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Paysages critiques et luttes écologiques dans la photographie documentaire
from hors-série 303-175
by Revue303
Les questionnements liés à l’écologie et aux luttes qui y sont associées irriguent depuis plusieurs décennies la production photographique documentaire, qui trouve dans le genre du paysage un lieu d’exploration et de réflexion critique privilégié. Si la photographie paysagère à visée écologique connaît un essor important à l’heure du réchauffement climatique, elle n’en demeure pas moins l’héritière d’une longue tradition dont il s’agit de retracer l’évolution pour identifier les spécificités de ses modalités contemporaines.
Des paysages préservés aux paysages altérés
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Volunteer’s soup (Île de Ons, 19 février 2002), Allan Sekula, série « Black Tide / Marea negra », 2002-2003.
Les premières photographies attestant le lien entre représentation du paysage et prise de conscience écologique montrent des sites naturels vierges, en apparence préservés de toute empreinte anthropique. Dès la seconde moitié du xixe siècle, ce genre s’impose aux États-Unis, alors en plein processus de colonisation, et contribue à forger dans l’imaginaire le mythe d’une identité nationale. Entre 1855 et 1885, plusieurs photographes expéditionnaires tels que Carleton Watkins, Timothy O’Sullivan ou encore William Henry Jackson documentent en les magnifiant, à l’aide du procédé au collodion sur verre, les paysages grandioses et emblématiques de l’Ouest américain. Par leurs qualités techniques, esthétiques et documentaires exceptionnelles, ces images parviennent à convaincre les législateurs de prendre des mesures de protection de l’environnement et jouent un rôle majeur dans la création des premiers parcs naturels nationaux, comme Yosemite ou Yellowstone 1. Dans le sillage de ces pionniers, Ansel Adams occupe au début du xxe siècle une place de premier rang dans l’histoire du paysage. Cofondateur dans les années 1930, avec Edward Weston, du groupe F/64, il apparaît à la fois comme l’un des principaux promoteurs d’un art documentaire moderniste et un fervent défenseur de l’écologie au sein du Sierra Club, un groupe dédié à la sauvegarde de l’environnement. Mais cette apparente congruence entre émotion ressentie devant la beauté des paysages, éveil à l’écologie et force de persuasion des images, longtemps de mise dans l’historiographie de la photographie, relève sans doute davantage de la légende que de la réalité historique. Selon François Brunet, ces photographies de paysages préservés maintiendraient plutôt l’illusion d’une nature vierge et éternelle au moment même où son exploitation se fait de plus en plus soutenue. Ces clichés serviraient donc moins la cause militante que des intérêts touristiques et économiques compatibles avec la logique capitaliste d’extraction des ressources, tout en contribuant à les occulter.
e siècle,
En réaction à cette vision fantasmée et idéalisée du paysage, une nouvelle génération de photographes documentaires décide de se focaliser sur les paysages urbains détériorés par les