Les villes des franges métropolitaines, entre échelle communale et échelle métropolitaine

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Les villes des franges métropolitaines, entre échelle communale et échelle métropolitaine : Stratégies de développement et souveraineté Étude des communes du quadrant Nord-Ouest de la métropole bordelaise

Séminaire Repenser la Métropolisation - ENSAP Bordeaux

Sous la direction de Julie AMBAL, Aurélie COUTURE, Abdourahmane N’DIAYE et Xavier GUILLOT

Les villes des franges métropolitaines, entre échelle communale et échelle métropolitaine : Stratégies de développement et souveraineté

Étude des communes du quadrant Nord-Ouest de la métropole bordelaise

NAL Fabienne

Mémoire de master - Séminaire Repenser la Métropolisation

Sous la direction de Julie AMBAL, Aurélie COUTURE , Abdourahmane N’DIAYE et Xavier GUILLOT

École Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Bordeaux

Janvier 2020

01 Sommaire Introduction 03 1. L’essor de la métropole bordelaise 07 2. Les franges de la métropole, territoires en questionnement 09 3. Les dispositifs de recherche 13 4. Plan du mémoire 13 Partie 1. Le territoire de la métropole 15 1.1. Autour de Bordeaux : la construction d’une métropole 17 1.2. Politiques urbaines de développement de l’agglomération bordelaise 21 1.2.1. De 1919 à 1945 : Bordeaux à la découverte de ses banlieues 1.2.2. De 1947 à 1995 : Ville centre et conquête de l’ouest 1.2.3. De 1995 à aujourd’hui : La fabrication d’une métropole 1.3. Des territoires de franges métropolitaines 37 1.3.1. Un cadre théorique confus 1.3.2. Les franges de la métropole bordelaise Partie 2- Les franges de Bordeaux Métropole, des réservoirs de développement aux stratégies singulières 45 2.1. Présentation des trois communes 47 2.1.1. Blanquefort 2.1.2. Le Taillan-Médoc 2.1.3. Saint-Médard-en-Jalles 2.2. Une échelle de gouvernance et de projet communale 52 2.2.1. Tentative de maitrise de l’urbanisation des communes 2.2.2. Promotion économique et culturelle par le centre bourg 2.2.3. Des communes entre parcs et forêt 2.3. Une échelle de gouvernance et de projet métropolitaine 60 2.2.1. Des projets difficiles à mettre en œuvre 2.2.2. Une volonté de développer une économie nouvelle 2.2.3. Une ceinture «verte et bleue» à protéger et a exploiter pour la métropole Conclusion - La volonté d’une «métropole verte» pour une «métropole solidaire»? 69 3.1. Une métropole fracturée 70 3.2. Un regard décalé malgré quelques limites 71 3.3. Les franges métropolitaines, potentiel de développement durable 72 Bibliographie 74 Table des illustrations 78 Remerciements 81
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Introduction
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démographique @FNAU
Figure
1: Les métropoles du sud et de l’ouest, attraction et augmentation

On compte, en 2019, 22 métropoles sur le territoire français, elles représentent 2% de la superficie du territoire et 29% de la population française vit aujourd’hui dans ces dernières, soit 19 millions d’habitants environ1

Ces EPCI (Établissement Public De Coopération Intercommunale) découlent de la loi du 27 janvier 2014 de Modernisation de l’Action Publique Territoriale et d’Affirmation des Métropoles (MAPTAM) qui décide :

• La création des métropoles du Grand Paris et d’Aix-MarseilleProvence, qui sont entrées en vigueur le 1er janvier 2016

• La consolidation des métropoles de la loi de 2010

Ainsi, plusieurs métropoles sont créées au 1er janvier 2015, après celle de Nice créée en 2010 : Bordeaux, Brest, Grenoble, Lille, Montpellier, Nantes, Rennes, Rouen, Strasbourg et Toulouse. En effet, à cette date, ont été transformés en métropole, les EPCI à fiscalité propre qui formaient un ensemble de plus de 400 000 habitants dans une aire urbaine de plus de 650 000 habitants .

La loi MAPTAM crée également, sous le nom de métropole de Lyon une collectivité territoriale à statut particulier ayant les compétences de l’ancienne communauté urbaine de Lyon et du département situé sur cette aire urbaine. Cette métropole, qui n’est pas un EPCI, bénéficie d’un statut différent des autres métropoles2

Sept métropoles s’ajoutent aux quinze existantes en 2017 avec l’article 70 de la loi « relative au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain» qui élargit les conditions d’accès au statut de métropole.

Selon l’INSEE se sont aujourd’hui les territoires qui attirent le plus la population française avec une augmentation de 0,7% annuelle de leur population soit 0.4% de plus qu’il y a 10 ans. Depuis 2011, le rythme de croissance de la population dépasse même 1% par an dans six métropoles : Montpellier, Bordeaux, Nantes, Rennes, Toulouse et Lyon. Les métropoles qui ont attiré le plus de nouveaux entrants entre 2011 et 2016 sont Bordeaux, Nantes et Montpellier3 .

Cette augmentation démographique importante pose alors la question de comment accueillir ces nouvelles populations sur des territoires déjà peuplés de façon importante.

1. FNAU, AdCf, France Urbaine et cget, Métroscope, 50 indicateurs clés pour les métropoles françaises, juin 2017

2. Site internet Vie publique, au cœur des débats publics, URL : https://www. vie-publique.fr/ fiches/20130comment-les-loisde-2014-et-de2017-ont-reformeles-metropoles

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3. INSEE, 2016
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Métropole @a’urba
Figure 2: Evolution de la tache bâtie de Bordeaux

1. L’essor de la métropole bordelaise

Nous allons donc nous intéresser à l’une de ces trois métropoles attractives, Bordeaux Métropole. Elle compte, en 2016, 783 081 habitants autour de sa ville centre, Bordeaux qui compte à la même date 252 04 habitants4. Elle est composée de 28 communes. La métropole bordelaise subit actuellement une hausse importante du nombre d’habitants (variation de la population de 1,5% entre 2011 et 2016)5, hausse qui va certainement continuer pendant encore plusieurs années. En effet d’après le président en 2019 de Bordeaux Métropole, Patrick Bobet, la métropole gagne environ 5 000 habitants chaque année, si l’essor démographique continue au même rythme qu’actuellement, le million d’habitant sera atteint sur le territoire métropolitain en 20506.

En 2016 et 2017, Bordeaux a été nommée la ville la « plus tendance au monde » par le Lonely Planet, ou encore la ville « la plus agréable de France » ce qui peut être vecteur d’attraction. Mais elle est devenue également « la ville la plus chère de province » en 2017 au vu de l’augmentation du prix de l’immobilier7. La liaison par la LGV avec la capitale, qui permet le rapprochement de Paris et Bordeaux, joue aussi dans cette image d’attractivité. Et si « Bordeaux » attire, comme une marque, c’est sur le territoire de la métropole qu’il faut accueillir les nouvelles populations.

Entre 1978 et 2010, la surface urbanisée de la métropole a été multipliée par 3 alors que la population était multipliée par 1,3. Si ce coefficient d’augmentation démographique se répète, si on part de la population métropolitaine actuelle, cela ferait arriver la population métropolitaine au fameux 1 million d’habitant qui pourrait potentiellement être atteint entre 2030 et 2050. Se pose donc la question de la manière d’accueillir cette population sur le territoire sans aggraver l’étalement urbain. La première réponse à cela sont les importantes opérations de logement ayant lieu dans les secteurs Euratlantique, Bassins, à flots, Bordeaux lac et Bordeaux Bastide et donc situés sur la ville de Bordeaux. La seconde réponse est de répartir la population dans les autres communes de la métropole, avec notamment l’opération « 50 000 logements nouveaux autour des axes de transports en commun» ayant pour but de construire 50 000 nouveaux logements le long des lignes de tramways. Ces deux solutions utilisent les fonciers disponibles correspondant à d’anciennes friches industrielles en grande partie. Ces opérations sont organisées et pilotées au niveau de la métropole. Il parait alors intéressant d’observer si une « solidarité métropolitaine » s’est mise en place au niveau des 27 autres communes de la métropole (à part Bordeaux donc), afin de répondre à ce besoin croissant de logement et de création d’activités économiques.

