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ÉCRIN POUR UN JARDIN
PRENDRE LE PLI
PAGE DE GAUCHE Kengo Kuma a voulu côté ville un écran d’aluminium, qui serait aussi un écrin pour les merveilleux jardins du banquier philanthrope.
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PAGE DE DROITE Le parcours de visite débute par un murinventaire des Archives de la Planète. Des stations permettent aux visiteurs de jouer avec les images numérisées.
C’est l’histoire d’un riche homme d’affaires que l’argent intéressait peu et qui œuvra sans relâche pour la paix et le dialogue entre les hommes. Albert Kahn est mort en 1940 ruiné, oublié, mais son rêve vit à travers un jardin extraordinaire, et le tout nouveau musée-écrin qu’a imaginé l’architecte japonais Kengo Kuma pour mettre en lumière la vie et les collections réunies par cet autodidacte généreux.
Le jour, on dirait un origami de métal géant. La nuit, une lanterne japonaise posée sur la ville. Insérer un musée de 3 200 mètres carrés entre le rond-point Rhin-et-Danube, à BoulogneBillancourt, et un jardin bijou, peuplé de bâtiments historiques, était un formidable pari, que les équipes de Kengo Kuma ont brillamment réussi. « Notre intention, explique l’architecte Jordi Vinyals, était de marquer une distance avec la ville, grâce à cette muraille minérale un peu dure, pour mieux accompagner les visiteurs vers ce lieu sacré que sont les jardins. » Un autre monde. Voire le monde entier, car le visiteur avance d’abord, dans la pénombre du musée, parmi 2 500 autochromes rétroéclairés au format 9 x 12 cm. Ces Archives de la Planète évoquent ici une grotte où scintilleraient des pierres précieuses, ce qui est amusant si l’on songe que Kahn devait sa fortune aux mines de diamants d’Afrique du Sud. En 1895, il s’établit à Boulogne, quartier résidentiel chic et verdoyant et, trois ans plus tard, à 38 ans, il crée sa propre banque. Mais l’argent, pour lui, « n’est pas un idéal » ; la même année, il lance sa première œuvre philanthropique : les bourses Autour du Monde, encourageant de jeunes agrégés à vivifier leur expérience de la vie « en la rapprochant de l’action ». Grâce à lui, jusqu’en 1931, cent cinquante boursiers parcoururent la planète avec l’équivalent de 60 000 euros et cet ordre de mission : « avoir les yeux grands ouverts ». Kahn, lui, voyage aussi beaucoup, mais pour affaires. En 1908-1909, il accomplit même un tour du monde avec Albert Dutertre, son chauffeur-mécanicien devenu cameraman-photographe pour l’occasion. Leur récit de voyage en images lui inspirera à leur retour son grand projet documentaire : « l’humanité prise en pleine vie au commencement du XXe siècle ». Sous la direction scientifique du géographe Jean Brunhes, une équipe permanente d’opérateurs est constituée pour documenter ces Archives de la Planète. La propriété de Boulogne devient leur base arrière, un campus où les images sont développées, classées, projetées à des visiteurs prestigieux. Il faut dire que les autochromes, nouveau procédé couleur des frères Lumière, à base de plaques de verre et de fécule de pomme de terre teintée, ont un rendu spectaculaire ! Voir, savoir, prévoir : après la Grande Guerre, Kahn fera réaliser chaque jour deux revues de presse internationales qu’il fait imprimer sur place. Dans ses jardins peuplés d’essences lointaines, qui dessinent son monde idéal, il se fait lobbyiste de la paix et du progrès auprès de personnalités du monde des affaires, des arts, de la politique. Jusqu’au krach de Wall Street qui mène sa banque à la faillite. Rachetée par le département de la Seine en 1936, sa propriété est sauvée in extremis. Un musée est créé en 1986, aux drôles de collections à la fois physiques : les photos, les films et sept bâtiments patrimoniaux restaurés par Kengo Kuma, mais aussi botaniques et philosophiques. La lumière pour commun dénominateur. C’est pourquoi l’architecte, s’inspirant de l’engawa, cet espace ouvert qui fait le tour des maisons japonaises, a rendu poreuses les frontières entre elles. Et renoué avec ce désir central chez Albert Kahn : l’émerveillement ! Adresse page 180
PAS DE CÔTÉ
PAGE DE GAUCHE La tradition japonaise aime les accès obliques, pour ne pas inviter les mauvais esprits à entrer. Kengo Kuma intègre cette manière de penser et propose un détour pour apprivoiser progressivement le musée.
