CHRISTIAN JUNGEN : « LE ZFF CROIT EN LA SUISSE ROMANDE»»
CÉCILE DE FRANCE
Albert Dupontel la réinvente dans « Second tour »
La vie secrète des profs
MARIE - LINE JUGE ET SON
Grève à Hollywood : Risques et effets secondaires
Depuis le mois de mai, les scénaristes et les auteurs du cinéma américains se sont mis en grève, bientôt rejoints par les acteurs et les actrices. Le fait que ces deux syndicats professionnels aient appelé au blocage rend les négociations encore plus compliquées. Et, du moins à l’heure où nous mettons sous presse, aucune issue ne semble se profiler.
Les conséquences, dramatiques, sont déjà perceptibles chez nous. Ainsi, des films comme le second volet de « Dune », « Deadpool 3 », « Gladiator 2 », « Avatar 3 » ou encore « SpiderMan 4 » ont dû être reportés. D’autres sortent bel et bien, mais sans leurs vedettes pour en assurer les projections de gala. C’est donc un redoutable défi pour les exploitants, pour les Festivals de cinéma et même pour nous, à « Film Guide », car nous vivons tous des nouvelles sorties et des avant-premières. Reste que, effet collatéral de cette mise à l’arrêt venue des USA, cette situation est également une chance pour les productions non américaines.
De faits, elles trouvent plus facilement le chemin des grands écrans et ont la possibilité d’y être diffusées plus longtemps. C’est ce que montrent les nombreuses et passionnantes nouveautés que nous vous présentons dans ce numéro. Et pour tous les films, la règle est la suivante : l’envie de les découvrir constitue le plus grand plaisir.
Bons divertissements à tous.
IMPRESSUM
Éditeur
Directeur de publication
Philipp Portmann
Philipp Portmann éditeur
4 — EN COUVERTURE
Cécile De France pour SECOND TOUR
7 — INTERVIEW
Catherine Deneuve pour BERNADETTE
8 — PORTRAIT
Tarek Boudali pour 3 JOURS MAX
9 — INTERVIEW
Louane Emera pour MARIE-LINE ET SON JUGE
11 — INTERVIEW
Thomas Lilti pour UN MÉTIER SÉRIEUX
12 — FILM GUIDE Les sorties du mois
15 — INTERVIEW Christian Jungen pour le ZURICH
FILM FESTIVAL
17 — PORTRAIT Hafsia Herzi pour LE RAVISSEMENT
18 — GROS PLAN THE OLD OAK
19 — INTERVIEW
Maxime Rappaz pour LAISSEZ-MOI
21 — ON RECOMMANDE ANSELM
22 — ON RECOMMANDE LE RÈGNE ANIMAL
23 — RENDEZ-VOUS Les événements cinéma en Suisse romande
23 — À SUIVRE… Dans notre prochain numéro
Chef de produit
Jean-Pierre Grey
Rédacteur en chef
Bernard Achour
Maquette
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Design & Layout
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SECOND TOUR
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Grâce à Albert Dupontel, la lumineuse Cécile
France revient enfin au premier plan dans « Second tour », une comédie politique aux petits oignons.
Elle le dit elle-même : « Je suis une actrice normale ». De sa vie tranquille à Namur aux feux de la rampe, c’est une trajectoire toute en candeur, en charisme et en liberté que Cécile de France a su dessiner.
ELLE ÉTAIT UNE FOIS
Fille de cafetiers namurois née en 1975, elle s’est passionnée pour le théâtre au cours de son adolescence avant de tenter sa chance à Paris pour amplifier et concrétiser sa vocation. Douche froide. Glacée, même. Elle travaille comme fille au pair dans le 16e arrondissement afin de payer ses cours : « Je me gavais de sucreries tellement ça me manquait de rentrer chez moi, en Belgique. Ça a été une période pénible. » Mais le super agent artistique Dominique Besnehard finit par la remarquer lors d’une pièce de fin d’année. « Il m’a fait entrer chez Artmedia et m’a présenté à beaucoup de réalisateurs », se souvient-elle.
AVÉ CÉSAR
Au lieu de la figuration prévue, Cécile de France finit par décrocher la tête d’affiche féminine de « L’Art (délicat) de la séduction » en 2001, une comédie sentimentale signée Richard Berry. L’Hexagone découvre alors la jeune expatriée. L’année suivante, elle participe à un immense succès générationnel avec « L’Auberge espagnole » de Cédric Klapisch dans lequel elle campe Isabelle, l’amie lesbienne du garçon incarné par Romain Duris. « Jouer une homosexuelle, je trouve ça beaucoup plus excitant que de jouer une hétéro », s’enthousiasme-t-elle en interview, peu avant de décrocher le César du meilleur espoir. Ce nouveau visage apparaît dès lors dans plusieurs film par an : « À+ Pollux », « Moi César, 10 ½, 1m39 », le gore « Haute tension », le raté « La Confiance règne »… Des choix hétéroclites, inclassables. « Tous les projets où je m’investis, c’est pour mettre
De
la barre encore plus haut, m’offrir de petits challenges », se justifie-t-elle.
