Réalités Familiales n° 114/115 : Familles connectées

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Réalités R E V U E D E L’ U N I O N N A T I O N A L E D E S A S S O C I A T I O N S F A M I L I A L E S

Familles connectées

ISSN : 0220 9926 - Prix : 10 e

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N° 114-115 - 2016

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Réalités N°114-115 / 2016

Sommaire

Familles connectées REVUE DE L’UNION NATIONALE DES ASSOCIATIONS FAMILIALES Magazine édité par L’Union Nationale des Associations Familiales 28, place Saint-Georges 75009 PARIS www.unaf.fr Direction : Présidente et directrice de la publication : Marie-Andrée Blanc Directrice générale : Guillemette Leneveu Rédaction : Rédaction en chef : Laure Mondet Rédaction et interview : Elise Séaume Secrétariat de rédaction : Cécile Chappe Ont participé à ce numéro : Olivier Andrieu-Gérard, Jeanne Le Penglaou, Nathalie Talibon Impression - Mise en page Hawaii Communication 78310 Coignières 01 30 05 31 51 Crédits photos : X, Shutterstock Diffusion et abonnements : Abonnement annuel (3 numéros) : France : 22 euros Étranger : 25 euros Commande au numéro : Numéro simple : 6,50 euros Numéro double : 10 euros Numéro triple : 13 euros + 3,15 euros de frais de traitement Contact : Service Communication Tél. : 01 49 95 36 00 courriel : realites.familiales@unaf.fr Dépot légal : Octobre 2016 - n°ISSN 0220 9926

ÉDITORIAL Médias et numérique, un enjeu pour les familles ? par Marie-Andrée BLANC, Présidente de l’UNAF.....3

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AVANT-PROPOS Notre priorité : accompagner les parents par Bernard TRANCHAND, Vice-président de l’UNAF, administrateur en charge du dossier numérique.......4 PREFACE Le numérique et les écrans dans la vie de famille par Axelle LEMAIRE, Secrétaire d'État auprès du Ministre de l'économie et des finances, chargée du numérique et de l'innovation..............................5 LES CHIFFRES-CLÉS................................................6

État des lieux • Familles en TIC par Laurence LE DOUARIN, Maître de conférences en sociologie........................................8

•3 -6-9-12 pour apprendre à se passer des écrans, et apprendre à s’en servir par Serge TISSERON, Psychiatre, Docteur en psychologie........................................ 10

• Le mythe de la fracture numérique par Pascal PLANTARD, Anthropologue des usages des technologies numériques....... 12

•L e numérique, une affaire de culture(s) ? par Jacques-François MARCHANDISE, Directeur de la recherche et de la prospective de la Fondation Internet Nouvelle génération (FING)...........14 par Olivier ANDRIEU-GÉRARD, Coordonnateur Pôle Médias-Usages Numériques de l’UNAF....... 18

Reproduction interdite sauf autorisation de l’UNAF

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Les moins de 6 ans

• Les écrans : bon ou mauvais pour les tout-petits ? par Olivier HOUDÉ, Professeur de Psychologie à l’Université Sorbonne Paris Cité.................... 26

• Les tout-petits et les écrans par Sophie JEHEL, Maîtresse de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’université Paris-8 .............29

Les 6-12 ans

• Les systèmes de signalétique des médias

Respectueux de l’environnement, ce document est imprimé sur du papier utilisant la certification forestière PEFC (Programme européen de certification forestière). La certification PEFC donne l’assurance que le papier que nous utilisons est issu de pâtes produites à partir de forêts gérées durablement.

Analyse

• Données personnelles : états des lieux et réglementation européenne par Stéphane GRÉGOIRE, Chef de service des affaires économiques CNIL. ..................... 20

• Quelle utilisation d’Internet dans la recherche d’informations de santé ? par Jean-Baptiste RICHARD, Lucile BLUZAT, Viêt NGUYEN-THAN, Santé publique France Direction de la prévention et de la promotion de la santé.............................................................. 22

• Pédiatres, enfants écrans : Osez la parentalité ! par Georges PICHEROT, Jacques CHEYMOL, Pierre FOUCAUD, Brigitte SAMSON, Groupe de Pédiatrie Générale (GPG) ............................. 33

• Etat de la science : Faut-il avoir peur des jeux vidéo ?

par Yann LEROUX, Docteur en psychologie.......36

• Jeux vidéo : Des clefs pour les parents par Corinne LONGUET, Responsable Communication PédaGoJeux.............................39

• Du coup de « tablette magique » à l’e.éducation par Pascal PLANTARD, Anthropologue des usages des technologies numériques.......41

• Le numérique pour une meilleure accessibilité à l’école ! par Cristina POPESCU, Chargée de mission INS HEA................................................................. 43

• Ma fille, mon fils, tu grandiras avec le numérique par Aurélien ALVAREZ, Martine COURBIN, Valérie FRANÇOIS et Thierry VIÉVILLE..........46

• Les très sérieux jeux vidéo par Valérie LAVERGNE-BOUDIER, Titulaire d’un doctorat en Sciences de l’Information.....48

Les 12-18 ans

• Ecrans et sommeil des adolescents par Sylvie ROYANT-PAROLA, Psychiatre, spécialiste du sommeil.........................................50

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RÉALITÉS FAMILIALES#FAMILLES CONNECTÉES#2016

Familles connectées • Internet et jeux vidéo : les ados sont-ils accros ? par Michel REYNAUD, Professeur de psychiatrie et d’addictologie à la Faculté Paris Sud XI.............................................................52

• Apprentissage : le numérique comme vecteur de motivation par Bruno DEVAUCHELLE, Professeur associé à l’Université de Poitiers ....................................... 54

• Comment Internet facilite le recrutement jihadiste des jeunes ? par Dounia BOUZAR, Anthropologue du fait religieux.......................................................56

• Identités et sexualité adolescentes reconfigurées par les TIC par Pascal LARDELLIER, Professeur à l’Université de Bourgogne-Franche Comté.........58

• Contre la cyberviolence : le rôle des familles par Catherine BLAYA, Observatoire International de la Violence à l’Ecole CAPEF..........................60

• Les ateliers sur Internet : un dispositif au service des familles par l'UDAF de la Mayenne..................................68

• Familles et usages des TIC : Des limites à poser

par l'UDAF de Haute-Savoie...............................69

• Familles et numérique : surfer et acheter en toute sécurité

par l'UDAF de l'Essonne.......................................70

• Les réseaux sociaux : une porte d’entrée aux prédateurs

par l'UDAF du Val de Marne..............................71

• 12 questions à se poser sur les réseaux sociaux par la Confédération Nationale des Associations Familiales Catholiques ............ 72

Aux côtés des familles • Un réseau international de bénévoles pour apprendre aux enfants à coder

par l'UDAF de l'Aube............................................. 64

• Itinéraire d’une réussite pour des lycéens « cibercitoyens »

par l'UDAF de l'Aude.............................................65

• Les réseaux sociaux : Bienfaits et conséquences

par l'UDAF de l'Eure.............................................. 66

• Internet : le nouveau défi des relations infra-familiales par l'UDAF de Lozère............................................67

• Écoute Papy, je t’explique... par le Conseil National des Associations Familiales Laïques................................................. 73

• Intervenir dans les écoles

par Familles de France........................................74

• Adoption, origines et réseaux sociaux par Enfance et familles d’adoption...................75

• Des outils au service de la communication intergénérationnelle ? par la Fédération Nationale de la Médaille de la Famille...........................................................76

• Le numérique pour créer du lien entre élèves et parents

par les Maisons familiales rurales.....................77

Bibliographie

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ANNEXE

•C harte pour que le numérique profite à tous, mobilisons-nous contre l'illettrisme........................................................84

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Edito Médias et numérique, un enjeu pour les familles ! Marie-Andrée BLANC Présidente de l'UNAF

Est-il nécessaire de souligner l’omniprésence des écrans et des outils numériques dans notre quotidien ? Chacun peut la constater dans sa vie professionnelle, personnelle et bien évidemment familiale. D’ailleurs, la famille demeure le lieu du premier accès aux écrans et la diffusion de nouveaux usages se fait bien souvent au sein des familles avant même l’école, les administrations voire les entreprises. Il ne s’agit plus de savoir si les familles doivent être connectées, mais d’intégrer cette réalité dans l’ensemble des préoccupations familiales, et en premier lieu dans l’exercice de la parentalité et dans l’éducation des enfants.

