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Un futur pacifiste : utopie ou réalité ?
Je suis allé à la rencontre de Luis, volontaire et ancien permanent chez Agir pour la Paix, une des nombreuses ASBL de la Maison de la Paix, qui accueille les locaux du SCI. J’ai eu l’occasion de m’entretenir avec lui et d’explorer les activités d’APLP, son rôle dans l’association, sa vision du pacifisme et ses inspirations dans cette lutte. Voici un aperçu des pensées qui se cachent derrière ce militant pour la paix.
Bonjour Luis, peux-tu te présenter brièvement ?
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Je m’appelle Luis, je suis belgo-péruvien et volontaire à Agir Pour La Paix. Je suis un ancien permanent, donc j’ai aussi fait partie de l’équipe.
Peux-tu nous expliquer quelle est la mission d’APLP ?
La mission d’APLP est, comme son nom l’indique, de contribuer à la paix. C’est un mouvement pacifiste qui travaille sur ces questions-là à travers une approche non-violente. Nos missions sont essentiellement de la sensibilisation et de la mobilisation, dans un cadre pacifiste. APLP s’est rattaché à l’action directe non-violente et la désobéissance civile comme levier pour promouvoir la paix, en portant des valeurs démocratiques, puisqu’on défend un état de droit avec une justice correcte et pertinente.
Comment as-tu découvert APLP ?
J’ai découvert APLP en 2011 en participant à une formation, qui existe encore aujourd’hui, mise en place par Quinoa et APLP : « Think & do it yourself ». C’était une formation d’un weekend : Quinoa s’attardait à décrypter le système (donc le capitalisme libéral) et APLP apportait des réponses à « comment s’organiser pour mettre en place des actions directes non-violentes ». Après cette formation, je me suis impliqué à APLP et j’ai fait mon bout de chemin en tant qu’activiste, et puis comme personne facilitatrice. J’ai commencé comme volontaire et j’ai travaillé à 3 reprises à APLP à partir de 2015. J’ai définitivement intégré l’équipe en 2019 et je l’ai quittée en 2022.
Quel était ton rôle en tant qu’activiste ?
J’ai participé, de façon conséquente, à des actions en Belgique ou ailleurs en Europe : principalement en Angleterre, puisqu’on fait partie d’un réseau international d’antimilitaristes, « l’Internationale des résistant(e)s à la guerre ». Le rôle que j’ai surtout assumé, c’est au niveau des formations, en tant que personne facilitatrice. Le parcours m’a permis d’acquérir beaucoup d’outils et d’expérience et mon rôle n’est plus uniquement de donner des formations sur l’action directe non violente et la désobéissance civile. Je donne aussi maintenant des formations pour former des personnes qui seraient intéressées de pouvoir justement faciliter, animer, partager et changer ces outils qu’on utilise à APLP.
Qu’est-ce qui t’a tenu à cœur à APLP ?
D’abord, le projet politique. Quand je dis politique, je me réfère à la position antimilitariste, principalement sur les questions des armes nucléaires. Le sujet a été porté premièrement par APLP, et c’est devenu un de ses sujets principaux. Ensuite, la facilitation, qui est essentiellement basée sur l’éducation populaire. Ça permet de construire une intelligence collective et ça encourage à beaucoup plus de collectivité. Le plus grand apprentissage est celui des visions que les personnes qui participent à nos formations apportent. En tant que facilitateur, je ne suis pas là pour transmettre une connaissance d’une façon académique, mais plutôt dans une approche d’échange et de construction, d’intelligence collective. Je transmets des outils auxquels je crois, mais les différentes interventions et réactions sont toujours enrichissantes. L’apprentissage ne s’arrête pas, il faut l’encourager, le stimuler, et ces formations sont des espaces pour cela.
Qu’est-ce qui t’a marqué le plus à propos de la problématique du nucléaire ?
