ACCESSIBILITÉ DE LA VILLE : LE HANDICAP COMME MOTEUR DES AMÉNAGEMENTS URBAINS
LE CAS DE LA VILLE DE BORDEAUX
NONCLERCQ GILLES
MÉMOIRE DE MASTER, ENSAPBX
Séminaire Repenser la métropolisation
Xavier Guillot / Delphine Wilils /
Julie Ambal / Aurélie Couture
Février 2019
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NONCLERCQ GILLES -
ACCESSIBILITÉ DE LA VILLE : LE HANDICAP COMME MOTEUR DES AMÉNAGEMENTS URBAINS
LE CAS DE LA VILLE DE BORDEAUX
MÉMOIRE DE MASTER, ENSAPBX
Séminaire Repenser la métropolisation
Xavier Guillot / Delphine Wilils /
Julie Ambal / Aurélie Couture -
Février 2019
En couverture :
Croquis de Roland Goeller, Place du Parlement, 2010, retravaillé par Gilles Nonclercq
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SOMMAIRE | 3
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01 | LES DIFFÉRENTS USAGES DE LA NOTION
1. Le parcours du Handicap
1.1 Accessibilité et handicap : qui sont les acteurs ?
1.2 La loi au service du handicap : de 1975 à 2005
2. La place de l’accessibilité dans l’espace public P.21
2.1 L’accessibilité comme support d’intégration spatial et social.
2.2 Mise en œuvre de l’accessibilité : des principes à la réalité
2.3 Vers une ville accessible à tous, sur le modèle de la ville de Grenoble.
3. L’accessibilité comme créatrice d’urbanité P.32
3.1 La politique du piéton en faveur du Handicap
3.2 Concevoir l’espace urbain par une approche du handicap
02 | LA VILLE DE BORDEAUX AU SERVICE
1. Un aménagement urbain propice à l’accessibilité du handicap P.37
1.1 Le tram Bordelais comme créateur d’accessibilité
1.2 Un changement progressif de l’espace public Bordelais : Vers une ville piétonne et accessible
2. L’application des lois sur l’espace public Bordelais P.46
2.1 Une réglementation propre à Bordeaux
2.2 Pour une ville encore plus accessible
3. Trois itinéraires accessibles à Bordeaux P.51
3.1 Une accessibilité récompensée
3.2 Parcourir la ville accessible : trois itinéraires de découverte adaptés.
3.3 Conclusion
00 | INTRODUCTION ..........................................................................P.7
D’ACCESSIBILITÉ..............................................................................P.13
P.15
DU HANDICAP ?..................................................................................P36
03 | CONCLUSION.............................................................................P.78 Bibliographie P.82 | 5
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00 INTRODUCTION | 7
INTRODUCTION
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Parmi les enjeux de la ville durable, la question de l’accessibilité des personnes à mobilité réduite (PMR) se place au premier plan des politiques urbaines. Le terme « accessibilité » est de plus en plus employé dans les travaux d’architecture, d’aménagement et d’urbanisme.
Même au quotidien, le mot est utilisé dans des situations bien diverses. Par exemple, lorsque l’on veut appeler à l’étranger et qu’il y a un problème de réseau, l’opérateur nous dit que « le numéro demandé n’est pas accessible ». La rupture du réseau crée l’inaccessibilité, c’est le cas en ce qui concerne la téléphonie, mais aussi en ce qui concerne les transports. En effet, s’il n’y a plus de moyens de transport, nous aurons plus de mal à accéder à un lieu. Accessibilité et continuité seraient ainsi étroitement liées. L’accessibilité est une notion qui suppose la possibilité de se déplacer, de se mouvoir, afin de s’approcher d’un lieu, d’un service, d’une personne, physiquement ou virtuellement. Rechercher l’accessibilité semble donc signifier rechercher la proximité, qu’elle soit physique ou non, comme dans le cas d’une conversation téléphonique1. L’accessibilité renvoi donc à la notion de spatialité, à savoir la possibilité de se déplacer, de se mouvoir dans un espace, un lieu.
L’accessibilité est également une notion centrale dans un autre domaine, celui du handicap. En effet, les premières personnes qui vont être concernées par l’accessibilité sont les personnes handicapées ou en situation de handicap, qui se regroupent en une famille, celle des Personnes à mobilité réduite (PMR). L’accessibilité peut être appréhendée comme une solution, pour que les personnes handicapées soient intégrées à la société et puissent profiter pleinement d’un espace, quelle qu’il soit. Prendre en considération le handicap dans les constructions et l’aménagement de l’espace urbain, permettrait une intégration effective à la société des personnes handicapées.
Le tournant de l’accessibilité vient surtout de la loi du 11 février 2005, pour « l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées »2. Cette loi va apporter des évolutions aux attentes des personnes handicapées, dont notamment celle de l’accessibilité. La loi met en œuvre les fondamentaux de l’accessibilité, afin d’intégrer au mieux à la société les personnes en situation de handicap. Il est dit dans la loi que pour 2015, les espaces publics, les transports et les établissements recevant du public (ERP) devront être accessibles à tous, à tous les types de handicap, mais plus globalement aux personnes à mobilité réduite (PMR). Ainsi la loi impose que tous les types de handicaps soient pris en compte pour ce qui concerne les transports, les aménagements de voiries et plus largement l’espace public. Désormais le handicap moteur, longtemps le plus représenté, n’est plus le seul pris en compte. En plus de l’intégration des autres déficiences, l’accessibilité concerne aussi toute personne éprouvant, de par son état temporaire ou permanent, des difficultés à se mouvoir, à se repérer ou à s’orienter dans un espace3.
1. Ouldelhkim Majdoline. « L’accessibilité des personnes handicapées : des dispositifs techniques au droit à la ville ? Vers une conception élargie de l’accessibilité », 2012, p.7
2. Loi n° 2005-102 du 11 février 2005.
3. Selon la définition des personnes à mobilité réduite (PMR) définit par la loi Handicap du 11 février 2005
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Cette nouvelle posture marque une avancée significative quant à la façon d’appréhender le handicap dans l’espace public. Il n’est plus considère comme un cas à part, mais comme une situation dans laquelle n’importe qui peut un jour se trouver. Comme le rappelle la directive du 13 avril 2006, « ces obligations nouvelles sont appelées à bénéficier à tous les usagers, y compris les personnes âgées, les enfants et plus généralement toutes les personnes gênées à titre temporaire ou permanent dans leurs déplacements »4. Mais elle participe également à l’amélioration du confort général de la population dans son ensemble. Comment l’accessibilité à changer les pratiques de la ville ?
Ces vingt-cinq dernières années, la réflexion sur l’accessibilité de l’espace public aux personnes handicapées et à mobilité réduite connaît une évolution favorable. L’application des nouvelles normes, établies par la loi handicap de 2005, est un défi pour les architectes et urbanistes car elle permettrait de faciliter le déplacement de personnes handicapées dans l’espace public et de contribuer à leur intégration dans la vie urbaine en général. C’est pourquoi, depuis quelques années, l’accessibilité revêt une dimension très technique, qui se concrétise en terme de hauteur de trottoir ou d’installation de rampes. Cela apporte une nouvelle dimension à la notion d’accessibilité qui renvoi à un espace, à une situation, lié à une condition physique. Cependant rendre accessible un lieu par une réponse strictement réglementaire et technique serait assez réducteur. Accessibilité ne signifie pas seulement handicap. La notion d’accessibilité serait trop restreinte, elle perdrait ainsi de sa capacité à ouvrir la réflexion mais aussi de son efficacité sur sa mise en œuvre. Désormais, les espaces publics doivent être organisés de manière à permettre une accessibilité totale aux personnes handicapées, mais les mesures proposées, pour améliorer la mobilité des usagers, devront à l’avenir satisfaire les attentes du « plus grand nombre » et tenir compte des spécificités de chaque personne.
Comme il est dit dans les écrits sur l’accessibilité de Rachel Thomas : « l’accessibilité d’un lieu résulte autant de sa capacité à faciliter le déplacement physique de l’homme que de sa propension à permettre la coexistence de modes d’habiter et de configurer l’espace »5, il y a l’accès du lieu en terme de desserte, mais aussi sa capacité à devenir lieu de vie confortable et urbain. La notion d’accessibilité prend alors une nouvelle dimension. Le fait d’avoir accès à la ville n’est peut-être pas seulement la possibilité technique de pouvoir s’y rendre, mais cela peutêtre aussi avoir accès à ses services ou encore à une certaine qualité de vie. L’accessibilité serait alors un indicateur de qualité et de bien-être des territoires, selon Béatrice Chaudet6 Comment ces normes vont alors influencer la manière de concevoir l’espace public ? Quel va être l’impact des normes « handicap » sur l’espace public et sur l’aménagement urbain des villes ?
4. « PDU et accessibilité aux personnes handicapées ». CERTU mai 2009
5. Thomas Rachel., « L’accessibilité des piétons à l’espace public urbain : un accomplissement perceptif situé », 2003, p. 233-249
6. Chaudet Béatrice., « Développer des espaces de qualité et de bien être pour tous, une voie accessible ? » in Fleuret S. (dir.), Espaces, qualité de vie et bien-être, 2005, p. 187-196.
