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La Société pour la Reconstruction et le Renouvellement du Parc Fluvial : la S.R.P.F
Après la guerre
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En 1918 et jusqu’au milieu des années 1930, pour comparaison, il y a eu environ 634 bateaux indemnitaires Allemands.392
En 1945, l'Allemagne a son outil industriel en très grande partie détruit à l'inverse de la Grande Guerre car les opérations de guerre ne s'étaient pas déroulées alors sur son territoire. L’Allemagne est dans l’incapacité de rééditer l’opération.
Plan de financement de la Reconstruction du parc de la batellerie fluviale française par Pierre Brousse en 1944. – Coll. V.N.F.
392 Les voies navigables en France pendant la Grande Guerre - Les Cahiers du musée de la batellerie n° 79/80 - Stéphane Fournier - 2018
Etude des conditions de réalisation des programmes de reconstruction et d’entretien de la flotte fluviale de transport française en 1944. – Coll. V.N.F.
Tableau récapitulatif des bateaux avariés ou coulés en France au 26 décembre 1944. Il y a non seulement les bateaux français mais également les étrangers. – Coll. V.N.F.
La politique de reconstruction et de modernisation de la flotte batelière était déjà dans les cartons du gouvernement de Vichy avec un plan de financement de la reconstruction de la batellerie française sinistrée par faits de guerre établie par Pierre Brousse en 1944.393 Il ne s’agissait plus seulement des reconstructions comme en 1941 mais d’un plan de modernisation sur deux ans, 1944 et 1945, portant sur plus de 1.200 bateaux pour la partie reconstruction en acier. Le renouvellement des 4.000 bateaux en bois est planifié avec près de 650 unités par an de 1946 à 1951. L’administration gérait au jour le jour les pénuries et les différents problèmes qu’elle rencontrait mais il y avait aussi tout un travail qui se situait dans la durée, souvent avec l’idée que l’Allemagne gagnerait la guerre. D’une certaine manière, la Loi de finance du 27 avril 1946 qui crée la S.R.P.F. mettra en application ce projet. La Société pour la reconstruction et le renouvellement du parc est une société anonyme à capital et personnes variables groupant les propriétaires de bateaux à reconstruire sur dommage de guerre ou à renouveler. Elle se charge de couvrir les taux d’intérêts des emprunts des demandeurs auprès de l'O.N.N. et du marché financier auprès duquel l'organisme empruntera pour financer les constructions. Il y a une fixation des taux de 3 à 5% sur 30 ans pour la reconstruction ou le renouvellement.394
Il y a un contrôle strict par un commissaire du gouvernement avec un droit de veto sur les projets visés et approuvés par l'O.N.N. « qui assure en outre un contrôle technique de l'exécution des travaux et la vérification des mémoires », les dossiers des demandeurs.
Cet organisme a deux objectifs immédiats : - 1 pour la reconstruction : - Devant l'ampleur des dégâts, 20% du parc fluvial ou environ 2.000 bateaux sont détruits pendant la guerre.
La S.R.P.F. explore plusieurs pistes en même temps pour reconstruire la flotte dans les plus brefs délais. - Tous les chantiers fluviaux français même les plus petits ne produisant à peine 1 bateau par an sont sollicités, - - Des chantiers fluviaux étrangers le sont également. Ceci pour 273 bateaux. 199 automoteurs de canal construits en Belgique, 50 automoteurs citernes de canal en Angleterre (les Jerrikans), 12 automoteurs rhénans aux Pays-Bas, 12 remorqueurs rhénans aux USA, - Les arsenaux de la marine en France, - Une nouvelle entreprise dans la construction de bateaux fluviaux est créée qui
393 Archives O.N.N. 394 Journal Officiel avis et rapport du Conseil économique et social - difficultés rencontrées par les chantiers fluviaux - Georges Le Henaff - 1961
s'organisera pour en produire en grande série grâce à l’introduction de la soudure, qui remplacera le rivetage, et la préfabrication des éléments : la Société des forges de Strasbourg pour 414 unités.
- Deux autres firmes firent également des productions en série. - - La S.C.A.R. : Société des chantiers et ateliers du Rhin fondée en 1936 : 229 unités - - La S.F.A.C., Société des forges et ateliers du Creusot de Schneider à Chalonsur-Saône.
Un aspect anecdotique concerne des automoteurs dits "canadiens", construits en Amérique dans les années 1947-1954 dans le cadre du Plan Marshall.
