LE ROUTARD
Le dernier éclat de rire de Michel Blanc
L’AMOUR C’EST SURCOTÉ
La révélation Laura Felpin
ERNEST COLE, PHOTOGRAPHE
Le documentaire du mois
Le dernier éclat de rire de Michel Blanc
La révélation Laura Felpin
Le documentaire du mois
Irrésistible dans AIMONS-NOUS VIVANTS
Avril #2025-03
filmguide.ch
Valérie Lemercier incarne à la fois la polyvalence et l’élégance. Que ce soit en tant qu’actrice, réalisatrice ou auteure, elle marque le cinéma français depuis des décennies. Dans son nouveau film « Aimons-nous vivants », elle interprète une femme fantasque qui rencontre à Genève un chanteur suicidaire. Un récit sur les secondes chances, porté par une artiste qui allie avec brio émotion et humour. C’est logiquement à elle que nous consacrons la couverture de notre édition d’avril.
Nous vous souhaitons beaucoup de plaisir à découvrir ce film et bien d’autres encore dans ce numéro !
Bien à vous,
Éditeur
Directeur de publication
Philipp Portmann
Rédacteur en chef
Bernard Achour
Maquette & couverture
Romano Bassi
Design & Layout
Huit Onze, Genève
Philipp Portmann Éditeur
PORTMANN GROUP
Etzelmatt 5 - 5430 Wettingen +41 56 426 88 55 info@portmann-group.com www.portmann-group.com
Vente d'annonces
Patrick Knecht p.knecht@portmann-group.com
Couverture : © Keystone AP Invision Vianney Le Caer
5 — EN COUVERTURE
Valérie Lemercier AIMONS-NOUS VIVANTS
7 — PORTRAIT
Michel Blanc LE ROUTARD
9 —
Konstantin Bojanov
15 — PORTRAIT
Camille Lou NATACHA (PRESQUE) HÔTESSE DE L’AIR
17 — ZOOM BERGERS
19 — PORTRAIT
Laura Felpin L’AMOUR C’EST SURCOTÉ
21 — ZOOM ERNEST COLE,
23 — INTERVIEW
Marilou Berry DOUX JÉSUS
ISSN 2813-7353
Les éditeurs n’assument aucune responsabilité pour le matériel envoyé. Le contenu éditorial est exempt de publicité sauf mention contraire.
© PORTMANN GROUP 2025
Tous droits réservés. Toute réutilisation du contenu de ce magazine sans autorisation écrite est interdit.
Sandhya Suri SANTOSH
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UN POLAR AU CŒUR DE L’INDE DE SANDHYA SURI
« RÉDUISANT LES ÉLITES COUPABLES À UN ARRIÈRE-PLAN SYSTÉMIQUE, LE FILM CAPTIVE GRÂCE À SON DUO D’ACTRICES, SES DÉCORS NATURELS ACCABLÉS DE CHALEUR, MAIS SE DISTINGUE AUSSI, VOIRE SURTOUT, PAR DE MÉMORABLES EMBARDÉES HORS PISTE. »
Télérama « LA PROMESSE D’UN RENOUVEAU DU CINÉMA INDIEN. » Les Inrockuptibles « CAPTIVANT ET PUISSAMENT FÉMINISTE »
Time Out
MICRO_SCOPE ET AVENUE B PRODUCTIONS PRÉSENTENT
FÉLIX-ANTOINE DUVAL SOLÈNE RIGOT
Bande-annonce
UN FILM DE SOPHIE DERASPE
LIBREMENT INSPIRÉ DE D’OÙ VIENS-TU, BERGER ? DE MATHYAS LEFEBURE PARU CHEZ LEMÉAC ÉDITEUR
dès le 9 avril au cinéma
Magnifique d’humour et de nuances, Valérie Lemercier crée la surprise dans AIMONS-NOUS VIVANTS.
Par Bernard Achour
Le 22 octobre 1982, sous la houlette de Jean-Pierre Foucault, une inconnue de 18 ans participe à « L’Académie des 9 ». Elle se présente comme « Marie », mais elle s’appelle Valérie Lemercier et elle a un débit, une expressivité, une posture physique déjà incroyablement affirmés. Et une ressemblance troublante avec une certaine Céline Dion…
L’INVENTION D’UNE COMIQUE
« Ce ne sont jamais les choses drôles qui font rire, mais les tabous, l’insupportable, le pire du pire. » Née en 1964 à Dieppe dans une famille d’agriculteurs, elle découvre sa vocation au Conservatoire de Rouen. « Les autres se gondolaient chaque fois que je disais un texte dramatique. » Jean-Michel Ribes la repère sur photo et la propulse en bourgeoise pincée dans « Palace ». Louis Malle l’engage en catimini sur « Milou en mai ». Le cinéma s’ouvre, la comédie l’adopte. Une paire de films, et déjà une évidence : Valérie Lemercier n’a pas d’équivalent. Dans « L’Opération Corned-Beef » puis Le
« Bal des casse-pieds », elle brille. En 1994, elle explose en Béatrice de Montmirail et rafle un César pour « Les Visiteurs ». « Mais j’ai détesté l’ambiance du tournage », avoue-t-elle. Pas question de rempiler. Elle enchaîne alors avec « La Cité de la peur », « Casque bleu », un passage chez Sydney Pollack (« Sabrina »), et prend la caméra : ce sera « Quadrille », « Le Derrière », « Palais Royal ! », le désastreux « 100 % cachemire » (remonté pour la vidéo), puis « Marie-Francine ». Ses seules-en-scène, jamais enregistrés, font salle comble.