L’EXPÉRIENCE AMÉRICAINE
En quête de diversité, elle se retrouve à jouer les bourlingueuses en corset dans une médiocre resucée hollywoodienne du « Tour du monde en 80 jours » qui la fait au moins connaître outre-Atlantique. En 2005, elle reprend son rôle d’Isabelle dans « Les Poupées russes », qui lui vaut cette fois le César de du second rôle, apparaît dans la comédie musicale « J’aurais voulu être un danseur », connaît un beau succès populaire avec « Fauteuils d’orchestre », double un des personnages de « Cars » des studios Pixar… « Je veux que les cinéastes puissent m’imaginer dans n’importe quel rôle, insiste-t-elle. La transgressive, la fille sympa, la méchante… » Au milieu des années 2000, les succès, liés à des films de haute qualité et à des choix intelligents, s’enchaînent. Le tendre « Quand j’étais
chanteur », « Un Secret », « L’Instinct de mort ». Parallèlement, elle apparaît dans des films plus intimistes ou jouant sur la controverse : la torture en Algérie (« Mon colonel ») ou le mariage mixte (« Mauvaise foi »). En 2009, elle campe le personnage de Sœur Sourire dans un biopic risqué mais plutôt bien accueilli, puis retourne à Hollywood tourner « Au-delà » sous la direction de Clint Eastwood un film-catastrophe au parfum de fantastique, pas le meilleur de son auteur, hélas.
AU FIL DES RÔLES
« Je n’exerce pas ce métier pour défendre les droits de qui que ce soit. » C’est donc en femme libre que Cécile de France détermine ses rôles. Tragique chez les frères Dardenne (« Le Gamin au vélo »), manipulatrice chez Giannoli (« Superstar »), désirable et mystérieuse chez Éric Rochant (« Möbius »)… Après un nouveau passage réussi chez Cédric Klapisch pour « Casse-tête chinois »,
elle tourne pour la première fois avec Albert Dupontel le drame « En équilibre » avant de jouer une prof amoureuse d’une jeune agricultrice sur fond de contestation seventies dans « La Belle saison ». Puis son rythme semble se ralentir. Les films sont là mais, hormis le sophistiqué « Mademoiselle de Joncquières » qui lui vaut en 2019 une nomination au César de la meilleure actrice et quelques superbes seconds rôles (« Illusions perdues », « De son vivant »), pas plus « Django » que « Rebelles », « Un Monde plus grand » ou sa micro-apparition dans « The French Dispatch » de Wes Anderson ne parviennent à renouer son lien avec le public. La preuve : l’audacieux « La Passagère », où elle succombait à son désir pour un adolescent, est injustement passé inaperçu.
RETOUR EN FORCE
Sans aller jusqu’à dire qu’il la « ressuscite », Albert Dupontel la retrouve aujourd’hui dans
« Second tour » pour lui offrir son rôle le plus susceptible de lui permettre de retrouver les faveurs du grand public depuis « Cassetête chinois ». Amoureux des actrices, il ne faut pas oublier qu’il avait conduit Sandrine Kiberlain vers le César grâce à « Enfermés dehors » et que Virginie Efira avait été la lumière de son multi-récompensé « Adieu les cons ». Dans son nouveau film, qu’il définit lui-même comme « une fable politique avec une dimension de thriller » et où il entend évoquer « ces gens qui nous gouvernent et qui sont incapables de reconnaître leurs erreurs », Cécile de France devient ainsi une journaliste d’investigation chargée de suivre un candidat l’élection présidentielle au fil de sa campagne. Un retour en force qui rappelle à quel point, dans l’humour comme dans le drame, elle nous avait manqué en tête d’affiche.
SECOND TOUR
En salle le 25 octobre
« QUOI ? BERNADETTE CHIRAC ?
Pour
Vous, dans ce rôle ?
Catherine Deneuve : Vous avez raison. Ma première réaction a été : « Quoi ? Bernadette Chirac ressent pas.
Qu’est-ce qui vous a fait changer d’avis ?
Le scénario de Léa Domenach et Clémence formidable, très bien écrit, très drôle Léa, qui m’a tout de suite fait comprendre qu’il ne s’agissait ni d’une adaptation précise ni de véritablement res sembler à Bernadette Chirac, juste d’être dans l’esprit du personnage. Cette lecture et cette rencontre ont changé les choses.
Vous n’avez jamais caché vos pen chants politiques…
Là, c’est différent. C’est véritable ment l’envie de faire une comédie, même si, par moments, le film n’est pas exempt de certaines piques.
La comédie est un genre que vous aimez particulièrement.
C’est aussi celui qui demande le plus de travail et de rigueur. Il y en a peu de bien écrites. Le casting joue aussi un rôle énorme. Il faut des acteurs qui aient un sens aigu du rythme.
Quelle image aviezvous des époux Chirac, et de Bernadette en particulier ?
Je connaissais comme tout le monde son sens politique,
je le savais peu écoutée par son mari, presque mise à l’écart par le « couple » qu’il formait avec sa fille Claude. Tout cela a considérablement changé à partir de l’opération des Pièces Jaunes qu’elle a lancée. Et il y a eu évidemment ce livre, », avec le journaliste Patrick de Carolis, en 2001, qui a connu un succès médiatique et lui a conféré une nouvelle position. Elle est devenue quelqu’un. Elle n’était plus
Dans le film, elle devient même carrément féministe…
! Elle passe d’un discours qui consiste à dire à son conseiller qu’avant de prendre toute initiative, elle doit demander la permission à son mari, à une liberté d’action extrêmement grande. Ce faisant, elle prend sa revanche et trouve
Domenach dit que vous avez réussi à créer un troisième personnage à mi-chemin entre Bernadette Chirac et vous. Comment prépare-t-on
J’avais lu le livre de Bernadette Chirac, mais ce qui comptait avant tout pour moi était le point de vue de Léa. Cela s’est passé simplement. Nous avons fait des lectures, nous nous sommes vues, revues… Il n’y a aucun problème quand on est en confiance avec quelqu’un.
