DES LIBERTÉS DE L’INTERNET EN TOUTE SÉCURITÉ ? ÇA FAIT DÉBAT ! « Cocaïne colombienne, champignons hallucinogènes, numéro de carte de crédit, passeports, faux billets de 50 euros ». Le darknet héberge des milliers de supermarchés illégaux et de sites extrémistes. C’est là un réseau cinq cents fois plus vaste que le web officiel. « Tout se passe sur Internet, il était naturel que le crime s’y installe aussi. Il est plus facile de vendre de la drogue en ligne, devant un ordinateur que lors d’une rencontre face à un mec qui risque de pointer un flingue sur votre tête » informe Rob, un habitué du darknet. Des systèmes comme le réseau Tor permettent d’accéder à ce réseau souterrain. Conçu à l’origine par le renseignement américain, ses failles sont aujourd’hui pointées du doigt.

Tor permet aux utilisateurs de masquer leur adresse IP en redirigeant le trafic à travers toute une série d’autres ordinateurs et en utilisant différentes couches de cryptage, ce qui est idéal pour le commerce illégal en ligne. Il est ainsi quasi impossible de remonter à la source des sites qui l'hébergent. Les experts estiment que l’anonymat assuré par Tor, combiné à l’émergence de la devise électronique (Bitcoin), a facilité les activités criminelles. Tor est un instrument vital pour les dissidents vivants sous des régimes répressifs. En Europe, les révélations d’Edward Snowden sur le programme de surveillance généralisée de l’Agence nationale de la sécurité (NSA), ont nourri les aspirations des citoyens à plus de confidentialité et de cryptage. L’explosion des logiciels de cryptage fait planer un doute sur la capacité des agences de renseignement occidentales à contrôler les plus sombres recoins du web et à contrer les menaces terroristes. Rob Wainwright, directeur d’Europol estime « qu’il est important, malgré le côté cauchemardesque du darknet de ne pas diaboliser des instruments comme le Bitcoin et le réseau Tor. » D’après lui, ces outils constituent une part légitime du monde numérique en aidant les citoyens et les consommateurs à bénéficier des libertés sur Internet. 46

DARKNET… A BLACK MARKET WHERE IT’S EASY TO TRADE DRUGS, WEAPONS AND CHILD PORNOGRAPHY. DOES THIS MEAN THAT, ALONG WITH THE EXPLOSION OF CRYPTIC COMMUNICATIONS, THE SECURITY OF WEB SURFERS IS IN DANGER? IN THE FACE OF CYBER-TERRORISM AND CYBER-CRIMINALITY, WILL INDUSTRIES, GOVERNMENTS, LEGISLATORS AND THE CYBER COMMUNITY BE ABLE TO REACH AN AGREEMENT WHEREBY EVERYONE CAN SAFELY BENEFIT FROM THE FREEDOM INTERNET HAS TO OFFER? HERE IS A REAL SUBJECT OF DEBATE!

“Colombian cocaine, hallucinogenic mushrooms, credit card numbers, passports, counterfeit 50 euros notes”. The darknet hosts thousands of illegal supermarkets and extremist websites and it’s five hundred times bigger than the official Internet. “Everything and anything is on Internet, so it’s natural that crime is also present. It’s easier to sell drugs on-line via a computer than meeting up with a stranger who could well point a gun at your head”, declares Rob, a regular on darknet. Systems like the Tor network give access to this underground world. It was originally designed by American Intelligence, which is being blamed for its shortcomings.

Tor enables surfers to mask their IP address by redirecting the traffic via a whole host of other computers and by using different layers of encryption, which is ideal for illegal on-line commerce. Consequently, it is virtually impossible to trace the source of the sites that hosts. Experts believe that the anonymity provided by Tor, together with the emergence of electronic currency (Bitcoin), has facilitated criminal activities. Tor is a vital instrument for dissidents living under repressive regimes. In Europe, Edward Snowden’s revelations about the National Security Agency (NSA) global surveillance programme nurtured citizens’ hopes of increased confidentiality and encryption. The explosion of encryption software casts doubt as to whether western intelligence agencies are capable of controlling the darkest corners of the web and countering terrorist threats. Rob Wainwright, the Director of Europol considers “that it is important, despite the nightmarish side of darknet, not to demonize instruments like Bitcoin and the Tor network.” According to him, these tools are a legitimate part of the digital world and enable citizens and consumers to benefit from the freedom of Internet.


En 2014, une étude indépendante, aux Pays-Bas, a montré que 2,5 millions d’utilisateurs naviguent chaque jour sur le réseau Tor, et que plus de 50 % des échanges commerciaux sur Tor sont à but criminel : trafics de drogue, matériaux pédophiles et autres. Son échelle est mesurable et la difficulté qu’a la police à surmonter le cryptage est telle, que personne ne peut assurer le contôle de cette zone du web. « Nous sommes habitués à surveiller des gens très dangereux, cela ne s’applique absolument pas à la face cachée du web. Les défis technologiques sont trop grands ! » informe Rob Wainwright. À l’inverse, Preston Byrne, directeur opérationnel d’Eris Industries, un concepteur de logiciels de cryptage, affirme que « nombre d’actions coercitives menées par la police aujourd’hui se font sans mandat. La police bénéficie d’une délégation substantielle de pouvoirs gouvernementaux qui lui permet de surveiller divers aspects de la vie quotidienne. C’est sans précédent dans l’histoire de l’humanité. L’essentiel de nos vies est en ligne. » Quelles solutions législatives et technologiques proposer ? Le juste équilibre est-il possible entre sécurité et respect de la vie privée ? Récemment, David Cameron a suggéré d’interdire le cryptage mais ne serait-ce pas comme autoriser les automobilistes à conduire une voiture à laquelle il manquerait le frein de sécurité ? Si cette solution était mise en pratique, comment les transactions et les informations personnelles des citoyens seraient-elles protégées ? L’avenir est-il dans la convergence technologique ?

In 2014, an independent study in the Netherlands revealed that 2.5 million people surf on the Tor network every day and that over 50% of the trading on Tor had a criminal purpose: drug trafficking, pedophile material and others. Its scale is measurable and the difficulty that the police have in overcoming the encryptions is such that no-one can guarantee the freedom of this area of the web. “We’re used to watching extremely dangerous people but where the hidden side of the web is concerned, this does not apply at all. The technological challenges are too great!” declares Rob Wainwright. Conversely, Preston Byrne, an Operations Director at Eris Industries, an encryption software design company, states that “nowadays, a number of police enforcement actions are carried out without a warrant. The police have a substantial delegation of governmental powers that allow them to monitor various aspects of everyday life. This is unprecedented in the history of mankind. An essential part of our lives is on-line.” What legislative and technological solutions do we have? Is it possible to strike a fair balance between security and the respect for private life? David Cameron recently suggested prohibiting encryption but wouldn’t that be like allowing motorists to drive a car without a safety brake? If this solution were put into practice, how would transactions and personal information be protected? Will the future be one of converging technologies?

© Colorado

Translation from French : Susan Allen Maurin

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© Tech of Africa

par Hervé PUGI

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S’il y a bien un personnage qui symbolise à lui seul le grand saut (technologique) de l’Afrique dans le monde du digital, c’est bel et bien Vérone Mankou. Le président-fondateur de la société congolaise VMK n’a que 28 ans, toute la vie devant lui, et de l’ambition à revendre. De l’ambition mais pas seulement…

If there’s one figure who truly embodies Africa’s great (technological) leap into the digital age, then it’s Vérone Mankou. The founding president of the Congolese company VMK, who, at only 28 years old, has his whole life before him, is very ambitious. But there’s more to the man that just ambition…

Sur un marché mondial qui voit Apple et Samsung se tailler la part du lion, l’Afrique s’est découvert un jeune entrepreneur aux dents longues tout aussi avide de croquer dans le juteux monde du numérique. L’histoire de Vérone Mankou, c’est celle d’un jeune homme un peu fou qui, du haut de ses 23 ans, décide de se lancer en 2009 dans un incroyable projet : produire la première tablette africaine ! Un rêve qui devient réalité deux années plus tard avec la Way-C. Une consécration pour celui qui est titulaire d’un BTS en maintenance et réseaux qui se voit alors décerner le prestigieux Africa Telecom People Award pour la « meilleure initiative privée ». Il faut dire que loin de produire une énième réplique low cost de l’iPad, pionnière du genre, la Way-C marque les esprits par sa pertinence et ses performances remarquables. Surtout, avec un prix d’appel à moins de 200 €, celle-ci offre un rapport qualité-prix unique sur le continent. Loin de s’arrêter en si bon chemin, celui qui est également conseiller en charge des TIC au cabinet ministériel des Postes, des télécommunications et des nouvelles technologies enfonce le clou tout juste un an plus tard en lançant Elikia (« Espoir » en lingala), le premier smartphone jamais pensé en Afrique qui partage les chaînes de montage chinoises de l’iPhone du côté de Shenghzen. Là encore avec un positionnement adapté aux bourses africaines.

In a global market dominated by Apple and Samsung, Africa has discovered a young, ruthlessly ambitious entrepreneur who is eager to take advantage of the lucrative digital world. The story of Vérone Mankou is about a slightly crazy young man who, in 2009, at the age of only 23, decided to launch an incredible project to produce the first African tablet! And this dream, that was to become reality two years later with the arrival of Way-C, firmly established the reputation of the young man, who holds a twoyear technical degree in maintenance and networks and who has been awarded with the prestigious Africa Telecom People Award for the "best private initiative". Far from being an umpteenth, low-cost replica of the iPad, the pioneer in this field, the Way–C drew a lot of attention, thanks to its pertinence and remarkable performances. Additionally, with an introductory price at less than €200, this tablet offers a unique quality-price ratio on the continent. Far from stopping here, this young Congolese, who is also ICTs advisor at the Post, Telecommunications and New Technologies ministerial personal staff, goes further just one year later by launching Elikia ( "Hope" in Lingala), the first-ever African smartphone. It’s assembled on the same Chinese assembly lines as the iPhone, near Shenghzen and, once again, comes with a price bracket perfectly adapted to the African market.


© VMK

© VMK

Loin de se limiter à ces beaux succès, le natif de Pointe-Noire veut voir plus loin, tout en pensant local. Déjà, avec VMK Market, Vérone Mankou ne manque jamais de valoriser des contenus africains, développés par des Africains pour les Africains ! Dans le même esprit, le jeune homme a décidé de relocaliser une partie de sa production à… Brazzaville. Une tablette ou un smartphone made in Congo ? Ce devrait être une réalité dans les toutes prochaines semaines. Objectif affiché, sortir 350 000 unités chaque mois ! Et car les différentes gammes ne cessent de s’étoffer par de nouveaux produits, des VMK Stores commencent à se multiplier sur tout le continent. Si la capitale congolaise a eu l’honneur de la toute première ouverture, Abidjan a désormais son magasin depuis le 19 février. Kinshasa, Douala et Dakar devraient suivre d’ici la fin de l’année. Une stratégie de déploiement qui se veut ambitieuse, le groupe VMK entend effectivement s’implanter dans cinq nouveaux pays africains chaque année. Confiance, tel est en définitive le maîtremot de Vérone Mankou lorsqu’il songe à l’avenir. Ainsi, dès septembre 2011, l’entrepreneur en herbe confiait au magazine Le Point : « Quand je regarde l’Afrique, je vois un géant qui était dans un sommeil profond et qui, petit à petit, montre les signes d’un réveil. Celui-ci pourrait se produire dans la prochaine décennie. Et je compte faire tout ce qui est de mon possible pour ce que ce réveil puisse avoir lieu. » Sortir l’Afrique d’un long sommeil ? Une ambition finalement logique pour le patron de Vou Mou Ka (VMK), qui signifie… « réveillezvous » en dialecte kikongo !

© VMK

L’AFRIQUE EN TÊTE !

AFRICA AHEAD! Far from contenting himself with these great successes, this native of Pointe-Noire is aiming to go further, while keeping in mind the notion of : "Think global, act local ". Beginning with VMK, Vérone Makou is making a point of highlighting African contents, developed by Africans for Africans! In the same spirit, the young man has decided to relocate part of his production to … Brazzaville. So, what about the idea of a made in Congo tablet or smartphone? Well, this project should materialize in the next few weeks. The stated objective: a monthly production of 350 000 units! Because the different ranges are constantly expanding with the arrival of new products, VMK Stores are also starting to spring up across whole continent. The Congolese capital had the honor of hosting the very first opening, and the first VMK store in Abidjan opened on 19th February. Kinshasa, Douala and Dakar should follow suit by the end of the year. And this ambitious deployment strategy is set to continue, since the VMK group aims at setting up shop in five new African countries every year. Confidence: this is the leitmotiv of Vérone Mankou when he thinks about the future. Thus, back in September 2011, this young aspiring entrepreneur confided to the magazine Le Point: "When I look at Africa, I see a giant that had sunk into a deep sleep and which is gradually showing signs of awakening. This giant might be awakened over the next decade. I intend to do everything I can so that this awakening may occur." Rouse Africa from its deep sleep? This seems quite a logical ambition for the boss of Vou Mou Ka (VMK), which in Kikongo dialect means… "Wake-up "! Translation from French Susan ALLEN MAURIN 49


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Š Alix Desforges

par Sandra WOLMER


54 ÉTATS : Dressez-vous un portrait-type des individus qui font appel aux hackers ? Alix Desforges (A. D.) : Il peut s’agir d’États qui vont mandater des groupes pour mener des actions auxquelles ils ne souhaitent pas être reliés. Il peut s’agir d’entreprises qui souhaitent effectuer des opérations peu reluisantes de type espionnage. Il peut s’agir d’un groupe terroriste qui, ignorant tout du cyber, souhaiterait néanmoins paralyser des réseaux. On peut tout imaginer. La question consisterait peut-être à déterminer le « pourquoi » recourt-on aux hackers plutôt que « qui » y fait appel. Un portraittype reste donc difficile à dresser compte tenu de la diversité des personnes qui paient des hackers pour mener des opérations.

54 ÉTATS : Diriez-vous qu’il y a un « avant » et un « après » Snowden ? A. D. : Oui, très clairement. Notamment en ce qui concerne les conséquences politiques auxquelles l’affaire Snowden a donné lieu. Les révélations Snowden ont jeté un froid sur les relations entre les géants du net et le gouvernement américain : la déclaration sur la cyber-sécurité d’Obama à l’université de Stanford reste à cet égard assez révélatrice : parmi tous les géants du net conviés (les représentants de Facebook, Google, etc.), seul le représentant d’Apple s’est déplacé en personne. En Allemagne ou au Brésil par exemple, il y a eu des conséquences politiques et diplomatiques, avec une vive réaction des dirigeants de ces deux pays. Les conséquences se sont davantage fait sentir sur le plan politique et n’ont pas tant affecté les pratiques d’espionnage ou les pratiques des renseignements. 54 ÉTATS : Peut-on définir le piratage de Sony comme un test qui laisse finalement présager des actions plus nombreuses et de plus grande envergure ? A. D. : Le piratage de Sony est assez emblématique puisque cette action s’est répercutée à divers niveaux : conséquences économiques, financières mais également répercussions en termes d’image. Puis, cette affaire est remontée jusqu’au plus haut niveau de l’État, avec des implications diplomatiques entre les États-Unis et la Corée du Nord. Ce n’est pas la première fois que Sony fait face à cette situation puisque sa branche vidéo avait déjà subi il y a un ou deux ans des attaques sur le Playstation network (cette fois-ci c’est Sony Pictures qui a été visée). Le cas de Sony est emblématique des enjeux que représente ce type d’attaques. Les entreprises américaines y sont confrontées depuis l’année 2005, à peu près. Il ne s’agit pas d’un phénomène nouveau. En matière d’espionnage, il y a eu beaucoup d’attaques et il y en aura encore beaucoup.

54 ÉTATS : Dressez-vous une cartographie du cyber-activisme (existe-t-il un cyber-activisme propre aux États-Unis, à la Chine, à l’Europe …) A. D. : Je ne pense pas qu’il existe de différences en termes de géographie. Je pense plutôt que ce sont les cibles qui déterminent les différences. Certains vont davantage cibler des institutions financières. Tel est par exemple le cas des États-Unis. En Chine, il s’agira plutôt de viser politiquement des personnalités. Mais il n’y aura pas de différences en termes de moyens utilisés. Ce seront les mêmes. Dans ce que vous me décrivez comme étant du cyber-activisme, il y aura une certaine conception de ce que doit être Internet, notamment en matière de demande de transparence de la vie politique, économique ou financière. Il s’avère difficile d’établir une cartographie très différenciée des activistes suivant les lieux, lesquels sont nébuleux par définition.

54 ÉTATS: Can you give us a profile of the individuals who use hackers and their skills? Alix Desforges (A. D.): These individuals might be States that appoint groups to carry out certain actions to which they do not want to be linked. They might be companies that want to undertake unsavoury operations like espionage. They can also be terrorist groups with absolutely no cyber experience but that are seeking, nevertheless, to paralyse networks. Anything is possible. The real issue here is to determine the reasons « why » groups or individuals resort to using hackers and their services rather than « who ». Consequently, it’s difficult to establish a typical profile considering the diversity of the protagonists who pay hackers for their services. 54 ÉTATS: In your opinion, is there a « before » and « after » Snowden ? A. D.: Absolutely! Especially in terms of the political consequences following the Snowden Case. The Snowden revelations cast a chill on the relationship between the Web giants and the American government: the cyber security conference organised by the White House in Stanford University is quite indicative: among the Web giants (Facebook, Google) that were invited, only the Apple representative appeared in person. In Germany or Brazil, for example, there were political and diplomatic consequences that triggered a fierce reaction from the heads of these two countries. The consequences have been far more significant on a political level and haven’t really affected the methods of espionage or intelligence.

54 ÉTATS: Can the hacking of Sony’s website be considered as a test, suggesting that there will be more numerous, far-reaching actions in the future ? A. D.: A. Sony’s hacking is rather emblematic as it had an impact on the company at different levels: it not only had economic and financial consequences; it also hurt Sony’s image. Moreover, this case reached the highest State level, with diplomatic issues involving the United States and North Korea. It’s not the first time that Sony has had to deal with this kind of situation: indeed, one or two years ago, its video branch came under attack on the Playstation network. The Sony case illustrates the issues raised by this kind of attack. American companies have been facing this problem since about 2005, so, the phenomenon isn’t new. Speaking about espionage, one must keep in mind that attacks have always existed and they always will.