TOUT OSER
Une seule règle : surprendre. « Vendredi soir » (drame), « RRRrrrr!!! » (absurde), « Fauteuils d’orchestre » (César n°2), « Astérix et Obélix : Au service de Sa Majesté », « Agathe Clér y »… « J’ai tout de suite compris que je ne serais jamais belle. Alors, plutôt que de miser sur la séduction, j’ai misé sur autre chose. » Y compris l’impensable : incarner une Céline Dion rebaptisée Aline. « J’ai d’abord adoré la chanteuse, puis admiré la femme. » Résultat : dix nominations aux Césars, celui de la meilleure actrice, un triomphe public et critique.
L’ART DE LA RENCONTRE
Après son tour de force dramatique dans « L’Arche de Noé », elle revient aujourd’hui dans « Aimons-nous vivants » de JeanPierre Améris. Elle y joue Victoire, une ex-taularde fantasque et obstinée qui croise dans un train Antoine Toussaint (Gérard Dar mon), chanteur au bout du rouleau en route pour son suicide assisté en Suisse. Rencontre explosive. « J’aime les personnages abîmés, qui ont un pet au casque », s’amuse-t-elle. Victoire, elle, ne lâche jamais. « La porte est fermée ? Je passe par la fenêtre. » Tourné dans notre pays, « Aimons-nous vivants » joue des contrastes. Drôle et poignant, il met en lumière une Valérie Lemercier qui, loin du cabotinage, excelle dans l’émotion et la nuance. Entre rires et vertige existentiel, elle déploie une vérité troublante. Comme toujours, là où on ne l’attendait pas.
AIMONS-NOUS VIVANTS
EN SALLE LE 16 AVRIL
Par Bernard Achour
Six
mois après sa disparition, Michel Blanc nous fait ses adieux dans LE ROUTARD
où il brille de tous ses feux comiques.
« Putain, Michel… Qu’est-ce que tu nous as fait ? » Dans la nuit du 3 au 4 octobre dernier, l’annonce de sa disparition a arraché via les réseaux sociaux ce cri du cœur incrédule et bouleversé à son complice de toujours Gérard Jugnot, quelques heures avant que la même sidération ne s’abatte non seulement sur le petit monde du cinéma, mais aussi sur des millions de spectateurs élevés au biberon du Splendid, des films qu’il avait réalisés et de sa présence tou jours bienvenue, surprenante, irréprochable dans ceux des autres.
Michel Blanc a certes immortalisé Jean-Claude magnifique, roi du râteau et maître du « peut marcher ».
un réalisateur aiguisé, un funambule du grand écart entre comé die burlesque et drame viscéral. Du petit gars timide du Splendid à l’acteur césarisé, il aura tout fait, tout osé. Tout a commencé à Neuilly, où il rencontre Jugnot, Clavier et Lhermitte. Avec eux, il apprend le rythme, l’instinct comique, cette mécanique du rire qui explosera dans « Pourtant, il refuse de se laisser enfermer. Dès « il prouve qu’il a bien plus à offrir. Puis vient Bertrand « Tenue de soirée.
gnant, Prix d’interprétation à Cannes. Un tournant. Loin du Dusse éternel, il devient un acteur de nuance et de profondeur.
Dès lors, il construit une filmographie en montagnes russes tragique dans « l’État », délicieusement cynique dans « Auteur habile, il brille derrière la caméra avec « qui vous voudrez douce-amère. Michel Blanc, c’était l’œil acéré, l’auto dérision intacte, la réplique qui claque. Une carrière tout en contrastes, entre fidélité et audace. « jours eu peur d’être enfermé dans un rôle disait-il. Il ne l’a jamais été. Il a vieilli avec élégance, peaufinant son jeu, traquant la sincérité. On retiendra
son perfectionnisme, son sens du détail, cette façon unique de tout rendre crédible.
Dans « Le Routard », où un garçon qui n’a jamais voyagé de sa vie doit tester quarante adresses à Marrakech en cinq jours pour les besoins d’un célèbre guide touristique, il ne tient certes qu’un second rôle, tout comme son complice du Splendid Christian Clavier, mais où il convoque tous les marqueurs de son humour, de son charisme, de sa présence et de son talent. Une semaine après le beau film de Lionel Baier « La Cache » toujours à l’affiche, ce sera donc la dernière fois qu’on verra Michel Blanc au cinéma, un ultime éclat de rire aux allures d’adieu. « Je fais le plus de choses possibles pour ne pas avoir le temps de penser à la mort », disait-il. Si seulement ça avait été un malentendu.
