54 ETATS, LE MAGAZINE DE L'AFRIQUE N°17

Page 1

le magazine de l’afrique

www.54etats.fr N°17 Nov / Déc 2014 éDITION INTERNATIONALE

édito par

fodé sylla « (...) faire partie intégrante d’un ensemble humain »

DOSSIER SPÉCIAL

ÊTRE NOIR

3’:HIKLTD=^UX]UX:?a@a@b@r@k";

« (...) La prise de conscience de l’homme noir sur sa véritable condition » Aimé Césaire

M 01939 - 17 - F: 3,80 E - RD

being black

© Christiane Taubira Facebook

SPeCIAL report

édition internationale et afrique subsaharienne : france 3,80 € - dom 4,80 € - réunion 4,80 € - guyane 4,80 € - bel 4,00 € - maroc 40 dh - algérie : 394,3 dza - tun 6,8 dt - zone cfa 3100 - niger 3100 xaf - cameroun 2700 xaf - sénégal 2700 xaf - gab 2700 xaf - côte d’ivoire 2700 xaf - issn 2258 - 0131



le magazine de l’afrique

SOMMAIRE

COVER

Dossier spécial : Être noir ................................................................................ 7

SPECIAL REPORT

Theme : Being black ....................................................................................... 69

POUVOIR

Être noir dans le Maghreb, une identité à éclairer .......................................... 26 Stéphanie Pouessel – Les enjeux identitaires au Maghreb ........................... 29 Algérie – le refuge syrien................................................................................. 30 Kenya/CPI – Kenyatta en chevalier blanc ...................................................... 32 Soudan du Sud – Retour en enfer .................................................................. 34 Amel boubekeur – Maghreb : le danger Daesh.............................................. 36 élection à l’OIF............................................................................................... 37 Hassen Chalghoumi – L’Afrique, c’est l’avenir................................................ 38

MONDE

François Hollande, cible de toutes les critiques ............................................. 40 Nicolas Sarkozy de retour aux affaires ........................................................... 43 Business : Benamor à la conquête de l’Afrique .............................................. 44 L’UNESCO et la Guinée équatoriale main dans la main ................................ 45 Russie/Ukraine : de la guerre à la paix ? ....................................................... 48

SOCIÉTÉ

Ebola, le virus de la peur ................................................................................ 50 Ebola : une autre course contre la montre...................................................... 54 Tanzanie, terre sauvage de l’Afrique .............................................................. 56 Les Massaïs : entre tradition et modernité ..................................................... 58

TENDANCE

I want it in gold & black ................................................................................... 62 Détox .............................................................................................................. 63 Shopping Noël 2014 ....................................................................................... 64 Le make-up idéal le soir des fêtes................................................................... 65 Les looks improbables .................................................................................... 66 Actu ciné + spectacle...................................................................................... 67 Carte................................................................................................................ 84 Données sur l’Afrique...................................................................................... 85

www.54etats.fr

© Karl Grobl / EDC Inc

54etats.fr

Abonnement.................................................................................................... 86

Retrouvez-nous sur www.lekiosk.com rubrique presse spécialisée et sur application 54 états 3


Mail : contact@54etats.fr Site : 54etats.fr N° commission paritaire : 0714191439 N° ISSN : 2258-0131 Tirage : 20 000 exemplaires

la rédaction Priscilla wolmer

Société éditrice: Wolmer Communication SAS 5, rue du Capitaine Tarron 75020 Paris Tél. : 01 40 31 30 82 Siren : 751 081 159 R.C.S Bobigny Code APE : 58147

DIRECTRICE DE LA PUBLICATION priscilla.wolmer@54etats.fr

Directrice de la publication : Priscilla Wolmer pwolmer@wolmercommunication.fr

sandra wolmer

DIRECTRICE DE LA rédaction sandra.wolmer@54etats.fr

Directrice de la rédaction : Sandra Wolmer swolmer@wolmercommunication.fr Directrice artistique : Magéna Aubert Assistante directrice artistique : Cindy Le Lay Direction marketing et diffusion : Mercuri Presse Directeur stratégie & développement Europe : Yannick Etoundi +33 (0)1 40 31 30 82 yannick.etoundi@54etats.fr Directeur de la publicité Europe et Afrique : Alejandro Evuna +44 7961 043014 aevuna@wolmercommunication.fr Rédacteur en chef : Claude Wolmer

GAËLLE NGAKO

HERVé pugi

élise François-Dainville

alexandre blot luca

Julia buquet

arnaud longatte

magéna aubert

cindy le lay

CHEF DE RUBRIQUE TENDANCE gaellengako@54etats.fr

journaliste herve.pugi@54etats.fr

journaliste elise.francoisdainville@54etats.fr

Secrétaire de rédaction : Jessica Cohen Chef rubrique Tendance : Gaëlle Ngako Journalistes : élise François-Dainville / Alexandre Blot Luca / Julia Buquet / Baillor Jalloh / Arnaud Longatte / Gaëlle Ngako / Hervé Pugi / Rabah Seghir / Priscilla Wolmer / Sandra Wolmer Ont collaboré à ce numéro : Antoine Arjakovsky, Yan Lieutaud Crédits photographiques : Facebook, Flickr, Raymon Dakoua, Julia Buquet, Arnaud Longatte, Pixabay, Freepik Abonnement au magazine papier : par email en mentionnant votre contact complet : contact@wolmercommunication.fr ou par courrier à l’adresse de la rédaction : Wolmer Communication SAS 5, rue du Capitaine Tarron 75020 Paris

journaliste alexandre.blotluca@54etats.fr

journaliste julia.buquet@54etats.fr

journaliste arnaud.longatte@54etats.fr

Imprimeur : Léonce Deprez ZI-62 620 Ruitz RC Bethune 54B43 www.leonce-deprez.fr Copyright (textes et photos) Tous droits réservés à Wolmer Communication SAS La rédaction n’est pas responsable des textes, illustrations, photos et dessins publiés qui engagent la seule responsabilité de leurs auteurs. Les documents reçus ne sont pas rendus et leur envoi implique l’accord de l’auteur pour leur libre publication. Les textes des publicités et publi-reportages sont rédigés sous la responsabilité des annonceurs. Ils n’engagent pas Wolmer Communication SAS. Afin de garantir son indépendance, Wolmer Communication SAS se réserve le droit de refuser toute insertion publicitaire sans avoir à justifier sa décision.

directrice artistique magena.aubert@54etats.fr

assistante d. a. cindy.lelay@54etats.fr

photographe raymond.dakoua@54etats.fr

contact RéDACTION 5, rue du Capitaine Tarron 75020 PARIS

ATTENTION : toute l’équipe du magazine 54 éTATS figure ci-dessus. Nous avons été avertis que certaines personnes utilisent le nom de notre support pour démarcher vos entreprises d’Europe et d’Afrique.

tel : +33 (0)1 40 31 30 82 MAIL : redaction@54etats.fr

yannick etoundi

directeur stratégie & développement europe yannick.etoundi@54etats.fr Tel : +33 (0)1 40 31 30 82

4

raymond dakoua

alejandro evuna mba directeur stratégie & commercial afrique alejandro.evuna@54etats.fr Tel : +234 706 790 0563


SOS RACISME « être noir » ainsi

s’intitule le dossier spécial qui ouvre notre numéro. Quoi de plus logique alors que de confier notre édito à Fodé Sylla, premier député noir européen et ancien président de l’association SOS Racisme, laquelle fête ses trente ans cette année ? Il a été nommé, en date du 17 octobre 2014, ambassadeur itinérant du Sénégal par décret présidentiel.

Q

uand on me demande ce qu’est « être noir », il me revient en mémoire les paroles de cette célèbre chanson : « Noir, c’est noir ! Il n’y a plus d’espoir ! » Drôle de langue qui assimile ma fierté d’être au… désespoir. Car, au-delà de la querelle sémantique, il s’agit bien de s’interroger sur qui nous sommes. Être noir ne fait pas de nous des êtres meilleurs ou moins bons. Est noir celui qui se reconnaît comme tel, comme l’héritier d’une histoire humaine, où la couleur de la peau a trop souvent servi de prétexte à assouvir des rêves de domination. Ce trop-plein de mélanine sera à l’origine de tant de souffrances et servira à justifier, à déshumaniser l’être noir. Dès lors, tout est bon pour consolider cette vision criminelle. La pureté, la beauté, la virginité… seront synonymes du blanc et étendu à travers les religions, les mythes et les croyances. Le Noir, quant à lui, sera associé au néant et à l’enfer ! Et, il se trouva quelques « belles âmes » qui, pour soulager leur conscience, fermèrent les yeux sur ce génocide et proclamèrent qu’on pouvait continuer le commerce lucratif d’hommes quand d’autres déclarèrent avec certitude que les Noirs n’étaient pas des élus de Dieu. La bonne affaire ! Dès lors, le « Blanc » s’investit, à leur égard, d’une mission salvatrice : les civiliser. Il s’ensuivit la période coloniale, propagatrice de stéréotypes si forts que l’on pouvait voir des chimpanzés et des Pygmées dans les expositions universelles au pays des Lumières et ailleurs. Tant que le Nègre était marchandise, qu’on avait pour lui une mission civilisatrice, tout allait bien au pays de Candide. Mais voilà que le Noir décide de « rentrer dans l’Histoire ». Il ne se laisse plus faire et se révolte contre toutes les formes d’oppression qui asservissent le continent africain, et parvient à s’en délivrer. L’apartheid, son ultime succédané, sera vaincu par Nelson Mandela et son peuple. Au-delà des mers, Haïti sera la première république noire. Tandis que les états-Unis d’Amérique se déchirent dans une guerre civile qui fonde sa démocratie en dénonçant l’esclavage, avant d’imposer les droits civiques avec Martin Luther King et Malcolm X.

Entre-temps, on a eu besoin de l’homme noir pour soutenir la démocratie et lutter contre la sauvagerie nazie durant les deux guerres mondiales du xxe siècle. Tirailleurs africains ou les « Buffalos soldiers » chers à Bob Marley contribuèrent à sauver l’humanité de ses démons. L’Histoire donne le vertige.

Fodé SYLLA

ans

édito

Qu’est-ce donc qu’être noir aujourd’hui ? C’est affirmer que « Black is beautiful » et revendiquer la fierté d’être ce que nous sommes, c’est surpasser notre propre histoire. Obama l’a fait avant de devenir le Commander in Chief de la première démocratie du monde. Être noir, c’est engager un rapport de force partout dans le monde où l’on est victime de préjugés et « plafonds de verre », en s’inspirant de la capoeira, ce sport de combat que l’esclave fit passer pour une simple danse au yeux du maître pour le jour venu, imposer ses droits. Être noir, c’est exceller dans l’art de la dialectique comme le firent Senghor et Césaire et transformer le mot péjoratif « nègre » en concept. « Ce n’est pas pour nous une affaire purement et simplement physique, raciale, une couleur (...) plus encore que ça, c’est une somme de souffrances, une douleur, le sentiment d’oppression, d’une exclusion, c’était ça pour nous la négritude ». Si être noir n’est pas une sinécure, c’est une formidable contribution à l’histoire de l’humanité. Une contribution qui a guidé W.E.B. Dubois et Frantz Fanon lors du premier Congrès de la race noire à Paris. Une contribution qui a poussé la génération SOS Racisme à s’engager aux côtés d’Harlem Désir, Julien Dray et Rocky dans la lutte contre le racisme en France. Ce qui a abouti, quelques années plus tard, à l’émergence de la France « black, blanc, beur ». Quelle meilleure réponse que celle-là à la question d’être noir ? Être noir, c’est faire partie intégrante d’un ensemble humain.

5



À quelle époque entre-t-il dans la langue française ? Connaissez-vous le sens de l’expression « petit-nègre » ?

Négritude…

Nègre…

Quelle est l’origine de ce mot ?

Est-ce un concept issu d’une théorie raciste ou, au contraire, d’une théorie réhabilitant les peuples noirs ?

aimé Césaire Je peux dire que la négritude est un humanisme c’est vrai, encore une fois c’est un humanisme et c’est très facile à comprendre. La négritude ce n’est pas pour nous une affaire purement et simplement physique, raciale, une couleur, la qualité des cheveux, ce n’est pas ça pour nous l’humanisme. Ça ne peut pas ne pas être ça. C’est ça, mais c’est plus encore que ça. C’était une somme de souffrances, c’était une histoire, c’était une douleur, c’était le sentiment d’une oppression, c’était le sentiment d’une exclusion. C’était tout ça pour moi lA négritude (…)

et l’humanisme c’est quoi ? C’est passer de ce cas particulier à un cas général ! Donc je ne peux pas rester insensible devant la souffrance de l’homme, où qu’il soit, qu’il soit Blanc, qu’il soit Jaune, que ce soit de l’Inde, que ce soit de Chine... Oui, partout où est l’homme, partout où il souffre, partout où il est humilié, partout où il est écrasé, je pense que là est ma place, et là est notre place.

« Nègre »

C’était un souvenir, c’était une mémoire, c’était une fidélité, c’était la haine de l’injustice, la haine de l’oppression et l’aspiration à la liberté et l’épanouissement de l’homme. Mais c’est ça l’humanisme.

est un nom masculin ou adjectif qui désigne les personnes à la peau noire. On utilisait ce terme pour parler des esclaves africains qui étaient envoyés dans les colonies de l’Amérique du Sud, des Caraïbes ou de l’Amérique du Nord. Le mot « nègre » a une connotation très négative / péjorative, puisqu’il diffuse l’image d’un être inférieur pouvant être « commercialisé ». à partir des années 60, le mot « nègre » est peu à peu abandonné pour être remplacé par celui de « Noir », à connotation neutre. Aujourd’hui, pour désigner une personne à peau noire, on utilise les expressions « Noir » ou encore « personne de couleur », voire, dans le langage familier, l’anglicisme « Black ». 7


portraits

JOSéPHINE BAKER

© John Springer Collection-CORBIS

Son exotisme et son originalité susciteront tantôt admiration tantôt indignation. Son apparition détonante dans la Revue nègre au Théâtre des Champs-Élysées, son pagne de bananes et sa chanson fétiche J’ai deux amours marqueront indélébilement les esprits. Sa route croisera celle de Jean Cocteau, de Pablo Picasso, de Georges Simenon et de Colette. Cette danseuse, meneuse de revue, actrice née américaine puis naturalisée française contribuera à largement diffuser le jazz et les musiques noires et plus généralement la culture nègre. Elle militera contre le nazisme et le racisme puis concrétisera son rêve de fraternité universelle en adoptant des enfants venus des quatre coins du monde. En cédant aux sirènes de l’universalisme français pour échapper aux affres de la misère et fuir le climat délétère d’une Amérique ségrégationniste, la Vénus d’ébène est définitivement entrée dans la légende. Portrait de Joséphine Baker, la plus française des Américaines (1906-1975).

© Flickr Pierre Lannes

La Revue nègre Depuis des années déjà, les danses exotiques sont en France régulièrement mises à l’honneur lors des expositions universelles et coloniales car elles permettent de mettre en spectacle l’autre. Le mouvement corporel s’impose en tant que traduction visuelle de l’altérité culturelle. Âgée d’à peine 20 ans, Joséphine débarque à Paris en 1925. Il règne dans la capitale française un parfum de liberté. L’effervescence intellectuelle et culturelle s’empare d’une population désireuse de laisser éclater sa joie de vivre afin de mieux oublier l’horreur de la guerre.

L’ARTISTE

Si ses interprétations scéniques reprennent indéniablement l’image du « bon petit nègre », on ne peut pour autant réduire l’artiste à une sauvageonne bouffonne. Ce raisonnement équivaudrait à ne pas prêter à celle qui dansait comme elle l’entendait la capacité de s’approprier les stéréotypes raciaux et de s’en jouer pour mieux les dénoncer.

© rue-des-archives

Le 2 octobre 1925, lors de la première de la Revue nègre, Joséphine se révèle au Tout-Paris qui découvre une manière de danser absolument inédite. Cette nuit-là une légende naît ! À bas la rigidité corporelle ! Vive les gestes animaliers, grands écarts désarticulés, déhanchements endiablés, expressions faciales incroyables ! Ce corps beau, noir, dénudé se meut impudiquement en rompant avec les canons des danses européennes alors en vogue (danse classique, danses de salon). Au sortir de la Revue nègre, la polémique est lancée : modernité pour les uns, avilissement de l’Homme noir pour les autres.

Joséphine, qui exécutera ultérieurement au Théâtre des Champs-Élysées « La danse sauvage », seins nus, vêtue d’une simple ceinture de bananes, sur un rythme de charleston, créera un choc culturel sans précédent. La « bête noire de Mistinguett » (comme aimait la surnommer Charles Trénet) incarnera tout un imaginaire par la qualité de sa danse, par son érotisme, par son énergie. Elle cristallisera le fantasme érotique sur la femme noire. Elle occupera une place bien particulière dans le monde du music-hall et y ouvrira une voie pour d’autres danseuses. Cette femme jouissant d’elle-même et de son propre corps incarnera une forme de libération pour les Noirs et pour les femmes. Entrée dans la postérité grâce à ses spectacles de music-hall et ses chansons, Joséphine deviendra la première star noire du cinéma en tenant des premiers rôles féminins au cours de sa brève carrière cinématographique. 8

LA FEMME Ses engagements Femme noire, épouse d’un juif, Joséphine décide dès 1939 de lutter contrer le nazisme. Ses activités (notamment la transmission de messages rédigés sur ses partitions à l’encre sympathique) permettront à la Résistance d’avancer et de déjouer les projets adverses. Plusieurs distinctions honorifiques lui seront remises en récompense de ses bons et loyaux services envers la France. Cette artiste originaire du Mississippi, marquée par le climat de terreur entretenu par le Klu Klux Klan, s’est engagée en faveur de l’émancipation des Noirs et a tout logiquement soutenu le mouvement en faveur des droits civiques de Martin Luther King. Sa tribu Joséphine adoptera des enfants venus du monde entier et les accueillera dans le château des Milandes. Utopiste invétérée, elle pensait pouvoir relayer son rêve de fraternité universelle dans les plus hautes sphères de l’État. Quelle ne sera pas son incompréhension lorsqu’on l’expulsera de ce lieu, si cher à ses yeux ! Comme en témoignent les nombreux hommages qui lui sont rendus, plus de trente ans après sa disparition, les Français éprouvent toujours une véritable fascination à l’égard de celle qui s’est imposée comme la première superstar noire. Cette étoile n’en finit pas de briller. Sandra WOLMER


BLAISE DIAGNE LE PRÉCURSEUR

© bnf.fr

Des rues de Dakar à celles de Paris, le souvenir de Blaise Diagne s’est progressivement estompé de la mémoire collective. Dans une Afrique toujours habitée par la douloureuse question du colonialisme, cet enfant du Sénégal est trop longtemps apparu comme l’incarnation de l’assimilationnisme. Difficile dans ces conditions d’accéder à une postérité à la hauteur de ses flamboyants successeurs. Plus encore pour celui qui s’est vu affublé de son vivant du cruel sobriquet de « judas africain », voire de « judas nègre ». Le destin de ce fils de Sérère, par son père, et de Mandjaque, par sa mère, est pourtant en bien des points remarquable. Recueilli dans sa prime jeunesse par une famille de notables métisse, les Crespin, le petit Blaise accédera à des responsabilités inimaginables pour un homme de son milieu mais surtout de… sa couleur. Dans un monde où la suprématie blanche prévaut, Blaise Diagne casse les codes. Dans sa vie privée tout d’abord, il épouse en 1909 une jeune femme blanche Marie-Odette Villain qui lui donnera quatre enfants. Dans la vie publique surtout où il parvient à arracher la députation du Sénégal, dès 1914, au nez et à la barbe des riches négociants blancs qui se disputaient traditionnellement le poste. Un siège qu’il ne quittera plus jusqu’à sa mort, le 11 mai 1934. Parallèlement, il occupera la fonction de maire de Dakar à partir de 1920.

Une ambivalence coupable ?

© Mondial photo press

« La voix de l’Afrique », tel est le surnom gagné au Palais-Bourbon par Blaise Diagne, premier Africain élu à la Chambre des députés puis sous-secrétaire d’État aux colonies. Plus de 30 ans avant l’élection d’un certain Léopold Sédar Senghor dans les rangs de l’Assemblée constituante, le natif de Gorée le 13 octobre 1872 a joué le rôle de précurseur pour toute une génération d’intellectuels, issus de l’Afrique coloniale, qui accéderont aux responsabilités au moment de l’indépendance de leurs pays. Un homme historique qui garde pourtant une image trouble.

L’élection au Palais-Bourbon est un séisme dans la France très conservatrice, réactionnaire même, de ce premier quart du xxe siècle. Victime des préjugés racistes de son époque, Blaise Diagne va également devoir composer avec les critiques de ceux qui avaient vu dans son ascension une lueur d’espoir pour les « indigènes ». Toute l’ambiguïté du personnage tient en fait dans une déclaration : « Nous, Africains de France, nous avons choisi de rester français, puisque la France nous a donné la liberté et qu’elle nous accepte sans réserves comme citoyens égaux (…). Aucune propagande, aucune influence de la part des Noirs ou des Blancs ne peut nous empêcher d’avoir le sentiment que la France est capable de travailler pour l’avancement de la race noire ». Républicain convaincu, Diagne semble n’avoir en fait jamais envisagé l’avenir de l’Afrique autrement que dans le cadre colonial. Ce qui ne l’empêcha pas pour autant d’œuvrer à l’amélioration du sort des Africains et de la cause noire. Son engagement dans le panafricanisme naissant connaîtra cette même ambivalence. Reflet de la difficulté de défendre un peuple colonisé tout en siégeant dans un Parlement de… colonisateurs. Voué aux gémonies pour avoir justifié le travail forcé, participé activement à l’enrôlement des tirailleurs sénégalais en 1918 ou s’être laissé aller à un affairisme typique des mœurs de son temps, il convient néanmoins de rendre à Blaise Diagne sa place dans l’Histoire. Celle d’un précurseur qui défendait, de son propre aveu, « des idées saines basées sur une évolution rationnelle, et non sur une révolution brutale ». Hervé PUGI 9


cover

10


LE BON NÈGRE ?

L’époque coloniale aura été porteuse de nombre de stéréotypes dans l’opinion publique française (et au-delà). Déniant à ces peuples toute histoire ou civilisation, le colonisateur affiche un paternalisme plein de condescendance qui n’est pas sans arrière-pensée. Toute une imagerie autour du « bon noir » va naître. Pas anodin dans une France qui entend mener à bien une « mission civilisatrice » dans ses possessions d’outre-mer.

© casteurman

Tintin dans le collimateur La plus parfaite illustration de l’ensemble de ces stéréotypes est très certainement l’album de bande-dessinée Tintin au Congo, prépublié en 1930 avant d’être réédité en 1946. Au moment des indépendances africaines, Hergé n’échappera pas à la critique et se verra taxé de racisme. Ce à quoi le dessinateur répondit : « toutes les opinions sont libres, y compris celle de prétendre que je suis raciste... Mais enfin, soit ! Il y a eu Tintin au Congo, je le reconnais. C’était en 1930. Je ne connaissais de ce pays que ce que les gens en racontaient à l’époque : Les nègres sont de grands enfants... Heureusement pour eux que nous sommes là ! Et je les ai dessinés, ces Africains, d’après ces critères-là, dans le pur esprit paternaliste qui était celui de l’époque, en Belgique. » Des préjugés qui remontent à des temps anciens. On peut ainsi être choqué quand on voit une affichette anglophone datant de 1769, faisant l’annonce de l’arrivée d’une cargaison de nègres à vendre sur le marché. On le sera tout autant pour ce qui est de la promotion de différentes Expositions coloniales où l’on présentait les « nègres à l’état sauvage », de véritables « zoos humains » où étaient mis en scène, en cage, des populations noires, tels des animaux.

Le décret d’abolition de l’esclavage de 1794 ne met pas, loin s’en faut, Noirs et Blancs sur un pied d’égalité. En effet, en 1885, la conférence de Berlin partagea l’Afrique comme un butin au profit des pays colonisateurs. Dans les années vingt, le recours aux travaux forcés permet à la Société des Batignolles de faire creuser le chemin de fer du « Congo-Océan ». Ce n’est qu’en 1946, avec la loi Houphouët Boigny, que les travaux forcés sont interdits. La décolonisation et l’indépendance (ou l’assimilation pour ce qu’on appelle aujourd’hui les départements d’outre-mer) est un processus lent et parfois violent. Bien que la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 mentionne expressément que « les hommes naissent et demeurent libres égaux en droits », Napoléon rétablira même l’esclavage en 1802 (aboli en 1815). Il faudra attendre 2001 en France pour qu’un texte de loi soit promulgué pour lutter efficacement contre toute discrimination. En France, la première manifestation anti-raciste est la Marche pour l’égalité et contre le racisme et qui a lieu en 1983, faisant suite à des violences policières à l’encontre de jeunes issus de l’immigration. C’est ainsi que naîtra l’association SOS Racisme, fondée en 1984, luttant contre toute forme de discrimination et qui poursuit encore aujourd’hui son combat. D’autres associations naîtront par la suite, comme le CRAN (Conseil représentatif des associations noires) ou encore Sortir du colonialisme et qui luttent activement contre le racisme et les discriminations en France. Sous l’égide de l’état, mais de façon indépendante, la Halde (Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité) avait été créée en 2005, puis dissoute en 2011 au profit de Défenseur des droits, la nouvelle autorité constitutionnelle de défense des droits fondamentaux. AL

© www.deshumanisation.com

« Moi, bon nègre tout noir, tout noir, de la tête aux pieds, si vous voulez voir, venu à Paris, pensant rigoler… » Voilà la ritournelle accrocheuse de À la cabane bambou, chanson popularisée par Félix Mayol, qui a fait danser tout Paris au début du XXe siècle. Un exemple parmi tant d’autres de la représentation que pouvait se faire la France métropolitaine de ses lointaines colonies. De « Bamboulino, jolie moukère négro » à « Nénufar, joyeux lascar » qui « pour être élégant, c’est aux pieds qu’il mettait ses gants », la culture populaire va associer aux Noirs une forme de naïveté débilitante qu’elle ne cessera de décliner durant des décennies. Lèvres épaisses, cheveux crépus et nez proéminent, l’Africain le Noir en fait acquiert très rapidement des traits, entre sauvagerie et bouffonnerie, pour le moins caricaturaux. À ce faciès va vite être adjoint un parler qui sera tout aussi vite qualifié de « petit nègre », terme qui fera son entrée dans le Grand Larousse en 1928 accompagnée de cette définition : « Français élémentaire qui est usité par les Nègres des colonies ».

Des clichés à la dent dure Outre les propos racistes de personnalités politiques, les écrits outrageants dans certains magazines, les clichés du « bon petit nègre », des appellations à caractère raciste dans les produits de consommation courante sont malheureusement aujourd’hui encore d’actualité. Les associations veillent heureusement au grain et n’hésitent pas à dénoncer le caractère offensant ou raciste de propos, de publications, ou bien même de noms de produits donnés par des fabricants qui véhiculent encore une image colonialiste voire raciste. Après les « Y’a bon Banania » bien connus et d’autres images archaïques de l’homme noir, on voit encore apparaître des bijoux « style esclave » commercialisés par la marque espagnole Mango, des thés « exposition coloniale » vendus par la marque Mariage frères, des déguisements « zoulous » chez Kiabi, des chocolats « Négro » et « Bamboula », d’une chocolaterie française ou encore une campagne de publicité de Danone pour le produit Danette, où est mise en scène une famille noire déguisée en animaux. Tous ces produits ou appellations ont été retirés de la vente ou modifiés, suite aux dénonciations faites par les associations comme SOS Racisme. Preuve que l’esprit « colonialiste » et les clichés racistes sont toujours persistants en 2014.

