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Du rêve sur papier :

Photographie Et Imaginaires Touristiques

De « bons souvenirs » sont envoyés en 1909 sur une carte postale, aux couleurs idylliques, présentant le pont transbordeur de Nantes, construit six ans plus tôt seulement. Élément essentiel du paysage urbain d’alors, il est un point de perspective sur la ville, prétexte à de nombreuses photographies et point de passage obligé d’une visite ritualisée de Nantes. Le pont est aussi le cadre rêvé d’un beau coucher de soleil, reconstitué bien sûr, puisque la photographie est produite en noir et blanc et coloriée selon les souhaits de l’éditeur.

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L’image des cartes postales est en effet choisie, cadrée, réarrangée pour correspondre à un récit, celui du touriste de passage et de son expérience de la ville, ainsi qu’à des imaginaires construits parfois de longue date. Cette image envoyée par la poste est symbolique et doit traduire certaines impressions et conceptions vues comme positives à l’époque (la ville moderne, le prestige industriel) mais aussi l’expérience du visiteur (le passage sensationnel d’une rive à l’autre et la pittoresque balade en bateau), tout en adoptant des signes graphiques. Cette carte postale nous révèle aussi l’influence des éditeurs photographes du tournant du xx e siècle et leur choix parmi les imaginaires touristiques. Acteurs de la circulation et de la répétition frénétique de ces images populaires et bon marché, ces producteurs de photographies 1 se nourrissent de représentations existantes et élaborent des manières de figurer les sites et les paysages qui, grâce à la large diffusion qui est la base de leur commerce, vont imprégner durablement une culture visuelle empreinte de stéréotypes touristiques. L’économie de la photographie influe donc sur les représentations.

1. Ce terme prend un sens large, impliquant les éditeurs, photographes, imprimeurs mais aussi coloristes, graveurs, retoucheurs… Voir, pour une définition : Marie-Ève Bouillon et Laureline Meizel, « Pour une histoire sociale et culturelle des producteurs de photographie », Photographica, no 4, 2022, p. 11-20. ←

Voyages pittoresques et romantiques dans l’ancienne France, Charles Nodier, Alphonse de Cailleux et Isidore Taylor, 1878. Gravure d’après photographie de la cathédrale de Coutances.

Le pont transbordeur et le quartier Saint-Étienne à Nantes, Léon Lévy éditeurs, carte postale coloriée, postée en 1909. Coll. part.

Prairies alluviales inondées à l’île Bigeard, Saint-Laurentdu-Mottay, Maine-et-Loire.

Matin givré sur l’île Batailleuse face au Montglone à Saint-Florentle-Vieil, Maine-et-Loire.

Jean-Marc Besse

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