54 ÉTATS: Can you draw up a map representing cyber-activism (i.e. is there a cyber activism specific to America, China, Europe…) ? A. D.: I don’t think that there are any differences in terms of geography. Actually, I’ve a tendency to believe that the targets determine the differences. Some, (like the United States), focus on financial institutions; others, (like China), target political personalities. There are no differences where the methods are concerned because they are basically the same. Concerning your definition of cyber-activism, one has a certain idea of what Internet should be, especially regarding the demand of transparency in the political, economic or financial spheres. Therefore, it’s difficult to draw up a map that distinguishes cyber activists based on geographic locations (which, by definition, are obscure). 51


54 États : La troisième guerre mondiale sera-t-elle une « cyberwar » ? A. D. : Cette idée participe d’un fantasme né de la guerre du Golfe avec le mythe de la guerre propre et du zéro mort. Tout ceci évoluerait en une cyber-guerre où il n’y aurait plus d’armées impliquées. Or, ce n’est pas du tout ce que l’on observe à ce jour. Tous les conflits aujourd’hui armés et les conflits géopolitiques non armés développent, en plus de toutes les autres composantes, une composante cyber.

54 États: Can we talk about a third cyber world war? A. D.: This idea stems from a fantasy that emerged during the Gulf War with the myth of clean war and zero deaths. This vision is one of a cyber war without any army involvement. However, this is not what we are witnessing nowadays. Currently, all the armed conflicts and unarmed geopolitical conflicts include a cyber component, in addition to the others.

54 États: So, cyber activists don’t control everything ? 54 États : Les cyber-individus ne maîtrisent donc pas tout ? A. D. : Non. Par exemple, dans certaines zones où des opérations sont menées, Internet n’est pas forcément très développé, c’est le cas de la bande sahélienne. Même si de plus en plus d’actions sont conduites sur le réseau, les autres ne sont pas pour autant supprimées. Prenons l’exemple du Mali : pour repousser les djihadistes, il faut aller sur le terrain et il faut que l’armée soit engagée de façon tout à fait conventionnelle. Ensuite, d’autres moyens peuvent être utilisés, tels que les moyens cyber, mais ils viendront en sus des moyens déjà déployés par l’armée. Il n’y aura donc pas de guerre mondiale uniquement cyber. Le volet cyber constitue un volet supplémentaire qui vient se greffer à un ensemble. 54 États : Le cyber-espace : un cinquième pouvoir ? A. D. : On a parlé des révolutions Internet. Là encore, il y a un peu de fantasme. Pour qu’il y ait une révolution, il faut que les gens descendent dans la rue. Assurément, le cyberespace facilite la communication entre les groupes d’individus, laquelle s’effectue de façon quasi instantanée et se diffuse très rapidement. De là à en faire une composante N°1… 54 États : Peut-on réduire l’efficacité de la lutte contre le terrorisme à un contrôle de Darknet ? A. D. : Non, je ne pense pas. Il y a plusieurs axes, il y a plusieurs Darknets. Il y a eu du terrorisme avant Internet. Le contrôle de Darknet ne supprimera pas le terrorisme. Des réseaux existent en dehors d’Internet (par exemple les filières de ventes d’armes un peu plus classiques auxquelles les terroristes recourent). À la marge, le contrôle de Darknet peut aider mais ne constitue pas la solution. 54 États : La liberté et la sécurité des citoyens sont-elles en train de se jouer sur la toile ? A. D. : En ce qui concerne les questions de liberté et de sécurité, Internet introduit de nouveaux enjeux pour les citoyens dont ils n’ont pas encore tout à fait conscience. Par exemple, l’affaire Snowden a aidé à sensibiliser l’opinion sur la question de la collecte des données par les géants du Web tels que Google et Facebook : savoir quelles données personnelles sont recueillies par qui, pourquoi, dans quel but… C’est un enjeu dont le citoyen doit se saisir car il produit les données. Ce questionnement fait partie de sa sécurité et de sa liberté. 54 États : La toile dictera-t-elle l’avenir économique, politique et social de nos sociétés ? A. D. : Cela dépendra du degré d’imbrication de la toile dans nos vies quotidiennes. L’ordinateur occupant une place de plus en plus importante dans nos existences, les implications politiques, économiques et sociales seront plus nombreuses mais cela ne suffira pas forcément à faire des révolutions, à instaurer des démocraties. Par exemple, l’arrivée d’Internet en Chine a pour beaucoup signifié l’avènement de la démocratie, l’ouverture du régime. Or, le régime chinois a très bien su s’adapter en mettant en place des stratégies pour contrer la diffusion de « rumeurs » c’est-à-dire des idées que l’État chinois ne cautionne pas. Et, cela ne se fait pas qu’en ligne. Internet peut être défini comme une nouvelle couche qui se rajoute de façon globale sur l’ensemble des enjeux et des échanges en venant complexifier un peu plus mais en ne remplaçant jamais totalement. 52

A. D.: No. For example, in some areas where operations are being conducted, it appears that Internet is not very well developed. This is the case in the Sahelian Belt. Even if network actions increase, this does not mean that other types of actions will disappear. Take Mali, for example : it’s necessary to lead conventional ground operations and to involve the army in order to repel the Jihadists. Other methods may also be used, such as cyber means, but they come in addition to the means already deployed by the army. So, there will not be a world war that is exclusively cyber. The cyber component constitutes one element in addition to all the others.

54 États: Can cyber space be defined as a fifth estate? A. D.: People often speak about Internet revolutions. Once again, it’s a bit of a fantasy. To speak about a revolution, people have to take to the streets. Obviously, cyber space facilitates communication between individuals since it’s extremely fast and spreads very rapidly. But it would be wrong to consider cyber space as the N°1 component… 54 États: Do you think that the struggle against terrorism would more effective if there was a control of Darknet? A. D.: I don’t think so. There are several axes. There are several Darknets. Terrorism already existed before the advent of Darknet. The control of Darknet will not put an end to terrorism. Networks do exist outside Internet (for example, the more classical sales channels of weapons used by terrorists). Incidentally, controlling Darknet might be useful but it isn’t a solution in itself.

54 États: Are the freedom and security of citizens at stake on Internet? A. D.: Concerning freedom and security, Internet presents new issues that citizens are not fully aware of. For example, the Snowden case contributed to raising public awareness regarding the issue of data collection by Web giants, such as Google and Facebook. Determining the nature of this personal data, the identity of the individuals collecting it, the reasons for this collection, the aim… All these issues are of public interest and ones that citizens must be aware of because they’re the ones producing the data. This questioning is part of their security and freedom. 54 États: Will Internet dictate the economic, political and social future of society ? A. D.: It will depend on the extent to which Internet is connected to our daily life. Since computers play an increasingly important role in our existence, consequently, the political, economic and social implications also take on more significance. Nevertheless, this will not be sufficient to start revolutions and to establish democracies. For example, a lot of people considered the arrival of Internet in China as a prospect of democracy and a less restrictive regime. However, China has adapted to this change by implementing strategies to stem the flow of « rumours » (i.e. any ideas that the Chinese State disagrees with). And these strategies are not limited to Internet. Internet may be defined as a new layer that, by adding itself generally to the issues and exchanges, complicates them further but never totally replaces them. Translation from French: : Susan ALLEN MAURIN


POUR EN SAVOIR PLUS / FOR MORE INFORMATION - Desforges A., Douzet F., Limonier K., « Géopolitique du cyberespace : « territoire », frontières et conflits », Collège International des Sciences du Territoire, 2014, (publication CHAIRE CASTEX DE CYBERSTRATEGIE). - Desforges A., « Les représentations du cyberespace : un outil géopolitique » in 152-153 — Cyberespace : enjeux géopolitiques, HÉRODOTE, revue de géographie et de géopolitique, premier et second trimestres 2014. - Desforges A. (2013), « Les frontières du cyberespace », in GIBLIN B. et DOUZET F. (dir.), Des frontières indépassables ?, Armand Colin, Paris. - Desforges A., Douzet F., « Heur et malheur du réseau mondial », in l'Atlas du monde de demain, Le Monde - La Vie, 2013, pp88-89 (publication CHAIRE CASTEX DE CYBERSTRATEGIE).

© Surian Soosay

- Desforges A., « Cyberespace et Internet : un réseau sans frontières ? », CERISCOPE Frontières, 2011.

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par Arnaud LONGATTE

L

© Arnaud LONGATTE

’ancien président du Nigeria a accordé au magazine 54 États un entretien exclusif. Il nous donne son point de vue sur des problématiques inhérentes à l’Afrique, son économie, les fléaux qui l’assaillent comme le terrorisme. Rencontre avec un homme de paix.

54 ÉTATS : Que pensez-vous de la question de la révision de la Constitution dans les pays africains ? Olusegun Obasanjo (O. O.) : Il n’y a aucune Constitution qui est inamovible. Il y a souvent des limites qui sont fixées dans le temps et qui permettent la succession de deux ou trois mandats. Certains chefs d'État ou dirigeants veulent plus de temps et tentent alors de modifier la Constitution. Cela peut être problématique quand les raisons qui les motivent sont personnelles, comme ce fut le cas au Burkina Faso. Il faut simplement qu’elle ne soit pas changée par des dirigeants qui veulent en tirer un bénéfice personnel. 54 ÉTATS : Le Nigeria est victime du terrorisme et notamment de Boko Haram. Que peut-on faire ? O. O. : Face à Boko Haram, l’urgence, c’est la sécurité du Nigeria. Mais cela concerne aussi les pays voisins qui sont touchés comme le Cameroun, le Tchad ou encore la Libye. Le problème est surtout militaire. C’est la collaboration entre ces pays, le partage d’informations, la coordination et la lutte contre la corruption qui permettront de mettre fin à ce fléau. Il faut un entrainement et un équipement adéquat pour ces armées. Sans cela, elles ne trouvent pas la motivation pour combattre des groupes comme Boko Haram. Il faut également veiller au développement des zones touchées par ce problème. Le sous-développement est un facteur aggravant dans ces endroits. C’est le cas dans le nord du Mali et dans certaines parties du Nigeria.

« SI NOUS FAISONS LES BONNES CHOSES, CE SIÈCLE SERA LE SIÈCLE DE L’AFRIQUE » 54

54 ÉTAT S : Conc ernant le vous av Soudan ez publi é un rap du Sud, tions co po mmises à cet end rt sur les exacro O. O. : it. Qu’en Le rappo est-il ? rt n’a pa blié en s encore raison d u fait qu été pupourparl ’actuelle ers sont ment de réalisés gouvern s en vue d ement p ’établir u rovisoire au Soud n d’unité n an du S ati ud. J’att que ces ends sim onale né plement publier le gociations abou tissent a rapport. vant de 54 ÉTAT S : La s itu Libye, q uel est v ation est chaoti otre avis que en ? O. O. : L e problè m e question des milic est complexe : il y a la es, celle gouvern ements du fait q ue deux coexiste peuple lib n t yen doit en Liby co e. Le entamer un proce mmencer avant tout par ssus de premier dialogue pas vers . C’est le la réconc iliation. 54 ÉTAT S sources : En ce qui co ncerne , le pé les tro vez-vou s nous d le, l’agriculture resonner v otre visio , pouO. O. : n? Le pétro le s’épuise est une . L’agricu re s s o urce qu ltu est reno i uvelable re, c’est différent :o car elle année e t il est p n peut produire lu cha s simple valeur a jou de donn que er une De plus, tée aux produits de l’agri l’agricult culture. ure est plois et c g é ’est une chose trè nératrice d’eml’Afrique s importa . nte pour 54 ÉTAT S l’Afrique : Quel regard p ortez-vo ? us sur O. O. : D epuis dix ans, l’Afr Si nous fa ique is sera celu ons les bonnes c va de l’avant. ho i de l’Afr iq rer une ue. Nous ses, ce siècle bonne g devons in ouverna l’économ nce, pro stauie, comb mouvoir attre la les cond corr itio instaurer ns pour attirer le uption, créer s des règle domaine s de dro investisseurs, s. it dans to us les importan Je crois que la sécurité te aussi, est très car elle permet d’e est la b ase qui toutes c ncourager les in es cond v it ions son estisseurs. Si l’Afrique t réunie décollera s, alors sociétés vraiment. so Il faut q ue les sance éc ient en paix car malgré la onomiqu e import elle ne re croisante du flè conti chômeurs te pas la situatio n des mill nent, africains ion . sont prim ordiales, L’éducation et la s de elles doiv sibles po santé ur tous le ent être access ce sont des cond Africains. Le dé fi est là : itions sin réelle tra e nsforma tion de l’A qua none de la frique.



GAMBIA

L'IMPROBABLE PRÉSIDENT JAMMEH... par Hervé PUGI

IL EST ASSURÉMENT DIFFICILE DE FAIRE PLUS FANTASQUE QUE YAHYA JAMMEH. À LA TÊTE DE LA GAMBIE DEPUIS LE 22 JUILLET 1994, CET ANCIEN OFFICIER A UNE FÂCHEUSE TENDANCE À CONDUIRE SON PAYS SELON SES HUMEURS DU MOMENT. DES FRASQUES, PARFOIS RISIBLES, LE PLUS SOUVENT DRAMATIQUES CAR IL S’AGIT BIEN LÀ D’UN HOMME QUI PRÉSIDE AU DESTIN DE QUELQUES 1,8 MILLION DE GAMBIENS…

THERE ARE VERY FEW MEN WITH A CHARACTER SIMILAR TO THAT OF YAHYA JAMMEH, WHO BECAME THE GAMBIA’S LEADER ON 22ND JULY 1994. REGRETTABLY, HIS RULE IS GREATLY INFLUENCED BY HIS ERRATIC TEMPERAMENT AND PASSING WHIMS AND FANCIES. THE DESTINY OF 1.8 MILLION GAMBIANS IS IN THE HANDS OF A MAN WHOSE ANTICS, WHICH, ALTHOUGH OCCASIONALLY RIDICULOUS, ARE MORE OFTEN THAN NOT DRAMATIC… WITH TRAGIC CONSEQUENCES.

© Leralnet

Voilà 20 ans que Yahya Jammeh règne sans partage sur la Gambie.

For the past 20 years, Yahya Jammeh has been the President of the Gambia, where he reigns supreme.

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e 30 décembre 2014, profitant d’un déplacement privé du président à Dubaï, l’ancien capitaine de l’armée gambienne, Lamine Sanneh, tentait (et loupait) un coup d’État contre Yahya Jammeh. Ou plus exactement à l’encontre du Cheik Professeur El Hadj Docteur Yahya Abdul-Aziz Jemus Junkung Naasiru Deen Jammeh. Assurément un « coup d’épée dans l’eau ». Quoi de plus normal quand on s’en prend à celui qui s’est autoproclamé « roi qui défie les rivières » ? Voilà en tout cas qui positionne le personnage... Ce presque quinquagénaire, lui-même parvenu au pouvoir après un coup d’État, paraît progressivement sombrer dans une forme d’absolutisme inconsidéré. De démence affirmeront certains. C’est en tout cas ce que laissent entrevoir ses prises de position au cours des dernières années. Faut-il ainsi revenir sur les « prescriptions » de 2007 ? L’omniscient Jammeh se mue en guérisseur et affirme pouvoir traiter l’asthme et… le SIDA grâce à de simples décoctions de plantes accompagnées d’incantations. Puis, témoignages de ministres à l’appui, le président marabout annonce avoir trouvé le remède miracle pour venir à bout de l’hypertension artérielle. Le tout a été homologué par le ministère de la Santé ! Mais le président de la Gambie a d’autres traitements dans sa pharmacie personnelle. Bien plus radicaux. En 2008, il réclame le départ immédiat du pays de tous les homosexuels sous peine de « devoir leur couper la tête pour nettoyer la société gambienne ». Cette autre maladie qu’est une presse libre et indépendante, pour sa part, a été éradiquée depuis bien longtemps. Tout ce qui ressemble de près ou de loin à une quelconque opposition finit invariablement en quarantaine. Derrière les barreaux.

n 30th December 2014, while the President was out of the country on a private visit to Dubai, an ex-captain of the Gambian army, Lamine Sanneh, tried to overthrow His Excellency Sheikh Professor Alhaji Dr. Yahya Abdul-Aziz Jemus Junkung Naasiru Deen Jammeh by staging a coup d’état. But, unsurprisingly, his attempt turned out to be a futile shot in the dark. Given the character in question, who declares himself the "King who breaches rivers", such an outcome was only to be expected. Ever since this man, who is now approaching the age of fifty, seized power from the former Gambian President in a military coup, he seems to be driven by a seemingly ever-increasing reckless absolutism. Some would even qualify his behavior as dementia. Indeed, his standpoints over the past years certainly seem to indicate a certain delirium. What if we go back to 2007 when the omniscient Jammeh announced he was a healer? He asserted that he could cure asthma…and AIDS, with simple prescriptions of natural herbs and incantations. Then, with the support of testimonials from ministers, the witch doctor President declared that he had found the miracle cure for high blood pressure…all of which were approved by the Ministry of Health! But, the Gambia’s President has far more radical treatments in his personal pharmacy. In 2008, he ordered all homosexuals to leave the country immediately or they would "be decapitated so as to purify the Gambian society". As for a free and independent press, this "disease" was eradicated many years ago. Anything even remotely resembling some sort of opposition inevitably ends up in quarantine… behind bars.

