La peinture murale dans les Pays de la Loire

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Partout, de tout temps — 10

Avant le Moyen Âge : de la paroi au mur — 31

Le Moyen Âge : du décor ornemental au support de messages — 37

L’Ancien Régime : de l’oubli à la réalité — 139

La période contemporaine : de l’intérieur à l’extérieur — 159

Art de la couleur, art monumental — 217

Bibliographie — 220

Crédits — 221

Remerciements — 224

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Sommaire

Partout, de tout temps

L’art de la peinture murale est pratiqué dans les Pays de la Loire dès la Préhistoire, puisque des hommes et des femmes ont débuté la longue histoire picturale de la région au Paléolithique supérieur. Leurs œuvres sont conservées depuis 25 000 ans BP (before present) dans des cavités situées dans un canyon creusé par la rivière Erve, appelé le site des Grottes de Saulges, dans la Mayenne. L’archéologie – avec des fouilles menées dans toute la région : de Guérande en Loire-Atlantique à Aubigné-Racan dans la Sarthe et de Lassay-les-Châteaux en Mayenne au Langon en Vendée – et l’histoire de l’art permettent d’affirmer que la peinture pariétale, murale ou monumentale, n’a jamais cessé de faire partie de la culture et de la pratique artistique des Ligériens et de leurs ancêtres.

Les conditions de conservation font que les périodes les plus reculées paraissent moins riches que les plus proches d’aujourd’hui ou la période actuelle. En effet, l’humidité du climat océanique est l’une des causes de la mauvaise conservation des peintures murales. Cependant les quelques vestiges observés ici et là témoignent que les parements extérieurs de monuments millénaires avaient parfois reçu des enduits ou des badigeons colorés organisés en motifs ornementaux ou figurés. Ainsi, deux ou trois chapiteaux de l’époque romane, installés à l’extrémité supérieure du chevet de Notre-Dame de Fontevraud, dans le Maine-et-Loire, conservent quelques fragments des badigeons jaune ou rouge qui les recouvraient il y a bientôt dix siècles. Ce phénomène de disparition n’empêche pas de comprendre que nos ancêtres, les plus lointains comme les plus proches, avaient potentiellement peint toutes les surfaces qui s’offraient à eux, tant en intérieur qu’à l’extérieur. Leurs gestes en tant que peintres, artistes ou artisans, créateurs ou imitateurs, ont constitué malgré d’innombrables pertes un patrimoine d’une abondance incroyable dont les spécialistes ne mesurent pas encore toute la richesse historique, iconographique, technique ou sociologique. En effet, la peinture murale, parfois œuvre sublime, parfois simple dessin coloré, reflète non seulement les évolutions du goût, des idées, du cadre de vie des sociétés qui ont précédé la nôtre, mais parle également de celle dans laquelle nous vivons.

La peinture murale est omniprésente dans les Pays de la Loire. La prospection menée en 2010-2011 par le service régional du patrimoine dans les édifices ouverts au public, ainsi que dans les sites privés déjà répertoriés pour leurs décorations peintes par les professionnels du patrimoine, a permis de le constater. Il est ainsi démontré que quatre

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Allégorie du printemps, xixe siècle. Sarthe, maison.

Page précédente gauche — Colonne à chapiteau et départs de doubleau, d’ogives et de formerets séparant les troisième et quatrième travées, 3e quart du xiiie siècle. Avrillé (Maine-et-Loire), la Haye-aux-Bonshommes, prieurale Notre-Dame.

Page précédente droite — Le chanoine Muset, commanditaire de la restauration de l’église, représenté en donateur par Louis Renouard, 1871-1883. La Flèche (Sarthe), église Sainte-Colombe.

Les Élus au paradis, détail, fin du xiiie siècle. Ruillésur-Loir (Sarthe), église Saint-Pierre.

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La restauration constitue une phase importante dans la vie de l’objet qu’est une peinture murale. Ainsi, les décors peints des siècles passés parviennent souvent jusqu’à nous dans un état très dégradé. Les altérations de leur aspect originel sont notamment dues aux salissures organiques, provenant de conditions climatologiques défavorables, ou minérales, à cause de recouvrements de chaux, plâtre, ciment, terre ou peinture. Elles peuvent aussi être dues aux dégradations causées par l’homme volontairement, tels les grattages de visages, ou involontairement, comme le piquetage de la peinture pour mieux faire tenir les couches servant de support à un nouveau décor. Les peintures murales sont alors retrouvées usées, décolorées et le plus souvent très lacunaires tant au niveau de l’enduit que de la couche picturale. Les conservateurs-restaurateurs sont des professionnels diplômés rompus à la chimie et à la physique des matériaux, mais aussi à la pratique artistique. Leur mission est de conserver l’objet peinture murale avant de le présenter au mieux à l’admiration du public. Au cours d’un chantier de restauration, ces spécialistes manient plus souvent la truelle et la

Unravel, peinte par Matt Adnate, artiste originaire du Cap, 2018. Commande du festival Les Escales. Saint-Nazaire (LoireAtlantique), immeuble rue Henri-Gautier.

