Ambila avait la conviction de faire une bonne action en escortant l’instituteur à Moramanga. C’était l’occasion pour lui d’épurer une mystérieuse comptabilité de faits et de méfaits. En sus, il récupérait deux détonateurs à refourguer. Il serait toujours temps de larguer le Merina par la suite et de garder la 202 pour lui. La 202, les détonateurs et le chandail. De son côté, Tantely semblait soulagé. Il croisa les bras sur son ventre plein de gargouillis et ne souffla plus mot, conscient, probablement, de s’être honteusement soumis aux volontés du côtier. « Tu sais un peu te battre ? — Je ne sais pas. Je ne crois pas. Je n’ai jamais eu l’occasion. » Ils roulèrent en silence un long moment. À la fenêtre, le paysage changeait à une vitesse prodigieuse. Manjakandriana, Anjiro, Ankarefo… C’était comme une enfilade de formes géométriques fondues les unes dans les autres. Les rizières faisaient place à une végétation sèche, hérissée d’épineux. Les plaines jaunies et le fourrage donnaient au relief l’épaisseur crépitante d’un grossier manteau de bure. Bientôt la forêt de Mantadia dressa ses murailles d’eucalyptus et de ravenales le long d’un infini corridor, qu’un épais halo de poussière soulevé par la voiture refermait derrière eux. À l’entrée de la province de Tamatave, l’horizon s’ouvrit à nouveau. Ambila repéra quelque chose : « C’est pas vrai, regarde-moi ça… » 75