PAGE DE DROITE Passionné par le Japon, Albert Khan aurait aimé l’interprétation que fait Kengo Kuma des persiennes horizontales appelées sudare. Taille XXL oblige, ce sont ici des poutres rhomboïdales en bois et métal, orientées selon trois ou quatre angles différents pour jouer avec la lumière.
PETITS BOIS
PAGE DE GAUCHE Au pied du nouveau musée de 3 200 m2 , le jardin japonais et ses maisons traditionnelles qu’Albert Kahn avait fait venir du Japon.
PAGE DE DROITE Outre qu’elles permettent de cacher les éléments techniques, l’architecte Kengo Kuma utilise ces petites touches de bois pour mettre le grand bâtiment à hauteur d’homme.
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ACCORDS DE FAÇADE
PAGE DE GAUCHE Le Salon des Familles est ouvert à tous. On peut y visionner le fonds d’images et de films numérisés. Et faire une photo de famille comme à l’époque d’Albert Kahn.
PAGE DE DROITE 1. Architecte directeur de projets pour Kengo Kuma & Associates Europe, Sébastien Yeou a toujours un bureau de chantier sur place. 2. Jusqu’au 13 novembre, « Autour du Monde », l’exposition temporaire inaugurale relate le tour du monde qu’Albert Kahn fait en 1908-1909 et ses prolongements contemporains. 3. Sur le mur-inventaire de l’exposition permanente, 2 670 plaques autochromes choisies et présentées de manière aléatoire.
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FILS ROUGES
PAGE DE GAUCHE Fils d’un marchand de bestiaux, Albert Kahn était né en 1860 à Marmoutier et avait gardé son accent alsacien. À Boulogne, sa forêt vosgienne lui rappelait le décor de son enfance. PAGE DE DROITE 1. Deux ponts rouges, qui évoquent ceux des grands sanctuaires japonais dialoguent avec le jardin du paysagiste Fumiaki Takano. 2. La butte aux azalées, imaginée comme un petit mont Fuji. 3. Le tracé initial des allées a été préservé. 4. Parce qu’il lève les freins culturels et sociaux, le jardin est une étonnante porte d’entrée vers la vie et les collections d’Albert Kahn.
OASIS EN VILLE
PAGE DE GAUCHE Un goût de paradis, pour tous les amateurs de botanique.
PAGE DE DROITE Frontière poreuse entre le dedans et le dehors, l’engawa fait le tour des maisons traditionnelles japonaises. C’est aussi un espace de méditation, ouvert sur le jardin japonais que le banquier bourlingueur avait découvert en voyage et transposé à Boulogne.
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SOLEIL LEVANT
PAGE DE GAUCHE 1, 2. Les abords de la rivière aux carpes koï et cette pyramide en galets ont été dessinés par le paysagiste Fumiaki Takano. Ce jardin japonais contemporain date de 1988. 3. Kengo Kuma réinvente les pas japonais en pierre et invite à s’enfoncer sous les palmiers. 4. À Boulogne-sur-Seine, de 1895 à 1920, Albert Kahn va acheter parcelle par parcelle les 4,2 hectares où installer ses jardins du monde : un bijou botanique en sept tableaux, surveillé par ses gardiens.
PAGE DE DROITE Les ailes de la serre abritent des expositions qui racontent l’amour d’Albert Kahn pour le vivant et le rôle qu’eurent ses jardins dans son projet philanthropique.