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seringue d’injection que le pinceau. Ce dernier outil doit être utilisé avec beaucoup de délicatesse sous peine de dénaturer l’œuvre originelle. Ils jouent aussi parfois de la scie en cas de dépose, nécessitée par la destruction du support ou de l’édifice. Les beautés de cet art de la couleur qu’est la peinture murale seraient moins évidentes sans leur intervention.

La peinture murale porte en elle la capacité de toucher l’être humain à plusieurs niveaux de manière simultanée. Elle expose à la fois des images qui racontent des histoires et un programme iconographique qui énonce des idées. Dans le même temps, cet art place le visiteur dans le registre de l’émotion et dans celui de l’intelligence.

Dépose

La peinture murale fait par définition partie intégrante du mur, mais elle peut en devenir indépendante grâce à une opération appelée dépose. Deux techniques sont utilisées pour réaliser cette dernière. Le strappo, d’un mot italien signifiant « arracher », permet de détacher la couche picturale seule de l’enduit grâce à son collage sur un tissu, alors que le stacco enlève aussi une partie du support. L’une et l’autre méthodes fragilisent l’œuvre et ne sont exécutées qu’en dernier recours. Ainsi, le musée national d’Art catalan de Barcelone conserve depuis le début du xxe siècle de nombreuses peintures murales originales qui ont été déposées pour éviter leur vente à des musées ou des collectionneurs étrangers. En France, on n’a plus recours à cette pratique que dans les cas de destruction du support. La dernière en date dans les Pays de la Loire a sauvé la fresque de Pierre Bouchaud peinte dans la maison d’arrêt de Nantes, démolie en 2018. Il est prévu qu’elle soit présentée dans l’ensemble immobilier construit au même emplacement.

La Chasse de saint Gilles peinte vers 1170 a été déposée lors de la destruction du prieuré Saint-Laurent, puis reposée dans l’église paroissiale du xixe siècle. Le Loroux-Bottereau (Loire-Atlantique), église Saint-Jean-Baptiste.

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Avant le Moyen Âge : de la paroi au mur

Le temps de la peinture pariétale : la Préhistoire

Les Pays de la Loire possèdent un site inestimable avec le canyon de Saulges. Là, une trentaine de grottes ou d’abris sous roche creusés dans le calcaire par l’Erve a accueilli les trois dernières espèces humaines depuis près d’un demi-million d’années : Homo heidelbergensis y précéda Homo neandertalensis supplanté par Homo sapiens . À partir de 25 000 ans BP (before present), ce dernier a laissé sur les parois de deux grottes, la grotte Margot et la grotte Mayenne-Sciences, des témoignages, gravés ou peints, de ses préoccupations intelloartistiques. La première conserve des traits, des ponctuations et des mains positives et négatives de couleur noire ou rouge. La seconde abrite des représentations figuratives – cheval, mammouth, bovidé… – et abstraites – signes à deux ou trois parallèles, angulaires, triangulaires, en zigzag, paraboliques… – mais aussi des empreintes de doigts et de mains. Ces dessins et leur organisation témoignent manifestement

Deux chevaux et un mammouth accompagnés de motifs triangulaires, environ 25 000 ans BP. Thorigné-en-Charnie - Saulges - Saint-Pierresur-Erve (Mayenne), grotte Mayenne-Sciences.

L’entrée de l’une des vingt-deux grottes situées dans le canyon creusé par l’Erve, Thorigné-en-CharnieSaulges - Saint-Pierre-surErve (Mayenne).

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L’homme élabore une palette de plus en plus large pour réaliser des décors figuratifs ou abstraits, chargés de sens.

Âge : du décor ornemental au support de messages

Dans une large diversité de créations esthétiques et intellectuelles, la peinture murale témoigne des transformations de l’homme et de la société. Avant l’âge roman (ve -xe siècle)

La peinture murale de la première moitié du Moyen Âge nous est connue par trois types de sources. Les textes médiévaux apportent une somme d’informations précieuses sur des ensembles disparus, mais celles-ci restent le plus souvent limitées à cause de l’emploi de formules conventionnelles énonçant la beauté des constructions. Venance Fortunat vante de cette manière, peu après 573, les peintures de la cathédrale de Nantes dont le naturel et la lumière donnaient une apparence de vie. Marbode, archidiacre d’Angers dans la seconde moitié du xi e siècle, a vu les ruines de l’église Saint-Saturnin construite par saint Maimbœuf au viie siècle et rapporte qu’elle était ornée d’une alternance de mosaïques et de fresques représentant des figures de saints et des fleurs. Grandet,

Vue d’ensemble vers le nord-est des murs de la crypte peints en blanc, vers 1000. Évron (Mayenne), abbatiale Notre-Damede-l’Épine.

Vue d’ensemble des peintures murales partiellement dégagées des couches de plâtre, xiie siècle. Broc (Maine-et-Loire), église Notre-Dame.