Ce matériel comprend 25 automoteurs de 700 t et 22 automoteurs de 900 t... La construction de ces automoteurs a été faite en Amérique en éléments préfabriqués dont la fabrication a été exécutée par un emploi très large de la soudure électrique. Cela fait une petite quantité quand on voit le grand nombre des reconstructions. Les deux parties formées, avant et arrière, qui comprennent à l'avant le logement des matelots, et à l'arrière le compartiment machine et le logement du capitaine, ont été entièrement achevées en Amérique, et cela avec un confort typiquement américain. Quant à la partie cylindrique reliant les deux extrémités, et qui comprend les cales de chargement, elle est sectionnée en 5 tronçons. L'assemblage définitif de ces bateaux est assuré par les Chantiers et Ateliers De Biesbosch. Ces bateaux de 700 t pour 61 m de long et 7 m de large et un creux de 2,63m, sont issus de plan établis par le chantier pour des bateaux de 900 t avantguerre.395
Toujours en provenance du Nouveau Monde, il y aurait eu la transformation de plusieurs bateaux militaires en bateaux de commerce, surtout le temps de retrouver des constructions neuves. Ainsi, le Patmar Z, serait un bateau de débarquement modifié aux dimensions d’un campinois, 49 x 6,58 m. et 551 tonnes. Il transporte le plus souvent des conteneurs.396
Au total il y aura 1.174 unités intitulées « péniche » qui est construites dont plus de la moitié, 743, sont issues de grandes séries. Comme exemple de cette reconstruction on peut citer le Triton 25 appartenant à l’association des amis du musée de la Batellerie de Conflans-Sainte-Honorine qui a
395 La reconstruction du parc français d'automoteur rhénans après 1945 Marie-Hélène David - Bulletin de la société des amis du musée régional du Rhin et de la navigation - n° 19 - 2007
396 Source site Vagus Vagrant
été commandé par la Société pour la reconstruction du parc fluvial, en réparation des dommages de guerre subis par le Triton 22, détruit à Creil par les bombardements de 1944. Le Triton 22 y était bloqué à cause de sa largeur l’empêchant de franchir la petite écluse de gabarit Freycinet, la grande étant hors d’usage à cause de précédents bombardements. Il a été réalisé en acier soudé, au chantier naval Carel et Fouché à Petite-Synthe. Il est le dernier de la série Triton mais surtout le dernier des remorqueurs construit en France. À l'origine il avait un moteur diesel Duvant 6 cylindres de 300 ch. Cette unité est visitable par le public à la Halte-Patrimoine en contre-bas du musée de la Batellerie et des voies navigables.
Le Triton 22 à Creil avant de couler. Il est remplacé par le Triton 25 aujourd’hui propriété de l’A.A.M.B. de Conflans-Sainte-Honorine. – Coll. Alain Deklerc
2 – pour le renouvellement : Le renouvellement n'a pas été aussi facilement accordé en crédit que la reconstruction.
C'est refusé d'être appliqué pour les bateaux des compagnies de navigations à l’inverse de ceux des artisans.
Il y a une limite de l'aide à hauteur de 80% de l’opération, les 20% restants à la charge du demandeur. Ainsi 304 demandes de renouvellement seulement sont déposées. Ensuite 104 retireront leur candidature à cause du capital trop important à apporter. Ainsi, en 1961, la S.R.P.F. n'a réalisé que le renouvellement que de 200 bateaux de bois par des unités en acier. Il y a eu 2 tranches de 100 bateaux chacune. En 1960 une troisième tranche de 25 bateaux seulement est commandée.
Les 200 bateaux de canal que la S.R.P.F. a fait construire « au titre des deux premières tranches du renouvellement » ont été commandés ainsi : - 136 bateaux aux Forges de Strasbourg pour les coques, le tillac par un négociant en bois de Strasbourg, le logement par un menuisier de Paris et les écoutilles par un chantier de Conflans, - 35 bateaux aux établissements Leffer de Sarrebrück, - 19 bateaux aux établissements Loeffer et aux chantiers Broutin et Mourlon, tous deux de Meurthe-et-Moselle. Les premiers fabriquant les arrières et les avants et les seconds fabriquant les parties centrales des bateaux et assemblant le tout, - 10 unités à la S.C.A.R.
Le syndicat général des constructeurs et réparateurs de bateaux fluviaux s’inquiète et proteste que la S.R.P.F. commande à des entreprises extérieures à la profession. Depuis 1.791 et la suppression des corporations, le système du libéralisme économique fait qu'il n'y a plus de profession industrielle fermée. Au final, le troisième aspect de la S.R.P.F. concerne la motorisation des unités tractionnées sort du cadre de la politique de l'après-guerre stricto-sensu, 397 au 31 mai 1960, la S.R.P.F. a livré 1.943 bateaux qui se répartissent ainsi : - 13 remorqueurs, - 1.445 bateaux tractionnés : 1.441 bateaux porteurs de marchandises générales dont 1.320 péniches ordinaires et transformables et 4 bateaux citernes, - 485 automoteurs dont 395 porteurs de marchandises générales et 90 citernes.
397 Reconstruction et renouvellement du parc fluvial français 1945 – 1972 – Laurent Roblin – Cahier AAMB - 2004