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« ZAPPÉ » PAR LA CEDEAO… Le même Jammeh, qui avait annoncé à la BBC qu’il resterait au pouvoir « des milliards d’années » si tel était la volonté de Dieu, a toutefois sa propre solution pour réguler la surpopulation carcérale. En tout cas, en ce qui concerne les couloirs de la mort. Après quasiment trois décennies sans exécution, neuf prisonniers sont passés par les armes en septembre 2012. Pour la plupart des opposants politiques à en croire Amnesty International. Les droits de l’Homme, celui qui aimerait autant se saper en cow-boy en privé que porter le boubou en public, n’en a cure. Au point de menacer publiquement ceux qu’il accuse de vouloir « déstabiliser le pays ». Et peu importe les injonctions britanniques, le président aux quatre mandats claque la porte du Commonwealth fin 2013 et décrète, fait du prince, le remplacement de l’anglais par l’arabe en tant que langue officielle en mars 2014. Un sentiment de toute-puissance forgé par une incroyable baraka qui lui aurait permis d’échapper à plusieurs tentatives d’assassinats et d’innombrables putschs. Ce fils de lutteur ne confirme ni n’infirme. Il se contente de cultiver une aura de mystère qui le rend d’autant plus populaire auprès d’un large pan de la population. Une popularité guère partagée sur le continent. En mars 2014, la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) est passée outre son règlement interne pour éviter de confier sa présidence, tournante, au fantasque « roi qui défie les rivières ». Autant dire que ceux-ci ne se sont pas faits un ami…

"OVERLOOKED" BY THE ECOWAS… This same Jammeh, who announced on the BBC that he would remain in power "for one billion years" if that was Allah’s will, has his own strategy for reducing overcrowding in prisons. At least, as far as death row is concerned. After nearly three decades without any executions, nine prisoners were executed in September 2012. According to Amnesty International, the majority of these prisoners were political opponents. This man, who likes dressing up as a cowboy in private as much as wearing the boubou in public, simply doesn’t care about human rights. He will even go so far as to publicly accuse and threaten anyone he believes is seeking to "destabilize the country". Regardless of British injunctions, the President, who has accumulated four terms of office, slammed the door on the Commonwealth at the end of 2013 and arbitrarily decreed that the official language of the country would be Arabic instead of English as from March 2014. The profound conviction that he’s invincible, combined with an incredible amount of luck, have enabled the President to survive several assassination attempts and many coups d’état, events that this son of a wrestler neither confirms nor denies. He simply contents himself with cultivating an aura of mystery, which makes him even more popular with a large part of the population. However, this popularity is far from being shared on the continent. In March 2014, the Economic Community of West African States (ECOWAS) overrode its internal regulations so as to avoid entrusting its rotating presidency to the unpredictable "King who breaches rivers". Needless to say, with this decision, the member states of ECOWAS did not make a friend… Translation from French : Susan Allen Maurin 58

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BRÈVES

Selon certains titres de la presse africaine, Robert Mugabe aurait annoncé fin février que les 34 pays du continent signataires du Statut de Rome devraient se retirer de la Cour pénale internationale (CPI) lors de la prochaine assemblée générale de l’Union africaine (UA) qui se tiendra en juin. Le président zimbabwéen, à la tête de l’UA depuis janvier, propose la création d’une Cour africaine de justice internationale ayant pour mission de traiter toutes les affaires criminelles du continent actuellement soumise à la « très raciste Cour internationale de l’Europe occidentale à la CPI de La Haye, aux Pays-Bas, qui méprise le monde africain en général ».

Le Premier ministre tunisien Habib Essid a annoncé lundi 2 février la composition de son nouveau gouvernement, une coalition dominée par le parti Nidaa Tounès, vainqueur des législatives, mais comptant désormais des représentants de son rival, le parti islamiste Ennahda. « Nous avons procédé à des changements, il s’agit d’élargir la composition du gouvernement avec l’entrée d’autres partis », a déclaré Monsieur Essid qui avait dû renoncer fin janvier, face aux critiques, à sa composition initiale du gouvernement. Ennahda compte désormais un ministre et trois secrétaires d’État.

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Le président sud-africain Jacob Zuma s’est rendu au Soudan pour une visite qui a duré deux jours fin janvier et au cours de laquelle il a eu des entretiens avec le président de la République du Soudan Omar el-Béchir. À l’issue de cet entretien, un communiqué de presse a été publié, appelant toutes les parties impliquées dans le conflit au Soudan du Sud à faire preuve de responsabilité pour y mettre un terme. Les deux dirigeants ont également réaffirmé leur soutien à l’ONU et à l’Union africaine comme institutions importantes pour le maintien de la paix tant au niveau régional qu’international. Ils ont appelé au renforcement de la coopération économique, en encourageant notamment les entreprises privées et publiques des deux pays à participer davantage à l’établissement de partenariats afin de créer un modèle pour la coopération Sud-Sud.

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Le 24e sommet de l’Union africaine s’est tenu à Addis-Abeba en Éthiopie les 30 et 31 janvier en présence de nombreux chefs d’État africains. Au programme : la Libye, pour laquelle l’Union africaine soutient les efforts des Nations unies afin de trouver une solution pour que cesse le chaos dans lequel est plongé le pays. Un accord a également été trouvé afin de mobiliser toute la communauté internationale contre Boko Haram. Une force africaine de quelque 7500 hommes devrait être constituée afin de lutter contre la secte islamiste qui sévit dans le nord-est du Nigeria. En marge du sommet, la question du conflit au Soudan du Sud a également été abordée. Enfin, les dirigeants africains se sont également penchés sur les pays touchés par le virus Ebola, pour lesquels une aide économique est envisagée.

Après 19 ans d’embargo, les ÉtatsUnis viennent de lever partiellement les sanctions dans le domaine des technologies de la communication. Une bonne nouvelle pour Omar el-Béchir et les Soudanais.

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RUSSIE « L’EMPIRE » CONTRE-ATTAQUE ? par Hervé PUGI

« L’EMPIRE DU MAL », LA FORMULE CHOC TIRÉE D’UN DISCOURS DE 1983 DE L’ANCIEN PRÉSIDENT DES ÉTATS-UNIS RONALD REAGAN EST ANCRÉE DANS TOUTES LES MÉMOIRES. UNE TERMINOLOGIE FORTE POUR DÉFINIR LE « PÉRIL ROUGE », ALORS REPRÉSENTÉ PAR LA DÉFUNTE URSS, EN OPPOSITION AU MONDE DIT « LIBRE » CONDUIT PAR L’ONCLE SAM. PRÈS D’UN QUART DE SIÈCLE APRÈS LA CHUTE DE L’UNION SOVIÉTIQUE, CERTAINS RELENTS DE LA GUERRE FROIDE PARCOURENT TOUJOURS L’ACTUALITÉ. AINSI, SELON UNE PRÉSENTATION LARGEMENT RELAYÉE, LA RUSSIE S’ENFONCERAIT ENCORE ET TOUJOURS PLUS DU « CÔTÉ OBSCUR DE LA FORCE ». IL SERAIT PEUT-ÊTRE TEMPS DE RÉTABLIR CERTAINES VÉRITÉS SUR LA QUESTION… 60

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Vladimir Poutine n’est sûrement pas un chic type. Pas du genre en tout cas à partager un burger avec Barack Obama dans un fast-food d’Arlington, Virgine. Bref, Vladimir Poutine n’est pas Dimitri Medvedev, si présentable président du gouvernement russe et éphémère président de la Russie (entre 2008 et 2012) qui ne faisait qu’appliquer la politique de… Poutine. « Tsar de toutes les Russies » ou « descendant direct de Staline », l’ancien directeur du FSB s’est vu attribué à peu près tous les héritages possibles, n’échappant surtout à aucune caricature. Poutine est assurément un sale type, pas un responsable politique qui défend les intérêts de sa nation. Vraiment ? « Depuis la fin de la guerre froide, dans une logique de stratégie de reflux, les États occidentaux affichent une méfiance endémique à l’égard d’un pays désespérément perçu comme l'héritier de l’URSS », témoigne Jean Géronimo, chercheur à l’université Grenoble 2. Celui qui est également l’auteur de La pensée stratégique russe l’affirme, l’Occident et la Russie s’opposent désormais dans une « guerre tiède. Une guerre froide actualisée, avec moins d’idéologie, recentrée sur le contrôle des États stratégiques sur un plan politique mais aussi énergétique. » Et le meilleur exemple serait l’Ukraine, au cœur de l’actualité depuis des mois. Dès 1997, Zbigniew Brzezinski, politologue américain d’origine polonaise, développait dans son ouvrage Le grand échiquier l’idée que l’Ukraine était un « pivot stratégique » que les États-Unis avaient tout intérêt à contrôler. D’où les développements récents ?


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C’est ce que pense en tout cas Jean Géronimo pour qui « la stratégie anti-russe est attestée par les tentatives régulières de cooptation des anciennes républiques de l’URSS, au moyen d’innovations politiquement orientées telles que le « Partenariat oriental » avec l’Union européenne (UE) ou le « Partenariat pour la paix » avec l’OTAN et, plus récemment, « l’accord d’association » de l’UE avec l’Ukraine. » Avec des visées très claires à en croire cet expert sur les questions de la pensée économique et stratégique russe : « ces innovations politiques développent l'idée d'un « voisinage partagé » et de valeurs communes, exprimant un droit d'ingérence occidental en périphérie post-soviétique, y compris en Ukraine. À l’échelle de la CEI, ces prérogatives politiques ne relèveraient donc plus du seul monopole russe et, en ce sens, menaceraient sa zone d’intérêts historique. » Un agenda pour la région entamé dès l’effondrement du bloc soviétique. L’affaiblissement temporaire connu aurait ainsi été la condition permissive d’une intrusion dans les périphéries européenne et centre-asiatique de la Russie. « Moscou ne pourra jamais l’accepter. Tendanciellement, la puissance russe est désireuse de sanctuariser son « étranger proche » contre les velléités expansives occidentales », explique Jean Géronimo. Ce sentiment « d’encerclement » est d’autant plus prégnant que l’Occident, États-Unis en tête, ne manque jamais d’agiter le chiffon rouge des valeurs démocratiques pour « condamner la Russie et financer des ONG qui finissent par renverser un pouvoir légitime au profit de dirigeants ultralibéraux pro-américains. Les motivations de respect des droits de l’Homme et de corruption invoqués sont à géométrie variable et ne servent en revanche à démettre personne en Arabie saoudite, en Turquie ou en Azerbaïdjan… » La dernière passe d’armes en date entre les puissants de ce monde date du 21 janvier. Lors de son discours sur l’état de l’Union, Barack Obama affirmait que les États-Unis se tenaient « forts et unis avec leurs alliés, tandis que la Russie est isolée et que son économie est en lambeaux ». Réponse de Sergueï Lavrov, ministre russe des Affaires étrangères : « Les États-Unis ont pris le cap de la confrontation et veulent dominer le monde. Le discours d’Obama montre qu’au centre de la philosophie américaine, il n’y a qu’une chose : « nous sommes les numéro un » et tout le monde doit le reconnaître ». Du réchauffé que tout cela ? Pas franchement ragoûtant dans le cadre d’une guerre tiède…

OTAN/RUSSIE, UNE PROMESSE TRAHIE ? Février 1990, l’URSS négocie avec l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), les conditions de réunification de l’Allemagne et le retrait des troupes soviétiques d’Europe de l’Est. Dans les discussions entamées entre Mikhaïl Gorbatchev, alors président du Soviet suprême, et James Baker, secrétaire d’État américain, un point d’achoppement : le futur de l’OTAN. Du côté soviétique, hors de question de voir l’Alliance s’élargir vers ses frontières. Rien d’insurmontable à en croire la Maison Blanche. Pour Baker, promis, « l'OTAN ne s'avancera pas vers l'Est ». Quant à Robert McNamara, ministre de la Défense à l’époque, les États-Unis s’engagent à « ne jamais élargir l'OTAN vers l'Est, si Moscou acceptait la réunification de l'Allemagne ». Résultat, 25 ans plus tard, l’OTAN s’est considérablement tournée… vers l’Europe orientale. Pas moins de dix pays* l’ont rejoint ! Alors, quel traité a été trahi ? Aucun en fait puisque nul document officiel n’a verbalisé la promesse effectuée par les responsables américains. Une pierre de plus dans le jardin de « Gorbi » ! * Bulgarie, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, Roumanie, Slovaquie, Slovénie, République tchèque.

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L'ARABIE SAOUDITE par Alexandre BLOT LUCA

À LA TÊTE DU ROYAUME SAOUDIEN DEPUIS DIX ANS, LE ROI ABDALLAH S’EST ÉTEINT LE 23 JANVIER 2015 À L’ÂGE DE 90 ANS. SON SUCCESSEUR, SALMAN BEN ABDEL AZIZ AL-SAOUD, ÂGÉ DE 79 ANS, DOIT PRÉPARER LE PAYS À AFFRONTER DE NOUVEAUX DÉFIS À LA FOIS SÉCURITAIRES, ÉCONOMIQUES ET POLITIQUES.

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es apparences sont parfois trompeuses. Pressenti depuis plusieurs mois, le décès du roi Abdallah est survenu le 23 janvier 2015. Son successeur désigné, le prince Salman, s’est assis sur le trône, assurant qu’il allait œuvrer dans la continuité de son prédécesseur. Mais cette transition en douceur, prévue de longue date, cache mal les nouvelles menaces que doit aujourd’hui affronter le royaume. À commencer par la protection de son territoire, mis à mal pour la première fois le 5 janvier dernier après un attentat attribué à l’État islamique qui a tué trois gardes-frontières saoudiens. Acte isolé ou prémices d’un réel danger à venir, toujours est-il que l’Arabie saoudite a immédiatement entrepris l’édification d’un vaste mur à sa frontière avec l’Irak. Menacé au nord par l’expansion de Daech, le royaume doit également assurer ses arrières au sud avec l’implosion du Yémen. À Sanaa, capitale du pays, des miliciens chiites, dits Houtis, se sont emparés du pouvoir. Et s’il a quelque peu perdu de sa superbe, le spectre d’ Al-Qaïda dans la péninsule arabique plane toujours. Forte d’une armée bien formée et très bien équipée, l’Arabie saoudite peut cependant voir venir. Elle bénéficie également du soutien presque infaillible des ÉtatsUnis et des pays occidentaux. Peu prompts à réagir sur les manquements du pays concernant les droits de l’Homme dès lors qu’il s’agit d’économie, les États clients du royaume n’ont pour l’instant aucun intérêt à se priver d’un pays à la fois premier producteur de pétrole dans le monde et grand acheteur d’armes. Une position qui pourrait être amenée à évoluer si d’aventure le royaume tombait de son piédestal.

© Wajahat mahmood

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D’un point de vue régional, le leader du monde sunnite a fait de la chute de Bachar el-Assad, principal allié de l’Iran, son cheval de bataille. Un objectif qu’il n’a pas encore atteint malgré son soutien déclaré à certains groupes rebelles. Le rêve saoudien de voir se briser l’axe chiite, constitué par les régimes syriens et iraniens et le Hezbollah libanais, est encore loin d’être exaucé. Accusée d’avoir financé indirectement les groupes djihadistes présents en Syrie et en Irak, l’Arabie saoudite est dans une posture délicate par rapport aux conflits qui minent la région. Partisane d’un Islam rigoriste, elle est devenue membre de la coalition internationale, destinée à lutter contre les terroristes, après une série de tergiversations. Coincée entre la volonté de ne pas faire office de laquais des États-Unis et son désir de contrecarrer des groupes qui la menacent, l’Arabie saoudite se retrouve avec une partition bien difficile à jouer. Les prochaines décennies s’annoncent également cruciales en interne pour le régime. L’unité de façade prônée par la famille régnante pourrait bien connaître quelques turbulences, au point de se fissurer. Le roi Abdallah décédé, c’est le prince Salman, âgé de 79 ans, qui a pris sa place. Réputé pour sa santé fragile, il a déjà un successeur désigné, lui-même âgé de 70 ans. Cette gérontocratie sera forcément amenée à disparaître pour laisser place à la nouvelle garde, bien décidée à se tailler la part du lion. Une course au pouvoir qui, à coup sûr, ne sera pas sans conséquences.


CHARGÉ DE RECHERCHE AU CNRS, NABIL MOULINE EST DOCTEUR EN SCIENCE POLITIQUE. IL A RÉDIGÉ PLUSIEURS OUVRAGES SUR L’ARABIE SAOUDITE TELS LES CLERCS DE L’ISLAM : AUTORITÉ RELIGIEUSE ET POUVOIR EN ARABIE SAOUDITE, PARU EN 2011, ET HISTOIRE DE L’ARABIE SAOUDITE, SORTI EN 2013. © Mouline

54 ÉTATS : L’Arabie saoudite est aujourd’hui menacée par l’État islamique et l’implosion du Yémen. La mort du roi arrive-t-elle au plus mauvais moment pour le royaume ? Nabil Mouline (N. M.) : L’Arabie saoudite n’en sera pas déstabilisée pour autant car le roi ne contrôlait pas tous les dossiers. C’est un système monarchique horizontal et non vertical comme on peut le voir au Maroc, par exemple, où le roi est la clé de voûte du régime. Beaucoup de membres de la famille royale se partagent les dossiers. Il y a une rivalité qui peut provoquer des faiblesses à certains moments, mais c’est aussi un point fort car personne n’est indispensable au système. 54 ÉTATS : Le 5 janvier dernier, un attentat terroriste à la frontière avec l’Irak a tué trois gardes-frontières saoudiens. Quels recours peut adopter l’Arabie saoudite pour se prémunir des dangers que représentent Daech et Al-Qaïda ? N. M. : Le danger n’est pas direct pour l’Arabie saoudite. Ce qui s’est passé au début du mois de janvier est un acte isolé. Le dispositif sécuritaire en Arabie saoudite est assez fort pour faire face à n’importe quelle menace à court terme. Mohamed bin Nayef, ministre de l’Intérieur et nouveau vice-prince héritier, gère tout ça d’une main de fer depuis une dizaine d’années déjà. Notons toutefois que la dimension sécuritaire est insuffisante pour réduire les groupes djihadistes. Contre ces derniers, l’Arabie saoudite doit mener un combat idéologique. Quelques campagnes plus ou moins efficaces ont été lancées au milieu des années 2000 afin de démontrer que les idées jihadistes sont déviantes. Mais le vrai combat se situe dans le fait de pousser l’Establishment religieux wahhabite à réaliser un véritable aggiornamento afin de revoir certaines doctrines religieuses notamment le Takfir (l’exclusion des gens de la communauté et du salut).