37 Le Moyen

Question fondamentale Dans le Moyen Âge chrétien, l’Église et ses serviteurs transmettent au commun des fidèles les dogmes de la foi, tout en apportant une réponse pleine d’espérance à la question angoissante et fondamentale du devenir de l’homme après la mort. Les programmes peints sont organisés pour galvaniser la foi et la morale des fidèles en exposant les vérités religieuses, ainsi que les exemples à suivre donnés par les saints ou à l’inverse ceux dont il faut se détourner. Ces derniers sont souvent présentés de manière allégorique avec des images de péchés et de vices menant à l’enfer. Dans une topographie symbolique, Dieu assis en majesté, vainqueur de la mort, est peint à l’est, où apparaît la lumière du jour. À l’opposé, vers l’ouest, c’est-à-dire au bas de la nef, la représentation du Jugement dernier rend définitive la séparation des élus et des damnés. Les premiers ont droit à la béatitude éternelle et les seconds aux tourments infernaux imaginés par Satan.

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La Cavalcade des vices, détail : La Gloutonnerie, début du xvie siècle. La Pommeraie-sur-Sèvre (Vendée), église SaintMartin.

Fragments d’un décor peint trouvé lors de fouilles archéologiques, viiie siècle. Angers (Maine-et-Loire), collégiale Saint-Martin.

érudit angevin du début du xviiie siècle, signale que la crypte de l’église Saint-Maurille était peinte, ainsi que les tombeaux. Ces peintures ne sont pas datées, mais leur existence est à rapprocher de l’action de saint Aldric, évêque du Mans, qui fit en 832 orner avec soin le tombeau de Francon le Jeune, son prédécesseur. Les fouilles archéologiques permettent, grâce aux quelques éléments de décor mis au jour, de se faire une idée de la variété des peintures réalisées à l’époque mérovingienne, puis carolingienne. Elles ont permis la découverte d’un fragment de décor bordant une baie de la collégiale Saint-Martin d’Angers. La stratigraphie situe vers le milieu du viiie siècle ce vestige composé d’un motif végétal se détachant sur une plage blanche. Il n’est plus possible de savoir si des figures l’accompagnaient en raison de sa faible étendue. Les historiens sont mieux renseignés pour la crypte de l’abbaye d’Évron, dans la Mayenne. À l’occasion de l’effondrement des voûtes gothiques du chœur et des campagnes archéologiques qui s’ensuivirent, la crypte a été redécouverte, puis aménagée pour offrir au public un lieu de visite exceptionnel. Construite à l’extrême fin du xe siècle, elle présente des murs conservés jusqu’à la base des voûtes, entièrement peints en blanc. Les quelques éléments colorés retrouvés lors des fouilles semblent correspondre au décor des lignes structurelles du couvrement désormais disparu. Enfin, la crypte de Saint-Philbert-de-Grand-Lieu en Loire-Atlantique – dans son deuxième état carolingien – conserve des représentations de tissus qui évoquent les courtines liturgiques disposées autour des autels. Ces peintures sont désormais dans un état avancé de destruction.

Les fouilles archéologiques permettent, grâce aux quelques éléments de décor mis au jour, de se faire une idée de la variété des peintures réalisées à l’époque mérovingienne, puis carolingienne.

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Les Funérailles de saint Hilaire, 1er quart du xiiie siècle. Oizé (Sarthe), église Saint-Hilaire.

Les Funérailles de Raginaldus, début du xiiie siècle. Saint-Pierredu-Lorouër (Sarthe), église Saint-Pierre.

Rois et reines tenant des fioles, début du xiiie siècle. Le Mans (Sarthe), salle des malades de Coëffort.

LE DÉCOR CIVIL SE DÉVOILE

Le nombre des maisons, manoirs, châteaux et logis religieux qui conservent des décors peints augmente sensiblement, permettant de se faire une meilleure idée des goûts et des idées de leurs commanditaires. Le secours demandé aux saints et la représentation de la nature apparaissent comme leurs deux principales motivations. Les images et les représentations recensées sont proches de celles qui ornent les lieux cultuels. Un bourgeois de Crosmières, dans la Sarthe, se place sous la protection permanente de saint Christophe qu’il fait peindre dans la salle de sa maison. Un autre, de Mouliherne dans le Maineet-Loire, adresse sa dévotion à sainte Barbe. Un petit aristocrate de Saint-Laurent-de-la-Plaine se tourne vers ces deux saints tandis que Jean Damours, seigneur de la Flocellière à Fougeré, dans le Maineet-Loire, fait reproduire dans la salle haute de son manoir une litanie de saints d’où émergent la Vision de saint Hubert et le Martyre de saint Sébastien.