© Jacob histgeo.over-blog.com

© www.deshumanisation.com

« Y’A (PAS) BON ! »

AL & HP 11


cover

D

QUAND LA FRANCE

DANSAIT

NOIR

« Le dimanche soir, on délaissait les amères élégances du scepticisme, on s’exaltait sur la splendide animalité des Noirs de la rue Blomet. […] À cette époque, très peu de Blanches se mêlaient à la foule noire ; moins encore se risquaient sur la piste : face aux souples Africains, aux Antillais frémissants, leur raideur était affligeante ; si elles tentaient de s’en départir, elles se mettaient à ressembler à des hystériques en transe. […] Le bruit, la fumée, les vapeurs de l’alcool, les rythmes violents de l’orchestre m’engourdissaient ; à travers cette brume je voyais passer de beaux visages heureux. » Ce témoignage exubérant, signé Simone de Beauvoir dans son autobiographie La Force de l’Âge, en dit long sur l’ivresse provoquée par la découverte de la culture mais plus encore de la musique antillaise durant l’entre-deux-guerres. Une tendance qui s’inscrit dans l’air du temps. à l’image du prix décerné par l’Académie Goncourt à l’auteur martiniquais René Maran pour son Batouala, véritable roman nègre en 1921. L’Exposition coloniale internationale de 1931, visitée par 33 millions de curieux, consacre définitivement la culture de ces îles lointaines dans une capitale rêvant de renouer avec la frénésie des années folles.

© Rudy

ans la foulée du succès de la célèbre Revue nègre, conduite par la truculente Joséphine Baker (voir p.8), une véritable « négrophilie » envahit Paris dès la fin de la Grande Guerre et tout au long des années 30. Si les GI américains ont introduit leur jazz endiablé, les Antillais vont réussir à imposer leur biguine toute aussi démentielle. Apparue en Guadeloupe dans la seconde moitié du XIXe siècle, celle-ci va devenir la reine des cabarets de la capitale.

Les artistes adorent !

Le Bal colonial (dit aussi Bal nègre), le Bal de la Glacière, le Canari ou le Rocher de Cancale deviennent très rapidement des hauts lieux de la nuit parisienne. Loin des cafés policés des grands boulevards, ces cabarets transpirent une suavité inconnue. Un parfum de transgression et d’interdit qui les rend plus attractifs encore. La diaspora antillaise voit ainsi débarquer artistes et intellectuels blancs. De Mistinguett à Maurice Chevalier, en passant par Hemingway, Fitzgerald, Cocteau ou Picasso, tous feront halte dans ces « lieux de débauches », comme ils sont décrits par les milieux réactionnaires. Le Prince de Galles, futur édouard VIII, noceur devant l’éternel, viendra lui-même vibrer aux sons des frères Bathuel, de Des Wouves ou encore de Robert Charlery, entre autres musiciens de l’avant-garde antillaise. Les Sartre, Camus, Vian et autres Prévert retrouvent ainsi au Bal nègre un Robert Desnos, venu en voisin, ensorcelé par une ambiance inédite. Il en assurera d’ailleurs la promotion dans la revue Comoedia : « Un bal oriental s’est installé. Un véritable bal nègre où tout est nègre, les musiciens comme les danseurs : et où l’on peut passer, les samedi et le dimanche, une soirée très loin de l’atmosphère parisienne parmi les pétulantes Martiniquaises et les rêveuses Guadeloupéennes. »

© Rudy

Hervé PUGI

12


13


portraits « Rêve n’apaisons pas parmi les clous de chevaux fous un bruit de larmes qui tâtonne vers l’aile immense des paupières »

© halehighschool.info

© lefigaro.fr

Humanisme et modernité en lettres noires

A

imé Césaire rencontra Senghor sur les trottoirs de la rue Saint-Jacques à Paris et cette rencontre fut pour lui fondamentale. à propos de Senghor, il écrira : « en découvrant Senghor, j’ai découvert l’Afrique ». Ils partageront ensemble les interrogations au sujet de l’homme noir dans un monde dominé par l’Occident. De cette rencontre, et de celle faite aussi avec Léon-Gontran Damas, naît un mouvement littéraire, la négritude, où des œuvres majeures comme le Cahier d’un retour au pays natal fait exploser la grande poésie noire. Ce texte, publié en 1947, est l’un des plus grands ouvrages poétiques de l’époque. André Breton, qui l’a préfacé, reconnaît là un « grand poète noir » et fait de son auteur l’une des voix majeures de ce qu’on appellera plus tard la francophonie. La négritude a libéré l’homme noir de ses complexes et lui a rendu la fierté d’être noir et la force de prendre son destin en main.

© vintageperiods.com

Senghor disait de lui qu’il était l’inventeur du mot « négritude ». Ce concept était apparu dans la revue L’étudiant noir qu’ils avaient fondée ensemble dans les années trente. Jean-Paul Sartre avait été l’un des premiers à célébrer ce concept en parlant du Noir et de la négritude : « Insulté, asservi, il se redresse, il ramasse le mot de nègre qu’on lui a jeté comme une pierre ».

Aimé Césaire

14

Grand lecteur, Césaire avait lu Hegel, Marx et s’interrogeait sur l’identité noire. Il s’inspira aussi des écrivains noirs-américains comme W. E. B. Du Bois, Langston Hughes ou encore Claude Mac Kay, ces auteurs de la « Harlem Renaissance », mus par une quête identitaire et spirituelle et par le besoin d’affirmer leur singularité. Il fréquenta aussi le salon littéraire tenu par deux sœurs antillaises qui publiaient la Revue du monde noir. C’est ainsi que naquit le mouvement de la négritude qui fait état de la prise de conscience de leur identité par les Noirs. En tant qu’humanisme, la négritude est un courant de modernité. Il redéfinit l’identité de l’homme noir et, par là même, l’identité de l’Homme.

« La poésie est une insurrection contre la société » Il mène ainsi la marche de tout un peuple vers la dignité et l’émancipation : « Nous savons que le salut du monde dépend de nous aussi, que la terre a besoin de n’importe lesquels de ses fils. Le monde a besoin de nous aussi ». Tout comme Senghor, Césaire ne dissocie pas la vie poétique de la vie politique dans laquelle il s’engagera toute sa vie. Député de la Martinique et maire de Fort-de-France, il aura la reconnaissance de la France où une plaque lui sera dédiée au Panthéon en 2011.

Arnaud Longatte


© Rudy

Senghor ou l’art de l’émotion noire

L

éopold Sédar Senghor est un humaniste. Il s’engagea en politique comme en poésie où, pour lui, l’une était indissociable de l’autre. Agrégé de grammaire, il enseigne le français aux « Français de France » dès 1935 avant de s’engager en politique où, dès 1960, il sera élu président de la République du Sénégal. Le chantre de la négritude, avec Aimé Césaire et quelques autres noue une relation entre l’africanité et la francité, dans laquelle il s’inscrit comme l’héritier des poètes modernes de la littérature française, mais aussi celui des griots de l’Afrique noire. Retour sur ce géant du monde noir moderne.

Fait priso nnier en 1 il faillit ê tre exéc 940 par les Alle mands, uté en ra leur de ison de peau e sa cout racon vie sau ta ve que qu’il ne dut la grâce d’un offi à l’inte cie rvention à l’honn r français qui e n eur milita a alleman ire de so vait appelé d. à l’o n homo rigine d logue concep e la cré t littérair ation du e et po gritude, lit ique de il lui don n la néartistiqu e au co era une définit ion plus urs de so rique en n la qualifi œuvre théoému de ant de « faculté l’h d’être Il oppose omme noir ». en effet nègre d ans la m l’art occidenta l à l’art esure où est celu l’art occ i de la ra idental ison et l’ l’intuitio art noir, n. celui de « La poé sie Car alors ne doit pas pé rir. , où sera it l’espo L. S. Sen ir du Mo ghor nde ? »

Ainsi, à la ghor dé croisée de ces veloppe chemin s, Sensemble une po ces deu étique qui rasx sensib est rythm ilités. e : « Le est just génie d Pour lui, tout ement u c ette fac poète nègre qui perm ulté d’é et de re mo tal ». Sa n poésie e forcer le rythm tion st fondé sensible e vie sur l’é de l’écri motion ture et, théoricie en cela n , il est un La négri moderne du ly risme. tude de S tant de enghor s a est nou rrie auçaise qu uteurs de la littératu e re Il est don de la tradition orale afr franc à la fo ic is un héri intégran tier et fa aine. te it partie vement, de la poésie fr ançaise il . In faisait p avait compris que l’art tuitiartie de l’art tou nègre artistes t court : on « Si ses ment de t assimilé, inté gré l’en s arts nè seignegres, c’e senti le be st qu’ils en ont tiel man soin. Quelque ch quait à la civilis ose d’essentraction ation de : d’être enracin d’être fa ée dan l’absite par e s la vie t pour la Le ryth , me de vie l’Afrique . » dans se s premie e st in troduit rs recue néanmo ils in français s dans la trad où il œuvre e. Cet ition po é échang bouillon e cultu tique ne rel, ce gnature ment, ce méti ssage e . Il st aux stro mêle le rythm e des ta sa siphes, a m ux sonn que No ets. C’e -tam ctu st ainsi velle ère rnes, en 1961, ouvre u poétiqu ne noud’ombre e. Déjà , dans , Chants des surr dès 1945, où il éa se rapp roche se fait se listes, l’influenc e de l’ ntir. Car, Afrique selon lui, provoqu « seul le e rythme transform le court-circu it poéti e le cu qu ivre en verbe ». or, la pa e et role en Sans re nier ses origines fait sien ne la la ngue fra africaines, il a lu faire nç se rejoin dre ces aise et a vousait-il : cu « la nég ritude, l’ ltures car, diaussi vo arabism us, Fran e, c’est çais de l’Hexag one ». enius.co

© rap.g

« Tam-tam de mes nuits Tam-tam à la lèvre de nègre Bakongo. Ouvre-moi le rythme d’une vie nouvelle Comme un germe épousant la terre Produit l’arbuste qui pousse à coups de sueur de sang et de larmes »

m

© gravure d’André Masson

A. L. 15


© scto.fr

portrait

Leon-Gontran Damas le troisieme homme de la negritude Peu connu du grand public, il est pourtant à l’origine du mouvement politique et littéraire humaniste de la négritude avec Aimé Césaire et Léopold Sédar Senghor. Poète et homme politique engagé, il fut récemment tiré des oubliettes par Christiane Taubira, garde des Sceaux, qui cita quelques-uns de ses vers en pleine séance de l’Assemblée nationale.

I

l est né en 1912 en Guyane et va passer par la Martinique où il rencontre Aimé Césaire. Il part ensuite en métropole en 1928. Il est publié pour la première fois dans la revue Esprit, grâce au soutien d’André Gide et son premier recueil, Pigments, préfacé par Robert Desnos, paraît en 1937. Là, il exprime les frustrations de l’homme noir dans la société blanche et dénonce le complexe d’infériorité qu’il ressent dans un système raciste qui le différencie seulement à cause d’une question de « pigmentation ». Ce qu’il exècre par-dessus tout, c’est le mimétisme imposé par les dominants, les Blancs : qu’il faille s’habiller comme les Blancs, parler « le français de France ». En ayant « l’impression d’être ridicule dans leurs salons dans leurs manières dans leurs courbettes dans leur multiple besoin de singerie », il fustige la norme des Blancs, celle qui lui impose l’assimilation, le modèle. En 1937, Pigments avait été jugé comme une « atteinte à la sûreté de l’état », car une traduction en langue baoulé en Côte d’Ivoire dissuadait les Africains de se mobiliser comme « tirailleurs sénégalais ». Plus tard, le recueil Retour de Guyane est tout simplement interdit. Pendant la guerre, il s’engage dans l’armée française et, après la Libération, en 1948, est élu député de Guyane et siégera donc à l’Assemblée nationale. Black-Label, son recueil de poésies le plus connu, est publié chez Gallimard en 1956. Là encore, il s’en prend à la « labellisation » des Noirs. C’est dans celui-ci que l’on retrouve le poème Nous les gueux, qui fut cité il y a peu au Palais-Bourbon par Christiane Taubira, garde des Sceaux :

16

Jamais le Blanc ne sera nègre 
 Car la beauté est nègre 
 Et nègre la sagesse 
 Car l’endurance est nègre 
 Et nègre le courage » « Qu’attendons-nous
les gueux
les peu
les rien
les chiens
les maigres
les nègres
pour jouer aux fous
pisser un coup
tout à l’envi
contre la vie
stupide et bête
qui nous est faite » En 1966, Pigments est réédité avec Graffiti et son nouveau recueil Névralgies chez Présence Africaine. La même année, il va lancer dans un numéro spécial de Présence Africaine, avec la collaboration d’Aimé Césaire, une anthologie de plus de cent poètes de la diaspora noire, dont des auteurs sud-africains et brésiliens, faisant une « anthologie de poésie du monde nègre ». En 1970, il accepte la « Chair of Black Studies » de l’Université de Howard où il ira enseigner. Citons pour finir quelques vers tirés de Black-Label, où Damas s’amuse à opérer un renversement littéraire qui lui permet de faire part de ses ressentiments d’homme noir : « Jamais le Blanc ne sera nègre, Car la beauté est nègre, Et nègre la sagesse, Car l’endurance est nègre, Et nègre le courage .» A.L.


le magazine de l’afrique

retrouvez votre magazine préféré

sur internet, smartphone et tablette !

lekiosk.com l’application 54 états

17


congrès de la race

noire

1. Marcus Garvey 2. Blaise Diagne 3. Georges Clémenceau 4. John Hope 5. Charles D. B. King 6. William E. B. Du Bois 7. Robert Russa Moton. Photo centrale : participants du Congrès des écrivains et artistes noirs à la Sorbonne en 1919.

18


En 1919, le premier congrès panafricain s’ouvre à Paris à l’initiative de l’intellectuel afro-américain W. E. B. Du Bois et avec l’appui du député sénégalais Blaise Diagne.

L’adoption d’un « code de protection des indigènes d’Afrique » ainsi que le droit à l’autodétermination pour les colonies y seront notamment revendiqués. Cet événement sera l’occasion d’exprimer les aspirations noires. 19


cover

© société-perillos

© DR

le BUMIDOM Pendant vingt ans (1960-80), le gouvernement a mis en place une politique migratoire afin de répondre à l’agitation sociale (désir d’indépendance) et à la crise économique (démographie galopante, chômage massif résultant de l’effondrement de l’économie sucrière) auxquels sont confrontés les départements d’Outre-mer.

C’est dans ce contexte qu’en 1963, l’initiative de Michel Debré (alors député de La Réunion), une entité étatique plus connue sous le nom de Bumidom (Bureau pour les Migrations Intéressant les Départements d’Outre-Mer : (Guadeloupe, Martinique, Guyane et La Réunion) voit le jour.

© Claude Coquil

Cette institution organise la migration de milliers de jeunes domiens en leur faisant la promesse d’une vie meilleure : aller simple gratuit vers la métropole, logement et emploi garantis sur place. L’arrivée en France se révèlera bien plus sombre : travaux harassants, maigres salaires, racisme.

Pour ces nombreux migrants, le Bumidom reste

© Raymond Battaglia

l’histoire d’une mystification Pour ces nombreux migrants, le Bumidom reste l’histoire d’une mystification, celle d’un Eldorado inexistant sur la base duquel des milliers d’individus ont décidé de bâtir une nouvelle vie en laissant tout derrière eux. Sandra WOLMER 20


L’affaire des Réunionnais

de la Creuse

© http://www.pm.gc.ca

© DR

une histoire sombre de la République française

Pendant dix-huit ans, de 1963 à 1981, plus de 1600 enfants réunionnais sont transférés vers la métropole, sur ordonnance de Michel Debré, pour repeupler les campagnes françaises et sont envoyés dans la Creuse et dans le Cantal, désertées lors de l’exode rural.

C

C’est ainsi que 1615 enfants réunionnais de tous âges sont « déplacés » vers la métropole. Ceux-ci ont été pris en charge par l’état français en tant que « pupilles de l’état ». Le hic, c’est que ces enfants n’étaient pas tous orphelins ou abandonnés par leur famille. Certains ont été déclarés pupilles alors même qu’ils avaient bel et bien des parents à La Réunion. Bizarrement, les archives locales ont brûlé dans les années soixante-dix.

© willgoto.com

’est une histoire méconnue encore à ce jour. à l’époque, en 1963, Michel Debré vient de perdre son poste de Premier ministre. Il est alors élu député de La Réunion et se propose d’y être l’artisan de la modernité. à ce moment, l’île est dans une période catastrophique au niveau sanitaire, social et la démographie y est galopante. Dans le même temps, les campagnes françaises se désertifient. C’est dans le cadre de la création du Bumidom et du Cnarm (Comité national d’accueil et d’actions pour les Réunionnais en mobilité) que ces enfants seront « transférés » vers la France métropolitaine.

© Libération

On parlera bientôt de « rafles », d e « déportatio ns »

En effet, les « pupilles » qui devaient aller à Paris faire des études et pouvaient revenir pendant les vacances se voient offrir un aller simple pour la Creuse, le Gers ou le Tarn où ils seront parfois adoptés, parfois placés en foyer, envoyés dans des fermes, des chantiers pour servir de main-d’œuvre gratuite et corvéable à souhait. En 1973, le journal Libération publie un article où il évoque un système de « déportation ». Mais ce n’est qu’en 2002 que l’un d’eux, JeanJacques Martial, dépose une requête contre l’état pour « enlèvement, séquestration de mineurs, rafle et déportation ». D’autres ex-pupilles

déposeront plainte, dossiers qui iront jusqu’à la Cour européenne des droits de l’homme, en vain. En février 2014, Ericka Bareigts, députée réunionnaise, dépose à l’Assemblée nationale une proposition de résolution afin que l’état reconnaisse sa responsabilité dans cette affaire. Cette résolution a été adoptée par l’Hémicycle, mais elle a surtout une portée symbolique qui permettra toutefois aux ex-pupilles de tourner enfin la page sur cet épisode pénible et de reconstituer leur histoire personnelle. Arnaud Longatte 21


Interview

GASTON

© Google aeud.fr

KELMAN

Cet intellectuel français d’origine camerounaise, révélé au grand public grâce à son best-seller Je suis noir mais je n’aime pas le manioc, rejette la propension des noirs à se victimiser tout comme la condescendance que la société française leur témoigne. Celui qui se définit comme un « Bourguignon ascendant bassa » s’est livré, avec enthousiasme, au jeu des questions-réponses de la rédaction du magazine 54 ÉTATS.

54 ÉTATS : Quel regard portez-vous sur l’identité noire ? Gaston KELMAN (G. K.) : Il n’y a pas une identité noire. Chaque fois qu’un Noir se définit comme noir, il porte une identité qui a été définie par un autre. Ce qualificatif renvoie à l’identité de l’esclavage, l’identité de la servitude, l’identité du rejet, lesquelles ont créé la fiction du négatif de l’autre. Donc, il n’est pas possible que le Noir continue de penser que c’est une identité. 54 ÉTATS : Les expressions « issu de la diversité », « issu des minorités visibles » sont devenues monnaie courante. Que vous inspirent ces contournements lexicaux ? G. K. : Il s’agit d’une aberration totale ! Diversité de quoi ? Minorité de quoi ? Est-ce qu’on définit quelqu’un par la minorité ? Est-ce qu’on définit un peuple par les faveurs qu’on doit lui accorder ? S’il y a déni, s’il y a injustice, que l’on rétablisse la justice ! Mais, laissons aux individus la possibilité d’évoluer. Vous rendez-vous compte ? Définir quelqu’un comme une minorité visible, est-ce à dire que les autres constituent une majorité invisible ? C’est une aberration, une horreur absolue cette histoire !

« Un Noir débarrassé de l’angoisse de la couleur » 54 ÉTATS : Que pensez-vous des politiques antidiscriminatoires ? G. K. : Savez-vous que n’importe quel grand lycée coûtera toujours plus cher et sera par conséquent toujours mieux doté que n’importe quel établissement faisant l’objet d’un tel dispositif ? Certains espaces (par exemple la cité des 4 000) sont marqués par une forte discrimination négative. C’est précisément dans ces zones qu’un équilibre doit être rétabli. Il faut éviter de parquer les gens dans des espaces qui les marginalisent. Il faut faire en sorte que la diversité imprègne l’ensemble du territoire ou faire en sorte que les gens puissent habiter là où ils veulent en fonction de leurs moyens. Mais il ne faut certainement pas discriminer les espaces, y injecter ultérieurement un peu d’argent pour ensuite parler de dispositif pour quartier sensible ! Cela soulève aussi la question de l’éducation. Harry Roselmack est né à Tours et y a fait ses études Parce qu’il est noir, on dit qu’il est issu de la diversité culturelle. On a créé des cages ethniques. Quoi que vous fassiez, vous ne serez presque jamais un Français. Si un Noir dit qu’il vient de Montreuil, on ne le croira jamais, s’il affirme venir du Zimbabwe, tout le monde est satisfait : c’est un problème d’éducation. 22

54 ÉTATS : La jeunesse française peut-elle rêver d’un destin à la Obama ? G. K. : La question ne se pose pas en ces termes. L’enfant s’identifie plus à un médecin qu’à un député ou à un ministre. Il n’existe pas un modèle unique. Que l’on cesse de nous montrer l’échec ! Que l’on mette en exergue l’exemplarité positive ! Les reportages nous présentent constamment des bac +5 au chômage, comme si on ne voulait pas inciter les enfants à étudier. Les seuls à incarner un succès visible sont les rappeurs et les sportifs. Que l’on nous montre les hôpitaux et les médecins noirs ! Valorisons le fait que s’il y avait dix médecins noirs il y a 20 ans, il y en a 10 000 aujourd’hui. C’est cette évolution qu’il faut voir ! 54 ÉTATS : Christiane Taubira a été victime de propos racistes, lesquels ont suscité de timides réactions de la part de la classe politique française. Que cela vous inspire-t-il, notamment au regard des valeurs républicaines ? G. K. : Savez-vous le nombre de fois où Sarkozy a été insulté ? Savez-vous le nombre de fois où j’ai été traité de singe ? La république entière ne va pas se lever parce que Mme Taubira a été insultée ! Par contre, elle devrait se lever parce qu’une grande chaîne de télévision a décidé de mettre ce fait en exergue à une heure de grande écoute. Personne n’a été sanctionné. 54 ÉTATS : Est-il plus simple d’être noir en Afrique qu’en France ? G. K. : Le problème ne réside pas uniquement dans le fait d’être noir, il réside également dans le fait d’être africain. Il s’avère difficile d’être africain en France car l’image qu’on a de l’Afrique, hélas, est fausse. La France conserve encore ce regard de patron, de chef d’armée. Le problème c’est que le Noir continue d’être noir même en Afrique et qu’il continue à considérer le Blanc comme son supérieur. Quand le Noir réfléchit, il a le Blanc en face de lui. Évidemment le miroir déforme. J’appelle ça la pensée miroir. Le jour où le Noir cessera d’être noir, le jour où il se débarrassera de cette livrée (la/notre couleur est hélas une livrée), alors les choses évolueront. Frantz Fanon disait « Je ne suis pas prisonnier de l’Histoire. Je ne dois pas y chercher le sens de ma destinée ». Et devant, il n’y a pas de Noirs, il n’y a pas de Blancs, il y a moi et mon destin. Gaston Kelman est l’auteur de Monieur Vendredi en Cornouailles, Michel Lafon, 2013.

Propos recueillis par Sandra WOLMER


portrait CHRISTIANE TAUBIRA

L’ENGAGéE © Ian Langdson, MaxPPP

Certaines luttes offrent une postérité à celles ou ceux qui les mènent en dépit des préjugés de leurs temps. À l’instar de Robert Badinter (peine de mort) ou Simone Veil (IVG), Christiane Taubira restera celle qui a dû affronter tout un pan de la société pour offrir aux homosexuels le droit de se marier. Quoi de plus logique finalement pour cette femme pétrie de convictions dont la vie semble n’être qu’engagements ? « La résistance à l’oppression est un droit naturel »

« Aimer, c’est agir ! » Cette simple (mais si puissante) maxime griffonnée par un certain Victor Hugo à l’article de la mort pourrait parfaitement résumer la vie publique de la gamine de la rue des Trois-Cases devenue garde des Sceaux. Christiane Taubira, on l’aime… ou pas. Difficile pour autant de ne pas respecter le personnage. Et pourtant…

Louis Delgrès

« Monter, grimper…mais se hisser ? Oh ! Combien c’est difficile » René Char

LA POLITIQUE AGACE. Indépendante et obstinée, l’Hémicycle résonne encore de ses discours tonnés sans notes dans un univers policé, pollué en fait, par l’ombre de mille communicants aux éléments de langage convenus. Une personnalité atypique qui a fait de l’ancienne députée de Guyane un véritable phénomène médiatique. Ses contradicteurs politiques comme journalistiques admirent sa faconde autant qu’ils la craignent. Véritable tribun, elle convoque sans ambages les chantres de la négritude Césaire, Damas ou Senghor (ceux qui « ont pris le risque de s’exposer au lieu de rester sur l’Olympe ») mais aussi Rousseau, Jaurès, Hugo et tant d’autres. L’érudition est pour elle une véritable arme politique…

©DR

LA FEMME EXASPÈRE. Une tradition républicaine... Dans le machisme ambiant de notre société, l’ancienne candidate PRG aux élections présidentielles de 2002 refuse de se laisser « définir par d’autres ». Sur ce sujet comme sur tant d’autres, elle reste une « Fanm doubout », comme on dit du côté de Cayenne, n’ayant de cesse de dénoncer le sexisme ordinaire, « pas une résistance au féminisme, juste une imbécillité ». Son combat pour les femmes, il s’inscrit dans la « mémoire de l’exclusion et de l’oppression », si chère aux gens d’outre-mer. Le leitmotiv de tout son engagement.

« Il y a ma vie prise au lasso de l’existence. Il y a ma liberté qui me renvoie à moi-même » Frantz Fanon LA NOIRE DÉRANGE. Celle qui est à l’origine de la loi mémorielle du 21 mai 2001, reconnaissant les traites négrières et l’esclavage comme crimes contre l’humanité, est elle-même la victime de préjugés racistes que l’on espérait circonscrits à quelques rares esprits … sombres. Christiane Taubira prend des coups, bas, qu’elle encaisse avec une hauteur d’âme dont peu de ses ennemis peuvent se prévaloir. Non sans quelques blessures. Et si ne pas se laisser définir est un credo, ne pas oublier d’où l’on vient en est un autre tout aussi important. « Assumer ce que l’on est, ce n’est pas rejeter l’autre », expliquera-t-elle ainsi au magazine La Vie, « mais se mettre en condition pour l’accueillir ». Hervé PUGI 23


PEUT MIEUX FAIRE !

Alors que 10 % de la société française serait issue de la « pluralité visible » , l’Assemblée nationale ne compte qu’une dizaine d’élus de la diversité (soit 1,8 % des députés). Un constat qui pose la question de la représentativité des élites. Décryptage avec Eric Keslassy, sociologue et enseignant à l’IEP de Lille.

