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Les affectations spéciales

du premier gouvernement Pétain puis chef du gouvernement de Vichy entre février 1941 et avril 1942. Cette composante navale de l'occupation de la rive gauche du Rhin est composée de 15 officiers et 352 marins. Elle met en œuvre plusieurs unités comme quelques péniches porte-canon ou des canonnières.50 Lors de l'occupation de la rive droite et de la Ruhr en 1923 ses effectifs monteront à 800 marins. En 1939, le Rhin français se trouve en première ligne. Dès septembre 1939, la population de Strasbourg est évacuée vers l'intérieur du pays. Les deux vedettes militaires présentes sont évacuées à la fin de décembre 1939 par chemin de fer à Montceau-les-Mines en position d'attente. La marine avec le concours de la Royal Navy mouille près de 600 mines dérivantes dans le fleuve. Avec les mines larguées tout au long de la guerre dans le Rhin par les bombardiers alliés, les Allemands devront draguer un chenal de navigation pour laisser le passage aux navires de commerce. Un autre usage défensif qu’offrent les voies navigables est l’exemple des inondations pour faire une « ligne Maginot aquatique » en ouvrant le barrage de Herbitzheim pour couvrir la trouée de la Sarre, la vallée de la Nied, entre les deux branches fortifiées de la ligne Maginot.51

Les compagnies de sapeurs de navigation

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Dans la zone des armées, la Direction des Voies Navigables aux armées, pour disposer à tous moments de moyen de transports immédiats et sûrs, créa 8 compagnies de sapeurs de navigation qui furent dotées de matériel propre, bateaux, remorqueurs et tracteurs, par locations et réquisitions. La traction de l'Est et la C.G.V.N. en particulier furent frappées de larges réquisitions.

Ces huit compagnies exploitent elles-mêmes leur matériel et exécutent les transports militaires, en cas de chômage elles travaillaient pour les particuliers. L'Office fut chargé de gérer financièrement les compagnies de sapeurs. L'exploitation commençait à fonctionner régulièrement quand survient l'Armistice.52

Les affectations spéciales53

Des articles de journaux relatent cette mobilisation et la réquisition. On retrouve Louis Louis déjà si présent durant la Première Guerre qui revient à la manœuvre. « Aux petits bateaux il faut donner des jambes … et des bras Par Louis Louis Président du Syndicat général de la batellerie, Membre du conseil supérieur des transports.

50 Les voies navigables en France pendant la Grande Guerre – Les Cahiers du musée de la batellerie n° 19/80 – Stéphane Fournier - 2018

51 52 La ligne Maginot aquatique - Paul Marque - éd Pierron - 1989 Archives O.N.N.

53 Journal de la navigation 15/02/40 et La réquisition collective de la batellerie (JO 31/01/40)

La batellerie n'a pas bénéficié du privilège du rail qui, lui a vu son personnel mobilisé, affecté d'emblée à son service. Il en est résulté pour la navigation fluviale une perturbation profonde. Après quatre mois de guerre on a observé que la paralysie de nos fleuves et de nos canaux était gravement préjudiciable aux intérêts vitaux de la nation et l'on a admis pour la batellerie, le privilège des affectations spéciales. Demande la réaffectation d'un millier d'hommes dont la plupart font partie de la deuxième réserve ; un millier de bateliers qui nous feraient naviguer, aujourd'hui un millier de péniche, aujourd'hui immobilisées. Là ce sont les bras-Les jambes. La plus grande partie de nos péniches est tractionnée par le moyen de remorqueurs en rivières ou de tracteurs électriques circulant sur les berges de nos canaux, suppléant à la traction animale quasiment disparue. Or la guerre a enlevé à la Société concessionnaire de la traction électrique 600 agents sur 1800 environ... Il en résulte des stationnements prolongés pour les convois en attente … Les transports constituent un des éléments qui commandent l'économie de guerre. » 54

Dans un autre article de son journal, le Réveil fluvial et maritime du 25 février 1940, Louis Louis revient sur la réquisition collective de la batellerie en titrant : « Emulation, compréhension, collaboration. Telles sont les trois termes du statut de guerre de la batellerie. » Il fait référence à la parution au Journal Officiel du 31 janvier 1940 de la réquisition collective de la batellerie.