La première chose qui a attiré mon attention, c’est qu’il existe sur le sol belge 20 têtes nucléaires qui appartiennent aux Etats-Unis, qui sont là depuis les années 60, et une seule tête nucléaire a une capacité 10 fois plus grande que celles d’Hiroshima ou Nagasaki. Il suffit qu’il y en ait une qui explose, ça fait exploser les 19 autres et la Belgique n’est plus là. Comme on a lancé à APLP une campagne contre les armes nucléaires, j’ai beaucoup lu, et j’ai compris à quel point le nucléaire militaire est un gaspillage d’argent qu’on maintient encore aujourd’hui. On dépense un ou deux millions de dollars par heure rien que pour les armes nucléaires, or c’est un milieu qui correspond à 60% de la corruption mondiale. On a beaucoup de littérature à APLP à ce sujet, car il n’est pas évident de trouver ces infos et de connaître l’impact que pourraient avoir ces explosions. De nos jours, les bombes ont de plus grandes capacités que celles de l’époque d’Hiroshima. La guerre avec l’Ukraine fait revenir sur le devant de la scène l’usage de la peur à travers la menace du nucléaire. Il faut pourtant être conscient·es qu’il serait très difficile d’envisager une guerre nucléaire : je crois que ça serait la fin de la planète.
Quelle est ta vision du pacifisme ?
Ma vision du pacifisme sera certainement un peu en désaccord avec certaines positions d’APLP, dans le sens où je considère que l’approche non-violente est une approche stratégique. La nonviolence est un outil auquel je vais donner une priorité mais, pour moi, la violence pour éviter une plus grande violence peut être nécessaire. Dans ce sens-là, je cite les zapatistes1, qui sont justement prêt·es à prendre les armes pour défendre leur vie (mettant en avant la question de la vie, car une fois qu’on est mort, on ne sait plus continuer les combats). Pour moi, le pacifisme c’est dire « oui je vais donner une priorité à l’approche non-violente, mais ce n’est pas pour autant que je vais nier la contrepartie violente si jamais besoin il y a de l’utiliser ».
1 L’Armée Zapatiste de Libération Nationale (EZLN) est un mouvement révolutionnaire mexicain qui défend l’autodétermination des peuples indigènes de la région du Chiapas. Symboles de l’altermondialisme, ils et elles vivent dans une communauté autonome et luttent contre les exploitations, les persécutions et la destruction de la planète.
Lors de la formation
?
Dans l’idéal oui, ce serait bien qu’ils disparaissent. C’est bien d’avoir une vision utopique, de rêver, mais en même temps il faut garder les pieds sur terre. Pour atteindre la paix, une des démarches est de s’attaquer à ces systèmes d’oppression, de domination même. En sachant que ça vient d’une construction continue de comment les relations entre les personnes s’établissent dans une société. La paix n’est pas un arrêt de bus auquel tu arrives, ça se travaille continuellement, et je crois que c’est un peu illusoire de penser qu’on va abattre ces systèmes de dominations. Je crois que la vision la plus réaliste serait plutôt : « comment est-ce qu’on les transforme ? », « comment est-ce qu’on les adapte en quelque chose de beaucoup plus respectueux vis-à-vis des personnes, de leur intégrité et de leur dignité ? ».
Qu’est-ce qui t’inspire dans cette lutte pour la paix ?
Ce qui m’inspire essentiellement, c’est le fait de se dire qu’il faut créer du lien entre les personnes, les découvrir. Le pacifisme et la non-violence passent par là. Parce que découvrir d’autres personnes et sortir de la méconnaissance, ça contribue à la paix. C’est ça qui est inspirant : c’est simplement l’humanité que chaque personne porte en ellemême.
Propos recueillis par Médéric Gauthier Stagiaire en mobilisation au SCI
2 « Changement de système… en cours : comprendre, déconstruire et agir collectivement » : week-end de formation participative organisé par APLP et le SCI en novembre 2022 pour appréhender les différents systèmes de domination et réfléchir à nos représentation sur le « pouvoir ».