© DR

© R. Ying et T. Morlier

REPRÉSENTATIVITÉ POLITIQUE

Eric Keslassy a publié de nombreux ouvrages dont De la discrimination positive (Bréal, 2004) ou Tous égaux ! Sauf... (avec Martine Véron, Éditions Le Cavalier Bleu, 2006). Il est également l’auteur de Leçons d’introduction à la sociologie (Ellipses, 2014).

54 États : Il existe un décalage évident entre la société française et ses représentants, particulièrement en matière de « pluralité visible ». à quoi est-ce dû ? Eric Keslassy ( E. K .) : Pour qu’il y ait davantage de députés relevant de la « pluralité visible », il faut qu’ils obtiennent des investitures de la part des partis politiques de gouvernement. Or, les états-majors des « grands partis » se montrent globalement réticents en la matière : la gauche fait aujourd’hui beaucoup mieux que la droite mais elle s’y est mise très tardivement (rappelons, par exemple, que les gouvernements formés par Lionel Jospin entre 1997 et 2002 ne comportaient aucun ministre appartenant à la « pluralité visible » et les initiatives sans lendemain de Nicolas Sarkozy en 2007 l’ont en quelque sorte obligée à passer à la vitesse supérieure pour ne pas perdre un électorat trop longtemps considéré comme acquis. Les partis politiques sont clairement conservateurs : ils ne veulent pas prendre le risque de présenter des candidats « atypiques ». En face, les électeurs semblent prêts à voter pour des candidats relevant de la « pluralité visible.» Une nuance est cependant nécessaire : les enquêtes qui démontrent cette volonté remontent à quelques années alors que la société française paraît s’être durcie sur les thématiques liées à la « diversité » de la population.

24

54 États : Ce problème ne rejoint-il pas finalement celui des catégories socioprofessionnelles, ce que l’on nomme « pluralité visible » étant souvent associé aux couches populaires ? E. K. : Vous avez tout à fait raison. Il existe une surreprésentation des Français relevant de la « pluralité visible » dans les milieux populaires. Or, à l’Assemblée nationale, les Français appartenant aux classes populaires ne sont pratiquement plus représentés (par exemple, aujourd’hui, aucun député n’est issu de la classe ouvrière). Par conséquent, le problème du décalage entre la sociologie du peuple français et celle de ses représentants est bien plus large que celui de la « pluralité visible » : il faut aussi tenir compte de l’âge, du sexe et du milieu social d’origine. Il se maintient finalement, législature après législature, un profil type de l’élu : homme blanc de plus de 55 ans appartenant aux couches sociales supérieures.


54 États : Le clivage gauche/droite sur la question est-il réel ou faut-il juste y voir une question d’opportunisme ou de clientélisme politique ?

© cyberien

E. K. : Selon moi, il existe un véritable clivage politique entre la droite et la gauche en matière de représentation politique des Français relevant de la « pluralité visible ». Sous l’impulsion de Nicolas Sarkozy – peu importe ses motivations –, la droite avait pris une réelle avance mais qui ne s’est pas concrétisée par une politique en profondeur qui aurait prolongé ces mesures hautement symboliques (relevant néanmoins du « fait du prince »). La logique libérale s’est appliquée : si certains peuvent y arriver (Rama Yade, Rachida Dati), les autres sont en quelque sorte responsables de leur situation. à gauche, on l’a dit, le réveil est tardif mais permet davantage de promouvoir des élus relevant de la « pluralité visible » – comme le montrent les résultats de la dernière législative (10 élus).

© Lynne Featherstone

54 États : Est-ce qu’il serait opportun d’introduire des quotas ou une quelconque forme de discrimination positive dans la vie politique ? E. K. : Tout d’abord, il faut commencer par signaler que les quotas sont anticonstitutionnels. Il faudrait donc changer la Constitution – son premier article en particulier – pour mettre en place une telle politique, ce qui semble hautement improbable tant notre vision de la République s’appuie sur un profond attachement à l’égalité (théorique) des citoyens. Ensuite, au-delà de ce sérieux obstacle sur le plan juridique, les quotas à raison de l’origine ethnique posent de sérieux problèmes : quels seraient les groupes concernés ? Comment établir la frontière entre eux et à partir de quand considère-t-on que l’appartenance à un groupe est réelle ? Cela ne peut finalement que renforcer un communautarisme malheureusement déjà à l’œuvre dans notre société. Par contre, il est possible et souhaitable de mettre en place des mesures de discrimination positive indirecte pour les candidats issus de la « pluralité visible », à l’image de ce qui est pratiqué par le Parti socialiste lors des deux dernières législatives en leur conservant certaines circonscriptions. Un tel coup de pouce peut s’entendre comme une compensation légitime des discriminations dont ils souffrent au moment de la « distribution » des investitures. Propos recueillis par Hervé PUGI

25


pouvoir

Être noir

dans le Maghreb une identité à éclairer © onat.dz

Par-delà la problématique de l’identité nationale, régionale ou religieuse, la couleur de peau reste un critère de différenciation sociale dans le Maghreb, tout comme dans d’autres parties du globe. La couleur est un prisme dans lequel, semble-t-il, nécessairement, s’inscrivent les Noirs et les Blancs. Au fond, qui est noir, qui est blanc ? Telle est la question à laquelle il faut tenter de répondre prioritairement pour aborder celle de la négritude à l’intérieur de ce qu’on appelle le Maghreb.

Pour cela il faut éclairer avec l’Histoire les fondements mêmes de l’apparition de ces pays : histoire précoloniale, traite négrière, colonisations, guerres mondiales, guerres d’indépendance jalonnent l’existence de ces espaces géographiques que sont la Tunisie, le Maroc et l’Algérie.

En effet, il y a dans la population du Maghreb une population très importante d’origine berbère, ou amazighe et parlant le tamazight et qui ne se considère en aucun cas arabe. Le brassage imposé par des mouvements commerciaux et les différentes guerres depuis des temps immémoriaux a donné ce qu’on appelle aujourd’hui le Maghreb, qui est finalement un simple espace culturel et géographique et non une entité politique ou ethnique. Reste la question de l’arabité et de l’africanité du Maghreb. En effet, N’en déplaise à ceux-ci, les Maghrébins sont aussi des Africains, géographiquement parlant. © gaufia.blogspot.com

Mais tout d’abord, qu’est-ce que le Maghreb ? Le Maghreb est déjà une entité qui doit être bien définie afin que l’on puisse comprendre ce qu’est être noir dans cette région du monde. Le Maghreb (en arabe : ‫ برغملا‬al-Maghrib, « le Couchant ») est la partie occidentale du monde arabe correspondant à l’espace culturel araboberbère, soit la région d’Afrique du Nord comprise entre la mer Méditerranée, le Sahel, l’océan Atlantique et l’Égypte. Dans cette perspective, on pourrait dire, de façon grossière, que le Maghreb fait partie de l’Occident. C’est peut-être ce qui est à l’origine d’une confusion, en tout cas d’un certain flou, en ce qui concerne les Maghrébins à se définir eux-mêmes : sont-ils des Occidentaux, sont-ils des Africains ? Pourtant le Maghreb est aussi ce qu’on nomme « l’Afrique du Nord ». Tout, en effet, est une question de point de vue. En France, on les appelle parfois les Arabes, bien qu’il ne le soient pas réellement, mais simplement de culture islamo-arabe, enfin, pour partie d’entre eux seulement. 26

« On pourrait dire que le Maghreb fait partie de l’Occident » Être ou ne pas être noir, telle est la question « Un Noir est une personne à la peau sombre », diront certains. Certes, mais il convient encore une fois d’apporter quelques explications à ces notions. Si l’on s’en tient à ce raisonnement, une peau blanche, ou mate, s’assombrit avec le soleil. Dans cette logique, on peut parfaitement être au départ un Blanc pour finir par être un Noir, dans la mesure où l’identité « noire » se définit par la couleur de la peau. Le Blanc et le Noir semblent alors interchangeables : il y en a qui, en fonction de la pigmentation de leur peau, ou de leur position géographique, seront des Blancs pour certains ou des Noirs pour d’autres.

« Les Maghrébins sont aussi des Africains » En fonction de certains pays, l’arrivée de migrants provenant de la région subsaharienne de l’Afrique exacerbe les discriminations déjà existantes quant à la couleur de la peau. Pour des raisons différentes, mais d’une façon assez similaire, les pays du Maghreb sont confrontés à des difficultés économiques, et donc sociales, comme c’est le cas en Europe occidentale et en particulier en France : l’emploi est déjà précaire, sur fond de crise économique mondiale, et l’arrivée de ces migrants « noirs » provoque des ressentiments de la part des populations locales de souche ou installées de longue date dans le pays. Et pourtant, les Maghrébins noirs existent : ils ne sont ni des migrants subsahariens, ni des étrangers d’où qu’ils pourraient venir, ils sont des Tunisiens, des Algériens, des Marocains et ont tout simplement la peau sombre : ce sont des Noirs. Eux aussi, et pour la seule raison que leur peau est plus sombre, subissent de la part de ceux qui se disent « arabes » ou « blancs », mais qui ne sont pourtant pas plus Maghrébins que les premiers, une discrimination primaire qui se traduit par des brimades, des humiliations, voire des violences. On est en droit de se demander ce que pourrait bien penser de tout cela un Maghrébin né aveugle… Et, pour réfléchir encore un peu à la question, citons Claude Nougaro : « au-delà de nos oripeaux, Noirs et Blancs sont ressemblants comme deux gouttes d’eau », un chanteur français blanc qui se disait « noir en dedans ». Arnaud Longatte


couleurs

En chiffres et en

© medieva.com

Il est difficile de chiffrer la population dite « noire » dans le Maghreb car il n’y a pas de recensement qui peut être fait en fonction de la couleur de la peau. Et heureusement ! Cependant, quelques chiffres peuvent être avancés en ce qui concerne la population d’immigrés subsahariens.

ALGéRIE Sur une population totale de 39 millions d’habitants, les minorités noires sont concentrées dans le Sud, les Algériens noirs restent souvent confinés dans cette région. Il est cependant important de rappeler que, dans la Constitution algérienne, la discrimination raciale est bannie. Les représentants noirs dans la communauté algérienne sont très rares. On peut citer toutefois Abdelkader Zoukh, préfet (wali) dans la capitale, mais il est le seul. Dans les hautes fonctions de l’État, il n’y a que Noureddine Bedoui, titulaire du portefeuille de la Formation et de l’Enseignement professionnels, qui a la peau sombre. En revanche, certains se démarquent dans le sport ou la musique par exemple. On peut citer l’exemple de Raïs M’Bolhi, gardien de but de l’équipe nationale. Et pourtant, en recoupant des chiffres émis par divers organismes, on peut estimer qu’un Algérien sur quinze est un Algérien noir ! Concernant les problèmes liés à l’immigration des Subsahariens, l’Algérie ne fait pas exception quant aux a priori discriminatoires : le quotidien Al-Fadjr (L’Aurore) avait fait en mai 2014 sa une sur les « milliers d’Africains qui ont envahi les rues de la capitale », accusés de « propager les épidémies et d’autres maux sociaux comme le trafic de la fausse monnaie ». Abdelkader Zoukh, préfet d’Alger, est un des rares représentants noirs de l’Algérie

Raïs M’Bolhi, gardien de but des Fennecs, l’équipe nationale de football © afriqueinfos.com

27


Maroc

Une du magazine Maroc Hebdo de novembre 2012

Cette dérive discriminatoire fut alors dénoncée par le magazine marocain TelQuel. Un rapport fut remis au roi en septembre 2013, par le Conseil national des droits de l’homme (au Maroc), le CNDH, sur le thème « étrangers et droits de l’homme au Maroc : pour une politique d’asile et d’immigration radicalement nouvelle » (voir notre article « Maroc : terre d’immigration pour les Subsahariens », numéro 12 – Décembre-Janvier 2014). Le roi avait alors pris note des recommandations du CNDH et publié un communiqué soulignant que « le Maroc est devenu une terre d’asile pour les migrants ».

t uni s ie

© tunisie14.tn

Pour la petite anecdote, L’Ifriqya est le nom donné à la région de la Tunisie par les Romains, ce qui fait que la Tunisie est le premier lieu qui a été nommé « Afrique ». La population des Noirs représente pourtant 10 à 15 % de la totalité des 11 millions de Tunisiens. Cependant, les Tunisiens noirs souffrent aussi de discriminations à leur encontre. Une marche contre le racisme a justement été organisée en Tunisie par un collectif de citoyens et une association pour la défense des Noirs en Tunisie au mois de mars 2014. Le gouvernement fait actuellement les yeux doux aux pays subsahariens. Le président Marzouki a rencontré ses homologues d’Afrique subsaharienne en juin 2014 et le ministre des Affaires étrangères a organisé une réunion avec les ambassadeurs africains le 15 septembre dernier. En effet, le pays se tourne notamment pour des raisons économiques vers les pays subsahariens et souhaite multiplier les échanges commerciaux avec ceux-ci.

© africatime.com

Les immigrés subsahariens sont estimés à environ 30 000 personnes selon diverses sources dont les deux tiers d’irréguliers. Le Maroc est le pays du Maghreb où il y a la plus grosse proportion d’immigrés subsahariens. Pourtant, la discrimination est parfois criante, comme on peut le voir dans certains témoignages, où même la presse locale relaie des informations insensées, attisant une haine raciale primaire déjà existante. Le journal Maroc Hebdo avait fait parler de lui en titrant sa couverture en novembre 2012 « Le Péril noir », ce qui suscita un tollé, d’autant qu’il ne semblait pas différencier natifs et immigrés, laissant la seule couleur noire être le point d’ancrage de cette polémique.

Le président Marzouki avec son homologue gabonais Omar Bongo en juin 2014

A.L.

© trekearth.com

28


Stéphanie

Interview

Pouessel Les enjeux identitaires au Maghreb Le regard de l’anthropologue Stéphanie Pouessel, chercheur à l’Institut de recherche sur le Maghreb contemporain (IRMC) à Tunis, et qui a dirigé la publication de l’ouvrage Noirs au Maghreb, enjeux identitaires, en 2012, nous apporte son éclairage. 54 éTATS : Qu’est-ce qui a motivé le choix de ce sujet ?

© irmc.hypothèse.org

Stéphanie Pouessel (S.P.) : en partant de la question berbère au Maroc, l’idéologie militante berbère, pour se légitimer, se décrochait d’une zone culturelle qui est celle du « monde arabe » et se rapprochait d’une zone alternative qui serait l’Afrique. Et de là se dégageait aussi une problématique noire dans le Maghreb. 54 éTATS : Pourquoi ce sujet est-il émergent aujourd’hui ? S.P. : Depuis la révolution en Tunisie, ce fut aussi la naissance de nouveaux débats et donc celui d’explorer la notion de racisme. Il a alors été question d’explorer là-bas « son propre racisme ». 54 éTATS : Qu’est-ce qui ressort de cette réflexion ? S.P. : Il y a effectivement en ce qui concerne les Noirs dans le Maghreb la question des Subsahariens qui est différente de celle des locaux, des Maghrébins noirs. En Tunisie, le débat sur le racisme a été ouvert. Cela suscite la controverse, puisque les gens ont du mal à accepter qu’il y ait une forme de racisme tunisien, ils ont du mal à accepter leur propre racisme. Mais ceux qui le décrient font en sorte que cela se formalise avec le temps. Des associations ont été créées dans ce sens et proposent des événements, notamment la distribution de matériel pédagogique dans les villages noirs du Sud. Une pétition a également été signée pour faire pression sur l’écriture de la Constitution afin que soit intégrée l’interdiction de la discrimination raciale dans la Constitution. 54 éTATS : Comment cela peut-il évoluer ?

© maison-migration.tn

S.P. : L’association Mnemty, contre les discriminations et le racisme, voudrait travailler au niveau de l’éducation, à l’école, pour pouvoir influencer les consciences dès le plus jeune âge, pour mettre fin à des préjugés culturels qui seraient ancrés en Tunisie. Il y a également l’association Adam (Association de défense des droits des Noirs) qui opère en Tunisie, notamment en proposant un texte de loi contre les discriminations.

54 éTATS : Y a-t-il des différences de situation dans les pays du Maghreb par rapport aux Noirs ? S.P. : Oui, elles sont très différentes entre chaque pays. Ce sont des questions à prendre à l’échelle nationale, car elles sont relatives aux enjeux politiques du moment. Il n’y a pas encore dans le Maghreb ce qu’on pourrait appeler une identité noire transnationale. Au Maroc, un Africain a été tué début septembre et cela a défrayé la chronique. Il y a eu un mouvement de mobilisation de la part de la population, des manifestations ont eu lieu devant le Parlement la semaine suivante. Mais au Maroc le racisme est entendu comme un racisme envers les étrangers, les Noirs subsahariens. On n’évoque pas pour le moment le racisme contre les Noirs marocains, ce qui est une autre forme de racisme. En Tunisie, les Tunisiens noirs ont commencé à s’exprimer par rapport au racisme justement à partir du constat qui a été fait que le racisme existait envers les Subsahariens. Un groupe Facebook a été créé par l’Association tunisienne contre le racisme pour en parler. 54 éTATS : Le racisme est-il différent dans le Maghreb de celui qui existe ailleurs ? S.P. : Tout à fait. Parce que dans le Maghreb il n’y a pas réellement une identité noire, une culture noire. La société est très différente puisque les Noirs vivent dans ces pays depuis toujours à la différence par exemple de la France où il est issu d’une immigration. L’idée est donc de ne pas « racialiser », de ne pas opposer les Noirs aux Blancs, mais plutôt de travailler sur les stéréotypes, tous stéréotypes confondus et donc ceux liés à la couleur de peau. On ne peut pas accoler un système lié au racisme comme il existe en Europe, quand bien même il y a un racisme à combattre. Propos recueillis par Arnaud Longatte 29


pouvoir

algérie

© Béatrice Dillies

le refuge syrien Ils seraient 96 640 à en croire l’Agence des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR). Bien plus, 265 000, selon les données glanées auprès des autorités algériennes. Ils arrivent d’Afrique subsaharienne, de la Libye voisine mais aussi de la lointaine Syrie, fuyant généralement les violences et/ou la misère. Peu importe les chiffres finalement, le constat est clair : jamais l’Algérie n’a accueilli autant de réfugiés sur son territoire. Loin de tourner le dos aux grands principes que sont l’entraide et la solidarité, les autorités tentent de gérer cet afflux en mobilisant le maximum de ressources. Un devoir mais surtout une mission délicate au regard des crispations qui se font sentir dans une partie de la population sur ce dossier sensible.

Un responsable des droits de l’homme qui réclame l’interdiction d’entrée aux réfugiés subsahariens et syriens, un député d’obédience islamiste qui estime que « ces gens » ne doivent plus « emmerder les Algériens », ce ne sont là que quelques déclarations tapageuses (et isolées) qui ont conduit le quotidien El Watan à s’interroger via son éditorial du 16 septembre dernier : « L’Algérie se lepénise ? » Une question clairement provocante qui aura eu le mérite de mettre les Algériens en face de leurs valeurs mais aussi de renvoyer les pouvoirs publics à leurs responsabilités. Le « cas » des réfugiés syriens apparaît ainsi assez symptomatique des tensions qui traversent actuellement la société algérienne quant à la question relativement récente de l’immigration. Ils seraient 12 000 selon les autorités quand l’UNHCR n’en a recensé que 1 500 et que les médias parlent de 25 000 à 30 000 à avoir posé valises et baluchons dans toute les grandes villes d’Algérie. Des familles entières ayant tout abandonné derrière elles pour fuir cette Syrie enlisée dans une guerre civile meurtrière (plus de 200 000 victimes) débutée voilà plus de trois ans.

30

Exemptés de visa, nombre de Syriens ont très vite vu dans ce « pays frère » un refuge, qu’ils imaginaient éphémère, à leur infortune passagère. Las, plus de deux ans après la première vague d’arrivée massive, ces réfugiés se sont comme fondus dans le décor d’un quotidien tout sauf évident. L’émotion, la compassion et la solidarité affichées dans les premiers temps a laissé place, au mieux, à une certaine indifférence. Au pire, à un mépris certain. Les « naufragés » du square Port-Saïd, place emblématique en plein cœur d’Alger transformée en campement sauvage, sont devenus de véritables symboles. Tout comme ces quelques hommes et femmes qui, passeports à la main, quémandent dans les rues et sur les parvis des mosquées.


Entre compassion et « nif » Loin de rester inactifs, les pouvoirs publics – s’appuyant sur le Croissant-Rouge Algérien (CRA) et certaines œuvres caritatives - ont pourtant rapidement pris des mesures pour accueillir au mieux ces autres victimes de la guerre. La plus emblématique est très certainement la constitution de camps, à une trentaine de kilomètres de la capitale, du côté de Sidi Fredj et Ain Taya. « Ils sont nourris, blanchis et logés », explique Anwar E., bénévole au CRA, « ce n’est évidemment pas le grand luxe mais l’essentiel est d’offrir une certaine dignité à ces personnes. Et puis des mesures ont été prises pour scolariser les jeunes et les enfants à la rentrée… » Du côté du ministère de l’Intérieur, la communication se résume à affirmer que « les réfugiés sont libres d’aller et de venir à leur guise. Il ne s’agit surtout pas de camps d’internement ». De fait, ils sont nombreux à passer la nuit dans ces refuges pour regagner le centre-ville à la première heure afin de quêter quelques dinars. Ce qui a le don d’incommoder les locaux. « Le ʺnifʺ algérien ne se prête pas à ce genre de pratique », avance l’universitaire Amina F., « un Algérien fera tout et n’importe quoi pour se sortir de la misère avant de tendre la main. Ce ne sont que les plus indigents qui agissent ainsi. Beaucoup de gens ne comprennent pas cette attitude et ont fini par estimer que ces réfugiés, dans leur ensemble, n’ont d’autre projet que de profiter de leur hospitalité. »

Syriens, Palestiniens, Maliens et Sahraouis… Pourtant, il suffit de parler avec ceux qui côtoient ces migrants tous les jours, à l’image d’Anwar, pour découvrir une tout autre réalité. « Pour quelques-uns qui font la manche et préfèrent la rue à des solutions d’hébergements provisoires, il y en a beaucoup qui vivent dans de petits hôtels, ne veulent surtout pas faire parler d’eux et ne se signalent auprès de nous que pour récupérer quelques denrées ou des vêtements. Le point commun entre tous est que leur sort est tout sauf enviable. » Pas plus en tout cas que celui de l’ensemble des quelque 265 000 réfugiés, chiffre non officiel avancé avec une certaine récurrence, qui ont pris leurs quartiers dans le pays. Parmi eux, on dénombre 165 000 Sahraouis répartis dans les cinq camps érigés aux abords de Tindouf. Mais aussi, selon l’UNHCR, plus de 4 000 Palestiniens et près de 400 Maliens. Ces derniers, comme l’ensemble des migrants d’Afrique noire, doivent « faire face à de vieux préjugés qui rendent leur intégration difficile, pour ne pas dire impossible », ose Amina F. pour qui « l’Algérie fait encore l’apprentissage de l’ouverture sur le monde ».

Pas de plan d’expulsion

© Magharebia

Consciente de ses limites en matière de capacités d’accueil et du risque que la situation pourrait faire naître dans le domaine de la sécurité publique, l’état algérien tente de tarir cette immigration par des mesures concrètes. Ainsi, en plus d’un renforcement des contrôles aux frontières, la fréquence des rotations entre Alger et Damas est passée de trois vols hebdomadaires à un unique. Les passagers sont en outre contraints de présenter un billet retour au moment de l’embarquement. Quant aux réfugiés déjà sur place, les pouvoirs publics l’affirment, malgré l’irrégularité de leur situation (l’autorisation de séjour n’excède pas dans les faits 90 jours), ils ne prévoient pas de procéder à une quelconque expulsion. Ce que confirme la directrice du CRA, Saïda Benhabylès : « Nous n’avons refoulé ni Syriens ni autres et il n’y a aucun plan visant cela. Au contraire, nous avons reçu des instructions de les accueillir et de leur venir en aide, eux qui ont fui les guerres et les conditions affligeantes de la vie ». Hervé Pugi

ALGÉRIE

s

y

r

i

e C’est à plus de 3 000 kilomètres de Damas que nombre de Syriens ont donc trouvé refuge. Si cette communauté a essaimé partout dans le Maghreb, de 3 000 à 5 000 du côté du Maroc et de 2 500 à 3 000 en Tunisie, l’Algérie s’est imposée comme la destination première pour le plus grand nombre. Comment expliquer un tel choix ?

Il faut sûrement chercher du côté des liens historiques unissant ces deux pays pourtant tellement éloignés. C’est ainsi en Syrie que l’émir Abdelkader part en exil en 1855. Cette (première) grande figure de la résistance algérienne au colonialisme français aurait été suivie par une centaine de ses compatriotes du côté de Damas. Une véritable communauté maghrébine s’installe alors dans la capitale syrienne. Très vite intégrée à la population locale, celle-ci participera pleinement aux efforts de tout un pays dans sa lutte contre les colons. L’ombre de l’émir plane sur les relations entre les deux pays.

C’est effectivement son petit-fils, Saïd Abdelkader, qui prononcera en 1918 la déclaration d’indépendance d’un pays libéré de la domination britannique. Et ce avant d’endosser le rôle de Premier ministre du roi Fayçal. Quant à l’émir Khaled, autre descendant d’Abdelkader, il marchera dans les pas de son aïeul en se voyant contraint de fuir, sous la pression française, à Damas en 1926. Il y finira ses jours. L’histoire est ainsi faite que des centaines de Syriens prendront fait et cause avec le peuple algérien durant la guerre de Libération. Le plus célèbre est sûrement Nourredine al-Atassi qui accédera au poste de président de la République syrienne en 1966. Cette relation étroite connaît un véritable coup d’arrêt avec le putsch d’Hafez el-Assad en 1970. Le changement de régime conduit quelques opposants à prendre la route d’Alger alors que les relations diplomatiques entre les deux pays se dégradent. Reste une histoire commune et une mémoire entretenue par les diasporas respectives.

31


pouvoir

KENYA/CPI

© Heinrich-Böll-Stiftung

KENYATTA EN CHEVALIER BLANC !

© The Speaker

Le mercredi 8 octobre a vu, pour la première fois de l’Histoire, un chef d’État en exercice comparaître devant la Cour pénale internationale (CPI). Accusé de « crimes contre l’humanité », Uhuru Kenyatta, président du Kenya, s’est présenté devant les juges lors d’une conférence de mise en état qui a abouti à un… ajournement indéfini. La route vers le non-lieu s’ouvre en grand pour Kenyatta face à une CPI plus impuissante et contestée que jamais.