LE ROUTARD EN SALLE LE 2 AVRIL
MUSIQUE ORIGINALE LUDOVIC BOURCE DIRECTEUR DE LA PHOTOGRAPHIE STÉPHANE LE PARC MONTAGE STÉPHAN COUTURIER
DIRECTEUR DE PRODUCTION LAURENT SIVOT PREMIER ASSISTANT MISE EN SCÈNE THIERRY MAUVOISIN SCRIPTE MARION PASTOR
CASTING JULIE DAVID COIFFURE CÉCILE PELLERIN MAQUILLAGE POPULE COSTUMES NOÉMIE VEISSIER DÉCORS PIERRE RENSON
SON MADONE CHARPAIL MATTHIEU FICHET ET VINCENT COSSON RÉGISSEUR GÉNÉRAL MATTHIEU DESSAGNE
DIRECTRICE DE POST-PRODUCTION SIDONIE WASERMAN UNE COPRODUCTION WHITE AND YELLOW FILMS STUDIOCANAL M6 FILMS BESIDE PRODUCTIONS AVEC LE SOUTIEN DE CANAL+ AVEC LA PARTICIPATION DE CINÉ+ OCS M6 ET W9 AVEC LE SOUTIEN DE BESIDE TAX SHELTER PRODUIT PAR JULIEN HERVÉ PHILIPPE MECHELEN ANNA MARSH FRANÇOIS MERGIER ET ANTOINE MORAND
PRODUCTEUR ASSOCIÉ AHMED LOUATI
SCÉNARIO ORIGINAL DE PHILIPPE MECHELEN © 2023 WHITE AND YELLOW FILMS STUDIOCANAL M6 FILMS BESIDE PRODUCTIONS © SILHOUETTE CLÉMENT GLOAGUEN (D’APRÈS SOLÉ) - LOGO ATELIER CHOQUE LE GOFF
Tourné dans de somptueux décors naturels, MOON LE PANDA est une fable où l’enfant et l’animal s’apprivoisent mutuellement.
Par Bernard Achour
C’est une odyssée à hauteur d’enfant, un voyage au cœur de la Chine sauvage, un conte lumineux porté par un réalisme saisissant. Et une folie cinématographique : tourner avec de vrais pandas.
« Les Américains sont persuadés que c’est du numérique », s’amuse le réalisateur Gilles de Maistre. « Quand ils voient le film, ils me demandent : “Mais comment avez-vous obtenu ces effets incroyables ? » Aucun trucage. Juste la vie.
MISSION : POSSIBLE
L’histoire ? Tian, 12 ans, gamin de la ville perdu dans ses mauvaises notes, est envoyé chez sa grand-mère au fin fond des montagnes du Sichuan. Une punition ? Pas vraiment. Car au détour d’une clairière, il croise une peluche vivante noire et blanche, curieuse et maladroite. Moon. Un panda. Entre l’enfant solitaire et l’animal protégé, un lien se tisse, une amitié absolue, hors du monde. « C’est un film sur l’émerveillement. Sur cette grâce qui vous tombe dessus et vous change à jamais. » Tout commence en 2018, lors d’un voyage en Chine pour son film « Mia et le Lion Blanc ». Gilles de Maistre découvre les montagnes où vivent les derniers pandas sauvages : « J’étais fasciné. Mais je savais
que ce serait impossible. » Impossible ? Pas tant que ça. La Chine est intraitable sur ses « trésors nationaux », mais le projet séduit. Un enfant franco-chinois en héros, un message universel sur la nature, une production ambitieuse… Les portes s’entrouvrent. « On avait le scénario, mais jusqu’à la veille du tournage, rien n’était sûr. On était en train de fabriquer un film avec des animaux qu’on n’était pas certain de voir ! »
Et puis, miracle. Les pandas sont là. Deux spécimens, un bébé et un adulte, choisis avec soin. L’acteur principal, lui, n’a besoin d’aucune préparation. « Il est arrivé sur le tournage et, naturellement, il a connecté avec l’animal. Pas d’apprivoisement, pas de dressage. Juste une alchimie pure. » Aucun trucage, donc. Aucun fond vert. Chaque scène captée en lumière naturelle, dans des décors grandioses du Sichuan, entre forêts de bambous et maisons sur pilotis. « Il était essentiel que tout soit vrai. Le contact, la tendresse, l’intimité. Ce qui se passe à l’écran, c’est ce qui s’est passé sur le plateau. »
LE CONTE EST BON
Mais « Moon le panda » est plus qu’un film animalier. C’est un voyage initiatique. Celui de Tian, gamin étouffé par
les attentes d’un père dur, projeté dans un monde où il réapprend à être un enfant. « On parle beaucoup d’enfants qui se dépassent, qui trouvent leur place en faisant quelque chose pour le monde », dit Gilles de Maistre. À l’écran, la nature est à la fois décor et personnage. Elle transforme, elle révèle, elle guérit. Et au milieu, un panda. « Les pandas, c’est l’incarnation du bonheur. Ils mangent, ils dorment, ils jouent. Comme des enfants avant qu’on leur mette des barrières. » Au bout du compte – du conte –, un vrai grand spectacle familial, entre aventure et poésie.
MOON LE PANDA EN SALLE LE 9 AVRIL
THE SHAMELESS
« RACONTER DES HISTOIRES PEUT TRANSCENDER LES
Après que l’actrice Anasuya Sengupta (à droite sur l’image) a reçu le prix de la meilleure performance à Cannes pour son talent dans THE SHAMELESS, cette coproduction suisse arrive enfin dans nos salles. Dans cette interview, le réalisateur Konstantin Bojanov nous explique comment lui est venue l’idée, ce qu’il pense de son casting et quel message il souhaite transmettre.
Comment vous est venue l’idée de cette histoire de romance interdite ?
Konstantin Bojanov : L’aventure de « The Shameless » a commencé il y a 12 ans sous la forme d’un documentaire avec quatre histoires différentes. Avec ces histoires, je voulais explorer une série de thèmes tels que l’amour, la sexualité, le libre arbitre et l’expression artistique dans les limites des castes et des croyances religieuses de l’Inde contemporaine. En 2014, j’ai commencé à filmer la première de ces histoires, qui tourne autour de la vie de Reshma, une travailleuse du sexe de la communauté devadasi de 32 ans. Le lien étroit entre Reshma et une autre travailleuse du sexe, Renuka, m’a inspiré une histoire d’amour fictive entre une femme fuyant la loi et une jeune fille née dans le système devadasi.