Des familles hyperconnectées

L’espace numérique est devenu pour les enfants un espace social essentiel de construction de leur identité. Les outils numériques permettent aussi un accès inédit aux savoirs, à la connaissance, à l’information. Il stimule et renouvelle l’échange et le partage avec les membres de la famille, les amis et relations. Il crée de nouvelles opportunités de concilier les différents temps de vie. Pour les familles connectées, notre conviction est simple : ce nouvel environnement ne change pas les fondamentaux de l’exercice de la parentalité. Les parents ont plus que jamais un rôle à jouer dans l’accompagnement de leurs enfants pour les protéger, les guider et les aider à bien grandir. Il est primordial de convaincre les parents qu’ils ne doivent pas se mettre en retrait sous prétexte que leur enfant maitriserait mieux les usages numériques qu’eux. Pour l’UNAF, le numérique ne doit pas créer de nouvelles inégalités culturelles et éducatives entre les parents en capacité d’accompagner leurs enfants et les autres. C’est un immense défi pour lequel l’UNAF est présente et exigeante.

Conforter les parents dans leur rôle parental

Depuis 15 ans, l’UNAF agit pour promouvoir la maîtrise culturelle et technique par les parents et les enfants des outils numériques, la compréhension de leurs enjeux civiques et démocratiques, les opportunités nouvelles qu’ils offrent et des dangers qu’ils comportent. Ainsi, l’UNAF accompagne les UDAF, URAF, mouvements familiaux et de nombreuses structures partenaires dans l’organisation d’évènements pour informer et conseiller les familles sur les thématiques numériques. L’UNAF agit de même dans sa mission de représentation des familles dans le domaine des médias et du numérique : au sein du comité d’expert du jeune public du CSA et comme membre historique de la commission de classification des films. A travers sa démarche, l’UNAF souhaite permettre à chacun de mieux connaître l’environnement numérique, les pratiques (jeux vidéo, Internet, réseaux sociaux, téléphonie mobile, télévision) et ses dérives potentielles (pratiques excessives, intimité menacée, risques de mauvaises rencontres, violences…). Elle souhaite surtout que chaque parent puisse conserver son rôle parental dans ce nouveau contexte numérique. C’est pourquoi nous avons construit ce numéro de Réalités familiales sous l’angle de la parentalité. Le sujet est loin d’être épuisé car bien d’autres sujets relatifs au numérique concernent la vie des familles : inégalités territoriales dans l’accès aux réseaux, accès à l’e-santé, emploi (formation, apprentissage, télétravail, droit et devoir de déconnexion), accès aux services publics et à l’administration, accès au numérique pour tous en particulier les populations vulnérables et en situation d’illettrisme, sécurité …

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RÉALITÉS FAMILIALES#FAMILLES CONNECTÉES#2016

Avant-Propos Notre priorité : accompagner les parents Bernanrd TRANCHAND Vice-président de l’UNAF, administrateur en charge du dossier numérique

L’UNAF promeut une éducation aux médias et au numérique tout au long de la vie. Une éducation favorisant la sensibilisation de tous : enfants, parents, grands-parents, professionnels, afin que chacun puisse accéder à un usage conscient et équilibré des médias, des technologies et des usages numériques.

Pour une éducation aux médias et au numérique tout au long de la vie

Pour nous, il s’agit donc de permettre à toutes les familles et à chacun de ses membres de comprendre ce nouvel environnement, d'en maîtriser ses différentes facettes et de devenir des citoyens avisés et impliqués dans cette société de l'information et de la communication en mutation permanente. Dans cet esprit, l’éducation au numérique tout au long de la vie doit permettre une meilleure compréhension et une meilleure maîtrise des outils et usages numériques. Elle donne des repères pour appréhender les droits et devoirs de chacun à l’ère du numérique. Elle facilite la compréhension des enjeux familiaux, sociaux, éducatifs, culturels et économiques du numérique. Elle permet tout autant d’appréhender les risques potentiels (pratiques excessives, exposition de la vie privée, violence) que les opportunités des technologies numériques dans tous les champs de la vie quotidienne à chaque âge. Enfin, elle favorise le discernement et la distanciation face aux contenus véhiculés par les médias.

Un engagement concret aux côtés des familles

Afin d’informer les familles, l’UNAF édite des guides à destination des parents, largement diffusés par les UDAF et les URAF. Elle anime également le collectif PédaGoJeux pour donner aux parents des clefs de compréhension de l’univers des jeux vidéo. Elle est également engagée au sein du collectif EducNum qui soutient les initiatives en matière d’éducation au numérique. Consciente de l’enjeu pour les familles, l’UNAF s’est engagée dans le cadre de sa convention d’objectif avec l’Etat pour la période 2016-2020, et avec le relais des UDAF, à développer une action spécifique en direction des parents visant à les accompagner vers un usage responsable du numérique au sein de la famille. L’action vise en particulier à développer des outils qui permettent l’intégration de l’éducation au numérique dans une approche globale d’accompagnement à la parentalité, dans les dispositifs existants (maison des familles, espace-parent, REAPP, fête des familles, groupe de parole…), en favorisant les actions parents-enfants. Pour cela, l’UNAF a notamment développé un kit numérique avec des fiches pratiques à destination des parents et des fiches pédagogiques à destination des animateurs des UDAF (méthode pour créer des ateliers de bonnes pratiques, répertoire de conférenciers, ressources et des podcasts). Ce numéro de Réalités familiales nous permet tout à la fois de montrer l’implication de l’UNAF, des Unions d’associations familiales et des mouvements familiaux que de réunir autour de cet enjeu pour les familles les principaux organismes et experts du domaine.

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Préface © Olivier Ezratty

Le numérique et les écrans dans la vie de famille

Axelle LEMAIRE Secrétaire d'État auprès du Ministre de l'économie et des finances, chargée du numérique et de l'innovation.

D

ans le contexte actuel, il est difficile de faire entendre un discours positif sur le numérique. Les citoyens exigent une meilleure protection et un respect de leur vie privée. Nous vivons dans une société qui est bercée par les outils numériques, et il manque parfois la formation nécessaire pour les appréhender et les utiliser de la meilleure façon possible. Se protéger, tout comme tirer tous les bénéfices d’un secteur qui n’a de cesse de s’amplifier, passe aussi par un bon apprentissage des droits et usages autour du numérique.

La République numérique : Protéger et inclure

Dans la loi pour une République numérique qui sera promulguée début octobre 2016, nous avons posé les bases de la République numérique. Le numérique est aujourd’hui omniprésent dans nos quotidiens. C’est pourquoi il était impératif de renforcer la protection des citoyens. Il fallait oeuvrer pour la protection des individus dans la société du numérique, notamment en introduisant de nouveaux droits en matière de données personnelles, d’accès aux services numériques, mais pas seulement. Il était également nécessaire de favoriser l’accessibilité aux services numériques publics, de faciliter l’accès au numérique par les personnes handicapées mais aussi de maintenir la connexion internet pour les personnes les plus démunies. Le numérique doit être facteur d’inclusion. Et de nombreuses familles sont encore exclues de cette société numérique parce qu’elles n’y ont pas accès. Ceci va changer.

Revanche pornographique et droit à l’oubli

En tant que mère de famille et bien qu’ultra connectée, je partage les craintes et les doutes quant à l’utilisation trop régulière de nos enfants des outils numériques. Certaines de ces craintes sont liées aussi à l’actualité dans laquelle nous voyons des jeunes femmes affichées sur les réseaux sociaux dans leur plus grande intimité. Et on se dit : Et si c’était ma fille ? Et si c’était mon fils ? La revanche pornographique, mode et fléau ces derniers temps, consiste à diffuser sur internet, via les réseaux sociaux, des photos ou enregistrements vidéo et audio intimes à caractère sexuel, sans demander l’accord de la personne concernée, pour se venger d’une déception amoureuse. Les auteurs pensent souvent que leur acte est anodin, sans conséquence. C’est faux. Il était important d’agir. Le projet de loi permet désormais des sanctions de 60 000 euros d’amende et deux ans d’emprisonnement. Il y a aussi le sujet du droit à l’oubli pour les mineurs, qui désigne la possibilité pour des personnes d’obtenir la suppression d’information les concernant, qui ont été publiées sur Internet, ou encore le déréférencement de ces informations par les moteurs de recherches. Bien que les jeunes soient familiarisés très tôt avec les outils numériques, ils n’en mesurent pas toujours les conséquences à long terme et c’est primordial qu’à leur demande, certaines images ou autres données puissent être rapidement déréférencées.