Uhuru Kenyatta a surpris son monde le 6 octobre dernier en annonçant devant « son » parlement qu’il répondrait favorablement à la convocation de l’institution judiciaire basée à La Haye (Pays-Bas). Tout en prenant la décision, forte, de déléguer ses pouvoirs à son vice-président, William Ruto. Lui-même poursuivi pour les mêmes faits, comme une trentaine d’autres personnes. Un désistement temporaire que le président a tenu à justifier devant les parlementaires : « Rien dans ma position ou dans mes agissements en tant que président ne justifie ma présence devant la Cour. Donc à tous ceux qui s’inquiéteraient du fait que ma présence lors de l’audience à La Haye (…) puisse compromettre la souveraineté de notre peuple ou bien qu’elle constitue un précédent, du fait de la présence d’un chef d’État devant la Cour, soyez rassurés, ce n’est pas le cas. » Si cette décision a fait son petit effet, il convient toutefois de souligner que, loin de tenter un improbable coup de poker, le président Kenyatta jouait en fait sur du velours du côté de la CPI. En effet, l’audience du 5 septembre, en l’absence du prévenu, avait vu la procureure Fatou Bensouda reconnaître qu’elle ne disposait pas d’éléments suffisants pour mener à bien son accusation. Plus encore après les rétractations successives de nombreux témoins, intimidés et réduits au silence, selon des organisations des droits de l’homme, mais aussi par la non-communication (par les autorités kényanes) de certaines pièces jugées majeures. 32

Entre symbole et camouflet… Côté coulisses, certains n’hésitent plus également à parler de pressions diplomatiques de la part de la Grande-Bretagne et des États-Unis. Londres et Washington verraient ainsi d’un bon œil le duo formé en 2011 par les anciens rivaux, Uhura Kenyatta et William Ruto. Un gage de stabilité dans une Afrique qui en manque souvent cruellement. Paradoxal si l’on se souvient que le camp occidental n’avait pas manqué de soutenir en 2013 l’opposant Raila Odinga, partie prenante dans les violences de 2007 et nullement inquiété par de quelconques poursuites. Du coup, la comparution d’Uhuru Kenyatta devant la CPI peut apparaître comme un véritable… non-événement. Derrière le symbole d’un président en fonction rendant des comptes devant des juges se profile un camouflet. En effet, la Cour a permis au président kényan de ressortir blanchi et grandi de cette courte escapade en terre néerlandaise. Le bourreau présumé est finalement rentré au pays auréolé du statut de héros de la lutte africaine contre cette institution judiciaire si décriée. À raison. Et tant pis pour les victimes de la crise de 2007… Hervé PUGI


Gbagbo et Blé Goudé sur le gril…

CONTEXTE Au lendemain de l’élection présidentielle de 2007, remportée par le président sortant Mwai Kibaki, le Kenya sombre dans une grave crise politique, sur fond de rivalités ethniques. La contestation par l’opposition des résultats du scrutin sonne le début de sanglants affrontements à travers tout le pays, provoquant la mort de plus de 1 200 personnes et le déplacement de 600 000 autres. C’est son rôle dans ces événements tragiques qui sont aujourd’hui reprochés à Uhuru Kenyatta qui a, entre-temps, accédé à la magistrature suprême le 9 avril 2013.

Neuf procédures en cours d’instruction pour des cas de violations des droits de l’homme et toutes concernent uniquement l’Afrique. Voilà une exclusivité qui a bien du mal à passer sur le continent. La Cour pénale internationale y est très largement perçue, au mieux, comme une justice partiale, au pire, comme une forme de néo-colonialisme. Dans tout les cas, celle-ci peine à s’imposer comme une institution crédible et nécessaire (dans son fonctionnement, pas dans son principe), au regard de l’intelligentsia africaine notamment. Et la simple présence d’une ancienne avocate guinéenne, Fatou Bensouda, au poste de procureur ne saurait suffire à étouffer ce ressentiment. Une « justice de vainqueur », tel est l’argument le plus couramment avancé. Surtout, une justice valable uniquement pour l’Afrique. Faut-il rappeler que certains pays comme les États-Unis, la Russie ou Israël, entre autres, ont signé le statut de Rome, entré en vigueur le 1er juillet 2002, sans toutefois ne jamais le ratifier ? D’autres, comme la Chine, ne reconnaissent tout simplement pas cette juridiction, vue comme une ingérence dans la souveraineté nationale. Paradoxalement, l’Afrique a été l’un des moteurs de l’édification de cette cour supranationale, notamment par l’activisme de certaines ONG spécialisées dans la défense des droits de l’homme. À ce jour, 34 des 54 états du continent sont d’ailleurs à compter au nombre des signataires du statut de Rome.

© Joshua Wanyama

« Deux poids, deux mesures », c’est le sentiment ressenti par bien des Ivoiriens qui jugent que les investigations menées par la Cour pénale internationale ne visent que le camp Gbagbo. Ce qui a conduit plusieurs organisations ivoiriennes de défense des droits de l’homme à réclamer, début octobre du côté de La Haye, l’ouverture de nouvelles enquêtes, visant notamment les partisans de l’actuel président Ouattara. Pour l’heure, la CPI a fixé l’audience de confirmation des charges de Laurent Gbagbo au 4 novembre 2014. Charles Blé Goudé vient lui de passer par la case comparution devant ses juges. L’opportunité pour l’ancien responsable des Jeunes patriotes de Côte d’Ivoire d’affirmer que « les vrais criminels ne sont pas là, ils sont à Abidjan. Ce n’est pas moi qui devrait être là mais des (Guillaume) Soro ou des (Hamed) Bakayoko ». Du côté du bureau de la procureure Fatou Bensouda, on se veut rassurant en affirmant qu’il n’y aurait pas de « justice à deux vitesses ». Des enquêtes seraient actuellement diligentées à l’encontre de certains éléments de l’armée ivoirienne.

33


SOUDAN DU SUD

pouvoir

RETOUR EN ENFER ! Dernier né des états africains, le Soudan du Sud a progressivement sombré dans une guerre civile dévastatrice. Entre massacres et famine, ce pays riche de son pétrole compte désormais ses morts par dizaines de milliers. à ce triste bilan viennent s’ajouter les innombrables victimes d’exactions en tout genre. Par ailleurs, le chiffre de 1 861 millions de déplacés (au 14 août) a été avancé par l’Agence des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR). Face à cette tragédie, les multiples médiations conduites depuis plusieurs mois par l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) n’aboutissent qu’à des engagements immédiatement… bafoués. Le tout sous les regards fébriles de grandes puissances dont les intérêts dans la région divergent.

© EC/ECHO/Malini Morzaria

Un « gouvernement d’union nationale », voilà le souhait clairement formulé pour le Soudan du Sud par l’IGAD à chacune de ses réunions. Un vœu pieux, assurément, tant la situation semble inextricable dans ce pays ravagé par les combats. La tentative (présumée) de coup d’état du 15 décembre 2013, à l’encontre du président en exercice Salva Kiir par les fidèles de l’ancien vice-président Riek Machar, a entraîné cette jeune nation dans une lutte fratricide entre les ethnies Dinka qui trustent les responsabilités étatiques et Nuer. Du règlement de compte politique à la guerre civile, il n’y avait qu’un pas que les belligérants ont franchi allègrement. Directeur de la division Afrique de l’ONG Human Rights Watch, Daniel Bekele témoigne du chaos régnant au Soudan du Sud et dénonce avec vigueur ce que certains n’hésitent plus à qualifier de génocide : « Les violences dans des villes comme Bentiu, Bor et Malakal ont consisté moins en des combats entre forces belligérantes qu’en meurtres ciblés de civils qui étaient dans l’impossibilité de fuir, ainsi qu’en pillages et destructions généralisés. Les attaques ont laissé des villes détruites et en grande partie désertées, jonchées de corps de femmes, d’enfants et d’hommes. Le tout entraînant des déplacements massifs ainsi que la faim. » Paroxysme de l’horreur, près de 500 cadavres d’enfants auraient été découverts dans des fosses communes à proximité de la localité de Bor.

Des enfants martyrs… Les mineurs, une source de préoccupation majeure pour l’Union africaine (UA) et tout particulièrement pour Julia Sloth-Nielsen. La représentante du Comité sur les droits de l’enfant de l’UA dresse ainsi un constat alarmant : « L’impact actuel des conflits sur les enfants est plus élevé que dans l’ensemble de la période de vingt-deux ans au cours de laquelle la guerre d’indépendance était en cours ». Enrôlés dans les armées, massacrés, violés, les plus jeunes paient ainsi un lourd tribut à la folie de leurs aînés. Sans parler d’un futur qui s’annonce bien sombre pour les quelque 11 millions d’habitants que compte le pays. Et Daniel Bekele de prévenir : « les crimes perpétrés (…) auront des incidences sur plusieurs décennies ». Les calamités habituelles sont venues se greffer aux atrocités de la guerre. Le choléra s’est propagé durant l’été dans les camps de réfugiés où s’entassent des populations démunies et privées de toute hygiène élémentaire. La famine menace également. Selon l’UNICEF, près d’un tiers des Sud-Soudanais est touché par la faim alors que 235 000 enfants de moins de 5 ans souffrent de malnutrition sévère. Un véritable cauchemar pour un pays dont le sol regorge, paradoxalement, de ressources pétrolières conséquentes.

34


Sur fond de rivalité sino-américaine ? L’or noir, un trésor qui brûle les doigts et attire, évidemment, bien des convoitises. Comme souvent sur le continent africain, plus que regarder les flammes, il convient aussi de chercher qui souffle sur les braises. L’ombre de Khartoum plane malgré les dénégations du (désormais) peu fréquentable Omar el-Béchir. Certains observateurs avisés, eux, n’hésitent pas à pointer du doigt les états-Unis, pourtant grands initiateurs du référendum du 9 janvier 2011. Mais quel intérêt aurait la superpuissance américaine à entraver la stabilité d’un pays qu’elle a ardemment soutenu dans sa lutte pour l’autodétermination ? « Mettre la main sur la manne pétrolière », répondent en cœur ces experts, plus ou moins patentés. Le tout en rappelant que si la Maison-Blanche s’est pleinement engagée dans la cause du Soudan du Sud, c’est bien la Chine qui, par un investissement économique massif, s’est imposée comme le premier partenaire de Djouba. Et ce au point de « s’approprier » les champs de pétrole tant convoités aux dépens © Stein Ove Korneliussen de… Washington. Alors, faut-il voir une lutte d’influence sino-américaine derrière le conflit entre Dinkas et Nuers ? Ce paramètre non négligeable ne saurait toutefois être l’unique explication aux évènements actuels. De fait, les deux pays s’activent en coulisses pour résoudre le conflit. Si antagonisme et guerre économique il y a, ces grands rivaux ont tout intérêt à voir la situation se stabiliser rapidement. Les Chinois veulent récolter les fruits de leurs investissements alors que les Américains se doivent de sauver la face après avoir fait de la création du Soudan du Sud leur « triomphe diplomatique africain » après le fiasco somalien. Autant de considérations bien éloignées des préoccupations vitales des populations civiles sud-soudanaises.

GIE

Hervé Pugi

15/12/2013 :

combats à Djouba entre les partisans de Salva Kiir (président/Dinka) et Riek Machar (ancien vice-président/ Nuer).

16/12/2013 :

le président Kiir annonce une tentative de coup d’état. 10 personnes sont arrêtées, dont huit anciens ministres. Riek Machar, lui, prend la fuite.

20/12/2013 :

O

23/01/2014 :

L

batailles autour de la ville stratégique de Bor qui change plusieurs fois de « mains » lors des semaines suivantes. évacuation des étrangers du pays.

15/04/2014 :

cessez-le-feu signé à Addis-Abeba (éthiopie) entre les deux parties. Reprise des hostilités dès le 26 du même mois.

O

N

O

les rebelles s’emparent de Bentiu et massacrent une partie de la population civile. L’ONU parle de « crimes contre l’Humanité ».

09/05/2014 :

rencontre Kiir/Machar en éthiopie. Un cessez-le-feu est signé sous la pression de la communauté internationale. Celui-ci est transgressé la semaine suivante.

11/06/2014 :

Discussion sur la formation d’un gouvernement de transition entre les deux leaders. Des pourparlers sont accompagnés d’une trêve des combats. Chaque partie boycotte finalement les négociations et la lutte reprend. De nombreuses ONG évoquent des « massacres ethniques » durant les mois écoulés.

C

H

R

25/08/2014 :

Salva Kiir et Riek Machar signent, sous l’égide de l’IGAD*, un nouvel engagement à mettre fin aux hostilités. Un délai de 45 jours est fixé pour arriver à la formation d’un gouvernement de transition.

26/08/2014 :

un hélicoptère de la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS) est abattu (3 morts). Une enquête est ouverte. Dans le même temps, l’ONU et les ONG alertent sur les risques de famine mais aussi d’épidémie dans les camps de réfugiés.

RAPPEL HISTORIQUE Proclamée le 9 juillet 2011, l’indépendance du Soudan du Sud est le fruit d’une lutte de plus de 50 ans. Majoritairement chrétienne et animiste, contrairement au Nord musulman, cette région du Soudan n’a cessé de réclamer la partition d’un pays issu de l’époque coloniale. Deux guerres « civiles » suivront : de 1955 à 1972 (500 000 morts) puis de 1983 à 2005 (2 millions de victimes). Soutenu par les états-Unis, le Soudan du Sud acquiert finalement son indépendance après référendum (victoire à 98,8 % de voix sur près de 4 millions de votants).

CONTEXTE DE CRISE Longtemps unis sous la bannière de l’Armée populaire de libération du Soudan (SPLA), Salva Kiir et Riek Machar accèdent aux responsabilités au moment des accords de paix avec Khartoum en 2005. élu président de la région autonome du Sud-Soudan, Salva Kiir nomme alors Riek Machar à la vice-présidence. Les deux hommes conservent leur place à la proclamation de l’indépendance. Rivaux politiques, le torchon ne cesse de brûler jusqu’au limogeage, le 23 juillet 2013 par décret, de Machar. Et ce peu après que ce dernier a annoncé son intention de se présenter à la présidentielle prévue à l’horizon 2015. Un évincement qui attise le clivage entre les principales ethnies du Soudan du Sud, les Nuers, dont est issu Riek Machar, et les Dinkas, majoritaires, conduits par Salva Kiir. L’équilibre (précaire) du partage du pouvoir entre ces peuples est rompu.

*L’IGAD regroupe Djibouti, l’érythrée, le Kenya, la Somalie, le Soudan du Sud, le Soudan et l’Ouganda

35


Interview

MAGHREB © Surian Soosay

LE DANGER DAESH

Anarchie en Libye, opérations sécuritaires en Tunisie et une frange dissidente d’Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI) qui fait allégeance à Daesh en Algérie, tous les ingrédients semblent réunis pour voir le Maghreb s’enflammer sous les coups de butoir de groupes terroristes. Un scénario avancé par certains experts mais fermement contesté par d’autres. Entre fantasme et réalité, la menace Daesh plane sur la région comme dans les esprits. Ce que nous explique Amel Boubekeur, sociologue au Brookings Doha Center.

54 États : De fait, on a parfois l’impression que ces combattants sont bien moins des extrémistes religieux que des groupes mafieux... A. B. : C’est effectivement la grande mutation qui a pu être observée à la fin des années 90. Le discours religieux tenu par Daesh comme par Al-Qaïda est vide de toute substance. Rien dans le Coran ne légitime les massacres d’innocents, la pose de bombes ou tout autre acte de violence. Nous sommes passés de mouvements politiques et idéologiques à des mouvements que l’on pourrait qualifier de parasitiques. Il ne s’agit plus de revendiquer un projet de société alternatif mais bien de s’approprier des ressources. Ils sont dans une logique de prédation. On voit bien qu’en Afghanistan comme en Algérie ou en Irak, ces groupes se sont lancés dans la contrebande, le trafic de drogue et toutes sortes d’activités contraires aux valeurs qu’ils prétendent défendre. 36

A. B. : Lors de mes entretiens avec certains terroristes, j’ai pu constater que l’un des déterminants du glissement vers la radicalité était l’impossibilité d’exprimer une opposition pacifique et ouverte aux pouvoirs en place. De manière générale, la société civile au Maghreb n’a pas vraiment voix au chapitre. Ces jeunes sont, d’une part, confrontés à des états autoritaires et, d’autre part, ils assistent impuissants aux agissements de grandes puissances dont ils contestent l’hégémonie. Difficile d’exister dans de telles conditions. Du coup, ces jeunes vont chercher à intégrer des groupes forts structurants pour euxmêmes dont ils ne partagent en revanche très souvent pas les idées. C’est une manière de se faire entendre…

54 États : Dans un tel contexte, le différents partis politiques se revendiquant de l’islam ne devraient-ils pas tenter de jouer un rôle de catalyseur ? A. B. : Ce serait leur faire un procès d’intention que d’affirmer que ceux-ci n’ont pas pris leur distance avec les mouvances terroristes. Les uns et les autres ont condamné de manière assez claire tout recours à la violence. Après, quelle que soit sa chapelle, il est impossible d’avoir un contrôle total sur ses ouailles. Il serait injuste de les tenir responsables de ces actes.

© DR

Amel Boubekeur (A. B.) : L’émergence de Daesh est une réalité. On ne peut pas nier que le danger existe. Ce groupe bénéficie d’une capacité d’attraction importante auprès des jeunes, que ce soit au Maghreb ou en Europe. Le web est utilisé comme une arme de manipulation. Et puis, il y a la question du financement qui est cruciale. On ne peut donc pas parler de fantasme. Maintenant, il est vrai que la communauté internationale, pas seulement au Maghreb d’ailleurs, a une fâcheuse tendance à instrumentaliser la question du terrorisme. Notamment en surévaluant le risque. Ce paradigme n’est pas nouveau.

54 États : Qu’est-ce qui peut pousser une certaine frange de la jeunesse à rallier de tels mouvements ?

© Moslem Press

54 États : Avec l’émergence de Daesh, certains observateurs craignent une recrudescence d’actes terroristes au Maghreb. Le risque est-il réel ou n’est-ce finalement qu’un fantasme ?

54 États : à l’inverse, comment peut-on appréhender la réaction des Occidentaux quant à la menace Daesh ? A. B. : Elle a été idéologisée. L’intervention de la coalition internationale en Irak et en Syrie a été vendue, une nouvelle fois, comme une croisade morale contre une barbarie qui menacerait l’Humanité, représentée par le camp de l’Occident. Or, celui-ci mène des attaques contre Daesh tout en considérant les populations civiles locales comme de simples dommages collatéraux. Il y a là encore quelque chose de gênant. Propos recueillis par Hervé PUGI


Pierre Buyoya

Il a dirigé le Burundi à deux reprises et peut donc se prévaloir de sa stature présidentielle. Son appartenance à l’Afrique centrale est aussi un atout, puisque le destin s’est jusqu’à présent porté en Afrique avec Boutros Boutros-Ghali et Abdou Diouf. On lui reproche cependant de s’être porté à la tête du pays avec un coup d’état, ce qui n’est pas vraiment dans l’esprit démocratique de la Francophonie. Il pense cependant que son expérience politique et diplomatique l’amène à avoir une ambition légitime pour diriger cette organisation.

Agustín Nze Nfumu

Il a présenté sa candidature le 10 septembre dernier à Malabo. Récemment ambassadeur de Guinée équatoriale au Royaume-Uni, il fut également ministre en charge de la Francophonie de 1992 à 1996, puis de 1999 à 2004. La Guinée est majoritairement hispanophone, mais a adopté le français comme deuxième langue officielle depuis 1998. Et, selon Agustín Nze Nfumu, « La Francophonie prône la diversité, alors si on veut faire réalité cette volonté, élire un Secrétaire général qui n’est pas issu d’un pays purement francophone, serait un signal fort ».

xp res s.m

a

Elle semble être la favorite. Gouverneure générale du Canada de 2005 à 2010, cette ex-journaliste, aujourd’hui âgée de 57 ans, est actuellement envoyée spéciale de l’Unesco pour © actualites.sympatico.ca Haïti et cela cadre bien avec la fonction briguée à l’OIF. Seul hic : elle n’est pas africaine, mais ses origines haïtiennes lui confèrent le statut de « fille de l’Afrique », selon ses propres termes. Et le fait d’être une femme qui ferait d’elle la première à la tête de l’OIF peut être aussi un atout non négligeable pour dynamiser et moderniser l’institution.

Le 15e sommet de la francophonie aura lieu à Dakar au Sénégal les 29 et 30 novembre 2014. à cette occasion se fera l’élection du successeur d’Abdou Diouf, secrétaire général de l’Organisation internationale de la francophonie depuis 2003. Six candidats se sont déclarés pour prendre la tête de cette institution qui compte 57 pays membres. Mais pour l’instant, même si certains partent avec une longueur d’avance, la course n’est pas encore faite.

© senxibar.com

Michaëlle Jean

l’

le suspense dure toujours

le

e.co m

©

ngl ia

ng.net

ue fri q © a

hd o

Ce Mauricien est l’actuel secrétaire général de la Commission de l’océan Indien et a présenté son projet pour la francophonie de demain. Selon lui, « cet espace de solidarité ne peut exister sans une dimension économique forte ». Même s’il a le soutien de pays africains, ses chances sont cependant minces, car l’île Maurice est un tout petit rocher d’un peu plus d’un million d’habitants dans l’espace de la francophonie.

Henri lopes

in sid

Jean-Claude de l’Estrac

© guineaecuatorialpress.com

OIF

élection à

© OIF

© it p

t.s ho

Dioncounda Traoré L’ex-président malien de la transition a déposé sa candidature le 31 juillet dernier par l’intermédiaire de l’ambassade du Mali à Paris. étant originaire d’Afrique de l’Ouest, tout comme l’actuel secrétaire général de l’OIF, cela le pénalise pour lui succéder. Il souhaite, s’il est élu, faire de l’Organisation un espace de dialogue des cultures et des religions.

Ambassadeur de la république du Congo à Paris, mais aussi écrivain, cet éternel candidat à la tête de l’OIF a peu de chances d’être élu. En effet, ses postes de ministres sous Denis Sassou Nguesso sont un handicap pour succéder à Abdou Diouf, car la charte de l’OIF attache l’organisation au respect des droits de l’homme. Denis Sassou Nguesso peut-il se targuer d’en être un défenseur ? Dans son projet, il souhaite « donner de la modernité à la francophonie » et « revaloriser la langue française » au sein de l’OIF. Selon lui, la langue française est un vecteur de rassemblement dans la sphère internationale et notamment en Afrique. Arnaud LONGATTE 37


Interview HASSEN CHALGHOUMI

«l’afrique, c’est l’avenir !» © Arnaud Longatte

Le président de la Conférence des imams de France, Hassen Chalghoumi, s’est rendu à Brazzaville en septembre dernier. L’occasion de s’entretenir avec différents acteurs politiques et religieux africains. Centrafrique, Boko Haram, Daesh, l’imam de Drancy revient avec nous sur l’actualité qui secoue l’Afrique depuis de trop longs mois. Mais aussi sur son projet de forum pour la Paix.

54 ÉTATS : Vous rentrez d’Afrique. Pouvez-vous nous expliquer quelle était votre démarche ? Hassen Chalghoumi (H.C.) : J’ai rencontré le médiateur de la crise centrafricaine, qui est également le président de la République populaire du Congo, M. Sassou Nguesso. Nous avons eu un entretien de deux heures sur le conflit en Centrafrique et ses évolutions depuis ma dernière visite en juin. Le but de la visite était d’entretenir la relation, de maintenir le lien. Ce fut également l’occasion de m’entretenir avec le président du Tchad, M. Déby, et de la Guinée équatoriale, M. Obiang. Nous sommes revenus sur la gravité des événements et les risques inhérents à la situation. Notamment celui de voir malheureusement des islamistes, des fanatiques en fait, s’approprier le conflit pour s’en prendre aux lieux de culte et aux fidèles.

Un homme d ne peut pa e foi s être violent, il ne peut pas avoir l a haine !

54 ÉTATS : Qu’est-il ressorti de ces différents entretiens ? Avez-vous senti une inquiétude chez ces chefs d’état ? H.C.: Ils sont inquiets, très inquiets. Il y a une véritable montée du fanatisme en Afrique. Nous assistons à la formation d’un axe de la haine avec AQMI, Boko Haram et certains groupes terroristes en Libye. Le président Sassou Nguesso, par exemple, est très préoccupé. Il existe une minorité musulmane dans le pays qui vit en harmonie avec le reste de la population. Il est important que cette bonne entente perdure. La question du respect des minorités s’avère cruciale pour un pays. Bien vivre ensemble apparaît comme le signe d’une bonne santé démocratique. C’est ce que j’ai pu constater en rencontrant le président de la communauté musulmane du Congo, El Hadj Djibril Abdoulaye Bopaka, ainsi que l’archevêque de la ville, Mgr Anatole Milandou. Ce fut l’opportunité de dialoguer mais aussi de réaliser une déclaration commune de soutien aux chrétiens d’Orient, persécutés par les terroristes de Daesh. Je dis Daesh et pas État islamique car ces voyous ne représentent pas un état et encore moins l’Islam !

38

54 ÉTATS : Qu’est-il sorti de concret de cette visite à Brazzaville ? H.C. : J’ai proposé au président Sassou Nguesso ainsi qu’à quelques autres chefs d’État d’organiser un forum pour la paix. Ce serait un congrès ouvert à tous. Cela ne doit pas se limiter uniquement aux Africains. Il me semble important que la communauté internationale dans son ensemble, Israël compris, se mobilise. L’Afrique mérite de donner une autre image d’elle que Boko Haram ou la guerre en Centrafrique. 54 ÉTATS : En Centrafrique, comme ailleurs dans le monde, les religions semblent prises en otage ? H.C. : Effectivement. Partout où je passe, je ne cesse d’expliquer que les conflits ne sont pas interconfessionnels. Ils peuvent en avoir l’apparence mais la réalité est que ce sont des crises politiques, des guerres qui mêlent des intérêts divergents. Un homme de foi ne peut pas être violent, il ne peut pas avoir la haine, il ne peut pas avoir les mains sales et encore moins ensanglantées. Comment peut-on accoler l’islam aux terroristes de Boko Haram qui kidnappent des enfants ? Aucun texte dans l’islam, ni dans aucune autre religion d’ailleurs, ne justifie un tel comportement.


