The Private Banker - printemps 2022

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printemps 2022

THE

PRIVATE BANKER

Thomas Leysen ‘’Nous devons réunir les initiatives qui ont besoin d’argent et les personnes qui veulent faire quelque chose pour la société’’ Connu pour son engagement philanthropique, le président d’Umicore et ancien président de la Fondation Roi Baudouin fait le point sur la philanthropie dans notre pays, et le rôle que peuvent jouer les banquiers privés dans ce cadre. Prix par numéro pour les non-membres: 10 €


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Private Bankers Association

Édito Chers membres de la PBA-B, Nous vivons une époque troublée. Notre société s’est à peine remise de l’impact de la crise sanitaire qu’une nouvelle onde de choc déferle déjà sur l’Europe. Nos pensées vont naturellement à toutes les vies perdues en Ukraine, à toutes les personnes qui ont abandonné leur maison et leurs biens pour entreprendre un voyage incertain, dans l’espoir d’un retour rapide. Dans un tel contexte, le thème central de ce numéro de The Private Banker prend une signification très concrète: la philanthropie au sens le plus littéral du terme. Nous sommes nombreux à rencontrer des clients désireux d’“agir pour la société, pour une organisation ou un groupe de personnes”. De plus en plus, nous sommes appelés à orienter cette philanthropie dans la bonne direction à tous les niveaux. Nul doute que vous trouverez de l’inspiration dans les conversations que nous avons eues avec certains opérateurs très intéressants. Et puis, il y a notre association. Nous bouillonnons d’activité comme jamais. Trois nouveaux webinaires ont été ajoutés à notre programme depuis le dernier numéro. Vous pourrez les retrouver dans notre bibliothèque E-learnings, dans la zone réservée aux membres de notre site www.pba-b.be. Les webinaires en préparation sont soigneusement répertoriés dans le calendrier. La nouvelle édition de la formation Investment Management pour banquiers privés débute par ailleurs en septembre. Elle se déroulera sur huit jours, entre le début de septembre et la fin d’octobre 2022; les inscriptions seront ouvertes en avril. Toutes les informations et le programme se trouvent sur notre site sous la rubrique “Les formations”. Enfin, je suis impatient de pouvoir vous accueillir pour célébrer notre 20e anniversaire au château de Grand-Bigard. Cette fois, toutes les conditions sont réunies pour que le 21 avril prochain soit un grand jour.

Sommaire

À présent, je vous laisse à la lecture de ce numéro. Profitez de ce The Private Banker et à bientôt!

Peter Van der Smissen Secrétaire général de la PBA-B

04 “Il faut impliquer toutes les

couches de la société dans la philanthropie” Interview centrale - Thomas Leysen

Ours The Private Banker est le magazine trimestriel des membres de la Private Bankers Association Belgium. Rédacteur en chef et éditeur responsable: Peter Van der Smissen Rédaction: Content Republic https://trustmedia.be/services Numéro 3: mars 2022 Photo de couverture: ©Diego Franssens

06 Une philanthropie sur mesure avec un fort ancrage local Actualité - Fondation Roi Baudouin


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© shutterstock

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08 Maximisez

l’impact de vos donations

Paul Smeets, professeur à l’université de Maastricht

Agenda 10 Une philanthropie adaptée au client

Une ancienne élève sous le feu des projecteurs Laurence Vanweyenberg

11 La philanthropie dans la

22 mars 2022

Webinaire: Secret bancaire anno 2022 – Gilles de Foy & Emanuele Ceci

21 avril 2022

Fête du 20e anniversaire de la PBA-B 18h30, château de Grand-Bigard

27 avril 2022

Webinaire: Qu’est-ce qu’Izimi et que peut-il apporter de mon vivant et après ma mort? – JeanPhilippe Maes

10 mai 2022

Assemblée générale de la PBA-B

02 juin 2022

Webinaire: Mise à jour du droit des biens – Alain Van Geel

02 juin 2022

Fund Insiders Forum, participation gratuite pour les membres Info: https://register.fundinsidersforum. com/preregister#preregister

16 juin 2022

Webinaire: Mise à jour Investment Management (sujet à confirmer) – Georges Hübner

20 juin 2022

Date de publication de The Private Banker n° 4

succession et les donations PAR OLE D’E X PER T - AL AIN VAN GEEL


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IN T ER V IE W CEN T R ALE - T H O MA S L E Y SEN

“Il faut impliquer toutes les couches de la société dans la

“Il nous faut rassembler les initiatives qui ont besoin d’argent et les personnes qui souhaitent agir dans l’intérêt de la société.” Thomas Leysen, président Umicore

philanthropie” La philanthropie est certes en plein essor mais il lui reste plusieurs défis à relever. “Le don n’est pas réservé aux personnes fortunées, il concerne toutes les couches de la société”, estime Thomas Leysen. “Nous devons réunir les initiatives qui ont besoin d’argent et les personnes qui souhaitent apporter leur pierre à l’édifice commun, avec tous les intermédiaires: la Fondation Roi Baudouin, les notaires, les gestionnaires de patrimoine et les banquiers privés.”