BERNADETTE
En salle le 4 octobre
son grand retour à la comédie, Catherine Deneuve se glisse avec jubilation dans la peau d'une première dame dans BERNADETTE.
3 JOURS MAX
TAREK BOUDALI
Pilier de l’inénarrable « Bande à Fifi », Tarek Boudali déchaîne sa passion pour la comédie et l’action tous azimuts dans 3 JOURS MAX.
Ceux, et ils sont des millions, qui ont regardé à la télévision les multiples bêtisiers de fin d’année n’ont pu passer à côté de la séquence bidonnante où il imite un vélociraptor et une baleine devant une journaliste littéralement pliée en quatre, déclinaison de facéties déjà rodées sur divers tapis rouges. Troisième membre de la « Bande à Fifi », après Philippe Lacheau (« Alibi.com ») et Rheem Kerici (« Jour J »), à passer derrière la caméra, Tarek Boudali n’a pas mis bien longtemps à trouver sa voie.
TOUT PETIT, DÉJÀ
« Faire rire les gens, c’est ce qui me plaît depuis tout petit », dit-il. D’origine marocaine mais né en France en 1979, c’est en passant son BTS Force de vente qu’il croise Julien Arruti, ami d’un groupe d’humoristes débutants :
« On avait la même forme d’humour, on se filmait entre nous en faisant des petits sketches qu’on envoyait aux chaînes de télé et aux boîtes de production en espérant être repérés. » De ses débuts au théâtre en 2008 avec la désormais « Bande à Fifi » dans « Qui a tué le mort ? » en passant des pastilles sur Canal+, la série estivale de M6
« En famille » et les délires de « Paris à tout prix » ou des deux « Babysitting », il était logique qu’il suive le chemin de ses camarades en tournant dès 2017 son propre film
« Épouse-moi mon pote » qui réunira le nombre considérable de 2,5 millions de spectateurs. Ce qui ne l’empêchera pas de continuer à faire se gondoler le public chez les autres, comme en témoignent « Nicky Larson et le parfum de Cupidon », « Brillantissime », « Super-héros malgré lui », « Menteur » ou encore le récent « Alibi.com 2 ».
ACTION !
Trois ans après le succès de sa deuxième comédie « 30 jours max », il en prolonge aujourd’hui le concept avec… « 3 jours max », où son personnage de flic maladroit n’a que soixante-douze heures pour libérer sa grand-mère kidnappée par un cartel mexicain. Action kamikaze façon « Mission : Impossible », clins d’œil à « Taken » (le héros s’approprie la réplique culte de Liam Neeson « Je vous chercherai, je vous trouverai et je vous tuerai ! »), humour et délire à tous les étages… Il n’y a donc aucune raison de bouder son plaisir.
« Plus tard, j’aimerais bien faire des choses plus dramatiques », confie néanmoins Tarek Boudali. Quelque chose nous dit que ce changement de registre pourrait être vraiment intéressant.
LOUANE EMERA
Hier César du meilleur espoir pour « La Famille Bélier », Louane Emera transforme enfin l’essai grâce à MARIE-LINE ET SON JUGE.
Que vous a inspiré le scénario à la lecture ?
Louane Emera : Je l’ai aimé à l’affect, sans rien connaître du travail de Jean-Pierre Améris. Puis je l’ai rencontré et il y a eu une évidence. L’entente était là, immédiate, et j’ai eu hâte de tourner le film.
Comment d é cririez-vous Marie-Line, votre personnage ?
J’ai tout de suite aimé son côté « ingénue » et la maturité qu’elle acquiert au fil du film. C’est un personnage paradoxal. Elle est à la fois légère et profonde, drôle et émouvante, capable de plein de choses, mais dans l’inconscience de ses capacités. Elle est dans une dualité constante, jusqu’à ce qu’à la fin, elle s’ cette dualité m’a donn rôles à l’intérieur d’un seul. Marie-Line ne conna capacités, elle n’a pas eu beaucoup de chance dans la vie, et cette rencontre avec ce juge va tout changer. Il va deve nir pour elle comme un p changer le regard qu’elle porte sur elle-m considérer autrement.
C’est une histoire d’
Oui, elle s’émancipe de ce qu’elle se croyait condamn être pour s’autoriser
Le film montre que ce qui est au d devenir un moteur formidable. Qu’importe d’o volonté fait qu’on peut accomplir de grandes choses.
Vous étiez intimid
Bien sûr ! Il est quand m début, je m’étais fix Mich » avant la fin du tournage.
Et au bout d’un mois, tout le plateau l’appelait comme Michel Blanc, c’est le mec le plus cool de la terre. Il est telle ment gentil, tellement dr que l’on pense. Et c’est un monstre d’acteur. Sur « Bélier », je n’avais pas vraiment conscience de ce qu’est le
« Ce qui est au départ un handicap peut devenir un moteur formidable. »
RÉALISATION KEN LOACH
SCÉNARIO PAUL LAVERTY
DÈS LE 25 OCTOBRE AU CINÉMA
Le nouveau film de KEN LOACH (« I, Daniel Blake », « Sorry we missed you », « La part des anges ») TJ Ballantyne est le propriétaire du « Old Oak », un pub situé dans une petite bourgade du nord de l’Angle terre.