Le bon état de conservation des peintures murales de la salle haute du manoir de Vendanger au Guédéniau, dans le Maine-et-Loire, permet d’en comprendre l’organisation. S’il s’apparente à un manoir de notable, il est plutôt une hôtellerie liée au prieuré voisin, dépendant de l’abbaye Saint-Serge d’Angers. Le décor peint témoigne d’un lieu à

Un décor végétal couvrant accueille des oiseaux et des inscriptions moralisatrices, début du xvie siècle. Saint-Georges-sur-Layon (Maine-et-Loire), prieuré.

multiples fonctions. Les espaces non peints ne sont pas dus à des pertes de matière, mais ont été laissés volontairement en réserve du décor couvrant de feuillages fleuris. Celui de l’angle nord-ouest correspond à l’emplacement du lit. Cette affirmation est validée par les encoches pratiquées dans les poutres pour recevoir les tringles de la courtine. D’autres vides indiquent des emplacements de meubles, notamment celui d’un dressoir. Les images pieuses sont placées en deux zones, l’une au sud avec saint Pierre et sainte Marguerite, près de la porte d’accès, l’autre dans l’angle nord-est où était installé un oratoire avec une Crucifixion au-dessus de l’emplacement de l’autel et avec saint Christophe et sainte Barbe peints sur le côté. Enfin, une silhouette de diable est dessinée sur l’encadrement de la porte de telle manière qu’elle soit vue en sortant de la salle.

Les décors de feuillage sont vivement appréciés dans les différentes zones de la maison : le petit manoir de Mirebeau, à Vivoin dans la Sarthe, construit en 1409-1410, conserve une salle sous charpente entièrement couverte de ce thème et l’escalier d’un logis dans le bourg d’Oudon, en Loire-Atlantique, également. Ceux qui subsistent sur un mur d’une ancienne maison du Mans sont peuplés d’oiseaux. Un tel feuillage habité enrichi de quatrains qui accompagnent les oiseaux, dont une huppe, une chouette et un paon, orne les murs de la salle de l’étage du logis prieural de Saint-Georges-sur-Layon. Le prieur s’inspira de la littérature pour son décor en reproduisant des extraits du Dit des oiseaux, bestiaire qui accompagna des textes diffusés à la fin du Moyen Âge. Les peintures murales d’une salle et d’une chambre du manoir

Un parc peuplé d’oiseaux et de chasseurs orne la salle à l’étage, 3e quart du xve siècle. Sainte-Gemmessur-Loire (Maine-et-Loire), manoir de Belligan.

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L’Ancien Régime : de l’oubli à la réalité

Soumise à l’évolution des goûts et des idées, la peinture murale se fait plus discrète dans les églises mais orne encore nombre de demeures.

Une technique originale

Une technique originale de décoration murale est à la mode au Mans et dans la région mancelle au cours du xvie siècle, dans les milieux tant ecclésiastique que laïc. Le sgraffito (« égratigné » en français) a été repéré dans quatre décors subsistants, mais il a certainement été employé en des occasions plus nombreuses. Cette pratique, apparentée à la fresque, a été importée d’Italie où Vasari considère, dans un ouvrage publié en 1568, qu’elle convient au mieux pour réaliser le décor des façades extérieures. Son exécution s’effectue en trois phases principales. La maçonnerie est couverte en premier lieu d’un enduit coloré foncé. Il semble que de la cendre de bois ait été utilisée pour obtenir la coloration gris-bleu visible dans les exemples sarthois. Cet enduit est ensuite recouvert d’un autre, blanc, à base de chaux. Le dessin préparatoire est reporté par incisions. L’étape du grattage de certaines parties de l’enduit supérieur vient ensuite ; une fois réalisée, elle laisse apparaître la couleur foncée de l’enduit de dessous. Le résultat donne un camaïeu gris bleuté, parfois rehaussé de couleurs. La façade de l’hôtel de Vaux au Mans, qui porte la date de 1543, avait reçu un décor ornemental géométrique qui a hélas été détruit il n’y a pas si longtemps. Cette technique a également été utilisée pour orner les piédroits d’une cheminée de la même époque installée dans le manoir du Haut-Toussaint à Auvers-le-Hamon. L’exemple le mieux conservé de cette mode se trouve sur le parement extérieur du mur oriental de l’église Saint-Laurent de Challes. Réalisé vers le milieu du xvie siècle ou peu après, il présente sur le pignon un motif de candélabre opulent. Celui-ci surmonte un grand livre ouvert dont malheureusement le texte est détruit à l’exception de la première lettre, un H. La partie basse est cachée par des badigeons mais aussi par la construction d’une sacristie, qui protègent une Crucifixion accompagnée de cinq, peut-être six, Vertus. Il en est de même à l’église Saint-Nicolas de Coulaines, où l’adjonction d’une sacristie a sauvé des fragments d’un

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Lambris, 2de moitié du xvie siècle. Souvignésur-Même (Sarthe), église Saint-Martin.

décor semblable. Christine Leduc-Gueye a pu reconnaître des motifs géométriques et des cartouches portés par des caryatides, inspirés d’un recueil d’estampes intitulé Petits cartouches, publié entre 1545 et 1547 par Jacques Androuet du Cerceau à partir d’exemples provenant de la galerie François Ier du château de Fontainebleau. Dans ces motifs appartenant au vocabulaire caractéristique de la Renaissance est inséré le portrait du commanditaire, Geoffroy Bellanger, curé de Coulaines et chanoine de la cathédrale du Mans.

Un décor a été exécuté en sgraffito sur le parement extérieur du chevet, milieu du xvie siècle. Challes (Sarthe), église SaintLaurent.