Quelle place occupe la philanthropie dans votre vie? Thomas Leysen: “J’y ai consacré une partie de mon temps ces dernières années. Pendant six ans, j’ai présidé le conseil d’administration de la Fondation Roi Baudouin. Je suis toujours président du Fonds Baillet Latour, l’une des principales fondations privées de ce pays. Pour moi, la philanthropie consiste à servir l’intérêt public avec des fonds privés. À l’époque de ma présidence de la Fondation Roi Baudouin, j’ai été témoin de nombreux récits fascinants. Souvent, ceux-ci impliquaient des personnes passionnées par une question particulière ou compatissant à un problème spécifique, parce qu’elles l’avaient vécu personnellement ou qu’elles étaient indignées par des abus et voulaient réagir. Ces personnes veulent changer le monde et l’améliorer. Canaliser leurs émotions pour les transformer en geste positif.”

La philanthropie est-elle suffisamment connue dans notre pays? Thomas Leysen: “Je remarque une immense générosité en Belgique et en Europe. On le sait trop peu! La philanthropie est

généralement associée aux États-Unis, aux grandes fortunes et aux fondations d’envergure telles que la Fondation Bill & Melinda Gates et la Fondation Rockefeller. Or, dans notre pays aussi, il existe un large éventail d’initiatives philanthropiques. En coulisse se jouent de belles histoires, de celles qui réchauffent le cœur. Au fil des années, j’ai pu constater la multiformité de la philanthropie, et à quel point la générosité est grande en Belgique. Les statistiques montrent qu’en 2020 particulièrement, les Belges ont énormément donné. Les attestations de déduction fiscale ont atteint 370 millions d’euros. Si vous ajoutez à cela les legs, vous arriverez probablement au double de cette somme.”

S’agit-il d’un soutien proprement financier ou également d’un soutien opérationnel? Thomas Leysen: “Au départ, il s’agit d’un soutien financier, allant de petits montants et de dons jusqu’à la création de son propres fonds, soit au nom de la Fondation Roi Baudouin, soit par le biais de fondations spécifiques. Cela prend habituellement la forme d’un soutien structurel à des organisations, des associations ou des projets qui reposent en partie sur des subventions.

Ces ressources supplémentaires sont bien sûr les bienvenues mais le soutien n’est pas toujours purement financier: il peut passer par un engagement personnel ou du temps offert à une cause. Tout est possible. Souvent, ces associations demandent aux donateurs de réfléchir avec elles. Ceci étant dit, le levier principal demeure financier, c’est évident.”

Pratiquez-vous la philanthropie à titre uniquement personnel? Ou le faitesvous aussi à partir des entreprises dans lesquelles vous vous impliquez? Thomas Leysen: “Si la philanthropie est dans mon cas essentiellement personnelle, les entreprises peuvent soutenir certains projets dans leur région et y associer leurs employés. En l’occurrence, je préfère parler d’engagement social plutôt que de philanthropie. Mais les frontières ne sont pas toujours clairement définies. Qu’est-ce que le sponsoring? Qu’est-ce que le mécénat? Qu’est-ce que la ‘vraie’ philanthropie? Chez Umicore, que je dirige, nous consacrons par exemple certains budgets à l’environnement de l’entreprise. À Anvers, Umicore est l’un des principaux sponsors du MAS et du Musée de l’argent. Il s’agit plutôt de


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“Nous ne devons certainement pas limiter la philanthropie aux grandes fortunes. Une large part de la population peut s’engager de manière significative dans ce domaine.” Thomas Leysen, président Umicore

mécénat, en l’occurrence, mais le lien avec nos activités est clair, dans la mesure où Umicore est un important recycleur de métaux précieux. Nous travaillons l’argent depuis plus de 100 ans! En outre, nous soutenons financièrement des projets sociaux et les employés qui s’engagent dans des projets. Cela accroît la fierté de nos collaborateurs à l’égard de leur entreprise.”