Il y sert quotidiennement les mêmes habitués désœuvrés pour qui l’en droit est devenu le dernier lieu où se retrouver. L’arrivée de réfugiés syriens va créer des tensions dans le village. TJ va cependant se lier d’amitié avec Yara, une jeune migrante passionnée par la photographie. Ensemble, ils vont tenter de redonner vie à la communauté locale en développant une cantine pour les plus démunis, quelles que soient leurs origines.
Trailer et infos
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THOMAS LILTI
Ex-champion du « cinéma médical », Thomas aujourd’hui avec les enseignants d’UN MÉTIER SÉRIEUX.
Après « Hippocrate », la série homonyme, « Médecin de campagne » et « Première année », vous vous éloignez aujourd’hui du monde médical avec « Un Métier sérieux »…
Thomas Lilti : Mes trois derniers films ont formé presque malgré moi une forme de trilogie et je savais que mon retour au cinéma se ferait autour d’un autre univers que la médecine. Mais « Un Métier sérieux » est aussi un film de groupe, narrativement un peu éclaté, qui ressemble à mes précédents longs métrages car j’aborde une fois encore la fiction par le réel. Mais aussi et surtout par ma volonté de continuer à interroger la question de l’engagement à travers un métier. L’engagement des soignants a été au cœur de mon travail depuis plus de dix ans, et j’ai voulu m’intéresser aux enseignants. Comment trouver du sens dans l’exercice d’une profession de plus en plus décriée, paupérisée, déclassée ? Raconter la vie d’un groupe de professeurs dans un collège s’est alors imposé à moi avec le désir de les observer pour mieux comprendre ce qui fait le sel de leur profession.
Le scénario était-il motivé par l’envie de réhabiliter les professeurs ?
J’ai dans ma famille de nombreux enseignants, dont ma mère qui était professeure de français, et j’admirais l’investissement
que cela représentait. Au-delà de son engagement, j’ai pu sentir ce que l’école était pour elle, comme pour beaucoup de femmes au cœur des années 80, un lieu d’émancipation. L’idée n’est pas de dire que les profs sont des héros mais qu’il faut prendre soin d’eux et que l’Éducation Nationale est un bien précieux. Je voulais montrer au sein de cette grosse machine des hommes et des femmes dont le désir d’être prof révèle un goût de l’autre, une conscience de la collectivité, de l’importance de l’école pour nourrir le lien social et transmettre des valeurs. Aujourd’hui, mes personnages ne font pas exception à la règle : comme dans tous les métiers d’intérêt général, ils sont confrontés à des dysfonctionnements, à la violence de la société, mais aussi à leurs propres contradictions, impossibilités, impuissance ou à des courants contraires qui les amènent à échouer dans leur tâche.
En ouvrant la porte de la salle des profs, l’idée du film était-elle aussi de nous faire pénétrer un monde interdit ?
C’était en effet l’un de mes plaisirs car j’ai toujours été fasciné par la salle des profs. Quand j’étais gamin et que ma mère m’en parlait, ça piquait ma curiosité. Étaient-ils en coulisses comme nous les percevions en classe ? Le prof sévère devenait-il soudainement décontracté ? Y avait-il des amitiés ? Des histoires d’amour ? Des rivalités ? En tant qu’élève, on ne connaît rien de la vie intime de nos professeurs. On ignore jusqu’à leur prénom. Peut-être que c’est cette curiosité qui m’a poussé à faire ce film. D’ailleurs, ma toute première idée était de parler des enseignants d’un collège sans jamais montrer les élèves, mais c’était trop théorique. J’ai vite compris qu’on ne pouvait pas accéder à l’intimité de nos professeurs en faisant abstraction de l’essentiel de leur métier : le lien à leur classe, à leurs élèves.
« L’idée n’est pas de dire que les profs sont des héros mais qu’il faut prendre soin d’eux. »
OCTOBRE 2023
MOMENTUM DE Edwin Charmillot AVEC Sarah Bramms, Stéphane Monpetit, Robert Szuplewski GENRE Drame, 1 H 04
DISTRIBUTEUR Sister
BRAINWASHED –SEX CAMERA POWER DE Nina Menkes GENRE Documentaire, 1 H 47
DISTRIBUTEUR Cinémathèque
Agora
UN MÉTIER SÉRIEUX DE Thomas Lilti AVEC Vincent Lacoste, François Cluzet, Adèle Exarchopoulos GENRE Comédie dramatique, 1 H 41
DISTRIBUTEUR Filmcoopi
BEYOND TRADITION DE Lea Hagmann, Rahel von Gunten GENRE Documentaire, 1 H 42
ExtraMilefi lms
MARIE-LINE
LE CORBUSIER À CHANDIGARH –LA FORCE DE L’UTOPIE DE Karin Bucher, Thomas Karrer GENRE Documentaire, 1 H 24 DISTRIBUTEUR Cineworx
LE RÈGNE ANIMAL DE Thomas Cailley AVEC Romain Duris, Paul Kircher, Adèle Exarchopoulos GENRE Fantastique, 2 H 08
BERNADETTE DE Léa Domenach AVEC Catherine Deneuve, Denis Podalydès, Michel Vuillermoz GENRE Comédie, 1 H 32
DISTRIBUTEUR Pathé
LE PROCÈS GOLDMAN DE Cédric Kahn AVEC Arieh Worthalter, Arthur Harari, Jerey Lewin GENRE Drame, 1 H 56
DISTRIBUTEUR Adok Films
NO FEAR
–
IGOR LEVITT
DE Regina Schilling GENRE Documentaire, 1 H 58
DISTRIBUTEUR Vinca Film
3 JOURS MAX
DE Tarek Boudali AVEC Tarek Boudali, Philippe Lacheau, Julien Arruti GENRE Comédie, 1 H 30
25 OCTOBRE
LA FIANCÉE DU POÈTE
DE Yolande Moreau AVEC Yolande Moreau, Sergi Lopez, Grégory Gadebois GENRE Comédie dramatique, 1 H 43
DISTRIBUTEUR Agora
DISTRIBUTEUR Frenetic
WOMEN
BIG LITTLE
DE Joseph Chen-Chieh Hsu AVEC Ch’en Shu-fang, Yin-Hsuan Hsieh, Vivian Hsu GENRE Drame, 2 H 03
DISTRIBUTEUR First Hand Film
NYAD
THE OLD OAK DE Ken Loach AVEC Dave Turner, Ebla Mari, Trevor Fox GENRE Drame, 1 H 53
DISTRIBUTEUR Filmcoopi
Toutes les données sont fournies sans garantie.
