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Le troc et le marché noir
Extrait de jaugeage – document important afin de vérifier si de la marchandise n’a pas été sortie lors du voyage. - Coll. Roland Langlin
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Il y a l’échange d’une partie de la cargaison transportée en cale contre des vivres auprès des agriculteurs le plus souvent ou vente à des particuliers qui font la queue.
Les mariniers préfèrent de ce fait charger du charbon, mais attention à sa composition, plutôt que du laitier ou sable. « Les cartes d'alimentation de suffissent pas, surtout que les rations diminuent. Alors vient l'époque du troc. Un cochon contre un moteur électrique. Du gazole du moteur contre du beurre. A la tombée de la nuit les mariniers devinent braconniers et tendent des filets sur les rives aux îles. La pêche n'est pas toujours fructueuse mais il y a quelques fois de belles prises. Et la nature donne généreusement des pissenlits ou des fruits suivant les saisons. Une autre astuce dans cette époque de pénurie, c’est le tannage des peux de lapins pour faire un manteau pour l'hiver pour les filles. » 128 « Les personnes qui avaient pu stocker des marchandises, les revendaient à un prix fort élevé. On appelait cette vente « le marché » noir. On faisait des échanges, du tabac contre du pain, par exemple. C'était le troc. » 129
« Est-ce que les mariniers ont fait du marché noir ? Sous l'occupation, il représente l'une des préoccupations des Français. Les bateliers n’échappent pas à la règle.130 Le marinier a pour lui la resquille de quelques sacs de charbon pris dans la cargaison, d'où cette compétition pour charger des boulets ou des galettes plutôt que du sable et du minerai. Bien sûr, on contrôle le poids. Il suffit de relever exactement l'enfoncement du bateau sur les six échelles graduées sur la coque, à vide et à charge, et on trouve le tonnage correspondant avec la lecture du carnet de jaugeage. Sur nos péniches de trente-huit mètres cinquante, le centimètre donne en général 1.800 à 1.900 kilos. Mais on peut voir mal ces échelles si on louche sur une demi-Livre de beurre ou un paquet de tabac. Du poussier maigre, c'est ce dont nous nous sommes chargés quand, à l'écluse d'Omissy près de Saint-Quentin, deux gendarmes demandent pour acheter un sac de charbon : « On n'a pas troc » dit le brigadier « mais nous payons ». Nous avons du mal à faire admettre que le poussier ne brûle pas et, qu'en plus, nous n'en vendons pas. Alors, l'homme se fâche : « Bon Dieu ! » S’écrit-il, « bien qu’on soit gendarme, on a aussi des enfants ». Nous leur donnons chacun un sac bien pesé et, malgré les protestations de notre père, ils nous mettent de l'argent de force dans la poche. » « Quand les réserves étaient basses, il fallait parfois faire du troc. Il conservait toujours un peu de gas-oil en réserve stratégique dans les cuves. Le copinage marche à plein pour toucher du gas-oil auprès des stations qui aurait été approvisionnées, le carburant c’est surtout pour les remorqueurs. » 131
« Une partie des économies sur le gas-oil permettait à mes parents d'acheter chez les fermiers un peu de nourriture, le lard, beurre, lait, œufs ou légumes. C'était du
128 Lydia Carnec-Branchet - Une saga batelière de 1850 à 1980 - n° 64 –2010 128 Eliane Droissart Bourdon - Marinière, ma vie, ma profession - n° 26 – 1990 128 Martial Chantre - La péniche, ma vie batelier de père en fils - n° 48 - 2002
131 Raymond Carpentier - 2020