Quels sont les principaux défis de la philanthropie, à vos yeux? Thomas Leysen: “La philanthropie connaît un essor considérable dans notre pays. Par le biais de la Fondation Roi Baudouin ou sur un site comme bonnescauses.be, chacun peut trouver un large éventail d’initiatives inspirantes. Et puis, les banquiers privés maîtrisent de mieux en mieux le sujet et prodiguent des conseils utiles aux personnes qui souhaitent lancer des initiatives philanthropiques de leur vivant ou qui l’envisagent dans le cadre de leur succession. Nous devons continuer à promouvoir cette connaissance auprès de tous les acteurs du domaine, tant le banquier privé que les notaires. Les besoins financiers sont grands, dans le domaine social et culturel comme dans la recherche scientifique.

Tous ces domaines nécessitent plus de ressources, qui viendront en partie de la philanthropie. Nous devons réunir les initiatives qui ont besoin d’argent et les personnes qui ont envie de faire un geste pour la société. Et tous les intermédiaires – la Fondation Roi Baudouin, les notaires, les gestionnaires de patrimoine et les banquiers privés – doivent remplir le rôle de passerelle le plus efficacement possible. Dans notre pays, cette collaboration s’avère déjà plutôt performante… même si une amélioration est toujours possible. Beaucoup de particuliers ne pensent pas concrètement à la philanthropie, bien qu’ils soient ouverts à l’idée. Par conséquent, nous ne devrions certainement pas limiter la philanthropie aux grandes fortunes. Il s’agit d’un domaine dans lequel une large part de la population peut s’engager de manière significative! En outre, nous devons encourager les grandes fortunes à faire davantage. Certaines ont déjà créé des fondations philanthropiques ou soutiennent une multitude de petits projets, c’est vrai, mais nous pouvons apprendre beaucoup des États-Unis dans ce domaine. Outre-Atlantique, il existe une vraie tradition de transfert d’une partie d’une entreprise ou de ses actifs au bien commun, et pas seulement à la génération suivante.”

En tant que client, qu’attendez-vous d’un banquier privé? Thomas Leysen: “Je pense qu’il est crucial, pour les banquiers privés, de bien connaître certaines tendances et de savoir les présenter à leurs clients. Bien entendu, ceux-ci ont ensuite le choix de s’engager ou non, mais l’information doit leur être fournie dans tous les cas. Lorsque j’étais président de KBC, je me souviens de la transition vers l’investissement durable. Autrefois, c’était un produit de niche destiné à un public restreint qui s’y intéressait. La philanthropie n’a pas encore passé ce cap. Si les clients posent la question au banquier, quelque part au sein de la banque une personne a l’expertise suffisante pour donner des conseils, mais cette thématique pourrait, pourquoi pas, être intégrée plus largement dans les services. Les banques privées ont du reste la possibilité de faire la différence et de répondre aux besoins de leurs clients de manière créative. Évidemment, cela bénéficie aussi aux banquiers privés eux-mêmes, car c’est une autre façon de continuer à gérer des actifs sur le long terme.”

© Jeroen Vranckaert

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AC T UALIT É - F ON DAT IO N R O I B AUD O UIN

Une philanthropie sur mesure avec un fort ancrage local Promouvoir la philanthropie, soutenir des initiatives pour l’intérêt commun et fournir des conseils sont les principales missions de la Fondation Roi Baudouin. Le résultat? Une philanthropie sur mesure avec un fort ancrage local. La fondation est en phase avec son temps et s’adresse également à la jeune génération.

“La crise sanitaire a placé la philanthropie sous le feu des projecteurs.” Ludwig Forrest, responsable de la philanthropie à la Fondation Roi Baudouin

La Fondation Roi Baudouin occupe une place particulière dans le secteur de la philanthropie. Quel est votre rôle?

formules possibles. Elles sont souvent accompagnées d’un conseiller financier, d’un banquier privé, d’un notaire, d’un avocat ou d’une personne de confiance.”