Situation au moment de la clôture de la rédaction.
ANSELM –LE BRUIT DU TEMPS DE Wim Wenders GENRE Documentaire, 1 H 33
DISTRIBUTEUR DCM Film
KILLERS OF THE FLOWER MOON
BAND
TROLLS
TOGETHER DE Tim Heitz, Walt Dohm GENRE Animation, 1 H 38
DISTRIBUTEUR Universal
LAISSEZ-MOI DE Maxime Rappaz AVEC Jeanne Balibar, Thomas Sarbacher, Pierre-Antoine Dubey GENRE Drame, 1 H 32
DISTRIBUTEUR Frenetic
SECOND TOUR DE Albert Dupontel AVEC Cécile de France, Alberty Dupontel, Nicolas Marié GENRE Comédie, 1 H 35
DISTRIBUTEUR Pathé
DE Elizabeth Chai Vasarhelyi, Jimm Chin AVEC Annette Bening, Jodie Foster, Rhys Ifans GENRE Drame, 2 H 01
DISTRIBUTEUR Ascot Elite
THE KILLER DE David Fincher AVEC Michael Fassbender, Tilda Swinton, Monique Ganderton GENRE Thriller, 1 H 53
DISTRIBUTEUR Ascot Elite
SAW X DE Kevin Greutert AVEC Tobin Bell, Shawnee Smith, Steven Brand GENRE Horreur, 1 H 58
DISTRIBUTEUR Ascot Elite
DE Martin Scorsese AVEC Leonardo DiCaprio, Robert De Niro, Lily Gladstone
GENRE Drame, 3 H 26
DISTRIBUTEUR Warner
JANUS
DE Claude Stadelmann GENRE Documentaire, 1 H 12
DISTRIBUTEUR Producer
THE POD GENERATION
DE Sophie Barthes AVEC Emilia Clarke, Chiwetel Ejiofor, Vinette Robinson GENRE Comedie, 1 H 49
DISTRIBUTEUR Ascot Elite
Votre mensuel du cinéma
« LE ZFF EST UNE FÊTE POUR TOUS LES SPECTATEURS.
Directeur artistique du Zurich Film Festival, Christian Jungen nous parle de son passé, de son présent… Et de ses alléchantes particularités.
Quand et pourquoi le Zurich Film Festival a-t-il été créé ?
Christian Jungen : Il a été fondé en 2005 par Nadia Schildknecht et Karl Spoerri. Avec davantage de salles que Paris ou New York pour cent mille habitants, ils se sont dit que Zurich était une vraie ville de cinéma qui méritait d’avoir son événement annuel. Certaines voix se sont élevées en prétextant qu’avec Locarno et Soleure, le pays n’avait pas besoin d’un rendez-vous supplémentaire… Résultat : le ZFF est devenue ces dernières années le premier festival suisse en termes d’entrées.
Qu’est-ce qui constitue son identité ?
Déjà, sa compétition ne propose que des premiers, deuxièmes et troisièmes films. Ensuite, je dirais que Hollywood représente une partie non négligeable de son ADN. À une époque où une certaine critique ne jure que par les œuvres d’auteurs que personne ne va voir, nous nous faisons un point d’honneur à clamer notre amour pour le cinéma américain et ses vedettes. Par exemple, nous avons réussi à présenter en quasi-première mondiale, un quart d’heure après la projection de gala à Londres, le James Bond « Mourir peut attendre », dont le réalisateur Cary Joji
Fukunaga avait montré son premier film « Sin Nombre » à Zurich. Après, il privilégie un cinéma qui raconte des histoires, un cinéma destiné à tous, par rapport à des films axés sur le style ou l’expérimentation. Enfin, le ZFF accorde une importance exceptionnelle à la proximité avec le public : toutes les projections lui sont ouvertes, il y a des master-classes de réalisateurs auxquelles chacun peut assister, et il est même possible de faire des selfies avec ses stars préférées ! C’est une vraie fête pour tous les spectateurs.
Entre la Suisse et l’international, comment se répartit sa fréquentation ?