54 ÉTATS : beaucoup de gens invoquent la religion sans vraiment la connaître. Est-ce cela le problème ? H.C. : Je suis tout à fait d’accord avec vous. La méconnaissance de la religion est un facteur qui fait que la jeunesse est récupérée par des fanatiques. Il faut donner à chacun la possibilité d’apprendre la religion de l’autre. C’est un moyen de se connaître et de se rencontrer. Il ne suffit pas de se laisser pousser la barbe et dire « As-salâm ‘aleïkoum » pour être un bon musulman. Ces jeunes qui se tournent vers Al-Qaïda ou vers l’extrême-droite en France sont des proies faciles, des faibles d’esprit qui ignorent tout de la religion. Il y a beaucoup de convertis en France, pas par amour mais par haine. C’est très inquiétant et ce n’est pas l’islam. 54 ÉTATS : Beaucoup d’ignorance, certes, mais certains états aux politiques strictement sécuritaires ne font-ils pas le jeu de ces terroristes en étouffant toute liberté et plus encore tout espoir ? H.C. : Il ne faut pas forcer la démocratie. L’exemple libyen est à méditer. Il ne faut plus revivre ça. Saddam est tombé en Irak, très bien, mais pour quel résultat aujourd’hui ? La liberté est une culture. Il faut du temps pour l’acquérir. En tout cas, il faut travailler de manière positive avec ces états. Il faut les aider, les accompagner, les encourager et ne pas se mettre en opposition en se présentant comme les tenants d’une certaine moralité. Personne ne peut prétendre donner des leçons de morale dans le monde dans lequel on vit. Pas plus les Américains que les Européens.

la religion e r d en r p p A yen c’est un mo , e r t u ’a l e d ître de se conna trer… on et de se renc

54 ÉTATS : Un dernier mot sur le forum pour la paix que vous appelez de vos vœux. Qu’attendez-vous d’une telle réunion ? H.C. : Il y a une demande, il y a une volonté. L’Afrique, c’est l’avenir. Il faut rendre à l’Afrique sa place. C’est un continent qui peut apporter beaucoup de choses. Pas seulement au niveau économique. Ne serait-ce que par sa diversité. à Nairobi, au Kenya, vous trouvez des églises, des mosquées, des synagogues. Même chose en Afrique du Sud. C’est cela l’Afrique ! En même temps, je tiens à ce que ce forum accueille tout le monde. Il faut s’occuper de la Centrafrique ou de Boko Haram mais il me paraît important aussi, après les événements de cet été dans la bande de Gaza, que juifs et musulmans soient réunis pour dénoncer la barbarie. Ce serait un symbole fort. Propos recueillis par Hervé Pugi

© Mark Fischer

39


monde

François Hollande © L’Estrade la Parole Forte

cible de toutes les critiques

Un symbole. Vingt-quatre ans après François Mitterrand, François Hollande est devenu le 6 mai 2012 le second président socialiste de l’histoire de la Ve République. Incarnation du changement après deux décennies placées sous le signe de la droite, l’ancien maire de Tulle de 2001 à 2008 a réussi là où peu de personnes l’attendaient. Et pourtant, jamais un président n’aura été aussi impopulaire auprès des Français. S’il n’est pas exempt de tout reproche, l’actuel chef de l’État n’a pas été aidé par l’hypermédiatisation de la fonction présidentielle et le traitement de faveur que lui a réservé la classe politique. L’État de grâce

© LePo

int

Marquée par cinq années de mandat Sarkozy, la France attend l’élection présidentielle avec impatience. Vainqueur de la primaire socialiste en octobre 2011, François Hollande a su profiter de l’anti-sarkozysme ambiant pour se hisser au sommet de l’État. Avec son slogan de campagne « le changement c’est maintenant », et la volonté de placer son mandat sous le sceau d’une présidence « normale », rompant ainsi avec le côté « bling-bling » de son prédécesseur, le Corrézien tape dans le mille. Le soir du 6 mai 2012, les effusions de joie visibles sur la place de la Bastille sont à la hauteur de l’espoir placé en lui. Historique pour les uns, synonyme de rassemblement et d’apaisement pour les autres, l’arrivée à la tête de l’État de l’ancien premier secrétaire du PS est pour beaucoup l’avènement d’une nouvelle ère de la politique française. Mais l’état de grâce dont a pu bénéficier François Hollande, comme beaucoup d’autres présidents avant lui, va peu à peu s’effriter et laisser place à une impopularité record. Entre couacs gouvernementaux, inexpérience et railleries sur son physique, François Hollande apparaît aujourd’hui bien esseulé.

40

Une image bien terne Il n’a jamais cessé d’essuyer les quolibets sur sa bonhommie. Celle d’un homme en manque de poigne, volontiers mou et maladroit. Une brèche dans laquelle les médias se sont immédiatement engouffrés. En témoigne cette une du magazine Le Point du 17 mai 2012, affichant une photo de Hollande regardant son poignet avec sa montre à l’envers et le titre « Fini de rire ». Dès lors, nombreux sont les médias à avoir opté pour cette pratique. « Sont-ils si nuls ? » s’interrogeait déjà Le Nouvel Observateur en septembre 2012 en évoquant le président et son gouvernement, soit seulement trois mois après la prise de pouvoir de l’ancien député de Corrèze. « Et si Sarkozy avait eu raison ? », se demandait L’Express la même semaine. S’ils se sont toujours défendus de faire de l’anti-hollandisme primaire, les médias ont malgré tout concouru à dégrader l’image du président de la République auprès des Français. « Contre Hollande, c’est un procès en immobilisme qui est instruit aujourd’hui par la presse, y compris par les journaux de gauche », déclarait ainsi Franz-Olivier Giesbert sur le site du Point le mercredi 5 septembre 2012. Indépendance pour les uns, provocation pour certains, les unes de la presse française ont en tout cas marqué le début de ce que l’on peut appeler le « Hollande bashing ». Pour autant, François Hollande ne l’a-t-il pas un peu cherché ?


Depuis son élection, François Hollande a multiplié les erreurs médiatiques. L’exemple le plus flagrant de cette communication mal maîtrisée reste bien le discours prononcé par le chef de l’État à l’île de Sein le 25 août dernier à l’occasion du 70e anniversaire de la Libération. Sous des trombes d’eau, on y voit un président secoué par le vent, bafouillant son texte, les lunettes embuées, alors que son garde du corps se tenait à quelques mètres de lui avec un parapluie. La déferlante médiatique s’est immédiatement abattue sur le président. Les chaînes d’information en continu s’en sont emparées, tout comme les réseaux sociaux. Dans une ère où l’information brute a pris le pas sur l’analyse, il n’en fallait pas plus pour ternir encore un peu l’image de François Hollande.

© Flickr

Une communication mal maîtrisée

Résultat : un discours inaudible et une scène qui a fait le tour de la France. Le lapsus du président au lendemain des Européennes lors de son allocution télévisée, où il a affirmé que les partis européens progressaient alors qu’il s’agissait en fait des partis anti-européens, a eu les mêmes conséquences. Les couacs gouvernementaux et des ministres qui se lâchent dans les médias ont également contribué au phénomène. La gestion de l’affaire Cahuzac, les sorties médiatiques d’anciens ministres comme Arnaud Montebourg, Delphine Batho ou encore Cécile Duflot et plus récemment la démission de Thomas Thévenoud, après seulement 9 jours passés en tant que secrétaire d’État, n’ont fait que conforter cette impression de grand n’importe quoi au gouvernement. Les promesses non tenues et irréalisables sur la reprise de la croissance, la baisse du chômage ou encore du déficit ont également assombri les objectifs de l’exécutif, renforçant encore un peu plus ce sentiment de fébrilité qui règne à l’Élysée. À tel point que François Hollande apparaît aujourd’hui comme un homme incapable de gérer un État et impuissant face à l’ampleur de la tâche qui l’attend.

© brucesflickr

Une classe politique peu avare en « compliments » « Flamby », « Babar », « mimolette », ou encore « Louis XVI » ! La classe politique n’a jamais autant critiqué un président de la République. Sans cesse victime d’attaques les plus imaginatives, François Hollande tente d’essuyer les coups comme il le peut. Mais ses détracteurs s’en donnent à cœur joie, à droite comme à gauche. Jean-Luc Mélenchon, fondateur du Front de gauche, en est le parfait exemple. Ex-membre du Parti socialiste, il qualifie François Hollande de « capitaine de pédalo » avant même son élection. Il osera même la comparaison avec « l’aveuglement de Louis XVI » en novembre 2012. L’aile gauche du Parti socialiste, représentée par Martine Aubry, Arnaud Montebourg ou encore Benoît Hamon, n’a jamais caché son désaccord avec la ligne politique dite « sociale libérale » du président. Elle ne s’est pas gênée pour lui savonner régulièrement la planche auprès des militants. L’opposition, UMP et FN en tête, ne s’est jamais privée non plus de critiquer le président de la République et ce, sans jamais vraiment mettre en avant de véritables propositions. Mais si elles sont le fait du jeu politique, les railleries dont est victime François Hollande ne sont en rien comparables avec le coup de poignard de Valérie Trierweiler.

41


© Liewig Media Sports-Corbis

Trahi de l’intérieur Son tweet de soutien à Olivier Falorni, alors candidat face à Ségolène Royal lors des législatives à La Rochelle, avait fait grand bruit. Deux ans plus tard, c’est une véritable bombe qu’a lâchée Valérie Trierweiler avec la parution de son livre Merci pour ce moment. Un récit dans lequel François Hollande est dépeint comme un homme à l’inverse de ce qu’il prétend être. Fini le côté sympathique et proche des gens, place à l’homme calculateur, froid, qualifiant même les pauvres de « sans-dents ». Une expression qui, si elle ne pourra jamais être vérifiée, a eu un effet dévastateur. Largement relayé par les médias, ce qualificatif et le livre dans son ensemble sont venus achever l’image de François Hollande. Et avec elle, c’est tout le côté sacré de la fonction présidentielle qui s’en est allé. On parle d’un livre qui traite de la vie privée, va jusque dans la chambre à coucher du président et même sa salle de bain. Dont les anecdotes et autres situations racontées auraient dû rester personnelles. Elles ont pourtant été étalées sur la place publique, sans aucun moyen de vérifier la véracité des dires de l’ancienne Première dame. Un dernier coup de massue pour le président qui intervient quelques mois après la révélation de sa relation avec Julie Gayet, une actrice française.

Confronté à une salve de critiques, François Hollande peut tout de même compter sur son gouvernement. Emmenés par Manuel Valls, plusieurs ministres font bloc pour que cesse le « Hollande bashing ».

Ils ont pris le taureau par les cornes. Plusieurs membres du gouvernement, emmenés par Manuel Valls, ont décidé de dire stop aux critiques acerbes dont fait l’objet François Hollande. Interrogé à ce sujet sur BFM TV, le 6 juin dernier, Manuel Valls s’était montré « fatigué » et « un peu écœuré des critiques, des petits mots, des petites phrases à l’égard du président de la République ». La semaine précédente, l’hebdomadaire L’Express avait encore fait preuve d’originalité avec son titre « Encore trois ans ? » en première page. Vent debout contre le « Hollande bashing », certains ministres ont alors appelé la classe politique au respect de la fonction présidentielle. « Je pense qu’il y a un manque de civilité et de respect des institutions et quelque part de la démocratie dans notre société politique. On peut dire des choses critiques sans remettre en cause la personnalité du chef de l’État », déclarait ainsi le secrétaire d’État aux relations avec le Parlement, Jean-Marie Le Guen, sur France Info le 7 juin. Une tendance que ce dernier avait d’ailleurs tenté de justifier par le comportement et les propos « agressifs et relativement vulgaires vis-à-vis d’un certain nombre de nos compatriotes » d’un ancien président de la République. Un ancien chef de l’État qui n’est autre que Nicolas Sarkozy, de retour sur le devant de la scène. Alexandre Blot Luca 42

© Flikr frebsamen

Quand le gouvernement fait bloc


Nicolas Sarkozy

de retour aux affaires « C’est au terme d’une réflexion approfondie que j’ai décidé de proposer aux Français un nouveau choix politique ». Le 19 septembre dernier, Nicolas Sarkozy a mis fin au suspense. Un retour programmé officialisé par le biais d’un message publié sur la page Facebook de l’ancien chef de l’État. Candidat à la présidence de l’UMP, l’ancien maire de Neuilly-sur-Seine espère se refaire une santé au sein de sa famille politique avant d’entamer la course aux primaires, prémices du long marathon présidentiel.

© CHRISTOPHE RUSSEIL/FTV

La proximité, maître-mot du nouveau Sarkozy

Présent sur le plateau du 20h de France 2 le soir même de son retour, Nicolas Sarkozy s’est lancé dans un mea culpa. Il a assuré avoir changé : « L’âge apporte peut-être un peu moins d’énergie mais plus de sagesse, de recul ». Assagi, l’ancien chef de l’État n’a rien perdu du style agressif qui le caractérise. François Hollande en a pris pour son grade. « Il est temps qu’il se rende compte que c’est lui le président, pas moi », a souligné l’ancien ministre de l’Intérieur, avant de s’en prendre une nouvelle fois à son successeur quelques instants plus tard : « Que reste-t-il de la longue série d’anaphores, vous savez, « moi président » ? Une longue litanie de mensonges. » Avec ce retour, Nicolas Sarkozy fait également fi de l’épée de Damoclès qui pèse au-dessus de sa tête. Alors qu’il explique ne rien avoir à se reprocher concernant les multiples affaires judiciaires dans lesquelles il est cité, l’ancien président assure n’avoir entendu le nom de Bygmalion qu’après la campagne présidentielle. Une affirmation contredite par François Fillon. Interrogé à ce sujet sur France Inter alors que trois ex-cadres de l’UMP ont été mis en examen, le député sarthois « pense que tout le monde connaissait l’existence » de la société événementielle.

Passé son grand oral, le candidat Sarkozy est entré en campagne. Le 2 octobre, il a réalisé son premier meeting sur les terres du chiraquien François Baroin. Pendant près de deux heures, il s’est laissé aller à un jeu de questions/réponses avec ses partisans. Un nouvel exercice pour l’ancien chef de l’État, peu habitué à ce type d’échanges, orchestré dans un seul but : faire preuve de proximité et de simplicité avec ses partisans. Dans un entretien accordé au Figaro magazine publié le même jour, le néo-candidat laisse filtrer ses intentions parmi lesquelles figurent la mise en place de référendums sur des questions de société, la réduction du nombre de parlementaires ou encore l’instauration de « verrous juridiques » concernant la GPA et la PMA. Plébiscité par ses soutiens politiques et son socle de partisans, Nicolas Sarkozy ne devrait faire qu’une bouchée de ses adversaires à la présidence de l’UMP. Une première étape avant un long chemin qui s’annonce plus sinueux pour la présidentielle, tant Nicolas Sarkozy est attendu au tournant par ses adversaires, François Fillon et Alain Juppé en tête.

Alexandre Blot Luca

43


BUSINESS

BENAMOR à laconquête

de l’afrique

Leader sur le marché agroalimentaire algérien, le groupe BENAMOR entend désormais s’exporter hors des frontières nationales. Son président et fondateur, Laïd Benamor, revient sur les résultats du groupe et évoque les défis à venir. Quelle est la santé du secteur agro-alimentaire algérien ?

Êtes-vous favorable au commerce intra-africain ?

C’est un secteur qui est en plein développement. Il a bénéficié depuis 2008 d’une réorientation de la politique agricole à travers la mise en place d’un programme portant sur le renouveau de l’économie agricole et rurale. Il y a eu en effet un grand recentrage dans les méthodes d’encadrement technique, économique et organisationnel. Les pouvoirs publics n’ont ménagé aucun effort pour mettre tous les moyens nécessaires au développement de cette filière stratégique. Beaucoup reste à faire, en revanche, afin d’atteindre un niveau de rendement appréciable, mais tous les indices nous amènent à envisager l’avenir avec optimisme. Dans le plan quinquennal, cette filière est considérée comme étant stratégique pour des raisons liées à la souveraineté alimentaire du pays. Il s’agit aussi d’une volonté d’optimiser le potentiel national au service du développement d’une économie diversifiée hors hydrocarbures. Autant de raisons qui font qu’elle continuera à bénéficier, je pense, de plus d’attention de la part des pouvoirs publics. Nous sommes tout à fait capables d’augmenter nos capacités de production et nous disposons d’un potentiel agricole non négligeable. Une mise en synergie de toutes nos capacités nous permettra d’augmenter nos niveaux de production, la création de nouvelles entreprises, de l’emploi et de la valeur ajoutée pour notre pays qui mise sur une baisse des importations à l’avenir.

Je suis très favorable au commerce intra-africain. Je considère qu’il n’est pas suffisamment développé. Celui-ci représente seulement 4 % et c’est en deçà des capacités réelles qui pourraient être développées. Je souhaite vivement que nous fassions mutuellement plus d’efforts pour le renforcer. Il est de notre devoir à tous de favoriser le commerce intra-africain. D’ailleurs, en ce qui concerne notre groupe, nos premières exportations ont été vers l’Afrique subsaharienne. Qu’exportez-vous majoritairement ? Nous exportons essentiellement le couscous, les pâtes alimentaires ainsi que les produits en conserve à savoir le concentré de tomate, la confiture et l’harissa. Où en est l’autosuffisance alimentaire en Algérie ?

Quelles sont les ambitions et les nouveautés du Groupe BENAMOR ?

La stratégie du département de l’agriculture visait à réduire la part de 30 % de couverture des besoins nationaux en produits alimentaires par le moyen de l’importation. Nous considérons que cet objectif a été atteint. Nous sommes sur la bonne voie si nous continuons à respecter le programme de développement des industries agroalimentaires appelé « Plan national d’appui aux industries agroalimentaires » (PNDIAA). votre objectif est de produire jusqu’à 460 000 baguettes par jour ?

La nouveauté demeure incontestablement le projet public-privé entre ERIAD et le groupe BENAMOR que nous avons mis en place. L’unité boulangerie a commencé à produire les premières baguettes de pain industriel. Nous allons aussi lancer notre propre production de farine. Nous avons également un projet de création de nouvelles conserveries alimentaires. Nous comptons aussi diversifier notre offre par l’introduction d’une gamme de plats cuisinés et d’aides culinaires.

Nous venons de démarrer la production. Nous avons de bonnes capacités de production et le besoin national est très important. Notre objectif est de nous positionner comme le leader dans le secteur de la boulangerie industrielle en Algérie à travers une offre diversifiée et des produits de qualité. Et le mot de la fin ?

« nos produits sont de bonne qualité et compétitifs » 44

Laïd Benamor, PDG du groupe

Je voudrais réitérer mon souhait et ma volonté de renforcer le commerce intra-africain, notamment dans le secteur agro-alimentaire. Décideurs politiques et opérateurs économiques doivent multiplier les échanges à tous les niveaux afin de satisfaire cette nécessité. Nos produits sont de bonne qualité et sont, de surcroît, compétitifs. Nous devons considérer les potentialités qu’offre le marché africain pour arriver à diversifier nos exportations hors hydrocarbures. C’est un marché à notre portée.


L’UNESCO ET LA

GUINéE éQUATORIALE main dans la main 2

1

4 3

5

6

8

7

9 1. Au centre, Irina Bokova, directrice générale de l’UNESCO et le président de la République de la Guinée équatoriale Teodoro Obiang Nguema Mbasogo. 2. Le président de la République de la Guinée équatoriale lors du discours introductif à la cérémonie. 3. Spectacle de pré-cérémonie. 4. Les scientifiques Eduardo Gotuzzo, au nom de l’Institut de Médecine tropicale Alexander von Humboldt du Pérou, André Bationo (Burkina Faso) et Hossein Baharvand (Iran). 5. Teodoro Obiang Nguema Mangue, second vice-président de la République de la Guinée équatoriale. 6. Bernard Kouchner, médecin et homme politique français, cofondateur de Médecins sans frontières et de Médecins du monde, ministre.de différents gouvernements de gauche et de droite. Il est venu assister à l’évènement à Malabo. 7. Thomas Boni Yayi, président du Bénin et Mohamed Ould, président de la Mauritanie. 8. Le scientifique Hossein Baharvand (Iran), récompensé lors de la remise du prix UNESCO - Guinée équatoriale. 9. Des scientifiques du Burkina Faso, d’Iran et du Pérou reçoivent le prix UNESCO-Guinée équatoriale pour la recherche en sciences de la vie. 10. Constancia Mangue de Obiang, Première dame de la République de la Guinée équatoriale

10

45


monde

L’UNESCO ET LA

GUINéE éQUATORIALE ACCORDENT ENFIN LEURS VIOLONS AU NOM DE LA RECHERCHE EN SCIENCES DE LA VIE

Irina Bokova, la directrice générale de l’UNESCO, Dr Bernard Kouchner, le professeur Jean-Luc Montagnier, ainsi que les présidents de la République du Bénin, de la Mauritanie, du Congo, du Kenya, de Sao-Toméet-Principe, le Premier ministre © Raymond Dakoua du Gabon et les représentants de la Côte d’Ivoire et du Rwanda, en bref, tous étaient là pour participer à la seconde partie de cette cérémonie qui dès sa création par le président Obiang en 2008 a subi le foudres de l’ONG Transparency International. Que reprochait l’organisation internationale à ce prix ? Nul autre motif que celui d’être initié et parrainé par le président de la République de la Guinée équatoriale et que, par conséquent, il porte son nom : prix Unesco-Obiang. « Is it a joke ? Sorry », comme s’étouffèrent les diplomates africains à travers le monde. Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts, William Bourdon et Daniel Lebègue se sont calmés et le prix a troqué son nom pour prix Unesco-Guinée équatoriale. Le principal étant de se concentrer sur les véritables problèmes « telles que le paludisme, la tuberculose, le diabète, le cancer, l’hépatite, le VIH/SIDA, auxquels s’ajoute le virus Ebola et qui touchent particulièrement l’Afrique et dont l’expansion rapide a démontré la précarité des services de santé », a affirmé Obiang Nguema. Lors de son allocution, le président en a profité pour informer que son pays collabore avec différentes entreprises pétrolières, en matière de santé, en mettant en œuvre un programme d’éradication du paludisme et en travaillant dans la création d’un vaccin contre cette maladie, qui devrait pouvoir être utilisé d’ici 2018.

46

© Raymond Dakoua

Le très controversé prix international UNESCO-Guinée équatoriale pour la recherche en sciences de la vie a enfin été remis lors d’une cérémonie qui a eu lieu au Centre de conférences international de Sipopo à Malabo (Guinée équatoriale), le 15 septembre dernier. Retour sur un événement qui a fait beaucoup de bruit pour, in fine, enchanter tout le monde : côté UNESCO comme côté équato-guinéen.

En juillet 2012, la première cérémonie de remise de ce prix a eu lieu au siège de l’UNESCO à Paris. Il a été décerné à trois lauréats dont Maged Al-Sherbiny (Egypte), Felix Dapare Dakora (Afrique du Sud) et Rossana Arroyo Verastegui (Mexique). En septembre 2014, pour la deuxième partie de remise du prix pour la recherche en sciences de la vie, au Centre de conférences international de Sipopo, à Malabo en Guinée équatoriale. Cette fois-ci, les trois lauréats du Prix étaient le professeur Hossein Baharvand (Iran), de l’Institut Royan de biologie, pour sa contribution au développement de ressources sur les cellules souches et la recherche conduisant à des applications en médecine régénérative ; le professeur André Bationo (Burkina Faso), scientifique des sols et Président de l’Action pour le développement intégré. Pour sa contribution à l’amélioration de l’agriculture en Afrique à travers sa recherche fondamentale dans la gestion de la fertilité des sols. Et, enfin, l’Instituto de Medicina Tropical von Humboldt (IMT), de l’Université du Pérou, fondé en 1986 avec pour mission de promouvoir l’éducation et la recherche sur les maladies tropicales les plus répandues au Pérou, pour sa contribution à l’élaboration de mesures de lutte contre les maladies telles que la tuberculose, le paludisme, la leishmaniose, la leptospirose, le VIH/SIDA, le HTLV-1 et les maladies intestinales.


© Raymond Dakoua

« le gouvernement met à la disposition de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) un don de 2 millions USd pour subventionner les programmes de lutte contre le virus Ebola »

Côté Guinée équatoriale, le président Teodoro Obiang Nguema Mbasogo a affirmé que les sciences et la technologie sont un patrimoine de l’humanité dont tous les peuples doivent profiter sous les mêmes conditions. Le président a en outre rappelé que la création de ce prix trouve son origine dans le besoin de réduire la perte des vies humaines générées par des épidémies atroces comme Ebola. En sus de la remise des prix, la Guinée équatoriale a annoncé que « le gouvernementmet à la disposition de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) un don de 2 millions de dollars US pour subventionner les programmes de lutte contre le virus Ebola ». Qu’elles sont loin les rumeurs des ONG qui s’étaient élevées contre un soit disant « prix de la honte ».

Côté UNESCO, les caisses sont a priori de plus en plus vides et les locaux de plus en plus vétustes, on a ravalé sa salive et sa verve d’antan pour venir adouber la Guinée équatoriale en vantant les objectifs formidables de ce prix. Les recommandations des lauréats ont été formulées par un jury international composé de scientifiques indépendants, experts dans les sciences de la vie parmi lesquels : Pr. Wagida Anwar, directrice du Centre de biologie moléculaire, de biotechnologie et de génomique de l’Université Ain Shams, au Caire (égypte) ; Pr. Indrani Karunasagar, directrice du Centre UNESCO MIRCEN de biotechnologie marine, Mangalore (Inde) ; Dr. Constantinos Phanis, spécialiste des sciences biologiques et environnementales au ministère de l’éducation et de la culture de Chypre ; Pr. Vincent Titanji, doyen honoraire et ancien vice-recteur de l’Unité de biotechnologie, Université de Buea, Cameroun ; Pr. Pathmanathan Umaharan, directeur du Centre de recherches Cocoa à l’Université des Indes occidentales de Trinidad. Finalement, les grands gagnants sont bel et bien les lauréats qui se battent ardemment pour offrir des solutions pour un monde meilleur car « l’Afrique a besoin d’une bonne santé et de la paix pour son peuple », dixit le président Obiang.

Jessica COHEN

47


monde

RUSSIE UKRAINE De la guerre à la paix ? par Antoine Arjakovsky,

directeur de recherches au Collège des Bernardins 1

Le dimanche 12 octobre le président ukrainien Petro Porochenko s’est adressé à son peuple par voie télévisée pour l’informer de « cinq bonnes nouvelles ». L’agresseur a été stoppé dans son avancée à l’est de l’Ukraine ; Le cessez-le-feu est de mieux en mieux respecté sur la ligne du front ; Plus de 1500 prisonniers ukrainiens ont été libérés ; Les forces de l’armée ukrainienne et de la garde nationale ont reçu des renforts et du nouveau matériel militaire ; Enfin les villes et villages libérés ont retrouvé avec le drapeau ukrainien l’ordre et la paix.

« Faut-il croire pour autant que la guerre russo-ukrainienne est en voie d’apaisement ? Rien n’est moins sûr »

Faut-il croire pour autant que la guerre russo-ukrainienne est en voie d’apaisement ? Rien n’est moins sûr. Car les soldats russes n’ont quitté ni la Crimée ni les zones occupées autour de Louhansk et de Donetsk. Les zones de guerre sont dévastées et un effort de reconstruction est à entreprendre dans les plus brefs délais avant que la venue de l’hiver ne rende la situation humanitaire trop douloureuse. Vladimir Poutine et Petro Porochenko doivent donc désormais se rendre dans les prochains jours à Milan pour négocier avec l’Union européenne et l’OSCE la mise en place d’un plan de paix à plus long terme. Il est clair que la paix entre les deux pays, mais aussi entre la Russie et les pays de l’ONU qui ont condamné sévèrement (sauf dix pays) l’agression russe, ne pourra se faire avant de longues années. Un colloque international récent au Collège des Bernardins a insisté sur trois conditions indispensables pour rétablir la confiance entre la Russie et la communauté internationale.2

1. Auteur de « Russie-Ukraine : De la guerre à la paix ? » Paris, Parole et Silence, 2014. 2 . Les interventions seront disponibles sur www.collegedesbernardins.fr

48

© youtube.com

Le président Porochenko a annoncé également que l’Autriche, la France et l’Allemagne s’apprêtaient à livrer à l’Ukraine des drones permettant de surveiller la frontière russo-ukrainienne. La veille, le président russe Vladimir Poutine a donné l’ordre aux troupes russes massées à la frontière ukrainienne (plus de 17 000 soldats) de retourner à leur base de Rostov sur le Don. Le gouvernement russe a en effet souscrit aux accords de Minsk des 5 et 20 septembre. À Minsk, les autorités ukrainiennes, le gouvernement russe (par son ambassadeur en Ukraine), l’OSCE et les représentants des « Républiques Populaires de Donetsk et Lougansk » autoproclamées ont signé un protocole d’accord pour l’application du cessezle-feu. Le plan prévoit, outre l’amnistie pour les combattants et la création d’une zone tampon, un statut spécial avec plus d’autonomie pour les régions de l’Est pendant 3 ans.


© forum-orthodoxe.com

« L’Ukraine est en effet un laboratoire de démocratie »

© tsar-events.com

Premièrement, les sanctions qui ont été adoptées par la communauté internationale doivent être maintenues jusqu’à ce que l’intégrité territoriale de l’Ukraine soit retrouvée. Comme l’a dit le Premier ministre ukrainien Arsène Yatséniouk à New York lors de l’assemblée des Nations unies en septembre dernier, la communauté internationale ne peut tolérer le rejet du droit international fondé sur la souveraineté des États-Nations, à moins d’ouvrir la voie à de multiples nouveaux conflits partout dans le monde. C’est la raison pour laquelle la France a confirmé au mois d’octobre qu’elle ne pouvait livrer les navires Mistral à la Russie. La France est en effet un des cinq États signataires du Mémorandum de Budapest qui garantit à l’Ukraine la protection de ses frontières en contrepartie de sa dénucléarisation. Ces sanctions sont certes douloureuses pour l’économie russe. Le 8 octobre la Banque centrale de Russie a dépensé un million de dollars par minute pour défendre le cours du rouble. La Russie a perdu au moins 4 points de croissance depuis le début du conflit avec l’Ukraine.