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Un goût pour l’antique

Le cas de Geoffroy Bellanger n’est pas unique. En effet, l’évêque de Maillezais Geoffroy d’Estissac avait peu d’années auparavant fait sculpter ce même motif de cartouche pour présenter ses armoiries. Pendant quelques décennies, les décors traditionnels d’esprit médiéval continuent de coexister avec ceux qui affichent les nouvelles tendances de la Renaissance, qui allie à un vocabulaire classique des éléments inspirés de l’Antiquité. Le château de la Bourgonnière à Bouzillé, dans le Maine-et-Loire, conserve une chapelle digne de la richesse d’invention de cette époque éclatante. Construit entre 1508 et 1523 à la demande de Charles du Plessis et de Louise de Montfaucon, ce lieu de culte privé, orienté au sud, est d’une construction toute gothique parée d’éléments ornementaux Renaissance. La voûte d’ogives et de liernes présente de nombreuses clefs pendantes, comme il s’en est fait jusqu’après le milieu du xvie siècle dans la région, comme à SaintVénérand à Laval ou à Notre-Dame-des-Marais à La Ferté-Bernard. Cette chapelle a conservé la plus grande partie de son décor sculpté et peint, dont le retable situé face à l’oratoire du couple seigneurial. Au-dessus de l’autel, la statue d’un Christ en croix habillé – transfiguré selon quelques auteurs – est placée dans une niche à arc surbaissé surmontée d’un entablement reposant sur des pilastres. L’ensemble est sculpté en relief de motifs de candélabres, de volutes habitées de putti et de formes typiques inspirées de l’Italie : vasques, pots à feu, cornes d’abondance… Le fond est entièrement peint dans une technique qui n’a pas encore été étudiée, mais qui n’est pas de la fresque. Là, sous les bras étendus du Christ sont présentés saint Charlemagne

Une scène d’inspiration mythologique est accompagnée d’un grand panneau décoratif en camaïeu, 2de moitié du xvie siècle. Gennes (Maineet-Loire), dépendance du château de Milly-le-Meugon.

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Charles IX et Catherine de Médicis y séjournèrent. Mais c’est Henri de Schomberg, autre maréchal de France, qui commandita le décor peint dans la galerie au début du xviie siècle. Entre tradition et modernité, il préféra la technique de la peinture murale plutôt que celle de la tapisserie, alors en vogue, pour y faire représenter des paysages et des ports côtoyant des scènes de chasse à cheval. Ces dernières sont insérées comme des tableaux placés dans des lambris de demirevêtement également peints, alors que le plafond à solives présente désormais le bois nu après la disparition de ses couleurs.

Thomas-René Poullain de Martené, de petite noblesse, fit peindre vers 1780 ses aspirations à monter dans l’échelle aristocratique. Les murs de son cabinet à l’étage du lieu de Saint-Gilles, à Saint-Paterne dans la Sarthe, ont reçu des vues de paysages dans lesquelles des saynètes sont insérées : ici un abbé, trop curieux, lorgne au-dessus de la haie derrière laquelle il se tient, là une scène de canotage, ailleurs un village avec ses activités agricoles. Mais l’intérêt de ce décor exécuté à l’huile sur un badigeon de chaux passé sur un enduit de terre tient à la marine occupant la moitié d’un mur. Un trois-mâts est au mouillage dans une rade, tandis que dans le fond un combat naval oppose des navires français et anglais. Ce sujet, surprenant dans un lieu éloigné de la mer, est à rapprocher de la fonction d’inspecteur gardecôtes que Poullain de Martené exerçait et qui l’amena à repousser devant Porten-Bessin une attaque anglaise contre le convoi de bois de construction de navires qu’il menait vers le Finistère.

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Vue vers l’ouest : la Pentecôte peinte au-dessus de l’arcade d’accès par Thomas Pot, 3e quart du xvie siècle. Fontevraudl’Abbaye (Maine-et-Loire), salle capitulaire de l’abbaye Notre-Dame.

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La période contemporaine : de l’intérieur à l’extérieur

Les peintres pratiquent leur art en tout lieu, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. La peinture murale est plus que jamais un fabuleux support de communication.

Découvertes et redécouvertes

(xixe siècle - début du xxe siècle)

LE RETOUR DE LA PEINTURE RELIGIEUSE

La rupture avec l’Ancien Régime réalisée par la Révolution, puis l’effervescence dans tous les domaines que le xixe siècle a vécue, avec la transformation radicale de la société, la révolution industrielle, les découvertes scientifiques qui ont donné notamment naissance au chemin de fer et à la photographie, ont pu laisser croire que l’art chrétien était devenu un enjeu de peu d’intérêt laissant la place à un art évolutif – du néoclassicisme au réalisme à travers le romantisme – tandis que l’opposition entre dessin et couleur suscitait une controverse intense autour des figures d’Ingres et de Delacroix. Bruno Foucart a rappelé que dans ces temps de rationalisme, la critique réclamait aussi un art allant au-delà de la description pour s’élever à la spiritualité. Après des décennies de débats entre les tenants du tableau et ceux de la peinture murale, cette dernière a été considérée comme l’expression même de l’art religieux qui se référait aux moments de plénitude de la vie de l’Église, sous-entendu le Moyen Âge du xiiie siècle – un mouvement similaire a secoué le milieu de l’architecture entre les partisans du néoclassicisme et ceux du néogothique. La seconde moitié du xixe siècle a ainsi vu réapparaître de vastes décors directement peints sur les murs des églises d’Europe occidentale.