Eduquer, pour mieux protéger

L’éducation à un rôle indispensable à jouer dans cette connaissance des outils numériques, à la maison, mais aussi au sein des établissements scolaires. Nous avons lancé en octobre 2015 avec Najat Vallaud-Belkacem l’appel à projets e-FRAN, qui vise à soutenir des expérimentations innovantes imaginées par des écoles, collèges ou lycées sur les outils numériques dans les pratiques d’enseignement ou sur l’éducation à la société numérique dans son ensemble. Ces projets permettront d’accélérer et d’amplifier la transition numérique à l’école. Le numérique peut être un merveilleux facteur de réussite éducative. Ça n’est qu’un exemple parmi tant d’autres qui vont aboutir à une meilleure utilisation de nos enfants aux outils numériques. Le numérique est omniprésent au sein des foyers. Il ne faut pas en avoir peur et le rejeter face à l’actualité. Comme je l’ai dit, c’est un outil. Et s’il est bien utilisé, il peut être un formidable vecteur d’inclusion, de réduction des inégalités, d’ouverture sur le monde et de compréhension de ce dernier. Utiliser le numérique pour mobiliser l’intelligence collective et nous ouvrir au monde, voilà sa vraie raison d’être.

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RÉALITÉS FAMILIALES#FAMILLES CONNECTÉES#2016

Familles connectées Les pratiques numériques et le temps passé sur ces médias augmentent très vite… Les chiffres clefs changent donc à grande vitesse.

Chiffres

clés

Équipement

76%

47

,7%

des adolescents issus de milieu défavorisé possèdent un téléphone portable, contre 68 % d’origine sociale favorisée. (Lire article

des locaux (logements, entreprises, administrations) couverts en très haut débit fixe.

Numérique et inégalités éducatives page 41)

(source : conférence annuelle du plan très haut débit – juin 2016)

95,7%

95%

des familles avec enfant(s) sont équipées d’un téléphone portable.

des familles avec enfant ont accès à Internet.

(Source : INSEE 2013)

(Source : Eurostat 2013)

Usages

Place des parents

Accessibilité

des enfants déclarent ne pas être du tout autorisés par leurs parents à faire certaines activités numériques.

de la population serait concernée par l’illettrisme numérique.

91

%

4h10 c’est le temps moyen passé sur le web par semaine chez les 1-6 ans � 5h40 chez les 7-12 ans, � 14h40 chez les 13-19 ans. Et parmi les 7-19 ans équipés, ils sont 8 sur 10 à utiliser des applications mobiles.

85

des 15-17 ans et

des collégiens ont un téléphone portable dans la chambre, un smartphone dans 66,7% des cas.

64%

des 11-13 ans ont un profil sur Facebook.

(Lire article sur le sommeil page 50)

(voir charte en annexe page 84)

(Lire article sur cyberviolence page 60)

92%

,2%

15%

(Baromètre Calysto 2012)

Réguler les écrans 6,7,8 FÉVRIER : journées mondiales sans téléphone portable

13 ANS : c’est l’âge en dessous duquel Facebook est interdit.

www.pegi.info

c’est la classification PEGI pour les jeux vidéo. (Lire article page 18)

0 800 005 696 : numéro vert du centre

42

% des 13-19 ans utilisent

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Snapchat. (Source : IPSOS 2016)

national d’assistance et de prévention de la radicalisation ou STOP-DJIHADIME.GOUV.FR

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État des lieux

#8-26

scyther5 / Shutterstock.com

Qu’appelle t’on le numérique ? Est-ce une culture ? Quels textes légaux ou règlementaires encadrent l’usage des outils numériques ? A quel âge peut-on utiliser les outils numériques ? Y a t-il des bonnes pratiques ? Y a t-il des clefs pour aider les parents ? Le numérique transforme t’il nos pratiques familiales ? Quels sont les enjeux pour les familles ? Etat des lieux.

10 web

eils deCNIL cons pour

la

rester

sur le

2

Respecte les autres ! Tu es responsable de ce que tu publies en ligne alors modère tes propos sur les réseaux sociaux, forums... Ne fais pas aux autres ce que tu n’aimerais pas que l’on te fasse.

3

5

1

Net

Sur internet, tout le monde peut voir ce que tu mets en ligne : infos, photos, opinions.

4

Sécurise tes comptes !

7

Utilise un pseudonyme !

Paramètre toujours tes profils sur les réseaux sociaux afin de rester maître des informations que tu souhaites partager.

Ne dis pas tout ! Donne le minimum d’informations personnelles sur internet. Ne communique ni tes opinions politiques, ni ta religion, ni ton numéro de téléphone...

Crée-toi plusieurs adresses e-mail ! Tu peux utiliser une boîte e-mail pour tes amis et une autre boîte e-mail pour les jeux et les réseaux sociaux.

6

Réfléchis avant de publier !

Seuls tes amis et ta famille sauront qu’il s’agit de toi.

Attention aux photos et aux vidéos ! Ne publie pas de photos gênantes de tes amis ou de toi-même car leur diffusion est incontrôlable.

8

10

Attention aux mots de passe !

/ 20150407 - Illustrateur : Martin Vidberg

Ne les communique à personne et choisis-les un peu compliqués : ni ta date ni ton surnom !

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Vérifie tes traces ! Tape régulièrement ton nom dans un moteur de recherche pour découvrir quelles informations te concernant circulent sur internet.

Fais le ménage dans tes historiques ! Efface régulièrement tes historiques de navigation et pense à utiliser la navigation privée si tu utilises un ordinateur qui n’est pas le tien.

Retrouvez d’autres conseils et astuces sur www.cnil.fr et sur www.educnum.fr ! #EducNum

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État des lieux

RÉALITÉS FAMILIALES#FAMILLES CONNECTÉES#2016

Familles en TIC ! *

Les relations familiales sont multiples et l’entrée des dispositifs informationnels et communicationnels (ordinateur, téléphone mobile, internet, etc.) en leur sein ne revêt pas les mêmes significations d’une famille à l’autre.

Laurence LE DOUARIN Maître de conférences en sociologie Membre du Centre de recherche Individus, épreuves, sociétés (CERIES) Université de Lille Sciences humaines et sociales laurence.ledouarin@univ-lille3.fr

*TIC : Technologies de l’Information et de la Communication

L

es « effets » des outils informationnels et communicationnels sont toujours relatifs et dépendent de l’économie morale propre à chaque foyer, de ses normes, de ses valeurs et de ses modalités de régulation. Dans quelle mesure l’introduction de ces outils dans les familles révèlet-elle, transforme-t-elle ou déplace-t-elle les relations familiales ? Ainsi, est-il possible de s’interroger sur les différentes stratégies éducatives des parents à l’égard de ces outils, sur les modalités de régulation, sur les contournements des règles établies, sur les bouleversements dans le rapport à l’intimité amoureuse, notamment dans les familles monoparentales. De même, se pose la question de la transmission des savoirs : les enfants développeraient-ils des compétences informatiques supérieures à celles de leurs parents ?