Deuxièmement, les experts réunis à Paris ont insisté sur l’inquiétante montée de la propagande en Russie au service d’une pensée mythologique exaltant « le monde russe » en s’appuyant sur la théologie politique de l’Église orthodoxe russe. Tant que les historiens russes et ukrainiens ne parviendront pas à résoudre les conflits de mémoires qui opposent les deux pays, on ne voit pas comment une paix durable pourra s’instaurer entre la Russie et l’Ukraine. Les Français et les Allemands sont parvenus après la guerre à faire taire leurs différends au sujet de leurs prétentions respectives à être les vrais héritiers du Saint Empire romain germanique en se projetant vers l’avenir commun de l’Union européenne. Les Russes et les Ukrainiens devront également reconnaître les interprétations différentes que leurs peuples firent dans le passé de leur héritage commun, celui de la Rous’ de Kiev (IXe-XIIIe siècles), et admettre ainsi l’affirmation progressive de deux nations distinctes dans l’Histoire. C’est un chemin douloureux car il force le monde russe à accepter que l’on peut être orthodoxe et uni au reste du monde chrétien (comme l’Église ukrainienne l’a admis après le concile de Florence de 1439). Et, il conduit la nation ukrainienne à admettre que la Russie n’est pas un pays fatalement agressif (comme l’ont montré toutes les expériences de défense de la liberté chrétienne de saint Alexandre de la Néva au XIIIe siècle au mouvement dissident mené par des figures comme André Sakharov au XXe siècle).

Troisièmement, la communauté internationale doit également intégrer progressivement l’Ukraine dans son espace civilisationnel, comme cela fut le cas en septembre avec la ratification du traité d’association UE-Ukraine, et cela dans l’intérêt même de la Russie. L’Ukraine est en effet un laboratoire de démocratie fondée sur les valeurs de justice, de dignité et de liberté pour l’ensemble du monde eurasien. Bien qu’il soit aujourd’hui en guerre contre la Russie, le président ukrainien n’a pas hésité en août à dissoudre la Rada et fixer au 26 octobre des élections législatives. Le gouvernement ukrainien dirigé par Arsène Yatséniouk a également mis au point une loi de lustration contre les fonctionnaires de l’État qui se sont enrichis de façon indue entre 2010 et 2014. La Russie à l’inverse s’enfonce de plus en plus dans un régime dictatorial. C’est ce qu’ont chanté le 9 octobre dernier les supporters du match de football entre la Biélorussie et l’Ukraine. Début octobre l’association Memorial de défense des droits de l’homme a été une nouvelle fois condamnée par le gouvernement russe. Et on ne compte plus les cas de discriminations de la part des autorités russes à l’égard des Tatars de Crimée ou les cas de torture à l’égard des prisonniers politiques (crcuf.fr ; russie-libertes.org/). Ce chemin de réconciliation sera long mais il est incontournable. Antoine ARJAKOVSKY

49


société

© AFP

ebola

Le virus de la peur par élise François-Dainville

Dix mois après le début de l’épidémie, les conséquences ne sont pas seulement sanitaires. Le virus Ebola a désormais contaminé la sphère socio-économique du Liberia, de la Guinée et de la Sierra Leone.

© DR

50


D

es gens qui ne vont plus travailler, des marchés moins denses qu’à l’accoutumée, des champs abandonnés par leurs agriculteurs, une production industrielle à l’arrêt, des ports que les bateaux contournent, des aéroports qui ne sont plus desservis, les économies de la Guinée, du Liberia et de la Sierra Leone tournent au ralenti depuis le début de l’épidémie. « Ces trois pays font face à un choc macroéconomique d’envergure : leurs recettes publiques chutent car les économies sont à l’arrêt, leurs dépenses augmentent fortement et leurs réserves fondent », a expliqué Donald Kaberuka, président de la Banque africaine de développement (BAD) dans un entretien au Monde. Et pourtant, le virus ne serait pas le seul responsable : « L’impact économique le plus important de la crise ne résulte pas de ses coûts directs (mortalité, morbidité, soins de santé, pertes des jours de travail) mais d’une réaction de panique alimentée par la peur de la contagion », explique un rapport de la Banque mondiale publié le 17 septembre dernier. Le résultat est sans appel : la croissance 2014 du Liberia et de la Guinée sera divisée par deux. Celle de la Sierra Leone pourrait passer de 11 % à 8 %.

Menace pour la paix Cette peur qui paralyse l’activité économique est aussi à l’origine d’un vent de contestation au sein des populations. Au regard de la faiblesse des équipements de santé, l’épidémie a effondré le système de santé tout entier : Ebola, mais aussi des affections telles que le paludisme, le sida ou la diarrhée, font de nombreuses victimes, faute de pouvoir accéder aux soins. Malgré les efforts déployés par les autorités des trois pays les plus touchés, les critiques fusent. En Guinée, la population reproche au gouvernement sa mauvaise gestion de l’épidémie. Au Liberia, les autorités sont accusées d’amplifier le mal pour détourner l’aide internationale. Mais ce n’est pas tout. La méfiance est aussi dirigée vers les soignants et les organisations internationales suspectées de propager elles-mêmes le virus. L’attaque d’un centre d’isolement à Monrovia en août dernier, ainsi que le lynchage en septembre d’une mission de sensibilisation de Womé en Guinée, en sont les illustrations. Dans certaines régions, des conflits surgissent de nouveau sans que les gouvernements, dépassés, ne parviennent à enrayer le cercle des violences. Ebola ravive ainsi le spectre des guerres civiles dont le Liberia et la Sierra Leone se remettent à peine. Enfin, les mesures très spécifiques mises en place pour lutter contre le virus déstabilisent les populations car elles vont à l’encontre de leurs pratiques traditionnelles. Il a fallu ainsi convaincre les imams de prier leurs fidèles de renoncer au rite de lavage des défunts, et aux chrétiens ou aux animistes de ne plus les toucher ni les retoucher lors des cérémonies funèbres. Tout cela rend la situation explosive dans cette partie de l’Afrique de l’Ouest, poussant le Conseil de sécurité de l’ONU à adopter le 18 septembre dernier une résolution particulière, affirmant que « la progression sans précédent de l'épidémie (…) représente une menace pour la paix et la sécurité internationales ».

51


Ebola une maladie © DR

Alors que le virus a été découvert en 1976, il n’existe toujours aucun vaccin ni traitement homologués contre Ebola. l’épidémie actuelle va-t-elle changer la donne ? La guérison de deux Américains contaminés par Ebola en juillet dernier a apporté une note d’espoir dans la tragédie. Face à l’ampleur de l’épidémie, l’OMS a en effet autorisé de manière provisoire le recours à des médicaments non homologués : « Devant les circonstances de l’épidémie […] le comité a abouti au consensus estimant qu’il est éthique d’offrir des traitements non homologués dont l’efficacité n’est pas encore connue ainsi que les effets secondaires, comme traitement potentiel ou à titre préventif », expliquait-on à l’Organisation mondiale de la Santé le 12 août dernier. Aujourd’hui, trois traitements sont bien en cours de validation : le traitement américain Zmapp, le TKM-Ebola, élaboré par la société canadienne Tekmira, et enfin le Favipiravir, fabriqué par le Japon. Le problème est que ces traitements non homologués ne sont pas produits à grande échelle. Trente-huit ans après la découverte du virus Ebola au Zaïre, aucun processus de validation n’est arrivé à terme, et pour cause : « C’est une maladie rare », a expliqué Antoine Flahaut, professeur de santé publique à l’université Paris-Descartes, à la rédaction de TV5 Monde le 20 août dernier. « Il y a eu très peu de cas dans le monde. Même aujourd’hui, cette épidémie, pourtant d’ampleur inégalée, reste dans un périmètre restreint. Quelques milliers de malades, c’est beaucoup pour ceux qui en souffrent, mais c’est extrêmement peu pour un marché pharmaceutique potentiel ».

négligée Quand la réalité économique prend le dessus Le développement de traitements se heurte donc à une barrière commerciale. Il faut savoir que le coût moyen de l’élaboration d’un médicament est estimé à près d’un milliard d’euros. Or, dans le cas de la fièvre hémorragique Ebola, « les personnes atteintes sont si pauvres qu’elles, ou leur pays, ne peuvent pas se permettre de payer les traitements ou les développements que devrait mériter la maladie », précise encore Antoine Flahaut. Tout comme la tuberculose ou le paludisme, Ebola est une maladie négligée : elle n’intéresse pas l’industrie pharmaceutique, faute de marché. L’ironie est que si le ZMapp est administré à des patients et s’avère efficace, cela ne signifie pas forcément qu’il sera disponible à l’avenir en cas de nouvelle épidémie. Le frein resterait le même : le financement. Les 8 914 cas et 4 447 victimes d’Ebola en septembre ont aussi accéléré la recherche en vue de développer un vaccin préventif, seul véritable moyen d’enrayer l’épidémie. Les premiers essais cliniques ont commencé aux états-Unis et au Royaume-Uni sur des chimpanzés et le processus a franchi une étape supplémentaire en septembre dernier avec une poignée de volontaires. Si les essais se révèlent probants, les personnels soignants, qui paient aujourd’hui le plus lourd tribut à la maladie, pourraient profiter de ce vaccin dès la fin de l’année 2014.

© DR

52


5

mesures pour se protéger du virus

Se laver régulièrement les mains après avoir rendu visite à des parents malades à l’hôpital ou après les avoir soignés à domicile.

En cas de contact rapproché, porter des gants et un équipement de protection individuel (écran facial, masque chirurgical, lunettes de protection adaptées, blouse propre à manches longues et gants).

éviter les rapports sexuels non protégés, notamment avec d’anciens malades pendant les trois mois suivant leur guérison.

Isoler les patients infectés et enterrer rapidement les corps des personnes décédées de cette infection.

Source : Organisation mondiale de la Santé.

Manipuler les animaux avec des gants. cuire soigneusement les produits (sang et viande) avant de les consommer.

53


Ebola : Une autre course contre la montre. par Yan Lieutaud

En plus de la prise en charge et du soin des malades, tout se joue désormais dans la prévention des populations. En particulier dans les zones reculées et le plus souvent rurales des pays touchés par le terrible virus. Gouvernements, autorités sanitaires et ONG médicales, tous savent que l’on ne pourra contenir l’expansion de l’épidémie qu’à cette condition. Mais tous reconnaissent aussi la difficulté de la tâche.

« (…) l’atmosphère s’est soudain tendue. Huées et cris hostiles. La foule se disperse (…) »

© msf.ch

© breizatao.com

L

es graves incidents survenus à Womey, en Guinée forestière, sont désormais dans toutes les têtes. « Nous avons regardé de très près ce qui s’était passé là-bas et pesé tous les aspects de ce drame avant de prendre la décision d’implanter dans cette région, à Macenta, un Centre de Traitement Ebola (CTE) », confie un responsable français. Avant d’ajouter : « Malgré les risques et les incertitudes, nous ne pouvions nous dérober puisque c’est là l’épicentre de la maladie.» Mardi 16 septembre dernier, tout avait pourtant bien commencé. Arrivée en fin de matinée, l’imposante délégation composée de responsables guinéens locaux avait d’abord été accueillie chaleureusement au centre du village de Womey, un gros bourg ayant rang de sous-préfecture, situé à une cinquantaine de kilomètres de N’Zérékoré, seconde ville de Guinée après Conakry. Le village de 600 habitants ne fait pas partie des plus inaccessibles de la région, au contraire : une bonne route goudronnée le borde qui le relie à la préfecture. La visite officielle destinée à informer la population sur Ebola avait été planifiée depuis deux semaines. Des responsables du village s’étaient même rendus à N’Zérékoré pour préparer la venue de ce cortège d’une vingtaine de personnes conduit par le gouverneur et le préfet en personne et comptant dans ses rangs le sous-préfet, le directeur régional de la santé (DPS), le directeur adjoint de l’hôpital de N’Zérékoré, le chef de santé de Womey, un pasteur évangélique, quatre journalistes de radios locales, deux gardes du corps et trois gendarmes.

54


C

« les gens sont dans le déni de la maladie » Il faut aussi tenter de modifier les traditions. « Chez nous, il est impensable de ne pas s’occuper d’un malade, de même que la tradition veut que l’on lave les morts avant de les enterrer. Les villageois ne comprennent pas que l’on fasse disparaitre les corps dans des sacs en plastique », explique Amara Camara. Pour convaincre les populations que « la maladie ne tombe pas du ciel », l’effort de pédagogie et d’information – efficace semble-t-il à Conakry – va être poursuivi. « En Guinée forestière, une émission de prévention est diffusée à la Radio Rurale une fois par semaine et une réunion publique d’information se tiendra également toutes les semaines », indique le Dr Perrin, coordinateur pour la Croix-Rouge. « De plus les autorités guinéennes s’appuient sur les personnalités originaires de la région pour aller convaincre leurs compatriotes. Ainsi l’autre jour on a envoyé le ministre de la Pêche, d’origine toma, dans un village toma qui refusait tout contact. » Cet effort de communication – indispensable pour vaincre la maladie – ne fait que commencer. Dans la région dite du « bec de perroquet », où Guinée, Liberia et Sierra Leone ont une frontière commune et où les familles réparties de chaque côté passent sans même s’en rendre compte d’un côté à l‘autre, on mesure que seule une mobilisation régionale coordonnée aura quelque chance de vaincre Ebola. En attendant, le virus court toujours.

© faceboon.com

© plus.google.com

Cet épisode tragique n’est hélas pas isolé. à quelques dizaines de kilomètres de Womey, l’ONG Médecins sans frontières (MSF) avait dû fermer en avril son centre de dépistage de Macenta, pris d’assaut par des habitants frappés par une véritable psychose collective. MSF et la Croix-Rouge ont aussi vu plusieurs dizaines de leurs véhicules et ambulances visés par des pierres lors de leurs passages près des villages. Si MSF a pu rouvrir son centre de Macenta en septembre (en vue de le céder à la mi-novembre à la Croix-Rouge), ses cadres et volontaires ne s’aventurent toujours pas dans certains coins de la région. « Notre rayon d’action est très limité », reconnaît Claude Mahoudeau, responsable terrain de MSF, « je fréquente la région depuis une vingtaine d’années, la situation est devenue très compliquée. Même notre logo MSF ne nous protège plus, je n’avais jamais connu ça. » Les populations de la Guinée forestière soupçonnent les personnels de santé venus faire de la prévention, ou qui interviennent pour évacuer des malades ou des cadavres, de leur amener le virus. Les réactions sont encore plus fortes en présence de personnes blanches. « Les rumeurs ont la vie dure », soupire Amara Camara, l’ambassadeur de Guinée en France, « on entend souvent dire, comme lors de l’apparition du sida, que ce sont les Blancs qui ont apporté la maladie. Imaginez en plus la réaction de villageois qui lorsqu’ils se retrouvent pour la première fois en présence de Blancs les voient dans des combinaisons qui les font ressembler à des cosmonautes ». « Nos tenues de protection sont pour eux la face visible de la mort », analyse Claude Mahoudeau, « les gens sont dans le déni de la maladie ou bien ils pensent qu’on leur amène le virus. Ils sont pris d’une peur irrépressible. L’Occidental est en première ligne, c’est logique qu’il soit visé. Mais c’est moins le Blanc que l’intervention qui provoque la peur. Nous faisons désormais très attention avec nos combinaisons lors de nos actions dans les villages. Nous avons développé une technique pour montrer aux gens qu’à l’intérieur de ces pantins dans leur tenue de protection, il y a des hommes. »

© plus.google.com

’est quand le gouverneur, puis le directeur régional de la santé se sont mis à décrire à la tribune la dangerosité de la maladie, ses symptômes et les précautions à prendre pour éviter une expansion du virus – notamment de ne pas enterrer les morts selon la tradition – que l’atmosphère s’est soudain tendue. Huées et cris hostiles. La foule se disperse, laissant place à un groupe d’une centaine de femmes « initiées » de la Forêt sacrée. « Que fais-tu à ceux qui viennent pour te tuer ? », murmurent-elles. C’est le signal de l’attaque. à peine se sont-elles éclipsées que des hommes surgissent, armés de gourdins, de machettes, de haches et de lance-pierres. Le pasteur, qui tente de s’interposer, est massacré à la hache. Les autres tentent de fuir dans la panique générale. Les officiels s’engouffrent dans leurs voitures 4x4 qui démarrent en trombe, forçant les barricades dressées entre-temps par les villageois sur la route. Mais tous n’ont pu s’échapper à temps. Deux jours plus tard on retrouvera dans le village abandonné huit corps mutilés jetés dans la fosse septique de l’école et recouverts de ciment.

55


société

Tanzanie

56

Vous rêvez de grands espaces, de nature et de liberté ? Vous recherchez le dépaysement, l’émerveillement et la chaleur humaine ? Pas de doute, votre destination doit être la Tanzanie. Alors direction l’Afrique Australe ! Suivez le guide…

© Pixabay.com

TERRE SAUVAGE DE L’AFRIQUE


Une terre africaine paradisiaque encore méconnue Peu de monde saurait situer précisément la Tanzanie sur une mappemonde. Il s’agit pourtant d’un des pays d’Afrique les plus convoités par les touristes en mal de nature sauvage et d’un des plus florissants. Situé en Afrique australe, frontalier avec le Kenya, le Rwanda et la République démocratique du Congo, la Tanzanie s’étend sur 945 090 km² soit près de deux fois la superficie de la France. Autant d’espaces offerts pour se perdre dans une diversité environnementale exceptionnelle !

© continents-insolites

© Jeremy V

Une population réputée chaleureuse « Karibu » ! Ce « bienvenu » lancé aux touristes résonne dans toutes les villes et dépeint admirablement bien l’hospitalité de la population tanzanienne. Une multitude de sonorités inconnues s’entremêlent avec le swahili et l’anglais (langues officielles), et pas moins de 100 dialectes ethniques y sont pratiqués. Eh bien oui, l’existence d’autant de langues vernaculaires est justifiée par la présence de 122 nies différentes. Dans ce pays de 48 millions d’habitants, comptant 35 % de musulmans, 35 % d’animistes ou encore 30 % de chrétiens, toutes les religions se côtoient. De plus, un Tanzanien sur cent serait d’origine arabe, indienne ou européenne. Vous l’aurez compris : la Tanzanie est d’une richesse culturelle époustouflante. Une population qui présente une grande mixité. Et cela semble fonctionner…

Un pays dans la région des Grands Lacs La Tanzanie est située dans la région des Grands Lacs. Les lacs Victoria, Tanganyika et Malawi sont les trois plus grands d’Afrique. De quoi rendre fière la Tanzanie. Pour la baignade, les plus belles plages du pays se trouvent à Zanzibar où palmiers, eau transparente et chaude oscillant entre l’émeraude et le turquoise, seront au rendez-vous. Ainsi que sur les bords du lac Tanganyika, un des rares où la baignade est possible. En effet, n’est pas Indiana Jones qui veut ! La présence de charmants crocodiles dans la plupart des lacs demeure dissuasive … Cependant, la Tanzanie reste une destination privilégiée par de nombreux plongeurs des quatre coins du monde, venus pour entrer en osmose avec ces eaux cristallines révélant un fond marin figurant parmi les plus beaux du monde en termes de récifs coralliens.

© Baynes ans Jenny Crow Photography

Une richesse naturelle à couper le souffle Prenons de l’altitude avec ces montagnes africaines vertigineuses. Le Kilimandjaro, connu de tous, est une montagne constituée de trois volcans éteints. Parmi eux, le Kibo, le plus haut sommet du continent africain. Il dresse ses 5 892 mètres d’altitude au plus grand bonheur des mordus de randonnée. Mais la renommée de ce toit de l’Afrique tient aux fameuses neiges du Kilimandjaro. Malheureusement, même dans ce lieu naturel spectaculaire, les réalités contemporaines nous rattrapent : le Kilimandjaro devrait voir ses glaciers entièrement fondus dans les vingt prochaines années. Alors hâtez-vous si les sensations fortes et les kilomètres de montée ne vous effrayent pas ! Une autre fierté nationale : le cratère du Ngorongoro. Importante réserve faunique, il est aussi avec ses 20 kilomètres de diamètre la plus grande caldeira encore intacte. Pour compléter ces curiosités propres à la Tanzanie : Zanzibar, île légendaire de l’océan Indien. Pour se rendre compte de son passé chargé d’Histoire, il faut en faire le tour, se balader dans ses ruelles, sentir ses parfums d’épices, plonger dans ses lagons et se prélasser sur ses plages aux grèves de sable blanc… Émerveillement garanti !

© Mr-Poussnik

Une faune exceptionnelle La Tanzanie est un sanctuaire pour les animaux avec 250 000 km² classés zone protégée. Poissons, oiseaux, insectes, mammifères terrestres et marins… Tous cohabitent. Principale attraction touristique : les safaris ! Éléphants, girafes, lions, singes, antilopes, rhinocéros, crocodiles… avec un peu de chance et beaucoup de patience vous pourrez les admirer à l’état sauvage. Un conseil : se lever de bonne heure, prôner la discrétion, ne pas hésiter à crapahuter dans des endroits reculés et se trouver un bon guide ! Les fonds marins sont également d’une grande diversité. Ainsi la plongée sous-marine et les safaris représentent l’alpha et l’oméga du tourisme tanzanien. Alors conscient de cette identité environnementale, le pays tient à les préserver, bien que certaines espèces aient déjà disparu ou soient en voie d’extinction comme le rhinocéros blanc. Le pays mise tout aujourd’hui sur l’écotourisme afin de préserver son environnement et d’en faire une richesse convoitée pour le tourisme mondial.

© Valérie Hukalo

Quelques idées de découverte • • • • •

Se rendre à Moshi afin de contempler le Kilimandjaro sous son plus bel angle. Ou bien se lancer dans l’ascension du Kilimandjaro. Comptez environ 6 jours ! Se baigner à Zanzibar et nager avec les dauphins. Pour les plus sportifs : faire le tour de l’île à vélo ou bien pratiquer la plongée sous-marine. Visiter le Ngorongoro, y faire un safari en 4x4, et loger dans un des lodges situés au bord du cratère qui avoisine les 2 300 mètres. Visiter le Serengeti surnommé la « plaine sans fin ». Une savane à perte de vue, avec une faune exceptionnelle, s’étend devant vous. Julia Buquet 57


Du Kenya au Nord de la Tanzanie, les Massaïs arborent encore aujourd’hui leurs tenues rouges associées à la couleur de leurs terres mais aussi à celle du sang, une fierté pour ce peuple de guerriers. Les Massaïs, identité culturelle de l’Afrique australe, ne cessent de faire fantasmer et d’intriguer par leurs traditions ancestrales à l’heure de la modernité. Alors, laissons place à l’évasion ! © Mikel.hendriks

À l’est du continent, dans une région à cheval sur le Kenya et la Tanzanie, les Massaïs vivent le long de la vallée du Rift. Ils ont migré de l’éthiopie, pays d’origine dont ils ont gardé la langue nilotique, le maa, jusqu’à leurs actuels territoires, en recherche constante de nouveaux pâturages. Ces hommes en rouge sont des pasteurs nomades. Soucieux de leur rôle attribué par leur dieu Ngaï, les Massaïs se disent gardiens de la biodiversité et aussi tout particulièrement des vaches-zébus. Leur seule richesse : le troupeau.

Un peuple défini par sa culture pastorale

Leur mode de vie Le rôle des femmes au sein de l’organisation consiste à garder le village, cuisiner et construire les maisons régulièrement détruites lors des déplacements. Concernant la vie d’un homme massaï, elle est très structurée. Il s’en détache trois étapes distinctes : l’enfance ; le statut de « morane » auquel l’enfant accède après une étape initiatique et se voit alors endosser le rôle d’accompagnateur du troupeau et de guerrier contre les prédateurs ; et l’accession au statut d’ancien, vers l’âge de 30 ans qui leur donne le droit de se marier avec la fille choisie par le père depuis sa naissance. Les bijoux, vêtements et parures si réputés des Massaïs, sont la marque de leur statut au sein de la communauté.

© lilian.lemonnier

Les animaux rythment leur quotidien. Ils sont leur nourriture, leur fournissant lait, viande et sang pour les boissons énergisantes des guerriers. Les Massaïs font de la vache une monnaie d’échange pour obtenir du mil, du maïs de la part des agriculteurs ou bien s’en servent comme une sentence ultime pour punir une faute, en confisquant le troupeau. Les maisons également portent la marque de cette culture pastorale. Les « manyattas », petits groupes de huttes, sont faites à partir d’une structure de bois recouverte par un mélange de purin de vache et de terre qui, une fois séché, devient aussi dur et étanche que du ciment. Le village est encerclé de haies d’épineux pour éloigner les bêtes sauvages et protéger le troupeau regroupé au milieu du village durant la nuit. Ainsi, le troupeau régit la vie de cette communauté et aussi de leurs mœurs car plus un Massaï aura de bêtes, plus il pourra avoir de femmes. En effet, ils sont polygames.

58

Plusieurs rites sont pratiqués et forgent l’identité de ce groupe ethnolinguistique. En voici quelques-uns : • L’excision, réalisée lors de la puberté des jeunes filles, est un sujet problématique actuellement car le gouvernement kényan et de nombreuses ONG internationales tentent de faire cesser cette pratique. Si pour les jeunes filles l’excision est de mise juste avant le mariage, pour les jeunes garçons on pratique la circoncision. • Après la circoncision, vers 15 ans, les jeunes guerriers partent vivre à l’écart du groupe, dans un village construit pour eux. Là, ils apprennent à devenir de vrais guerriers. • Lors de cérémonies, des danses sont pratiquées et donnent lieu à une compétition de sauts entre les hommes. Le but est de sauter le plus haut possible en gardant les pieds joints afin de séduire les jeunes filles. • Les femmes ont parfois d’énormes trous dans les oreilles qui leur permettent d’y faire pendre des bijoux de perles qu’elles réalisent.


© Fernando Quevedo

nomades sans terres

Un peuple prisé par le tourisme pour ses traditions ancestrales Défenseurs de leurs traditions, chasseurs de lions et guerriers réputés (bien que la chasse aux lions ne se pratique plus), ils ont su incarner l’identité kényane convoitée par le tourisme international et ainsi devenir un maillon essentiel pour l’économie du pays. Ils ont développé un artisanat traditionnel touristique leur permettant de mieux vivre. Ils souhaitent également tirer profit de l’emprunt de leur image par des sociétés et des entreprises en faisant de leurs traditions une marque déposée. Certains parlent l’anglais, d’autres échangent par téléphone portable, ou encore descendent à la ville pour faire des achats… Bref, c’est un des peuples africains à avoir le mieux tiré profit de la mondialisation. En effet, il s’ouvre à la modernisation afin d’améliorer ses difficiles conditions de vie. Mais concomitamment, gardiens des terres qu’ils investissent, les Massaïs continuent de vivre en respect total avec la nature. Ils développent un tourisme écologique afin de sensibiliser la population à leurs choix de vie ainsi qu’aux risques sur l’environnement de la surexploitation de leurs terres.