Quelle était l’atmosphère sur le plateau ?
La frénésie du tournage et divers autres facteurs ont rendu mon travail sur le plateau extrêmement difficile. En tant
que réalisateur, on avance sur un terrain glissant lorsqu’on doit constamment faire des compromis. J’ai souvent pensé au calvaire vécu par Coppola sur le tournage d’« Apocalypse Now ». Chez nous, tout se passait bien sûr dans un cadre très restreint. Quand j’étais d’humeur plus positive, je pensais à la comédie américaine indépendante « Ça tourne à Manhattan ». Pour garder une vue d’ensemble, je prenais les choses jour après jour, parfois même une heure après l’autre.
Que pouvez-vous nous dire sur vos actrices ?
Le casting pour les deux rôles principaux a duré plus de huit mois à Mumbai. Alors que j’envisageais plusieurs actrices indiennes talentueuses pour le rôle de Renuka, je revenais sans cesse sur les photos d’Anasuya Sengupta sur Facebook et je me disais : « Elle correspond parfaitement à l’idée que je me fais de Renuka ». C’était plus que son apparence, c’était aussi son attitude. Je savais qu’elle était avant tout une conceptrice de production. Néanmoins, j’ai pris le risque de lui demander si le rôle l’intéressait. Il a fallu plus d’un mois pour qu’elle m’envoie sa cassette, mais dès que je l’ai vue à l’écran, j’ai su que je ne devais pas chercher plus loin. Omara, elle, m’a été proposée par le directeur de casting. C’est une photo d’elle en train de serrer un chiot dans ses bras qui m’a donné l’idée qu’elle pourrait jouer Devika. Ses auto-enregistrements et ses essais avec Anasuya ont confirmé que mon intuition était juste.
Que souhaitez-vous transmettre avec « The Shameless » ?
Que le fait de raconter des histoires peut transcender les frontières culturelles et révéler l’humanité commune qui se cache derrière nos différences sociales.
THE SHAMELESS EN SALLE LE 9 AVRIL
LIRE LOLITA À TÉHÉRAN DE Eran Riklis AVEC Golshifteh Farahani, Zar Amir Ebrahimi, Mina Kavani GENRE Drame (1 h 47)
DISTRIBUTEUR Filmcoopi
EILEEN GRAY ET LA MAISON EN BORD DE MER DE Beatrice Minger, Christoph Schaub AVEC Charles Morillon, Axel Moustache, Natalie Radmall-Quirke GENRE Docu-fi ction (1 h 30)
DISTRIBUTEUR Filmcoopi
PETITS CONTES SOUS L’OCÉAN DE Anastasiya Sokolova, Jakib Kouril, Ursula Ulmi GENRE Animation (0 h 40) DISTRIBUTEUR Outside the Box DOG MAN DE Peter Hastings GENRE Animation (1 h 29) DISTRIBUTEUR Universal
DE Tim Harper GENRE Animation (1 h 27)
DISTRIBUTEUR Praesens
DERIB, UNE VIE DESSINÉE DE Sébastien Devrient GENRE Documentaire (1 h 12) DISTRIBUTEUR Vertige Prod
NATACHA (PRESQUE) HÔTESSE DE L’AIR DE Noémie Saglio AVEC Camille Lou, Vincent Dedienne, Didier Bourdon GENRE Comédie (1 h 40)
BLACK DOG DE Hu Guan AVEC Eddie Peng, Liya Tong, Jia Zhangke GENRE Drame (1 h 50)
DISTRIBUTEUR Trigon
MINECRAFT –LE FILM DE Jared Hess AVEC Jason Momoa, Jack Black, Danielle Brooks GENRE Comédie d’aventures fantastiques (1 h 41)
DISTRIBUTEUR Warner
THE SHAMELESS DE Konstantin Bojanov AVEC Mita Vashisht, Auroshikha Dey, Tanmay Dhanania GENRE Thriller dramatique (1 h 54)
DISTRIBUTEUR First Hand Films LA COCINA DE Alonso Ruizpalacios AVEC Raul Briones, Rooney Mara, Anna Diaz GENRE Drame (2 h 20)
BERGERS DE Sophie Desrape AVEC Félix-Antoine Duval, Solène Rigot, Guilaine Londez GENRE Comédie dramatique (1 h 53)
DISTRIBUTEUR Agora
DISTRIBUTEUR Pathé THE AMATEUR DE James Hawes AVEC Rami Malek, Laurence Fishburne, Rachel Brosnahan GENRE Thriller (2 h)
SANTOSH DE Sandhya Suri AVEC Shahana Goswami, Sanjay Bishnoy, Sunita Rajwar GENRE Thriller (2 h 08)
DISTRIBUTEUR Sister Distribution
DISTRIBUTEUR Disney MOON LE PANDA DE Gilles de Maistre AVEC Noé Liu Martane, Alexandra Lamy, Yé Liu GENRE Aventures familiales (1 h 40) DISTRIBUTEUR Pathé
LE ROUTARD DE Ohilippe Mechelen AVEC Hakim Jemili, Christian Clavier, Michel Blanc GENRE Comédie (1 h 25)