4. INSEE, 2016

5. IBID

6. BOSREDON Mickaël, « Bordeaux Métropole : C’est tout le temps un bras de fer entre les maires et les promoteurs », 20 Minutes, 18/04/19.

7. Lélia Viroulaud, La voiture communautaire au défi des métropoles, mémoire de master, ENSAP Bordeaux, Janvier 2018

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Figure 3: Appel à projet sur les franges métropolitaines @Les Ateliers

2. Les franges de la métropole, territoires en questionnement

Je m’intéresse tout particulièrement aux communes dont le territoire marque la fin de la métropole administrative. Ces villes situées en lisière, sont des interfaces entre la métropole et le reste de l’aire urbaine. Quelles sont alors les places des villes lisières dans le système métropolitain ? Quelles stratégies sont mises en place par les communes pour développer et rendre attractif leurs territoires ? Quelles stratégies plus globales sont mises en place par la métropole sur ces territoires ? Quel rapport entretiennent les deux échelles, communales et métropolitaines quand à la gestion du territoire?

Il apparaît que ces territoires de franges métropolitaines et leur développement interrogent aujourd’hui plusieurs métropoles comme celle du Grand Paris avec l’atelier des « Franges Heureuse» portée par la commune de Cergy-Pontoise en septembre 20198 qui cherche à trouver une solution pour faire de la vie dans ces territoires une alternative agréable à la vie dans le centre d’agglomération. Sur la métropole bordelaise une étude et des ateliers citoyens ont aussi été mené et 2016-2017 par le C2D (Conseil de Développement Durable de Bordeaux Métropole) pour déterminer quels atouts les franges de la métropole pouvaient apporter dans le développement de la métropole9 .

Les notions d’edgeless city et de « métropole silencieuse » peuvent aussi être intéressante à étudier dans cette situation. La notion d’edgeless city est introduite en 2003 par Robert Lang10 et désigne un déploiement diffus des espaces d’activités dans les banlieues denses et les franges urbaines. Cette notion s’intéresse donc à ce territoire peu dense en périphérie des villes centres et accessibles majoritairement en voiture. La notion de « métropole silencieuse »11 reprend la situation ambiguë des territoires en périphérie qui sont à la fois métropolitains par leur économie, leurs connexions et qui fuient leur statut métropolitain à la recherche du calme et le confort. La métropole silencieuse propose « une métropole à la carte » dans laquelle l’habitant peut choisir le « meilleur de la ville et le meilleur de la campagne » tout en partant d’un point unique. Elle regroupe un désir de ville et de nature, que l’on retrouve dans l’idée de « franges ». En effet, les franges urbaines ont été longtemps perçues comme des extensions désordonnées et de peu d’urbanité causé par l’étalement urbain dû à l’afflux de populations rurales vers la ville. A partir de 1980, le mouvement s’inverse, les urbains aspirent à s’éloigner de la ville pour se rapprocher de la « nature ». Les franges deviennent alors attractives, comme une promesse d’une

8. Atelier international de maîtrise d’œuvre urbaine de Cergypontoise, Les franges heureuses villes, villages, hameaux dans les métropoles, document sujet 37ème, 2 au 20 septembre 2019

9. Conseil de développement durable de Bordeaux Métropole (C2D), La métropole bordelaise et ses territoires, proches et lointains \\ En quoi les franges de l’agglomération participent à la construction de la métropole ? // Focus sur le périurbain,2017

10. LANG

Robert E., SANCHEZ Thomas et LEFURGY

Jennifer, « Beyond Edgeless Cities: Office Geography in the New Metropolis», Virginia Tech, Février 2006

11. BRUNET Gaétan et ESPINASSEAU

Antoine, « La Métropole Silencieuse », Silomag, n° 7, été 2018.

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Figure 4: Des franges en discontinuité urbaine @a’urba

nouvelle qualité de vie. Aujourd’hui, les aménageurs du territoire se préoccupent de ces espaces pour concevoir ce qui pourrait devenir la ville de demain. On aspire à une « métropole-nature » où les espaces naturels et agricoles seraient remis au centre du projet urbain et où l’interface rural/urbain serait valorisé. Le sujet de ces franges métropolitaines est donc fortement d’actualité à l’heure ou la transition écologique prend de l’importance. On veut stopper l’étalement urbain, promouvoir la production agricole de proximité, conserver des « poumons verts » dans la ville tout en accueillant toujours plus de monde. Sur le plan ci-dessous, réalisé par l’a-urba en 2000, on peut remarquer que les villes des franges de la métropole sont englobées dans des zones appelés « territoires de discontinuité urbaine à maintenir ». On peut donc voir que cette volonté de conserver des franges urbaines moins urbanisées est déjà présente en 2000.

Il est intéressant d’avancer plus en avant sur ce sujet afin de mettre en avant les diverses singularités que peuvent posséder ces territoires mais aussi les systèmes de gouvernance qui s’y appliquent, les communes de franges métropolitaines faisant partie d’une entité métropolitaine mais conservent une identité et des stratégies de développement qui leur sont spécifiques. Il est important de mettre en avant le système de souveraineté sur le territoire qui s’applique dans ces communes du bord de la métropole.

J’ai décidé de mener mon étude sur trois communes voisines se trouvant à la limite intérieure de la métropole dans le quadrant NordOuest : Blanquefort, Le Taillan-Médoc et Saint-Médard-en-Jalles. Ces territoires communaux ont en effet une capacité de foncier non urbanisé très importante, viennent ou vont être reliés au réseau de Tram et font donc partie des territoires retenus par la FAB pour les projets « 50 000 logements nouveaux autour des axes de transports en commun » et « 55000 hectares pour la nature », sont en discontinuité bâtie avec le reste de la métropole du fait de la présence des Jalles et des terres agricoles et forestières les entourant. Ces territoires synthétisent l’accès facile à la ville et l’accès facile à la campagne, typiques des villes en franges métropolitaines. De plus une concertation a eu lieu sur l’année 2019 autour de l’Opération d’Aménagement d’Intérêt Métropolitain

(OAIM) du Parc des Jalles qui relie ces trois communes, il m’est alors apparu intéressant d’étudier les stratégies et les singularités des trois communes évoquées par rapport à ce projet métropolitain également. L’OAIM Parc des Jalles rentre tout à fait dans cette nouvelle dynamique de promotion des espaces naturels et agricoles présents au sein de la métropole.

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Métropole
Figure 5: Carte du territoire de l’OAIM Parc des Jalles
@Bordeaux

3. Les dispositifs de recherche

Ce travail a pour but d’étudier les modalités de gouvernance et de souveraineté métropolitaine et communales sur les villes des franges métropolitaines afin de mettre en avant les singularités de stratégie de développement des municipalités face à une politique commune métropolitaine et à des projets d’envergure métropolitaine. L’étude et la comparaison des trois villes voisines appartenant à la métropole de Bordeaux appuiera cette recherche. Deux méthodes de travail seront utilisées sur le terrain : l’entretien auprès d’acteurs clés et l’observation du territoire et des projets y prenant place.

Pour le premier point, le choix des interlocuteurs s’est porté dans un premier temps sur les maires des trois communes étudiées afin d’échanger avec eux sur les projets en cours sur leurs territoires mais aussi sur leurs aspirations pour ceux-ci pour les prochaines années.

Afin de brosser un portrait des stratégies mise en action par les communes pour leur développement. Le processus de photo-élicitation a été utilisée lors de ces entretiens afin de discuter du territoire des communes. Ces entretiens ont été complétés par des échanges avec les habitants des trois communes.