Les stratégies parentales

Selon les stratégies éducatives propres à chaque famille qui toutes vivent une tension entre le désir de réussite scolaire de leur progéniture et le respect de leur épanouissement personnel (De Singly), cette tension revêt de multiples facettes allant de l’autonomie négociée, à la surveillance en passant par une alternance entre le « laisser faire » et les « crises d’autorité ». Bien sûr, toutes les familles interrogées mettent en place des mécanismes de contrôle et de régulation des pratiques informatiques pour éviter les excès. Mais les manières de contrôler ne sont pas homogènes, comme

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le soulignait déjà Jean Kellerhals et Cléopâtre Montandon à propos de la télévision, lesquels distinguaient dans les techniques d’influence le « guidage » et la « surveillance ». Cela dit, l’ordinateur porte en lui les possibilités de réaliser des activités en toute discrétion à l’insu de l’entourage (port d’un casque pour écouter de la musique, écriture électronique au lieu d’une conversation orale, passage d’une fenêtre à une autre par une combinaison de touches pour dissimuler les activités en cours sur écran, etc.). Face à ces possibilités, les parents peuvent modifier l’emplacement de la machine dans un espace collectif pour favoriser une forme de surveillance ou dans la chambre conjugale pour limiter l’accès fluide à l’ordinateur : la chambre des parents reste un espace intime qui suppose souvent l’autorisation d’y séjourner. L’ordinateur fixe est en réalité un objet mobile qui se déplace au gré des événements, des conflits, des effets inattendus ou même anticipés. Dans certaines familles, le choix d’équiper l’aîné de la fratrie d’un ordinateur personnel dans sa chambre à coucher peut à la fois être légitimé par une sorte de retour du « droit d’aînesse » tout en éprouvant la justice familiale et soulever ainsi des réactions chez les autres membres de la fratrie qui n’ont pas nécessairement les mêmes droits en matière d’utilisation des outils informatiques. Ainsi, certains parents sont-ils pris en tension entre l’attribution de droits et de devoirs

propres à l’âge de leurs enfants (registre de l’équité et d’un traitement inégalitaire pour se dire « juste ») et la revendication démocratique d’un traitement égalitaire de leurs enfants indépendamment de leur position (registre de l’égalité et d’un traitement égalitaire qui peut être vécu comme « injuste » par les enfants en fonction de leur âge).

Des usages multiples

L’ordinateur peut être utilisé comme la télévision : une nourrice en l’absence du parent au travail. Dans le cas des familles monoparentales, tantôt il est utilisé comme un outil d’aide aux devoirs chez certains enfants qui rentrent après l’école et qui ont intériorisé un « code de bonne conduite » tantôt comme un moyen de procrastiner et de reporter toujours à plus tard l’effort au travail scolaire en l’absence d’un guide parental. L’ordinateur est un objet polyvalent aux modalités d’usages multiples : ce qui compte n’est pas tant ce qu’il fait aux usagers mais ce que les usagers font avec. Il ne s’agit pas de contester le fait que ces outils informationnels et communicationnels portent en eux des scripts techniques qui imposent à l’usager des nouvelles manières de faire et de nouvelles routines potentielles. Mais les usagers ont toujours la possibilité de s’approprier autrement les outils en développant un écart entre les usages prescrits et les usages réels. D’une certaine façon, les modalités d’usages pensées au préalable se confrontent toujours à l’ambivalence de ce que les usagers en font : ces derniers

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État des lieux

peuvent à la fois être « hyperconnectés » et mettre en place des stratégies de déconnexion, reproduire la distribution traditionnelle des rôles domestiques et les déplacer, provoquer le conflit tout en offrant les moyens de le résoudre… La question sociologique est donc de savoir dans quelle mesure les contextes sociaux d’usages comportent des éléments en son sein qui font varier les usages, et ce pas seulement à travers le prisme des appartenances sociales et des milieux sociaux.

Zoom sur les familles monoparentales

Un résultat inattendu a émergé de ce travail dans l’exploration des familles monoparentales : l’intrusion par ces dispositifs techniques des enfants dans les aventures amoureuses de leur parent isolé. Bien que la sociologie ait étudié l’évolution du poids de la communauté environnante dans le choix du conjoint et des parents dans les fréquentations de leurs enfants, peu de choses traite du rôle des enfants dans le choix du conjoint de leur parent et du contrôle qu’ils sont susceptibles d’exercer sur les stratégies d’alliance. Les TIC ont constitué un analyseur pratique pour mettre en lumière ce processus sur lequel, il faut bien le dire, la sociologie reste muette. Dans les familles monoparentales, les enfants peuvent soupçonner le parent d’entretenir de « mauvaises fréquentations » ou de faire de « mauvaises rencontres », incarnées dans la figure du « petit-copain » ou de la « petiteamie », potentiellement futur(e) beau-père ou belle-mère. Ils se montrent alors hostiles aux tentatives de rapprochement entre les amants. Les enfants deviennent soupçonneux quand, par exemple, leur mère ou leur père s’éloigne un instant pour répondre à un appel ou laisse retentir la sonnerie du téléphone mobile dont la mélodie choisie indique l’identité de l’appelant (le petit-copain ou la petite-amie, en l’occurrence). L’attention se porte sur ce

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moment où le parent attend le coucher des enfants pour chater avec le ou la bien-aimé(e). Il y a parfois un enfant qui se lève pour se rendre aux toilettes et jeter un œil au passage. Bien sûr, on peut toujours trouver des chérubins qui incitent, au contraire, le parent gardien à refaire sa vie. Ils forment alors à eux seuls une agence matrimoniale, en quête de la perle rare. Par exemple, les enfants incitent leur mère ou leur père à appeler, se réjouissent d’un coup de fil, l’aident à s’inscrire sur un site de rencontre, voire organisent des stratagèmes pour faciliter les rendez-vous amoureux ou affichent un sourire radieux quand le moment des présentations est venu. De la même façon que les parents peuvent espérer de leur progéniture qu’elle fasse le « bon mariage », ces enfants souhaitent intervenir dans le « choix du conjoint » et mettre sous leur contrôle les stratégies d’alliance.

Les parents gardent un rôle central

Enfin, il est souvent annoncé que les enfants, par leur expertise en matière de technologies de l’information et de la communication, inverseraient l’ordre des générations dans la transmission des connaissances (rétrosocialisation). Or, la réalité offre là-aussi un panorama diversifié. D’une part, il y a des toujours des parents qui en savent plus que leurs enfants en la matière, notamment quand ils exercent une profession avec un usage important de l’ordinateur et des logiciels qui l’accompagnent. Inversement, dans les milieux ouvriers, il est plus fréquent de rencontrer des parents qui délèguent à l’enfant le soin de s’occuper de la machine, bien que les choses évoluent aussi sur ce plan. Par exemple, j’ai rencontré des mères de famille de milieux populaires qui ont surinvesti l’ordinateur pendant leur congé parental en vue de développer de nouvelles compétences et espérer bifurquer professionnellement. Bref,

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#usagers

Ce qui compte n’est pas tant ce qu’il fait aux usagers mais ce que les usagers font avec.

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il ne faudrait pas confondre la facilité enfantine à s’approprier ces dispositifs avec l’idée qu’ils seraient plus compétents que leurs aînés. En outre, la facilité enfantine est toute relative. Il suffit de se reporter aux travaux sur les apprentissages documentaires sur le net où les enfants ne savent pas toujours réaliser une recherche efficace en matière de documentation. Les parents peuvent alors jouer un rôle essentiel pour les initier à la recherche en ligne et les guider pour éviter l’usage abusif du « copier/coller ». A ce propos, les enquêtes montrent que le copier/coller revêt de multiples facettes qui ne se cantonnent pas à la « triche » ou au travail bâclé. C’est aussi pour eux une manière de créer des documents sur traitement de texte pour restituer le fil de leur navigation en ligne : créer une continuité dans une recherche qui bondit de lien en lien hypertexte. l

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3-6-9-12 pour apprendre à se passer des écrans, et apprendre à s’en servir Avec les outils numériques, chacun peut démultiplier ses possibilités d’agir sur le monde, mais aussi le fuir et l’ignorer. Nos enfants auront d’autant plus de chance de s’engager du bon côté que nous introduirons les écrans dans leur vie au bon moment et de la bonne façon.

Serge TISSERON Psychiatre, Docteur en psychologie HDR Chercheur associé à l’Université Paris VII Membre de l’Académie des Technologies. www.sergetisseron.com

L

es balises 3-6-9-12 ont pour but de fonder cette indispensable diététique des écrans. Je les ai conçues en prenant en compte à la fois les travaux en psychologie du développement, les recherches nord-américaines sur les dangers d’une exposition trop importante aux écrans, et l’importance d’une pédagogie éducative mise en avant par l’Académie des sciences1.