DISTRIBUTEUR Frenetic DOUX JÉSUS DE Frédéric Quiring AVEC Marilou Berry, Isabelle Nanty, Anne Benoit GENRE Comédie (1 h 26)
DISTRIBUTEUR Pathé
DISTRIBUTEUR Filmcoopi
AIMONS-NOUS VIVANTS DE Jean-Pierre Améris AVEC Valérie Lemercier, Gérard Darmon, Patrick Timsit GENRE Comédie (1 h 30)
DISTRIBUTEUR Pathé
OBSESSED WITH LIGHT DE Sabine Krayenbühl, Zeva Oelbaum GENRE Documentaire (1 h 30)
DISTRIBUTEUR Innovative Eye
LES CONTES DE KOKKOLA, UNE TRILOGIE FINLANDAISE DE Juho Kuosmanen AVEC Seppo Mattila, Oona Airola, Jaana Paananen GENRE Comédie (0 h 59)
DISTRIBUTEUR Xenix
DE Maria Nicollier AVEC Pierre-Antoine Dubey, Rhydian Vaughan, Elliot Malvezzi GENRE Drame (1 h 31)
DISTRIBUTEUR Outside the Box
DE Morgan S. Dalibert AVEC Alban Lenoir, Paola Locatelli, Anne Marivin GENRE Comédie d'action (durée non communiquée)
DISTRIBUTEUR Ascot Elite
DE Régis Wargnier AVEC Julia de Nunez, Clovis Cornillac, Julien de Saint-Jean GENRE Drame (1 h 44) DISTRIBUTEUR Praesens
DE Raoul Peck GENRE Documentaire (1 h 46)
DISTRIBUTEUR Trigon
DEUX
SŒURS DE Mike Leigh AVEC Marianne Jean-Baptiste, Michele Austin, David Webber GENRE Drame (1 h 37)
DISTRIBUTEUR Pathé
DE Elsa Bennett, Hippolyte Dard AVEC Valérie Bonneton, Michèle Laroque, Sabrina Ouazani GENRE Comédie dramatique (1 h 44)
DISTRIBUTEUR Pathé
L’AMOUR C’EST SURCOTÉ DE Mourad Winter AVEC Hakim Jemili, Laura Felpin, Benjamin Tranié GENRE Comédie (1 h 40) DISTRIBUTEUR Frénétic
M R WOLF 2
DE Gavin O’Connor AVEC Ben Affl eck, Jon Bernthal, J.K. Simmons GENRE Thriller (2 h 05)
DE Ryan Coogler AVEC Michael B. Jordan, Hailee Steinfeld, Jack O’Connell GENRE Horreur (2 h)
DISTRIBUTEUR Warner
DISTRIBUTEUR Warner BLUE SUN
DE Constance Tsang AVEC Wu ke-Xi, Lee Kang-sheng, Haipeng Xu GENRE Drame (1 h 56)
DISTRIBUTEUR First Hand Films
THUNDERBOLTS
DE Jack Schreier AVEC Florence Pugh, Sebastian Stan, David Harvour GENRE Fantastique (2 h)
DISTRIBUTEUR Disney
DE César Diaz AVEC Bérénice Bejo, Matheo Labbe, Leonardo Ortizgris GENRE Drame (1 h 33)
DISTRIBUTEUR Xenix
DE Andreas Dresen AVEC Liv Lisa Fries, Alexander Scheer, Emma Bading GENRE Drame (2 h 4)
DISTRIBUTEUR Filmcoopi OXANA DE Charlène Favier AVEC Albina Korzh, Maryna Koshkina, Lada Korovai GENRE Drame (1 h 43)
DISTRIBUTEUR Frenetic
DE Francesco Costabile, Vittorio Moroni AVEC Francesco Gheghi, Barbara Ronchi, Francesco Di Leva GENRE Drame (2 h 4) DISTRIBUTEUR Morandini STAR
DE George Lucas AVEC Hayden Christensen, Natalie Portman, Ewan McGregor GENRE Fantastique (2 h 20)
DISTRIBUTEUR Disney
LA LÉGENDE
DE Isaiah Saxon AVEC Helena Zengel, Finn Wolfhard, Willem Dafoe GENRE Fantastique (1 h 36)
DISTRIBUTEUR Ascot Elite
DE Christopher Landon AVEC Meghann Fahy, Brandon Sklenar, Violett Beane GENRE Thriller (1 h 25)
DISTRIBUTEUR Universal
DE David F. Sandberg AVEC Ella Rubin, Michael Cimino, Odessa A'zion GENRE Horreur (1 h 45)
DISTRIBUTEUR Sony Pictures
DE Daniel Minahan
AVEC Daisy Edgar-Jones, Jacob Elordi, Will Poulter
Situation au moment de la clôture de la rédaction. Toutes les données sont fournies sans garantie.
GENRE Drame (1 h 57)
DISTRIBUTEUR Ascot Elite
LAURA FELPIN
NATACHA (PRESQUE) HÔTESSE DE L’AIR
Hier chanteuse, aujourd’hui de plus en plus actrice, Camille Lou porte pour la première fois un film sur ses épaules : la pétillante comédie NATACHA (PRESQUE) HÔTESSE DE L’AIR.
Elle a enflammé la scène avant d’embraser les écrans. Camille Lou, de son vrai nom Camille Houssière, a toujours su que la musique et l’interprétation étaient ses terrains de jeu. Née en 1992 à Maubeuge, bercée par les notes de guitare de son père, elle ose très jeune, enchaîne concours et premières parties, jusqu’à ce que le producteur Dove Attia l’entraîne dans l’arène des comédies musicales. Olympe dans « 1789 : les Amants de la Bastille », puis Guenièvre dans « La Légende du roi Arthur », elle
conquiert le public d’un battement de cils et d’une voix vibrante.