Puis dans un second temps, ill m’a paru intéressant de me pencher sur les services de la métropole. La direction des territoires Ouest de Bordeaux Métropole est ainsi un acteur clé afin d’avoir un aperçu des attendus de l’instance métropolitaine sur ces territoires. Il sera alors intéressant de comparer les deux points de vue.

L’OAIM Parc des Jalles sera aussi étudiée au travers de rencontres des acteurs concernées. À la suite de ces entretiens je pourrai comparer de manière plus large et plus précise les stratégies de développement territorial et les manières d’aborder l’OAIM de chacune des trois communes.

Cette étude de terrain est complétée par une vaste analyse documentaire sur les thèmes abordées ainsi qu’une revue de presse sur les sujets et territoires étudiés.

4. Plan du mémoire

A travers l’étude et la comparaison de communes, nous nous attacherons à mettre en lumière les leviers possibles d’un renouveau du territoire métropolitain par la présence de stratégie de développement variées et l’évolution des formes spatiales et bâties plus en lien avec la transition énergétique face à une pression démographique importante dans les métropoles. Nous nous attacherons également à mettre en valeur les différents niveaux de gouvernance et ce qu’ils impliquent en terme de lien, d’échecs et de réussites.

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Pour ce faire, nous prendrons comme terrain d’étude trois communes périurbaines de la métropole bordelaise que sont Blanquefort, Le Taillan-Médoc et Saint-Médard-en-Jalles, car comme énoncé auparavant, elles offrent toutes les caractéristiques des territoires de frange métropolitaine et doivent aujourd’hui faire face à une forte demande de l’augmentation de la population due à la prise en importance de la métropole bordelaise. La question de la souveraineté des communes dans le système métropolitain sera également étudiée sur ces communes.

La première partie du travail visera à mieux comprendre comment Bordeaux Métropole et son territoire se sont construits à travers l’histoire et quelles politiques d’aménagement intercommunales ont été mises en place au cours du temps. Elle mettra également en avant les caractéristiques des territoires en frange métropolitaine.

La seconde partie mettra en évidence les stratégies mises en place par les différents acteurs métropolitains et communaux pour développer ces territoires du bout de la métropole. Elle montrera les singularités de chaque commune face à un plan métropolitain plus général, les refus de certaines communes face à un projet métropolitain trop éloigné de leur vision de leur commune et finalement les solidarités et projets communs qui peuvent apparaître entre les communes.

Je finirai ce mémoire en présentant le projet OAIM Parc des Jalles, situé sur les trois communes étudiées, et sa construction intercommunale. Cette partie mettra en avant le montage de ce projet métropolitain dont le territoire s’étend sur plusieurs communes afin d’observer comment les solidarités intercommunales dans une métropole peuvent se concrétiser autour d’un projet visant une métropole durable.

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Partie 1. Le territoire de la métropole

@ Archives

municipales de Bordeaux

bordelaise @Archives municipales de Bordeaux

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Figure 7: Périmètre du Syndicat intercommunal de l’agglomération Figure 6: Plan d’ensemble échelle 1/20 000e Dressé par J. d’Welles

1.1. Autour de Bordeaux : la construction d’une métropole

Bordeaux et ses communes adjacentes se constituent pour la première fois en agglomération en 1932 lors de la création du Syndicat intercommunal de l’agglomération bordelaise composé de 12 communes (Bordeaux, Bègles, Talence, Pessac, Mérignac, Caudéran, Le Bouscat, Bruges, Bassens, Lormont, Cenon et Floirac)12afin de mutualiser la réalisation des réseaux techniques et de mettre en place un plan d’urbanisme à plus grande échelle. Cela fait suite à la loi sur l’aménagement de la région Parisienne du 14 mai 1932 qui prescrit l’obligation d’organiser un plan d’organisation et d’aménagement régional13. La loi du 8 juin 1935 étend les dispositions parisiennes à toute la France et permet ainsi d’établir des plans d’urbanisme. Bordeaux devient juridiquement la première agglomération française à cette date . Le premier plan d’urbanisme intercommunal est adopté en 1940, il est appelé « Plan d’Welles » en référence à l’ingénieur-architecte de la ville de Bordeaux, Jacques d’Welles. Pour cette première étape de la formation de l’agglomération bordelaise, chaque commune reste encore totalement indépendante dans la gestion de son territoire.

En 1941, le Syndicat intercommunal de l’agglomération bordelaise est remis en question, apparaît alors le «Grand Bordeaux», composé de 11 communes (Bordeaux, Bègles, Talence, Pessac, Mérignac, Caudéran, Le Bouscat, Bruges, Lormont, Cenon et Floirac), Bassens, considérée comme trop lointaine, étant alors exclue du regroupement14. Pour cette agglomération, quatre chapitres d’action sont retenus :

• Hygiène, assainissement, santé publique

• Équipement du port de Bordeaux, navigation maritime et aérienne

• Circulation, franchissement du fleuve

• Bâtiments, voierie, sports, parcs

Le terme de « Grand Bordeaux » est alors lui-même source de débat, les communes rattachées à cette entité semblent englobées dans l’appellation « Bordeaux ». Certains préfèrent continuer à parler de communes de banlieues ou de communes suburbaines qui permettent de distinguer les diverses entités qui composent l’agglomération. De plus, la réunion des douze communes est sous l’autorité du maire de Bordeaux qui s’assure ainsi des intérêts et de la mainmise de la ville centre dans la naissance d’un Grand Bordeaux.

Pendant la guerre, l’agglomération bordelaise est une des premières à présenter un plan d’urbanisme abouti répondant au décret du 15 juin 1943, dit « grande loi d’urbanisme ».

12. RATOUIS, Olivier, La construction d’une agglomération. Bordeaux et ses banlieues, Vérone, Editions MétisPresses, 2013

13. IBID

14. IBID

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Figure 8: Communes appartenant à la CUB à sa création @Fabienne Nal

Après-guerre, l’État a besoin de données chiffrées pour pouvoir conduire ses politiques, l’agglomération apparait alors comme une échelle adéquate, les communes (échelle fixe depuis 1793) ne proposant plus un cadre d’étude intéressant. Cependant à cette période, il n’existe pas de liste nationale recensant les agglomérations, ni de définitions précises de celles-ci. En 1952, il est décidé que l’agglomération serait conçue à partir de deux critères : la continuité bâtie et le territoire de la vie familiale. En 1954, l’agglomération de Bordeaux se constitue donc d’un ensemble de 10 communes (Bordeaux, Bègles, Talence, Pessac, Mérignac, Caudéran, Le Bouscat, Lormont, Cenon et Floirac), Bruges étant cette fois jugée comme trop rurale.

En 1961, l’INSEE propose une nouvelle définition des agglomérations en ne retenant que le critère de continuité bâtie. La forte croissance urbaine en périphérie des villes centres est alors prise en compte. A Bordeaux, en 1962, l’agglomération est étendue à 4 nouvelles communes (Bassens, Bruges, Eysines et Villenave d’Ornon)15 .