54 ÉTATS : Des centaines de Saoudiens ont rejoint les rangs des groupes jihadistes. Représentent-ils un danger futur pour le royaume ? N. M. : Quelques centaines de Saoudiens ne peuvent pas déstabiliser tout un royaume. L’État saoudien est assez fort, assez puissant pour faire face à ce type de menace. Le principal ennemi des Saoud (la famille régnante ndlr), c’est les Saoud eux-mêmes. C’est le mode de succession adelphique et la distribution du pouvoir qui risquent d’être la brèche par laquelle toute sorte de troubles pourraient s’introduire dans les prochaines années. 54 ÉTATS : Où en est-on du rapport de force entre le pays et l’Iran ? Est-il en train de tourner en faveur de l’une des parties ? N. M. : C’est le statu quo. Ça change très rapidement car cela dépend beaucoup de l’évolution du terrain. Chacun des acteurs n’a pas toutes les cartes en mains. C’est une partie d’échecs qui risque de durer et va finir, je pense, par un compromis et un partage d’influences entre les deux pays ainsi qu’avec la Turquie. En Iran aussi on est à la veille d’un changement. Khamenei n’est pas éternel, il est très usé et malade. On va là aussi assister à une bataille de succession. Et la situation économique du pays n’est pas très fameuse non plus. 54 ÉTATS : Le nouveau roi a 79 ans et le prince héritier 70 ans. S’inscriront-ils dans la continuité ? Y a-t-il d’autres successeurs désignés ? N. M. : Le roi Salman et le prince héritier Moqrin vont assurément s’inscrire dans la continuité... Le nouveau roi a d’ailleurs nommé son neveu Mohammed bin Nayif, homme fort du pays, vice-prince héritier. Il a également désigné son propre fils, Mohammed bin Salman, ministre de la Défense et directeur du Cabinet royal. Ces nominations suscitent déjà des tensions au sein de la famille. On pourrait ainsi assister à moyen terme à une véritable guerre de tranchées entre les différentes factions pour contrôler de nouveaux postes. Par exemple, Salman a déjà commencé à mettre ses clients à la tête d’administrations et de gouvernorats clés pour s’assurer un certain pouvoir mais aussi pour garantir un avenir à sa faction et surtout à ses fils. Les autres factions vont peut-être contre-attaquer. Tout va se passer en coulisses dans un premier temps mais cela va finir par exploser. Après, peutêtre que l’un des princes réussira à prendre le pouvoir de façon intelligente et le monopoliser. L’avenir reste ouvert à un large éventail de possibilités. 54 ÉTATS : L’Arabie saoudite est régulièrement épinglée par la communauté internationale pour les peines qu’elle applique au détriment des droits de l’Homme. Elle bénéficie pourtant d’une certaine bienveillance des pays concernés, à l’instar de la France, dès lors qu’il s’agit d’évoquer les échanges économiques. La position des occidentaux peut-elle être amenée à évoluer ? N. M. : Tant que l’Arabie saoudite sera l’un des trois premiers producteurs de pétrole au monde et sera le principal client des États-Unis et des pays européens pour l’achat d’armes notamment, elle sera épargnée. Si un jour cela venait à évoluer, tout le monde changera de position et découvrira que la monarchie saoudienne est un mauvais régime comme cela a été le cas pour Kadhafi et Moubarak. Mais pour le moment, il faut épargner le partenaire saoudien. 63


© UEE

BRÈVES

Alors que la situation en Ukraine ne cesse de se détériorer depuis quelques semaines, le gouvernement des États-Unis pourrait à nouveau fournir aux forces ukrainiennes des armes et des équipements défensifs. Selon le quotidien américain The New York Times, Washington pourrait envoyer à Kiev pour 3 milliards de dollars (2,6 milliards d’euros) de matériel militaire, notamment des missiles antichars et des drones de reconnaissance. Cette mesure serait prise en réaction à l’intensification des combats contre les séparatistes prorusses dans l’est du pays.

© Syriza.en.wikipedia.org

La phrase prononcée en espagnol le 17 décembre 2014 par le président Barack Obama : « Todos somos americanos ! » a entamé le réchauffement entre Cuba et les États-Unis, après plus d’un siècle de guerre froide. Cependant, le président de la République de Cuba Raul Castro a dressé une liste de conditions à la reprise de ces négociations. Au cours du sommet de la Communauté des États latino-américains et des Caraïbes (Celac), le président cubain a déclaré : « Ce ne sera pas possible tant que le blocus qui pèse sur notre pays ne sera pas levé ». Dans un discours rapporté dans le journal Granma, il précise encore que le dialogue ne pourra pas avoir lieu « tant que le terrain occupé illégalement par la base militaire de Guantanamo Bay ne nous sera pas rendu, tant que n’auront pas cessé les violations du droit international et tant que notre peuple n’aura pas obtenu une juste compensation pour les dégâts humains et économiques dont il a souffert ». 64

La victoire du parti Syriza en Grèce et sa politique anti-austérité font craindre notamment à Berlin une remise en cause de la politique économique de rigueur au sein de la zone euro menée par l’Allemagne. Déjà, en Espagne, la « marche pour le changement » organisée par le parti de gauche Podemos a rassemblé 150 000 personnes dans les rues de Madrid et au cours de laquelle le leader du parti de gauche espagnol a déclaré qu’ « un vent de changement souffle sur l’Europe ». La présidente du parti d’extrême gauche allemand Die Linke a même appelé à « un printemps rouge européen ». L’Italie, avec le parti Movimento Cinquestelle, pourrait être séduite par cette vague d’espoir née en Grèce. Toutefois, Les principaux dirigeants européens ont fait savoir qu’ils n’étaient prêts qu’à des concessions minimales au nouveau gouvernement grec. Tout au mieux laissent-ils entendre qu’ils seraient prêts à envisager un report des échéances de la dette grecque. Mais ils ne veulent en aucun cas entendre parler pour l’instant d’une véritable remise en cause de la dette.

Selon l’accord signé le 9 octobre 2014, l’Arménie s’engage, comme les autres États membres de l’Union, à garantir la liberté de circulation des marchandises, services, capitaux et personnes, ainsi qu’à mener une politique concertée dans les domaines clés de l’économie, tels que l’énergie, l’industrie, l’agriculture et le transport. Le Kirghizistan, qui avait également annoncé son intention de rejoindre l’UEE, devrait adhérer à l’organisation en mai 2015. L’Union économique eurasiatique a été fondée le 29 mai 2014 suite à la signature d’un traité par la Biélorussie, le Kazakhstan et la Russie, pays déjà liés depuis 2010 au sein de l‘Union douanière. Le document instituant l’UEE est entré en vigueur le 1er janvier 2015.

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Le dirigeant nord-coréen Kim Jong-Un se rendra en mai à Moscou sur invitation de Vladimir Poutine à l’occasion de la commémoration des 70 ans de la victoire des Alliés dans la Seconde Guerre mondiale, a annoncé mercredi 28 janvier le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, cité par l’agence Interfax. « La participation (à la cérémonie) du dirigeant nord-coréen a été confirmée, nous préparons son arrivée », a indiqué Dmitri Peskov. Il s’agira du premier voyage à l’étranger du numéro un nord-coréen depuis son arrivée au pouvoir en 2011.


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L’AFRIQUE PREND SON ENVOL. EN MATIÈRE DE NOUVELLES TECHNOLOGIES, LES AFRICAINS NE SONT PAS EN RESTE. POUR PREUVE, VOICI UN CASTING DE HAUT VOL, OÙ SE DISTINGUENT DES PERSONNALITÉS MONTANTES DE LA SPHÈRE AFRICAINE. par Arnaud LONGATTE

Ce jeune Camerounais de 25 ans est diplômé de l’École polytechnique de Yaoundé et a été classé par le magazine Forbes parmi les 20 jeunes Africains les plus influents. Cet ingénieur a créé Cardiopad, une tablette tactile médicale, la première en Afrique.

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C’est une Camerounaise, directrice générale de l’entreprise de téléphonie mobile Orange Cameroun, qui vient d’être élue meilleure manager d’entreprise de télécommunications en Afrique pour l’année 2014, par le jury d’Africa Telecom People, au cours d’une cérémonie qui a eu lieu en décembre dernier à Abidjan, en Côte d’Ivoire. Elle est la première Africaine à avoir été élevée à ce niveau de responsabilité par l’entreprise française.

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Cette Kenyane diplômée de Harvard a développé Ushahidi avec trois amis, David Kobia, Juliana Rotich et Erik Hersman, une plateforme de témoignages transmis par SMS ou e-mail et géolocalisés sur Google Maps et qui sera utilisée dans le monde entier. Ce qui la propulsera au 59e rang du classement 2010 des 100 penseurs les plus influents au monde établi par le magazine américain Foreign Policy. Puis elle rejoint Google, dont elle prend la direction de la stratégie en Afrique en 2011. Elle parcourt alors le continent afin de promouvoir les vertus économiques et politiques d’Internet. Depuis deux ans, elle poursuit cette mission au sein de la fondation américaine Omidyar Network.

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Ce Sénégalais est allé faire des études en France où il est sorti de l’École polytechnique. Après un parcours de consultant, il est revenu au pays. Il a ensuite été approché par le géant Google qui lui a proposé le poste de directeur de l’entreprise pour l’Afrique francophone. Il a lancé Youtube au Sénégal et contribue au développement d’entreprises high tech dans toute l’Afrique. Selon lui, Internet est un moyen de contribuer au développement de l’Afrique, car il est porteur de croissance. L’équipe africaine de Google a développé l’application Google Tchatche, qui s’est déployée en Afrique mais aussi en Asie et partout dans le monde. En devenant une source d’innovation pour Google, il a convaincu l’industrie d’investir toujours plus en Afrique où les opportunités sont immenses.

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Ce Nigérian a fondé la société Konga qui est co-leader du commerce en ligne au Nigeria. Le site compte se déployer dans l’ensemble de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest d’ici à la mi-2015. Le chiffre d’affaires de Konga est rapidement passé de 700 000 dollars en 2012 à plus de 50 millions en 2014. L’entreprise emploie 850 personnes et se déploie actuellement au Ghana, au Sénégal et en Côte d’Ivoire. Le site a passé un accord avec le groupe de transport et logistique DHL afin de distribuer les produits qui partiront par avion tous les jours. Sim Shagaya a également créé la première entreprise de publicité numérique au Nigeria : dealdey.com.


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par Moez TRABELSI

JALOUL AYED SEMBLE DÉFINITIVEMENT PRÊT À TENIR LES COMPTES DE LA BANQUE AFRICAINE DE DÉVELOPPEMENT (BAD) ! ANCIEN MINISTRE DES FINANCES DE TUNISIE, HAUT DIRIGEANT DE LA BANQUE MAROCAINE DU COMMERCE EXTÉRIEUR, SON PARCOURS LE PRÉDISPOSE À ÊTRE CELUI QUI, PARMI LES 8 CANDIDATS, POURRAIT BIEN SUCCÉDER À DONALD KABERUKA. RÉPONSE LE 28 MAI PROCHAIN.

54 ÉTATS : Quelles sont les raisons de votre candidature à la présidence de la BAD ? Jaloul Ayed (J. A.) : Quand j’ai quitté le ministère, l’opportunité s’est présentée de faire suite au mandat de M. Kaberuka et je m’y suis intéressé. Dans ma carrière, j’ai été haut dirigeant de la Banque marocaine du Commerce extérieur (BMCE). J’ai été le président du comité de direction générale de la banque. J’ai initié la stratégie africaine du groupe à un moment où on parlait de l’Afrique comme d’une « dernière frontière ». J’ai pu convaincre les instances dirigeantes d’investir en Afrique. J’ai ensuite été rappelé pour être ministre des Finances en Tunisie. 54 ÉTATS : Il semblerait que votre expérience en matière de Finance vous confère la légitimité pour succéder à Donald Kaberuka ! J. A. : C’est vous qui l’affirmez ! 54 ÉTATS : Que répondez-vous à tous ces détracteurs qui affirment que la Banque doit rester aux mains des Africains ? J. A. : C’est de la Finance dont il s’agit ! Par ailleurs, mes origines tunisiennes m’offrent une double richesse, avec un pied dans le monde arabe et un autre en Afrique subsaharienne. 54 ÉTATS : Quelles seront vos premières actions si vous êtes élu ? J. A. : Je poursuivrai les orientations fondamentales et stratégiques de la Banque, à savoir combattre la pauvreté, l’exclusion financière et promouvoir l’éducation. Je mettrai l’accent sur le secteur privé comme moteur de croissance et de développement des micro-entreprises et des PME. 54 ÉTATS : Pourquoi ? J. A. : La raison est simple, plus de 90 % du tissu économique en Afrique est composé de ces petites entreprises qui génèrent 60 % d’emplois. Je suis également convaincu que le système financier est l’épine dorsale de tout développement économique.

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54 ÉTATS : Quelles sont vos idées sur le développement inclusif ? J. A. : Le développement de marchés de capitaux est important. Il faut créer une nouvelle classe d’investisseurs institutionnels (fonds d’assurance, fonds de pension). Développer un tel marché permet à un pays de mobiliser des ressources internes. Par ailleurs, je trouve inacceptable que dans certains pays d’Afrique le taux de bancarisation ne dépasse pas 10 %. L’inclusion financière est prioritaire. Il n’y a qu’à observer l’impact du « mobile banking » ! 54 ÉTATS : C’est-à-dire ? J. A. : Vous savez, ce système qui permet à des familles qui sont loin de tout d’envoyer de l’argent et d’en recevoir. Seul hic, les opérateurs de téléphonie ne peuvent pas devenir des banques, ce n’est pas leur métier. Les banques offrent un nombre important de services que les opérateurs téléphoniques ne peuvent pas offrir. 54 ÉTATS : Quelles solutions préconisez-vous pour booster l’économie africaine ? J. A. : Le financement bancaire tant pour les micro-entreprises que les PME est un facteur anxiogène. L’accès à un marché de fonds propres ou «equity market» est l’une des solutions. La création de ce marché permettrait aux entreprises d’aller négocier des financements auprès des banques commerciales. 54 ÉTATS : Comment la BAD peut-elle aider les 77 pays membres à la transformation du continent ? J. A. : La solution réside dans le « success transfert ». La BAD est en mesure d’influencer positivement les gouvernements pour perpétuer la bonne gouvernance et même les aider à élaborer des stratégies de développement économique et social beaucoup plus performantes.


MA CONVICTION A TOUJOURS ÉTÉ TRÈS FORTE DEPUIS LONGTEMPS CONCERNANT L’AFRIQUE. CE CONTINENT REPRÉSENTE LE PLUS GRAND POTENTIEL AU MONDE !

54 ÉTATS : Comment voyez-vous la coordination entre l’Union africaine, la Commission économique pour l’Afrique et la BAD ? J. A. : Je compte beaucoup sur cette coordination. Il y a un travail de convergence à réaliser car l’Afrique est aujourd’hui plus que jamais sur l’écran radar de tous ces organismes ! 54 ÉTATS : Quelle place occupe la jeunesse et les femmes en Afrique ? J. A. : La jeunesse est en train de changer l’Afrique. La capacité des jeunes à montrer ce dont ils sont capables est illimitée. Aujourd’hui, des étudiants sortent des universités en Tunisie mais ils ne trouvent pas d’emploi car le marché ne répond pas à leur profil académique. L’erreur provient d’une mauvaise orientation stratégique. La révolution tunisienne a éclaté car 800 000 jeunes n’avaient pas d’emploi bien que 400 000 disposaient de diplômes universitaires. Ces jeunes regorgent d’une énergie extraordinaire qui pourra servir leur pays. Quant aux femmes, elles jouent un rôle clef en Afrique. Il faut résoudre les problèmes liés à leur position sociale. Avec moi, la BAD va travailler sur ces aspects-là car résoudre les problèmes liés à sa position sociale est une action prioritaire. 54 ÉTATS : Le siège de la BAD se trouvait autrefois en Tunisie et le voici maintenant en Côte d’Ivoire. Certains se demandent si, dans le cas où vous seriez élu, la BAD retournerait en Tunisie ? J. A. : Le siège historique de la BAD était à Abidjan. La Tunisie a été très élégante car les responsables de la BAD désiraient son retour à Abidjan et la Tunisie a répondu favorablement. Le transfert s’est fait dans des conditions optimales, car la Tunisie a tout fait pour régler cela de la manière la plus simple. Je pense que le fait que la Tunisie a accueilli la BAD pendant douze ans est un bon point pour le pays. On a regretté ce départ mais, si elle était restée à Tunis, je n’aurais pas pu me présenter à la présidence, donc pour moi c’est aussi bien comme ça.

M. Jaloul Ayed candidat à la présidence de la BAD © Arnaud LONGATTE

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SAMURA M. W. KAMARA SIERRA LEONE Ancien fonctionnaire du FMI, il est actuellement ministre sierra-léonais des Affaires étrangères et de la coopération internationale. Il fut à la tête de la Banque de Sierra Leone de 2007 à mars 2009 lorsqu’il a été nommé par le président Ernest Bai Koroma comme ministre des Finances. Samura Kamara est un membre du groupe ethnique Limba.

ATO SUFIAN AHMED ÉTHIOPIE

KORDJÉ BEDOUMRA TCHAD Actuel ministre de l’Économie et des Finances, il est l’ancien vice-président de la Banque africaine de développement (BAD). Avant de rejoindre la Banque, M. Bedoumra a été ingénieur dans un bureau d’études privé à Abidjan (1982-1983) et ingénieur d’études à l’Office des Postes et Télécommunications du Tchad (1981-1982).

BIRAMA B. SIDIBE MALI Après 23 ans à la Banque africaine de développement et Shelter Africa dont il fut directeur général, Birama Boubacar Sidibé est nommé vice-président de la Banque islamique de développement (BID) en 2009. À aucun moment il n'a postulé à la BID. Sa nomination s’est faite sur l’étude de plusieurs dossiers par un comité de recherche qui voulait gratifier la BID d’une stature africaine forte.

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Il est ministre des Finances et du développement économique de l’Éthiopie depuis 1994. M. Ato Sufian a servi comme chef du bureau Oromiya du commerce (1993- 1994) avant d'être nommé directeur général des Autorités éthiopiennes des douanes (1994-1995).

AKINWUMI A. ADESINA NIGERIA

THOMAS Z. SAKALA ZIMBABWE Il est vice-président chargé des programmes pays, régionaux et des politiques à la Banque africaine de développement (BAD). Il a rejoint la Banque en 1983. Avec le temps, il a acquis une expérience riche et variée des opérations de la BAD. Avant de rejoindre la Banque, M. Sakala a successivement occupé les fonctions de chercheur principal et de responsable principal de la planification au sein du Ministère de la planification et du développement de la main d’œuvre du Zimbabwe.

Il est ministre de l’Agriculture depuis 2010 après avoir été vice-président de l’Alliance pour la Révolution verte en Afrique (AGRA). Il fut principal économiste à West Africa Rice (1990-1995), ainsi qu'à l’Institut international de l’Agriculture Tropicale (1995-1998). Autre ligne à son CV : assistant à l’International Crops Insitute pour les recherches sur les cultures semi-arides.

CRISTINA DUARTE CAP-VERT

JALOUL AYED TUNISIE

Elle fut directrice générale des Études et de la Planification au ministère du Développement rural, elle se retrouve ensuite dans les hautes instances internationales, entre autres comme consultante pour la FAO, le PNUD et la Banque mondiale. En 2006, elle devient ministre des Finances et du Plan.

Il a été directeur général de la filiale tunisienne de la Citibank, vice-président de Citicorp, directeur général de Corporate Bank aux Émirats et haut dirigeant de la Banque marocaine du Commerce extérieur (BMCE). Il fut ministre des Finances en Tunisie durant l’année 2011.


par Moez TRABELSI

BIRAMA SIDIBÉ EST L’ACTUEL VICE-PRÉSIDENT DE LA BANQUE ISLAMIQUE DU DÉVELOPPEMENT (BID). FORT D’UNE CARRIÈRE EFFECTUÉE DANS LE MILIEU BANCAIRE, NOTAMMENT À LA BAD, OÙ IL A OFFICIÉ PAR LE PASSÉ PENDANT 24 ANS, CET EXPERT DES FINANCES APPARAÎT COMME UN CANDIDAT SÉRIEUX ET SOLIDE FACE À SES 7 CONCURRENTS.

