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Les transports et réquisitions pour les Alliés

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La Libération

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navigable et les ponts flottants du génie. Fin 1945 il ne restait que 3 voies impraticables : la Moselle canalisée en aval de Novéant (57) et le canal des Mines de fer de la Moselle, le canal de Bourbourg et le canal de la Haute-Seine.

Ceci dit la navigation affrontait des conditions difficiles. Les passes navigables étaient très souvent étroite tant en largeur qu'en hauteur. Le lit des rivières et canaux étaient partiellement dégagé et le tirant d'eau pas optimal dû aux réparations des barrages.

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Les transports et réquisitions pour les Alliés

De nombreuses difficultés entravent la reprise de la navigation intérieure à la fin des combats. Le parc : Au moment de la libération du territoire, le parc est amputé de 3.000 bateaux environ : bateaux coulés, avariés, réquisitionnés, bateaux emmenés à l’étranger. Le réseau : La navigation du fait des destructions dues aux opérations militaires était devenue impraticable sur plus de 4.616 kilomètres de rivières ou canaux. Hormis le canal du Midi et quelques voies mineurs, la navigation était interrompue sur la totalité du réseau navigable. 876 ponts routiers, 207 ponts rails, 227 écluses, 40 barrages, 100 ponts canaux, 44 passerelles, 19 passerelles de halage, 10 aqueducs ou ouvrages divers avaient été soit détruits, soit gravement endommagés. Cela représente près de 1.400 obstacles à la navigation à mettre en face des 1.351 en juin 1941. La première crue à partir du 15 novembre 1944 interrompt le trafic qui venait de reprendre surtout sur l’Oise et la Seine. Le trafic charbonnier Nord-Paris fut stoppé du 28 novembre au 23 décembre 1944.

Le gel suivit interrompant à son tour le trafic charbonnier Nord-Paris du 12 janvier 1945 au 3 février.

Une seconde crue suivant le dégel recoupe la navigation du 7 février jusqu’au début mars 45.372

La part de la navigation intérieure dans le programme d’importations alliées est primordiale. Une part importante des marchandises arrivant dans les ports maritimes est acheminée à l’intérieure du pays par la navigation intérieure. Les programmes élaborés prévoient l’évacuation par eau de marchandises telles que les textiles, laine et coton, les produits alimentaires, lait concentré, lard, céréales, les matières

372 Note du 27 février 1945 sur la contribution de la navigation intérieure au ravitaillement du pays, depuis la libération – archives V.N.F.

premières pour l’industrie, cuivre, métaux non ferreux, souffre, pyrites, les produits pharmaceutiques, le papier journal et les matériaux de constructions. Les premiers bateaux alliés du programme Monnet sont arrivés dans la deuxième quinzaine de février et leur transbordement sur des bateaux de navigation intérieure s’est effectué immédiatement.373

« Vu la nécessité de donner au matériel français de navigation fluviale l’utilisation la plus intensive pour satisfaire aux besoins des Armées alliées et à l’économie du pays, en attendant la mise en place des organismes constitutionnels définitifs de la France.

Article 1 – La totalité des moyens de transports des engins d’exploitation français des voies navigables… sont susceptibles d’être groupés en un ou plusieurs parcs gérés par un « service d’exploitation centralisé des voies navigables ». Article 2 – L’Office National de la Navigation garde ses attribution et modalités de fonctionnement actuelles. » . 374 Donc on ne change pas un système mis en place dès le début de 1940

Les besoins logistiques étant immenses, dès que ce fut possible, les transports par voies navigables sont sollicités. Peu à peu la navigation va retrouver une activité normale. Au départ du Havre et de Rouen, les Américains font acheminer un grand nombre de marchandises par péniches, en direction de Reims, Nancy ou Paris : vêtements, chaussures, conserve et même ... bandes dessinées. « Transporter 250 tonnes de bandes dessinées pourrait tenir du fantasme, surtout pour les enfants qui se trouvent à bord : Mon père avait soulevé une écoutille et m'avait installée au milieu de ces personnages de BD. Après l'excitation première, grande déception : ils parlaient tous anglais et j'ai longtemps cherché un marinier qui pourrait me traduire leurs histoires ... » 375

« Partout soldats français et alliés sont accueillis en héros. Lyon le 3 septembre et Chalon-sur-Saône le 5 septembre. Dans les jours qui suivirent, Xavier et Charles remettent le bateau en ordre, font tourner le moteur, vérifient que les soins apportés à la mécanique durant ces longues années d'immobilités ne pas été inutiles. Ils rembarquent leurs effets personnels et les animaux. Avant la déclaration de guerre, la flotte pétrolière fluviale en France comptait environ 600 unités toutes catégories confondues. A la libération il ne restait plus que 180 bateaux disponibles. Les sociétés pétrolières vont mettre en commun leur moyen de transport, de stockage et de distribution afin d'approvisionner l'armée, l’industrie et la population. L'ensemble de la flotte citerne est de nouveau centralisée. Le Flèche d'Or faisant parti des bateaux en bon état est de nouveau réquisitionné. Aux environs du 20 septembre il

