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Bilan
Vichy ne fut pas d'un bloc monolithique. Il est accepté par la population pendant un premier temps. Il va évoluer politiquement vers plus de collaboration avec l’ennemi. Vichy ne fut pas une « parenthèse » dans l’Histoire des voies navigables en France. Les origines de sa politique sociale sont à rechercher non pas dans un Diktat allemand, mais dans les conflits français antérieurs à sa création, ceux surtout dans les années 1930. Les Allemands n'ont joué aucun rôle dans la conception et l’élaboration des nouveaux textes de droit du travail sous Laval ou Darlan. 321
Robert Paxton explique très bien : « A Berlin, diplomates et militaires se moquent comme d'une guigne de la politique intérieures de Vichy, du moment qu'il maintient l'ordre et que les richesses françaises coulent à flot dans la machine de guerre allemande. » 322
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La politique sociale de Vichy ne ressemble pas à celle des nazis, et peu à celle des fascistes italiens. La Troisième République a notamment initié une politique d'arbitrage obligatoire dans ses dernières années. A la même époque, la plupart des états industriels recherchaient un moyen de canaliser le conflit capital-travail dans des structures d'arbitrage, et de contrôler l'exercice du droit de grève à l'instar des USA avec le Wagner Act du 5 juillet 1935. La Charte du travail cherche à supprimer la lutte des classes et à déterminer « des rapports harmonieux et justes » entre les patrons et les ouvriers, en somme de construire les bases d'une société apaisée, rejetant dans les poubelles de l'histoire les stigmates de la Révolutions industrielle. Elle cherche à mettre en application le slogan « la profession aux professionnels » même si de médiocres résultats dans le commerce et l’artisanat sont obtenus. Ils sont désignés à l'époque comme le pré carré du traditionalisme.
L'exemple de la batellerie est significatif de la volonté d'écarter de manière systématique les salariés et leurs représentants des organes directeurs de la corporation. La batellerie occupait 12.000 personnes en 1939 dont la moitié était syndiqué. En 1942, on estime qu'il n'en reste que le quart, alors que l'inscription est obligatoire ! Cette sous-représentation est dû à deux facteurs selon Jean Pierre le Crom : - Le mécanisme de la représentation au sein de la Charte en trois syndicats de catégories distinctes. - La nomination des membres salariés dans les organes dirigeants de la corporation semble être une véritable mascarade.
321 Syndicats nous voilà ! Vichy et le corporatisme - Jean-Pierre Le Crom - Les éditions de l'atelier – 1995 -Préface de Robert Paxton) 322 La France de Vichy, 1940 – 1944 – Robert O. Paxton – Ed. du Seuil -1973
On cherche en vain de véritables représentants des ouvriers. : L’un est cheminot à la Compagnie du Nord, l'autre sous-directeur de la Compagnie de navigation de Port-Bou, le troisième est docteur en droit. La suspicion est de rigueur sur les représentants ce qui amène à une enquête de la part du ministère de l'Intérieur pour le compte du directeur de l'O.N.N. avant nomination au comité central corporatif, l'organe suprême de la corporation. Ainsi, les positions syndicales et les opinions personnelle sont examiné et classées selon une optique politique : « très à gauche », « gauche », « corporatif » et « extrême-droite ». « Les renseignements se font plus précis quand il s'agit de M. Louis Louis, représentant d'un syndicat affilié à l'ex C.G.T.. Son appartenance à la francmaçonnerie, son soutien matériel à la révolution espagnole, une condamnation pour escroquerie en 1938 aboutissent à l'écarter de la commission provisoire de la batellerie ».
Le syndicat unique et obligatoire et les comités sociaux professionnels disparaîtront en 1944 sans laisser de regrets tant ils symbolisaient l'autoritarisme de Vichy Le régime de l'Etat National est l’occasion de la première expérience technocratique en France. De Jean Berthelot à Jean Bichelonne, des polytechniciens dominent l’Administration des Communications. Ces hommes ont profité des circonstances ou / et aussi par conviction politique mettent en œuvre ce remodelage tous azimuts du pays. Elles permettent ainsi une concertation permanente, qui survivra au régime. Le plan de 1942 demeure un projet administratif, élaboré sans véritable concertation avec les intérêts privés, et surtout prévu pour après la guerre. Le plan Monnet de 1946 dans une autre perspective historique, mettra lui en place une concertation des agents économiques. Ces instruments de dirigisme technocratique sont dès 1940 au service d’une politique de collaboration économique et idéologique avec l’occupant. Jusqu’en novembre 1942 et l'occupation de la zone dite libre, l’illusion de l’autonomie administrative et l’espoir d’un « dépassement de l’armistice » dans la perspective d’une association économique franco-allemande peuvent persister. Ils sont ruinés par les réquisitions abusives, les accords léonins, les pressions croissantes des autorités d’occupation qui prennent peu à peu le contrôle de l’appareil administratif instauré par le régime de Vichy. Les structures dirigistes ne servent plus dès lors qu’à faciliter le pillage économique des matériels de transports par les occupants.323
Cette tendance lourde de la réglementation étatique perdurera bien après la Libération avec des technocrates qui veulent adapter l'industrie à l'évolution de l'économie notamment par le Plan.
323 La coordination des transports en France de 1918 à nos jours - Nicolas Neiertz - Comité pour l'Histoire Économique et Financière de la France - CHEEF – 1999
Déclaration de bateaux vides dans les deux langues. – Coll. V.N.F.
Ordre de mouvement en français. - Coll. Guillaume Kiffer
Permis de circuler. - Coll. Guillaume Kiffer
Document de contrôle de passage aux écluses du bateau. - Coll. Guillaume Kiffer
Ordre de mouvement en allemand. - Coll. Guillaume Kiffer