© DR

54 ÉTATS : Quelles sont les raisons qui motivent votre candidature pour devenir le nouveau président de la BAD ? Birama Sidibé (B. S.) : L’Afrique présente une croissance économique forte, elle accueille une nouvelle génération de leaders. Ces facteurs favorables célèbrent le renouveau du continent qui se métamorphose d’année en année. Cette Afrique-là aspire à la transformation structurelle et à l’émergence. C’est l’occasion d’une vie de porter à travers la BAD le renouveau annoncé de l’Afrique. Plus qu’une ambition personnelle qui n’a vraiment pas sa place ici, mon ambition pour l’Afrique est la motivation de ma candidature. 54 ÉTATS : 24 ans à la BAD (1983-2006), à travailler au niveau de l’infrastructure, de l’agriculture, des « programmes pays », et même en tant que vice-président chargé des opérations, ça aide, n’est-ce pas ? B. S. : Cela peut être un avantage dans le sens où j’ai apporté ma contribution à tous les postes opérationnels. Je parlerai le même langage que le personnel, le Conseil d’administration et les gouverneurs de la Banque. Vous savez, le président de la BAD est plus qu’un exécutant, c’est un dirigeant, un visionnaire ! Il est ambitieux pour son continent et doit avoir prouvé qu’il peut ou qu’il est en mesure d’apporter des solutions innovantes aux problèmes d’une Afrique en pleine mutation. Le rôle du président est d’affirmer clairement son objectif et désir de transformation.

54 ÉTATS : Vous ne voyez aucune ombre au tableau ?

54 ÉTATS : Quelles améliorations aimeriez-vous apporter à la BAD ?

B. S. : Bien entendu, il y a encore de nombreuses zones de fragilité et d’exclusion qui font les lits des conflits et de l’insécurité qui empêchent la cohésion sociale et le développement économique. La BAD a été créée par l’Afrique et pour l’Afrique ! C’est le principal outil de développement économique et social des pays.

B. S. : Sous la direction du talentueux président Donald Kaberuka, la BAD a enregistré des progrès indiscutables ! La BAD est devenue une institution financière crédible et connue de tous. Si je suis élu, mon leadership devra être fort face à une Afrique qui progresse mais qui demeure fragile. Voilà des défis passionnants et exaltants.

54 ÉTATS : Concrètement, quel est votre programme et quels défis vous attendent ?

54 ÉTATS : Avec la chute du prix du pétrole, comment comptez-vous relancer l’économie africaine ?

B. S. : Si je suis élu, mon projet sera de promouvoir et mobiliser les financements pour accompagner l’émergence et l’inclusion. Nous aiderons les pays africains à bâtir des institutions solides et résilientes ; à instaurer la paix et la sécurité sur le continent ; à mettre en place les politiques et les investissements requis pour un développement durable.

B. S. : La prévision n’est pas facile. Peu d’experts ont prévu l’ampleur de la chute des prix du pétrole. Il y a des gagnants et des perdants et l’effet sur la situation fiscale est à l’opposé dans les deux cas. L’important, c’est sa durée et là encore, il y a des variations dans la littérature quant à celle-ci. Comme tout choc exogène, la crise actuelle donne l’opportunité de tester la résilience de leur politique macro-économique et fiscale et de prendre des mesures structurelles correctives et salutaires.

54 ÉTATS : Vous parlez d’inclusion ; que pensez-vous de l’inclusion financière ? B. S. : Quel que soit le niveau où l’on se trouve, l’activité économique se nourrit majoritairement d’investissements. L’une des façons prouvées de créer de l’emploi, de booster l’économie et au final d’inclure les plus pauvres dans les circuits économiques est l’inclusion financière. C’est l’un des piliers de la lutte contre la pauvreté. Aider les pays membres à améliorer l’inclusion financière est prioritaire. L’initiative Making Finance Work for Africa (MFW4A) est à saluer et encourager.

54 ÉTATS : L’Afrique, horizon 2015, ça vous évoque quoi ? B. S. : Je nourris la vision d’une Afrique vertueuse, cohésive et inclusive, en transition vers l’émergence. Une Afrique actrice des discussions autour des enjeux globaux post-2015. La BAD se doit d’être attentive, solide, endurante aux chocs systémiques. Cette institution doit être dotée d’un personnel hyper-compétent, faire preuve de dynamisme, d’innovation, d’efficacité en vue de servir au mieux la transformation structurelle de l’Afrique. 71


© AGCO

4e Sommet AGCO 2015 : From left to right, Rob Smith : AGCO Senior Vice President and General Manager Europe, Africa and Middle East, Joaquim Alberto Chissano : Former President of the Republic of Mozambique and Chairperson of the Joaquim Chissano Foundation, Christian Schmidt : Federal Ministry of Food and Agriculture, Ketumile Masire, Former President of Botswana and Founder of the Sir Ketumile Foundation and Martin Richenhagen : AGCO Chairman, President and CEO .

AGCO, LEADER MONDIAL DANS LA CONCEPTION, LA FABRICATION ET LA DISTRIBUTION DE MACHINES ET DE SOLUTIONS AGRICOLES, A TENU À BERLIN LE 19 JANVIER, LE 4e AGCO AFRICAN SUMMIT. UNE INITIATIVE D'AGCO CORPORATION, BAYER CROPSCIENCE, DEG – DEUTSCHE INVESTITIONS-UND ENTWICKLUNGSGESELLSCHAFT – ET RABOBANK. LE SOMMET S’EST PARTICULIÈREMENT CONCENTRÉ SUR LES MOYENS D’AMÉLIORER LE PARTENARIAT EN AFRIQUE MAIS AUSSI SUR LA MISE EN LUMIÈRE DES AVANCÉES DE L’AGRICULTURE SUR LE CONTINENT SOUS LA CONDUITE DU SECTEUR PRIVÉ. 72


Bruno Wenn (DEG)

Dr Evelyn Nguleka. Acting President of World Farmers Organization and President of Zambia National Farmers Union.

« Assurer la sécurité alimentaire est la priorité absolue de bien des gouvernements africains qui peinent à importer la nourriture suffisante pour répondre aux besoins de leur population, qui croît considérablement, alors qu’une large part des terres arables n'est pas exploitée », tel est le constat de Martin Richenhagen. Et le Chairman, President et CEO d'AGCO Corporation de souligner dans son introduction que « développer des partenariats forts tout le long de la chaîne de valeur sera déterminant pour atteindre ce but » et d’ajouter « chacun a un rôle à jouer : les gouvernements, le secteur privé comme les agences de développement. AGCO, pour sa part, concentre son action sur la promotion d’une mécanisation sur le long terme en Afrique ». Rob Smith, Senior Vice President and General Manager, Europe, Africa and Middle East, ne dit pas autre chose : « L’Afrique représente un marché particulièrement porteur pour le futur d’AGCO et nous mettons le développement de la mécanisation au cœur de notre stratégie d’investissement ».

En mai 2014, AGCO a ainsi lancé la nouvelle Global Series Tractor, résultat du plus grand investissement jamais réalisé par le groupe. Voilà qui fait suite à la création de l’Algerian Tractors Company (ATC), en 2012, en partenariat avec le gouvernement algérien, via l’Entreprise publique économique de production de tracteurs agricoles (ETRAG) et l’Entreprise publique économique de commercialisation des matériels agricoles (PMAT). Rob Smith explique : « Pour AGCO, la mécanisation durable signifie la conception de nos produits pour l’environnement du marché africain et une production locale. Cela signifie également prodiguer une formation professionnelle quant au mode opératoire, la maintenance et l’entretien de nos machines, mais aussi un soutien de premier ordre à travers notre réseau de concessionnaires et de fournisseurs de pièces en Afrique ». Cette année, l’AGCO Africa Summit proposait des interlocuteurs de tout premier ordre avec des représentants de toute l’Afrique comme S. E. Joaquim Alberto Chissano, ancien président du Mozambique, S. E. Sir Ketumile Masire, ancien président du Botswana ou Christian Schmidt, ministre de l’Alimentation et de l’Agriculture de l’Allemagne.

Joaquim Alberto Chissano, Former President Mozambique

Rikin Gandhi, Digital Green

© AGCO

Abdelmalek Sahroui, président de GGI FILAHA du Groupe PROMO INVEST et ses collaborateurs durant la signature du protocole d'accord avec Tom Welke, Senior Vice President Global Grain and Protein, AGCO.

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DISPOSER DE LA TERRE NE SUFFIT PAS

Bien que 70 % de la population congolaise soit impliqué dans l’agriculture, la majorité est engagée dans une agriculture de subsistance dont le faible rendement est incapable de freiner la malnutrition et l’insécurité alimentaire. Plusieurs propriétaires privés occupent des terres sans améliorer ni l’activité agricole paysanne ni le milieu rural. L’exode rural et la malnutrition en sont des conséquences.

Chantal DIAKI MBONGA

Expert en agriculture et développement rural

La République Démocratique du Congo (RDC) dispose d’un immense potentiel agricole qui est quasi inexploité. Avec l’évolution de la technologie, le pays peut utiliser le secteur agricole pour induire une véritable explosion économique et sociale par la promotion de l’agrobusiness. En effet, le gouvernement de la RDC vient de lancer l’initiative des Parcs agro-industriels (PAIs), une Zone économique spéciale (ZES) composée d’un paquet minimum de services aux entreprises, d’une concentration d’infrastructures de production intégrant les équipements et technologies appropriés pour soutenir l’ensemble de la chaîne de valeurs de l’activité agricole en respectant les standards internationaux. Depuis le temps, plusieurs tentatives ont été menées pour développer l’agriculture afin d’améliorer les conditions de travail et de vie des paysans. Malheureusement aucune de ces expériences passées n’est parvenue à réaliser les résultats escomptés. Ceci explique à la fois l’espoir et le scepticisme qui ont accompagné le lancement officiel du PAI pilote de Bukanga Lonzo en juillet 2014. Comme signalé ci-dessus, l’initiative des PAIs semble tourner autour du développement des grandes fermes commerciales, ce qui suscite plusieurs questions dans l’opinion. Il s’agit notamment de l’avenir pour l’agriculture paysanne face au développement de l’agrobusiness.

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Selon les statistiques, seulement près de 10 % de terres arables sont exploitées en RDC, dont l’infime partie exploitée par les paysans dans des conditions très difficiles avec une technologie rudimentaire. Disposer de la terre ne suffit pas pour un paysan, encore faudra-t-il lui offrir un cadre incitatif et lui apprendre à l’aménager, le manager et le rentabiliser ? D’où l’importance de mettre en avant un projet qui soit plus englobant et tienne compte de l’environnement, de la vie en milieu rural et qui mette la priorité sur la production alimentaire. Il s’agit de la création des Zones économiques spéciales (ZES) pour le développement agricole.

L’ACCÈS À LA TERRE EN CONFORMITÉ AUX LOIS Tout compte fait, l’accès à ces terres destinées aux ZES doit se faire au respect des us et coutumes des ayants droit fonciers et au respect de la loi foncière. Le sol et le sous-sol appartient à l’État, le chef de clan accorde la disponibilité des terres sous sa garde (lettre d’engagement dûment signée) avant l’entérinement par l’autorité administrative puis la distribution. (Art. 53 du code foncier). Dans son article 18, la loi, portant principes fondamentaux relatifs à l’agriculture du 24 décembre 2011, stipule qu’il est reconnu à chaque communauté locale les droits fonciers coutumiers exercés collectivement ou individuellement sur ses terres conformément à la loi. L’ensemble des terres reconnues à chaque communauté locale constitue son domaine foncier de jouissance et comprend des réserves des terres de cultures, de jachère, de pâturage et de parcours, et les boisements utilisés régulièrement par la communauté locale. Par conséquent, aucun village ne sera délocalisé de son emplacement actuel. Il sied de signaler que les terres identifiées pour l’emplacement des PAIs sont préalablement soumises à une analyse approfondie dégageant un plan d’aménagement subdivisé en différentes zones : zone de production (végétale, animale, aulétique), zone industrielle et zone résidentielle dont la valorisation est fonction d’un business plan détaillé. Les paysans bénéficieront des espaces destinés à la production en conformité avec les normes techniques et de gestion au même titre que le PAI. Des lopins de terre bien aménagés destinés à l’agriculture et attribués aussi à chaque ménage se trouvant sur le site de la ZES. En vertu des pouvoirs qui lui sont conférés, l’autorité compétente sécurise ces terres et les met à la disposition de tous les utilisateurs (loi n°73/021 du 20 juillet portant régime général des biens, régime foncier et immobilier et régime de sûretés telle que modifiée et complété par la loi n°80/008 du 18 juillet 1980, spécialement en ses article 181 et 183).


L’AGROBUSINESS DEVIENT UNE OPPORTUNITÉ POUR LE PAYSAN Dans le but d’atteindre une croissance inclusive, la RD Congo s’est fixée des objectifs pour 2020 qui consistent à une redynamisation de la structure productive du monde rural axée sur le développement d’une production agro-industrielle moderne et sur le renforcement des petits exploitants, tout en assurant la conservation des ressources naturelles du pays. Cette vision se matérialise à travers la Stratégie sectorielle de l’agriculture et du développement rural (SSADR) adoptée en avril 2010 qui se décline comme suit : (i) améliorer l’accès aux marchés et aux infrastructures rurales ainsi que les capacités commerciales, (ii) développer la production végétale, animale, halieutique et artisanale, (iii) renforcer la gouvernance ainsi que les capacités institutionnelles et des ressources humaines et, (iv) organiser le monde rural en structures autogérées et assurer le financement du secteur. En se concentrant sur la revitalisation de son secteur agricole resté pendant longtemps négligé, la RDC veut investir et attirer des investissements vers ses terres fertiles car elle estime qu’on ne peut pas nourrir 67,51 millions de personnes en continuant à travailler à la houe. L’expertise et la technologie qu’accompagnent le développement de l’agrobusiness devient une opportunité pour le paysan. L’objectif stratégique que vise le gouvernement est de « réduire les inégalités entre les revenus ruraux et urbains, faire reculer la pauvreté rurale, tout en évitant de tomber dans le piège des subventions et de la protection ». Le gouvernement et ses partenaires (privés comme publics) sont prêts à mobiliser suffisamment de moyens financiers pour le développement de ces zones économiques spéciales, en faveur des paysans, capables non seulement de les professionnaliser à travers :

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• le rapprochement des services conseils spécialisés et des services de soutien pour consolider leurs activités agricoles ; • la facilité d’accès à des technologies appropriées avec précision ; • la facilité d’accès aux crédits à des conditions préférentielles ; • la facilité d’accès au marché selon le standard recommandé ; mais aussi de les développer en : • améliorant la qualité de leur environnement, l’éducation et la santé ; • favorisant le développement économique des régions en fonction de leurs potentialités ; • fournissant une alimentation régulière et équilibrée ; • offrant les emplois et les rentes. Pour y parvenir, il faut une technologie adaptée à chaque milieu et des moyens financiers conséquents faisant appel à une synergie entre les secteurs. Une vingtaine de sites (près de 2 % de la superficie arable du pays) sont identifiés avec une filière d’exploitation spécifique par site en faveur des paysans (organisés en coopératives ou individuellement) contrairement à la politique coloniale de « culture imposée » au profit des industries métropolitaines.

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L’AGROBUSINESS, UN PROCESSUS INÉVITABLE POUR LA RDC Lors du forum international sur l’agriculture tenu à Berlin en janvier 2014, près de 70 ministres de l’agriculture, notamment celui de la RDC se sont convenus de soutenir le développement de l’agriculture de manière intelligente face au changement climatique pour une productivité pouvant couvrir les besoins alimentaires de façon durable et diversifiée. Pour le gouvernement de la RDC, cette vision ne peut être mise en œuvre qu’à travers le développement de l’agrobusiness. Pour ce faire, il propose comme voies de sortie de la pauvreté : le passage à une agriculture à haute valeur ajoutée (la technologie de précision), la décentralisation d’activités économiques non agricoles dans les espaces ruraux (l’accès au marché) et la fourniture d’une aide pour faciliter la transformation de l’agriculture (la recherche) ou encore d’investir dans la formation des générations suivantes (la gestion durable). Ce processus sera désormais la logique d’orientation pour améliorer et assurer les conditions de vie et de production dans les villages en RDC. Le gouvernement est décidé de renforcer la synergie entre les deux modèles agricoles : l’agrobusiness et l’agriculture paysanne. Nous sommes convaincus que cette nouvelle orientation politique constitue une issue de sortie au problème de l’insécurité alimentaire et du développement rural. 75


TRIBUNE LIBRE

SIDY DIOP, VICE-PRÉSIDENT DE MICROECONOMIX BIOGRAPHIE

Titulaire d’un doctorat d’État en Économie industrielle, obtenu à l’École Nationale Supérieure des Mines de Paris, Sidy Diop est actuellement le vice-président de Microeconomix, cabinet de conseil en économie spécialisé dans l’analyse microéconomique et l’économétrie. Avant de rejoindre Microeconomix, Sidy Diop a passé trois ans en tant que fonctionnaire international (économiste chargé d’investissement) auprès de la Banque Islamique de Développement. Sidy Diop y était responsable des investissements de la Banque dans plusieurs pays de l’Afrique de l’Ouest (sélection, montage financier, dialogue politique et suivi d’exécution). Il a également contribué à la rédaction de nombreux rapports sur le financement de projets et le développement. Outre son expérience internationale, Sidy Diop est un expert du secteur des télécoms et de l’économie numérique. Après avoir soutenu sa thèse sur l’économie de la dématérialisation des échanges informationnels entre entreprises, il a travaillé quatre années à l’Autorité de régulation des communications électronique et des postes (ARCEP) au sein de la Direction des affaires économiques et de la prospective.

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PROCÉDURES LITIGIEUSES

EN AFRIQUE

TRIBUNE LIBRE

CE QU’IL FAUT SAVOIR Dans un contexte de croissance économique soutenue sur le continent africain et d’explosion des opportunités économiques, les investissements directs étrangers poursuivent leur ascension sur le continent. Face à un risque élevé (perçu ou réel) de recourir à des juridictions locales pour le règlement des litiges - notamment entre État et investisseurs - les contrats associés aux investissements importants intègrent des clauses de règlement des litiges renvoyant souvent à des tribunaux arbitraux situés en Europe ou aux États-Unis. Cette pratique est considérée par les investisseurs d’une certaine taille comme un mode de règlement de litiges approprié dans un contexte de complexité des opérations, d’éloignement géographique et de faible maitrise de la situation politique locale. Étonnamment, les économistes interviennent de plus en plus sur le chiffrage des préjudices, tant en amont des litiges qu’au cours des procédures. Explications.