Pour une diététique des écrans

Serge TISSERON a reçu en 2013 un AWARD « For Outstanding Achievement » du Family Online Safety Institute (FOSI) pour ses travaux sur les jeunes et Internet.

Laisser à un enfant la disposition d’une tablette ou d’un smartphone, c’est comme lui laisser à disposition un saladier de crème au chocolat ! C’est le confronter à l’équivalent pour son cerveau de ce que sont les confiseries hyper appétissantes, mais trop grasses, trop salées et trop sucrées, avec le risque qu’il ne puisse plus s’en passer et se détourne d’autres catégories d’aliments plus nécessaires à son développement. C’est pourquoi les balises 3-6-912 posent quatre repères essentiels. Tout d’abord, il n’existe pas de « bon écran » et de « bon pro-

gramme » avant l’âge de trois ans, et il vaut mieux limiter le plus possible leur consommation avant cet âge. Ensuite, offrir une console ou une tablette personnelle avant six ans éloigne l’enfant de beaucoup d’autres activités indispensables à cet âge. En troisième lieu, Internet est un droit à 9 ans, mais de préférence en usage accompagné et évidemment modéré. Enfin, les réseaux sociaux sont déconseillés avant 12 ans. Mais réduire l’éducation aux écrans à un contrôle du temps passé serait une grave erreur. Pour aider l’enfant à pouvoir un jour s’auto guider et s’auto protéger, il est essentiel de choisir ses programmes avec lui, d’échanger sur ce qu’il voit et fait avec les écrans, et d’encourager ses activités de création à tout âge.

Avant 3 ans, le meilleur des jeux est celui que l’enfant s’invente lui-même

Le temps passé par les bébés devant la télévision, tous programmes confondus, les éloigne de la seule activité vraiment utile à leur âge : interagir spontanément avec leur environne-

ment grâce à leurs cinq sens, en inventant leurs propres jeux. Dès 1999, des travaux ont attiré l’attention sur les dangers de la télé pour les bébés2, à tel point qu’en 2006, j’ai lancé une pétition et une campagne sur le thème « pas de télé avant 3 ans ». Depuis, de nouvelles études ont confirmé les inquiétudes3 ! Des dangers sont également démontrés pour l’enfant qui joue dans une pièce où la télévision est allumée sans qu’il la regarde4. De plus, la télévision consommée avant l’endormissement perturbe les rythmes normaux de sommeil, exactement comme le fait plus tard le smartphone. Chez le jeune enfant, le meilleur des jouets, c’est celui qu’il invente lui-même avec un objet qu’il peut flairer, porter à la bouche, serrer dans la main, et dont il sent le poids et la consistance avant de le jeter au loin pour courir derrière. Et le meilleur des écrans, c’est le visage de l’adulte qui l’accompagne dans ses jeux. Enfin, il n’est jamais trop tôt pour montrer l’exemple. Commençons alors par le faire en prenant chaque soir le repas

Bach J.F, Houdé O., Léna P., Tisseron S., L’enfant et les écrans, un avis de l’Académie des Sciences, Paris, Le Pommier, 2013 Tisseron S. (2007), Les dangers de la télé pour les bébés, Toulouse, Erès, 2008. Au-delà de deux heures par jour devant le petit écran dans la petite enfance, chaque heure de plus passée devant un téléviseur se traduit à l’âge de dix ans par une augmentation du risque d’obésité, une diminution de l’intérêt en classe et une baisse des habiletés mathématiques Les enfants deviennent aussi « moins autonomes, moins persévérants et moins habiles socialement » (Pagani Linds S., Archives of Pediatrics and Adolescent Medicine, 2010 ; 164(5):425-431). 4 Pempeck, Tiffany A., Georgetown University, The effects of background television on the toy play behavior of very young children. (2008) Journal Child Dev: 79 (4) : 1137-51. 5 Bach J.F, Houdé O., Léna P., Tisseron S., op. cit. 1 2 3

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familial sans télévision ni téléphone mobile, ni tablette tactile, ni journal. C’est la meilleure façon de montrer à nos enfants que nous avons le désir d’échanger avec eux.

La tablette et le smartphone, c’est pour jouer ensemble

Certains parents pensent que l’enfant qui joue avec une tablette ou un smartphone se trouve un peu dans la situation de celui qui dessine. Mais c’est en réalité très différent. Chaque fois que je lève le poignet pour modifier mon dessin, je dois me construire une représentation très précise de mon bras et des divers mouvements de ma main pour que mon tracé corresponde à mon intention. Mais avec une tablette ou un Smartphone, la seule initiative consiste à faire apparaître les motifs que le programmeur a prévus en frottant un seul doigt sur l’écran ! La tablette crée également un rapport au temps problématique. Lorsqu’il gribouille et inscrit ses gestes dans un trait, l’enfant découvre sa capacité à modifier le monde et le fait que cette modification est irréversible. Mais sur un écran, le jeu rejoué une seconde fois est exactement semblable au premier. Nous autre, adultes, n’avons pas trop de difficultés à faire la différence entre l’espace de la tablette et celui du monde réel parce que nous avons d’abord construit nos repères du monde concret avant de découvrir ceux des mondes numériques. Mais le jeune enfant n’a pas ce recul. C’est pourquoi celui qui sait utiliser des cubes réels diversifiera peut-être ses apprentissages en apprenant à assembler des cubes virtuels, mais celui qui ne sait pas assembler des cubes réels ne gagnera rien à le faire, et risque même d’y perdre le sens du temps et de la réalité ! Alors, faut-il interdire la tablette chez le jeune enfant ? Non, mais en gardant à l’esprit qu’avant quatre ans, c’est la relation qui détermine tout.

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C’est pourquoi les tablettes doivent être réservées à des durées courtes, en complément des activités traditionnelles, et toujours en usage accompagné sans autre souci qu’un jeu partagé . Cela afin d’éviter que l’enfant ne demande la tablette ou le smartphone parce qu’il aurait compris que c’est la meilleure façon d’intéresser son parent !

Encourager les créations à tout âge

La réduction du temps d’écrans est indispensable, mais pas suffisante. Car éduquer un enfant ne consiste pas à le guider et à le protéger, mais à lui apprendre à s’auto guider et s’auto protéger. Pour cela, choisissons d’abord les programmes de l’enfant avec lui. On discute, on va voir avec lui les démos des jeux vidéo sur Internet, on consulte le site pédago jeux, on essaie de comprendre avec lui pourquoi il préfère une émission à une autre ou un jeu à un autre. Ses copains lui en ont-il parlé ? En même temps, les parents prennent l’habitude de nommer à l’enfant ses temps passés devant l’écran, à la fois avant de s’y installer (par exemple : « tu as droit à une demi-heure d’écran ») et après (« c’est la fin de ton programme et l’heure d’arrêter, tu as regardé la demiheure que nous avions convenue »). Cela invite à associer toujours l’usage des écrans à des durées que l’on se fixe. Pour la même raison, il est toujours préférable de mettre l’enfant devant un DVD plutôt que devant la télévision. Inviter l’enfant à raconter ce qu’il a vu et/ou fait sur les écrans stimule aussi son développement. Il passe ainsi de l’intelligence visuo-spatiale qui est sollicitée face à un écran à l’intelligence narrative essentielle pour situer une action dans une histoire. Aidé par l’adulte, il apprend à construire un récit en distinguant entre l’avant, le pendant et l’après, d’une façon qui lui permettra, plus tard, de se constituer en narrateur de sa propre vie.