Ludwig Forrest, responsable de la philanthropie à la Fondation Roi Baudouin: “La philanthropie offre la possibilité aux personnes qui ont une vision, un cœur et des moyens, de contribuer à l’intérêt commun. La Fondation Roi Baudouin a pour mission de promouvoir la philanthropie au sein de la société en Belgique, en Europe et au niveau international, et d’inciter les particuliers à s’engager dans la philanthropie au sens large du terme: donner de l’argent ou du temps, impliquer des individus ou des entreprises, à court ou long terme. En plus de la promotion, nous prodiguons des conseils aux personnes qui désirent se lancer dans la philanthropie de manière concrète. Nous discutons avec elles des

Jérémie Leroy directeur à la Fondation Roi Baudouin: “D’une part, nous travaillons effectivement avec des philanthropes, qu’il s’agisse de particuliers ou d’entreprises. De l’autre, nous aidons les associations et le secteur culturel, pour lesquels nous développons des outils spécifiques. La Fondation Roi Baudouin ne pratique pas de collecte de fonds mais propose un modèle de gouvernance, un instrument de collecte de fonds. Le secteur a réellement besoin de ces outils! Notre activité est complémentaire du soutien des autorités publiques. Dans les circonstances actuelles, force est de constater que les secteurs socioculturels doivent absolument diversifier leurs sources de financement.”

Quelles questions les philanthropes vous posent-ils? Ludwig Forrest: “Elles sont très variées et portent sur les thèmes qu’ils peuvent soutenir, le moment idéal pour débuter, le fonctionnement concret du système… Peuvent-ils se lancer dans la philanthropie aujourd’hui ou doivent-ils la prévoir dans leur succession? Devraient-ils donner un peu maintenant et beaucoup plus tard? Les possibilités sont légion. Nous expliquons de quelle façon nos fonds fonctionnent, selon quelles règles nous travaillons et quelle expérience nous avons – ou non – avec les thèmes qu’ils proposent.” Jérémie Leroy: “Outre les questions fiscales, juridiques, philanthropiques et personnelles, on assiste à une nouvelle vague de questions sur la technologie. Comment attirer les petits dons avec certains outils?


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© Frank Toussaint

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“Outre les questions fiscales, juridiques, philanthropiques et personnelles, on assiste à une nouvelle vague de questions autour de la technologie. Nous cherchons à attirer la jeune génération vers la philanthropie.” Jérémie Leroy, directeur à la Fondation Roi Baudouin

Par exemple, une personne de 25 ans peut déjà agir avec des micro-dons. Nous cherchons la bonne méthode pour séduire la jeune génération avec de nouveaux instruments et de nouvelles ressources. Nous suivons les tendances liées aux smartphones et aux codes QR, notamment. Les particuliers nous demandent aussi parfois comment ils peuvent exercer un plus grand levier avec leur argent. Pas uniquement par un soutien financier direct, donc, mais aussi au travers d’investissements à impact. Il s’agit d’une activité en pleine croissance à l’échelle internationale, inspirée par des investisseurs qui ne s’intéressent pas au seul rendement financier de leur capital mais qui souhaitent également avoir un impact social. On remarque une forte créativité autour des nouveaux produits et technologies. À la Fondation Roi Baudouin, nous tenons ces évolutions à l’œil et tentons de répondre à toutes les questions.”

La philanthropie est-elle suffisamment connue de la population belge ou reste-t-il du chemin à parcourir en la matière? Ludwig Forrest: “La Fondation Roi Baudouin n’est heureusement pas la seule organisation à promouvoir la philanthropie. Il existe aussi, entre autres, la Fédération belge des fondations philanthropiques et l’Association pour une éthique dans les récoltes de fonds. La crise sanitaire a placé la philanthropie sous le feu des projecteurs. Une vague de solidarité a vu le jour; de nombreuses personnes souhaitent agir dans l’intérêt commun. Notre rôle est de montrer que la philanthropie est importante et accessible. Il n’est pas nécessaire d’être Bill Gates pour faire de la philanthropie. Chacun peut consentir des contributions plus ou moins grandes. Tout le monde peut faire un geste. C’est vraiment le message que nous voulons diffuser.” Jérémie Leroy: “On observe en effet une croissance de l’activité philanthropique. La crise sanitaire joue un rôle majeur à cet égard. Les exemples

inspirants se multiplient. Avec, pour ne citer qu’eux, Bill Gates et Warren Buffett aux ÉtatsUnis. Davantage de mesures peuvent être prises pour établir un lien entre les personnes qui veulent agir et les besoins de la société. Dans le même temps, les banquiers privés nous rapportent que leurs clients s’intéressent à la philanthropie. Ils s’adressent alors à nous ou à d’autres pour obtenir informations et conseils. Mais il y a encore du pain sur la planche. Par exemple, l’activité philanthropique fait défaut autour de thèmes comme l’environnement et le climat.”