CHIFFRAGE DES PRÉJUDICES

L’ÉLÉMENT DÉCLENCHEUR DE TOUTE PROCÉDURE Que ce soit pour une entreprise minière dont le permis d’exploitation a été retiré ou modifié par un État africain, pour un opérateur télécoms à qui le régulateur national a infligé une sanction financière, ou encore pour un opérateur gazier qui a accusé un retard important dans la construction d’une usine pour le compte d’un État, les contentieux impliquant des enjeux financiers lourds sont souvent traités au niveau d’un tribunal arbitral ou dans le cadre de négociations précontentieuses. Ces grands dossiers d’arbitrage en Afrique sont de plus en plus complexes et mobilisent systématiquement des expertises externes, notamment dans la question centrale de la qualification des préjudices. La préoccupation première des acteurs impliqués dans des situations de contentieux, avant de se lancer dans un procès coûteux, est d’avoir une idée de ce que celui-ci peut lui rapporter. Question d’équilibre ; les acteurs ne se lancent dans une procédure que si celle-ci a suffisamment de chances d’être gagnée et si le montant potentiellement récupérable est largement supérieur au coût de la procédure. Cette expertise se fait fréquemment en amont. Dans un contexte de sophistication des cas d’arbitrage et de sensibilité accrue des juges aux arguments quantifiés, elle ne se résume désormais plus uniquement à une simple évaluation comptable. L’appréciation, par exemple, du préjudice subi par un opérateur télécoms dont la licence d’exploitation a été retirée ne peut se résumer à un simple prolongement de son chiffre d’affaires actuel sur les années couvrant la durée restante de la licence. L’évaluation des préjudices telle que pratiquée par les économistes résulte de la construction d’un scénario dit « contrefactuel » décrivant ce que se serait passé en l’absence de la pratique litigieuse et d’une analyse fine des marchés concernés. Dans l’exemple des télécoms, les dynamiques de marché, les changements au niveau de l’intensité concurrentielle, les évolutions attendues des tarifs de détail et des tarifs de gros, les probabilités d’attribution de nouvelles licences doivent être modélisées pour apprécier l’évolution du résultat net de l’opérateur sur les années couvrant la durée de sa licence. Si l’expertise économique permet d’évaluer les chances de succès en cas de recours en justice, elle permet également de transiger afin d’éviter les litiges. En effet, les coûts élevés et la durée des procédures font de ces recours un véritable épouvantail pour les entreprises. Une évaluation financière préalable du préjudice permet également aux parties de bien cadrer les enjeux financiers des litiges et, le cas échéant, de transiger au plus juste. Si le procès ne peut être évité, le rôle de l’expert économique reste quasi-similaire. En appui de l’une des parties, il peut notamment contester les prétentions du requérant si celles-ci ne sont pas réalistes ou faire une évaluation plus précise de la valeur du préjudice allégué. Les économistes sont outillés dans les évaluations de préjudice, pour mettre en évidence la manière dont l’équilibre du marché a pu être modifié et quantifier les impacts que cette atteinte a pu causer à l’une des parties. Cette mission fine d’évaluation, distincte des interventions des experts-comptables, avocats et autres conseils, constitue la valeur ajoutée des experts-économistes.

LES ÉCONOMISTES

DE PLUS EN PLUS SOLLICITÉS POUR DES CONTENTIEUX EN AFRIQUE Les flux d’affaires vers le continent africain se sont considérablement développés ces dernières années, notamment dans les secteurs miniers, pétroliers, télécoms ou hôtelier. 57 milliards de dollars ont, par ailleurs, été investis en Afrique en 2013. Ces investissements font émerger de nouveaux comportements dans les relations commerciales : la multiplication du nombre de contentieux conduit les opérateurs privés à porter leur litige devant les tribunaux ou à privilégier la résolution des litiges par des négociations précontentieuses. Dernière grande bataille sur le continent : la révision récente des codes miniers a donné lieu à d’âpres négociations entre États africains et opérateurs privés. Des négociations préalables ont eu lieu et les experts économiques sont intervenus en appui de ces négociations afin de caractériser et chiffrer les préjudices.

GILDAS DE MUIZON, DIRECTEUR ASSOCIÉ

À PROPOS DE MICROECONOMIX Cabinet de référence en France et au niveau européen, Microeconomix réalise des travaux de recherche et d’expertise économique en mobilisant les outils de la microéconomie appliquée et de l’économétrie. Fondé par François Lévêque, professeur d’économie à Mines ParisTech et dirigé par Gildas de Muizon, Microeconomix réunit une vingtaine d’économistes et intervient sur des sujets variés tels que l’évaluation des effets des fusions, l’évaluation des préjudices et du dommage à l’économie causée par une pratique anticoncurrentielle, l’analyse économique des secteurs régulés et l’économétrie appliquée aux stratégies d’entreprises. 77


© Shawn Ashley

par Sandra WOLMER

SIGNATURE RÉITÉRÉE DE CONTRATS FLORISSANTS, MAIN BASSE SUR LES MATIÈRES PREMIÈRES, LARGESSES FINANCIÈRES… LE DIAGNOSTIC EST POSÉ : L’OGRE CHINOIS A SUBITEMENT JETÉ SON DÉVOLU SUR LE CONTINENT NOIR POUR APAISER SES PULSIONS BOULIMIQUES. LES SÉQUELLES SERAIENT GRAVES ET IRRÉVERSIBLES ! 54 ÉTATS DÉLIVRE SON CONTRE-AVIS. DE MOINS DE 20 MILLIARDS DE DOLLARS EN 2000 À PLUS DE 100 MILLIARDS DE DOLLARS EN 2014 : LE VOLUME DES ÉCHANGES COMMERCIAUX SINO-AFRICAINS A LITTÉRALEMENT EXPLOSÉ ! DE QUOI SUSCITER DES INTERROGATIONS : COMMENT EXPLIQUER LES VISÉES DU GÉANT CHINOIS EN AFRIQUE ? LA RÉPONSE TIENT EN QUELQUES MOTS : PRÉSERVATION DES INTÉRÊTS STRATÉGIQUES NATIONAUX VIA UN REDÉPLOIEMENT DES POLITIQUES DIPLOMATIQUE, ÉNERGÉTIQUE ET COMMERCIALE.

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UNE DIPLOMATIE PLACÉE SOUS LE SIGNE DE L’AMITIÉ Sur la base d’un héritage historique commun de colonisés, l’empire du Milieu mène à l’égard de ses amis africains une politique sur un pied d’égalité et ancrée dans une coopération « Sud-Sud ». Conformément à ses principes de non-ingérence et de neutralité, ce dernier met un point d’honneur à scinder développement économique et réformes politiques, là où d’autres expriment clairement leur attachement à une politique d’aide conditionnée. Dans un contexte de réduction avérée de la présence française au sein du continent noir, d’affaiblissement de la domination américaine, d’émergence de puissances régionales potentiellement hégémoniques, celui-là entend se redéployer sur l’échiquier diplomatique mondial pour s’y positionner comme une puissance influente et alternative. Une approche d’ailleurs dictée par des impératifs énergétiques et commerciaux…

L’ÉNERGIE, LE NERF DE LA GUERRE Point de pérennisation de la croissance économique sans diversification et sécurisation des approvisionnements des vecteurs énergétiques (pétrole, gaz, minerais, bois…). Or, l’activité industrielle chinoise (chimie, sidérurgie, métallurgie…) est énergivore ! La consommation de pétrole, pour ne citer qu’elle, s’est accrue à un point tel que, comme l’affirme l’Administration américaine d’information sur l’énergie (EIA), la Chine est devenue en 2013 le premier importateur mondial de cette énergie fossile. Cette dernière se doit donc de combler ses besoins énergétiques gigantesques, d’anticiper la raréfaction des réserves çà et là, d’éviter les conséquences des tensions géopolitiques auxquelles doivent faire face certains de ses fournisseurs (par exemple, au Moyen-Orient). Faisant de la stabilité de son approvisionnement énergétique sa priorité première, le pays a tout logiquement ciblé l’Afrique, riche d’un or noir de bonne qualité.

Dans une analyse intitulée Anatomie d’une nouvelle stratégie chinoise, Pierre-Antoine Braud, docteur en sciences politiques et ancien conseiller politique à l’Union Européenne, propose un décryptage de cette logique : « Il s’agit pour Pékin de diversifier ces sources d’approvisionnements, sans recourir au marché international, mais en obtenant un contrôle durable de l’exploitation et de la production. La politique de sécurisation des accès au pétrole, élargie ultérieurement à des matières premières jugées essentielles à la croissance chinoise, conduit ainsi à restructurer, de 1994 à 1996, les compagnies pétrolières chinoises, ainsi que certaines institutions financières, afin de faciliter leur développement international : la Chinese National Petroleum Corporation (CNPC) et la Sinopec, société d’exploration pétrolière, deviennent les deux instruments principaux de cette volonté d’acquérir les droits d’exploration et d’exploitation de champs pétroliers, tandis que l’Eximbank (Export-Import Bank) vient soutenir la dimension financière de ces opérations ».


BUSINESS IS BUSINESS Point de pérennisation de la croissance économique sans sécurisation des débouchés économiques. Muée par sa quête de prospérité, la Chine a parfaitement su identifier le potentiel que représente l’Afrique, gigantesque marché accessible à ses entreprises et produits. Dans un document intitulé La Chine en Afrique : invasion ou effet d’optique ?, l’auteur revient sur la « diplomatie du carnet de chèques », laquelle renvoie à la façon dont Pékin favorise la coopération sino-africaine en combinant « soutien financier des entreprises chinoises » d’une part et d’autre part « aide généreuse – et très controversée - aux pays africains. La générosité dont Pékin fait preuve n’est pas officiellement assortie de conditions politiques – hormis la rupture avec Taïwan – ni économiques. Cependant, elle n’est pas non plus désintéressée... Le remboursement des prêts accordés aux pays africains est souvent lié à des contrats de mise en valeur des ressources énergétiques et minières du pays d’accueil. Quant à l’aide chinoise, elle se fait le plus souvent en nature, sous formes de projets clés en main dans les secteurs de l’énergie, des télécommunications et des transports. » En outre, les ressortissants chinois présents dans cet espace s’inscrivent dans une logique d’implantation en pénétrant principalement les secteurs africains du textile et des biens manufacturés où ils assurent notamment la promotion des produits « made in China »… au grand dam des protagonistes économiques locaux. L’Afrique se pose comme un laboratoire grandeur nature où produits manufacturés chinois peuvent être testés et écoulés.

WIN-WIN* OR NOT WIN-WIN ? THAT IS THE QUESTION ! *(GAGNANT-GAGNANT)

Revival diplomatique, insertion dans les relations internationales, redynamisation de la concurrence, dopage de la croissance, envolée des cours des matières premières, multiplication des possibilités d’investissement mais fragilisation du tissu industriel, concurrence déloyale, exploitation de la main d’œuvre, catastrophes écologiques …

Riche de ressources naturelles, tant convoitées, il incombe aux dirigeants africains de repenser l’affectation des moyens exceptionnels que leur procurent les investissements chinois, de replacer la notion d’intérêt général au centre de leurs préoccupations, ne pas se contenter d’exporter leurs matières premières sans bénéficier en échange de transferts de technologie. Comme le souligne Philippe Hugon, directeur de recherches à l’IRIS, « la Chine, comme dans toute relation, représente à la fois un risque et une opportunité ». Aux pays africains d’en faire une opportunité !

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Doit-on pour autant réduire les hauts responsables africains à des béni oui-oui qui resteraient inertes face à la prédation de la Chine ? Excessif ! À en juger par les coups de gueule poussés contre l’impérialisme chinois en 2013 par Lamido Sanusi, gouverneur de la banque centrale du Nigeria ou dès 2006 par Thabo Mecki, du temps où il présidait l’Afrique du Sud, des voix africaines s’élèvent en faveur de l’instauration de relations économiques plus équitables avec Pékin.

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Philippe HUGON Directeur de recherches à l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS), en charge de l’Afrique. Auteur de Géopolitique de l’Afrique (Éditions Armand Colin). L’économie de l’Afrique (Éditions La Découverte).

54 ÉTATS : La Chine contribue à une insertion de l’Afrique sur la voie d’un développement classique (de l’agriculture à l’industrie, de l’industrie vers les services) ?

Philippe Hugon (P. H.): Tout dépend de la façon dont sont gérées les matières premières. Par exemple, en Algérie, pays exportateur de pétrole, il y a eu une redistribution sociale d’une partie de la rente sans diversification de l’appareil économique. Mais, vous avez des pays qui ont su gérer leurs matières premières, ce qui n’a pas nui à la diversification économique. Tout dépend de l’usage que l’on fait du pétrole. De façon générale en Afrique, exception faite du Botswana pour le diamant, peu de pays ont été capables de débudgétiser le pétrole, c’est-à-dire de ne pas faire dépendre les recettes de l’État de la manne pétrolière et de mettre en place un fonds de stabilisation destiné à recueillir les recettes extérieures. Ce projet pour plein de pays africains n’a d’ailleurs jamais réellement réussi parce qu’il y a toujours eu des urgences liées au clientélisme politique plutôt que d’investir économiquement. Donc, effectivement le pétrole n’a pas été un grand facteur de diversification économique des pays africains mais cela résulte de choix politiques et pas uniquement de l’effet du pétrole. 54 ÉTATS : Comment l’Afrique peut-elle tirer le meilleur parti de la présence chinoise sur son territoire ? P. H. : La stratégie de développement africaine ne se réduit pas seulement à la relation Chine-Afrique puisque l’on parle par ailleurs des relations Inde-Afrique, Brésil-Afrique, Europe-Afrique, États-Unis-Afrique, etc… reste à savoir comment intégrer ces stratégies bilatérales dans une stratégie globale de développement. S’il existe une stratégie à long terme, s’il existe des acteurs suffisamment détachés de la corruption et du court terme, à ce moment-là, la Chine aura un effet extrêmement positif à travers ses apports financiers, technologiques, ses activités, son modèle organisationnel qui fonctionne bien. Les pays africains doivent faire de la relation sino-africaine un élément de leur propre stratégie et, à cette fin, doivent dépasser la balkanisation de micro-États et se constituer des stratégies à des niveaux régionaux. Par exemple, l’instauration d’un protectionnisme en Afrique demeure illusoire au vu de la porosité des frontières. Par contre, la mise en place de politiques de protection ou d’appui à des secteurs stratégiques comme l’agriculture, etc… à des niveaux régionaux s’avère tout à fait envisageable.

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54 ÉTATS : Pour conclure ? P. H. : La Chine, comme dans toute relation, représente à la fois un risque et une opportunité. Pour qu’elle devienne une opportunité, les principaux défis africains doivent être relevés avec l’appui de la Chine. Mais fondamentalement, la responsabilité est dans les mains des Africains, elle est dans les mains des citoyens, elle est dans les mains des décideurs politiques, elle est dans les mains des syndicats, des associations. Rien n’est joué. Il est évident que l’on peut percevoir la Chine comme étant un risque, comme étant un géant qui écrase l’Afrique ou au contraire comme un apporteur de technologie et de capital. Le jeu est dans les mains des responsables africains. Retrouvez l’intégralité de cet interview sur votre application 54 ÉTATS !

© coda, Captown

54 ÉTATS : La malédiction des matières premières est-elle vouée à s’abattre sur l’Afrique ?

P. H. : Ce schéma-là a en partie disparu. Aujourd’hui le passage obligé par cette voie de tertiarisation fait débat. L’Industrialisation signifie que l’Afrique se positionne dans des chaînes de valeur industrielle. C’est-àdire qu’elle produit des composants qui sont mondialisés ou des biens industriels en phase finale. L’échec serait de vouloir une industrialisation complètement intégrée. Il faut que l’Afrique s’industrialise. Mais, il est nécessaire de repérer des créneaux spécifiques d’industrialisation. La valeur ajoutée aujourd’hui s’effectue essentiellement dans le secteur des services (notamment services aux entreprises, liés à la finance, liés au commerce, liés aux transports). Et c’est là que l’Afrique est en train de se positionner. Le Nigeria offre l’exemple d’un pays producteur de pétrole et de gaz, dont le secteur tertiaire représente une part importante du PIB. Il ne faut donc pas s’attacher à un schéma linéaire parce que les économies sont mondialisées et que le développement économique ne se construit pas en économie fermée. Il faut donc identifier les principaux secteurs d’intégration à l’économie mondiale qui peuvent avoir le plus grand effet d’entraînement sur le plan territorial (il peut s’agir de l’agriculture, de l’élevage, d’autres secteurs. La véritable question qui se pose aujourd’hui est la suivante : alors que les frontières sont ouvertes, comment peut-on avoir une stratégie à long terme et comment faire en sorte que l’ouverture extérieure soit non pas créatrice d’enclaves mais soit au contraire créatrice de lieux avec effet d’entraînement vis-à-vis du tissu économique local ou territorial.


© Caitln Childs

par Élise FRANÇOIS-DAINVILLE

UN ÉCRAN D’ORDINATEUR QUI S’ILLUMINE, UNE ÉOLIENNE QUI TOURBILLONNE OU UN SMARTPHONE QUE L’ON PIANOTE, LE POINT COMMUN ENTRE CES DIFFÉRENTES TECHNOLOGIES ? QUELQUES MINÉRAUX PRÉCIEUX QUI JOUENT UN RÔLE PRÉPONDÉRANT DANS LA FABRICATION DE CES PRODUITS HIGH-TECH. ET SI L’AFRIQUE APPARAÎT COMME LE CONTINENT LE MOINS BIEN ÉQUIPÉ DE LA PLANÈTE, ELLE EST EN REVANCHE EN PASSE DE DEVENIR L’UN DES HAUTS LIEUX D’EXTRACTIONS DES MÉTAUX RARES. POUR LE MEILLEUR COMME POUR LE PIRE…

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En quelques décennies ces métaux dits « mineurs » ont été classés « ressources stratégiques ». On les appelle aussi « métaux rares » car leur dispersion dans les roches rend leur exploitation souvent difficile. Quatorze ont été recensés par l’Union européenne, tous dotés de propriétés très spécifiques leur permettant d’être utilisés dans la technologie de pointe. Soudures, condensateurs, revêtement des fils électriques de téléphones portables, tablettes ou encore ordinateurs, les métaux rares sont partout ! Problème, au regard de l’augmentation spectaculaire des quantités fabriquées d’appareils électroniques, la demande en métaux rares a littéralement explosé. Plus encore après que la Chine, qui contrôle aujourd’hui 97 % de la production de ces minerais (120 000 des 124 000 tonnes annuelles), a décidé en 2011 de réduire ses quotas d’exportation pour satisfaire ses propres besoins, poussant les pays industrialisés à exploiter de nouveaux gisements. Depuis, les initiatives se multiplient en Afrique, territoire riche en minerais. Le continent est devenu une zone ô combien stratégique, au sein de laquelle les enjeux politiques et économiques liés à la présence des précieux minerais se confondent. 81


L’AFRIQUE, RICHE EN MÉTAUX RARES Historiquement, sur le continent africain, c’est en Afrique du Sud que les premiers minerais de terres rares ont été exploités. Le pays détient en effet deux gisements de toute première importance : Steenkampskraal, exploité depuis les années 1950, et Zandkopsdrift. Ce dernier fait l’objet d’une attention toute particulière puisque sa durée d’exploitation a été fixée à 20 ans. Le filon devrait produire 20 millions de tonnes de minerai à 3,12 % d’oxydes de terres rares. Du coup, la production sud-africaine pourrait représenter jusqu’à 10 % de l’offre mondiale en 2015. Au Gabon, à Mabounié (près de Lambaréné), un autre projet est en cours. Là, un gisement dont les réserves sont estimées à une centaine d’années, contient entre autres du tantale en quantités importantes. Ce métal est essentiel pour la fabrication des condensateurs des téléphones portables ou des ordinateurs. Outre ceux du Kenya et de la Tanzanie, les gisements de tantale de Madagascar pourraient, quant à eux, devenir les plus conséquents de terres rares en dehors de la Chine. En Afrique de l’Ouest, même si aucune exploitation n’a encore commencé faute d’infrastructures, les initiatives se poursuivent pour localiser de nouveaux gisements, au Mali notamment. Après, il faut une dizaine d’années environ pour qu’un projet d’extraction ne voie le jour.