L’ornementation de l’église Saint-Maurice de Conflans-sur-Anille, dans la Sarthe, a été exécutée entre 1863 et 1865 sous la direction de

Monument aux morts de la Première Guerre mondiale, 1917. Les Sables-d’Olonne (Vendée), église NotreDame-du-Bon-Port, chapelle des Trépassés.

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Il y trouve Bacchus et Cythéris, mais aussi Oreste tourmenté par les Furies dans une allégorie de la Tragédie. Une dizaine d’années auparavant, Angers avait inauguré le projet architectural éclectique d’Alphonse Botrel, achevé par Auguste Magne ; comme à l’hôpital général, les édiles avaient choisi pour la peinture Jules Dauban et Jules Lenepveu, qui allait bientôt être occupé par le décor de la coupole de l’Opéra de Paris. Tandis que Dauban peignait les allégories attendues au plafond du foyer, Lenepveu présentait une thématique plus originale pour la coupole de la salle de spectacle. Il y installait les quatre éléments tout en gardant des personnages issus de la mythologie : l’air est lié à l’apothéose d’Apollon, la terre au triomphe de Bacchus, l’eau à la toilette de Vénus et le feu à l’enlèvement de Proserpine. Ce goût de l’antique traité dans des envolées aériennes vues depuis le sol reste très apprécié au tournant des deux siècles. Ainsi, les administrateurs de la Caisse d’Épargne de Laval n’ont pas hésité à commander au peintre Ludovic Alleaume une composition sur le thème de l’Abondance régnant sur la ville de Laval pour leur monumental édifice construit en 1900.

Jules Lenepveu associe mythologie et art baroque dans une vaste composition circulaire, 1871. Angers (Maine-et-Loire), théâtre, plafond de la salle de spectacle.

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LE GOÛT DANS LE DÉCOR PRIVÉ

La variété des thématiques des peintures murales repérées dans les édifices privés est inspirée des tendances du moment et surtout des goûts personnels des propriétaires. Si les décorateurs de l’habitation principale se cantonnent le plus souvent au goût respectable du « bon père de famille », ils peuvent aussi profiter d’une certaine fantaisie dans les résidences secondaires ou de villégiature de leurs clients. Les plafonds reproduisant un ciel d’été parsemé de quelques nuages blancs sont appréciés. Parmi ces nuées angevines, mayennaises, sarthoises, nantaises ou vendéennes, certaines sont agrémentées d’oiseaux, de papillons ou d’insectes dont le réalisme semble directement issu des planches d’un naturaliste. La touche artistique est parfois présente : Jean-Baptiste Corot a laissé des bouquets fleuris sur les murs d’une maison de Corsept en Loire-Atlantique, où il a été invité par le peintre paysagiste Charles Le Roux peu après le milieu du xixe siècle. Le goût de l’antique n’est pas rare dans l’ensemble de la région, tels cet oiseau voletant au-dessus d’une vasque au pied en double volute qui, en fait, appartient à la bordure, ou ces compositions à grotesques qui occupent aussi bien les surfaces des murs pleins que les trumeaux entre deux baies, ou encore ces figures féminines aux allures de déesses. Ces décors, qu’ils soient situés dans le quartier Mellinet à Nantes ou dans une demeure sarthoise, sont empreints d’un érotisme déjà apprécié dans les décors des théâtres, notamment sous le pinceau d’Hippolyte Berteaux. Dans les années 1880, le peintre Auguste Toulmouche a fait de l’abbaye de Blanche-Couronne à La Chapelle-Launay, en LoireAtlantique, un lieu de villégiature où il invite de nombreux artistes. Les quatre scènes représentant les saisons peintes sur les murs du salon par Élie Delaunay en 1881 sont emplies de cette sensualité dénudée.

Plafond à moulures, détails : oiseau et papillon en vol, 2de moitié du xixe siècle. Maine-et-Loire, maison.

RENOUVEAU DE LA FRESQUE

La poursuite des efforts entrepris par le milieu pictural au xixe siècle aboutit à la redécouverte et à l’enseignement de la technique de la fresque par Paul Baudoüin (1844-1931). Celui-ci a fait son apprentissage auprès de Pierre Puvis de Chavannes à partir de 1874 et a ressuscité la technique de la fresque en réalisant son premier décor sur enduit frais au lycée Corneille de Rouen en 1898. Il a ensuite publié un ouvrage sur son expérience, La Fresque, sa technique et ses applications, paru à la veille de la guerre, en 1914. Son talent de pédagogue le mène au professorat aux Beaux-Arts, à Paris, où il est chef d’atelier de peinture entre 1919 et 1929. Son enseignement de la fresque rassemblait les meilleurs élèves de peinture présentés par leurs professeurs. S’il n’y a pas de traces dans les archives de ce premier noyau d’élèves, les œuvres repérées en Loire-Atlantique témoignent d’un groupe étoffé provenant de ce département. Y participaient notamment Eugène Chapleau, Albert et Paul Lemasson, Georges Lusseau et Madeleine Massonneau. Paul Baudoüin tente, avec Georges Pradelle, de limiter la violente crise économique qui sévit en créant l’association La Fresque avec l’objectif de susciter des commandes, à l’instar des Chantiers du Cardinal pour l’architecture parisienne, pour fournir du travail aux élèves adhérents, les communes et les institutions laïques étant démarchées en priorité. C’est ainsi que des préaux d’écoles ou des bureaux de poste ont été peints à fresque dans la région parisienne dans ces années-là.