Quels sont, selon vous, les principaux défis pour la Fondation Roi Baudouin et la philanthropie en général? Ludwig Forrest: “En organisant des événements, nous continuons à souligner le rôle crucial joué par la philanthropie pour l’intérêt général, en Belgique et en Europe. Or, même en Europe, il arrive que la philanthropie soit compromise dans certains pays. Les organisations peuvent faire de moins en moins de choses, les investissements étrangers font face à des difficultés accrues, la liberté du philanthrope est remise en question… Les règles se font plus strictes, avec davantage de contrôle et de compliance. Les défis de la philanthropie sont aussi ceux de la Fondation Roi Baudouin. Rester disponible à tout moment pour les individus, les familles, les entreprises et les conseillers afin d’apporter les bonnes réponses, travailler de manière adaptée, les écouter et les aider à faire plus et mieux en matière de philanthropie. Au final, cela profite à la société, aux bénéficiaires et plus généralement aux individus eux-mêmes, car ils ont une solution et sont heureux de faire le bien.” Jérémie Leroy: “Il est important que la Fondation Roi Baudouin maintienne son offre. Notre philosophie est et restera la philanthropie sur mesure, avec un fort ancrage local. C’est l’histoire de la fondation, ce sont nos racines. Malgré notre croissance et le succès de la philanthropie en général, nous ne devons pas oublier notre ADN.”


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D OS SIER

Maximisez

l’impact de vos donations De nombreuses personnes sont généreuses et soutiennent des organisations caritatives. Les conseillers en philanthropie des banques aident leurs clients à élaborer un plan de don structuré, de manière à éviter une succession de dons distincts et isolés. “On augmente ainsi l’impact de chaque euro donné”, indique Paul Smeets, professeur de philanthropie et finance durable à l’université de Maastricht. Qu’est-ce qui motive les gens à soutenir une bonne cause? L’objectif est-il financier ou davantage inspiré par un désir d’impact social? Paul Smeets: “La philanthropie implique toujours de donner de l’argent, elle n’a donc aucune motivation financière. Un avantage fiscal peut certes être octroyé, mais même dans ce cas, de l’argent sort de la poche du contribuable. Les dons sont motivés par deux raisons majeures: les gens veulent améliorer le monde et éprouver une satisfaction personnelle. Ces deux motifs vont d’ailleurs souvent de pair.”

Comment la philanthropie peut-elle occuper une place plus grande dans la gestion du patrimoine des particuliers et des organisations? Paul Smeets: “Les personnes fortunées sollicitent généralement leur banquier pour parler d’investissements et de la manière dont elles peuvent gagner plus d’argent. Et si, à l’inverse, vous vouliez donner de l’argent et non en gagner? Ces dernières années, plusieurs banques néerlandaises ont créé un département de philanthropie, où un conseiller aide ses clients à faire des dons à de bonnes causes. ABN Amro et Rabobank, par exemple, ont chacune une équipe chargée de la philanthropie. En outre, il existe deux banques spécifiquement durables aux Pays-Bas: ASN Bank et Triodos Bank (en Belgique, la plupart des banques ont elles aussi développé une expertise distincte en philanthropie, qu’elles mettent à la disposition de leurs clients (très) fortunés, NDLR). Lorsqu’un client les sollicite, ils discutent non seulement de la manière de faire fructifier leurs actifs, mais aussi des options pour soutenir une cause juste. Ainsi, les départements philanthropie des banques néerlandaises accompagnent leurs clients dans l’élaboration

d’un plan sur cinq ans, afin qu’ils ne se contentent pas de faire des dons ponctuels mais qu’ils donnent de manière structurée. La banque peut également participer au choix des organisations caritatives qui conviennent au client et dont elle sait, grâce à des recherches scientifiques, qu’elles sont réellement efficaces et ont le plus fort impact.”

Les particuliers sont-ils suffisamment informés des organisations caritatives existantes et du fonctionnement de la philanthropie en tant que telle? Paul Smeets: “Ils ont fréquemment du mal à identifier les organisations caritatives qui ont le plus d’impact. La plupart donnent encore au feeling. S’ils veulent contribuer positivement à la société, ils choisissent habituellement l’organisation caritative qu’ils connaissent grâce à la publicité qu’ils ont vue, ou à laquelle ils ont toujours fait des dons. Alors même que certaines organisations caritatives sont cent fois plus efficaces que d’autres! Le choix de l’organisme de bienfaisance auquel vous accordez un don peut faire une réelle différence. Sur le site internet doneereffectief.nl, les donateurs trouvent des informations sur la manière de donner de l’argent le plus efficacement possible.” (Le site d’Effective Altruism Belgium (www. eabelgium.org) fournit des conseils pour trouver des organisations caritatives efficaces en Belgique, NDLR.)