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L’enjeu de l’aménagement urbain est de pouvoir offrir à chacun le droit d’être quotidiennement autonome, plus particulièrement dans les lieux publics. Donner le droit à tous, d’accéder à toutes les informations et tous les éléments de la ville de la même manière. Cependant, l’espace urbain ne peut être épuré de tout obstacle, puisque certains espaces favorables aux uns peuvent être simultanément défavorables aux autres. L’hypothèse serait d’aborder le handicap non plus comme une contrainte, mais comme la solution entre l’aménagement de l’espace public et la demande de l’usager, en fonction de ses caractéristiques physiques. Peut-on considérer l’accessibilité comme une nouvelle pratique de l’aménagement urbain, à la recherche d’un équilibre entre mobilité et usagers afin de satisfaire le plus de personnes ?
Le terrain choisi pour ce mémoire va être la ville de Bordeaux. En effet, il est intéressant d’observer cette ville sur les questions d’accessibilité. Depuis quelques années maintenant et aussi depuis la sortie de la loi de 2005, la ville de Bordeaux met tout en œuvre pour permettre l’intégration à la ville des personnes en situation de handicap, en améliorant leur autonomie et l’accès à tous ses services. On le remarque notamment au niveau des réseaux de transport en commun qui sont aujourd’hui entièrement accessible au PMR, mais également au niveau des logements, des établissements réservant du public (ERP), de la culture, du tourisme et du sport.
Une large réflexion et un véritable plan d’actions ont été mis en œuvre pour améliorer la qualité de vie des personnes handicapées, afin que Bordeaux soit une ville toujours plus accessible. On voit également que la ville de Bordeaux apporte une attention toute particulière à l’aménagement de ses espaces publics, pour l’intégration progressive des personnes handicapées. En effet depuis les années 2000, Bordeaux a entamé un processus de rénovation et de réaménagement des places, des rues et plus largement de l’espace public, surtout autour du tracé de nouveau tramway (qui a pris ces fonctions en décembre 2003). Ces travaux ont permis à la ville de s’embellir et d’offrir un espace public plus grand, plus agréable et de qualité, en plus de le rendre accessible à tous.
Cette transformation de l’espace public va être soumise à deux réglementations. Le guide de conception des espaces publics communautaires, mis en place par Bordeaux métropole. Et Le plan de mise en accessibilité des voiries et espaces publics de la communauté urbaine de Bordeaux, mis en place par l’A’Urba (l’agence d’urbanisme de bordeaux). Ils sont le fondement de l’aménagement de l’espace public à Bordeaux. Ces réglementations permettent de rendre ces espaces accessibles au plus grand nombre. Ainsi, nous chercherons à savoir si les dispositifs techniques de la loi de 2005 parviennent à concrétiser le droit à la ville pour tous et s’ils peuvent-être un nouveau moyen de changer les pratiques d’aménagement en vue d’une portée universelle ? L’accessibilité peut-elle être considère comme une nouvelle norme d’embellissement des villes ? Comme un nouveau confort urbain ?
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EN
QUOI
L’ACCESSIBILITÉ PEUT-ELLE
ÊTRE CONSIDÉRÉ COMME UN NOUVEAU CONFORT URBAIN MOTEUR D’UNE POLITIQUE DE RÉINVENTION DE L’ESPACE PUBLIC ?
Dans ce mémoire, une première approche sera consacrée au traitement du handicap et de l’accessibilité dans l’aménagement des villes, avec comme exemple la ville de Grenoble, considérée comme la ville la plus accessible de France. Il s’agira de montrer comment l’évolution des représentations du handicap a progressivement inscrit cette question du handicap dans le champ de l’aménagement.
Ensuite, dans une deuxième partie nous allons plus particulièrement nous intéresser à la ville de Bordeaux, afin de comprendre comment les politiques urbaines vont répondre à la demande grandissante d’accessibilité. Pour ce faire, nous allons observer l’évolution de l’espace public Bordelais depuis les années 2000, afin de voir comment les politiques urbaines ont permis d’améliorer les pratiques de la ville. Il s’agira ici de confronter les engagements politiques en faveur du handicap, dans le projet urbain d’aménagement, à la réalité du terrain. Puis de comprendre comment la ville va répondre favorablement à la demande d’accessibilité.
Enfin, nous allons partir à la découverte de trois itinéraires de découverte adaptés, mis en place par la mairie de Bordeaux, qui permettent de visiter les lieux les plus emblématiques en toute accessibilité, que l’on soit en fauteuil roulant ou un simple piéton. Il s’agit des circuits du Palais Galien, du Centre historique de Bordeaux et du Jardin botanique – Bastide. Ces itinéraires s’inscrivent dans une volonté de faire de Bordeaux une ville attractive et accessible pour tous, tout en participant au projet urbain qui est d’intégrer la priorité d’une totale accessibilité pour les personnes handicapées. Nous allons voir ici comment ces parcours répondent à la demande et aux normes d’accessibilité, et si leur mise en place va avoir un impact sur le reste de l’aménagement de la ville.
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01 LES DIFFÉRENTS USAGES DE LA NOTION D’ACCESSIBILITÉ
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Illustration de Schutterstock
« L’accessibilité permet l’autonomie et la participation des personnes ayant un handicap, en réduisant, voire supprimant les discordances entre leurs capacités, leurs besoins et leurs souhaits, d’une part, et les différentes composantes physiques, organisationnelles et culturelles de leur environnement, d’autre part. L’accessibilité requiert la mise en œuvre des éléments complémentaires, nécessaires à toute personne en incapacité permanente ou temporaire pour se déplacer et accéder librement et en sécurité au cadre de vie ainsi qu’à tous les lieux, services, produits et activités. La société, en s’inscrivant dans cette démarche d’accessibilité, fait progresser également la qualité de vie de tous ses membres »7
7. www.developpement-durable.gouv.fr/-Accessibilite-.html. | 14
1. LE PARCOURS DU HANDICAP -
1.1 ACCESSIBILITÉ ET HANDICAP : QUI SONT LES ACTEURS ?
Lorsque l’on pense aux personnes à mobilité réduite, on est tenté immédiatement d’évoquer les handicapés en fauteuil roulant, les personnes qui se déplacent avec des béquilles ou encore les personnes âgées. Cependant, de nombreuses personnes souffrent de difficultés motrices moins évidentes et se trouvent même parfois dans l’obligation de faire appel à une aide extérieure, pour les accompagner. Le terme de personnes à mobilité réduite (PMR), englobe diverses personnes ayant comme point commun celui de se retrouver handicapées ou gênées dans leurs actions ou leurs déplacements quotidiens. D’une façon générale, les personnes qui ne peuvent accéder à un lieu, en profiter, ou le faire sans effectuer des efforts démesurés sont considérées comme handicapées par application.
Pour donner un exemple, une personne qui ne peut pas se rendre dans une rue car le trottoir n’est pas assez large pour permettre le passage de son fauteuil, et un visiteur qui arrive dans une ville qu’il ne connaît pas et qui a du mal à se repérer, sont tout deux en situation de handicap. Cependant, la différence entre ces deux personnes se trouve dans le fait qu’un visiteur perdu ne subit physiquement aucune gêne, alors que la personne en fauteuil roulant sera arrêtée dans son action à cause d’un obstacle physique. Nous nous intéresserons donc, ici, à ces dernières personnes qui peuvent se retrouver gênées dans leurs actions et leurs mobilités, on parlera alors de personne à mobilité réduite (PMR).
Selon la définition légale, une Personne à Mobilité Réduite (illustration 1) inclut : « l’ensemble des personnes qui éprouvent des difficultés à se déplacer, de manière provisoire ou permanente. Il s’agit de toutes les personnes ayant des difficultés pour accéder à un espace ou utiliser les transports publics, telles que, les personnes souffrant de handicaps sensoriels et intellectuels, personnes en fauteuil roulant, personnes handicapées des membres, personnes de petite taille, personnes âgées, femmes enceintes, personnes transportant des bagages lourds et personnes avec enfants (y compris enfants en poussette)»8
Comme on peut le voir, la notion de PMR est large et rassemble une grande catégorie de personnes. Cependant, la notion de handicap est mise en avant quand on parle de PMR. En effet, ce dernier est une grande standardisation qui n’est que l’élargissement à une catégorie de personnes, ayant toute un même problème, celui de se mouvoir dans un espace. Toutefois, II est bien évident que même s’il est plus juste de tenir compte d’une grande catégorie de personnes pour répondre à la demande d’accessibilité des villes, celles dont le handicap est quotidien, voire permanent, seront mises en valeur.
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8. Définition des personnes à mobilité réduite (PMR) par le décret du 9 février 2006 qui reprend la directive 2001/85/CE du Parlement et du conseil européen du 20 novembre 2001.