L’entre-deux-guerres voit apparaître une intense pratique de la fresque en Loire-Atlantique : le phénomène est inédit. À toute règle, il est une exception. La fresque qui se trouvait dans la chapelle de la congrégation des Petites Sœurs de saint François d’Assise, à Angers, a été détruite en 2000. Louis-Joseph Yperman, peintre-restaurateur de peintures murales pour les Monuments historiques, avait peint le chœur à fresque peu avant son décès en 1935. L’abondance des œuvres dans le département littoral tient sans doute à l’attachement de plusieurs des artistes à leur terre natale, car ils ont produit sur l’ensemble du territoire national. Les Lemasson sont nés à Saint-Mars-du-Désert, Chapleau à Paimbœuf, Lusseau à Clisson. L’abbé Bouchaud, né à Nantes, tient une place à part, car il a appris la technique à Rome. Quant à Aufray, auteur en 1928 de la fresque du chœur de l’église de Pornichet, il reste une énigme : s’agit-il du Nazairien Alexandre Auffray, qui a fait carrière en Argentine et à Paris, ou bien d’un artiste dont il reste à retrouver l’identité ? Madeleine Massonneau, née à New York, est venue pratiquer la fresque en Loire-Atlantique, attirée sans doute par des amitiés nouées à Paris auprès de Paul Baudoüin. Leurs œuvres sont principalement conservées dans des églises à cause de la Seconde Guerre mondiale : Saint-Mars-du-Désert, Le Cellier, La Haye-Fouassière, La Roche-Blanche, Pontchâteau pour Albert et Paul Lemasson ; Clisson pour Lusseau ; Le Fresne-sur-Loire pour Chapleau ; Pornichet pour Massonneau. Cependant, leur travail ne se limitait pas

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Saint Michel terrassant le dragon, fresque d’Albert Lemasson, 1934. La RocheBlanche (Loire-Atlantique), église Notre-Dame.

La Sanctification du travail, modèle partiel en photographie par Pierre Bouchaud. Nantes (LoireAtlantique), église SaintGeorges-des-Batignolles.

La Sanctification du travail, détail : Le Christ accueillant. Fresque par Pierre Bouchaud, 1948. Nantes (Loire-Atlantique), église Saint-Georgesdes-Batignolles.

RÉCLAMES AU BORD DES ROUTES

La multiplication à l’échelle industrielle des automobiles a rapidement favorisé la mise en place d’un gigantesque réseau routier. La société contemporaine a vu dans ce nouvel espace un lieu propice à la promotion de différents produits de consommation. La réclame, avant de devenir la publicité, se répand donc au bord des routes dès la fin du xixe siècle. Le nombre des publicités peintes qui ont disparu est immense, mais les quelques exemplaires conservés ici et là témoignent d’idées qui surprennent la morale actuelle ou touchent et font sourire par leur fraîcheur, leur humour ou leur sérieux désuet. La plus ancienne réclame repérée dans la région est protégée par un panneau indicateur dans le bourg de Mée, en Mayenne. En effet, c’est en 1899 que Le Petit Journal se vante d’atteindre les cinq millions de lecteurs, comme l’annonce un petit panneau bleu aux lettres blanches. Très rapidement, ce quotidien connaît une forte baisse de son audience. Il se relance peu après 1900 en soulignant l’augmentation de son volume, qui passe à six pages : de nouveaux panneaux l’annoncent. Réalisés en deux temps trois mouvements grâce à la technique du pochoir, ces panneaux prolifèrent très rapidement sur l’ensemble du territoire français. Certains subsistent à La Ferrière-de-Flée, dans le Maine-et-Loire, à Chauffour-Notre-Dame dans la Sarthe ou à Saffré – celui-ci est accompagné d’une peinture pour le chocolat Menier – et à La Chapelle-Heulin en Loire-Atlantique. La peinture bleue du fond est appliquée au silicate. Cette technique commune aux peintures en extérieur reste employée jusqu’à l’arrivée des peintures synthétiques, dans les années 1960. Les lettres blanches bordées de noir de l’apéritif Dubonnet se détachent encore avec netteté sur ce fond bleu à SaintPierre-du-Lorouër, dans la Sarthe, ou à Échemiré, dans le Maine-etLoire. L’une des dernières publicités peintes de cette manière vante le jambon Olida sur la nationale 12 arrivant à Laval depuis Paris, via Le Mans.