Quels critères permettent de déterminer si un organisme de bienfaisance est efficace? Paul Smeets: “Si des fonds considérables sont consacrés aux frais généraux tels que les salaires des directeurs, on a tendance à en déduire que l’organisme de bienfaisance ne sera pas efficace. Or, il n’y a pratiquement aucun lien entre ces deux paramètres. Et c’est somme toute logique:

si vous employez du personnel de qualité, vous le payez davantage; ce sont des fonds bien investis. Bien sûr, il arrive que les choses tournent mal, mais en général, les frais généraux ne changent pas fondamentalement la donne. Le type de projet auquel vous accordez cet argent pèse nettement plus lourd. Aujourd’hui, près d’un milliard de personnes sur cette planète vivent avec moins de deux euros par jour. Si vous voulez doubler le revenu de ces personnes, cela vous coûtera en moyenne beaucoup moins cher que de doubler le revenu d’un Néerlandais ou d’un Belge! Comptez en effet au moins mille euros pour doubler le revenu d’un Belge, contre deux euros pour celui d’un habitant du Malawi. Si vous faites des dons à des personnes qui résident dans des pays où le niveau de prospérité est très faible, vous aurez en moyenne un impact plus important dans ces pays. Votre argent dispose simplement d’un effet de levier plus élevé. Par ailleurs, un don à un musée n’est pas comparable à un don à l’Unicef. Ce sont là deux choses bien différentes. En revanche, vous pouvez jeter un coup d’œil à toutes les organisations caritatives liées à la santé et vous demander comment gagner une année de vie en bonne santé. En procédant de cette manière, vous pouvez effectivement comparer les projets entre eux. Tel projet coûtera tant d’euros pour une année de vie supplémentaire, tandis que tel autre pourrait ne coûter que la moitié.”

Quel est dès lors le secret pour maximiser cet impact social positif? Paul Smeets: “Depuis le début de 2020, j’occupe la chaire de philanthropie et de finance durable au Fonds Elisabeth Strouven. J’y mène des recherches sur les motivations des citoyens à faire des dons à des


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fonds générateurs de richesse. Ils m’ont demandé de vérifier si les dons aux organisations caritatives aboutissent réellement aux bonnes personnes, ce qu’il advient de l’argent et dans quelle mesure ces organisations sont transparentes. À cette fin, je réalise des évaluations d’impact de leurs projets. Tel projet tourne-t-il comme ils l’avaient espéré? Pouvons-nous y apporter des améliorations pour le rendre encore plus efficace? Afin d’augmenter l’impact par euro donné, il existe trois règles empiriques. La première consiste à examiner les recherches scientifiques qui ont déjà été effectuées. Le prix Nobel d’économie 2019 a été attribué à trois économistes du développement. Ils ont fait des recherches sur la pauvreté dans le monde et sur la manière dont les pays en développement d’Afrique et d’Asie peuvent améliorer la santé et réduire la pauvreté. Ces trois économistes ont conduit de nombreuses expériences qui nous ont énormément appris sur ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Deuxièmement, vous pouvez augmenter l’impact social positif en vous concentrant sur la prévention au lieu de répondre aux urgences. Lorsqu’une catastrophe survient, nous mettons souvent la main au portefeuille. Ce geste peut être utile, bien entendu, mais les organisations qui se dédient à l’aide d’urgence reçoivent d’ordinaire davantage de dons que ce qui est réellement nécessaire. Et ce, alors que d’autres problèmes, comme les enfants en situation précaire, bénéficient de beaucoup moins d’attention.

“Les départements philanthropie des banques néerlandaises aident leurs clients à élaborer un plan visant à éviter les dons isolés et à les structurer davantage.”

© DOC

Paul Smeets, professeur à l’université de Maastricht

Enfin, il faut aussi penser à résoudre les ‘grands problèmes’. Aider quelques personnes, c’est merveilleux, mais pas autant que d’en aider des millions. Il est toujours plus facile d’étendre un programme réussi que d’en lancer un nouveau. Plusieurs organisations peuvent vous aider à dénicher des organisations caritatives à fort impact. Aux Pays-Bas, il existe le CBF, l’organisme de réglementation des organisations caritatives. Le pays compte dix mille organisations caritatives, dont environ six cents ont été testées par le CBF.”