Aujourd’hui, la France compte, d’après les statistiques de l’Insee9, 9,6 millions de personnes handicapées. Un chiffre qui peut varier selon les sources. Exemple, pour l’Association de Gestion du Fonds pour l’Insertion Professionnelle des Personnes Handicapées (AGEFIPH), il y en aurait plutôt 12 millions. Nous pouvons donc retenir un chiffre tout de même très important, de 10 à 11 millions de personnes handicapées sur le territoire français, soit environ 15% de la population française. Le terme de « Handicap » sert donc à désigner les déficiences, les limitations d’activités ou les restrictions de participation. Il s’applique pour les personnes en situation de handicap à savoir : « Constitue un handicap, toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant.»10
Le handicap fait donc partie du quotidien d’une personne, quel qu’en soit la forme. Certains le vivent au jour le jour, d’autres en font la brutale expérience, d’autres encore y succombent avec l’âge et enfin certains le vivent indirectement, par leur entourage. Chaque déplacement peut alors se révéler être un véritable parcours du combattant et porter atteinte à l’autonomie de ces personnes, c’est pourquoi l’aménagement des espaces publics va jouer un rôle important pour l’intégration des personnes atteintes d’un handicap. On parle alors d’accessibilité.
9. www.insee.fr
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10. Définition légale du handicap donné par la loi du 11 février 2005 pour « l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées »
Illustration 1. « Plain-Pied asbl », janvier 200811 11. « Plain-Pied asbl, janvier 2008, p. 2 ; www.plain-pied.com LES DIFFÉRENTES PMR| 17
1.2 UN PROCESSUS D’INTÉGRATION POUR LES PERSONNES HANDICAPÉES : LA LOI DE 1975 A 2005
Depuis une cinquantaine d’années, le processus d’intégration est en route. Les organisations internationales tentent de sensibiliser les nations du monde entier sur les problèmes liés aux handicaps. En moins de quarante ans, on passe de l’incapacité au concept de handicap, jugé comme un désavantage. Les organisations introduisent l’idée de réadaptation du « corps meurtri » afin de le réinsérer dans son environnement socioprofessionnel. Progressivement, depuis les années 1970, l’environnement devient un support de réflexion. Ce n’est plus la personne handicapée qui est inadaptée au milieu environnant mais l’environnement qui crée ou amplifie le handicap et génère l’obstacle social. C’est donc l’environnement qu’il faut modifier pour dorénavant l’adapter aux besoins des populations à mobilité réduite.
En France, les notions d’intégration et d’accessibilité émergent réellement à partir de 1975 avec les apports législatifs des lois pour l’insertion des personnes handicapées dans la société. Cette intégration va passer par plusieurs étapes. La première loi d’orientation en faveur des personnes handicapées est celle du 30 juin 197512 présentée par Simone Veil, ancienne ministre de la santé. Elle fixe alors le cadre juridique de l’action des pouvoirs publics sur l’importance de la prévention et du dépistage des handicaps, sur l’obligation éducative pour les enfants et adolescents handicapés et sur l’accès des personnes handicapées aux institutions ouvertes à l’ensemble de la population. A la fin des années 1980, l’intégration des personnes handicapées va se décliner dans plusieurs textes législatifs, dont notamment celui de la loi du 10 juillet 1987 en faveur de l’emploi des travailleurs handicapés qui institue pour les entreprises de plus de 20 salariés l’obligation d’employer, à temps plein ou partiel, 6% d’entre eux. Suite à cette loi, L’AGEFIPH (Association Nationale pour la Gestion du Fonds pour l’Insertion Professionnelle des Personnes Handicapées) est créée le 15 septembre 1988 pour gérer les fonds pour l’insertion des personnes handicapées. Des travaux d’actualisation de la loi de 1975 vont débuter dans les années 2000, notamment avec la division des dispositifs de la loi de 1975 en différents codes (le code de l’action sociale et des familles, le code de l’éducation, le code de la sécurité sociale, le nouveau code de la santé publique, le code du travail, le code rural et le code de la construction et de l’habitation) approuvée par le Comité National Consultatif des Personnes Handicapées13 (CNCPH).
Une succession de lois, de décrets, d’arrêtés et d’associations qui va progressivement ouvrir la voie à une intégration qui se veut efficace, et vise à l’autonomie des populations déficientes. Cette indépendance recherchée par les personnes handicapées, à travers l’acte législatif, est le premier pas d’une intégration sociale et professionnelle. L’accès à l’emploi, au logement, aux différentes structures de la vie sociale (comme les commerces, les transports, les espaces de loisirs ou encore de culture) deviennent un objectif premier afin d’intégrer au mieux les personnes handicapées.
12. Loi n° 75-534 du 30 juin 1975 d’orientation en faveur des personnes handicapées.
13. Il s’agit d’une instance à caractère consultatif chargée d’assurer la participation des personnes handicapées à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques les concernant créé par la loi du 30 juin 1975 d’orientation en faveur des personnes handicapées.
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Mais le tournant de l’accessibilité vient surtout de la loi du 11 février 2005, pour « l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées »14, qui va apporter des évolutions aux attentes des personnes handicapées, dont notamment celle de l’accessibilité. La loi met en œuvre quatre fondamentaux de l’accessibilité, afin d’intégrer au mieux les personnes en situation d’handicape à la société. Désormais l’accessibilité doit être pour tous sans exception, c’est-à-dire que la loi tend à prendre en compte tous les types de handicap, pérennes ou temporaires (cas des PMR). L’accessibilité doit s’étendre à l’ensemble de la chaîne des déplacements, en prenant en compte le cadre bâti, les espaces publics, la voirie ainsi que les systèmes de transport, afin de prévenir toute rupture du cheminement. Des changements progressifs jusqu’en 2015, date à partir de laquelle des sanctions seront prises en cas de non mise en conformité.
Cette loi handicap impose donc un délai de réalisation de la mise en accessibilité, appelée aussi « accessibilisation »15, des villes pour 2015. Les espaces publics, les transports, les établissements recevant du public (ERP) devront être accessibles à tous, à tous les types de handicap, mais plus globalement aux personnes à mobilité réduite (PMR). C’est la première fois dans la législation concernant le handicap qu’une date butoir est imposée et que des résultats sont si attendus. Des sanctions devraient être instaurées en cas de non-respect de cette loi, et dès aujourd’hui, si une commune élabore un projet d’aménagement non conforme avec les normes techniques mentionnées dans la loi de 2005, la région peut par exemple lui refuser ses subventions.
Plus largement, l’adoption de la loi handicap, traduit la volonté de sensibiliser la société civile ainsi que les employeurs à la problématique d’intégration des personnes handicapées. « Toute personne handicapée a droit à la solidarité de l’ensemble de la collectivité nationale »16 Cette orientation politique implique l’accessibilité généralisée pour tous les domaines de la vie sociale (éducation, emploi, cadre bâti, transports), le droit à compensation des conséquences du handicap, la participation et la proximité, la création des maisons départementales des personnes handicapées. Elle est donc l’une des principales lois sur les droits des personnes handicapées depuis la loi de 1975.
14. Loi n° 2005-102 du 11 février 2005.
15. Fait de rendre accessible, de rendre possible l’accès.
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16. Code de l’action sociale et des familles - Article L114-1
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2. LA PLACE DE L’ACCESSIBILITÉ DANS L’ESPACE
2.1 L’ACCESSIBILITÉ COMME SUPPORT D’INTÉGRATION SPATIAL ET SOCIAL
Redéfinie par la loi du 11 février 2005, la notion d’accessibilité a désormais une portée globale. La Convention internationale sur la protection et la promotion des droits et de la dignité des personnes handicapées17, adoptée par l’ONU en décembre 2006, confirme l’accessibilité en tant que droit fondamental. Désormais l’accessibilité concerne tous les handicaps (sensoriels, psychiques, cognitifs ou intellectuels) plus largement, alors que les textes antérieurs envisageaient l’accessibilité presque exclusivement sous l’angle des personnes en fauteuil roulant. L’obligation d’accessibilité s’impose donc aux différentes composantes de la vie collective, c’est-à-dire à tous les types de bâtiments recevant du public, aux locaux professionnels, aux logements, à l’ensemble de la chaîne du déplacement (transports, voirie, espaces publics), à la citoyenneté, à l’école, aux services publics, et aux loisirs.
En France, la notion d’accessibilité à deux significations dans le champ de l’aménagement et de l’urbanisme. Dans la première signification, un lieu est dit « accessible » quand il est desservi par une infrastructure de transport. En effet, Le terme accessibilité est couramment employé dans le domaine du transport, c’est essentiellement grâce à lui qu’un individu va pouvoir effectuer un déplacement d’un point à un autre. Selon Jacques Lévy, l’accessibilité correspond à « l’offre de mobilité, l’ensemble des possibilités effectives pour relier deux lieux par un déplacement »18 . On peut dire alors qu’un lieu est accessible lorsqu’il est desservi par une infrastructure de transport. La définition proposée par Françoise Choay19 va également dans ce sens car selon elle « l’accessibilité caractérise le niveau de desserte».
Cependant, approcher exclusivement la notion d’accessibilité sous l’angle du transport serait assez réducteur. En effet, L’accessibilité ne relève pas essentiellement d’une question de réseaux et de desserte en transports mais dépend aussi de caractéristiques physiques. La seconde signification aborde alors le terme dans le cadre de la mise en accessibilité du territoire pour les personnes à mobilité réduite. Cette mise en accessibilité demande donc un aménagement qui intègre les espaces publics, les réseaux, les modes de transports, les cheminements ou encore l’ensemble du mobilier urbain. Le but étant de supprimer les ruptures au cheminement (barrière architecturale, manque d’information) comme il est stipulé dans la loi handicap de 2005. Cet engagement pour l’accessibilité, élargi aux PMR puis à l’ensemble de la population, tend à promouvoir le droit à la ville pour tous.