La CUB (Communauté Urbaine de Bordeaux) est créée en 1967 pour donner suite à la loi du 31 décembre 1966 qui crée une nouvelle catégorie d’établissement public territorial et en impose 4 directement : « Une communauté urbaine est créée dans les agglomérations de Bordeaux, Lille, Lyon et Strasbourg »16. L’objectif de la création de ces communautés urbaines est d’apporter une réponse aux problèmes de gestion multi-communaux sans pour autant remettre en cause l’existence des communes. La CUB regroupe alors 27 communes, selon le recensement de l’INSEE de la même année, (Bordeaux, Bègles, Talence, Pessac, Mérignac, Le Bouscat, Bruges, Bassens, Lormont, Cenon, Floirac, Eysines, Villenave d’Ornon, Ambarès-et-Lagrave, Blanquefort, Bouliac, Canéjan, Carbon-Blanc, Cestas, Gradignan, Le Haillan, Le Taillan-Médoc, Saint-Aubin-de-Médoc, Sainte-Eulalie, Saint-Louis-deMontferrand, Saint-Médard-en-Jalles et Saint-Vincent-de-Paul). En 14 ans, l’agglomération passe donc de 10 à 27 communes selon l’INSEE17 La CUB se voit alors transférer trois ordres de compétences :

• Conception et réalisation du développement urbain (plans d’urbanisme, zones d’aménagement concerté)

• Grands équipements (assainissement, voierie, marchés d’intérêt national, cimetière, …)

• Gestion des services techniques à vocation multi communale (transports publics, lutte contre incendies, collecte des ordures ménagères)

La création de la CUB, crée quelques inquiétudes dans la majorité des communes membres, les petites communes ont peur de voir la ville

15. RATOUIS, Olivier, La construction d’une agglomération. Bordeaux et ses banlieues, Vérone, Editions MétisPresses, 2013

16. Article 3, Loi n° 66-1069 du 31 décembre 1966 relative aux communautés urbaines

17. Site internet de l’INSEE

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centre l’emporter dans toutes décisions, les absorber, d’autres sont tout simplement positionnées politiquement au contraire de la ville centre. La CUB est ressentie comme imposée par certaines communes. Un pacte de « non-agression », le pacte de Bordeaux, est alors passé entre le maire de Bordeaux situé à droite politiquement et les maires des banlieues situées majoritairement à gauche18. Ce pacte notifie que Jacques Chaban-Delmas, maire de Bordeaux, laisse la gestion des communes de banlieues et le conseil régional aux élus socialistes et ne cherche pas à prendre le dessus dans la communauté urbaine. Les communes restent toutefois méfiantes quant à cette nouvelle entité qu’est la communauté urbaine, Bordeaux ayant annexé Caudéran peu de temps auparavant, les maires des communes limitrophes à Bordeaux ont peur de nouvelles annexions sur leurs territoires. De plus c’est la première fois que certaines compétences leurs sont retirées pour être mutualisée à l’échelle de l’agglomération ce qui peut être ressenti comme une perte de pouvoir.

La loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, propose aux EPCI de plus de 500 000 habitants et aux communautés urbaines issues de la loi de 1966, de s’ériger en métropoles. La CUB lance alors une démarche participative « Bordeaux Métropole 3.0 » pour imaginer l’avenir de la métropole bordelaise, et construire un projet métropolitain. « Bordeaux Métropole » est créée le 1er janvier 2015, à la suite du décret du 23 décembre 2014 et de la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (loi MAPTAM) du 27 janvier 2014. À la suite de l’adjonction de Martignassur-Jalle à la CUB en 2013, Bordeaux Métropole compte alors 28 communes. C’est aujourd’hui un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) de 28 communes comptant actuellement 783 001 habitants sur un territoire de 57 000 hectares de superficie19 . La métropole exerce les compétences suivantes :

• Développement et aménagement économique, social et culturel

• Aménagement de l’espace métropolitain (PLU intercommunal notamment)

• Politique locale de l’habitat

• Politique de la ville

• Gestion des services d’intérêt collectif

• Protection et mise en valeur de l’environnement et du cadre de vie

• Promotion d’une programmation culturelle des territoires de la métropole

Dans le cas de Bordeaux Métropole certaines mutualisation des

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18. RATOUIS, Olivier, La construction d’une agglomération. Bordeaux et ses banlieues, Vérone, Editions MétisPresses, 2013 19. Site internet de Bordeaux Métropole

compétences sont laissées au choix des communes, on a donc un peu un système de métropole à la carte.

Bordeaux métropole a tenu à mettre en valeur une identité métropolitaine lors de sa création. Cela passe par exemple par la création d’une charte graphique, par l’homogénéisation des mobiliers urbains (station de tram par exemple). Le C2D a ainsi mené une enquête sur l’identité de l’agglomération20 .

Un problème majeur demeure pour les élus comme pour les habitants de la métropole, le président et le conseil métropolitain ne sont pas élus par un système de suffrage universel comme c’est le cas pour les maires et conseils communaux. Cette absence d’élection pose alors des questions sur la gouvernance du territoire qui ne découle alors pas d’une démocratie directe.

1.2. Politiques urbaines de développement de l’agglomération bordelaise, à la recherche d’une métropole solidaire

20. C2D, Identité de l’agglomération ou agglomération d’identités, radioscopie du territoire bordelais, 2010

1.2.1.

De 1919 à 1945 : Bordeaux à la découverte de ses banlieues

Pendant cette période d’entre-deux guerres, la ville de Bordeaux atteint 250 000 habitants, limite qu’elle conservera plus ou moins jusqu’à aujourd’hui, en 2019. Elle a alors connu un grand essor de population notamment en raison de l’annexion de terrains appartenant aux villes de banlieues, soit un équivalent d’environ 1 000 ha. L’essor du port de Bordeaux incite la ville de Bordeaux à se tourner vers ses banlieues les plus proches, afin de loger la main d’œuvre attirée par l’emploi. Talence, Bègles, Caudéran, Bruges et Le Bouscat s’affirment alors en tant que communes de banlieues et connaissent une augmentation démographique importante. Par la création du tramway à « 6 faisceaux » reliant la ville centre à ses banlieues, la liaison et la continuité spatiale entre la ville centre et ces six banlieues se renforce également. Des trams de banlieues apparaissent aussi, créant une certaine concurrence entre les deux réseaux, ce sont les Tramways Suburbains Bordelais crées en 1921. Cette période est marquée par une forte croissance démographique de la banlieue, la ville de Bordeaux stagne, puis commence un déclin de population malgré les projets municipaux mis en œuvre.

La création de plans d’urbanisme comme le plan Marquet, du nom du maire de Bordeaux Adrien Marquet, ou le plan d’Welles en 1940

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Figure 9: Le tramway se déploie vers les banlieues @Olivier Ratouis

marque aussi cette période. On commence à réfléchir l’urbanisme à l’échelle intercommunale avec la création du Syndicat intercommunal de l’agglomération bordelaise. La mise en commun se faisant toutefois à cette époque sur des plans techniques uniquement comme la gestion de l’électricité, de l’eau, du nettoyage et de la police afin d’en faciliter la mise en place et l’administration.

Au niveau de la construction, cette période d’entre-deux-guerres est surtout marquée par la création de nombreux équipement dans la première couronne avec notamment des hôpitaux, des lycées et des casernes. La politique urbaine reste tout de même très centrée sur la ville centre de Bordeaux, les constructions des villes de banlieues restant peu encadrées.

Des études sur les banlieues et les limites de l’agglomération apparaissent aussi à cette époque avec notamment l’étude d’Henri Cavaillès « Le cadre géographique et les paysages de Bordeaux » dans la revue Urbanisme en juin 1934. Dans cet écrit l’auteur donne à voir la construction de Bordeaux à la rencontre de ses banlieues, l’essor de ces dites premières banlieues mais aussi la diversité des paysages des bourgs alentours, future seconde banlieue, considérée alors comme une « campagne proche de la ville »21

1.2.2. De 1947 à 1995 : Ville centre et conquête de l’Ouest

Après-guerre, la crise du logement sévit à Bordeaux comme partout en France. Se montent alors de grands projets de logements, assez variés. Des groupes, comme Les Castors à Pessac s’organisent afin de réaliser leur lieu de vie, des opérations de quartiers de maisons individuelles voient le jour dans les banlieues, accompagnés par la création de quartier de grands ensembles comme La Benauge ou à Lormont dans les banlieues plus proches de la ville centre. Les extensions de villes sont alors peu organisées, aucun plan d’urbanisme n’encadrant les constructions neuves à une telle échelle.

