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Petite histoire de la photographie de paysage « sur commande »
from hors-série 303-175
by Revue303
Sollicitée pour représenter le territoire français depuis son invention ou presque, la photographie a connu plusieurs destins et desseins au cours d’une histoire aussi brève
L’histoire de la photographie de paysage « sur commande », ou plutôt des commandes publiques de photographies portant sur le territoire, est, à la manière des poupées russes, imbriquée dans d’autres histoires : celle de la photographie de paysage, qui appartient à celle de la photographie – laquelle est autant une histoire des techniques que des représentations, d’une pratique artistique et populaire –, mais elle s’imbrique aussi dans d’autres histoires : celle de la commande artistique, celle de l’aménagement du territoire, et encore plus largement celle des représentations du territoire et de leur portée symbolique, identitaire mais aussi fonctionnelle et pratique. Cette petite histoire en croise bien d’autres et ces quelques lignes ne pourront esquisser son portrait qu’à grands traits, en revenant sur des projets emblématiques d’une époque ou d’un usage pour en dessiner les contours.
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La photographie de paysage « sur commande » constitue le reflet et la traduction des rapports entretenus entre les institutions en charge de l’aménagement du territoire et le médium photographique, et ces relations sont historiquement complexes : outil tantôt de dénonciation, de promotion, de documentation et de projection, l’image photographique participe tout autant à la conceptualisation, à la mise en œuvre, à la valorisation et à la critique des réalisations des aménageurs du territoire. Le rôle et la place attribués aux photographes comme à leurs clichés se modifient au fil des époques et des tendances, parallèlement à l’évolution du statut accordé à la représentation photographique mais aussi du fait de l’évolution de notre rapport au monde. S’agissant du médium, on passe du régime de la preuve, de l’idée que l’image photographique est transparente au réel, à celui de la fiction, fondé sur le caractère profondément fragmentaire d’une représentation qui n’est qu’un prélèvement visuel dans le continuum du temps et de l’espace. Et le rapport même à l’espace, ou plus précisément au territoire, évolue durant les cent cinquante années qui nous préoccupent ici. C’est la conception dite moderne du rapport au territoire qui prédomine au xixe siècle, laquelle opère une distinction nette entre l’objet, le territoire et le sujet, l’humain, et permet de donner naissance au genre paysager, soit la perception par le sujet de l’objet territoire. Le paysage est considéré avant tout comme résultant d’un regard sur une portion de pays, suivant le processus d’« artialisation » décrit par Alain Roger 1. La prise en compte des questions environnementales conduit à une évolution : la posture surplombante de maîtrise va laisser place à une conception plus inclusive, l’humain appartenant à un écosystème au même titre que les autres vivants que sont les animaux ou les plantes. Cette conception s’incarne pour Augustin Berque dans une « pensée paysagère 2 » et accompagne le développement de dispositifs qui privilégient le récit et la fiction dans les
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Vue en perspective du pont Valentré à Cahors, Gustave Le Gray et Auguste Mestral, 1851. Coll. musée d’Orsay, Paris. © Photo RMN-Grand Palais (musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski.
1. A. Roger, Court traité du paysage, Paris, Gallimard, 1997.
2. A. Berque, La Pensée paysagère, Bastia, Éditions éoliennes, 2016.
↑ Allonnes, Sarthe.
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Sévak Sarkissian