17. Décret n° 2010-356 du 1er avril 2010 portant publication de la convention relative aux droits des personnes handicapées (ensemble un protocole facultatif), signée à New York le 30 mars 2007 et adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 13 décembre 2006, 18. http://www.debatpublic-reseau-grandparis.org/
19. « Dictionnaire de l’urbanisme et de l’aménagement » de Françoise Choay et Pierre Melin, 2010
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Le terme d’accessibilité permet donc aux personnes à mobilité réduite d’être présentes dans la ville et garanti ainsi leur intégration spatiale et sociale, il est au cœur des enjeux liés à l’aménagement urbain des villes. Il ne s’agit donc pas exclusivement d’une question de transport. La Délégation Interministérielle aux Personnes Handicapées a apporté une nouvelle définition de l’accessibilité : « L’accessibilité permet l’autonomie et la participation des personnes ayant un handicap, en réduisant, voire supprimant les discordances entre leurs capacités, leurs besoins et leurs souhaits, d’une part, et les différentes composantes physiques, organisationnelles et culturelles de leur environnement, d’autre part. L’accessibilité requiert la mise en œuvre des éléments complémentaires, nécessaires à toute personne en incapacité permanente ou temporaire pour se déplacer et accéder librement et en sécurité au cadre de vie ainsi qu’à tous les lieux, services, produits et activités. La société, en s’inscrivant dans cette démarche d’accessibilité, fait progresser également la qualité de vie de tous ses membres »20. Ainsi, rendre la ville accessible suppose de supprimer les barrières architecturales avec la mise en place d’aménagements spécifiques, de permettre à tous d’évoluer librement, d’accéder à des bâtiments et à des services et d’accorder une place plus importante aux personnes handicapées dans la ville.
Cette conception élargie de l’accessibilité semble donc pleinement intégrée aujourd’hui. En 1982, une publication du Ministère de l’Urbanisme et du Logement précisait : « au-delà du problème des personnes circulant en fauteuil roulant, ces dispositions visent à améliorer la qualité d’un espace qui a trop longtemps été conçu pour « l’homme adulte idéal » et non pour l’ensemble de la population dans toute sa diversité »21. La déclaration est réitérée en 2008 disant que « l’accessibilité doit sortir du strict cadre du handicap pour devenir un critère d’équité sociale, de citoyenneté, de qualité de vie et de confort d’usage reconnu et exigé par tous ».
C’est pourquoi, aujourd’hui, l’accessibilité est abordée différemment. Elle représente ici divers enjeux dont notamment l’inclusion sociale et le confort urbain pour tous (inclusion spatial). Par conséquent, l’accessibilité revêt une dimension plus technique qui induit de nouvelles normes non discriminantes établies par la loi handicap que nous allons voir dans une autre partie. Celle-ci se traduit sommairement par un trottoir abaissé, un ascenseur dans un établissement recevant du public (ERP), un message sonore qui indique le prochain arrêt du bus, et contribue à une pratique plus sécurisé de la ville. C’est l’espace quotidien qui doit faire l’objet de réaménagements, replaçant ainsi la personne handicapée et son confort au cœur des politiques urbaines. On peut donc dire que l’accessibilité, s’étend à l’ensemble des personnes qui pratique l’espace public qu’elle que soit ses conditions physiques, désigne l’accès à des biens et des services tel que l’éducation, la culture, le travail, la santé etc. et la manière de s’y rendre comme le tram ou le bus par exemple. Ainsi nous sommes tous concernés par l’accessibilité.
20 www.developpement-durable.gouv.fr/-Accessibilite-.html.
21 Arrêté du 22 janvier 1982 relatif à publication de documents administratif ou de leurs références en vue de l’information du public dans un bulletin officiel commun aux ministères de l’urbanisme et du logement des travaux et de l’enivrement.
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22. Illustrations de Doug Thompson extrait de «Handicap : les villes intelligentes offrent un cadre de vie plus humain», Emily Louise Bowman 2017
2.2 MISE EN ŒUVRE DE L’ACCESSIBILITÉ : DES PRINCIPES A LA RÉALITÉ
Depuis 2005, l’accessibilité pour les personnes à mobilité réduite est un sujet qui gagne en importance. L’APF France handicap23 (anciennement appelé Association des paralysés de France) publie annuellement le classement des grandes villes françaises selon leur taux d’accessibilité. Ainsi de plus en plus d’initiatives tendent à faciliter la vie des PMR, comme par exemple l’association Andyamo24 qui recense sur son application téléphonique des parcours accessibles pour tous dans les villes françaises, comme à Bordeaux ou Grenoble pour exemple, mais également dans d’autres villes européennes comme Barcelone.
Avec la loi de 2005, les villes françaises appliquent une nouvelle réglementation très technique en ce qui concerne l’aménagement de l’espace public. Cette réglementation va induire des nouvelles normes non discriminantes. En effet l’accessibilité, en tant que « condition primordiale pour permettre à tous d’exercer les actes de la vie quotidienne et de participer à la vie sociale »25 doit prendre en compte tous les types de handicap. Nous nous intéresserons ici à tout ce qui concerne le milieu urbain (voirie, transports, espaces publics), en laissant de côté ce qui est relatif à l’accessibilité au logement, à l’emploi ou encore à l’éducation. Au sens juridique du terme, « est considéré accessible aux personnes handicapées à mobilité réduite, toute installation offrant à celles-ci, notamment celles circulant en fauteuil roulant, la possibilité de pénétrer dans l’installation, d’y circuler, d’en sortir dans les conditions normales de fonctionnement et de bénéficier de toutes les prestations offertes au public et qui ne sont pas manifestement incompatible avec la nature même du handicap »26. En matière d’accessibilité, les lois et les décrets d’application touchent tous les aspects de la vie quotidienne de la personne handicapée.
En 2011 le terme d’accessibilité prend une nouvelle tournure, le groupe Défi Accessibilité27 va alors parler d’accessibilité universelle et la défini comme étant : « le caractère d’un produit, procédé, service, information ou environnement qui, dans un but d’équité et dans une approche inclusive, permet à toute personne de réaliser des activités de façon autonome et d’obtenir des résultats équivalents». Pour illustrer ce qu’est l’accessibilité universelle, nous pouvons nous appuyer sur l’exemple de la ville de Montréal, qui a mis en place en 2015 un plan d’action d’accessibilité universelle28. En effet, les membres du comité exécutif ont adopté le Plan d’action 2015-2018 en accessibilité universelle de la Ville de Montréal, afin de guider les actions de la métropole en matière d’accessibilité et d’inclusion jusqu’en 2018. Regroupées en quatre axes, l’accessibilité architecturale et urbanistique, l’accessibilité des programmes, des services et de l’emploi, l’accessibilité des communications municipales et les activités de sensibilisation et de formation, les actions inscrites au plan visent à faire de Montréal une ville toujours plus inclusive.
23 L’association APF, créée en 1933 par André Trannoy et Jacques Bouvet, milite pour permettre aux personnes en situation de handicap d’accéder à une égalité de droits et à l’exercice de leur citoyenneté
24 www.andyamo.fr/destinations
25 Guide loi handicap, 2006
26 Arrêté du 20 avril 2017 relatif à l’accessibilité aux personnes handicapées des établissements recevant du public lors de leur construction et des installations ouvertes au public lors de leur aménagement
27 « Alter GO | Le Groupe Défi Accessibilité », sur www.altergo.ca
28 « Accessibilité universelle, plan d’action 2015-2018 » Service de la diversité sociale et des sports, 2015 ; www.ville.montreal.qc.ca/accessibilité
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Ce plan d’action est en quelque sorte un élargissement de la loi handicap de 2005 appliqué à la demande actuel. Le maire de Montréal, Mr. Denis Coderre, a déclaré : « Le Plan d’action que nous déploierons au cours des prochaines années est ambitieux et représente un outil précieux afin d’éliminer certains obstacles auxquels font face nos concitoyens vivant avec des limitations fonctionnelles. En travaillant de concert avec les arrondissements, les services municipaux et l’ensemble de nos partenaires, nous pourrons continuer à mettre en place un nombre croissant d’initiatives qui font une réelle différence dans le quotidien de nombreux Montréalais et Montréalaises. De grands pas ont été accomplis au cours des dernières années mais nous devons poursuivre notre travail afin que l’ensemble de la population puisse profiter pleinement des services que nous leur offrons »29
Le plan vise donc à faciliter l’intégration et à favoriser la participation, des citoyens vivant avec une limitation fonctionnelle mais aussi tous les citoyens, à la vie montréalaise. Ainsi les bâtiments municipaux, les infrastructures et les services aux citoyens, feront l’objet d’une attention particulière, et les actions qui seront déployées incluent, entre autres, une plus grande accessibilité des immeubles, l’amélioration des aménagements urbains et l’élargissement des activités de loisir accessibles. De plus, une offre de services plus accessibles, entourant les activités culturelles et une bonification des activités de sensibilisation et de formation en accessibilité universelle, fait partie de ce plan d’action.
