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les bombardements Anglo-Américains

Un B.25 Mitchell américain. Bombardier moyen bimoteur. - Coll. A.A.M.B. - Il porte les bandes noires et blanches afin de distinguer les avions alliés des ennemis lors du Débarquement en Normandie en juin 1944. Ne pas oublier qu'il y aura un deuxième débarquement en France la même année mi-août 44 en Provence. - Coll. A.A.M.B.

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Josette Colin intitule dans son ouvrage le chapitre consacré à la Seconde Guerre :

« 1939 - 1945 le grand sabordage »

« Sur la Seine des péniches sont la cible d'agressions multiples et de nombreuses unités sont coulées, faisant des victimes parmi les mariniers. Parfois, des convois entiers sont touchés : « Sur l'Oise, une bombe tombe dans une chaufferie d'un remorqueur et fait quatorze victimes sur l'ensemble du convoi, y compris des enfants. » Il faut attendre fin 1943, début 1944, pour qu'une compagnie comme la H.P.L.M. commence à blinder les marquises.324

En 1944, les choses se gâtent. Dès le printemps, les bombardements sont plus fréquents. Le Baîse a la baraka. Cambrai, Comines, Tegniers, Creil, à chaque fois que les bombes tombent la veille ou le lendemain de notre passage. Les bateaux sont mitraillés. Il y a des blessés, des morts.

324 Josette Colin, La vie des mariniers - Plon 1990 et France Culture

Très vite, les avions américains, les « double queues », sont les plus redoutés. Le Bassin Rond qui est un grand bassin rectangulaire de neuf cents mètres de long et de cent de large. C'est un garage à bateaux en attente de passage du canal de SaintQuentin. Bloqués par des bouchons de péniches, on amarre les bateaux bout à quai, l'étrave le long de la digue, serrés bord à bords. En mai 44, nous voici près de plus de cent péniches bloquées. L'attente dure près de deux semaines. Par mesure de sécurité, les services des Ponts-et-Chaussées nous obligent à laisser des espaces libres tous les quinze bateaux pour pouvoir dégager les unités épargnées en cas de bombardement. Mais jamais une seule attaque n'a eu lieu. Les chasseurs bombardiers se servent de ce repère idéal pour s'orienter car, dans les environs, ça barde. La Libération approche, on le sent. Je n'ai qu'une idée en tête, n'ayant jamais fait partie de la Résistance, m'engager dès que possible. A Cambrai, nous passons à côté d'une péniche en bois amarrée près du pont de chemin de fer ; un projectile a éclaté tout près. Elle est recouverte d'une épaisse couche de terre sur toute sa longueur, mais n'a subi aucun dommage. Le bombardement a eu lieu la nuit précédente. 325

Pendant cette guerre, nous avons connu des alertes à tout bout de champ. Nous avons couché dans des caves, des abris construits spécialement contre les bombardements des coteaux comme ceux de Neuves Maisons (Meurthe-etMoselle). Nous prenions une couverture, chacun la sienne, roulée comme le font les soldats, fixée sur le dos. Une bouteille thermos remplie de malt pour le lendemain matin, et nous montions le soir pour pouvoir dormir un peu, sinon, chaque nuit il fallait se lever et courir se cacher à l'abri. La sirène hurlait plusieurs fois au début de l'alerte et donnait un long coup pour signaler la fin du danger. Une fois, papa était occupé de se raser, il a fallu se sauver, il avait la moitié du visage rasé. De tous les bombardements, c'est celui d'Aulnoye (59) qui m'a le plus marqué en 1944. La nuit, il y avait des bombes incendiaires, on pouvait y voir comme en plein jour. Ces bombes éclairaient la gare, afin d'indiquer aux bombardiers le point exact à détruire.... Nos amis avec qui nous voyagions avaient un bateau en fer, plus solide que le nôtre. Ils nous ont invité à passer la nuit chez eux pour être mieux protégé des éclats de bombes qui entouraient nos péniches. Gisèle, une amie enfant, et moi avions prié toute la nuit, notre foi nous soutenait...Nous étions retirées dans un coin de leur logement… Le lendemain matin le calme revenu, tout autour des péniches nous découvrions des trous énormes, nous avions été protégés, nous étions vivants. 326 La fin de la guerre - à Travecy dans l'Aisne - était proche et nous étions souvent bombardés, chaque marinier avait creusé une tranchée dans la digue entre les arbres. Ils avaient abattu avec l'autorisation des ponts et chaussées quelques gros arbres, qu'ils avaient coupés en morceaux de deux mètres pour recouvrir l'abri et, par-dessus mis du feuillage. Nous mangions à terre pour être plus vite à couvert en

325 Martial Chantre - La péniche, ma vie batelier de père en fils - n° 48 – 2002 326 Eliane Droissart Bourdon - Marinière, ma vie, ma profession - n° 26 – 1990

cas d'alerte. Laby, l'oie nous suivait partout. Elle annonçait l'arrivée des avions avant le hurlement des sirènes. … Elle entendait le bruit des moteurs d'avions anglais et américains qui s'approchaient, surtout les « deux queues » comme on disait, c'était des avions à double fuselage qui escortaient les gros bombardiers. 327 Son oie c'est la version 1944 des oies du Capitole. Un jour, il y eu un combat aérien au-dessus de nous ; un avion, anglais je crois, fut touché et il se cassa en deux. Je vis les pauvres gars qui sautaient des morceaux de la carlingue, triste spectacle ! Mais ces avions lâchaient aussi leurs bombes sur la cimenterie ; lorsque j'entendais la sirène d'alerte, je courais comme un fou dans notre abri. Papa disait que j'avais des étincelles sous les pieds. Lors d'un bombardement, les bombes tombèrent sur l'usine pas très loin de nous, heureusement, nous fumes indemnes. Quand ce fut terminé, tous les panneaux d'écoutilles du bateau étaient ouverts en éventail et les carreaux de la marquise cassés.