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Archives V.N.F. 374 Décret du chef du pouvoir exécutif provisoire portant institution auprès de l’Office National de la Navigation d’un service d’exploitation centralisé du matériel français de navigation fluviale. - archives V.N.F. 375 Josette Colin, La vie des mariniers - Plon 1990 et France Culture

se trouve à Villefranche-sur-Saône. Carbenzol au courant de la situation demande à ce que le bateau remonte en région parisienne. Une lettre du 10 novembre 44 au sujet d’une commission américaine à Chalon-surSaône opérait pour réquisitionner les chalands citernes et les utiliser sur le trajet Lyon – Saint-Jean-de-Losne. Une telle réquisition assurerait également du fret, mais aussi un grand retard de paiement, tandis que le Pool réglera régulièrement les transports, Le courrier conseille donc d’essayer d'échapper à cette réquisition. 1945 comme 1944 se termine par le service aux Américains. Ils restent dans la région de Lyon en ravitaillant les dépôts de Villefranche, Mâcon, Saint-Jean-deLosne, Dole. » 376

Les quais de Rouen à la Libération. On peut voir un Liberty ship américain ayant Houston au Texas comme port d'attache avec un freycinet à couple pour y décharger une partie de sa cargaison directement. Les balcons destinés à porter de l'armement ne les ont plus. C'est donc après les combats. - Coll. A.A.M.B.

« Souvenirs vagues de la descente de la basse-Seine où il faut louvoyer entre les épaves avec beaucoup de bateaux coulés alors qu'ils naviguaient et avec des victimes. Il faut aussi franchir les ponts écroulés dans le fleuve souvent à une autre passe que la passe dite marinière soit un autre bras de la Seine que l'on sait

376 Lydia Carnec-Branchet - Une saga batelière de 1850 à 1980 - n° 64

navigable. Nous serons retenus quelque temps en amont de l'écluse d'Amfreville où le génie américain a construit un pont flottant « ventousé » à Port-de-l ‘Arche. Arrivé à Rouen tout était démolis L’Artisan s’amarre à un petit bout de quai à marée haute mais à marée basse il avait une épave devant et une derrière nous. A Rouen, un soldat US noir vient vendre une boite de chocolat Suchard, assez cher, mon oncle se laisse tenter, il a quatre enfants... Et peu après commence son chargement constitué pour moitié de savon et pour l'autre moitié de chocolat. » 377

« Au Havre, plus de quais, les Liberty Ships sont sur des coffres et nous amarrés à couple. On apportait les personnels avec des Ducks. Il n’y avait pas de couvre-feu avec les Américains

Nous avons fait un chargement de saindoux en baril de 200 kg pour Pantin. J’étais étonné par tout le matériel qu'il y avait au Havre. Du Havre à Reims on transportait de tout. Une fois des « greniers » genre western. Des dons américains de linge, de vêtements, de robes... puis un chargement de vélos d'occasion, du carbure pour l'éclairage, des petites caisses de vivre pour les troupes US. » 378

« Démobilisé, je retrouve le Baïse qui fait des allèges, cela constitue un peu à faire le magasin dans le port de Rouen. Les quais endommagés justifient la présence de nombreuses péniches qui chargent ou déchargent à bord des cargos. Il s'agit d’importation de charbon et de blé. On reste quelquefois plus d'un mois chargé, on est alors payé à la journée. C'est rentable. » 379

« A Havre en ruine, il n'y a plus de quai aussi c'est au bassin de marée, sans écluse, juste avec un chenal d'accès, que le transbordement des marchandises s'effectue de cargos Liberty à bateaux fluviaux. Les Liberty sont sur ancre les fluviaux accostées à couple. Quand nous sommes en attente amarré sur des pontons BK américains au milieu du fleuve, des vedettes en bois venaient nous chercher selon les besoins. Notre premier transport a été des batteries, complet en batteries. Nous avons fait des heureux autour de nous. Une autre fois beaucoup de brouettes et 15 tonnes de vélos d'occasion. Mon oncle a chargé tout le matériel pour équiper un hôpital. Les Canards, Ducks, les véhicules amphibies qui nous accostaient pour amener ou ramener les dockers. 1946, le trafic des ports du Havre et de Rouen retombe. Mon père a toujours eu l'idée de mettre des citernes d'essence dans le bateau. Première occasion manquée en 1937. Il fallait avoir un diesel et pas un semi-diesel. Par contre pour mettre des

377 Raymond Carpentier – 2020 378 Roland Langlin – 2019 379 Martial Chantre - La péniche, ma vie batelier de père en fils - n° 48 – 2002

citernes à vin pas de problème avec l'occasion que se présente à Rouen. Le Factum fait de même. Nous sommes au port de Rambant à Lyon pour installer ces citernes stockées pas loin. Elles venaient de 38 mètres. 380 » Si le rôle de la Seine est important, la grande organisation du ravitaillement en carburant des troupes avec le Red Ball Express est constitué avant tout de convois essentiellement de camions qui de la Normandie au front traversent le pays à vive allure sur des routes balisées par le Génie américain de disques rouges et de panneaux indiquant en français et en anglais qu'il est interdit d'emprunter ces voies aux civils.

Un journaliste français du Figaro en septembre 1944 ira même comparer le Red Ball Express à la Voie Sacrée mise en place en 1916 entre Bar-le-Duc et Verdun.

En complément de cette organisation quasi horlogère, les bateaux citernes françaises disponibles furent mises au service de cet effort de ravitaillement titanesque. 381

Raymond Carpentier – 2020 La France à l'heure américaine Controverses de la Libération - Régine Torrent - Ed Chronos novembre 2019

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