Avec l’idée que l’accessibilité concerne tout le monde, et plus uniquement les personnes handicapées, l’objectif serait donc de réaliser une accessibilité universelle comme l’a défini « Défi Accessibilité ». Pour exemple, les trottoirs, il faut aujourd’hui les adapter aux différents usagers en leur imposant une largeur minimale de 1,40m (1,80m est recommandé), hors mobilier et obstacle, mais aussi en les équipant de poteaux haute visibilité, afin d’assurer la sécurité aussi bien d’une personne en fauteuil roulant mais également d’une femme avec une poussette ou d’une personne malvoyante.(illustration 2).
Concrètement, pour tous les projets d’aménagements urbains, il existe des normes réglementaires à respecter et qui constituent le fondement de toute construction faisant l’objet d’une demande de permis de construire ou d’autorisation de travaux. En conséquence, tout ce qui concerne la voirie ou l’aménagement de l’espace public doit répondre aux exigences précises de normes mises en vigueur depuis 2005. Il en va de même pour les transports, les espaces de stationnement et de circulation ainsi que les espaces de loisirs et de tourisme30 Cette réglementation passe, par exemple, par la mise en place de trottoir en bateaux, par le choix de surfaces voirie non glissantes ne présentant pas de dégradation, par la pose de mobiliers urbains ne constituant pas un obstacle à la mobilité, par l’aménagement de la voirie permettant de circuler librement, etc. autant de paramètres qui doivent faire l’objet d’un inventaire précis, et évalués selon la définition de l’accessibilité réglementée.
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29. «Accessibilité universelle, plan d’action 2015-2018 », Montréal 30 Décret de Loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
DIMENSIONNEMENT DES PMR -
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31 « Plain-Pied asbl, janvier 2008, p. 1 ; www.plain-pied.com
Illustration 2. « Plain-Pied asbl », janvier 200831
Pour que l’application, de ces différents dispositifs et réglementations, soit mis en œuvre, les villes vont s’équiper d’un «guide pratique d’aménagement urbain de la voirie publique et privée aux normes d’accessibilité des personnes handicapées ». Ce guide pratique est établi par l’arrêté du 18 septembre 2012, relatif aux prescriptions techniques pour l’accessibilité de la voirie et des espaces publics32. Il définit les dimensionnements que doivent avoir les cheminements piétons sur la voirie publique et privé, l’adaptation du mobilier urbain et son implantation, et l’aménagement des traversées de chaussée comme les passages piétons. Ce guide permet donc d’assurer des aménagements d’espaces urbains de qualité, au regard de la réglementation, tout en garantissant une sécurité de déplacement.
De plus, pour permettre de créer l’accessibilité, les communes et l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) doivent établir des diagnostics de leurs voiries et espaces publics. Suite à ces diagnostics, la commune ou l’EPCI, s’il en a la compétence, doit établir un Plan de mise en accessibilité de la voirie et des espaces publics (PAVE). Le plan de mise en accessibilité des voiries et espaces publics résulte de la loi handicap de 2005 et s’applique pour la voirie et les espaces publics. Cette loi pose une obligation de planification, en matière d’accessibilité et de prise en compte de tous les types de handicap, sur la continuité des déplacements. Ce Plan de mise en accessibilité fixe la programmation de travaux à effectuer. De ce fait, toutes les constructions antérieures à 2005 sont concernées par ces mises aux normes. Quand il y a de nouveaux projets, de nouvelles constructions, ou des travaux effectués, les normes d’accessibilité doivent automatiquement être respectées. Si un projet ne les prend pas en compte, le permis de construire peut être refusé et les financements non accordés.
Voici les premières amorces réglementaires de l’accessibilité environnementale et universelle, qui conditionnent, encore aujourd’hui, les normes obligatoires que doivent suivre avec rigueur les professionnels du bâtiment, les élus et tous ceux qui ont des responsabilités dans l’aménagement des espaces de vie urbaine. Ce sont ces nouvelles normes d’aménagement qui vont créer l’accessibilité.
32 https://www.legifrance.gouv.fr | 27
2.3 VERS UNE VILLE ACCESSIBLE A TOUS, SUR LE MODÈLE DE LA VILLE DE GRENOBLE
L’enjeu de l’aménagement urbain, selon la loi handicap, est de pouvoir offrir à chacun le droit d’être quotidiennement autonome, plus particulièrement dans les lieux publics. Donner le droit à tous d’accéder à toutes les informations et tous les éléments de la ville de la même manière. C’est le pari que s’est lancée la ville de Grenoble. En effet à Grenoble, la mise en place d’une politique ambitieuse, destinée à faciliter la vie des personnes à mobilité réduite, se traduit par une accessibilité totale du réseau des transports en commun, par le développement d’une offre de logements accessibles, par l’organisation du Mois de l’accessibilité depuis 2009 et encourage l’accueil de personnes handicapées dans les entreprises.
De plus, le Maire de Grenoble considère qu’il est très important que les associations soient présentes afin d’œuvrer au mieux dans le domaine du handicap et de l’accessibilité. Autant d’actions ont permis à la ville de Grenoble d’être reconnue pour son accessibilité. Cette dernière est considérée comme la première ville de France en matière d’accessibilité en 2013, a été classée deuxième ville la plus accessible d’Europe en 2014, et est la première à avoir instauré un dispositif d’aides pour l’accessibilité33. Elle est en quelque sorte une ville « labo » sur le handicap. Grenoble est donc un parfait exemple pour illustrer la mise en vigueur de la loi de 2005 pour « l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ».
Du point de vue de l’aménagement, la ville de Grenoble met un point d’honneur à agencer des espaces publics de qualité, qui soient adaptés à toutes les personnes qui les pratiquent. Sa réflexion se porte sur tous les aspects de l‘aménagement de l’espace public tel que : Les matériaux, ils sont choisis de façon à faciliter l’accès aux usagers, comme par exemple une surface de voirie non glissante et adaptée aux différents usagers (photo 1). La continuité des différents composants du sol, permet de ne plus distinguer de démarcation physique entre les différents sols, seul la matérialité change (photo 2). On passe d’un trottoir pavé à une route goudronnée sans obstacle, cela permet à une personne en fauteuil roulant de circuler librement sur la voie public. La largeur des trottoirs, qui est conséquente (environ 5 mètres), elle permet donc de faire la distinction entre les différents modes de déplacement, comme une voie piétonne et une voie cycliste, et permet aussi l’aménagement d’une zone pour le mobilier urbain et la plantation d’arbres.
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33 L’APF France handicap Grenoble, «1ère ville pour l’accessibilité des personnes handicapées», Express ‘Alpes, publié le 16 avril 2017.
Le mobilier urbain, ayant un emplacement bien délimité, n’empiète plus sur la voie de circulation piétonne et cycliste et donc n’est plus un obstacle pour les personnes à mobilité réduite. Il doit aussi être adapté à une situation particulière comme la localisation d’un passage piéton ou d’une sortie de garage (photo 3) afin d’en informer ou alerter les usagers. Exemple, la pose de poteaux haute visibilité (ceux-ci doivent être plus visible que les autres mobiliers en faisant 1.30 mètre de haut). Et enfin la sécurité, en particulier pour les personnes malvoyantes. On retrouve sur les trottoirs des rails de guidage pour aider les malvoyants à suivre le cheminement. Au niveau des passages piétons, on retrouve des bandes d’éveil et de vigilance sur les bateaux (photo 4), une ligne tactile sur le passage piéton (photo 5) ainsi que des feux rouges piétons sonores (photo 6) pour avertir et assurer la sécurité et le bon déplacement d’une personne mal voyante dans l’espace public. L’aménagement de l’espace public Grenoblois a donc pour objectif d’aller peu à peu vers une ville complètement accessible aux personnes à mobilité réduite.
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QUELQUES AMÉNAGEMENTS -
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Aménagement urbain de Grenoble, de Gilles Nonclercq, 2018
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3. L’ACCESSIBILITÉ COMME CRÉATRICE D’URBANITÉ -
3.1 LA POLITIQUE DU PIÉTON EN FAVEUR DU HANDICAP
L’un des défis supplémentaires, pour les urbanistes et architectes, dans l’aménagement des villes est de proposer un grand nombre de rues et de places piétonnes de qualité. En effet, depuis le début des années 2000, la piétonnisation occupe une place importante dans les débats et les projets portant sur l’aménagement urbain en Europe. Cette piétonnisation s’inscrit dans une logique non plus de séparation, mais bien d’articulation et de cohabitation entre les modes de déplacement34. Il s’agit alors de conjuguer espace piéton, transports publics, et de restreindre la circulation automobile.
L’idée d’un espace public, résolument partagé entre les différents modes de déplacement et ces fonctions, offrant un espace de qualité, plus beau, plus agréable et surtout plus accessible. Il est donc important de développer une approche intégrative de « l’accessibilité universelle »35, dans la conception des projets de réaménagement des rues et places, afin de concilier la demande grandissante et légitime pour un élargissement généralisé du domaine piéton, incluant le concept de rue partagée, et la nécessité éthique de rendre les rues accessibles à tous les usagers piétons, sans discrimination face à leur condition d’âge, de genre ou de capacité physique. De ce fait on considère que la piétonnisation des rues et des centres villes va avoir un impact direct sur la mise en accessibilité et va être un instrument de développement urbain favorable pour les villes.