Plus que la nourriture, la boisson est un domaine privilégié par les publicitaires. Les négociants en vins et apéritifs se sont fait une concurrence acharnée pour placer leurs marques aux endroits les plus visibles. Les bords de la Loire angevine conservent quelques mentions effacées des alcools locaux. Une réclame pour Byrrh subsiste dans le centre de Nantes, mais aussi au bord de l’ancienne route nationale au Cellier. Cinzano recouvre les chocolats Moreuil – marque bien oubliée – à Oudon, tous deux en Loire-Atlantique. Les fabricants d’automobiles utilisèrent aussi la peinture pour promouvoir leurs marques, comme Hotchkiss à Pellouailles-les-Vignes, dans le Maine-et-Loire, mais les producteurs de carburant y recourent également pour signaler les stations-service et les garages susceptibles de les dépanner. Shell vante ses huiles de moteur sur l’ancienne nationale 323 dans le bourg de Bazouges-sur-le-Loir, dans la Sarthe. À Forcé, en Mayenne, c’est Elf, marque de carburant apparue en 1967, qui signale la proximité

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de l’une de ses stations à l’aide de son emblématique disque rouge. Toutes les entreprises ou presque utilisèrent ce genre de support pour se faire connaître, et le type de contrat qu’elles passaient avec les sociétés d’affichage incitait à un recouvrement régulier et rapide. À Châteaubriant, la façade d’un immeuble de la place de la Motte promeut successivement la boisson Dubonnet et, au milieu du xxe siècle, la farine Até qui promet un beau bétail et de bons bénéfices. L’usure mêle très souvent les réclames successives.

Au cours des Trente Glorieuses, la publicité ne néglige pas la promotion de l’électroménager. À La Chapelle-Launay, un mur situé au bord de l’ancienne nationale 165 vante à plusieurs reprises la marque Frigéavia. Ce fabricant de réfrigérateurs est resté lié, comme Giravia pour les machines à laver, au constructeur aéronautique Sud-Aviation de 1957 à 1970, année de son intégration à une nouvelle société, la SNIAS. Supplantée par l’affichage sur papier, la publicité peinte a cessé dans ces années-là.

La publicité pour la marque Frigéavia a été repeinte à chaque renouvellement du contrat de location de l’espace sur le mur, entre 1957 et 1970. La ChapelleLaunay (Loire-Atlantique), le Lattais.

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Rabbit Hole, Seth, anamorphose par Seth, dans le cadre du Parcours Plein Champ, 2022. Le Mans (Sarthe), rue Jankowski.

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Girafes par Harry James, 2022. Laval (Mayenne), silos de l’usine Terrena, zone des Touches.

Landscape Composition, Sainer, 2021. Angers (Maine-et-Loire), rue des Capucins, salle des sports Jean-Moulin.

Art de la couleur, art monumental

La peinture murale est le premier des arts de la couleur, puisque l’homme a peint des parois de grottes il y a plusieurs dizaines de milliers d’années – 25 000 ans dans la Mayenne. Dès l’origine, il a utilisé des pigments provenant de la terre et du noir issu de la combustion d’os ou de bois. Au fil du temps, il a élargi sa palette et élaboré de nouvelles techniques pour couvrir les divers types de matériaux qui constituaient les murs des maisons, des édifices de culte ou des palais, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur.

La peinture murale est maintenant réalisable selon des techniques très variées. La fresque impose au peintre une exécution rapide, mais elle donne à l’œuvre la dureté, théoriquement éternelle, du roc. La détrempe lui permet au contraire de prendre son temps pour appliquer les couleurs sur l’enduit, mais la présence de matériaux organiques dans le liant nuit à la durabilité de l’œuvre. L’huile autorise des dégradés subtils, le silicate de potassium permet de peindre sur le ciment ou la chaux, et désormais l’industrie chimique produit les moyens de peindre sur tout support et partout en un temps record.

La peinture murale est un vecteur de communication utilisé continuellement. Il est difficile, selon nos connaissances actuelles, de savoir si l’homme préhistorique l’utilisait pour dialoguer avec ses semblables ou/et avec des esprits supérieurs. En revanche, il est clair que par la suite, le peintre – qu’il soit amateur, artisan, entrepreneur ou artiste – est l’agent d’une volonté permanente de transmettre les idées religieuses, politiques, commerciales ou esthétiques d’un individu ou d’un groupe d’individus au reste de la société.

La peinture murale est aussi – ou surtout ? – un moyen d’embellir. Dès l’Antiquité, ou plus tôt encore, elle facilite la perception de la transformation des espaces imposée par l’évolution du goût de la société. Elle structure aussi les volumes en soulignant les lignes de force de l’édifice, ou au contraire les contredit en affichant des trompe-l’œil sur les murs et les voûtes. Le lien entre l’architecture et la peinture murale est si étroit que cette dernière est régulièrement appelée peinture monumentale.

La nef et le bas-côté nord. 2de moitié du xiie et du xixe siècle. Poncésur-le-Loir (Sarthe), église Saint-Julien.

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