Je vis un éclat de bombe sur le quai, bêtement je le ramasse il était brûlant … Aie, mes pauvres doigts !328

Une attaque aérienne alliée sur le pont d’Oissell sur la Seine le 9 mai 1944 rendant le pont inutilisable. Les forces allemandes ne pouvaient réparer les ponts sur la Seine assez vite entre deux attaques au printemps 44. – Coll. USAAF archival photo

D’autres récits parlent des attaques aériennes, des bombardements surtout ceux en 44 qui visaient les gares de triages avec les bombes brillaient au soleil. 329

Plus on montait vers le Nord plus c'était dangereux à cause des bombardements.

327 Eliane Droissart Bourdon - Marinière, ma vie, ma profession - n° 26 – 1990 328 Jacques Monier - Un batelier au service des ciments d'Origny - n°81 -2019 329 Roland Langlin – 2019

Pourvu qu’ils ne nous envoient pas sur les côtes, Calais ou Dunkerque.330

Quand les bateaux étaient garés, il y avait un peu d'espace entre les bateaux. Il y avait 2 sortes de bombardements. Les gros avec 500 forteresses qui larguent au hasard, ils essaient de cibler un peu. Un peu comme au Havre entre 4 feux pour cibler. Je n'ai souvenir d'un avion Allemand en 44.331

On fait un voyage en 44 sur l'Oise de minerais de fer. Puis, traction électrique à Tergnier et arrêt à 1 km de la ville. Quelle nuit avec 1 ou 2 heures de bombardement. On a eu de la chance. Il faut être dans un bombardement pour s'en rendre compte. Le bruit, la terre labourée à 200 mètres de nous. Nous n'avons pas été mitraillés pendant la guerre. 332

En mai 45 à Oville près de Douai, qu'est-ce qui passait comme avions. 500 à 700, les carreaux vibraient, ça passe, ça passe on ne peut pas les compter. 333

La mise en sécurité des enfants de bateliers est évoquée par le journal collaborationniste du Parti Populaire Français de Jacques Doriot, le Cri du Peuple, qui lance un appel aux bateliers artisans de France dans ce sens. A noter que sur la même page il présente le conseil de révision de la L.V.F., la Légion des Volontaires Français. Par arrêté du 3 juillet 1944, interdiction de la présence à bord des bateaux de navigation intérieure des enfants de moins de 15 ans, ainsi que des mères de familles d'enfants de moins de 6 ans et des femmes enceintes, en raison des dangers actuels de la guerre, sur les voies navigables des départements ci-après : Nord, Pas-de-Calais, Somme, Ardennes, Marne, Seine-et-Marne, Seine et Seine-etOise. Le Conseil d'administration du syndicat unique des artisans, maîtres bateliers et dirigeants de coopératives artisanales de la navigation intérieures, invite les bateliers à se conformer à cette décision dans l'intérêt même de leurs familles le plus rapidement possible. Il est recommandé aux artisans qui naviguent dans les départements précités et qui ont la possibilité de loger leurs enfants chez des parents ou des amis résidant à terre, de les débarquer d'urgence. Les familles, les amis ou les centres d'accueil sui recueilleront les enfants des bateliers toucheront les tarifs d'hébergement prévu par la Loi. 334

330 Roland Langlin – 2019 331 Roland Langlin – 2019 332 Roland Langlin – 2019 333 Roland Langlin – 2019 334 Le cri du peuple – 29/07/44

A. Piéplu, président du syndicat unique des artisans de la batellerie, dans un autre article de presse parle des dispositions relatives à l'hébergement des mariniers. Le Syndicat unique des salariés de la navigation intérieure fait appel aux membres de la corporation pour qu'ils mettent à l'abri, selon les directives du gouvernement, leurs enfants jusqu'ici aussi exposés qu'eux, du fait du bombardement des péniches. Il est prévu, en cas d'évacuation et d'hébergement des enfants, des lieux de refuge assez proches de la voie d'eau pour que les mariniers puissent, à leur passage, voir facilement les êtres qui leur sont chers, et toutefois choisis de façon qu’il soit raisonnablement permis de croire que les enfants sont en sécurité. Les voyages d'aller pour les personnes réfugiées et le voyage d'aller et retour pour les personnes qui les accompagnent seront aux frais du gouvernement. Une indemnité de 750 francs par mois est prévue pour chaque enfant hébergé. Les allocations familiales continueront à être versées aux ayants-droit. 335

Pont de la Mulatière à Lyon après le bombardement du 1er septembre 1944. On peut voir que les travaux d’évacuation des décombres ont commencés- Coll. A.A.M.B.

335 Paris soir – 19/07/44

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