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Enfin, les activités de création sont le quatrième axe à privilégier en famille. Les occasions ne manquent pas, qu’il s’agisse de la photographie dès la cinquième année, des logiciels Publisher, Power Point et Photoshop, de la fabrication de petits films, ou encore du logiciel de programmation Scratch (en accès libre sur Internet) après huit ans. Tous ces outils sont autant de façons d’inviter l’enfant à quitter le statut exclusif de consommateur d’écrans, pour devenir un créateur. C’est ce que nous pouvons souhaiter de mieux à nos enfants ! l

à lire... 3-6-9-12, Apprivoiser les écrans et grandir (Ed. éres)

Le jour où mon robot m’aimera : vers l’empathie artificielle (Ed. Albin Michel)

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Le mythe de la fracture numérique Le discours sur le fossé numérique émerge au début des années 1990 avec la distinction entre les « inforiches » et les « infopauvres » pointée par plusieurs rapports officiels au sein de l’organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Existe-t-il vraiment d’une fracture économique en matière de numérique ? Quelles réalités désignent aujourd’hui ce terme ? Pascal PLANTARD Anthropologue des usages des technologies numériques Professeur de Sciences de l’Éducation à l’université Rennes 2 Centre de recherche sur l’éducation les apprentissages et la didactique (CREAD) et GIS M@rsouin

C

ontemporain des premiers pas d’internet, le terme « digital divide »1 (fracture numérique) apparaît dans certains travaux de recherche aux États-Unis, pour décrire la disparité d’accès à internet, en particulier les minorités noire-américaines.

Une fracture idéologique ?

Dans la suite logique de l’idéologie de la société de l’information portée par le Vice-Président Al Gore dès 1992, la doctrine de la société de l’information pour tous à l’assaut de la fracture numérique est formulée dans un discours célèbre du Président Bill Clinton prononcé à Knoxville (Tennessee) le 10 octobre 1996 : « We challenged the nation to make sure that our children will never be separated by a digital divide »2. Comme le démontre Éric Guichard3, la fracture numérique est un produit des croyances au déterminisme technique et au progrès. C’est une notion beaucoup plus politique que scientifique. En France, Jacques Chirac mène sa campagne présidentielle de 1995 autour du thème de la « fracture sociale ». Dès 1997, s’impose alors l’expression de fracture numérique qui témoigne d’une juxtaposition idéologique entre

les deux expressions de fracture sociale et fracture numérique. La notion justifie le « retard » technologique français et nous pousse à rattraper, réduire, combler ce retard. Comme l’écrit Bruno Ollivier « les expressions anglaise et espagnole reposent sur la même image. Le digital divide renvoie à une séparation, une division opérée par la numérisation. La brecha digital évoque une béance, une brèche. Chacune des expressions se construit sur un nom qui nomme un mal qu’il faut soigner (une fracture se réduit, une brèche peut se combler, les parties séparées peuvent se rejoindre) et sur un adjectif qui en définit à la fois l’origine (les différences sur le plan numérique) et le remède possible (les progrès technologiques) » (Ollivier, 2006). On confie donc à la société de l’information ellemême, aux industriels des TIC et à la commission européenne qui la porte depuis l’adoption de la stratégie de Lisbonne en 2000, les remèdes à la fracture.

Massification des technologies et niveaux de fracture

Pourtant depuis 2002, les travaux de recherche M@rsouin5 et du CREAD6 mettent clairement en avant 2 écueils. On ne

peut analyser la fracture numérique de la même manière lorsque 23 % de la population possédait un ordinateur (en 1998), 53 % (en 2004) alors qu’ils sont 81 % en 2012. De même pour la connexion internet, quasi inexistante en 1998 (4 %), à 36 % en 2004 et à 78 % aujourd’hui. La position sociétale des technologies numériques évolue avec le temps. Par ailleurs, après avoir longuement étudié les inégalités d’accès aux ordinateurs et à internet (fracture de 1er niveau), nous avons découvert des usages très contrastés des logiciels entre les groupes sociaux (2ème niveau) puis des différences flagrantes d’interprétation des informations issues de ces usages (3ème niveau) et enfin, dernièrement, une socialisation des pratiques numériques tout à fait inégalitaire entre les groupes sociaux (4ème niveau). Par exemple, alors que les lycéens hyperconnectés du centre ville de Rennes utilisent le réseau social Facebook (FB) pour l’ensemble de leurs activités, des loisirs aux études, plusieurs heures par jour, les apprentis boulangers des lycées professionnels de la périphérie ouvre FB le vendredi soir pour « péchô de la zouzzz »7 et organiser la soirée arrosée du

1/ L’expression « digital divide » aurait été évoquée pour la première fois en 1995 par Austin Long-Scott, un afro-américain de l’université de San Francisco. 2/ Traduction : « Le défi pour notre nation est de s’assurer que ses enfants ne seront jamais séparés par une fracture numérique ». 3/ http://barthes.ens.fr/articles/Guichard-mythe-fracture-num.html 4/ Notion empruntée au sociologue Emmanuel Todd 5/ Le groupement d’intérêts scientifique (GIS) M@rsouin (Môle @rmoricain de Recherche sur la SOciété de l’information et les Usages d’ Internet) a été créé en 2002 sous l’impulsion du Conseil Régional de Bretagne. Unique en Europe, ce GIS regroupe 11 équipes de recherche pluridisciplinaires en Sciences Humaines et Sociales provenant des 4 universités bretonnes et de 3 grandes écoles et travaillant sur les usages des technologies numériques. 6/ CREAD : Centre de recherche sur L’Éducation, Les Apprentissages et La Didactique.

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samedi. Ils mettent ensuite leurs photos le dimanche et se déconnectent… jusqu’au vendredi suivant8. Lorsqu’une notion se décline en autant de niveau, il faut se poser la question de sa validité heuristique. La fracture ne se réduit pas, elle se déplace. Elle est un révélateur des inégalités sociales et économiques qui résistent aux idéologies mouvantes et volatiles de la société de l’information.

La France Numérique de 2015

Contre toute attente, à partir des données de la dernière enquête CREDOC de novembre 2015 et malgré la crise, l’équipement technologique des français grimpe imperturbablement. 81 % de la population disposent d’un ordinateur fixe à domicile, 58 % d’un smartphone et 35 % d’une tablette. Les personnes équipées sont quasiment toutes connectées à internet ce qui porte le taux de connexion globale de la population française à 83 %. Globalement, on assiste à un tassement des écarts d’équipement et de connexion au niveau des déterminants classiques de la fracture numérique que sont l’âge, les revenus et le niveau d’études. Pour le CREDOC9, le niveau des inégalités d’équipement a été divisé par 2 pour l’ordinateur, par 2,4 pour le téléphone mobile et par 2,6 pour la connexion internet entre 2002 et 2012. On peut dire que depuis 2008, ce sont les moins dotés qui ont fait progresser la moyenne. Gardons-nous néanmoins de l’idée d’une réduction de la fracture. Équipement et connexion ne sont que les conditions de l’usage du numérique et c’est sur ce terrain que la fracture se déplace.

Le facteur isolement

Lors de l’enquête M@rsouin 2009, le facteur isolement est devenu « l’indicateur étrange » de l’exclusion numérique, faisant sauter les catégories sociologiques classiques (âge, revenu, niveau d’études). 65 %

des personnes interrogées invoquent l’isolement comme premier facteur du non-usage du numérique. Au cœur des phénomènes d’exclusion numérique, on trouve donc la notion d’isolement social qui combine faiblement les questions d’âge (les seniors isolés) et les travailleurs pauvres mais très fortement les populations qui n’ont que les minimas sociaux pour vivre. Il serait hâtif d’en déduire que la pauvreté renvoie à une forme unique d’isolement qui conditionnerait l’exclusion numérique. C’est le « sentiment » d’isolement qui importe. Cette catégorie comprend aussi des personnes qui n’ont pas forcément de problème d’argent mais qui se retrouvent dans des situations de vie qui les isolent. La question de l’absence de temps disponible à consacrer au numérique est souvent évoquée comment facteur de non-usage par les personnes qui se sentent isolées, en particulier par une population bien identifiable : les familles monoparentales qui sont très souvent portées par des femmes.

Une urgence : conceptualiser l’usage

La « fracture numérique », même déclinée au pluriel, n’est pas un concept opératoire. Elle n’est pas une simple conséquence des inégalités sociales et économiques préexistantes. Elle est plutôt le produit de la rencontre singulière de chaque personne avec les cultures numériques. Cette rencontre, en fonction des histoires singulières, favorisera ou non le désir, l’envie, la motivation pour se lancer dans les usages des technologies numériques. Au-delà des questions d’âge, de niveau d’éducation et de revenus, c’est une réflexion sur la capacité à développer des relations sociales dans un environnement qu’il faut privilégier aujourd’hui pour lutter contre les exclusions numériques et faire advenir une nouvelle forme de société de l’information non plus excluante mais e-inclusive.