La piétonnisation a un effet bénéfique sur l’espace public. En effet, il a été démontré que dans de nombreuses villes européennes, la piétonnisation va entraîner une série d’effets positifs36 aussi bien sur les choix de mobilité, en favorisant le recours aux modes de déplacement doux (vélo, marche, etc.), que sur l’amélioration des dessertes de transports en commun. Mais aussi sur l’accessibilité de la ville, en diminuant l’engorgement automobile et en améliorant la performance des transports en commun dans les zones piétonnes. Elle va aussi conduire à un meilleur partage entre les modes de déplacement, à la libération d’espaces anciennement dédiés à l’automobile, et permettre aussi d’améliorer la viabilité des villes de plus en plus densément habitées. Et enfin, elle représente une opportunité pour la revalorisation et la rénovation du patrimoine architectural, comme c’est le cas pour Bordeaux par exemple.
34. Michel Hubert, Eric Corijn, Julie Neuwels, Margaux Hardy, Sofie Vermeulen et Joost Vaesen, «Du grand piétonnier » au projet urbain : atouts et défis pour le centre-ville de Bruxelles», 2017, page 4
35. Alter GO | Le Groupe Défi Accessibilité », sur www.altergo.ca
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36. Michel Hubert et al. op.sit, page 7
L’espace piétonnier est un espace affecté à des usagers et des usages très variés. Les critères les plus contraignants seront en général retenus afin de permettre une accessibilité maximale à l’espace public37. De ce fait, l’aménagement de l’espace public va être non seulement pensé pour le piéton mais également pour toute autres personnes pratiquant cette espace, que ce soit un enfant, un cycliste, une femme avec une poucettes ou encore une personne handicapée. Il faut donc prendre en considération ces paramètres pour offrir un espace public accessible à tous. D’ailleurs, Il est dit dans « le guide de conception des espaces publics communautaires »38 de privilégier un nivellement de sol et l’emploi de matériaux facilitant la marche et le roulement, notamment pour les déplacements des personnes à mobilité réduite. On peut donc dire que rendre une rue, une place ou l’espace public en général piéton va aussi le rendre accessible.
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37. Michel Hubert et al. op.sit, page 28 38. Guide de conception des espaces publics communautaires, Fascicule général, Janvier 2009, 235 pages.
3.2 CONCEVOIR L’ESPACE URBAIN PAR UNE APPROCHE INNOVANTE DU HANDICAP
En rupture avec des représentations bien souvent critiquées quand on aborde les questions de handicap et d’accessibilité dans la ville, il serait intéressant aujourd’hui de considérer le handicap non plus comme un problème, mais sous l’angle de l’innovation, comme un moyen de changer les pratiques d’aménagements de l’espace urbain. Le handicap pose alors avec singularité des questions d’usage, d’accessibilité et d’acceptabilité spécifique, il constitue non seulement une source d’innovation technique, mais aussi un prisme par lequel l’accessibilité de la ville pour tous gagnerait à être envisagée39. Les bases de la réglementation «accessibilité» sont alors appréhendées comme une source de progrès social servant de support aux transformations successives de la ville en direction de toutes les populations.
L’accessibilité doit alors pouvoir s’imposer comme un standard de conception urbaine, définie réglementairement à l’échelle européenne et appliquée ensuite aux niveaux national et local.
L’objectif est de stimuler une politique réfléchie dégageant les atouts d’un aménagement accessible à tous et répondant aux exigences d’une continuité et d’une globalité conceptuelle propice au développement économique.
L’accessibilité serait donc une véritable question d’aménagement en étant créatrice d’urbanité. C’est sous cet angle que l’on peut aborder l’accessibilité en ville. La personne handicapée qui se déplace dans la ville est bien souvent confrontée à une série d’obstacles qui la contraint à s’armer d’une multitude d’aides techniques. La conception de la ville pour tous consisterait à intégrer les contraintes d’usage de personnes handicapées (prenant en compte la plus grande diversité possible de handicaps) dès la phase de conception du projet d’aménagement de l’espace urbain, dans l’optique d’élever le niveau de qualité d’usage des aménagements au bénéfice du plus grand nombre. On voit bien comment d’un service innovant destiné à des personnes handicapées peut résulter des services innovants pour l’ensemble des usagers. Par exemple, le système expérimental Blueeyes de la RATP40, portant sur un système de guidage dans le métro pour les déficients visuels, a montré également toute sa pertinence auprès d’un public de personnes âgées, de voyageurs occasionnels ou de touristes. On pourrait alors imaginer que la ville accessible de demain, serait une ville capable d’intégrer dans son environnement et dans le design de ces équipements les difficultés d’usage mises au jour par les personnes en situation de handicap, et ce au bénéfice de l’ensemble de ses habitants.
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39. BING Geoffroy, « Accessibilité de la ville : le handicap comme moteur d’innovation », Innov’ in the city, 2015 40. Le Parisien, « LA RATP invente le « GPS souterrain », 2009
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02 LA VILLE DE BORDEAUX AU SERVICE DU HANDICAP ?
Illustration de Roland Goeller, Bordeaux en croquis, 2010, retravaillée par Gilles Nonclercq .
1. UN AMÉNAGEMENT URBAIN PROPICE A L’ACCESSIBILITÉ DU HANDICAP
1.1 LE TRAM BORDELAIS COMME CRÉATEUR D’ACCESSIBILITÉ
L’arrivée du tramway dans les années 2000 signe une avancée significative pour la métropole bordelaise. En effet, en matière de mise en accessibilité de la voirie, les progrès de la ville de Bordeaux sont tels qu’au niveau national, la Direction de la Circulation et de la Sécurité Routière (DCSR) a récemment décrété que Bordeaux était une des villes les plus accessibles de France41. Comme nous avons pu le voir précédemment, la desserte par une infrastructure de transport et l’un des premiers moyens de rendre un lieu accessible. Pour les populations handicapées, le bénéfice de l’arrivée du tramway est double. D’une part, l’accessibilité a fait un pas de géant avec ce mode de transport qui permet une nouvelle autonomie de circulation dans l’agglomération. D’autre part, il décuple aussi la liberté de mouvements grâce aux aménagements urbains concomitants au corridor du tramway, aux nouveaux bus accessibles équipés de palettes rétractables, et aux réseaux doux de pistes cyclables et de zones piétonnières.
La réflexion menée par l’arrivée du tramway dans l’agglomération bordelaise est donc l’occasion de répondre à la demande grandissante de l’accessibilité à la ville pour tous. Plus rapide, confortable, et respectueux de l’environnement, le nouveau tram est entièrement accessible à tous, grâce à ses larges portes coulissantes et à son plancher de plain-pied (au même niveau que le quai), il permet aux usagers de rentrer facilement dans la rame. Le long des stations de tram, des bandes d’éveil et de vigilance sont présentes pour les personnes ayant une déficience visuelle. L’annonce sonore de l’arrêt est un élément d’information pour tous les usagers et pas seulement pour les non-voyants. Un panneau lumineux indiquant la prochaine station et la destination peut être apprécié des malentendants et des personnes âgées. Tout un dispositif, mis en place par différents textes réglementaires et par la loi Handicap de 2005, qui permet une intégration effective des personnes handicapées dans la ville.
Le projet du tram Bordelais, dirigé par le maire actuel, Alain Juppé, va voir le jour en 2000, avec une première phase de construction qui met en place trois lignes de tram, A, B et C, d’une longueur totale de 24,3 km et desservant 53 stations42. Le premier tram a pris ses fonctions en décembre 2003 et les travaux se sont finit en 2004. Une deuxième phase de construction, de 2004 à 2008, va permettre le prolongement des lignes, offrant ainsi 36 nouvelles stations et 19,6 km de voies supplémentaires. Enfin une troisième phase, qui débutera en 2012 et ce finira en 2022, offrira 33 km de voies supplémentaires et la venue d’un nouveau tram, la ligne D.
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http://www.securite-routiere.gouv.fr 42. https://www.bordeaux-metropole.fr/Grands-projets/Grands-projets-mobilite/Tramway | 37
41.
Pour permettre la bonne mise en place de ce nouveau projet urbain et répondre aux problèmes que rencontre la ville, à cette époque, comme l’enclavement des quartiers en difficulté sociale, l’absence d’espaces pour les piétons et les cyclistes, la non prise en compte des PMR dans l’espace public et des nuisances multiples, Bordeaux métropole choisit d’adopter un schéma directeur des déplacements urbains communautaires (SDDUC), relayé en 2000 par un plan des déplacements urbains43 (PDU).
Un des principaux objectifs de ce plan était de conforter le réseau de transports en commun, par la mise en place d’un réseau en site propre. Une solution choisit par tous, qui permettrait de diminuer le trafic automobile, mais également d’améliorer l’équité entre les individus et les quartiers, de préserver le territoire et rendre la ville plus belle et plus facile à vivre44. Le réseau de tram et de bus dessert aujourd’hui une très grande partie de la ville, cela permet aux personnes handicapée et plus largement à tous les habitants de se déplacer librement et en toute autonomie.
