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Jean Bichelonne

Jean Bichelone vers 1942. – Coll. Common Wiki

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Il est major à Polytechnique et corps des Mines. En 1937, adjoint au directeur général des chemins de fer, il mène rapidement la nationalisation des chemins de fer, la création de la S.N.C.F., Il passait en 1939 pour la « tête la mieux faite de son époque ». 298 En novembre 1942, Le département des Communications passe alors sous son autorité avec le ministre de la Production industrielle. Le « superpolytechnicien » a meilleure connaissance des problèmes ferroviaires et surtout des relations dans l'industrie de la construction ferroviaire. La direction de la S.N.C.F. va véritablement passer sous le pilotage du ministre. Pour lui, l’Europe et l'économie dirigée s'articulent dans sa pensée de manière constante et récurrente. Ces conceptions s'accordent avec celles d'Albert Speer, le ministre allemand de la production.299

Après le Débarquement, il signe la pétition des ultra-collaborationnistes critiquant la passivité de Pétain qui « trahit les intérêts allemands ». Sous le gouvernement de Vichy, il est représentatif des jeunes et brillants technocrates dirigistes obsédés par la modernisation du pays, parfois accusés de

298 Olivier Wieviorka, Vichy 1940-44 – Tempus Perrin – 2004 298 La S.N.C.F. sous l'Occupation allemande 1940-1944 - Christian Bachelier – 1996 - Institut d'histoire du temps présent

fomenter le complot mythique de la "Synarchie", un complot cherchant à imposer à la France un gouvernement technocratique comme le croyaient les anciens de La Cagoule.300 Il est plus collaborationniste que Berthelot. Il décède dans un hôpital SS à Berlin en décembre 44.

La presse suit ses déplacements et ses déclarations. M. Bichelonne chez les bateliers Désireux de se rendre compte des efforts effectués par les bateliers dans le domaine professionnel et dans le domaine social, M. Jean Bichelonne, ministre secrétaire d'Etat à la Production industrielle et aux Communications, a passé une partie de la journée de jeudi à Conflans-SainteHonorine parmi les membres de cette corporation. Accompagné par M. Revilliod, préfet de Seine-et-Oise, le ministre ; guidé par M. Piéplu, président des société coopératives d'artisans bateliers, a visité au cours de la matinée les ateliers et les entrepôts de la Société coopérative artisanale de remorquage et le garage des Péniches d'Andrésy, au confluent de l'Oise et de la Seine. Au début de l'aprèsmidi, M. Jean Bichelonne s'est rendu à bord du chaland « Je Sers » amarré à Conflans-Sainte-Honorine, siège social de l’ « Entr'aide batelière » présidée par l’amiral Lacaze, dirigée par M. l'abbé Bellanger et qui groupe 2 syndicats catholique, celui des patrons bateliers et celui du personnel de la navigation intérieurs. 301 Au cours des quelques heures passées parmi les bateliers, M. Jean Bichelonne a eu, à plusieurs reprises, l'occasion de dire tout l'intérêt avec lequel il suit les efforts de cette corporation dont l'utilité se révèle plus grande que jamais à l'heure où les difficultés de transports sont accrues par la pénurie de charbon. (O.F.I.)302 Son secrétariat d'Etat va organiser la coordination des moyens de transports dans le pays et aussi et surtout la mise à disposition de la SNCF et de l'O.N.N. aux réquisitions de l'occupant. M. Jean Berthelot a parlé de la batellerie et des canaux dans La dépêche du Berry. « J'attache, aux questions de mouvement de bateaux, la plus grande importance. J'ai prescrit à l'O.N.N. De les suivre de près par l'organisation d'une sorte de « dispatching » - dans le texte -, qui le tient au courant de la situation des bateaux, de leur chargement, de leur déchargement et lui permet de prescrire à temps tous mouvements utiles.

Certes, la vie économique du pays exige une meilleure exploitation des voies navigables, mais il faut noter que les bateliers y trouveront leur compte. L'accélération de la rotation des bateaux doit, en effet, permettre une augmentation de leurs bénéfices, en rendant même possible éventuellement une diminution de certains frets. Il n'est pas du tout question de nationaliser la batellerie. J'entends seulement mettre de l'ordre dans la profession pour le plus grand bien de tous. Les artisans en

Biographie de Denis Jean Léopold BICHELONNE (1904-1944) sur le site des Annales des Mines La croix – 15/01/43 La tribune de l'Est – 16/01/43

particulier, ne sauraient se plaindre de mesures qui assureront une juste répartition du trafic entre les divers membres de la corporation. Cela vaut bien l'acceptation de quelques disciplines nouvelles. » 303