LA RÉGION DES GRANDS LACS TRÈS CONVOITÉE L’Afrique des Grands Lacs (la RDC, l’Ouganda, le Rwanda et le Burundi) possède aussi de très grandes quantités de ces fameux métaux rares. En effet, cette région compte d’importants gisements de cassitérite (minerai dans lequel on trouve l’étain), de coltan (d’où est extrait le tantale), de wolframite (minerai de tungstène) ou encore d’or, tous utilisés dans l’industrie électronique. Si l’exploitation de ces gisements constitue une source de revenus importants pour les États concernés, les conséquences sociales et environnementales se révèlent dramatiques. Les exploitations détruisent des écosystèmes entiers (la population de gorilles aurait par exemple chuté de 90 % et celle des éléphants de 80 % dans la région). Par ailleurs, les structures économiques et sociales sont profondément ébranlées. Ainsi, en République Démocratique du Congo, plus de 10 000 agriculteurs sont devenus mineurs, délaissant leurs terres, désormais contraints à des conditions de travail exténuantes. De jeunes adolescents et des enfants sont souvent recrutés pour travailler au fond de ces mines. Enfin, face à la flambée des prix de ces minerais (le tantale a pris 190 % en 2010), de nombreuses mines ont été exploitées de manières illégales, encadrées par des groupes armés non étatiques, et alimentant des conflits notamment dans la zone du Kivu.

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EN RDC, LA GUERRE DU COLTAN

© Julien Harneis

Homicides, enlèvements, violences sexuelles, luttes entre groupes armés... voilà maintenant 18 ans que la situation est chaotique en République Démocratique du Congo (RDC). Si la situation actuelle prend ses sources dans le contexte du génocide rwandais en 1994, elle s’est largement complexifiée depuis. Un des enjeux du conflit : les ressources du pays en coltan, un précieux minerai utilisé dans la fabrication des téléphones portables, et dont la RDC détient entre 60 et 80 % des réserves mondiales. En 2001, déjà, un rapport d’experts présenté au Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies dénonçait le fait que de grandes quantités de ce minerai étaient extraites illégalement pour être ensuite transportées en contrebande par les armées de l’Ouganda, du Rwanda, du Burundi et de la RDC. Tous occupant la province orientale et la région du Kivu. Un phénomène qui n’a cessé de s’amplifier depuis. Des multinationales (parmi lesquelles Samsung, LG ou Sony), désormais cyniquement appelées « Seigneurs du Coltan », sont accusées de s’approvisionner dans la région sans tenir compte des dégâts causés. Des efforts pour réguler ces exploitations ont été réalisés aux États-Unis (section 1502 de la loi américaine Dodd-Frank de 2010) et en Europe (avec un projet de règlement européen sur un mécanisme de certification de la provenance des minerais, en mars 2014). Mais ces propositions sont jugées très insuffisantes par les ONG. Actuellement, la majorité des sites continue de fonctionner dans la plus parfaite illégalité et de nombreux groupes armés trouvent leurs financements dans le trafic de ces minerais.

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UNE « PRINCESSE » ANGOLAISE DEVENUE REINE DES AFFAIRES. TELLE EST L’INCROYABLE TRAJECTOIRE D’ISABEL DOS SANTOS, PROPULSÉE PREMIÈRE MILLIARDAIRE DU CONTINENT AFRICAIN EN DOLLARS SELON LE TRÈS SÉRIEUX MAGAZINE FORBES. ET LA TOUTE RÉCENTE QUADRAGÉNAIRE N’ENTEND PAS S’ENDORMIR SUR SES BEAUX BILLETS VERTS. PORTRAIT D’UNE FEMME QUI COMPTE. © José Colas

par Hervé PUGI

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Alors, bien sûr, les mauvaises langues ne vont pas tarder à persifler. Voilà une « fille à papa », une de plus, qui a profité des largesses familiales pour bâtir un empire (bien) mal acquis. Ce raccourci, effectivement très rapide, est d’autant plus aisé quand le papa en question porte le doux nom de José Eduardo dos Santos, président de l’Angola depuis 36 ans. Voilà qui est très clair. Ceci expliquerait cela. N’en jetons plus… Fin de l’article ! Ce serait toutefois fort dommage. Bien née, Isabel dos Santos l’est assurément. Mais c’est loin d’être la seule de ses qualités. Car, sur un continent rongé par le népotisme, le clientélisme, le machisme et tant d’autres vilains mots finissant en « –isme », l’Angola comme tant d’autres connaît cela, ce serait faire fausse route que de cracher son venin sur cette femme, africaine qui plus est, parvenue à s’imposer dans le si sélectif monde des affaires. Riche et puissante, celle qui fêtera ses 42 ans en avril prochain, ne l’a toujours pas été. Pas autant en tout cas. Surtout, rien dans le parcours de la native de Bakou (Azerbaïdjan), car de mère russe, ne pouvait laisser penser que la « princesse » s’assoirait un beau jour sur une montagne de billets verts. Les siens. Sur le CV d’Isabel dos Santos, vous ne trouverez ainsi que de modestes études en génie électrique et en gestion d’entreprise. Quant à ces premiers pas d’entrepreneuses, dans la restauration et la collecte d’ordures, on ne peut pas dire qu’ils auront contribué à forger sa légende. À moins de considérer que c’est par les échecs que se forgent les plus grandes réussites.


UN CERTAIN TALENT OU UN TALENT CERTAIN ? Loin de baisser les bras, l’épouse du millionnaire dano-congolais Sindika Dokolo – dont le mariage avait réuni en 2003 un millier d’invités pour une facture atteignant les 4 millions de dollars – va changer son fusil d’épaule et utiliser son petit pactole (familial) pour investir à tout-va. Télécommunication, finance, diamant, ciment, immobilier, agroalimentaire ou grande distribution, entre autres secteurs, cette mère de trois enfants fait feu de tout bois avec une réussite jamais démentie. Si la « petite » Isabel avait initialement massivement investi dans son pays, la « grande » dos Santos va jeter son dévolu sur le Portugal (notamment dans les banques BIC et BPI mais aussi sur ZON Multimedia, un groupe de communication), l’ancien « maître » de l’Angola. Au point de tenter de racheter, fin 2014, Portugal Telecom pour quelque 1,2 milliard d’euros. En vain. Ses détracteurs, évidemment, ne manquent pas. Isabel dos Santos aurait ainsi profité de sa position de « fille de » pour réaliser quelques gros coups. La première intéressée dément. Elle gérerait une conséquente fortune familiale placée hors des frontières nationales. Elle ne dit mot. Reste que même ces accusateurs – rejoignant ses admirateurs - reconnaissent à Mme Dokolo un certain talent, pour ne pas dire un talent certain, pour les affaires. Il va sans dire que ces premiers milliards de dollars devraient en appeler d’autres. Isabel dos Santos a le temps. L’avenir lui appartient. Bien plus que les millions d’Angolais qui s’entassent dans des bidonvilles malgré les milliards de pétrodollars qui s’entassent dans les caisses d’un État stigmatisé pour être l’un des plus corrompus de la planète.

BIEN NÉE, ISABEL DOS SANTOS L’EST ASSURÉMENT MAIS C’EST LOIN D’ÊTRE LA SEULE DE SES QUALITÉS

© Oscar MegÌa

© Oscar MegÌa

© Oscar MegÌa

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par Cindy LE LAY

@H2V

ISOLÉ AU LARGE DU SÉNÉGAL, BAIGNÉ PAR L’OCÉAN ATLANTIQUE, LE CAP-VERT EST UN ARCHIPEL VOLCANIQUE À LA BEAUTÉ SINGULIÈRE. ENVOÛTANT COMME LA CHANSON DE CESARIA EVORA, CE PETIT PAYS VOUS CAPTIVERA PAR SA SUAVITÉ ET SON RYTHME DE VIE SI PARTICULIER. MAIS LE CAP-VERT SE CARACTÉRISE AVANT TOUT PAR UNE MULTIPLICITÉ DE PAYSAGES TOUS PLUS SCÉNIQUES LES UNS QUE LES AUTRES. DE QUOI SATISFAIRE LES PLUS EXIGEANTS ! UNE ÉCHAPPÉE SUR CETTE TERRE SAUVAGE ET AUTHENTIQUE VOUS GARANTIRA LE PLUS GRAND DÉPAYSEMENT.

@ Henning Leweke

Superficie : 4 033 km² Population : 504 000 (2014) Vaccins obligatoires : non Monnaie : escudo du Cap-Vert (CVE) Langue(s) : portugais & créole capverdien

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Quand partir ? Outre le fait que l’on peut visiter le Cap-Vert agréablement toute l’année, la période idéale de départ s’étend d’août à octobre, saison bénéficiant de températures agréablement chaudes. Toutefois, les vents soufflant relativement fort tout au long de l’année, n’oubliez donc pas d’apporter un coupe-vent. De novembre à juillet, il fait plus frais. Site inscrit au Patrimoine mondial de l’Unesco : Cidade Velha, centre historique de Ribeira Grande (2009).

LA PETITE PERLE DE L’ATLANTIQUE L’archipel du Cap-Vert se compose de deux groupes d’îles : • Les îles au vent (Barlovento) Lesquelles regroupent les îles de Santo Antão, Sao Vicente, Santa Luzia (déserte et inhabitée), São Nicolau, Boa Vista et Sal. • Les îles sous le vent (Sotavento) Constituées des îles de Santiago (où se trouve la capitale Praia), Fogo (qui abrite un volcan pour le moment inaccessible, à la suite de sa récente éruption), Brava (l’île aux fleurs) et Maio. Chaque île du Cap-Vert est une carte postale grandeur nature. Plages de sable fin et eaux cristallines rivalisent de beauté avec les montagnes arides jalonnées de canyons verdoyant. De belles bâtisses coloniales et de pittoresques villages colorés déploieront sous vos yeux tout leur charme. Tel est le décor de vos vacances au Cap-Vert. Amoureux de la nature ? Partez pour un circuit hors des sentiers battus et au plus près des Capverdiens !


ÉVASION AU PROGRAMME ! Le Cap-Vert propose une multitude d’activités. Les adeptes du tourisme vert partiront pour de longues randonnées alors que les amoureux de la mer se laisseront tenter par une plongée enchanteresse ou une initiation au kitesurf. Par ailleurs, familiarisez-vous avec la culture locale ! Particulièrement accueillants, les Capverdiens vous feront découvrir leurs coutumes, leurs plats locaux comme leur artisanat. Avec ses influences africaines, sud-américaines et européennes, le Cap-Vert peut se prévaloir d’un riche métissage culturel.

@ Panoramio

@ Holidaycheck.com

Situé à Santa Maria, près de la plage, cet hôtel contemporain a été érigé au cœur d’un jardin. L’hôtel Dunas de Sal dispose de deux piscines, d’un spa et d’une salle de sport. Une fois par semaine, vous profiterez des concerts au bar de l’hôtel. Des soins de beauté et des massages sont proposés afin de vous relaxer dans le hammam. www.hoteldunasdesal.com

@ Elisa Capai

@ Always.pt

Hôtel écologique, disposant d’un accès direct à une plage privée, situé sur la côte nord de l’île de Boa Vista. Les chambres du Spinguera Ecolodge offrent une magnifique vue sur la mer. Lors de votre séjour, vous pourrez flâner sur le littoral ou dans les boutiques voisines. Possibilité de louer un 4x4 avec ou sans chauffeur, à votre guise. www.spinguera.com @ niall62

@ Booking.com

@ petitfute.com

Flambant neuf, le Vip Praia figure assurément parmi les plus élégants hôtels de la capitale. Les baies vitrées offrent de jour une vue panoramique sur l’océan ainsi que sur la ville. La nuit, le ciel étoilé vous enveloppera pour un sommeil réparateur. Vous aurez la possibilité de profiter du centre de spa et bien-être ainsi que d’une salle de sport. Sur place, le Wifi est mis à disposition. Vous pourrez par ailleurs flâner dans les boutiques de l'établissement. www.hotelvippraia.com 87


Une voix douce et suave qui nous transporte dans un univers musical se situant à mi-chemin entre sons traditionnels capverdiens, pop européenne et le rêve tropicaliste. Mayra Andrade a l’art de nous faire voyager à chaque note, tout en nous contant ses périples, tout aussi nuageux qu’ensoleillés. Séquence portrait. Véritable poète des temps modernes, Mayra Andrade est révélée en 2006 avec son album Navega. Le grand public y découvre la caresse d’une voix d’exception se mêlant à une nouvelle manière d’aborder la diversité musicale du Cap-Vert. DIVERSITÉ ! Telle est la clef de ses œuvres. Née à Cuba, celle qui a grandi au Cap-Vert et a vécu entre le Sénégal, l’Allemagne et l’Angola s’est imprégnée de la diversité culturelle de ces pays afin de créer une harmonie musicale unique. Le mélange des genres est sa grande spécialité : Morna, Funana, Batuque, elle chante tous les styles. Elle pourrait bien être l’heureuse élue pour reprendre le flambeau et succéder à la légendaire Cesaria Evora. Du moins, sur la petite île qu’est le Cap-Vert, elle semble être la prétendante au titre. Mayra appartient à une génération qui a beaucoup revendiqué son identité capverdienne. Si « la Diva aux pieds nus » a fait connaître la musique de l'archipel au monde, Mayra compte bien s’inscrire dans ce sillage tout en y apportant une touche différente collant à l’ère de son temps.

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comme dans sa musique «Lovely Difficult», ce surnom que lui a donné son compagnon, correspond au titre de son dernier album. Un symbole qui signifie, pour elle, que rien n’est totalement blanc ou noir. La chanteuse de vingt-huit ans affirme ouvertement que tout n’est pas si simple dans sa vie et affiche ses envies. Fille d’un ancien combattant de l’indépendance du Cap-Vert, Mayra a connu à cette période la réelle définition des mots passion et détermination. Aujourd’hui, avec son nouvel album, elle souhaite montrer qu’elle est certes gracieuse et adorable mais qu’elle est par ailleurs volontaire, audacieuse, décidée et libre dans sa vie comme dans sa musique. Lovely Difficult est en quelque sorte la démonstration d’une liberté et d’une personnalité qui se jouent des frontières stylistiques et linguistiques. Aussi, pour ce dernier opus, a-t-elle fait appel à des amis d’horizons variés : Yael Naïm, David Donatien, Piers Faccini, Tété, Benjamin Biolay, Hugh Coltman, Krystle Warren, Pascal Danae et Mario Lucio Sousa.


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par GaĂŤlle Ngako

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RÉJOUISSONS-NOUS, LES BEAUX JOURS SONT BIENTÔT LÀ … MAIS TOUT CE QUI VOUS PRÉOCCUPE C’EST VOTRE CORPS, COMMENT RETROUVER UNE SILHOUETTE HARMONIEUSE, BIEN LISSE ET FERME AU SORTIR DE L’HIVER ? POUR VOUS ACCOMPAGNER DANS CETTE QUÊTE DE LA BEAUTÉ ET DU BIEN-ÊTRE NOUS VOUS INVITONS À DÉCOUVRIR NOS 4 ASTUCES POUR UN CORPS DE RÊVE AVEC QUELQUES GESTES ESSENTIELS ET UN SHOPPING TESTÉ ET VALIDÉ PAR LA RÉDACTION DE 54 ÉTATS.

ASTUCE N°1

EXIT LES CAPITONS PERFECTEUR CONCENTRÉ MINCEUR ANTI -CELLULITE SHISEIDO Mincir passe inévitablement par une alimentation équilibrée et une activité régulière, seulement parfois cela ne suffit pas à améliorer la qualité de la peau et supprimer la cellulite. Le secret d’une cure minceur parfaite s’accompagne donc d’un soin minceur ciblé anti-capiton et haute technologie. Voici notre coup de cœur. PROMESSES TENUES Ce soin déstocke la cellulite à coup de massage là où elle est la plus incrustée (cuisses, fesses, ventre). Après quelques semaines d’utilisation la peau paraît nettement plus lisse et d’apparence moins capitonnée, il raffermit la silhouette.

ASTUCE N°3

DES SEINS TONIQUES ET GALBÉS COMPLEXE RAFERMISSANT AROMATIQUE POUR LE BUSTE SHISEIDO C’est surprenant comme quelques gestes quotidiens peuvent embellir nos seins ! Faites-en l’expérience avec… Body Creator crème raffermissante pour le buste de Shiseido. PROMESSES TENUES Une crème onctueuse, généreuse, satinée, au parfum doux, sensoriel et apaisant qui permet de remonter les seins mais aussi le moral. Jour après jour, le buste se raffermit et paraît plus jeune. PRIX : 48 €, 75 ml

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ASTUCE N°4

ADIEU LES PETITES RONDEURS CRÈME MASVELT DE CLARINS Il existe un soin unique spécialiste anti-rondeurs né du savoir-faire Clarins et qui mérite vraiment d’être connu par toutes les femmes. À découvrir d’urgence ! La crème Masvelt de Clarins

ASTUCE N°2

UNE BELLE SILHOUETTE SANS IMPERFECTIONS Si tel est votre désir, shopper sans plus attendre le coffret soin « cure minceur Triple action » Slim’Minute (en vente dans les instituts Body’Minute). Composé de 3 produits complémentaires pour retrouver une silhouette déliée et une qualité de peau irréprochable : gant de crin naturel, à utiliser dans un premier temps à sec afin de stimuler la circulation sanguine en insistant sur les zones critiques.