En 1965, l’aire d’action de l’OPHLM (Office Public d’Habitations à Loyer Modéré) de Bordeaux est agrandie aux communes riveraines de Bordeaux dépendant un même groupement urbanistique afin de mutualiser les projets d’urbanisme et de construction dans un souci d’efficacité. En effet, il y a un manque de logement social dans l’agglomération et plus particulièrement un manque de terrain. De plus le nombre d’habitants à Bordeaux diminue, alors que nombre d’habitants dans le reste de l’agglomération augmente, Jacques Chaban-Delmas décide donc d’augmenter à l’agglomération l’aire de territoire d’action de l’OPHLM22

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21. Henri Cavaillès « Le cadre géographique et les paysages de Bordeaux », Urbanisme n°2627, mai- juin 1934 22. RATOUIS, Olivier, La construction d’une agglomération. Bordeaux et ses banlieues, Vérone, Editions MétisPresses, 2013
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Figure 10: La division de l’agglomération en quatre zones @a’urba

Le village expo de Saint-Médard-en-Jalles, réalisé en 1968, est un exemple de la promotion de la maison individuelle réalisée à cette époque ; 142 maisons sont réalisées, regroupant 13 types différents, le plan directeur est réalisé par les frères Chaveron. Le ministre de l’équipement et du logement, Albin Chalandon, présent à cette occasion mettra en avant l’efficacité du système industriel dans la construction de logement. Ce système se développe alors intensivement en banlieue. L’agglomération de bordeaux se divise alors en quatre zones :

• Le site central de la ville-centre

• Les territoirs des quartiers de la ville-centre

• La première banlieue (Le Bouscat, Bruges, Caudéran, Mérignac, Pessac, Talence, Bègles, Villenave d’Ornon, Cenon, Lormont)

• La deuxième banlieue (Bassens, Blanquefort, Bouliac, CarbonBlanc, Eysines, Gradignan, Le Taillan-Médoc)

En 1965, Bordeaux annexe Caudéran qui devient alors un quartier.

Dans la ville centre de grands projets municipaux se mettent en place avec notamment la création du stade, le développement du quartier de Meriadeck et la création du quartier du Lac. Les opérations sont qualifiées de « gigantisme », et la ville de Bordeaux se replie sur ellemême, on parle alors de « municipalisme », ne faisant que peu de projets en lien avec les autres villes de l’agglomération. C’est, par exemple, le moment de l’abandon du tramway entre les villes de la banlieue et le centre. Bordeaux perd, paradoxalement, 11 000 habitants entre 1962 et 196823

Dans les banlieues, on assiste à une forte hausse démographique, cependant l’urbanisme n’y est pas encadré et les constructions ne répondent alors pas à une réelle organisation. Les maisons individuelles fleurissent partout, la densité reste faible, les villes s’étalent.

En 1964, alors que la ville de Bordeaux ne compte que 250 000 habitants et que l’agglomération n’est pas encore politiquement constituée, Jacques Chaban-Delmas introduit le concept de «métropole millionnaire» avec un million d’habitant pour la première fois à Bordeaux. Cette déclaration est suivie de l’inscription de la ville dans le réseau des « métropoles d’équilibre » créée par la DATAR, avec une réelle volonté de hisser Bordeaux comme métropole d’importance nationale.

Alors que l’agglomération continue à se développer dans un souci de gestion technique, avec notamment la gestion de l’assainissement des villes mise en commun, des projets prennent tout de même place dans les villes de banlieues. On a notamment l’aménagement du Campus à Talence à partir de 1967. Cependant, les villes de banlieues sont peu

23. RATOUIS, Olivier, La construction d’une agglomération. Bordeaux et ses banlieues, Vérone, Editions MétisPresses, 2013

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Figure 11: Une division de l’agglomération par la rocade rive gauche @Fabienne Nal

prises en compte dans les politiques publiques et notamment dans les politiques de logement, l’urbanisation se fait alors « sans être pensée ». De plus chaque commune peut alors penser individuellement son développement sans se soucier des communes voisines.

L’Ouest de l’agglomération se développe alors rapidement en raison de la présence de grandes parcelles et d’un réseau routier solide. Un manque d’accompagnement des habitants pour les trajets domicile/ travail est pointé du doigt, la rocade est construite entre 1966 et 1980. Cet équipement moderne, place l’automobile au centre des déplacements du quotidien, l’agglomération se divise alors en deux parties :

• L’intra rocade : la ville « rhénane » dense

• L’extra rocade : organisée autour de la voiture

En 1969, le Livre Blanc pour le schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme est réalisé, il pointe trois axes de développement pour l’agglomération :

• La poursuite de l’extension spontanée vers l’Ouest

• L’urbanisation le long de la Garonne vers le Nord et le Sud (finalement abandonné)

• Le rééquilibrage de l’agglomération vers l’Est à la suite de la construction du pont d’Aquitaine

A partir de 1971, on parle de développement du périurbain. Les villes des banlieues les plus lointaines se développent autour de la voiture, des anciens urbains déménagent à la recherche d’un cadre de vie moins ou pas citadin « Ce que les Bordelais préfèrent, ce sont les ‘’environs’’ de leur ville » . De plus le prix du foncier augmente dans les centres poussant des populations à aller chercher des terrains moins chers en périphérie. La consommation de l’espace est alors rapide, avec une augmentation de la surface moyenne occupée par l’individu, créant un urbanisme peu dense. L’apparition des grandes surfaces dans les périphéries accentue le phénomène, rendant l’accès à la ville centre facultatif et créant de nouvelles centralités périphériques.

La fin de cette période est marquée par le projet des deux-rives confiée à Dominique Perrault, qui sera dissout dans le projet urbain de 1996 ; et par la mise en place de l’association du Grand Bordeaux, en 1995, ambitionnant de faire passer l’agglomération de 27 à 44, voire 96 communes afin de lui donner une échelle européenne.

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Figure 12: Arc de développement des projets urbains @La CUB

1.2.3. De 1995 à aujourd’hui : La fabrication d’une métropole

Durant cette dernière période de projets et de politiques urbaines, deux axes se distinguent particulièrement. Le premier est la valorisation de la ville-centre, Bordeaux, avec la reconquête des quais entre 1999 et 2009, et la réutilisation des friches industrielles comme réservoir de foncier pour le développement du logement et de l’économie, couramment appelé projet des « 3B » faisant référence aux quartiers Bordeaux-Nord, Bastide et Belcier. Il est aussi appelé « l’arc de développement durable ». La ville-centre est alors considérée comme le point stratégique d’une régénération urbaine pouvant s’étendre par la suite à toute l’agglomération. Ces projets prennent place dans le Projet Urbain de 1996.

Projet des 3B ou Arc de Développement Durable Bordelais

Politique des espaces publics et de densification de la ville visant à créer un axe de développement nouveau, nord-sud, suivant la Garonne, le projet réaménage les espaces publics et utilise les fonciers délaissés situés dans la ville de Bordeaux. Il s’organise en un axe autour duquel viennent s’accrocher trois quartiers en difficulté (Bordeaux Nord, Bastide et Belcier).

Ce projet comprend les nouveaux quartiers :

-Ecoquartier Ginko : Aménagement de la ZAC de la Berge du Lac, 3 phases de livraison 2012, 2014 et 2017 (encore en cours)

- Bassins à Flots : réaménagement d’une friche industrielle maritime, premières livraisons en 2012 (encore en cours)

- Bastide Brazza : Pendant rive droite des Bassins à flot (commencé en 2019)

- ZAC Bastide Niel : aménagement de 2 friches ferroviaires, et d’une ancienne caserne. Les premières livraisons ont lieu entre 2014 et début 2016 (encore en cours)

- Bordeaux Euratlantique : Opération d’intérêt national, sur les deux rives de la Garonne. Elle vise à transformer cette zone d’entrée dans l’agglomération, en un centre d’affaires européen.

L’OIN regroupe 4 territoires :

• 1/ Saint Jean – Belcier : Aménagement du quartier autour de la rénovation de la gare Saint Jean. Début des travaux 2014.