Ce nouveau mode de déplacement et son arrivée dans l’espace public Bordelais a permis de repenser entièrement l’agglomération. Tout un plan d’urbanisme lourd, dans Bordeaux centre, est associé au projet du tram45. Notamment avec la restauration des monuments historiques, le réaménagement des quais, la réorganisation complète de la voirie au profit des piétons (y compris les PMR) et des cyclistes. Le but de ce plan étant de mieux partager l’espace entre piétons, cyclistes et véhicules. Ainsi, la mise en place du tram va fortement impacter l’espace public du centre-ville. On voit alors un changement progressif de l’espace public qui va s’articuler autour des nouveaux tracés du tram. Pour exemple, afin de dissuader les voitures d’aller en centre-ville, des parkings sont créés à la périphérie du centre de Bordeaux, ainsi il est désormais fait pour les piétons. Les parkings, les routes et les rues laissent place au nouveau tram, à des places et rues piétonnes comme nous pourrons le voir dans la partie suivante.
43. «Plan des Déplacements Urbains», la CUB, 2000
44. Commission intercommunale pour l’accessibilité aux personnes handicapées, la CUB, 2008
45. TAPIE, Guy, «De l’améngament des quais à la production des espaces publics bordelais.», PAVE, 2006, page 6
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1.2 UN CHANGEMENT PROGRESSIF DE L’ESPACE PUBLIC BORDELAIS : VERS UNE VILLE PIÉTONNE ET ACCESSIBLE
La ville de Bordeaux apporte une attention toute particulière à l’aménagement de ses espaces publics, depuis l’intégration progressive des personnes handicapées dans la ville, mais aussi depuis l’arrivée du tramway. En effet depuis les années 2000, la ville de Bordeaux a entamé un processus de rénovation et de réaménagement, des places, des rues et plus largement de l’espace public, articulés autour des lignes de tramway. L’objectif est de rééquilibrer le partage de l‘espace public entre les différents modes de déplacements, en augmentant la place dédiée aux déplacements des piétons, des cyclistes et des transports en commun, et en diminuant la part accordée à la voiture individuelle.46
Le projet de transformation du centre-ville de Bordeaux est lancé par le maire Alain Juppé au début des années 2000, afin de donner une place plus importante aux piétons et de rénover son patrimoine historique. En effet jusque dans les années 2000, les places et rues, que l’on connaît aujourd’hui piétonnes, étaient pour la plupart des voies routières et des parkings. Le maire de Bordeaux va alors mobiliser des équipes d’urbanistes et d’architectes, pour offrir aux piétons une place plus importante dans les rues et dans le centre, en réalisant des travaux de réaménagement de l’espace public. Un autre changement a été opéré concernent le patrimoine historique qui a été nettoyé et rénové. Le centre historique de Bordeaux est donc embelli et rendu aux piétons avec son nouvel espace public. On voit alors un changement progressif qui s’opère sur l’espace public et qui va s’articuler autour des nouveaux tracés du tram. Grace à ce changement, des places seront crées et le patrimoine sera mis en valeur, comme on peut le voir sur la Place Pey Berland (photo 1), sur le Cours de l’intendance (photo 2) ou encore sur la Place de la Victoire (photo 3).
Une première tentative de piétonnisation avait été faite par l’ancien Maire de Bordeaux, Jacques Chaban Delmas, celle de la rue Sainte Catherine (photo 4), devenue entièrement piétonne en 198447. Cette tentative s’est avérée payante car elle a été un élément déclencheur dans la piétonnisation de la ville. C’est sur cet exemple d’ailleurs qu’Alain Jupée va poursuive cette dernière, en proposant plus de voies piétonnes dans le centre de Bordeaux. L’un des plus gros projets d’aménagement urbain, après celui du tram, est celui des Quais de Bordeaux (photo 5) réalisé par le paysagiste Michel Corajoud. Considéré comme le lieu le plus emblématique de la ville, avec la place de la Bourse et son miroir d’eau (photo 6), les travaux auront duré presque dix ans, de 2000 à 200948. Les parkings ont laissé place à cet immense espace public, ouvert à tous, qui s’étend sur près de 4,5 km de long et allant jusqu’à 80 mètres de large à certain endroit. Offrant donc un aménagement de qualité, profitable aux Bordelais, mais aussi, plus généralement, à tous les visiteurs. Sa largeur conséquente permet d’accueillir une diversité de voies, rééquilibrant ainsi le partage de l‘espace public entre de vastes trottoirs qui bordent les maisons, la circulation automobile, le tramway et la promenade le long des quais.
46. Bertrand Escolin, «Alain Juppé Alain Juppé présente son projet pour le «Grand Bordeaux»», Le Moniteur, 2009.
47, Jean-Michel Le Blanc, « Bordeaux : il y as 33 ans, la rue Saint-Catherine devenait piétonne», Sud Ouest, 2017
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48. La reconquête des quais à Bordeaux, Angers, 2010
Ce nouveau partage de l’espace public va être favorable à l’accessibilité des personnes handicapées en leurs permettant de s’y balader librement.
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1. 2. 3. AVANT / APRES 1986 / 2013 1935 / 2018 2001 / 2015
Place Pey Berland : 2001 Wikipedia ; 2015 de Jaques Rouaux Cours de l’Intendance : 1935, de CPSM ; 2018 de Gilles Nonclercq Place de la Victoire : 1986 de Guy Thery ; 2013 de Stephane Lartigue
6. AVANT / APRES 1979 /
1989 /
1990 / 2018 | 41
Rue Sainte Catherine : 1979, de Sud Ouest ; 2018 de Gilles Nonclercq Promenade des Quais : 1989, de Michel Lacroix ; 2016 de Gilles Nonclercq Place de la Bourse: 1990 de Sud Ouest ; 2018, miroir d’eau de wikipedia
4. 5.
2017
2016
Ce nouveau partage de l’espace public va être favorable à l’accessibilité des personnes handicapées en leurs permettant de s’y balader librement. Dans le centre, on constate que l’arrivée du tram a transformé la ville et sa pratique de manière progressive, en offrant aujourd’hui des rues et places larges et agréables, sans voitures, et en développant la marche des piétons et les mobilités douces, comme le vélo. Bordeaux a un avantage, son hypercentre est petit, compact et relativement plat. Il est donc possible de s’y déplacer facilement et il est accessible au plus grand nombre. Les anciennes ruelles, peu accessibles et délaissées, sont devenues des places et des rues emblématiques de Bordeaux, comme la Place du Palais (photo 7), la rue Saint James (photo 8), la place Fernand Lafargue (photo 6) ou encore la place Sainte Colombe (photo 9).
De grands projets de réaménagement, qui vont permettre l’amélioration de la qualité d’usage de l’espace public, qui prennent en compte l’accessibilité afin d’être favorable aux handicaps, aux personnes à mobilité réduite et plus largement à l’ensemble des personnes qui pratiquent l’espace public. « Les propriétés spatiales et matérielles comme la localisation, l’accessibilité, et l’aménagement de l’espace public sont fondamentales pour lui donner une qualité d’usage
»49
On pourra le remarquer, la rénovation des espaces publics va être bénéfique au développement de l’urbanité de la ville. Ces espaces vont favoriser la place du piéton et vont être pensé pour le piéton, mais également pour les personnes handicapées ou à mobilités réduite. Pour travailler sur une amélioration générale de la qualité des espaces publics et sur l’intégration des personnes à mobilité réduite, des instruments ont été définis par les professionnels sous forme de guides. Ainsi « le guide d’aménagement des espaces publics et communautaires » est né, avec le tramway, pour « donner un paysage identitaire à l’agglomération et optimiser les qualités différentielles des espaces publics en fonction de leur localisation et de leurs usages »50, mais aussi le « plan de mise en accessibilité des voiries et espaces publics de la communauté urbaine de Bordeaux »51. Ces textes réglementaires vont tendre à intégrer les personnes handicapées dans le centre-ville. Les nouveaux espaces publics vont alors être pensés sous l’angle de l’accessibilité, afin d’être accessibles au plus grand nombre. En regardant de plus près, on remarque que, sur chacune de ces places et rues, une attention particulière a été apportée à l’aménagement spécifique pour les PMR, comme une rampe au détour d’un escalier ou encore des bandes d’éveil et de vigilance sur les marches pour signaler à un aveugle de sa présence.
49. A’urba, «Les espaces publics à vivre» , étude prospective, 2014
50. A’urba, «Guide de conception des espaces publics communautaires», 2009
51. A’urba Plan de Mise en Accessibilité de la Voirie et des espaces publics de la Communauté urbaine de Bordeaux, Mobilité et handicaps sur la voirie : du terrain humain aux dispositions urbaines», 2009
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Avec ce projet de réaménagement, la ville de Bordeaux a bénéficié d’un grand changement en terme d’espace public, comme on vient de le voir. Cependant la loi handicap de 2005, qui impose un délai de réalisation de la mise en accessibilité des villes pour 2015, a été votée après la rénovation de certains espaces publics. On peut alors se poser la question de savoir ce qui à changer dans les modalités d’aménagement après l’apparition de ces normes ?