Mais c’est sur le petit écran que la métamorphose opère vraiment. « Le Bazar de la Charité », phénomène aux sept millions de fidèles, marque un tournant. « Cette série a changé ma vie », confie-t-elle, consciente que ce premier rôle dramatique lui ouvre un nouvel horizon. Elle enchaîne avec « Les Combattantes puis plonge dans la nostalgie
Du petit au grand écran, Marilou Berry a su imposer son tempérament. Dans DOUX JÉSUS, elle nous régale d’une composition aussi cocasse que touchante.
On pourrait croire qu’être « fille de » est un passe-droit. Erreur. Pour Marilou Ber ry, c’était plutôt un poids. Celui de Josiane Balasko, mère iconique, actrice populaire, et de Philippe Ber ry, père sculpteur. Dès l’école, les profs n’y allaient pas de main morte : « Vous croyez vivre sur la gloire de vos parents ? » Jusqu’à la dépression. Alors, à 16 ans, elle claque la porte et file au Conservatoire. Bonne pioche.
pop de « Cat ’s Eyes », où son interprétation de Tamara Chamade achève d’asseoir son statut d’héroïne grand public.
Le cinéma lui tend aussi les bras. Depuis « Épouse-moi mon pote » en 2017, elle s’offre une galerie de personnages légers ou attachants (« Pourris gâtés », « Notre tout petit mariage », « Chasse gardée »), mais jamais en tête d’affiche. « Natacha (presque) hôtesse de l’air » pourrait bien changer la donne. Inspiré d’une BD culte, le film de Noémie Saglio la propulse dans l’action et la comédie aux côtés de Fabrice Luchini et Isabelle Adjani. « J’aime me transformer, surprendre », assure Camille Lou. Si le succès est au rendez-vous, il se pourrait bien que cette Natacha l’embarque pour de bon vers la constellation des grandes stars du cinéma populaire.
Dès 8 ans, elle avait goûté aux plateaux dans « Ma vie est un enfer », réalisé par sa mère. Une révélation. Puis, c’est Agnès Jaoui qui lui donne sa vraie chance dans « Comme une image ». Lolita, ado complexée en quête d’amour paternel, c’est elle. Son jeu, son naturel, frappent fort. César du meilleur espoir en ligne de mire. Elle enchaîne : « Nos jours heureux », « Vilaine », « Les Reines du ring »… Souvent des rôles de battantes, souvent en guerre avec leur reflet. Son physique devient un sujet. On l’admire ronde, on la juge amincie. « Je fais ce que je veux avec mon corps », tranche-t-elle.
NATACHA (PRESQUE) HÔTESE DE L’AIR EN SALLE LE 2 AVRIL
Puis il y a « Joséphine », adaptation pétillante de la BD de Pénélope Bagieu. Elle y campe une Bridget Jones à la française et passe derrière la caméra pour « Joséphine s’arrondit ». Cinéma, théâtre, télé : elle s’impose, elle et son style. « Marianne », « Je te promets »… Elle séduit, amuse, émeut.
Aujourd’hui, elle s’offre « Doux Jésus ». Elle y est sœur Lucie, nonne candide fuyant le couvent pour retrouver son amour de jeunesse. Course-poursuite burlesque, dialogues affûtés, casting en or (Isabelle Nanty, Valérie Mairesse). « Une comédie qui fait du bien », promet-elle. Comme elle.
DOUX JÉSUS
EN SALLE LE 9 AVRIL
En images splendides, la Québécoise Sophie Desrape célèbre avec BERGERS, prix du meilleur film canadien au Festival de Toronto, le désir de larguer toutes les amarres pour réussir sa vie.
Par Bernard Achour
Tout commence par une voix. Un message de démission laissé à la boîte vocale d’un patron lointain, à des milliers de kilomètres de cette chambre d’hôtel en Provence. Et voilà Mathyas, publicitaire montréalais, qui tourne le dos aux slogans creux pour se réinventer berger. Un rêve romantique, un grand saut vers l’inconnu ? Oui, mais avec « Bergers », Sophie Deraspe évite tous les clichés. Pas de carte postale, pas de bucolique illusion. Juste la beauté brute d’un choix radical.
NATURE ET DÉCOUVERTE
D’une décision à un film, il y a un monde. Et un tournage. Celui de « Bergers » a été un véritable tour de force, une immersion en pleine montagne, au cœur d’un écosystème fragile et millénaire. « Il fallait que les mots du livre du vrai Mathyas Lefébure deviennent une expérience sensorielle », confie la réalisatrice. Objectif atteint. Dans un déploiement d’images d’une puissance rare, elle capte l’euphorie et la mélancolie des aventures, le souffle de la nature qui domine tout et la vulnérabilité d’un homme face à elle. Un homme incarné avec une sincérité désarmante par Félix-Antoine Duval. Candide mais pas niais, il porte cette volonté de renaissance avec une intensité qui touche au cœur. « Le film parle d’un homme qui cherche sa place. Et dans ce cheminement, l’amour devient une évidence », souligne Sophie Deraspe. « Bergers » est donc une double odyssée : celle d’un homme et celle d’un couple qui se construit au fil de l’altitude.