Julia Buquet

© Njord_pt

Bien qu’ayant résisté à la colonisation et à l’occidentalisation, les Massaïs ont plus de mal à survivre à cause de la spoliation de leurs terres. Aux termes d’un traité de 1904, durant la colonisation, les Massaïs ont été expulsés des trois quarts de leurs terres, lesquelles ont été attribuées à des colons blancs. Par la suite, ils ont été parqués dans des réserves par le gouvernement afin de les inciter à l’agriculture sédentaire. L’objectif non avoué est sans doute de faire disparaitre le pastoralisme traditionnel. Aujourd’hui, les Massaïs kényans réclament l’abolition des traités financiers de l’époque coloniale signés avec la Couronne britannique. Leur vie en quasi-autarcie continue d’être menacée par la réduction de la surface de leurs terres au profit des fermiers étrangers, des agriculteurs bantous ou encore par la création de parcs nationaux. Cela les a parfois poussés à se sédentariser en cultivant du maïs ou en descendant à la ville chercher un emploi dans les usines.

59




& BLACK

HIVER 2014

SHOPPING Spécial

IT in Cet hiver, la fashion rayonne et se couvre d’or. Mais le conseil de la rédaction est de rester sobre et chic. Mesdames, on peut être

« in » sans être

bling bling. Suivez le guide : sacs,

1

bijoux,

vernis à ongles, chaussures, pantalons, robes et 2

vestes ; toute la tendance hiver 2014 y passe. 3

Par Gaëlle Ngako.

5 Une pochette dorée donne-t-elle la bonne touche éclat ?
 Si vous n’arrivez pas à passer le cap de la grosse pièce, rabattez-vous sur une pochette. Pas d’hésitation : il vous faut une touche de doré. C’est ravissant avec du noir, et ça rehausse n’importe quelle tenue un peu trop convenue. Foncez ! Le doré est-il grossissant ?
 Comment prétendre le contraire ? Il arrondit forcément, car il brille, il réfléchit la lumière. Mais si on joue le contraste entre un slim doré et un joli top noir, ça marche ! De toute façon, l’idée c’est d’être doré du haut ou du bas, mais jamais les deux ensembles... En cas de pantalon goldy, c’est talons obligatoires pour rallonger les gambettes. Vous aurez l’air d’un astre fashion. Brillant ! Faut-il réserver le glitter pour le soir ?
 Pour certaines d’entre nous, l’option « doré le jour » semble insurmontable. Dans ces cas-là, une seule solution : tenter de se débloquer en portant du doré le soir. Les fêtes arrivent à grands pas et, là où nous étions naguère catégoriques, nous nous sommes assouplis : le doré est désormais glam et plus du tout tarte ! Une jupe longue de vestale et un joli top noir, et vous voici la reine de la fête. Dès que vous serez accoutumée, vous pourrez faire passer votre look de fête en vestiaire diurne. C’est sûr, on ne verra que vous sur le quai du métro...

62

4

7 6

9

8

12

13

10

11

14

1. MICHAEL KORS, Bague or avec pierres en cristal, 55 €. 2. O.P.I. Vernis avec des feuilles d’or 18 carats 39,95 €. 3. GUESS, montre oversized, 205 €. 4. BOSS Sac à main « Berlin 40 », 850 €. 5. MICHAEL KORS, ras de cou, 115 €. 6. Repetto, La ballerine Cendrillon, Tejus Or, 215 €. 7. CHANEL, Bottes, 950 €. 8. DIOR, Mascara Diorshow extase 33,50 €. 9. MICHAEL KORS, Bracelet en cuir style python, 115 €. 10. Christian LOUBOUTIN, So Kate Brocart, 465 €. 11. DIOR, ombre à paupières Diorshow mono 32 €. 12. CHANEL, Sac à main, 2 750 €. 13. Christian LOUBOUTIN, l’emblématique So Kate Python Crystal, 895 €. 14. CHANEL, Escarpins, 790 €.


Après Noël et le Nouvel An, notre corps a besoin de remettre des excès et de se ressourcer pour retrouver vitalité. 54 éTATS vous propose son programme détox trois étapes pour passer les fêtes en beauté et surtout bonne santé !

se sa en en

Teint terne, cheveux raplaplas, fatigue, irritabilité… Après les (nombreux) repas des fêtes de fin d’année, notre organisme tire la sonnette d’alarme et réclame du repos. Pour l’aider à retrouver son équilibre, on s’offre un régime pour se purifier et se débarrasser des toxines accumulées. ATTENTION : l’objectif de ce régime n’est pas de maigrir mais de nettoyer son corps de l’intérieur afin de retrouver santé et vitalité !

1. JE FAIS LE TRI DANS MON FRIDGE Un régime détox implique des règles strictes et une bonne hygiène de vie. Pour éviter de craquer sur les restes de bûche glacée, de saumon ou foie gras, je fais le tri dans mon frigo pour ne garder que les produits qui sont bons pour MON CORPS ! EXIT : LE GRAS, LE SEL, LE SUCRE…ON DIT ADIEU. JE DIS BYE, BYE aux sodas et autres sucreries, mais aussi à la charcuterie, aux viandes rouges, au beurre et à l’huile. Entre Noël et le Nouvel An, je fais également l’impasse sur les boissons alcoolisées, afin de laisser à mon foie le temps de se ressourcer. à consommer à volonté : Les fruits (frais ou secs), les légumes et les céréales complètes ! Ces trois groupes d’aliments pleins de vitamines, d’antioxydants et de fibres sont l’idéal pour nettoyer l’organisme et améliorer la digestion. On remplace la viande rouge par des poissons maigres, que l’on cuit à la vapeur pour un minimum de calories. Et surtout on s’hydrate ! Au moins 1,5 litre d’eau par jour, à descendre sous toutes ses formes : thé, tisane, bouillon… Si possible, on privilégie les tisanes « spécial détox » et les eaux minérales pauvres en sel mais riches en magnésium pour éviter les coups de fatigue. L’astuce de la rédac : Pour purifier mon organisme tout en donnant de la saveur à mes plats, j’utilise des herbes aromatiques pour assaisonner mes plats. Romarin, persil, sauge, thym, basilic… Riches en chlorophylle, les herbes apportent de la vitalité à l’organisme, et sont les alliées idéales pour un teint frais !

2. Je rétablis mon équilibre acido-basique L’équilibre acido-basique est essentiel au bon fonctionnement de l’organisme, notamment pour éviter les problèmes de santé, de digestion, ou encore la fatigue. L’acidité de notre alimentation est naturellement trop élevée pour être correctement assimilée par l’organisme. Pour compenser, on fait le plein d’aliments à forte teneur en minéraux alcalinisants (au pH basique, à l’opposé du pH acide des aliments non alcalinisants), comme le calcium, le potassium et le magnésium. Privilégiez les légumes verts (brocolis, épinards, haricots verts…) et les céréales complètes. En revanche, les produits laitiers et les crudités telles que les asperges, les tomates ou le cresson, très acides sont à éviter. Les fruits doivent être consommés avec parcimonie, en raison de leur forte teneur en sucres (très acidifiants). Misez en revanche sur le citron, il vous fera bénéficier de ses vertus alcalinisantes. L’astuce de la rédac : Pendant une semaine, je fais un régime citron. Dilué dans une bouteille d’eau à siroter toute la journée, en assaisonnement sur du poisson ou dans une salade, il est non seulement un allié détox mais aussi minceur, puisqu’il permet de réguler le système digestif, étape cruciale dans l’élimination !

3. Mes petits coups de pouce détox Pour compléter ma cure détox, je donne un petit coup de pouce à mon organisme à l’aide de compléments alimentaires ou de remèdes naturels à base de plantes. En cas de digestion difficile de ballonnements ou de paresse intestinale, je choisis des aliments riches en fibres, comme les figues, la rhubarbe, le radis noir ou les pruneaux, à manger crus, cuits ou en jus de légumes.

© Pixabay.com

DÉTOX

3 ÉTAPES POUR RETROUVER SON ÉQUILIBRE APRÈS LES FÊTES

63


À quelques jours des fêtes, 54 éTATS, le magazine de l’Afrique a fait une petite sélection qui facilitera la tâche de ceux qui ne roulent pas sur l’or... et les autres ! Voici de quoi emballer tout le monde au pied du sapin.

2

Moins

de 50 € 1 4

1

3

Moins

de 200 €

1.Emma Cargill, collier love ras du cou, 50 €. 2. bulle2co, boucles d’oreilles asymétriques rouges 36,90 €. 3. Anne-Marie Herckes, colliers Lou Design 22,50 €. 4. terre inca, headband cuir bleu rock 62,90 €.

2

1

3

1. C-OUI, sac Rabat cuir métallisé 199 €. 2. CATHERINE PARRA, housse iPad 125 €. 3. LAË MA Made in France, sac pochette diva Lurex 175 €.

Moins

de 100 € 5 4

1. BEAU COMME UN LUNDI, pochette hand 79 €. 2. LAË MA Made in France, pochette demoiselle 55 €. 3. LESSISRARE, étui iPad en cuir 85 €. 4. DELPHINE QUIRIN, béret pompon rouge 78 €. 5. SARAYO, coussin brodé 35x50 cm 60 €. 64

2 3

Le + CHER

LESSISRARE, plaid en renard de Patagonie Design House of Argentina 3 500 €.


le soir des fêtes

le

Le jour des fêtes, on se met tous sur notre 31 et on arbore notre meilleur look. Pour apporter la touche finale et parfaire notre tenue, on se doit d’avoir un maquillage au TOP ! Voici quelques idées make up pour resplendir le jour J.

MAKE UP ide al

Look no1

Look no3 Nature l / Chic

Look no2 Femme fat ale

© glamour.com

Pour un look femme fatale à en faire tomber tous les hommes de la soirée, rien de plus simple. Tout se joue sur le rouge à lèvres ! Inutile, donc, d’en faire des caisses avec un blush trop rosé ou un fard à paupières extravagant. Au contraire, préférez des teintes se rapprochant de la couleur de votre peau pour les yeux, et ajoutez-y un trait fin d’eyeliner ainsi que du mascara. Quant à la bouche, c’est elle qui définira le rendu final. Soulignez-la avec l’incontournable rouge à lèvres rouge mate et le tour est joué.

Le look idéal pour toutes celles qui souhaitent être éblouissantes en toute sobriété. Pour l’obtenir, effectuez un contouring. Cette technique de maquillage consiste à utiliser un fond de teint légèrement plus clair que notre peau sur la « zone T » du visage, ainsi qu’un fond de teint plus foncé sur les contours du visage. Ce procédé affine les traits et, agrémenté d’un blush nacré, il vous donnera un teint lumineux et naturel. Gaëlle NGAKO

© Taaz.com

© popsugar.co.uk

Ce look est parfait pour faire ressortir les yeux clairs et donner de l’intensité à votre regard. Commencez par appliquer une base préparatrice sur l’ensemble des paupières. Ce qui va unifier et fixer le maquillage. Ensuite, appliquez un fard de couleur brun ou taupe, dans le creux de l’œil interne ainsi que sur toute la paupière mobile afin d’apporter une touche lumineuse. Puis, choisissez un fard noir fumé que vous placerez dans le coin externe de l’œil et sur le pli de la paupière. Estompez le tout pour unifier les deux teintes. Soulignez le regard avec un trait d’eyeliner en haut de l’œil et du crayon noir en bas, sans oublier de mettre votre mascara préféré qui donnera du volume à vos cils. Pour le reste du visage, optez pour un fond de teint s’alliant à la carnation de votre peau, appliquez un blush couleur naturelle et faites-vous une bouche nude pour éviter l’effet too much.

© Pixabay.com

Les yeux ch arbonn eux

65


© freepik.com

LES LOOKS IMPROBABLES

Les stars peuvent souvent être un modèle d’inspiration lorsqu’il s’agit d’enrichir notre garde-robe. Il leur arrive tout de même de faire des « fashion faux pas ». Jetons un œil sur les derniers looks en vue afin de définir © www .pu re p eo qui a fait un TOP ou un FLOP vestimentaire ! ple m co

.

Audrey PULVAR

Lupita NYONG O © af r

La journaliste, actuellement chroniqueuse sur l’émission Le grand 8, nous a habitués à un look beaucoup plus sophistiqué. En effet, c’est avec une tenue quelconque, une mise en beauté banale et une coiffure presqu’inexistante qu’Audrey Pulvar a choisi de se présenter à l’inauguration du salon de thé de Zahia Dehar. Si l’on souhaite arborer une coiffure afro, il faut tout de même redéfinir les boucles naturelles des cheveux afin que le rendu soit harmonieux. Ici, le style négligé pour lequel a opté Audrey ne la met pas du tout en valeur. C’est donc un FLOP !

ien tid quo iq u e

L’actrice s’est présentée aux Oscars dans une robe bleue signée Prada en parfaite harmonie avec sa magnifique peau ébène. Sa traîne et son serre-tête lui donnaient l’allure d’une véritable déesse kényane. C’était la tenue idéale pour recevoir l’Oscar de la meilleure actrice dans un second rôle. Pour nous, c’est un TOP !

n ph otogr a phe

La chanteuse française d’origine maghrébine Amel Bent a tenté un look plus ou moins original lors des derniers NRJ MUSIC AWARDS. Elle a défilé sur le tapis rouge vêtue d’une robe transparente nous laissant entrevoir ses formes ainsi que ses sous-vêtements peu flatteurs. Pas très classe tout ça ! C’était bien essayé, on salue l’audace mais pour nous ça reste un FLOP !

© freepik.com

©I

Amel BENT

rs.fr

Imany

Nous avons pu apercevoir la chanteuse Imany à la 67e cérémonie du festival de Cannes dans une élégante robe noire ornée de dentelles sur le buste. On aime le maquillage simple mais glamour avec la touche de rouge sur les lèvres, et on dit oui au foulard qui s’allie très bien à sa coiffure et apporte une touche ethnique à la tenue. C’est un beau TOP ! Gaëlle NGAKO

co le.

66 © ww

w.p

op pe ure

m


ACTUCINé + spectacle

Bande de filles Un film réalisé par Céline Sciamma avec Karidja Touré, Assa Sylla et Lindsay Karamoh. Il résume l’histoire de Marieme, une jeune fille de 16 ans qui aimerait profiter de son adolescence et s’amuser. Pourtant, elle voit sa vie comme une succession d’interdits : la censure du quartier, la loi des garçons, l’impasse de l’école. Sa rencontre avec trois filles affranchies va tout changer. Elles dansent, elles se battent, elles rient de tout. Marieme devient Vic et entre dans la bande, pour vivre sa jeunesse. Le film est en salles depuis le 22 octobre 2014.

Spectacle L’humoriste Thomas Ngijol récemment à l’affiche des films Fast life, Le crocodile du Botswanga ou encore Case départ est de retour sur les planches. Son premier one-man-show à block ! sorti en 2008 a rencontré un fort succès auprès du public. C’est six ans plus tard que le comédien a choisi de remettre le couvert avec un tout nouveau spectacle intitulé Thomas Ngijol 2 . Depuis ses débuts au Jamel Comedy Club, Thomas enchaîne les projets à succès.

Samba Suite à son exil outre-Atlantique pour le tournage du film X-MEN, le « Chouchou » des Français qui incarnait Driss dans le film Intouchables, revient sur nos écrans. Omar Sy incarne cette fois le personnage de Samba, un Sénégalais vivant en France depuis dix ans qui collectionne les petits boulots. Voulant s’en sortir dans ce pays, il essaye par tous les moyens d’obtenir ses papiers. C’est Charlotte Gainsbourg qui lui donne la réplique. Elle joue le rôle d’Alice, une cadre supérieure épuisée par un burn-out qui tente de se reconstruire par le bénévolat dans une association. Chacun cherche à sortir de son impasse jusqu’au jour où leurs destins se croisent... Entre humour et émotion, leur histoire se fraye un autre chemin vers le bonheur. Le film est en salles depuis le 15 octobre 2014.

Il se produira sur la scène du théâtre Dejazet du 14 octobre 2014 au 4 janvier 2015.

67


68


Extract from Notebook of

a Return to My

Native Land (1939), AimĂŠ CĂŠsaire.

oh friendly light oh fresh source of light those who invented neither powder nor compass those who could harness neither steam nor electricity those who explored neither the seas nor the sky but those without whom the earth would not be the earth gibbosity all the more beneficent as the bare earth even more earth silo where that which is earthiest about earth ferments and ripens my negritude is not a stone, its deafness hurled against the clamor of the day my negritude is not a leukoma of dead liquid over the earth’s dead eye my negritude is neither tower nor cathedral it takes root in the red flesh of the soil it takes root in the ardent flesh of the sky it breaks through the opaque prostration with its upright patience 69


profiles

JOSéPHINE BAKER The Ebony Venus

© Bettmann-CORBIS © Flickr-Afbeeldingen Modernen

Baker, fought tirelessly to establish justice and equality for all. During the Second World War, she worked with the French resistance army. Her bravery and courage played a huge role in the fight against the Nazi Germans. After the war, she was awarded both the Croix de Guerre and the Legion of Honour with the rosette of the Resistance, two of France’s highest military honours. Above all, Baker was self-independent and never relied on a man for any financial support. Being a black woman at a time when society considered women to be inferior to men, the black race lesser to the white race, Baker worked very hard to acquire her riches and celebrity status. She was an inspiration to all women, she was able to transcend societal barriers and convey a universal message to all. She belonged to no one and was available to everyone who needed her help. Born Freda Joséphine McDonald on June 3, 1906, in the slums of St Louis, Missouri, in the United States, Baker spent her early youth life in absolute poverty. Joséphine used to sleep in cardboard shelters and scavenging for food on anything that her eyes can lay on cabbage cans. At the age of eight Baker started working as a cleaner and baby sitter for wealthy white families, who mal-treated her and would often say to Baker “Be sure, not to kiss the baby”. Few years later, she became a waitress at the Old Chauffeur’s club. It was during her time as a waitress, Joséphine first started dancing, honing her skills both in clubs and in street performances, and by the time young Joséphine was 15, she was touring the USA with the Jones Family Band and the Dixie Steppers performing comedic skits. Few years later, Baker secured a role in the musical Shuffle Along as a member of the chorus, and the comic touch that she brought to the part, made her popular with audiences. With these early successes, Baker then moved to New York City and was soon performing in Chocolate Dandies and, along with Ethel Waters, in the floor show of the Plantation Club, where again she quickly became the crowds favourite.

© Condé Nast Archive-Corbis

When Joséphine Baker is mentioned the image that most people hold is that of an ingénue who used to dance with a skimpy banana skirt. However, Baker must be seen beyond the banana or feather skirts costumes on stage. She was a philanthropist, a humanitarian and an activist who used her wealth and fame to help the needy and the oppressed.

In 1925 when racial segregation was tense in the USA and France’s obsession for American Jazz, Baker travelled to Paris to perform in La Revue Nègre at the Théâtre des ChampsÉlysées. Her performance made an immediate impression on the French audiences. When with dance partner Joe Alex, she performed the “Danse Sauvage” in which she wore only a feather skirt.

However, it was the following year, at the Folies Bergères music hall, one of the most popular of the era, that this young lady’s career would reach a major turning point. In a performance called “La Folie du Jour”, Baker appeared on stage wearing just a skirt made of 16 bananas. Baker’s dance moves and artistic work took Paris by storm. Her exotic beauty and barred dance routines earned her the nicknames “Black Venus, Black Pearl and the Creole Goddess”. She received lots of valuable gifts from wealthy admirers and according to some commentators she had more than 1500 marriage proposals. Being the first African-American woman to have found success across the Atlantic, Baker became one of the most popular and highest paid entertainers in France and Europe as a whole. In the 50s Joséphine returned to the USA with more energy and determination to fight against racism. When in New York she was refused reservation in various hotels for being black. Even though she was based in France, Baker supported the Civil Rights Movement in the struggle for equality and refused to perform for segregated audiences. Her insistence on mixed audiences helped to integrate shows in Las Vegas, Nevada which was then the most segregated cities in America. However, it was during this period that Baker began adopting children, forming the family she often referred to as “The Rainbow Tribe.” Joséphine wanted to prove that “children of different ethnicities and religions could still be brothers.” She often took the children with her up and down the country and when they were at Les Milandes, tours were arranged so visitors could walk the grounds and see how natural and happy the children in “The Rainbow Tribe” were. At 69, Joséphine Baker died of cerebral haemorrhage in her sleep, few days after she had performed at the Bobino theatre to mark the 50th anniversary of her debut in Paris. By Baillor Jalloh

70


blaise DIAGNE the forgotten hero France is considered to be one of the most tolerant country in Europe where ethnic minorities such as black Africans, Jews and Arabs enjoy fundamental rights such as the right to freedom of speech, movement and job opportunities based on merits. Most of all, the right to French citizenship if a person is born in the country irrespective of their colour or religion. However, as millions of black Africans enjoy these rights in modern France the man who helped this to happen is unknown to many of them. The Pantheon of African and French national heroes houses a hero forgotten by recent history : blaise diagne.

© google seneweb.com

Blaise Diagne is the first black African to obtain a post in the French government and to be elected a deputy of the French parliamentary in an usual election in his home country of Senegal in 1914. He defeated six French candidates in the election.

He was born Anthony Preira Galaye Mbaye Diagne in the Island of Goree, Dakar, Senegal, into a better off family. Diagne was later adopted by a Christian family who later baptised him as Blaise even though he was born Muslim. He studied in France before joining the French customs service in which he served in various places in the French colonies.

This did not only paved the way for Africans to be part of the decision making in Senegal’s modern politics but it was also the beginning of a successful career for Blaise Diagne. This young African nationalist introduced new campaign, techniques and political methods. He gave his fellow countrymen a sense of purpose and unity to the badly divided traditional electorate. He broke the Creole and French domination of power in political institutions in Senegal.

As a deputy during World War One, Blaise Diagne sponsored a law which gave full right and citizenship to the residents of four coastal communities of Senegal (Dakar, Goree, Saint-Louis and Rufisque).

L

The law which also helped the thousands of African men then fighting in North-eastern France against the invading German Army was passed in 1916. In the same year French Prime Minister Clémenceau nominated Diagne to be General Governor for the recruitment of soldiers in French West Africa. Diagne accepted the post after negotiating guaranties concerning soldiers conditions and the mal-treatment of black Africans to stop. During this same period, he also served as a president of the 1919 international PanAfrican movement and rubbed shoulders with prominent American civil rights activist like Marcus Garvey and W.E.B Du Bois.

L

Few years later, the Republican Socialist Party was formed by Blaise Diagne, and the party won control of local governments in the Four Communes of Senegal. He became the leading political figure in the Four Coastal Communities. At the same time he also founded a newspaper called La Démocratie which was later renamed “L’Ouest Africain Français” (West African French).

© Erica Kowal

Although in his early career he was the pioneer of black African electoral politics and an advocate of equal rights for all, regardless of race, as his popularity increased and time passed by, Diagne cast aside his dream of seeking justice and equality for all and selfgovernment as a legitimate goal. He became the African politician assimilating every aspect of colonialism and defending the ideologies of colonial masters (France) which included forced labour. He was rewarded with wealth and more power, as he became the first African to hold a high ministerial position in the French government in the early 30s, when he became the undersecretary of state for the French colonies in Africa. Even though Diagne’s first success was admired by some as an important stage in the political evolution of French colonies in Africa (Francophone Afrique), new leaders such as Sekou Toure of Guinea and Diagne’s fellow countryman Léopold Senghor decided to demand total independence from the French. By Baillor jalloh 71


LE BON NÈGRE ?

« Y’A (PAS) BON ! » The colonial period conveyed numerous stereotypes in the French public opinion. The coloniser demonstrated paternalism towards colonised populations, condescending them and depriving them of a history or civilisation. An imagery built around the “bon noir” figure appeared, which was meaningful in a country willing to lead a “civilising mission” in its overseas possessions.

À la cabane bambou, a popular song interpreted by Félix Mayol at the beginning of the XXth Century offers an example of the way metropolitan France perceived its colonies. Popular culture assigned to Black people a form of debilitating naivety and held a caricatural illustration of its representation of the African, oscillating between savagery and buffoonery: Thick lips, nappy hair and prominent nose; not to mention the « pidgin French», a phrase which appeared in the French dictionary “Grand Larousse” in 1928 and was defined as follows: “Basic French used by Negroes from colonies”.

Tintin : the target of criticism The most perfect illustration of these stereotypes probably lies in the comic book Tintin au Congo, pre-published in 1930 before being reedited in 1946. Hergé was widely criticized and accused of racism. The Belgian cartoonist reacted explaining that he had reflected the colonial attitudes of the time and had depicted the African people according to the bourgeois, paternalist stereotypes of the period…. Afterwards, many people will continue to adopt this approach in various media.

The decree abolishing Slavery in 1794 does not place Blacks and Whites on an equal footing. Indeed, in 1885, the Berlin Conference led to the partitioning of Africa by the colonial Powers. In the twenties, the use of forced labour allowed the Société des Batignolles to build the « Congo-Ocean » railway. It was only in 1946, that forced labor was forbidden by Houphouët-Boigny. Decolonizing and independence (or assimilation as to the départements d’Outre-mer) remain a slow and (sometimes) violent process. Although the 1789 Declaration of the Rights of Man and of the Citizen expressly states: “All human beings are born free and equal in dignity and rights”, Napoleon Bonaparte re-established slavery in the French colonies in 1802 (abolished in 1815). In 2001, France strengthened its legislative arsenal to combat all forms of discrimination. In France, the first anti-racist demonstration was the Marche pour l’égalité et contre le racisme which took place in 1983, following acts of violence committed by the police against young people with immigrant backgrounds. In the wake of this event, the French association SOS Racisme was founded in 1984 in order to combat all forms of discrimination; it still exists to pursue this cause. Afterwards, other associations appeared, such as le CRAN (Conseil représentatif des associations noires) ou Sortir du colonialisme which actively fight against racism and discrimination in France. Under the auspices of State, but independently, the Halde was created in 2005 and later dissolved in 2001 to the benefit of Défenseur des droits, the new constitutional authority for the defense of fundamental rights. Translated by Sandra WOLMER 72

In addition to racist sentiments expressed by political personalities, offensive wording used in magazines, clichés evocating the “bon petit nègre”, racism is still conveyed through products of general consumption. Associations keep a close watch on this situation and do not hesitate to denounce offensive or racist sentiments, publications or commercial names.

Deeply ingrained clichés “Y’a bon Banania”, a “Slave Style” jewellery line advertised by fashion giant Mango, the “exposition coloniale” tea sold by the French tea company Mariage Frères, the “Négro” and “Bamboula” pieces of chocolate sold by a French chocolate factory or a Danone advertisement campaign for the Danette dessert featuring a black family disguised as animals: all these products or commercial names were withdrawn from sale or were modified following complaints laid down by associations, such as SOS Racisme. All these examples demonstrate the need of implementing conscious effort to break free from the colonial mindset. Which is not easy, even in 2014 !


73


OF A WHITE PARISIAN

FASCINATION “On Sunday evenings, we would abandon the chic if bitter haunts of skepticism and let ourselves be elated by the splendid animal zest of the Negroes in the Rue Blomet. […] At that time, very few white people mingled with the colored crowd, and fewer still risked dancing on the same floor. When set beside these sinuous Africans and shimmying West Indians, their stiffness was quite appalling, and if they tried to shed it, they tended to look like cases of hysteria under hypnotism. […] the noise and the smoke and the fumes of alcohol, and the violent rhythms banged out by the orchestra, my mind would become quite dazed. Through this fog a sequence of handsome, laughing faces passed by me”. (Simone de Beauvoir, The Prime of Life, 1960, translated by Peter Green)

F

© une-autre-histoire.org

BIGUINE OR THE STORY

rom the end of the Great War and leading into the 1930s, in the wake of the overwhelming success of the famous Revue Nègre driven by the colourful Josephine Baker, a true “negrophilia” spread in Paris. If American GIs made spread exhilarating jazz, French West Indians succeeded in introducing their wonderful biguine in Parisian cabarets.