La moitié des festivaliers vient de Zurich, un tiers des autres cantons. Le reste se divise entre l’Allemagne du sud, un peu la France et quelques autres pays. Mais le ZFF croit beaucoup en la Suisse romande. Quand je suis arrivé en 2019 à mon poste de Directeur artistique, seulement 0,8 % des billets étaient vendus en Romandie ; aujourd’hui, grâce à diverses initiatives que j’ai prises, on en est à plus de 4 %, et j’espère que le ratio continuera d’augmenter. C’est bien sûr un hasard, mais ces deux dernières années, ce sont des films romands, « Cascadeuses » et « La Mif », qui
ont triomphé. Et « Foudre », qui représentera la Suisse aux prochains Oscars, faisait partie de la compétition 2022.
Comment se présente l’édition 2023 ? Outre les sections habituelles, des personnalités venues avec leurs derniers films seront honorées : Jessica Chastain recevra le Golden Icon Award, Todd Haynes le Tribute Award, Diane Kruger un Œil d’Or… Sans oublier Ethan Hawke, Mads Mikkelsen et Roman Polanski qui accompagneront « Wildcat », « The Promised Land » et « The Palace ».
Donnez-trois raisons à un cinéphile suisse romand de se rendre au Zurich Film Festival…
Un : il pourra s’y régaler de titres qu’on retrouvera aux Oscars comme « Poor Things » avec Emma Stone ou « Maestro » de Bradley Cooper. Deux : il aura l’occasion d’y croiser cent réalisateurs venus présenter leurs œuvres. Et trois : un tiers de la sélection étant des premiers films, il découvrira les grands noms de demain.
19e ZFF
Du 28 septembre au 8 octobre
« Fascinant et envoûtant. »
Tribune de Genève « Juste et sensible. »
Le Temps
« Magnifiquement incarné par Jeanne Balibar. »
Le Matin Dimanche
HAFSIA HERZI
Réalisatrice prometteuse, actrice confirmée, Hafsia Herzi trouve un de ses plus beaux rôles dans LE RAVISSEMENT.
Quand elle est apparue en 2007 dans « La Graine et le mulet », une bourrasque de fraîcheur, de nouveauté et de talent telle que le cinéma français n’en avait pas connu depuis la révélation de Sandrine Bonnaire dans « À nos amours » s’est soudain mise à souffler. Au terme de ce film splendide, couronné par une exténuante et anthologique danse du ventre de vingt-cinq minutes, personne ne songea à nier l’évidence : cette inconnue de 20 ans venue de nulle part sera là pour longtemps. Prix Marcello Mastroianni du meilleur jeune acteur à l’unanimité au Festival de Venise (récompense extrêmement convoitée décernée sans distinction de sexe à un seul lauréat), César de l’espoir féminin quelques mois plus tard, Hafsia Herzi a tenu toutes ses promesses à sa façon.
GRAINE DE STAR
Pour un peu, on l’aurait découverte dans « Plus belle la vie ». « Comme à peu près tous les jeunes Marseillais, aspirants acteurs ou non, j’ai passé une audition et on ne m’a pas retenue », dit-elle. Puis elle ajoute : « Tant mieux ! » Née en 1987 à Manosque d’un père tunisien et d’une mère algérienne, cadette d’une fratrie de six élevée dans la Cité phocéenne, elle a atteint le plus classiquement du monde son objectif d’enfance de devenir actrice : « Je me suis incrustée dans des figurations, j’ai été prise pour quelques téléfilms, puis une directrice de casting à qui j’avais comme à beaucoup d’autres envoyé des photos m’a rappelée. » Retenue pour La Graine et le
mulet, elle interrompra ses études de droit entamées un an plus tôt pour se consacrer au tournage exténuant qui fera d’emblée d’elle une grande actrice.
SUR TOUS LES FRONTS
Depuis, sa filmographie parle d’elle-même. Œuvres confidentielles (« Française Roi de l’évasion », « Les Secrets « Jimmy Rivière »), univers auteurs (« femmes », « L’Apollonide », « hommes », « Mektoub my Love accessibles (« La Marche », « « La Gravité »)… Exigeante, farouchement indé pendante, elle affirme : « Dépendre unique ment du désir des autres, ce n’est pas mon caractère. » D’où son double et très remarqué passage à la mise en scène avec « Tu mérites un amour mère » en 2021, tous deux sélectionnés à Cannes.
Dans « Le Ravissement », stupéfiant thriller social également présenté sur la Croisette en mai dernier, elle incarne une sage-femme dont la vie bascule jusqu’au point de non-retour. « J’ai tout de suite été en profonde empathie avec mon personnage », dit-elle. « Si elle s’enferme dans le mensonge, c’est pour échapper à la soli tude. » Un rôle périlleux où elle confirme son goût du risque et son immense talent.
LE RAVISSEMENT
En salle le 11 octobre
« Dépendre uniquement du désir des autres, ce n'est pas mon caractère. »
FESTIVAL DE KEN
Vétéran du cinéma engagé en général et de la compétition cannoise en particulier, Ken Loach livre avec THE OLD OAK un chant du cygne gorgé de colère et d'humanité.
En 2014, c’était quasiment officiel : « Jimmy’s Hall » serait son dernier film. « Je suis vieux, le cinéma change, j’ai le sentiment d’avoir fait le tour de ce que j’avais à dire », avait alors déclaré Ken Loach peu avant que le Festival de Cannes ne lui offre les honneurs d’une sélection aux allures de lecture à la fois allègre, reconnaissante et émue d’un testament à vingt-quatre images/seconde. Et puis non. En 2016, il est revenu sur la Croisette pour y décrocher sa seconde Palme d’Or avec « Moi, Daniel Blake ». Quatre ans plus tard, un de ses plus grands accomplissements (hélas sous-estimé), « Sorry we missed you », se frayait encore le chemin de la compétition. « Que voulez-vous, s’excusa alors l’incontesté maître britannique du cinéma social. Tant que le monde n’ira pas mieux, je serai incapable de me taire. » D’où la nécessité qu’il a ressentie à 87 ans de faire une fois de plus entendre sa voix à travers « The Old Oak ».