Loin de toute idéalisation, le film montre aussi la réalité crue du monde pastoral. La rudesse du travail, sa cruauté parfois, l’absurdité de certaines réglementations. L’image d’un troupeau qui traverse l’autoroute résume tout : un monde ancestral qui tente de survivre dans une modernité qui ne le comprend plus. « Être berger aujourd’hui, c’est un choix radical, une manière de se mettre en marge du système », explique la réalisatrice. Techniquement, « Bergers » est un bijou. La photographie, tout en ocres brûlés et en lumières crues, est magistrale. On ressent la chaleur accablante du sud, on frissonne sous les bourrasques alpines. Le montage, fluide et contemplatif, laisse respirer les silences. La bande-son, subtile, intègre les bruits de la nature, amplifiant cette immersion absolue. Enfin, il y a cette scène miraculeuse, captée sur le vif : une brebis qui met bas, en plein milieu de la transhumance. La mère abandonne son petit, happée par l’instinct de survie. Mathyas s’agenouille, ramasse l’agneau, le souffle d’une vie fragile entre ses mains. « Là, on a touché à l’essence du film », dit Sophie Deraspe. La beauté, la brutalité, la vérité, « Bergers » est tout cela à la fois. À voir, à ressentir, à emporter avec soi longtemps après la dernière image.
«LE PHOTOGRAPHE ANTIAPARTHEID QUI A PORTÉ SON REGARD SUR L’AMÉRIQUE NOIRE.»
CNN
UN FILM DE RAOUL PECK
LE RÉALISATEUR DE «I AM NOT YOUR NEGRO»
Mention spéciale du jury au Festival de l’Alpe d’Huez, L’AMOUR C’EST
SURCOTÉ propulse enfin au premier plan le génie comique – mais pas seulement – de Laura Felpin.
Par Bernard Achour
La légende veut que les chats aient sept vies. Laura Felpin en a deux. Enfin, officiellement. Officieusement, elle jongle avec une multitude d’existences, passant d’une influenceuse à côté de la plaque à une vendeuse Sephora en mode caillera, d’une vieille dame larguée sur les smileys à une coach en confiance borderline. Ce talent du grand écart, elle l’a peaufiné depuis l’enfance, quelque part entre Mulhouse et Kingersheim, à observer les siens, rire d’eux – et avec eux. « J’ai fait tout ça pour ne pas être juste la gamine qui louche avec son cache rigolo de dinosaure », dit-elle.
L’HUMOUR EN HÉRITAGE
Son strabisme ? Une cicatrice d’enfance, aujourd’hui refermée, mais qui l’a poussée à maîtriser l’art du regard, des mimiques, du décalage. Son père, éducateur sportif, lui a transmis l’énergie, sa mère, clown de profession, la liberté du jeu. À 18 ans, direction Strasbourg, la fac d’arts du spectacle. Puis Paris, où elle découvre le doublage et le théâtre. Premier coup de projecteur avec des pastilles sur Instagram et
YouTube. La suite est une ligne droite à 200 à l’heure. En 2019, elle débarque dans l’émission « Quotidien » et cartonne. Un personnage par semaine, puis quatre. Un marathon. Oui mais voilà : « J’ai senti que ça n’allait pas bien se passer si je restais. » Fin de l’idylle, retour à la scène. 2022 : « Ça passe », son premier seule-en-scène à la Comédie de Paris. Trois mois à guichets fermés, un triomphe. « Je ne mesure pas trop la chance que j’ai. Je me dis juste qu’on est tous là pour rigoler. » Son Molière de l’Humour en 2023, elle le savoure, mais sans prendre la pose. Pas son genre.
ÉCRAN TOTAL
Et puis il y a l’écran. La série parodique « Le Flambeau », la comédie musicale « Joli Joli », la formidable Saison 2 de « Bref ». Et maintenant « L’Amour c’est surcoté », le rôle qui pourrait tout changer, celui de Madeleine, gardienne de vestiaire en boîte de nuit, sûre d’elle, implacable, qui donne à Anis (Hakim Jemili) huit chiffres de son numéro de téléphone, charge à lui de deviner le dernier. « Ce n’est pas juste une comédie romantique, c’est une vraie histoire d’amour, entre tous les personnages, entre potes, entre générations », dit-elle. Une comédie douce-amère, où l’humour découle du drame et vice-versa. « Qui n’a pas déjà eu un fou rire à un enterrement ? » Le film brasse le malaise masculin, les maladresses féminines, les amitiés en apesanteur : « C’est comme un groupe WhatsApp où on ne voudrait jamais que personne ne sache ce qu’on a dit. » Laura Felpin, magnétique, entre humour et gravité, livre une prestation tout en nuances. Et confirme ce qu’on pressentait depuis longtemps : elle ne se contente pas d’être drôle. Elle est juste, toujours, et c’est ça qui fait mouche. Elle, surcotée ? Certainement pas !
L’AMOUR C’EST SURCOTÉ EN SALLE LE 23 AVRIL
EVA’S SANDWICH HOUSE Avenue Sainte-Luce 2
1003 Lausanne
Téléphone 021 311 99 05
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Lundi à vendredi 07:00-19:00
Samedi 08:00-19:00
Œil d’Or du meilleur documentaire au Festival de Cannes, ERNEST COLE, PHOTOGRAPHE réhabilite l’importance capitale de ce témoin de l’Apartheid.
