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HABITER LE CIEL
ATELIER À VIVRE
La grande pièce à vivre se déploie sur plus de quatre-vingts mètres carrés. Traitée comme un loft blanc immaculé sous un ciel de charpente, celle-ci est traversée par la lumière d’une verrière démesurée. Dans le fond, les portraits de Louis Thomas et les œuvres de la créatrice Célia Bruneau, comme ce tapis tufté en laine en cours de réalisation. Canapé « Barcelone » en lin blanc, Maisons du Monde, table chinée et chaises, Sklum.
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Le portraitiste Louis Thomas et l’artiste brodeuse Célia Bruneau, vivent en apesanteur, entre ciel et terre. Dans ce volume de charpente traversé par la vision panoramique d’une immense verrière, telle un écran de verre sur les toits de Paris, la création, la contemplation et le plaisir partagé forment un tout indissociable. Les murs immaculés de ce loft hors normes portent la vitalité d’un art de vivre suspendu dans le temps et la lumière.
PAR Caroline Clavier PHOTOS Nicolas Millet
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L’ESPRIT MAISON
PAGE DE GAUCHE 1. En haut, l’assiette aux amoureux fait partie de la série réalisée par Louis Thomas en collaboration avec la céramiste Camille Maisonneuve dans le cadre de l’exposition « L’Amour » qui se tenait en 2019, à la galerie Antonine Catzéflis. Celle du bas, est une création d’un artiste russe. 2. De la verrière, échappée sur les toits. 3. La cage d’escalier menant à l’appartement sert de rangement, et de lieu de stockage des bobines de laine pour la réalisation des tapis de la créatrice Célia Bruneau 4. Assiettes et vase réalisés par Louis Thomas avec la céramiste Camille Maisonneuve.
PAGE DE DROITE La cuisine ouverte est installée face à la verrière. Au-dessus d’une table de ferme, trois suspensions anciennes en opaline, l’ensemble chiné, chaises, Sklum. Dans le fond, un bahut tout en longueur masque la cage d’escalier.
GALERIE DE PORTRAITS
PAGE DE GAUCHE Installation éphémère autour des portraits (1,20 x 80 cm) réalisés par Louis Thomas, sur le mur, dans le fond, dernière série en cours qui fera l’objet de la prochaine exposition, et sur le sol, extraits des toiles créées pour l’exposition « L’amour », présentées en 2019, à la galerie Antonine Catzéflis.
PAGE DE DROITE Regards croisés. Sous l’œil de la créatrice, un portrait de John, un modèle, et d’elle-même, réalisés en Californie par Louis, sur un format de 1,80 x 1,20 cm.
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Mon travail, c’est de faire des portraits et de peindre des gens dans le monde entier. Je réinvente un métier ». Les mots concentrent avec simpli- cité la richesse de la tâche. Après des années de collaboration avec les plus grands studios d’animation – Pixar, Disney, DreamWorks –, comme Alice Neel, la grande portraitiste du XXe siècle, Louis Thomas « collectionne les âmes ». Explorer, découvrir, s’arrêter sur les autres et parler de la vie, quels que soient le pays, la langue, un pinceau à la main suffit à créer la rareté de la rencontre. Sa proposition est simple, prendre la pause, laisser son visage aux mains du crayon, de la gouache, au rythme du dessin, c’est toujours ainsi que l’aventure commence. Imaginer que des modèles consentent à prendre ce temps dans un monde où l’accélération s’impose, ne coulait pas de source. La réalité est tout autre. Lors de ces deux derniers mois passés aux États-Unis, Louis Thomas vient à nouveau de réaliser quarante portraits d’après nature. Il semblerait que le désir de « l’image unique » face à la volatilité de l’écran, reste un trésor. « C’est une boîte de Pandore, le souvenir d’un moment, d’un temps à part », souligne-t-il. Le temps, c’est l’histoire de la vie de l’artiste comme pour Célia Bruneau, sa compagne. L’un comme l’autre dessinent, le premier avec la mine ou le pinceau, la seconde avec l’aiguille et le fil. Habiter le ciel, suspendus sur les toits de Paris dans ce refuge en apesanteur traversé par la lumière, leur correspond. « J’aime le temps du voyage, le temps long. J’aime l’ennui et la contemplation », confie Louis, toujours