PEUPLE FICTION
Comme toujours, c’est vers des citoyens on ne peut plus ordinaires qu’il tourne sa caméra. En l’occurrence les habitants d’un petit village qui voient débarquer à l’improviste un autocar de réfugiés syriens. Tout le monde est surpris, certains s’insurgent d’emblée contre la présence de ces « étrangers », d’autres se montrent plus accueillants… Puis il y a TJ Ballantyne, propriétaire de l’unique
pub de la bourgade, qui décide de prendre fait et cause pour eux tout en observant ses plus fidèles clients et « amis » se révéler d’odieux racistes face à ce qui représente à leurs yeux rien de moins qu’une invasion.
CE N'EST QU'UN AU REVOIR
Dynamisée par le génie inimitable du réalisateur pour rendre immédiatement crédibles aussi bien les individus que leur environnement et par l’écriture toujours aussi percutante de son scénariste attitré Paul Laverty, voici donc une chronique aussi rageuse que mobilisatrice sur la bassesse et la grandeur de la nature humaine, doublée d’un état des lieux de notre époque troublée dont le salut dépend de notre aptitude ou de notre refus à accepter l’autre.
Si « The Old Oak » devait ce coup-ci s’avérer son ultime opus, Ken Loach nous laisse en héritage l’espoir peut-être utopique d’un monde où il fera un jour bon vivre. À condition que nous mettions tout en œuvre pour y parvenir.
MAXIME RAPPAZ
Dans un environnement naturel somptueux, le Genevois Maxime Rappaz offre un très grand rôle à Jeanne Balibar.
Présentez-nous votre film…
Maxime Rappaz : La figure maternelle a depuis toujours nourri mon désir de narration et il était évident dès le commencement que le personnage principal de « Laissez-moi » serait une mère. Je désirais faire le portrait d’une femme à ce tournant de l’existence où le temps qui reste à vivre est plus court que celui déjà vécu. C’est donc le récit d’émancipation d’une mère dévouée, d’une amante exigeante, d’une amoureuse inspirée, d’une femme qui nous emmène le temps d’un été dans son monde. Un monde romanesque situé entre vallées et montagnes
Pourquoi avoir choisi cet environnement géographique ?
J’ai cherché à composer une topographie entre un haut et un bas pour rendre compte en images de la double vie menée par le personnage de Claudine. D’un côté, son quotidien dans la vallée avec son fils et son travail de couturière et de l’autre, les parenthèses qu’elle s’octroie en montagne où elle agit en femme plus indépendante.
Comment avez-vous construit le personnage du fils handicapé avec lequel Claudine entretient un lien très puissant ?
Je me suis tout d’abord beaucoup
questionné sur le principe de faire jouer à un acteur valide un tel rôle. J’avais en tous les cas très envie de travailler avec l’acteur suisse Pierre-Antoine Dubey que j’avais déjà fait jouer dans mon court métrage Tendresse. Nous avons rencontré des spécialistes, et il s’est immergé dans un centre pour personnes en situation de handicap. Nous avons beaucoup répété pour donner à ce personnage une présence forte et vraisemblable et pour éviter l’écueil de toute simplification qui aurait pu être caricaturale. Ce personnage permet de signifier son entière dépendance de sa mère.
Pourquoi le choix de Jeanne Balibar pour le rôle de Claudine ?
J’avais déjà pensé à elle pour mon dernier court métrage, déjà séduit par son allure,
sa distinction, sa diction à nulles autres pareilles. Je lui ai demandé de lire le scénario de « Laissez-moi », qui l’a convaincu. Je cherchais une femme qui puisse jouer un rôle de mère, d’amante, d’amoureuse. Qui sache jouer sur plusieurs registres, celui du quotidien, la couture, son fils, et celui des échappées en hauteur où elle se manifeste en femme plus expansive lorsqu’elle provoque des rencontres avec des inconnus à l’hôtel. Une femme élégante et mystérieuse dont se dégage une espèce de mélancolie simplement émouvante. La force d’interprétation de Jeanne Balibar a apporté une richesse déterminante de nuances et d’ambivalences.
LAISSEZ-MOI
En salle le 25 octobre
« J'ai voulu brosser le portrait d’une femme pour laquelle le temps qui reste à vivre est plus court que celui déjà vécu »
ANSELM ‒ LE BRUIT DU TEMPS
UN SOMMET DE BEAUTÉ
C'est dans une 3D absolument sublime que Wim Wenders nous propose avec ANSELM de découvrir l'œuvre d'un artiste majeur.
Il est possible que le nom d’Anselm Kiefer vous soit totalement étranger, et c’était le cas pour nous avant de le découvrir grâce au film que lui consacre aujourd’hui Wim Wenders. Plasticien allemand dont les œuvres s’arrachent à prix d’or, il est un véritable totem de l’art contemporain grâce à ses peintures, à ses collages (sur toile comme sur bois) et surtout à ses indescriptibles sculptures monumentales où le plomb occupe une place décisive. Voilà pour les présentations. À partir de là, et on pèse nos mots, bienvenue dans une expérience sensorielle parmi les plus mémorables de l’histoire du cinéma.