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13: Evolution du tramway dans l’agglomération bordelaise

@Fabienne Nal, basé sur des documents TBM

30
Figure

• 2/ Garonne Eiffel - Bordeaux Floirac : aménagement de 9 quartiers valorisant le passé du territoire entre berges de la Garonne et côteaux sur le modèle d’un réseau infrastructures - nature. Début des travaux fin 2015

• 3/ Bègles - Garonne : centré autour du rapport au fleuve et à la trame verte.

• 4/ Bègles Faisceau : comportant les projets « Cité numérique » et « Parc de l’Intelligence Environnementale »

Le deuxième axe considère l’agglomération dans son ensemble avec les projets de renouvellement des centres des villes périphériques et le développement du tram sur trois lignes. Cela dans un optique de maîtriser le « big-bang » urbain en périphérie conduisant à l’étalement urbain mais aussi de faire reculer la place de la voiture dans les déplacements quotidiens en proposant des alternatives que sont les transports en commun et le vélo. On veut changer l’image de l’agglomération des réseaux techniques basée sur un « urbanisme en tuyaux » et créer un véritable projet urbain.

Projet du tramway dans l’agglomération bordelaise

1995 – Arrivée d’Alain Juppé à la mairie de Bordeaux, volonté de reprise du tramway à Bordeaux.

1997 – Projet du tram adopté par CUB

2000-2005 – Première phase, création de trois lignes (A, B et C) intrarocade

2006-2008 – Deuxième phase, prolongement des trois lignes (A, B et C), les lignes restent intra-rocade à l’exception de deux stations à Lormont

2009-2019 – Troisième phase, prolongement des lignes (A, B et C) et création d’une 4e ligne (D), volonté de désenclaver les périphéries de la métropole, passage extra rocade. Les communes de 2e banlieue restent peu desservies (à l’exception de Blanquefort, Villenave d’Ornon, Le Haillan)

A venir – Extension vers l’aéroport pour la ligne A, vers Gradignan pour la ligne B et vers Saint-Médard-en-Jalles pour la ligne D dans le prolongement de l’idée précédente de désenclaver les banlieues de

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seconde couronne. Plus de communes de 2e périphérie seraient alors desservies par le tramway. Il est important de noter que les lignes de tramway continuent toutefois à se développer dans un schéma radioconcentrique dont la ville de Bordeaux est le centre, ne permettant pas le passage d’une commune de banlieue à l’autre sans passer par Bordeaux.

L’idée de création d’un tram rive droite entre le pont Chaban Delmas et le pont Simone Veil est également évoquée afin de rendre la rive droite plus dynamique et plus accessible.

Actuellement, le réseau à une longueur totale de 74.3km ponctué de 142 stations.

Dès le début de projet de création du tram, une volonté d’un projet d’urbanisme dont le fil conducteur est le tramway est présente afin de structurer la croissance urbaine le long du tramway sur le territoire de l’agglomération.

En 2010, à l’occasion de la biennale d’architecture Agora dont le thème était les « métropoles millionnaires », l’idée de Bordeaux comme métropole millionnaire, est réintroduit par deux grands élus : le maire de Bordeaux Alain Juppé et le président de la CUB Vincent Feltesse. Alain Juppé l’explique par l’idée de faire rentrer Bordeaux dans une dynamique européenne, en lien avec Paris mondialisée, mais aussi de ville durable du XXIe siècle. Il pointe trois points sur lesquels s’appuyer pour réaliser cette ambition : l’accessibilité, le rayonnement universitaire et l’image de marque par rapport à la recherche, l’innovation, la création.

Vincent Feltesse l’explique lui par une attractivité accrue du département de la Gironde, il parle de « métropole girondine », de « métropole provinciale ». Si la Gironde doit accueillir 1.8 millions d’habitants il faut, pour lui, que le million soit accueillis dans la métropole où l’emploi est présent afin de limiter les fractures sociales en zones plus rurales. La métropole doit inciter les gens à revenir vers la ville, un projet à long terme entre 2010 et 2025. Il faut néanmoins limiter l’étalement urbain et donc programmer une ville plus dense, avec le projet des 3B mais aussi la proposition de densifier autour des lignes de tramway.24

Le slogan de « métropole millionnaire » est abandonné rapidement car faisant trop peur aux habitants de l’agglomération au vu des infrastructures existantes sur l’agglomération qui ne se sent alors pas prête à accueillir 250 000 habitants supplémentaires.

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24. FELTESSE Vincent, 783 001 Bordeaux La Métropole, Le Haillan, éditions confluences, mai 2019

Le président actuel de Bordeaux métropole, Patrick Bobet, confie cependant que le million d’habitant dans la métropole va être atteint à l’horizon 2050 environ.25

En 2010, est alors lancée une grande concertation participative sur la question de transformer la CUB en métropole, Bordeaux Métropole 3.0. Cette concertation avait pour but d’imaginer l’avenir de la métropole à l’horizon 2030.

À la suite de cette concertation, deux projets parallèles sont lancés par la CUB : « 50 000 logements nouveaux autour des axes de transport public », qui traduit la volonté d’une solidarité des communes de l’agglomération pour absorber la croissance démographique autour de la présence des transports en commun métropolitains, et « 55 000 ha pour la nature » afin de préserver les espaces dits « naturels » de l’agglomération et de contrebalancer l’urbanisation.

Projet des 50 000 logements nouveaux autour des axes de transport public

La question de départ de ce projet des 50 000 logements est : comment éviter que la prolongation des lignes de tramway vers la périphérie ne favorise un étalement urbain désordonné ?

Ce projet aborde aussi une autre question primordiale : la cohérence entre la ville-centre et sa périphérie, la solidarité des communes de l’agglomération pour construire un projet urbain d’envergure métropolitaine.

Cinq équipes pluridisciplinaires composées d’architectes, urbanistes, paysagistes et économistes ont exploré le territoire bordelais et décrypté ses potentiels depuis 2010. 51N4E + GRAU, Alexandre Chemetoff & associés, L’AUC, Lacaton & Vassal, OMA offrent ainsi cinq visions et propositions pour construire une stratégie métropolitaine qui allie nouvelles formes d’habitat et enjeux de mobilités.

La CUB a choisi ces cinq équipes, à la suite de l’appel à projet lancé en mai 2010, avec la volonté de construire vite et bien du logement et des services, et l’ambition de concilier emploi, habitat, déplacement, et nature.

2010 – appel à projet par la CUB, début de mission des cinq équipes choisies

2012 - achèvement de la mission des cinq équipes, création de la SPL société publique locale sous le nom de : La Fabrique Métropolitaine de

25. BOSREDON Mickaël, « Bordeaux Métropole : C’est tout le temps un bras de fer entre les maires et les promoteurs », 20 Minutes, 18/04/19

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14: Situation des projets de l’opération

«50 000 logements»

@arc en rêve, centre d’architecture

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Figure

La Cub (La Fab)

2018 – livraison 500 logements

2019-2020 – livraison de 1500 logements supplémentaires

En mars 2019, Bordeaux Métropole change le nom de ce projet qui devient alors «Habiter, s’épanouir : 50 000 logements accessibles par nature». C’est une manière d’enterrer l’idée de la «métropole millionnaire», un terme revenu au gré des concertations publiques et vécu, selon la Fab, comme un terme «anxiogène». Le nouveau nom intègre ainsi une notion qualitative que le dernier n’avait pas. En effet le premier nom mettait plutôt l’accent sur la quantité, l’objectif de la métropole millionnaire.26

Projet des 55 000 ha pour la nature

La croissance démographique et la densification doivent être compatibles avec le respect et la valorisation de ces espaces de nature dans la métropole, pour le bien-être des hommes et le respect des impératifs biologiques des espèces animales et végétales. C’est la première fois que le rôle de la nature dans une agglomération est ainsi appréhendé, aussi bien dans ses fonctions sociale (loisirs, cadre de vie), qu’économique (agriculture urbaine, tourisme vert) ou environnementale (biodiversité).

Initiée en mars 2012, la démarche « 55 000 hectares pour la nature » répond ainsi à un objectif d’équilibre territorial et constitue en ce sens le pendant de la démarche « 50 000 logements autour des axes de transports collectifs ».