Un autre journal titre « Le maréchal Pétain confirme sa foi dans la collaboration franco-allemande » et déroule l’argumentaire ministériel. M. Berthelot ministre des Transports expose au Matin ses projets de coordination et d'amélioration des transports par eau « La conception ancienne, nous dit le ministre, de la coordination des transports, qui reposait, en particulier dans la batellerie, sur la cristallisation des situations acquises, a été complètement abandonnée. Nous devons, en effet, utiliser au maximum de leur rendement les moyens de transport par routes, par voies ferrées ou par canaux. Pour réaliser cette formule, il convient de recourir à une répartition autoritaire du trafic : la vieille idée du gâteau à partager doit disparaître. La coordination statique doit faire place à une coordination dynamique. Les transports doivent être assurés de toute manière, au besoin par recours à la réquisition, et sauf à l'O.N.N., qui dispose de crédits pour cela, à payer au moins momentanément les parcours à vide qui ne seraient pas couverts par les frets.« peut-on dire, monsieur le ministre, que la batellerie est en voie de nationalisation ? » réponse déjà publiée... » 304

Dans l'imposant et très complet Code de la Navigation Intérieure la philosophie xénophobe vichyste transpire à l'article article 30 paragraphe 1 sur la composition des organisations corporatives : « Ne peuvent être membres des conseils, commissions, comités et bureaux des organismes prévus par le présent décret que les personnes de nationalité française d'origine, âgées de vingt-cinq ans au moins ... ».

Le mot important dans cet extrait c'est « d'origine ». En effet, cela fait allusion à la Loi du 22 juillet 1940, la Loi portant sur la révision des naturalisations obtenues depuis 1927. Cette loi promulguée par le régime de Vichy cherche à examiner et, le cas échéant, de déchoir de leur nationalité toute personne naturalisée depuis la Loi du 10 août 1927 réformant le régime du droit de la nationalité. Cette loi de 1927 est fortement contestée dès l'époque par l'extrême droite française. Les étrangers ne doivent pas oublier que la qualité de Français se mérite, déclarait ainsi, au lendemain de la promulgation de la Loi en 1940, le ministre de la Justice Raphaël Alibert.

Au total, sur 195.000 naturalisations, 15.154 personnes, soit 7,7 %, ont été déchues de leur nationalité au titre de la disposition principale de la Loi, devenant apatrides, dont environ 6.000 Juifs selon l'historien Robert Paxton. Bien que le texte de la Loi n'y fasse pas référence, la Commission chargée de son application le fit dans l'optique antisémite de Vichy, ciblant en priorité, mais sans exclusivité, les

303 304 La dépêche du Berry – 21/05/41 Le matin – 16/05/41 pages 1 et 3

personnes qu'elle pensait être juive. L'aspect antisémite de l'administration française se retrouve également dans les archives de l'O.N.N. que nous avons consultées. Il y a la transposition des lois nazies dans les circulaires de l’O.N.N..

Lettre de la société Le Rhin au sujet de lois nazies sur la confiscation des biens des ennemis du Reich en Alsace. – Coll. V.N.F.

« Ennemi du peuple et de l'Empire305 Comme ennemi du peuple et de l'empire dans le sens de cette ordonnance sont à considérer les Juifs, Français et ressortissant d’États ennemis, pour chaque cas en conformité avec les disposions de la deuxième ordonnance pour exécution et comme supplément à l'ordonnance du 7 août 1940 concernant les biens d'ennemis du peuple et de l'empire, ainsi que les Alsaciens, dont il est question dans la troisième ordonnance pour exécution et comme supplément à l'ordonnance du 15 janvier 1941 concernant les biens d'ennemis du peuple et de l'empire, et les personnes qui leur ont été assimilées. Comme ennemis du peuple et de l'empire sont en outre à considérer toutes les personnes civiles du droit privé ainsi que les associations de personnes, établissements, fondations et d'autres biens d'utilité publique, qui se trouvent sous l'influence exclusive ou compétentes de personnes qui figurent parmi celles énumérées à l'alinéa 1. » Un de nos témoins nous à transmit le certificat de non-juif que son père avait dû signer pendant Vichy. Cette simple archive est en fait très importante pour comprendre une grande partie des enjeux de cette étude. La seconde guerre mondiale n’est pas du tout comme la première.

Certificat de non origine juive. - Coll. Roland Langlin

305 Ici l’Empire c’est le Reich

Une du journal Le Matin du 19 octobre 1940 titrant sur la promulgation du statut des Juifs en France. – Coll. Common Wiki

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