PLEIN LES YEUX
Il y a une douzaine d’années, Wim Wenders avait déjà convoqué la 3D pour orchestrer « Pina », son fabuleux documentaire sur l’immense chorégraphe et danseuse
germanique Pina Bausch. Le plus souvent utilisé à des fins « gadgets » dans des blockbusters ou des films d’animation au montage épileptique, le procédé y trouvait une justification immersive, fascinante et poétique qu’à notre connaissance il n’avait encore jamais approchée Dans « Anselm », on peut affirmer sans crainte de se tromper que le relief atteint d’insurpassables sommets de splendeur tant chaque image, chaque mouvement de caméra, chaque effet de couleur ou de lumière impose naturellement d’être contemplé jusqu’à l’hypnose dans toutes ses dimensions, dans toutes ses textures, dans toutes ses perspectives.
EN IMMERSION
Un arbre, l’intérieur d’un manoir, des tableaux, des paysages, l’atelier où travaille l’artiste, les objets majoritairement
colossaux qu’il élabore sous nos yeux, mais aussi ses poupées, ses maquettes… Tout est filmé, cadré, éclairé pour donner au regard le temps de l’assimiler, de l’admirer, de l’explorer, de le ressentir. Au point que les expressions « toucher des yeux » ou « caresser du regard » semblent avoir été inventées pour cette seule occasion.
Couplé à l’émotion générée par le sens profond des créations d’Anselm Kiefer, l’impact purement esthétique du film n’est pas loin de provoquer ce que les spécialistes appellent « le syndrome de Stendhal » : le vertige qui fait vaciller le corps au contact de la beauté.
ANSELM – LE BRUIT DU TEMPS
En salle le 19 octobre
LE RÈGNE ANIMAL
MAD IN FRANCE
D’un côté : des effets spéciaux, des séquences d’action et une maestria technique directement hérités du savoir-faire hollywoodien. De l’autre : un scénario, des personnages, une direction d’acteurs et une sensibilité propres au meilleur du cinéma français. Improbable sur le papier, la fusion de ces deux extrêmes débouche pourtant sur un grand spectacle unique en son genre, dont l’ambition revendiquée joue et gagne sur tous les tableaux.
CAVALE SANS ISSUE
Dans un futur indéterminé, le monde est en proie à une inexplicable vague de mutations qui transforment certains humains en animaux que les autorités sont chargées de repérer, de traquer et de neutraliser pour les empêcher de nuire. À partir de là, le scénario se concentre sur la cavale éperdue d’un homme (Romain Duris) dont l’épouse a subi une métamorphose définitive tandis que son jeune fils (Paul Kircher) présente à son tour les premiers signes d’une irréversible métamorphose. Entre des séquences de pure panique où les créatures nouvellement formées semblent aussi terrorisées que la population non-infectée, la relation de plus en plus intense qui unit les deux fuyards et les cauchemardesques signaux d’alarme qui commencent à ronger le corps de l’adolescent, il y a de quoi être ébloui, happé, surexcité,
choqué, ému (parfois les cinq en même temps) de la première à la dernière scène.
UN MIRACLE
Il y a donc de quoi crier au miracle devant la manière dont le réalisateur Thomas Cailley, par ailleurs formidable directeur d’acteurs (ce que fait ici Paul Kircher mérite haut la main le prochain César de l’espoir masculin), parvient à harmoniser ces éléments on ne peut plus hétéroclites pour en tirer un divertissement à la fois aussi cohérent, personnel, original et propre à conquérir le plus large public. Soit une alternative inespérée, épique et magnifiquement gratifiante au formatage américain, dont les enjeux soulèvent en outre des questions auxquelles il est difficile de rester hermétique.
LE RÈGNE ANIMAL
En salle le 4 octobre
17.10.2023 – 27.01.2024
EUROPEAN OUTDOOR FILM TOUR
Le plus grand festival de films en plein air d’Europe tourne depuis 2001 dans de nombreuses villes suisses avec les meilleurs films d’aventures de la saison. Au programme : escalade, VTT, kayak, parapente, snowboard et bien plus encore !
ch.eoft.eu
À SUIVRE
26 – 29.10.2023
FESTIVAL INTERNATIONAL DU FILM DE COMÉDIE DE VEVEY
Il y a de nouveau de quoi rire ! Fin octobre, à Vevey, ce rendez-vous incontournable présentera des films en tous genres dont le dénominateur commun est l’humour. En plus d’un programme varié et drôle, le festival sera animé par des bars, un food truck, un karaoké, des ateliers pour enfants et beaucoup d’autres surprises.
vifff.ch
NUIT DU COURT MÉTRAGE
La Nuit du court métrage est de nouveau en tournée et fête à cette occasion son vingtième anniversaire. Dans chaque ville, les réjouissances débutent par une sélection spécifique de courts métrages. Ensuite, cinq programmes attendent les visiteurs sous la bannière « Swiss Shorts ».
nuitducourt.ch
Dans le prochain numéro de FILM GUIDE :
Ridley Scott et Joaquin Phoenix ressuscitent NAPOLÉON.
Le maestro italien Marco Bellocchio à son meilleur avec L'ENLÈVEMENT.
Valérie Lemercier, bouleversante dans L'ARCHE DE NOÉ.
Dès 1er novembre dans votre cinéma préféré