La loi a apporté une dimension plus technique à l’aménagement afin de favoriser la sécurité des personnes en situation de handicap. Cela signifie qu’il faudra désormais, mettre en place une rampe si la place ou les lieux possèdent un escalier, mettre en place des plaques podotactiles sur le sol, procéder à l’abaissement des trottoirs et leur élargissement. Étant donné que la piétonnisation de la ville a déjà privilégié un nivellement du sol et la suppression de trottoirs dans le centre historique, la mise en application des normes n’a pas représenté une trop grande difficulté. En effet, le fait d’avoir pensé la ville sous l’angle du piéton va être favorable à l’accessibilité, rendre piéton et rendre accessible semble alors intiment liées.
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7. 8. 9. AVANT / APRES 2008 / 2018 1986 / 2018 2001 / 2017 | 44
Place du Palais : 2008 de Bernard Tocheport ; 2017 de Gilles Nonclercq
Rue Saint James : 1986, de Sud Ouest ; 2017 de Gilles Nonclercq
Place Fernand Lafargue : 2001 de Incité Bordeaux ; 2017 de Gilles Nonclercq
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2. L’APPLICATION DES LOIS SUR L’ESPACE PUBLIC BORDELAIS -
2.1 UNE RÉGLEMENTATION PROPRE A BORDEAUX
L’un des enjeux majeur de la ville de Bordeaux est de lui donner une accessibilité universelle. En effet, depuis quelques années et surtout depuis la loi du 11 février 2005 pour « l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées », le maire de Bordeaux met tout en œuvre pour permettre l’intégration dans la ville des personnes en situation de handicap en améliorant leur autonomie et l’accès à tout pour tous. On le remarque notamment dans les réseaux de transport en commun qui sont aujourd’hui entièrement accessibles aux PMR, mais également pour les logements, les établissements recevant du public (ERP), la culture, le tourisme et le sport. Une large réflexion et un véritable plan d’actions pour améliorer la qualité de vie des personnes handicapées dans l’optique que Bordeaux soit une ville toujours plus accessible.
Afin d’assurer un aménagement urbain de qualité et de permettre la plus grande accessibilité à tout type de personnes, la ville de Bordeaux va être soumise à deux textes réglementaires qui sont le fondement de l’aménagement de l’espace public bordelais. Comme toute grande ville de France, Bordeaux possède un plan de mise en accessibilité des voiries et espaces publics (PAVE), comme on a pu le voir dans une partie antérieure. Pour Bordeaux il s’agit du « plan de mise en accessibilité des voiries et espaces publics de la communauté urbaine de Bordeaux », mis en place par l’A’Urba (l’agence d’urbanisme de bordeaux). Ce plan de mise en accessibilité s’inscrit dans une démarche visant, à identifier les difficultés rencontrées par les usagers dans la pratique des espaces publics, et à programmer les travaux à effectuer pour rendre la ville mieux accessible à tous.
De plus, un «Guide de conception des espaces publics communautaires» est mis en place par Bordeaux métropole (anciennement la communauté urbaine de bordeaux, la CUB) afin de réglementer l’aménagement de la voirie, de l’accessibilité de l’espace public et de la sécurité des personnes. Sur la base de la loi handicap de 2005, ce guide est un outil technique et qualitatif, qui a pour but d’accompagner les professionnels de la construction qui sont amenés à concevoir l’espace public urbain. Cette outil va nous permettre de comprendre comment est pensé et conçu l’espace public. Il est dit que « l’espace piétonnier est un espace affecté à des usagers et des usages très variés. Les critères les plus contraignants seront en général retenus afin de permettre une accessibilité maximale à l’espace public »52. De ce fait, l’aménagement de l’espace public va être non seulement pensé pour le piéton mais également pour toutes autres personnes pratiquant cette espace que ce soit un enfant, un cycliste, une femme avec une poussette ou encore une personne handicapée. Il faut donc prendre en considération ces paramètres pour offrir un espace public accessible à tous.
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52. A’urba, «Guide de conception des espaces publics communautaires», 2009
De plus, Il est également dit dans le guide de conception des espaces publics communautaires, que l’aménagement des espaces piétonniers doit privilégier un nivellement de sol et l’emploi de matériaux facilitant la marche et le roulement, notamment pour les déplacements des personnes à mobilité réduite. On voit alors que la loi handicap de 2005 et la réglementation du guide vont avoir une influence sur la manière de faire l’espace public, en intégrant la notion d’accessibilité pour les handicapées. Qu’est-ce que ces nouvelles réglementations ont changé dans l’aménagement de l’espace public ? Quel est la réel intention de la ville sur rendre accessible au plus grand nombre ?
Enfin, la mairie de Bordeaux a élaboré le Code de la rue53, qui présente quelques principes simples pour un meilleur partage de l’espace public entre piétons, cyclistes, 2 roues motorisées, personnes handicapées, rollers ou encore automobilistes. Ce code a pour objectif « d’aider les citoyens à passer du statut d’usager de la rue à celui d’ambassadeur éco citoyen, conscient de son empreinte écologique et acteur d’un meilleur partage de la voie publique ». Le code de la rue rappelle que chaque acteur a des droits et des devoirs. Celui-ci renforce également la sécurité, en particulier des plus vulnérables comme les personnes à mobilité réduite ou les handicapées. De nouvelles règles nationales d’aménagement des voiries urbaines sont définies par ce code en complément des deux autres textes réglementaires que l’on vient de voir.
Ce code recense également un guide pratique, le guide des personnes en situation de handicap, et un plan d’accessibilité du cœur de la ville retraçant tous les trajets à partir de l’hyper-centre. Un guide touristique qui présente trois itinéraires adaptés : le circuit Palais Gallien, le Centre historique et le Jardin Botanique-Bastide, que nous allons développer dans la partie suivante. Et enfin les différents aménagements spécifiques pour la libre circulation et la sécurité des personnes handicapées dans la ville. Le but étant de sensibiliser les citoyens au partage de l’espace public, en toute sécurité, afin d’offrir le droit pour tous à la ville.
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53, Bordeaux ma ville, «Je vais, tu viens, et nous partageons la rue, le code de la rue», Bordeaux.fr
2.2 POUR UNE VILLE ENCORE PLUS ACCESSIBLE
Construire une ville accessible est une priorité pour la ville de Bordeaux, comme on a pu le voir sur l’aménagement de son espace public. L’arrivé de normes et de nouvelles réglementations va progressivement changer les pratiques de la ville. En effet, les normes ont permis d’aménager des espaces publics plus confortables, plus sûrs et surtout accessibles pour toutes les catégories de population quelles qu’elles soient. Pour ce faire, une rampe d’accessibilité, une plaque podotactile sur le sol ou encore une bande d’éveil de vigilance dans l’angle d’une rue, vont venir s’intégrer aux décors des places et rues bordelaises, pour qu’ainsi chaque personne puisse pratiquer la ville en toute autonomie.
Si Bordeaux souhaite rendre sa ville accessible au plus grand nombre, c’est pour contribuer, le plus favorablement possible, à l’intégration des personnes handicapées ou en situation de handicap dans la ville, et donc faire de l’espace public un lieu de rencontre confortable et convivial pour tous. C’est pourquoi la notion d’accessibilité est primordiale dans l’aménagement de l’espace public, afin de répondre avec souplesse à la multiplicité de ses usages tout en s’adaptant à la situation locale et aux différents contextes urbains de la ville. « L’espace public mérite une attention particulière en tant que lieu porteur d’un sentiment d’appartenance collective à la ville. La qualité du paysage, le confort d’usage, comme la sécurité des espaces publics sont des exigences partagées par les acteurs de l’aménagement urbain, les usagers et les exploitants, exigences fondées sur de nouvelles aspirations en faveur d’un partage plus équitable de la rue »54
De plus, les textes réglementaires donnent une charte esthétique qui va construire peu à peu un paysage identitaire à Bordeaux et contribuer à l’embellissement de la ville. Ce document fixe les principes de composition et de traitement de l’ensemble des espaces publics, avec l’utilisation d’un même revêtement de sol pour les différentes places et rues par exemple. C’est cette réglementation qui donne à la ville tous le charme de ses espaces publics tels qu’on les connaît aujourd’hui.
Mais au-delà des normes, la ville de Bordeaux souhaite renforcer son accessibilité en faisait participer les citoyens et les associations aux projets d’aménagements, afin de répondre au mieux à la demande d’accessibilité des personnes handicapées, et ainsi rendre la ville encore plus accessible. Pour cela il existe à Bordeaux le conseil ville handicap55, créé en février 2000, qui rassemble l’ensemble des associations représentant les différentes familles de handicaps et les partenaires institutionnels, dans le but de définir conjointement les grands axes de la politique d’actions de la Ville de Bordeaux en faveur des personnes handicapées. Les membres de ce Conseil se mobilisent afin de proposer des améliorations concrètes pour la vie quotidienne des personnes en situation de handicap, qui passe dans un premier temps par une bonne accessibilité.
54. A’urba, «Guide de conception des espaces publics communautaires», 2009
55. http://www.bordeaux.fr/p921/le-conseil-ville-et-handicaps
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