La première phase prend la forme d’un appel à projet privilégiant des équipes pluridisciplinaires dans le but de définir une stratégie d’agglomération en faveur de la nature. Cinq équipes - Agence Ter, Be Citizen, Coloco-ADH, Bas Smets et Horizon - ont travaillé à ce titre avec La Cub de mars 2012 à février 2013 (diagnostic territorial et stratégie nature). Au terme de ce dialogue, quatre groupements - Agence Ter, Be Citizen, Coloco-ADH et Bas Smets - ont été retenus sur cinq lots thématiques (Nature en ville dense, Grands territoires Nature, Zones humides, Trames vertes et bleues, Friches et espaces en mutation)

2012 – Lancement de l’appel à projet et Choix des équipes retenues, lancement du dialogue compétitif

2013 – suite du dialogue compétitif, attribution des marchés,

26. Site internet Aqui.fr, URL: http://www. aqui.fr/metropole/ bordeauxmetropoleoperationseduction-pourle-programme50-000logements,18225. html

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», Métropolitiques, 5 novembre 2018

Concertation et ateliers sur les sites laboratoires.

2014 – poursuite et fin des ateliers, décision du Bureau Métropolitain sur la suite de la démarche

Aucune phase opérationnelle n’a encore suivie ce temps d’étude.

La FAB (Fabrique de Bordeaux Métropole) est chargée de la mise en œuvre des projets dès 2012, rôle entériné après le passage de la CUB en Bordeaux Métropole en 2015. Pour le projet des 50 000 logements, sur les 16 îlots témoins répartis sur 11 communes de la métropole, 500 logements ont déjà livrés en 2018, 1500 le seront entre 2019 et 2020. Il resterait donc à construire 48 000 logements pour voir la fin de ce projet.27 Pour le projet de 55000 hectares pour la nature, aucune commune n’a encore à ce jour engagé de démarches opérationnelles faisant suite aux études et propositions menées par les quatre équipes.

En février 2018, Bordeaux Métropole lançait une nouvelle concertation, BM2050, invitant les habitants de la métropole à réfléchir à ce que pourrait être la métropole dans 30 ans. Cette concertation résonne avec celle de 2010 sur l’imagination de la métropole de 2030. La démarche a commencé avec le « Camion du futur » qui a parcouru les 28 communes de la métropole pendant quatre mois. Des questionnaires en ligne à destination des particuliers et des professionnels ont été diffusés en parallèle jusqu’en juin 2018. L’analyse de ces questionnaires a été rendue publique lors de la conférence de presse du 27 septembre 2018, marquant l’entrée de la démarche dans sa deuxième phase composée de contributions de spécialistes, de workshops, d’ateliers et de conférences. Quatre scénarios ont été esquissé pour donner suite à ces deux phases proposant quatre alternatives de développement de la métropole pour demain.

Aujourd’hui des projets, appelés «Opération d’Intérêt Métropolitain» (OIM) prennent place dans les premières banlieues de Bordeaux, avec notamment l’opération Aéroparc à Mérignac et l’Opération Campus à Talence et Pessac. Cependant on voit que ses projets restent très en lien et proches de la ville centre.

OIM Bordeaux-Aéroparc et OIM Inno-Campus

Les OIM sont des territoires prioritaires de développement économique de Bordeaux métropole, avec pour double fonction de contribuer à l’attractivité de la Métropole à l’échelle nationale et internationale, en

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27. Stéphane Hirschberger & Gilles Pinson & Élise Reiffers, « L’appel à projets urbains « 50 000 logements » à Bordeaux : la mise en échec de la métropole stratège

donnant une forte visibilité à ses atouts territoriaux stratégiques, et d’être des territoires de valorisation à effet d’entraînement pour toute la Métropole.

Le projet Bordeaux-Aéroparc est à vocation économique principalement, il s’agit de permettre le développement des grandes industries en place et d’attirer de nouvelles entreprises, d’implanter les services nécessaires aux bonnes conditions de vie des salariés et d’envisager également des usages en dehors des heures de travail en semaine. L’objectif étant de créer des quartiers d’activité économique qui soient à la fois fonctionnels et où il est agréable de venir travailler, d’introduire de l’urbanité sur un territoire aujourd’hui peu lisible sur le plan urbain.

Le projet Inno-Campus, articule, sur 1 500 ha, opérations d’aménagement, innovation économique et valorisation d’équipements majeurs au sein du Campus et des sites hospitaliers. L’OIM est menée dans le cadre d’un partenariat élargi avec les collectivités territoriales concernées, les acteurs de la santé, de la recherche et du développement. Un objectif est visé : 10 000 emplois supplémentaires d’ici 2030 suivant le triptyque santé, recherche et innovation.

Un des écueils actuels auquel doit faire face Bordeaux Métropole est le manque de cohésion et de solidarité entre les communes qui la composent, malgré les tentatives de projets métropolitain. L’intérêt des communes prime sur l’intérêt métropolitain « Aujourd’hui chacun est d’abord maire de sa commune. L’intérêt métropolitain est souvent rétrogradé au profit du communal ».28

1.3. Des territoires de franges métropolitaines

1.3.1. Un cadre théorique confus

Les métropoles sont aujourd’hui toutes concernées par la maitrise du développement des franges urbaines. Dans le cas de métropoles monocentriques, comme celle de Bordeaux, il s’agit des territoires qui entourent le cœur d’agglomération continu et qui constituent une première « ceinture verte ». Ce sont ces territoires qui ne font pas partie de la première banlieue de la ville-centre mais qui font partie de la métropole.

Longtemps perçus comme des espaces d’opportunité foncière, ils ne peuvent plus être considéré uniquement comme cela aujourd’hui du fait de la volonté politique de stopper l’étalement urbain. La périurbanisation

28. FELTESSE Vincent, 783 001 Bordeaux La Métropole, Le Haillan, éditions confluences, mai 2019, p.37

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Trois opérations d’envergures pour mailler le territoire de la métropole @Bordeaux

Métropole

Des opérations source d’emplois sur la métropole @Bordeaux

Métropole

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Figure 15: Figure 16:

a conduit à utiliser les espaces périphériques des métropoles comme de espaces fournissant des terrains moins chers où se sont implantés logements individuels et centre commerciaux. Cela a été renforcé par la disparition de plus en plus rapide de fonctions traditionnelles sur ces territoires, comme l’agriculture, malgré le classement de terrains en zone naturelle ou agricole sur les documents d’urbanisme. Pour freiner ce processus d’étalement urbain qui a lieu dans les périphéries, les métropoles ont pour la plupart engagées des projets de recyclage des espaces urbanisés déqualifiés, c’est la politique de « renouvellement urbain ». Cependant, aucune politique de requalification, de maitrise et de valorisation des franges métropolitaines n’est vraiment engagée.

Le problème initial qui ressort de la littérature déjà consacrée à la frange urbaine c’est le manque de clarté terminologique par rapport au territoire que l’on veut examiner, de nombreux mots existent aujourd’hui pour tenter de caractériser cette frange. Si l’on s’accorde généralement pour considérer le départ de cette étude comme étant le moment de passage de villes avec des banlieues compactes à des villes-métropoles étalées, aucun consensus n’est visible sur la nature de ces « nouveaux espaces urbains » périphériques.

Une partie importante de la littérature traitant de ces changements de l’urbanisation relève du contexte américain, pourtant très différent du contexte français.