enseignant aux Gobelins. Ici, l’espace en lévitation est leur zone franche, le territoire de la création où l’on rêve en paix. « La broderie invite à la patience, elle impose sa mesure », rappelle Célia. Plutôt que la spontanéité du trait sur le papier qu’elle pratique dans un premier temps, la créatrice préfère soumettre la mémoire de ses voyages et de ses paysages photographiés, au rythme de l’aiguille et du fil, créant un lien entre le dessin et la fibre. La matière enrichit le motif et légitime les formes. L’exercice se prolonge, différemment, sous la forme de tapis tuftés en laine vierge. Le souffle immaculé de ce loft, ancien séchoir d’une blanchisserie du quartier des Abbesses du temps d’Émile Zola, a permis de voir les projets en grand et de leur donner vie. La taille des pièces brodées, comme le format des tapis prennent le large, et un week-end par mois, l’espace accueille l’atelier de broderie de Célia alternant avec les séances de pose des modèles de Louis. La notion de partage s’invite dans les murs, la table est ouverte, les assiettes se regardent comme elles se savourent, la parole est libre, l’esprit convivial. Sur la table Le livre de tout, un recueil de dessins à la gouache, de Louis, sur un carnet en papier ancien de Fabriano, sera le premier projet édité par Pipo, la maison d’édition de l’artiste. Suivront un livre des photographies de Célia ou encore les travaux d’anciens étudiants. Ici, l’idée d’habiter le ciel participe à l’inspiration. Le temps et l’espace de création forment un tout.
MODÈLE VIVANT
PAGE DE GAUCHE 1. Ancien élève de l’artiste, enseignant à l’école des Gobelins, Zozo prend la pose. À l’arrière, paravent brodé, Célia Bruneau. 2. Face à elle, Louis, à l’œuvre, travaille la gouache sur le croquis en cours. Au sol, une toile ancienne de Zozo.
PAGE DE DROITE Projeté dans le ciel et les toits de Paris, le séjour coiffé d’une verrière, allant du sol au plafond, semble en apesanteur. Canapé, Maisons du Monde, tabouret, Sklum, suspension en opaline chinée, table d’appoint en travertin, Selency.
REGARDS CROISÉS
PAGE DE GAUCHE Réalisation du portrait d’Édouard, ami de l’artiste et modèle régulier. Celui-ci a fait l’objet de plusieurs toiles réalisées à des années différentes. Louis aime le travail de séries qui cultivent l’esprit de la collection.
PAGE DE DROITE À côté du grand format Camille, autoportrait de l’artiste. À l’avant, plusieurs dessins crayonnés, des préambules qui préparent au portrait final d’Édouard, réalisé à la gouache.
TEMPS SUSPENDU
PAGE DE GAUCHE Dans l’atelier, le tapis « Zabriskie Point », paysage tufté en laine, en cours de réalisation, par Célia Bruneau.
PAGE DE DROITE Après avoir tendu la pièce de lin sur le tambour à broder, Célia choisit le fil de coton mouliné avant de poursuivre la broderie d’une commande. Elle porte une robe, Les Vacances d’Irina.
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LES ADRESSES DE CÉLIA BRUNEAU ET LOUIS THOMAS
Pour ses nuances de couleurs et la
qualité de ses peintures, le temple des beaux-arts, Sennelier.
Pour les produits pour la maison, les matériaux naturels et les
fabrications artisanales, La Trésorerie.
Pour ses tissus et le charme du lieu, une institution dans l’univers
textile, le Marché Saint-Pierre.
Pour le mobilier scandinave des années 1950 à 1970, Maison Nordik.
Pour ses 5 000 mètres carrés
dédiés aux livres, Gibert Joseph. —
Adresses page 180
L’ART AU QUOTIDIEN
PAGE DE GAUCHE 1. L’étape du dessin avant le travail de gouache. 2. Série de paysages brodés, au sol, deux tapis tuftés en diptyque « La Lune » et « Le Soleil ». À droite, une peinture Folegandros, inspirés de ses voyages, l’ensemble Célia Bruneau. Meuble ancien, Selency. 3. Dans la chambre, au-dessus du lit, Alice, série Fleurs, 2017, Louis Thomas. 4. Derrière le dessin sur chevalet d’un de ses portraits en cours, Édouard, ami de Louis, lui aussi dessinateur. PAGE DE DROITE Donnant sur la chambre, la salle de bain s’abrite derrière une verrière qui prolonge l’esprit de la pièce à vivre. Derrière un fauteuil vintage, chiné, tableau Camille aux tournesols, Louis Thomas, et devant, une œuvre brodée de Célia Bruneau.