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Le Service de Travail Obligatoire

« L’Europe travaille en Allemagne ». 186 De nombreux courriers d’entreprise demandant l’impérieuse nécessité de ne pas envoyer en Allemagne tel ou tel employés se trouvent dans les archives de l’O.N.N. Néanmoins des listes de personnels pouvant éventuellement partir ou au contraire ne devant absolument pas partir au S.T.O. sont établies.187 S’il y a la fourniture de personnel volontaire aux chemins de fer allemands par la S.N.C.F. L’Office de la Navigation a fait tout ce qu’il pouvait pour conserver en France son personnel, naviguant ou pas. Nous n’avons pas trouvé d’envoi de mariniers dans le cadre du S.T.O. en Allemagne.188

Si de très nombreux mariniers soldats en captivités en Allemagne sont libérés pendant la guerre, dans l'autre sens il y aura de jeunes français requis pour le Service de Travail Obligatoire, S.T.O., affectés sur des bateaux dans le Reich et qui ne sont absolument pas issus du milieu batelier. C'est ce que raconte le livre de souvenirs d'Alfred Dusautier - STO/KVAG, ou les tribulations d'un employé de banque français sur les péniches allemandes, 1er mars 1943-25 mai 1945. 189

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Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclata, il avait 19 ans. En février 1943, il fût convoqué pour le Service du Travail Obligatoire. L'employé de banque devint alors marinier sur un chaland allemand sur les rivières et canaux du IIIème Reich, pendant 27 mois. En octobre 1944, il y avait sur le territoire du « grand Reich allemand » des millions de travailleurs étrangers civils et de prisonniers de guerre réquisitionnés pour le Travail Obligatoire provenant de 26 pays. Parmi eux il y avait 1.200.000 français.190

« Des bateaux pour la victoire », « Chaque bateau est une arme pour la bataille finale » avait annoncé la propagande. Par exemple dans la Ruhr, une immense usine sidérurgique au nom d’Hermann Göring, devait comporter à terme 32 hauts fourneaux. 12 étaient terminées à la fin de la guerre. Le transport des marchandises, durant la construction de l'usine, devait être assuré en très grande partie par la voie d'eau. Mais avec la pression sur les hommes, le matériel et le carburant, la navigation intérieure en Allemagne avait atteint ses limites depuis un moment. Beaucoup de bateaux étaient vieux et faute de carburant, la motorisation des unités marqua une pause et privilégia la vapeur et le gaz. Des bateaux à motorisation diesel se convertissent à une chauffe au charbon. Par manque de personnel allemand et de matériaux de réparation, près de 800 bateaux attendaient sur l'Elbe et servaient de bases à des transports civils et militaires urgents. Ce rôle

186 187 Europa arbeitet in Deutschland: Sauckel mobilisiert die Leistungsreserven- Friedrich Didier - 1943 Archives V.N.F.

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La S.N.C.F. sous l'Occupation allemande 1940-1944 - Christian Bachelier – 1996 - Institut d'histoire du temps présent 189 MEMOR-Bulletin d'information n°38/39, 2004, Université Charles de Gaulle, Lille. 190 Dans la gueule du loup - Helga Elisabeth Bories-Sawala - éd Presses universitaires du Septentrion, 2010 La réquisition en France dans ses différentes phases : enjeu central de la collaboration d’État https://books.openedition.org/septentrion/39623?lang=fr

primordial dans la chaîne logistique allemande des voies de navigations n'échappe pas aux Alliés. Au milieu de 1943, 250 bombardements ont endommagé les canaux dans l'ouest de l'Allemagne. En 1940, pour les besoins de l'usine géante, afin de transporter le charbon nécessaire à son fonctionnement, une centaine de bateaux en provenance de France et de Belgique de types péniches remorquées ainsi que des chalands sont réquisitionnés. Comme dans tous les secteurs de l'économie en Allemagne, pour pallier aux réquisitions des citoyens du Reich, des travailleurs forcés furent engagés aussi dans la navigation fluviale. Cette politique n'était pas secrète et commença dès 1940 dans le secteur de l'Oder.

En 1944, sur 48.700 Français travaillant dans les transports, 24.905 étaient des travailleurs civils. A partir de mars 1943, le ministère des Transports du Reich estimait que 11.000 hommes allaient manquer dans la navigation intérieure et que 8 000 hommes devraient les remplacer. Dans le cadre du S.T.O. En 1943, 4.014 Français furent engagés dans ce but. Une fois orientés vers leur affectation de travail, les jeunes français qui n'étaient pas issus du monde de la batellerie ou des voies navigables puisqu'ils pouvaient être employés de banque ou viticulteurs, reçoivent une formation de 14 jours dans un des 9 camps sélectionnés pour un apprentissage exprès à leur mission. Alfred Dusautier raconte qu'à leur arrivée, ils sont regroupés en deux groupes de 50 personnes, chaque groupe ayant un interprète et étant affecté à une "péniche". Les démonstrations des mariniers, dont les explications orales étaient traduites par les interprètes, avaient lieu, soit sur le pont, soit à fond de cale où il faisait moins froid (ils sont en mars 43). « C'est ainsi qu'on nous a initié au maniement des câbles, tant pour le remorquage, l'amarrage ou l'enroulement sur le pont après usage. Ce fut également le fonctionnement des treuils d'ancres ou de manœuvres ; l'ouverture et la fermeture des écoutilles ; la confection de nœuds aux cordes et d'épissures de câbles. Sans oublier l'utilisation des barques, notamment à la godille. Nous avons aussi été initiés, si l'on peut dire, à la tenue du gouvernail au cours d'une sortie que nous avons faite à bord d'une "péniche" sur l'estuaire de la Weser mi-mars.

Ayant quitté le port tiré par un remorqueur à 11 heures, nous sommes rentrés à 17 heures, ayant souffert du vent et du froid. Nous étions néanmoins contents de cette sortie qui avait rompu le quotidien des travaux pratiques lesquels étaient plus ou moins bien suivis, il faut le reconnaître. » C'est un des contradictions de l'époque. Des milliers d'hommes du monde de la navigation intérieure française vont être libérés et remis en activité en France alors

que dans le sens contraire vers l'Allemagne des milliers d'autres n'étant absolument pas issus de ce milieu vont y être affectés.

Recensement des personnels éligibles au Service de Travail Obligatoire en Allemagne. – Coll. V.N.F.

Carte de sursis d’un marinier artisan. – Coll. V.N.F.

Lettre sur le renouvellement des sursis des jeunes gens. – Coll. V.N.F. Récapitulatif des effectifs pouvant partir en Allemagne. – Coll. V.N.F.

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