Ainsi les notions d’Edge City, introduite par le journaliste Joël Garreau en 1991, et d’Edgeless City, introduite par Robert Lang29 en 2003, désignent le déploiement des espaces d’activités économique dans les espaces périphériques moins denses. Ces notions désignent l’apparition de polarité économiques nouvelles autour des villescentres dans les banlieues et périphéries. La notion d’Edge City relève tout de même du caractère d’organisation compacte des activités alors que celui d’Edgeless City propose une analyse des espaces d’activité diffus. Nous nous intéresserons donc davantage à la seconde notion qui correspond davantage à la situation des franges métropolitaines françaises. L’écrivain Thomas W. Sanchez nomme ces espaces «métropole insaisissable » , leur frontière est mal déterminée, il est difficile de les cartographier et même de le distinguer.30

Les territoires à la frontière des métropoles possèdent une condition métropolitaine difficile à déceler. C’est une forme de métropole beaucoup moins manifeste que l’idéalisation que nous pouvons nous en faire. Le sentiment de faire partie d’une métropole s’amplifie parfois tandis qu’il peut pratiquement disparaître ailleurs. C’est cette ambivalence que tente de décrire Gaétan Brunet et Antoine Espinasseau, architectes, par la notion de «métropole silencieuse ».31

29. LANG

Robert E., SANCHEZ Thomas et LEFURGY

Jennifer, « Beyond Edgeless Cities: Office Geography in the New Metropolis», Virginia Tech, Février 2006

30. IBID

31. BRUNET

Gaétan et ESPINASSEAU

Antoine, « La Métropole Silencieuse », Silomag, n° 7, été 2018.

39

Le territoire de la métropole silencieuse est celui de la grande banlieue, cette périphérie détachée de la ville centre mais faisant partie de l’agglomération urbaine.

La forme que prend la métropole dans la grande banlieue limite une lisibilité rapide de cet espace. La composition urbaine qui définit la métropole à l’époque de son apparition comme figure urbaine autant que modèle économique, fait ici place à la distance et à des organisations considérées comme non-urbaines, typiques de la périurbanisation et mis en œuvre dans les territoires périphériques de manière systématique. On a du mal dans ces espaces à se sentir dans un territoire métropolitain. Pourtant, la métropolisation n’oblige aucune image, esthétique ou seuil de densité démographique, ce sont des idées préconçues de ce qu’est la métropole : une grande ville avant tout, qui biaise le jugement.

La métropole silencieuse se manifeste par son ambiguïté. Elle abrite des fonctions mondialisées (du monde vers un point) et mondialisantes (d’un point vers le monde), est traversée par des flux d’informations et des entreprises compétitives y sont implantées. Dans le même temps, la métropole silencieuse existe par la fuite des centres des grandes villes. On y recherche le calme et le silence, un lieu de repli confortable dans une société en mouvement.

Grâce à la généralisation de la voiture comme moyen de transport et au programme politique de « France propriétaire » qui démocratise la maison individuelle, une nouvelle pratique de l’espace est rendue possible, « La métropole silencieuse invite à une pratique « à la carte » des espaces métropolitains. » . À travers la réversibilité permanente qu’elle permet, la métropole silencieuse propose la synthèse de l’accès à la ville et à la campagne. Elle les rend accessibles depuis un même point, dans des temporalités semblables.

Cette définition de la métropole silencieuse peut par ailleurs se rapprocher de la définition de lisière urbaine par Bertrand Folléa:

«la lisière urbaine est l’espace d’interface entre ville et nature en charge de gérer la relation entre les deux. Elle constitue la transition entre l’espace urbanisé ou à urbaniser et l’espace agricole ou naturel. Elle concrétise la limite d’urbanisation par son épaisseur. » 32

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32. ADEUS, Lisières urbaines Exploration pour construire le dialogue villenature, les notes de l’ADEUS n°111, novembre 2013

1.3.2. Les franges de la métropole bordelaise

On distingue trois principales franges différentes pour la métropole bordelaise.

• La première, au sud, est composée des communes de Villenave d’Ornon, Gradignan et Pessac

• La seconde, rive droite, à l’est, est composée des communes de Bouliac, Floirac, Artigues-près-Bordeaux, Lormont et Carbon-Blanc

• La troisième, au nord-ouest, est composée des communes de Saint-Médard-en-Jalles, Saint-Aubin, Le Taillan-Médoc, Blanquefort et Parempuyre

La rive droite et la frange ouest sont aujourd’hui plus en marge que celle au sud par rapport à la ville centre et au reste de l’agglomération, cela peut être expliqué par un lien tardif de ces territoires avec le reste de l’agglomération.

Cela peut être explique d’un côté en raison du fleuve qui la sépare de la ville centre; de l’autre par une discontinuité bâtie encore présente et une entrée tardive dans l’agglomération administrative (création de la CUB). Un raccordement aux réseaux de transports en commun, renforce cette impression de communes en marge de l’agglomération, les rendant peu accessibles. En effet, les communes de l’ouest rentrent depuis seulement quelques années dans la dynamique de raccordement par le tramway au reste de la métropole (extension du tram C en 2016 et création du tram D en 2019).

Chaque franges, et par extension les communes qui la composent, ont des caractéristiques particulières les différenciant les unes des autres. Ainsi, la frange du sud est caractérisée par la présence des universités et donc des étudiants, elle possède un paysage de vignoble important, et est très recherchée au niveau du logement pour sa proximité avec des zones d’emplois importantes à Bordeaux, Bègles ou Mérignac.

La frange de l’est, rive droite, est composée de communes de petites superficies, les communes qui la composent sont marqué à la fois par un passé industriel et par une identité encore forte des anciens villages sur les coteaux. Ces communes furent longtemps les villes accueillant une population moins aisée que le reste de l’agglomération.

La frange du nord-ouest, est composée de communes de grandes superficies. Les tissus urbains de ces dernières sont composées en grande partie de maisons individuelles, ce qui leur vaut d’être souvent

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Figure 17: Une frange sud marquée par un paysage viticole @deux degrés Figure 18: Une frange est sur les coteaux @deux degrés Figure 19: Une frange nordouest marquée par la forêt et l’agriculture @deux degrés

assimilées à des «villes dortoirs». Elles font parties de la banlieue «récente» de l’agglomération bordelaise. Le paysage de cette frange est marquée par la présence des forêts de pins et par l’agriculture et la viticulture encore présent sur le territoire.

Si ces franges sont diversifiés pour ce qui est des paysages, de l’emploi, de l’accès et du lien avec la ville centre de l’agglomération, Bordeaux, elles ont toutefois des caractéristiques fortes en commun. Leur première caractéristique est sur la composition de leur tissu urbain. En effet les communes composant les franges de la métropole sont des communes qui ont connu une forte augmentation démographique à partir de la période d’entre-deux-guerre, période où la maison individuelle et l’étalement urbain en découlant était encouragé. Elles ont donc été soumise au phénomène de périurbanisation, et leur tissu urbain est composé en grande partie de maisons individuelles. Ce sont d’ailleurs des villes majoritairement résidentielles. La deuxième caractéristique commune est le lien avec leurs communes limitrophes, ce sont des communes qui ont des échanges et des projets communs avec à la fois des communes métropolitaines et des communes extramétropolitaines. Elle forment un lien entre l’intérieur et l’extérieur de la métropole. La troisième caractéristique est leur lien avec un paysage dit «naturel», elles ont une proximité avec les forêts, les zones d’agriculture et de viticulture, les prairies, que les autres communes de l’agglomération ne possèdent pas. C’est ce que l’équipe AUC participant au projet 50 000 logements nomme espace «nature et ville».

Ces communes cherchent aujourd’hui leur place dans le système métropolitain et les atouts qu’elles peuvent apporter à l’échelle métropolitaine. Jusque maintenant, les projets d’envergure métropolitaine prennent place dans la ville centre de la métropole ou dans les villes de première banlieue. Cependant ces villes des franges veulent sortir de leurs images de «villes dortoirs», réservoir de population en maison individuelle. Ainsi il est intéressant d’observer quels rapport elles entretiennent aujourd’hui avec la métropole dans leurs politiques urbaines, économiques, culturelles et de développement durable.

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Partie 2. Les franges de Bordeaux Métropole, des réservoirs de développement aux stratégies singulières

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Figure 20: Fiche d’identité de Blanquefort @ openstreetmap, INSEE et Fabienne Nal

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