Donc dès avant la Campagne de France de mai 40, l’Etat à la totale mainmise sur la navigation intérieure.55 « Mariniers mobilisés et immobilisés… Avec la caravane du fil de l'eau... L'heure de la débâcle Reportage de Jean Balensi Conflans a gardé, pendant le mois écoulé de dures gelées qui avait figé toute la navigation fluviale, toute une flotte le long de ses quais. Maintenant qu'ils ont largué leurs amarres, on peut dire qu'il y avait là près de quatre cents bateaux, chalands, péniches, remorqueurs, automoteurs. La mobilisation a pris un bon tiers d'entre nous (les artisans), tous les jeunes jusqu’à la classe 1928. Pour les autres, deux catégories : ceux qui sont encore soumis aux obligations militaires, et les autres. Les premiers, détenteurs de fascicule Z1, comme nous sont mobilisés à leur poste, en qualité d'affectés spéciaux, et leur matériels réquisitionnés. Conséquence : nos transports nous sont imposés, nos itinéraires fixés,

La Matin – 12/03/40 Archives V.N.F.

toute initiative nous est enlevée. Mais on n'a pas à se plaindre : on travaille, on travaille même plus que jamais, et si les prix du fret n'ont pas été augmentés, ils n'ont pas été non plus diminués ; C'est aux ingénieurs en chef de la navigation qu'il appartient d’établir l'ordre de priorité du trafic dans chaque secteur : Ainsi dans les « bureau de tour » sont affichés trois tableaux : un bleu, pour les transports militaires ; un rouge, pour les transports d'intérêt national ; un blanc, enfin, pour les transports du commerce privé. Nous, fascicules Z1, nous sommes obligés d'assurer d'abord tous les transports du tableau bleu, puis ceux du tableau rouge avant de pouvoir en prendre un seul du tableau blanc. Les resquilleurs : des patrons d'automoteurs qui ne veulent pas prendre de tour de fret de peur que leur précieux bateau prenne des risques dans les zones de l'Est pressentie plus dangereuse. Les bateaux restent comme allèges le long des parapets et non pas navigué depuis le début de la guerre. Les patrons s'en étant allés s'engager comme pilotes sur les bateaux des autres. » 56

Dans un article intitulé « La réquisition collective de la batellerie », le journal La Croix relate la mise en place du dispositif. « L'exécution des plans de transport qui est nécessaire à l'économie du pays en guerre exige, dans la mise en œuvre des moyens de transports, la plus stricte discipline. En ce qui concerne spécialement les transports par voie navigable, il aurait été impossible d'obtenir le rendement que les circonstances imposent, si l'on avait substitué à la libre concurrence des entreprises un régime de réglementation donnant à l'administration les pouvoirs nécessaires pour répartir les transports et les faire exécuter suivant leur ordre d'urgence Tel est l'objet de l'arrêté interministériel, guerretravaux publics, du 29 août 1939, pris en application de la Loi du 11 juillet 1938 sur l'organisation générale de la nation pour le temps de guerre. Ces réquisitions ne sont pas des réquisitions de personnes mais une réquisition mixte, à la fois de personnes et d'usage de biens, puisque la réquisition s'applique non seulement aux bateliers mais également à l'usage du bateau pendant le temps nécessaire à l'exécution du service.

Il convient d'autre part d'affirmer le caractère de service public que présente, dans l'économie de guerre l'exploitation de la voie navigables, et par une réquisition collective, d'éviter l'évasion d'une partie de ses spécialistes, attirés par d'autres emplois rémunérateurs, notamment sans les usines d'armement. Cette réquisition collective évitera aussi que les diverses entreprises de transports par eau ne se fasse concurrence entre elles pour s'assurer le personnel qui leur est indispensable.