Existe-t-il des différences internationales en termes de volonté de s’engager dans la philanthropie? Paul Smeets: “C’est difficile à dire. Les données relatives aux dons ne sont pas disponibles pour de nombreux pays. Geven in Nederland et Giving in the USA, par exemple, enregistrent depuis des années le montant des dons des populations néerlandaise et américaine, respectivement. Aux Pays-Bas, le montant annuel atteint 5,7 milliards d’euros. Pour les autres pays du Vieux Continent, les chiffres ne sont hélas pas disponibles. Les chercheurs ne reçoivent pas suffisamment de fonds pour trouver des informations pour l’ensemble de l’Europe.” (En Belgique, il existe un Baromètre et un Index de la philanthropie qui paraissent tous les trois ans, à l’initiative de la Fondation Roi Baudouin et du think tank Itinera, NDLR.)


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UN E AN CIEN N E ÉLÈ VE SO US L E F EU DE S PR OJE C T EUR S - L AUR EN CE VAN WE YEN BER G

“Les connaissances que j’ai acquises au cours de la formation sont un atout supplémentaire. Elles me permettent de détailler correctement les options au client.” © Frank Toussaint

Laurence Vanweyenberg, experte au sein du service Business & Wealth de Belfius

Une philanthropie adaptée au client Laurence Vanweyenberg, experte au sein du service Business & Wealth de Belfius, assiste ses clients dans la mise en œuvre de projets philanthropiques. La nature personnelle des conversations implique qu’elle entretienne une relation de confiance avec eux. Une formation de la PBA-B l’a aidée à maîtriser toutes les options juridiques qui s’offrent au client. La demande de projets philanthropiques s’est considérablement accrue ces dernières années, note Laurence Vanweyenberg. “Tout ce qui est durable ou lié à une bonne cause est de plus en plus apprécié.” L’experte aide ses clients à définir leurs besoins et leurs attentes, et les conseille pour la réalisation de leurs projets philanthropiques. “S’ils sont déjà activement impliqués dans une association, nous allons bien sûr intégrer cet élément dans leur projet et nous assurer que l’association soit présente dans l’équation.” Chez Belfius, la philanthropie est faite sur mesure: “Il n’y a pas deux cas identiques. Mon rôle de gestionnaire de relations pour la philanthropie sort du cadre habituel d’un banquier. Je n’ai pas à évoquer la performance ou le rendement du portefeuille. La relation avec le client est une relation de confiance et d’intimité, car nous abordons des sujets parfois très personnels.”

Trois catégories Laurence Vanweyenberg distingue trois types de profil. La première catégorie est constituée de personnes qui ont atteint un

certain âge et qui n’ont pas d’héritier direct. “Elles se posent beaucoup de questions sur leurs biens et ne savent pas toujours comment réaliser leurs souhaits. Nous discutons des possibilités, dont la philanthropie. Elles veulent donner un sens à leur patrimoine et savoir avant leur mort à quoi servira leur argent. Ce sont elles qui décident de son devenir mais le projet philanthropique n’est réalisé qu’après leur mort. Il s’agit donc de préparer leur décès.” Un deuxième groupe de clients est souvent plus jeune et peut avoir des héritiers. “Ce sont des personnes qui désirent consacrer, de leur vivant, une partie de leur patrimoine à la réalisation de projets bénéfiques pour le monde dans lequel elles vivent. Elles veulent être présentes lors de la concrétisation du projet et soutenir les thèmes qui leur tiennent à cœur.” La troisième catégorie regroupe les personnes qui rencontrent un problème particulier. Il s’agit souvent de parents d’un individu vulnérable qui s’inquiètent de ce qui se passera lorsqu’ils ne seront plus là. La philanthropie prend alors la forme d’un fonds nominatif dont le seul but est de veiller à son bien-être. “Grâce à une structure

spécifique, nous prévoyons un contrôle et une présence externes pour cette personne, de manière à rassurer ses parents avant leur décès.”

Atout supplémentaire Laurence Vanweyenberg a suivi la formation de le PBA-B. Celle-ci l’aide dans ses conversations avec les clients qui souhaitent préparer leur succession. “Je ne suis pas avocate. Pendant la formation, j’ai acquis beaucoup de connaissances sur ce qui est possible dans le domaine juridique. Qui hérite de qui? Quels sont les droits de chaque partie? Je fournis des informations aux clients et ne me préoccupe pas des besoins de planification – nous avons notre service de planification successorale pour cela – mais, sur un plan plus général, la formation s’avère un complément intéressant. Dans le cadre de mes conversations sur la philanthropie, cette connaissance est un atout de plus pour pouvoir détailler correctement et complètement les options qui se présentent au client. Ces connaissances me permettent de me sentir plus à l’aise dans les sujets abordés.”