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Usages = ensembles de pratiques socialisées Avec l’équipe du CREAD et de M@rsouin, pour objectiver le concept d’usage, nous le définissons comme des ensembles de pratiques socialisées. Le terme « ensemble » suggère des questions de seuil, de groupes sociaux, de frontières. Les usages fondent de nouvelles normes autour desquelles se créent les sociabilités. Les millions de connexions à Wikipédia ou à Facebook témoignent d’usages sociaux installés. A l’inverse, malgré les discours ambiants sur l’arrivée massive et imminente des mondes virtuels, Second Life n’a trouvé, en comparaison, qu’un public relativement restreint. L’adjectif « socialisées » renvoie à des questions de constructions collectives et à l’étude des processus d’adoption des normes culturelles, ce qui nous conduit à replacer les usages des technologies numériques dans les contextes socio-historiques. L’observation des pratiques effectives du numérique permet de comprendre ce qui fait civilisation lorsque les imaginaires liés aux technologies initient des pratiques numériques qui se sédimentent en usages. Aujourd’hui, loin des notions aveuglantes de fractures numériques ou de génération Y produites par le marketing technologique, il existe des différences radicales d’usages entre les groupes sociaux, les jeunes en particulier. Peu visibles, si l’on n’y porte pas attention, ces différences favorisent les ruptures des liens sociaux dans les espaces éducatifs de l’école ou de la famille.

83

%

c’est le taux de connection de la population française.

Regarder les usages comme normes sociales d’usages des technologies, c’est aussi se poser des questions nouvelles sur les normes scolaires et éducatives qui sont de plus en plus bousculées par les technologies, à l’image de l’irruption du smartphone chez les adolescents. l

7/ Traduction : « trouver des filles ». 8/ Recherche effectuée en 2010 sur les usages numériques des lycéens en Bac Pro, corroborée par 2 autres recherches Lebreton S. (2011) et André G. (2012) 9/ Pour le mode de calcul et la méthodologie sur les inégalités d’équipement inspirés du coefficient de Gini, voir Alibert, Bigot et Foucaud (2005)

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Le numérique, une affaire de culture(s) ?

Jacques-François MARCHANDISE Directeur de la recherche et de la prospective de la Fondation Internet Nouvelle génération (FING)

« Je n’y connais trop rien, mais mes enfants s’en sortent bien », tel est souvent notre désarroi face au numérique, nourri de nombreuses situations quotidiennes. Même embarras fréquent dans la sphère professionnelle, « tu devrais demander à untel », sans doute moins marqué par l’écart générationnel. Quelle différence entre nous et l’autre (enfant, collègue, ami) qui sait ? que sait-il, pourquoi en sait-il davantage alors que chacun de nous passe des milliers d’heures à utiliser un ordinateur ou un smartphone à des fins diverses ? Est-il simplement un super-utilisateur ?

N

os relations au numérique ne se résument pas à la maîtrise de sa technicité, encore moins du mode d’emploi, souvent absent, des machines et des applications auxquels nous sommes confrontés : si nous pensons que « le numérique n’est qu’un outil », c’est que nous n’avons pas pris la mesure de la diversité des dispositifs (il s’agit au moins de plusieurs outils) et de la richesse de nos interactions. Les transformations numériques tressent ensemble les technologies et les usages que nous en faisons. Les technologies mobilisées sont souvent peu récentes, c’est leur agencement qui les rend efficaces, cet agencement est largement guidé par nos usages. Nos enfants ne sont donc pas nés techniciens, ni informaticiens, ou pas plus que nous ; en revanche de nombreux concepteurs font l’effort

#technologies

Les transformations numériques tressent ensemble les technologies et les usages que nous en faisons.

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de comprendre les usages quand ils développent des produits ou des services. Au passage, quand nous nous étonnons de la facilité avec laquelle nos enfants utilisent tel jeu ou telle plateforme en ligne, n’oublions pas que c’est parfois parce qu’ils sont une cible de choix pour les concepteurs, plutôt que de les qualifier de « natifs du numérique », catégorie amplement réfutée par de nombreux travaux de recherche. Par les travaux de la sociologie des usages, qui s’est développée depuis le début des années 80 (Josiane Jouët, Jacques Perriault, Dominique Pasquier, Dominique Boullier…), on connaît cette importance des usages et on a pu, progressivement, prendre la mesure de leur complexité, étudier les usages sociaux, informationnels, les difficultés d’usage et les trajectoires d’appropriation. Depuis une quinzaine d’années1, le terme de « culture numérique » est mobilisé par différents auteurs, comme pour acter d’un palier supplémentaire dans la socialisation du numérique : sa massification, sa banalisation, son intégration dans nos modes de vie, de pensée, d’organisation, dans

nos modes de production et de partage de connaissances. Cette notion est mouvante, on en trouvera de très nombreuses définitions sous la plume des meilleurs auteurs. Elle est aussi très utile en ce qu’elle semble à même de relier une multitude d’usages, eux-mêmes changeants, et de rendre compte des façons que nous avons de les vivre ensemble. Si la culture technique (ou son absence) est souvent en jeu dans la maîtrise que nous avons du numérique, elle est loin d’être le seul facteur. Elle est, de plus, évolutive : la culture de la micro-informatique s’est combinée avec la maîtrise des réseaux et des télécommunications, elle intègre aussi aujourd’hui l’électronique (internet des objets, capteurs, arduino), la robotique, la modélisation numérique, la culture de la donnée, la compréhension des algorithmes, et bien d’autres connaissances, toutes choses qui n’étaient ni nécessaires, ni accessibles à l’amateur des années quatre-vingts. Le web lui-même, très simple a ses débuts, a gagné en technicité, ouvrant des horizons considérables aux passionnés. Quant aux réseaux sociaux numériques, ils ont vu leurs possibili-

1/ Serge Proulx (2002) Trajectoires d’usages des technologies de communication : les formes d’appropriation d’une culture numérique comme enjeu d’une société du savoir Annales des télécommunications, tome 57, no. 3-4, Paris, p. 180-189.

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tés se multiplier et leur maîtrise se professionnaliser, poussant à la formalisation de compétences reconnues : des compétences techniques et professionnelles souvent détenues par des particuliers autodidactes, travaillant en réseaux, apprenant les uns des autres au sein de communautés informelles, et trouvant parfois leur voie professionnelle dans le prolongement de ces compétences. Pendant les trois dernières décennies, la plupart des praticiens compétents ne sont pas principalement passés par l’enseignement supérieur ou la formation pour apprendre. Toutes ces technicités ne sont pas seulement « techniciennes », mais aussi informationnelles, sociales, organisationnelles, créatives, par exemple. Il sera dès lors difficile aux parents et aux enseignants, mais aussi aux adolescents et aux jeunes, d’être en position d’autorité sur la totalité de ces savoir-faire - dont le premier est sans doute d’être à l’aise avec l’incertitude et la coopération, de savoir adopter la posture du « Maître ignorant » chère à Jacques Rancière2. Le numérique serait donc porteur d’une nouvelle culture. Pourquoi la question nous intéresse-t-elle ? Probablement parce que, depuis quelque temps, se pose la question de savoir comment enseigner le numérique, comment éduquer au numérique. Les structures d’éducation, les ministères, les institutions, les parents et l’ensemble de la société s’interrogent à ce sujet, pour savoir à la fois ce qu’il faut enseigner (à l’école, à la maison, dans les études supérieures) et ce qui est d’ordre éducatif, par quoi nous nous construisons : le numérique est porteur de techniques de soi, de modes d’apprentissage, de réflexivité. Certains y verront d’abord, au contraire, ce que nous désapprenons - à commencer par la lecture de livres, la recherche structurée, la rigueur… Ainsi de Roberto Casati, Contre le colo-

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#informations

Ces technicités ne sont pas seulement « techniciennes », mais aussi informationnelles, sociales, organisationnelles, créatives.