56 Le Journal – 05/02/40

La réquisition du bateau désigné pour le transport devra d'ailleurs faire l'objet de modalités différentes suivant que le refus d'obéir à l'ordre de réquisition proviendra d'une entreprise, le bateau étant conduit par un contremaitre, ou d'un batelier propriétaire de bateau, et habitant à bord avec sa famille. Les sanctions pouvant être l'interdiction de circulation du bateau ou l'obligation aux bateliers de fournir un logement décent au personnel requis qui viendrait à bord pour effectuer le transport. Cela pouvant même aller jusqu’au débarquement d'office du récalcitrant. » 57 Le retour des mobilisés est institué. Ce régime d’exception concerne de nombreuses professions dans l'industrie et les transports car ils sont des instruments essentiels de la victoire future. 2 millions d'ouvriers en « affectés spéciaux ». 58

On a retenu la leçon de 1914 où l'intégralité du trafic avait été arrêté car on pensait avoir une guerre courte de quelques mois. En 1939, on pensait que le blocus de l'Allemagne et la Ligne Maginot seraient suffisants à faire plier l'ennemi dans la perspective d'une guerre longue et économique. « Nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts ! » proclame Paul Reynaud en septembre 1939. Les mémoires des mariniers, à leur niveau, racontent cette préparation. « Charles est mobilisé, il part de l'écluse de Meaux. Il fait un détour par Chalon-surSaône embrasser ses parents avant de rejoindre son poste. Il pense revenir bientôt car une affectation spéciale due à son métier est possible. Son beau-père, avec l’appui du directeur de Carbenzol, se charge d'en faire la demande auprès des autorités militaires.

De son côté, Xavier sait que son bateau va être réquisitionné, la maison Carbenzol l'a prévenu ; il en est à son huitième voyage en route pour Uckange. Dès le 30 août, les transports par eau sont placés sous contrôle militaire en vertu d'une loi votée en juillet 1938. Un instant désorganisé par la mobilisation générale, la navigation intérieure repend bien vite son activité. Début septembre 1939, l'ensemble de la flotte citerne est centralisée pour permettre le ravitaillement simultané de l'armée et des dépôts civils. Pour les mariniers, une nouvelle étape est franchie, avec la définition des procédures de réquisition collective de la batellerie portant sur le matériel, les équipages et les sanctions en cas de refus. » 59

« Classe de 1925 c'est l'Affectation Spéciale, il passe sous les ordres des

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La Croix – 24/02/39 58 La France dans la deuxième guerre mondiale 1939 – 1945 – Yves Durand – Armand Colin – 2011 59 Lydia Carnec-Branchet - Une saga batelière de 1850 à 1980 - n° 64 - 2010

Ingénieurs de la navigation à la mobilisation de 1939. Il est à Marneval près de Saint-Dizier en attente de chargement, des aciers spéciaux qui seront du fer pour Saint-Etienne. La navigation est impossible car les ponts du canal sont minés... par en dessous réduisant ainsi le tirant d'eau. » 60

« A la mobilisation, mon parrain Ludivin est rappelé sous les drapeaux... Nous sommes dans les environs de Nancy... Trois jours après son départ, son épouse monte dans le tramway à Nancy pour aller faire des courses ; elle tombe nez à nez avec son mari qui rentre chez eux. Il était affecté au bateau comme réserviste. Papa aussi avait un fascicule « Z » de couleur bleue. Il faut que les bateaux naviguent même en temps de guerre. » 61

« Mon père, fascicule Z en 1939, a été mobilisé à son bateau avec toute la famille aux ordres de l'armée. » 62

Le Réveil Fluvial et Maritime qui appelle à la mobilisation collective de la profession. – Coll. V.N.F.

60 Raymond Carpentier - 2020

61 Eliane Droissart Bourdon - Marinière, ma vie, ma profession - n° 26 – 1990 61 Simon Desselle, 85 ans - 2020

L’annonce de la réquisition collective de la batellerie : hommes et bateaux en 1940. - Coll. V.N.F.

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