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PAR OLE D’E X PER T - AL AIN VAN GEEL

La philanthropie

dans la succession et les donations La donation à une œuvre caritative peut s’organiser par le biais d’un legs en duo. L’avantage fiscal lié à cette forme de succession a hélas été supprimé l’année dernière en Flandre, même si, à titre de compensation, les dons aux associations caritatives sont désormais exonérés d’impôts. À Bruxelles et en Wallonie, les règles sont différentes.

“Le legs en duo est particulièrement intéressant pour les personnes qui n’ont pas de descendant direct mais qui ont des héritiers soumis aux taux élevés des droits de succession”, indique Alain Van Geel, du cabinet d’avocats Tiberghien. Au fil des ans, le legs en duo a été principalement employé à des fins d’optimisation fiscale. “Cette technique permettait de faire de la philanthropie, de favoriser des amis et des connaissances et tout à la fois d’optimiser fiscalement le patrimoine. L’œuvre de bienfaisance réglait les droits de succession de l’autre légataire. Et dans la mesure où elle était imposée à un taux plus faible (8,5%), il restait davantage de fonds pour l’autre légataire, qui était alors imposé à un taux maximal de 65%. L’association caritative en bénéficiait financièrement. C’était donc une situation gagnant-gagnant pour les deux légataires.”

Dans le cas du legs en duo, il y a deux légataires: l’un est un membre de la famille, un ami ou apparenté, l’autre une organisation caritative, par exemple une fondation ou une association sans but lucratif. Le grand avantage du legs en duo? Il réduit les droits de succession pour les parents survivants, tandis que l’organisation caritative bénéficie d’un soutien.

Dans la pratique, évidemment, les particuliers cherchaient à privilégier davantage les bénéficiaires que l’organisation caritative. Le gouvernement flamand y a vu une forme d’abus fiscal et décidé que les legs en duo perdraient leur avantage fiscal à compter du 1er juillet 2021. “Cette décision ne s’applique pas à Bruxelles et en Wallonie”, souligne Alain Van Geel. “Al-

L’avantage fiscal disparaît

lez donc expliquer aux gens qu’en Flandre, ils peuvent encore utiliser la technique du legs en duo mais qu’elle n’a plus aucun avantage fiscal, alors que dans le reste du pays, ce dernier continue d’exister! Même si c’est justifiable juridiquement, cela n’en reste pas moins difficile à défendre. Il en va de la crédibilité de nos politiques.”

Fin de la taxation Le gouvernement flamand a toutefois décidé que les héritages directs et donations à de bonnes causes ne seraient plus taxés. “Il fallait en effet compenser l’éventuelle perte de revenus de ces associations caritatives tout en encourageant la population à faire des dons”, éclaire Alain Van Geel, selon qui l’initiative est louable, d’autant qu’elle se limite aux institutions d’utilité publique et ne s’étend pas à toutes les fondations. “On regrettera seulement que la technique du legs en duo ait été sacrifiée. Il est évident que l’impact sera perceptible au niveau des associations.” Pour les legs aux ASBL et aux fondations privées également, les divergences sont grandes entre les régions, conclut l’expert: “En Flandre, le taux s’élève à 8,5%, contre 7% en Wallonie et 25% à Bruxelles. Des différences considérables.”

Alain Van Geel, associé au sein du cabinet d’avocats Tiberghien

© Frank Toussaint

“La suppression de l’avantage fiscal lié au legs en duo se justifie peut-être juridiquement. Elle n’en reste pas moins difficile à défendre.”


INVITATION

Nous avons le plaisir de vous inviter au 20e anniversaire de la PBA-B, que nous célébrerons le jeudi 21 avril 2022 à partir de 18h30 au château de Grand-Bigard. Cette soirée sera l’occasion pour nous de revenir sur ces 20 dernières années, de trinquer à l’avenir et de profiter du programme festif que nous vous avons concocté.

PROGRAMME 18h30 19h30 20h00 21h30 23h00 00h00

Réception de bienvenue Discours Cocktail dînatoire Concert de Coco Jr. & The All Stars Soirée animée par DJ Dimitri Wouters Fin

Merci de bien vouloir confirmer votre présence (réservée aux membres PBA-B) avant le 7 avril 2022 sur www.20yearspba-b.be à l’aide du code 20YPBAB. Vous trouverez de plus amples informations sur l’événement (lieu, parking, programme) sur le site internet qui lui est dédié.


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