Par Bernard Achour
Le destin d’Ernest Cole a tout d’une tragédie en clair-obscur, d’un thriller hanté par l’exil et la quête éperdue d’une vérité qu’on cherche à enterrer. Raoul Peck, maître du documentaire engagé, l’a bien compris. Après le césarisé « I am not your Negro », il signe aujourd’hui un film vibrant, aussi politique que profondément intime, où le regard du photographe ressuscite l’injustice et l’indicible à travers des clichés qu’on croyait à jamais perdus.
ENNEMI D’ÉTAT
Né en 1940 à Pretoria sous le nom d’Ernest Levi Tsoloane Kole, Ernest Cole se forme en autodidacte, l’œil rivé sur l’absurde ségrégation qui régit chaque instant de la vie des Noirs en Afrique du Sud. Tour à tour balayeur, assistant de studio, puis photographe pour le magazine « Dr um », il développe un langage visuel d’une puissance rare. À travers l’objectif, il capture l’inacceptable : la violence ordinaire, les corps brisés par le labeur, la cruauté des panneaux « Whites only ». Sa maîtrise du cadrage et son audace font de lui un témoin redoutable, un danger pour le régime de l’Apartheid. En 1966, sous la menace d’une arrestation, il fuit. L’exil devient alors sa
seule patrie. Un an plus tard, son recueil « House of Bondage » bouleverse le monde. L’ouvrage est un électrochoc : la banalité du mal y est exposée dans toute son obscénité. L’Afrique du Sud l’interdit immédiatement, faisant de son auteur une ombre errante. New York l’accueille, mais la promesse de liberté se heurte à un autre mur : celui du racisme systémique américain. La désillusion s’installe, l’isolement le ronge. Lui qui voulait être Cartier-Bresson n’est vu que comme « un photographe noir », assigné à une seule mission : documenter la misère. Il refuse, s’éteint à petit feu. En 1990, alors que Nelson Mandela recouvre la liberté, lui meurt dans l’anonymat.
Raoul Peck n’a pas voulu simplement raconter Ernest Cole. Il l’a fait parler. Son documentaire est construit comme une confession posthume où la voix du photographe se mêle à celle de Peck lui-même.
« Il fallait lui redonner son propre récit, hors du prisme occidental, hors de cette manie de pathologiser les artistes noirs en exil », explique le réalisateur. Ainsi, à travers les écrits du photographe, des témoignages et ces images bouleversantes retrouvées en 2017 dans une banque suédoise, il compose un portrait à la fois incisif
et méditatif. Il éclaire l’énigme de ces milliers de négatifs disparus, interroge le vol de la mémoire africaine et scrute chaque photo comme un palimpseste chargé de douleur. Le résultat est un film à la beauté mélancolique, où la puissance des images de Cole rencontre l’intelligence politique de Peck. Dans cette succession de visages, de regards qui nous transpercent, de scènes figées dans l’absurdité d’un monde cloisonné par la haine, « Er nest Cole, photographe » résonne comme un cri, un poing levé. Indispensable.
ERNEST COLE, PHOTOGRAPHE EN SALLE LE 16 AVRIL
Thriller au féminin ancré dans une Inde violente, SANTOSH révèle en Sandhya Suri une cinéaste d’envergure.
Quelle est l’origine de « Santosh » ?
Sandhya Suri : Tout est parti d’une image qui m’a obsédée : une policière, seule au milieu d’une foule de manifestantes en Inde, après l’affaire du viol collectif de Nirbhaya en 2012. Son regard me fascinait. Était-elle avec ces gens ou contre eux ? Que pensait-elle de ce qui se passait ? J’ai alors commencé à me documenter sur les femmes policières et j’ai découvert une loi qui permet à une veuve d’hériter du poste de son mari décédé. C’est ainsi qu’est née le personnage de Santosh : une femme propulsée dans un monde dominé par les hommes, confrontée à sa propre transformation au fil d’une enquête qui la bouleverse.
Comment avez-vous construit le suspense et l’atmosphère du film ?
Je voulais que le spectateur ressente l’immersion de Santosh dans cet univers hostile, où elle est à la fois observatrice et prisonnière. L’angoisse ne vient pas seulement de l’enquête sur le meurtre d’une jeune fille, mais aussi du fait qu’elle est elle-même sur un fil, coincée entre ses supérieurs, ses collègues masculins et ses propres dilemmes moraux. Le film joue beaucoup sur les silences, les regards, les tensions latentes. Chaque scène, même anodine, pouvait virer à la menace.
Votre héroïne semble tiraillée entre deux modèles féminins : la victime et sa supérieure hiérarchique… L’un des enjeux du film était d’éviter un discours manichéen. Sharma, la cheffe de Santosh, est fascinante car elle incarne à la fois une forme de protection et de manipulation. Elle voit en Santosh un double plus jeune d’elle-même, une opportunité de lui transmettre son savoir, mais aussi une menace à contenir. Santosh, de son côté, commence par l’admirer avant de douter de ses intentions. Leur relation joue sur l’ambiguïté, l’adversité et une sorte de tension latente qui peut évoquer un rapport presque maternel, ou une rivalité silencieuse.
Le film oscille entre polar et récit social. Comment avezvous trouvé cet équilibre ?
Tout repose sur Santosh. Elle est notre regard, notre fil conducteur. L’enquête lui permet de découvrir la réalité brutale du monde qui l’entoure, et de questionner son propre rôle. Je ne voulais pas d’un film qui « explique », mais d’un film qui expose, qui fait ressentir. Ce n’est pas un thriller classique : c’est une descente dans l’inconnu, dans la désillusion et dans la complexité du pouvoir.
SANTOSH EN SALLE LE 9
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