PROMESSES TENUES Une texture de rêve, douce et fondante, parfaite pour le massage. Sa formule magique capable de réduire de manière significative les rondeurs rebelles localisées stimule les échanges, raffermit les tissus et adoucit incroyablement la peau. On en devient vite accro ! PRIX : 52,50 €, 200 ml

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par Arnaud LONGATTE

C’est l’histoire d’une success story. Mûrie depuis plusieurs années par son créateur Olivier Madiba, cette idée s’est enfin concrétisée en 2013, année de la création du studio Kiro’o Games à Yaoundé au Cameroun. Il a fallu toute l’opiniâtreté de ce jeune entrepreneur et de son équipe pour réaliser son rêve : créer un studio de création et sortir un jeu vidéo 100 % africain : Aurion : l’héritage des Kori-Odan. La particularité de ce jeu est de s’inspirer de l’univers des mythologies africaines, ce qui renouvelle le genre et lui donne un nouveau souffle. Le premier studio de création de jeux vidéo d’Afrique francophone a vu le jour ! 54 ÉTATS : Comment vous est venue l’idée de créer ce studio ? Olivier Madiba (O. M.) : C’est en jouant à Final Fantasy que l’idée m’est venue de proposer des scénarios de jeux vidéo. Et puis je me suis rendu compte, en faisant un calcul rapide, qu’il fallait pas moins de 4 à 5 millions d’euros pour faire un jeu moyen en Europe ou aux États-Unis alors que, si je pouvais lever ne serait-ce qu’un quart de cette somme, je pourrais réaliser en Afrique un jeu de très bonne qualité. C’est ce qui m’a motivé à lancer ce studio de création en Afrique. Je me suis rendu compte également qu’il était difficile d’innover dans l’offre de jeux vidéo. C’est ainsi que m’est venue l’idée de proposer un univers qui venait d’Afrique, chose qui n’existait pas encore. Il suffirait de trouver une formule qui rendrait ça « internationalisable » comme Disney l’a fait avec le Roi Lion ou James Cameron avec Avatar. 54 ÉTATS : Comment avez-vous puisé votre inspiration ? Êtes-vous le seul auteur du jeu ou avez-vous des coauteurs ? O. M. : Au début j’étais le seul auteur, mais dans mon équipe il y avait des personnes avec des compétences de narration, donc ils m’ont rejoint dans l’écriture mais je suis quand même l’auteur principal. 54 États : Qu’est-ce qui le différencie par rapport aux autres jeux ? O. M. : Il prend racine dans un monde basé sur disons une « african fantasy ». Mais d il ne s’agit pas d’un univers communautariste simplement. C’est un univers avec des racines africaines. On s’est dit au lieu d’avoir un jeu qui est juste amusant, on a voulu trouver une narration qui contient du sens au niveau existentiel. 54 ÉTATS : Avez-vous fait des recherches documentaires pour trouver des sources d’inspiration? O. M. : Oui, la lit littérature africaine est assez riche en termes de documents qui retracent notre passé, notre culture et je m’en suis largement largeme inspiré. 54 ÉTATS : Cela a été difficile d’arriver à finaliser ce jeu ? O. M. : Oui, bon maintenant qu’on est un studio de création de jeux vidéo au Cameroun, on a ce qu’il faut pour travailler mais, quand on démarche pour trouver des partenaires, il nous arrive qu’on ne nous prenne pas au sérieux car certains pensent encore qu’il est inimaginable de voir un studio de création au Cameroun, tellement pour eux c’est loin des réalités. 54 ÉTATS : Est-il prêt à sortir ? O. M. : Nous somm sommes dans la phase de finalisation et nous pensons sortir le jeu à peu près en mars-avril 2015. 54 ÉTATS : Pour quelle plateforme le jeu est-il prévu ? O. M. : Pour l’instant on le développe pour PC. Pour les consoles, on attend un peu, on veut l’attaquer plus tard. 92


© Aurions Screen

54 ÉTATS : Y a-t-il un marché africain pour votre produit ? O. M. : En fait il semble qu’il y ait un marché en Afrique qui a été évalué à 550 millions de dollars qui se concentre sur le Nigeria et un peu l’Afrique du Sud. C’est un marché qui est concentré sur les mobiles. 54 ÉTATS : Comment avez-vous prévu la commercialisation ? O. M. : En tant que studio indépendant, on a pris le parti de communiquer sur le jeu dès les premières images réalisées, pour qu’il soit rapidement connu, avant même que le jeu ne sorte dans le commerce. Et c’est le cas. D’ailleurs le jeu est déjà connu dans le monde des « gamers » et on a tout intérêt à ne pas les décevoir car il est assez attendu, c’est pour ça qu’on se laisse le temps de le perfectionner jusqu’au mois de mars pour qu’il soit parfait. On en est déjà à 10 000 fans sur Facebook actuellement. 54 ÉTATS : Avez-vous des concurrents en Afrique ? O. M. : Oui, il existe d’autres studios de création en Afrique mais le marché est encore très vaste et surtout on a pris une niche encore vierge, à savoir le jeu de type « african fantasy ». Nous sommes les seuls à avoir fait ce type de jeu. Mais dans ce type de jeu d’aventure, il n’y a pas vraiment de concurrence comme dans les jeux de sport. Il faut juste que le jeu soit bon et qu’il plaise aux joueurs. 54 ÉTATS : Avez-vous déjà prévu une suite pour ce jeu ? O. M. : Oui, pour l’instant il est construit en deux grands chapitres, mais nous avons déjà prévu trois versions scénaristiques.

54 ÉTATS : Combien êtes-vous dans le studio ? O. M. : Pour l’instant nous sommes une vingtaine de personnes, dont 10 dessinateurs et 4 programmeurs, dont moi puisque je programme aussi, plus un musicien et une équipe administrative. 54 ÉTATS : Avez-vous prévu un événement pour la sortie du jeu ? O. M. : Oui, nous envisageons de faire le « Kiro test day », un jour de promotion où nous inviterons les médias pour le jour de la sortie du jeu. 54 ÉTATS : Avez-vous déjà d’autres projets ? O. M. : L’idée pour nous est de finir la saga Aurion et de faire des déclinaisons mobiles. Nous avons aussi des demandes de productions qui voudraient faire une version dessin animé basée sur le jeu que nous étudions actuellement. Pour nous, l’année 2015 est l’année d’embrayage sur laquelle nous devrions sortir notre grosse artillerie. On a pour ambition de devenir le premier éditeur de jeux vidéo sur le continent. Car en fonction des capitaux qu’on aura pu lever dans le monde, on voudrait organiser nous-même la distribution sur le continent.

Pour connaître Kiro’o Games et le jeu vidéo Aurion : l’héritage des Kori-Odan, visitez le site web de l’éditeur : kiroogames.com. Vous pouvez également voir une vidéo de présentation du jeu à l’adresse suivante : youtu.be/gb7Z7NVmiZ8

54 ÉTATS : Comment attaquez-vous les marchés européen et américain ? O. M. : En fait de façon assez simple car en ce qui concerne le secteur des jeux d’aventure, les joueurs sont assez ouverts à l’innovation, ils sont friands de découvrir de nouveaux jeux. L’important encore une fois est que la qualité soit au rendez-vous, il faut que cela soit irréprochable et c’est ce que nous essayons de faire. Nous sommes aussi en train encore de lever des rampes d’investissement et cela pourrait intéresser des investisseurs. 93


par Moez TRABELSI

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APRÈS AVOIR ATTEINT LES QUARTS DE FINALE EN 2010 ET RÉUSSIR L’EXPLOIT DE REMPORTER LA CAN 2012 AVEC LA ZAMBIE, LE 8 FÉVRIER 2015, HERVÉ RENARD A REMPORTÉ SA DEUXIÈME COUPE D’AFRIQUE DES NATIONS AVEC LA CÔTE D’IVOIRE, EN BATTANT LE GHANA EN FINALE. IL ENTRE DANS L’HISTOIRE EN DEVENANT LE PREMIER SÉLECTIONNEUR À GAGNER CETTE COMPÉTITION AVEC DEUX SÉLECTIONS DIFFÉRENTES ! Le moins que l’on puisse dire, c’est que rares sont les entraineurs à avoir un palmarès sur le continent africain digne de celui d’Hervé Renard. Repéré par cet autre « sorcier blanc » Claude Leroy, il devient son adjoint à Cambridge, puis au Ghana. Avec les Black Stars, ils réussissent à atteindre la troisième place de la CAN en 2008. Dans la foulée, le natif d’Aix-les-Bains prend seul les rênes de la Zambie, qu’il emmène en quart de la Coupe d’Afrique pour la première fois depuis quatorze ans. Il retrouvera les Chipolopolos en 2011 après un intermède compliqué (défaut de paiement, non-obtention de visa) du côté de l’Angola. 2012 sera l’année de la consécration, la Zambie remporte la première CAN de son histoire face à la Côte d’Ivoire de Drogba, Yaya Touré ou Romaric... Un coup retentissant ! Fort de ce succès, il rejoint le FC Sochaux en 2013 qu’il ne parvient toutefois pas à sauver. Le club est relégué en Ligue 2 mais, du haut de ses 46 ans, c’est en Afrique que Renard décide de rebondir. En 2014, il succède à Sabri Lamouchi à la tête de la Côte d’Ivoire avec la réussite qu’on lui connaît. En dépit d’une rencontre assez terne qui s’est achevée sur un triste 94

QUE CE FUT HALETANT ! 0-0 au bout des 120 minutes de jeu, les hommes d’Hervé Renard sont venus à bout du Ghana à l’issue d’une séance de tirs au but historique (9-8). Et pour cause, après les ratés initiaux de Wilfried Bony et Junior Tallo, bien audacieux celui qui aurait misé une pièce sur des Éléphants sans défense. C’était sans compter sur le grand héros de la soirée, Copa Barry ! Le gardien ivoirien a donné la victoire à sa nation en stoppant le tir de son homologue, Brimah Razak, avant d’envoyer sa propre frappe au fond des filets juste derrière ! Tout un pays chavirait dans le bonheur ! Pour en arriver là, les Ivoiriens ont dû âprement lutter pour sortir d’une poule qui semblait très abordable au premier abord. Un premier match cauchemar pour les Éléphants qui se sont vu très vite menés par la Guinée, puis réduits à 10 après l’expulsion de Gervinho. Finalement, ceux-ci ont réussi à égaliser grâce à un but de Seydou Doumbia en fin de match (1-1). Bis repetita lors du second match, face au Mali, avec une égalisation tardive de Max-Alain Gradel après une ouverture du score malienne très tôt dans le match (1-1). Une petite victoire face au Cameroun (1-0) en clôture de la phase de poule leur a toutefois permis d’accrocher la première place. Libérés de toute pression et enregistrant le retour de Gervinho, les matchs à élimination directe ont été bien mieux abordés. Surtout, en sortant l’Algérie (3-1) – pourtant favorite de la compétition – en quart de finale, la Côte d’Ivoire s’ouvrait en grand le chemin de la finale. En demi-finale, la République démocratique du Congo ne faisait pas le poids (3-1) ! Après 23 ans d’attente et une panoplie de stars, telles que Yaya Touré, Wilfried Bony, Kolo Touré, la Côte d’Ivoire décroche enfin le titre tant espéré depuis des années. La consécration pour cette génération dorée.


LE COUP DU SORT ! À égalité parfaite dans le groupe D'après avoir enchainé trois nuls sur le même score (1-1), le Mali et la Guinée n’ont pas eu droit à une séance de tirs au but mais bien à un… tirage au sort pour déterminer laquelle des deux sélections passera à l’étape suivante. Cruel et hasardeux mais surtout contraire à l’éthique du sport. Et le Mali prit le chemin de la maison sans même avoir perdu une rencontre...

@ Pius Utomi Ekpei

LA POLÉMIQUE ! Voilà un match qu’on n’est pas prêt d’oublier ! La Tunisie mène 1-0 et semble se diriger tranquillement vers le dernier carré quand l’arbitre accorde un pénalty totalement imaginaire à quelques secondes de la fin du match pour la Guinée équatoriale. Une décision lourde de conséquences. La prolongation verra le Nzalang Nacional inscrire un second but. Les Aigles de Carthage prennent la sortie.

LE JOUEUR ! Christian Atsu, l’ailier droit ghanéen, a été élu meilleur joueur de la CAN 2015 par la Confédération africaine de football. Auteur de deux buts et d’une passe décisive, il aura fortement contribué au beau parcours de sa sélection. Maigre consolation pour le joueur d’Everton qui aura vu le titre lui filer sous le nez.

@ eurosport.fr

LE MATCH !

@ africatopsports.com

LA SURPRISE ! Invitée de dernière minute suite au désistement du Maroc, la Guinée équatoriale a eu l’immense courage d’organiser la compétition en tout juste deux mois. Pour sa seconde participation (après 2012), le Nzalang Nacional a déjoué tous les pronostics en atteignant le carré final. Sortis d’une poule indécise (Congo, Gabon et Burkina Faso), les hommes d’Esteban Becker ont obtenu une victoire très controversée (2-1) face à la Tunisie en quart avant de céder en demi-finale contre les futurs champions ivoiriens.

Quart de finale. 65e minute d’un derby brûlant 100 % Congolais. Favori, le Congo de Claude Le Roy déroule, fort de ses deux buts d’avance. Cruelle erreur de la part des Diables rouges qui ne résisteront pas à la soudaine furia de la RDC ! Résultat final, 4-2 au terme des 90 minutes pour des Léopards survoltés qui terminent cette CAN sur le podium !

LES DÉCEPTIONS ! Le Cameroun restera certainement la plus grosse déception de cette CAN en sortant au 1er tour. Malgré une flopée de bons joueurs tels qu’Aboubakar, Njie ou encore Nkoulou, les Lions indomptables n’ont pas gagné le moindre match. L’Algérie, de son côté, n’a pas été à la hauteur des attentes de ses supporters. Une élimination précoce, en quart, a mis fin au parcours de Fennecs annoncés favoris. Les Bentaleb, Brahimi et autres Feghouli n’auront pas su tirer leur sélection vers le haut. Quant au Gabonais Pierre-Emerick Aubameyang, bien seul, il n’aura pas assumé son statut de star...

95


UN CONTINENT, 54 ÉTATS Plus d’1 milliard d’habitants très inégalement répartis sur 30 415 873 km2, soit 20 % des terres émergées ou 55 fois la France.

SOUTH SUDAN

REPÈRES PAYS PAR PAYS : POP : population (en millions d’habitants, 2012) IDH : classement des pays en fonction de l’indice de développement humain établi par le Programme des Nations unies pour le développement (2013) du 1e au 47e : très élevé – du 48e au 94e : élevé – du 95e au 141e : moyen – du 142e au 187e : faible PIB/HAB. : produit intérieur brut par habitant en nominal établi par le FMI (en dollars, 2013) SUP: superficie

96


AFRIQUE AUSTRALE

AFRIQUE DU SUD

ANGOLA

53,1 POP : 118 IDH : 6621 PIB/HAB : 1 221 037 SUP :

BOTSWANA

20,8 149 5964 1 246 700

LESOTHO

2 109 7120 581 730

MALAWI

2,2 162 1 290 30 355

MOZAMBIQUE

NAMIBIE

26,4 178 593 799 380

16,8 174 223 118 484

SWAZILAND

1,2 148 3473 17 364

2,3 127 5636 824 270

ZAMBIE

ZIMBABWE

15 141 1845 752 612

14,5 156 1007 390 757

AFRIQUE CENTRALE

BURUNDI

POP : IDH : PIB/HAB : SUP :

CAMEROUN

10,4 180 303 27 834

CENTRAFRIQUE

22 152 1 331 475 442

CONGO

4,7 185 334 623 000

GABON

1,7 112 12 326 267 667

4,5 140 3 223 342 000

GUINÉE ÉQUATORIALE

RDC

SOMALIE

SOUDAN

1,1 144 20 605 28 051

RWANDA

12,1 151 704 26 338

70 186 388 2 345 409

SAO-TOMÉ ET-PRINCIPE

0,2 142 1625 1 001

TCHAD

13,2 184 1218 1 284 000

AFRIQUE DE L'EST

DJIBOUTI

POP : IDH : PIB/HAB : SUP :

ÉRYTHRÉE

0,9 170 1 593 23 200

ÉTHIOPIE

6,5 182 544 117 600

KENYA

98 173 518 1 104 300

OUGANDA

45,5 147 1 316 580 367

38,8 164 623 236 860

10,8 600 637 657

38,7 166 1 941 1 790 000

SOUDAN DU SUD

11,7 1 289 644 329

TANZANIE

50,7 159 719 947 300

AFRIQUE DE L'OUEST

BÉNIN

POP : IDH : PIB/HAB : SUP :

BURKINA FASO

10,3 165 805 112 622

NIGER

NIGERIA

POP : 16,6 IDH : 187 PIB/HAB : 447 SUP : 1 264 000

CAP-VERT

18 181 711 275 500

CÔTE D'IVOIRE

SÉNÉGAL

187 152 3 082 923 773

GAMBIE

20,8 171 1 332 322 463

0,5 123 3 633 4 033

SIERRA LEONE

14,5 163 1 048 196 007

GHANA

1,9 172 453 11 295

26,4 138 1 871 238 537

GUINÉE BISSAU

1,7 177 567 36 125

GUINÉE

12 179 560 245 857

LIBERIA

4,3 175 479 111 370

MALI

15,7 176 646 1 241 231

TOGO

6,3 183 805 71 740

6,9 166 637 56 785

MAGHREB ET MOYEN-ORIENT

ALGÉRIE

ÉGYPTE

POP : 39 IDH : 93 PIB/HAB : 5 606 SUP : 2 381 741

LIBYE

84,2 110 3 243 1 002 000

MAROC

6,2 55 10 702 1 759 500

MAURITANIE

33,4 129 3 160 446 550

3,9 161 1 126 1 030 700

TUNISIE

11,1 90 4 317 162 155

OCÉAN INDIEN

COMORES

POP : IDH : PIB/HAB : SUP :

0,8 159 928 1 862

ÎLE MAURICE

1,3 63 8 120 1 865

MADAGASCAR

23,5 155 463 592 000

SEYCHELLES

0,09 71 14 918 455 97


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Objectif plateformes sur le territoire national

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