Through this exuberant testimony, Simone de Beauvoir described in her autobiography, The Prime of Life, the euphoria rising out of the discovery of the French West Indian culture, and above all, of the French West Indian music during the interwar period. A trend keeping up with the times! In 1921, Batouala, a novel written by René Maran, a Martinican writer, was awarded the Prix Goncourt (the most prestigious literary prize in France).

Later, in 1931 and 1937, whereas Parisians were dreaming about the revival of the Roaring Twenties, the 1931 and 1937 International Exhibitions, which drew millions of visitors, raised the visibility of the culture of these remote Caribbean islands. The most visible effect of this recognition was the widespread fascination with biguine and the opening of new French West Indian cabarets in the capital.

Le Bal Colonial (as well known as Bal Nègre), le Bal de la Glacière, le Canari or le Rocher de Cancale became Parisian haunts. A particular suaveness, nonexistent in the Grands Boulevards cafés, emanated from these places. Not to mention the hints of transgression and prohibition making them even more attractive!

The French West Indian diaspora might have not imagined that « negro parties » (les bals nègres) would attract hordes of white people, among which were famous personalities. From Mistinguett to Maurice Chevalier, Hemingway, Fitzgerald, Cocteau or Picasso, white artists and intellectuals rushed towards these “places of debauchery”, as defined by conservative circles. Even the Prince of Wales (Later King Edward VIII) swayed to the sound of the music played by the Bathuel Brothers, Des Wouves or Robert Charlery (musicians pertaining to the French West Indian avant-garde). Sartre, Camus, Vian and Prévert haunted the famous Bal Nègre. Robert Desnos, who dropped in as a neighbour, will promote its exceptional atmosphere in the French literary review Comœdia.

Thus, during the Thirties, a new aspect of Black culture was revealed and was brilliantly disseminated. Translated by Sandra Wolmer

74


Aimé Césaire

The father of black nationalism

M

any intellectuals consider Aimé Césaire as one of the most influential Francophone (French speaking) Caribbean writers of his generation. He wrote several books, including “Cahier d’un retour au pays natal”, (book about the return to my native land).However, Aimé Césaire’s skills were not only limited to writing poetry but he was also an accomplished play writer, who vented his anger on the colonialist (imperialist) on plays like “A Season at Congo, the Tragedy of King Christophe and the Tempest which was based on Shakespeare’s play”. All these dramas were about black rebellion and the fate of black power in the French colonies. He was also an activist and politician who contributed immensely to end French Colonialism in Francophone Africa and the Caribbean countries. He was a leader who stood against racism in France by turning the negative into positive.

Along with his two friends Léopold Sédar Senghor and Léon Gontran Damas, they created the concept and movement of “Négritude”. In Césaire’s own definition of “Négritude”, he said, it is “the simple recognition of the fact that one is black, the acceptance of this fact and of our destiny as blacks, of our history and culture.” He first expressed his thoughts about restoring the cultural values and identity of blackness in his poem “Cahier d’un retour au pays natal”, (book about the return to my native land). The poem celebrated the ancestral homelands of Africa where his ancestors originated from and his own Caribbean root. Césaire used his pen to highlight what he described as the barbaric and in-human treatment of the people who lived in colonies. On his book, “Discourse on Colonialism”, he argued colonialism was not and had never been a good will movement whose main intention was to improve the lives of the colonised. Instead the main motives were entirely for the benefit of the colonialist, i.e. an economic exploitation of the people who were colonised.

« the simple recognition of the fact that one is black, the acceptance of this fact and of our destiny as blacks, of our history and culture. » However, Aimé Césaire was not born with a silver spoon in his mouth. His life began in 1913, in Basse-Pointe, in the north of the Island of Martinique. His father was a junior government official and his mum a seamstress. Even though his family was poor, Césaire was fortunate enough to get good education. His love for studies helped him to get a scholarship to attend at the prestigious Lycée Louis le Grand in Paris where he subsequently met his friends Senghor and later Damas. During their time as students Césaire and Senghor founded “L’étudiant noir” (the black student) a publication that united black students from Africa and the Caribbean. Few years later, after he had got married to fellow country woman Roussi Césaire, the two co-founded “Tropiques”, a journal dedicated to American black poetry. The two journals were the backbone of the Négritude movement. During his life time, Césaire received lots of awards for his poetry and other contributions. He was the second person to win the International Nazim Hikmet Poetry Award in its history.

« colonialism was not and had never been a good will movement »

Césaire was also deeply involved in the struggle for French-Caribbean rights and, in 1945, with the support of the French Communist Party, he was elected mayor of Fort-de-France the capital city of his homeland Martinique. And also deputy to the French National Assembly. He was one of the drafters of the 1946 law on departmentalising former colonies, a role for which he was later criticised by independent politicians. In April 2008, Aimé Césaire died of heart problems age 94 in Fort-de-France. At home and throughout the third world countries, Césaire’s legacy is remembered as a great poetic writer, a politician and a leader of black nationalism. By Baillor Jalloh 75


léopold Sédar Senghor The father of Senegal’s democracy

A

Senegal boasts as one of the most stable country in Africa. It is one of few countries in the continent today that has not encountered a military coup yet since its independence from France in 1960. The country and its people owes this stability to one of its sons who was also one of the founding fathers of African independence and mother of democracy in the continent Léopold Sédar Senghor.

fter becoming Senegal’s first elected president, Senghor tried his utmost best to modernise the country’s agriculture, instil a sense of citizen awareness, combat corruption and inefficiency, forge closer ties with fellow African neighbours and continue co-operation with the Formal colonial master (France). He advocated a form of socialism that was based on African realities and was often referred to as “African socialism.” However, Senghor’s socialism was a democratic and humanistic one, and it shunned such slogans as “dictatorship of the proletariat.” He was an outstanding spokesperson for the Third World countries (Africa, South and Latin America), he protested against the unfair terms of trade that worked to the advantage of the West and disadvantage to African nations. Léopold is credited for being the first African president to have left office voluntarily in the 80s and handed power to his then Prime Minister Abdou Diouf.

According to historians, Senghor was one of the best writers the African continent has ever produced. He is the author of several poems written in French but translated into several languages including English, German and Spanish. He started writing when he was captured and imprisoned for 18 months by the Germans occupation of France during the Second World War. Some of his poems included Songs of Shadow (“Chants D’ombre”) and Black offerings (“Hosties noires”.) In some of these poems Senghor, calls for the reader “To feel the nearly mystical super sensory world of Africa”. He was born on 9 October 1906 in the city of Joal about hundred and ten kilometres south of Dakar. His father was a businessman from the Sere tribe (one of the ethnic minorities in Senegal) and his mother a Fullani (fulbhe). He was one of six children given birth to by his mother, who was his father’s third wife. Before becoming Senegal’s first President after independence, Senghor had already made history by becoming the first African to be allowed to teach in both secondary and University level in France. He received several international awards as a writer and was also the first black African to be inducted into the French Academy. Léopold was also part of the original co-founders of the “Négritude” with Aimé Césaire of Martinique and Léon G. Damas of French Guiana. This was a movement in France, which promoted distinctly African cultural values and aesthetics, in opposition (response) to the influence of French colonialism and European exploitation. The “Négritude” came from the term negro which was used negatively to devalue black people, however, Senghor and his two colleagues coined it together and gave the term a more positive meaning. In the same period he helped to establish the journal “Présence Africaine” which published the works of African writers and, in 1948, he edited an anthology of French-language poetry by black Africans that became a seminal text of the Négritude movement. Most of Léopold Senghor’s life was spent in politics serving his countrymen. He was in power for 20 years before handing to Abdou Diouf and retired in France where he died age 95 in 2001. By Baillor Jalloh

76


LEon-Gontran Damas

As a poet who fiercely believed in a cause, but he did not allow that cause to blunt his vision. His poetry stresses not the collision of worlds but the manner in which humanity can triumph and overcome manmade obstacles. »

THE ICON OF BLACK POETRY For those who admired Léon-Gontran Damas, he was an icon to them and to those that hated him, he was a traitor who betrayed his parents and the people who gave him everything he needed to become somebody.

H

owever, Damas was an outstanding poet, an activist and a brave politician who was later hated by his own parents for denouncing what they believed was the right culture and best civilisation into seeking what they considered a primitive black culture. Although, Damas was the first person to publish his poetry (Pigments) before his friends (Senghor and Césaire) did theirs, he was undoubtedly the least popular among the three. Léon’s poetry, reflected his commitment to the “Négritude” movement, it spoke about racism, the problems of self-identity caused by the colonial master’s policy of assimilation, and also what he described as the weaknesses of French (Western) culture and society. The poems from his book Pigments highlight a very good example. But one of the things that made him unique or stand out in the illustrious crowd, was that he changed (transformed) the French dialect into a dialect of his own, he ignored what he learnt in the French schools and used musical rhythms with humour, repetition and untraditional typography, reflecting the spirit of his African origin. His poems were extremely modern for their time, and he soon became an icon of black poetry. His book (Pigment) was banned and burned in the French colonies of West Africa and the Caribbean countries because of its encouragement for black Africans to resist French recruitment in the Second World War. According to Oscar Ronald Dathorne, who summarised Damas’s career, he described him “As a poet who fiercely believed in a cause, but he did not allow that cause to blunt his vision. His poetry stresses not the collision of worlds but the manner in which humanity can triumph and overcome manmade obstacles.” Damas was the third co-founder of the popular “Négritude” movement in the 1930s. The “Négritude” was formed to reject Western culture, oppose colonialism and also to denounce Europe’s lack of humanities. Most of all the movement aimed for the acceptance of being black and being proud of their African traditions, beliefs and history. The trio also founded the literary review, the Black Student (L’Étudiant Noir) which was the forefront of the movement. The journal aimed to break down the nationalistic and cultural differences that existed between black students in France. The journal’s main focus was radical politics and black culture, it followed the footsteps of “Legitime Defence”, which was also formed by fellow West Indians Jules Monnerat, René Ménil and étienne Léro, which was also launched in opposition to the colonial oppression, racism in France and its colonies. These journals paved the way for Afro-Caribbean students (black) intellectualism.

Unlike his two friends, Léon was born with a silver spoon in his mouth into a mulatto (black and white mixed race descendant) in French Guiana in March 1912. From a very young age, Damas had a plan for his future. He had goals that he wanted to achieved. He studied his secondary school at the Lycée Schoelcher in Martinique and later moved to France to study law in order to satisfy his parent’s wish. However, he also satisfied his own dream of studying subjects he had liked since childhood. He studied anthropology and developed an eager of attraction in fundamental politics. And as soon as his parents found out his little secret, they stopped his financial support. Léon was therefore forced to take various jobs in order to finance his education until he acquired a scholarship for his studies. During his lifetime, Damas held prominent posts in various jobs. He briefly served as an army officer during the Second World War and also held a political office in his home country of Guiana. He served as a deputy of Guiana in the French assembly. After quitting politics he worked for UNESCO, travelling all around the world lecturing mostly in Africa, the U.S and Haiti. Before his death in 1978, Damas was a professor at Howard University in the USA where he became the Acting Director of the University’s African Studies and Research Program and then later a Professor of African Literature at the prominent University. By Baillor Jalloh 77


first pan-african

congress

in paris In 1919, the first Pan-African Congress took place in Paris at the initiative of W.E.B. Du

Bois, an African-American intellectual and with the support of Blaise Diagne, the first African deputy for Senegal. This event appeared as an opportunity to claim the adoption of a “Code for the protection of Indigenous Peoples’ rights”, to claim the right of self-determination for colonial territories and, more generally, to express Black aspirations.

78


1. Robert Russa 2. Blaise Diagne 3. Georges Clémenceau 4. Charles D. B. King 5. William E. B. Du Bois 6. William Monroe Trotter 7. John Hope Photo centrale : participants du Congrès des écrivains et artistes noirs à la Sorbonne en 1919. 79


© DR

THE BUMIDOM

© Google

beginning in the 1960s and continuing for the next twenty years, the French government implemented a migration policy in order to respond to the social unrest and economic crisis (collapse of the sugar economy, desire of independence) that had shaken the French West Indies.

In light of this political climate, in 1963, a state agency known as the Bumidom (Bureau pour les Migrations Intéressant les Départements d’outre-mer : Guadeloupe, Martinique, French Guiana and Réunion) was created.

© Claude Coquil

The Bumidom laid down the terms and conditions under which young French West Indians were encouraged to emigrate to metropolitan France: a one-way ticket to bring them to France, housing assistance, job training and job placement upon arrival.

The reality was much darker. Identified as black people living in a white society, these migrants had to cope with racism. Mainly aimed at filling the shortage of labor in some French economic sectors, this migration policy contributed to their marginalization : they were unable to improve their living conditions as they often occupied lower ranking service sector jobs that metropolitan French usually refused. They settled in small dwelling units in working-class areas.

The B appe umido ared m the h isto ry o f

to b e

a my stific atio n

For numerous French West Indians, the dream of a brighter future shattered in the French metropolitan reality. The Bumidom appeared to be the history of a mystification: that of a non-existent Eldorado under which men and women decided to build a new life leaving everything behind. Translated by Sandra WOLMER 80


GASTON

Interview

This French intellectual, of Cameroonian descent, known by the public for his book Je suis noir mais je n’aime pas le manioc (“I am Black and I do not like manioc”) denounces, on the one hand, the sense of victimisation expressed by Black population and, on the other hand, the French society’s condescension. This writer (essayist) who defines himself as a « Bassa ascendant Burgundian » has answered questions posed by 54 ÉTATS enthusiastically.

54 ÉTATS: How would you define black identity? Gaston KELMAN (G. K.): There is no black identity. Each time a black person defines herself as black, she is wearing an identity which has been defined by others. So, it is absurd to observe that black people have not gotten rid of this definition imposed on them. This word reflects the identity of slavery, the identity of servitude, the identity of rejection which have created the fiction of the other negative part. Consequently, it is not possible to believe that the word “black” refers to an identity 54 ÉTATS: “Coming from diversity” “coming from visible minority” are common phrases. What do you think of these lexical twists? G. K. : It is totally absurd! What does diversity mean? What does minority mean? Should we define a person using the word minority? Should we define people on the basis on privileges conferred to them? In case of situations implying denial, injustice, measures should be taken so that justice prevails. People should have the possibility to go forward! When a person is defined as pertaining to visible minority, should we consider that all the others are part of the invisible majority? This makes no sense!

« A Black who has gotten rid of the fear linked to skin colour » 54 ÉTATS: What do you think of anti-discrimination policies? G. K.: Do you know that French renowned high schools have better means than any other educational establishment Some areas are characterized by discrimination which implies the necessity of restoring balance. People should not be gathered in spaces marginalising them. Diversity should spread though the territory or people should have the possibility to live in places they will choose according to their financial means. The logic to follow should not consist in discriminating spaces, in allocating money to these areas, and then, in speaking about policies designed for deprived areas. This matter refers to education as well. For example, Harry Roselmack (a French journalist) was born and studied in Tours (a French town). Because he is Black, he is depicted not as a Black but as a man coming from diversity. Ethnical compartmentalization has been created. Whatever Black people do, they are not considered as French. If they say they are coming from a French town, nobody will believe them, if they say they are coming from Zimbabwe, everybody will be satisfied: it is a matter of education.

© Google aeud.fr

KELMAN

54 ÉTATS: Do you think an Obama destiny constitutes for French young people a feasible dream? G. K.: the question does not necessarily arise in these terms. A child more easily identifies with a doctor than with a French assembly member. There is no unique role model. Positive examples should be more often highlighted. Reports often draw attention on highly qualified people who are redundant, as if the goal were to discourage children to go to school. The only people to embody success stories are rappers and sportsmen. Why not show hospitals and black doctors! Nowadays, thousands of black people are working as doctors in France; why not insist on this positive evolution? 54 ÉTATS: French Minister of Justice, Christiane Taubira was the victim of racist insults which have provoked timorous reactions from French political class. How do you interpret this fact, in particular taking into account French republican values? G. K.: Do you know how many times Nicolas Sarkozy was insulted? Do you know how many times I was insulted ? The French republic is not going to rise up because Christiane Taubira was insulted. However, the French Republic should react because a major TV channel decided to broadcast this fact in prime time during the TV news. Nobody was sanctioned. This is the problem! 54 ÉTATS: Is it simpler being Black in France than being Black in Africa? G. K.: It remains difficult to be African in France because the image of Africa is false. France continues to behave like a boss, like a military leader towards Africa. The problem is that Black people still consider white people as superiors. Black people think keeping in mind white people. Of course the mirror distorts. This is what I call the “mirror-thinking” (pensée-miroir). So that things could change, black people should think differently. As Frantz Fanon put it “I am not a prisoner of history. I should not seek there for the meaning of my destiny.” In my future, there is no black or white; only me and my fate. Gaston Kelman is the author of several books, including Monsieur Vendredi en Cornouaille, Michel Lafon, 2013.

Translated by Sandra Wolmer

81


© DR

POLITICAL REPRESENTATIVITY IT COULD BE BETTER! Eric Keslassy is the author of several books, including De la discrimination positive (Bréal, 2004) ou Tous égaux ! Sauf... (with Martine Véron, Éditions Le Cavalier Bleu, 2006) and Leçons d’introduction à la sociologie (Ellipses, 2014).

10% of French society would come from the “visible plurality”. Yet, only about ten deputies coming from the diversity (or 1,8% of deputies) make up the French National Assembly. This situation raises the issue of elite representativeness. Eric Keslassy, sociologist and teacher at the IEP de Lille, sheds light on this point.

54 États: There is an obvious gap between French society and its political representatives, in particular concerning « visible plurality ». How do you explain this? Eric Keslassy ( E. K.) : The increase in the number of “visible plurality” deputies requires to get more nominations from political parties even if they generally remain reluctant to this idea: the left wing party is doing much better than the right one but it has dealt with this issue at a late stage (for instance, in the 1997 and 2002 governments constituted by French exPrime minister, Lionel Jospin, no “visible plurality” deputy was appointed). Nicolas Sarkozy’s one-off effort has obliged him to shift up a gear in order to keep an electorate he has for too long taken as granted. On the one hand, political parties do demonstrate conservatism since they do not want to risk to present atypical candidates. On the other hand, voters seem to be ready to elect “visible plurality” candidates. Yet, it is necessary to underline that studies illustrating this trend date back and French society seems to have hardened its position on issues related on population “diversity”.

© media.24matins.fr

© Joël Saget AFP

E.K. : You are perfectly right. French people from “visible plurality” are more widespread among the less well-to-do and those from working class background are virtually no longer represented (to date, for example, there is no deputy from the working class). Consequently, the issue related to the gap between French society and its political representatives goes far beyond the “visible plurality” theme: some other criteria (such as age, sex and social background) have to be taken into account. Political nominations follow the same pattern imposing a typical profile in the French National Assembly, that is to say: that of a white man, aged over 55, coming from higher social classes.

82

© nextafrique.com

54 États : Could we assert that this situation raises the socio-professional group issue since it appears that the phrase “visible plurality” often refers to working classes?

54 États : Is the left-right division on this issue real or can it be interpreted as a matter of political opportunism or bargaining? E.K. : According to me, there is a true left-right division related to the political representation of French people coming from the “visible plurality”. Through Nicolas Sarkozy (whatever his motivations) initiative, the right wing party did make real efforts which have not been later materialised by the implementation of an in-depth policy extending these highly symbolic measures. Concerning the left wing party, the awakening is late but allows to promote elected representatives coming from “visible plurality” as illustrated by the results of the last parliamentary elections (10 political representatives).

54 États : Would it be appropriate to introduce any quota system or any form of positive discrimination in political life? E.K. : First of all, it is necessary to underline that quotas remain anticonstitutional. The implementation of such a policy would require a change in the Constitution - its first article -, which is highly unlikely since our vision of the Republic is based on deep attachment to the (theorical) equality of citizens. Besides, from a legal point of view, quotas on ethnic origin raise various questions: what kind of groups would be concerned? How to establish a division between them? When do we determine the fact of belonging to a particular ethnic group? This might eventually reinforce the communitarianism which is already expressed in our society. However, it is possible to implement indirect positive discrimination measures for candidates coming from “visible plurality” as the left wing party did during the two last parliamentary elections maintaining them in some constituencies. During the nominations of political candidates, this could act as compensation for suffering discriminations. Translated by Sandra WOLMER


CHRISTIANE TAUBIRA

AN INDOMITABLE WOMAN

Some struggles offer posterity to those who lead them in spite of existing bias. Like Robert Badinter (activist for the removal of the death penalty) or Simone Veil (pro abortion activist), Christiane Taubira will remain the face of the movement to grant homosexual couples the right to marry.

Nothing is as powerful as an idea whose time has come”

“Loving is acting” these simple but powerful words written by a dying Victor Hugo could perfectly sum up the life of the Trois Cases little girl who has become the French Justice Minister. Whether one likes or dislikes this political figure, nonetheless it is particularly difficult to disrespect her.

Victor Hugo, 1852

THE WOMAN EXASPERATES Republican tradition… In a universe marked by machismo, the former presidential candidate refuses to let herself be defined by others. She constantly denounces daily sexism which according to her “is not an act of resistance to feminism but rather a simple absurdity”. Her struggle for women is part of the exclusion and oppression memory to which people from overseas feel deeply attached. This is the leitmotiv of her commitment.

“What am I driving at? At this idea: that no one colonizes innocently, that no one colonizes with impunity either; that a nation which colonizes, that a civilization which justifies colonization—and therefore force—is already a sick civilization, a civilization which is morally diseased, which irresistibly, progressing from one consequence to another, one denial to another (...)”. Aimé Césaire, Discourse on Colonialism.

THE BLACK WOMAN DISTURBS This drafter of the law on the recognition of the slave trade and slavery as a crime against humanity, was herself subject to racist bias. Christiane Taubira takes low blows with dignity on which very few of her enemies can pride themselves. However, not without some injury! The refusal to forget her origins stands for her other credo, as she explained to the magazine La Vie: “Assuming oneself does not mean rejecting but putting oneself in condition so as to welcome the other”.

POLITICS IRRITATES In the French Assembly chamber, where conventional language reigns supreme, her speeches (delivered without notes) are still resonating. Her opponents (political and journalistic) admire her volubility as much as they fear it. Great orator, this former deputy of French Guiana turned into an extraordinary media phenomenon. She uses erudition as a genuine political weapon. She quotes unreservedly les Chantres de la Négritude – Césaire, Damas or Senghor - Rousseau, Jaurès, Hugo, to mention just a few. Translated by Sandra WOLMER 83


UN CONTINENT, 54 éTATS Plus d’1 milliard d’habitants très inégalement répartis sur 30 415 873 km2, soit 20 % des terres émergées ou 55 fois la France.

SOUTH SUDAN

Repères pays par pays : POP : population (en millions d’habitants, 2012) IDH : classement des pays en fonction de l’indice de développement humain établi par le Programme des Nations unies pour le développement (2011) du 1e au 47e : très élevé – du 48e au 94e : élevé – du 95e au 141e : moyen – du 142e au 187e : faible PIB/HAB. : produit intérieur brut par habitant en parité de pouvoir d’achat (en dollars, 2012) SUP: superficie

84


AFRIQUE AUSTRALE

Afrique du Sud

Angola

51,77 POP : 123 IDH : 7508 PIB/HAB : 1 221 037 sUP :

Botswana

20,8 148 5700 1 246 700

Lesotho

2 119 14040 581 730

Malawi

2,2 160 1 193 30 355

Mozambique

Namibie

25,8 184 590 799 380

15,9 170 1051 118 484

2,3 128 5666 824 270

Swaziland

1,2 141 3831 17 364

Zambie

Zimbabwe

13,9 163 2006 752 612

12,9 173 776 390 757

AFRIQUE CENTRALE

Burundi

Cameroun

8,3 178 255 27 834

POP : IDH : PIB/HAB : sUP :

Centrafrique

21,7 150 1268 475 442

Congo

4,7 180 446 623 000

Gabon

1,5 106 8 850 267 667

4,3 142 3 408 342 000

Guinée équatoriale

RDC

Somalie

Soudan

1 114 136 15 500 28 051

Rwanda

11,4 167 730 26 338

70 186 272 2 345 409

SAO-TOMé ET-PRINCIPE

0,2 144 1402 1 001

Tchad

12,2 184 1091 1 284 000

AFRIQUE DE L'EST

Djibouti

POP : IDH : PIB/HAB : sUP :

érythrée

0,9 165 2700 23 200

éthiopie

6,2 181 498,7 117 600

Kenya

93,8 173 437,1 1 104 300

Ouganda

44 145 950,9 580 367

34,9 161 586 236 860

10,2 600 637 657

34,8 2600 1 790 000

Soudan du Sud

11,56 15 644 329

Tanzanie

48 152 588 947 300

AFRIQUE DE L'ouEST

Bénin

POP : IDH : PIB/HAB : SUP :

Burkina Faso

10,3 166 810 112 622

Niger

Nigeria

POP : 16,6 IDH : 186 PIB/HAB : 374 SUP : 1 264 000

Cap-Vert

16,8 183 729 275 500

Côte d'Ivoire

Sénégal

166 153 2688 923 773

Gambie

24,1 168 1175 322 463

0,5 132 3 908 4 033

Sierra Leone

13,7 154 1402 196 007

Ghana

1,8 168 1600 11 295

25,5 135 1 730 238 537

Guinée Bissau

1,6 176 1149 36 125

Guinée

11,5 178 588 245 857

Liberia

4,1 174 485 111 370

Mali

14,8 182 1341 1 241 231

Togo

6,3 177 729 71 740

6,4 159 670 56 785

MAGHREB ET MOYEN-ORIENT

Algérie

égypte

POP : 38 IDH : 93 PIB/HAB : 7 180 SUP : 2 381 741

Libye

85,3 113 3 111 1 002 000

Maroc

6,1 64 9 800 1 759 500

Mauritanie

33 130 1 126 446 550

3,72 155 1 126 1 030 700

Tunisie

10,7 94 3090 162 155

océan indien

ComoreS

POP : IDH : PIB/HAB : SUP :

0,8 169 920 1 862

Île Maurice

1,3 80 8 120 1 865

Madagascar

22,9 151 447,5 592 000

Seychelles

88 46 13 000 455 85


le magazine de l’afrique

the africa magazine

bulletin d’abonnement offre pour 6 numéros 54 états, le magazine de l’afrique

Facebook : 54etats

MME

Conformément à la loi informatique et libertés, vous disposez d’un droit d’accès et de rectification des données vous concernant.

MLLE

M.

Nom : Prénom : Société : Adresse : Code postal : Ville : Pays : Tél. : E-mail :

86

oui Je m’abonne à 54 ÉTATS pour 6 numéros 19 € TTC ou 12 463 FCFA

Règlement par chèque libellé à l’ordre de Wolmer Communication

bulletin d’abonnement

À DÉTACHER, COMPLÉTER ET RETOURNER SOUS ENVELOPPE AFFRANCHIE À : WOLMER COMMUNICATION 5, rue du Capitaine Tarron 75020 PARIS - FRANCE


87



Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.