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nialisme numérique - manifeste pour continuer à lire. D’autres verront dans la « culture des écrans » l’ouverture de possibilités nouvelles et trouveront par exemple dans le jeu vidéo l’expression de capacités cognitives, sociales, informationnelles et ludiques qui ont des caractéristiques culturelles fortes bien que peu reconnues par les cultures classiques. On pense ici à la fois à Serge Tisseron plaidant pour l’indispen-

sable complémentarité entre culture du livre et culture des écrans, et à Mathieu Triclot, explorant la Philosophie des jeux vidéo. Le numérique serait donc à la fois vecteur d’inculture et de culture ? On peut en tout cas repérer des « faits culturels » probants, parfois des « tribus », avec une certaine diversité : les makers de la fabrication numérique ne sont pas les mappers de la cartographie collaborative, ni les acteurs des « com-

#apprentissage

Le numérique est porteur de techniques de soi, de modes d’apprentissage, de réflexivité.

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2/ NDLR : Jacques Rancière, philosophe français, a publié Le Maître ignorant, en 1987 aux éditions Fayard dans lequel il pose le postulat de l’égalité des intelligences.

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#reseauxsociaux

Ce serait une erreur de croire que ce qui se passe sur les réseaux sociaux numériques est « ailleurs », car cet ailleurs, nous y sommes aussi.

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muns » du domaine public de la connaissance, ni les entrepreneurs, ni les gamers, etc. En revanche, la plupart de ces cultures font la part belle au réseau et à la coopération, à l’information, au prototypage ; la plupart décrivent des relations de confiance entre pairs

(même anonymes), une relation décomplexée à la connaissance et à l’apprentissage permanents, un effacement des frontières entre les champs d’activité (perso-pro, jeu-travail…) et des attentes fortes à l’égard des promesses (souvent démesurées et intenables) du numérique, sur lequel sont projetées nos aspirations à changer le monde. On prendra ici le parti de définir comme « culture » les contours d’un numérique agi plutôt que subi, marqué par une maîtrise individuelle et collective. Notre culture, c’est là où nous habitons ensemble, c’est le vivre ensemble, un agencement de codes partagés ; notre culture numérique, ce sont notamment les codes sociaux des dispositifs numé-

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riques. Le numérique agit sur nos façons d’être ensemble, nos liens, nos sociabilités ordinaires : le terrain numérique est un terrain de faits sociaux et de faits culturels, ce serait une erreur de croire que ce qui se passe sur les réseaux sociaux numériques est « ailleurs », car cet ailleurs, nous y sommes aussi, il s’agit de la salle de classe, de la rue, de la famille, du lieu de travail, du terrain de sport ou de la salle de concert. Un moyen de qualifier la culture numérique est d’observer ce qui se passe quand elle nous fait défaut. Quand nous en manquons, nous sommes, par exemple, en difficulté avec les codes sociaux, avec les us et coutumes qui sont répandus dans le champ numérique. Quelque chose de la culture numérique est donc de l’ordre de cette culture ordinaire des échanges que nous voyons se caractériser à chaque fois qu’il y a, ici et là, un dérapage ou un décalage dans l’usage d’un outil aussi banal que l’e-mail, ou de twitter, ou de facebook. Le manque de culture sera aussi en cause dans le champ de la vie privée (la privacy), le défaut de maîtrise des données

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personnelles, le fait de laisser ses informations personnelles ouvertes à tous les vents. Un manque de culture va mettre en difficulté puisqu’on n’a pas appris à faire ou on n’a pas compris les enjeux, le degré de maîtrise de tout un entrelacs de savoir-faire, de compréhensions problématisées et la réflexivité de nos pratiques devenant symptomatiques de ce manque de culture. Un autre symptôme, plus discutable, se trouve dans le vocabulaire : dans un champ qui bouge aussi vite, qui est construit de façon mondiale par le techno-push et l’innovation, ne pas comprendre les mots du numérique arrive à chacun et fait de nous en permanence des débutants. Avec tout public, étudiants, apprenants ou proches, on peut faire le test de compréhension de termes comme Open Data, Fab-Lab, Biohacking, de dispositifs comme Snapchat, Whatsapp, Slack, - et faire varier la liste de semaine en semaine, comme une façon de vérifier que nos interlocuteurs ont, ou n’ont pas, une culture numérique plus ou moins à jour. Le vocabulaire est aussi une

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#avenir

La culture numérique s’inscrit dans une histoire longue, dont l’avenir est à écrire par tous.

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manière d’affirmer une « distinction », une position d’autorité. On pourra aussi qualifier un manque de culture plus radical qui nous renvoie à des formes d’exclusion économique et sociale ou à des formes d’exclusion plus fortes du côté par exemple, de l’illettrisme, de la culture du texte, ou de difficultés d’usage liées aux interfaces et à la dématérialisation, par exemple. Les acteurs associatifs et institutionnels de la médiation numérique sont confrontés à ces difficultés et, eux aussi, au besoin de qualifier ce qu’ils doivent transmettre comme culture numérique aux publics qu’ils accompagnent. Le numérique est au carrefour de nombreuses questions anthropologiques, qu’il s’agisse

de mémoire et de transmission, d’altérité (échanges, partage, pouvoirs), de propriété, de langage ou d’imaginaire. Il est légitime d’en considérer la dimension culturelle. Il serait en revanche dommageable d’y voir une culture dominante, soit pour l’imposer soit pour s’y soumettre : cette culture s’inscrit dans une histoire longue dont les racines sont anciennes et dont l’avenir est à écrire, par nous tous.

La Fing est un Think tank sur les transformations numériques Créée en 2000 par une équipe d’entrepreneurs et d’experts, la Fing compte aujourd’hui plus de 300 membres : des grandes entreprises, des start-ups, des laboratoires de recherche, des universités, des collectivités territoriales, des administrations, des associations, des personnes physiques…. www.fing.org

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RÉALITÉS FAMILIALES#FAMILLES CONNECTÉES#2016

Les systèmes de signalétique des médias Il n’existe pas de système de classification des contenus médiatiques unique, mais plusieurs systèmes dont l’origine, les modalités et les finalités divergent. Pas facile pour les parents de connaître, comprendre et utiliser ces différents systèmes afin de pouvoir pleinement accompagner leurs enfants vers un usage responsable des média et du numérique ! Tour d’horizon. Olivier ANDRIEU-GÉRARD Coordonnateur Pôle Medias-Usages Numériques de l’UNAF

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La classification des films Pour pouvoir être exploité en salle, une œuvre quelle qu’elle soit, long-métrage, courtmétrage, bande-annonce, doit recevoir un visa délivré par le Ministère de la Culture et de la communication. Ce visa peut s’accompagner de restrictions d’accès aux films. Ce visa est délivré après avis de la commission de classification des films à laquelle participe des représentants des pouvoirs publics, des professionnels du cinéma, des experts et des représentants des jeunes. La commission de classification peut proposer à la Ministre soit une classification tout public, soit différentes mesures de restriction : interdiction au -10 ans, interdiction aux -16 ans, interdiction au -18 ans ou interdiction totale. Les films -18 ans peuvent être qualifiés de pornographiques ou non. Si oui, leur diffusion sera limitée aux seules salles autorisées à en diffuser. Enfin, chaque proposition de classification peut-être accompagnée d’un avertissement qui sera diffusé en salle avant l’œuvre. La classification de l’œuvre retenue in fine par la Ministre de la Culture et de la communication à force de loi et s’impose aux salles de cinéma qui doivent s’assurer que le jeune public accède aux œuvres autorisées à son âge. Ce régime d’interdiction s’accompagne d’une information publique encadrée : ainsi, la loi prévoit également que l’in-

terdiction prononcée dans le cadre du visa soit mentionnée de façon claire, intelligible et apparente sur l’ensemble des supports de communication (affiches, bandes annonces, publicités) quel que soit le mode de diffusion. La classification de l’œuvre en salle lie également la classification de l’œuvre lors de son passage à la télévision.

La classification des programmes audiovisuels

La classification des programmes de télévision relève toutefois d’une approche fondamentalement différente de celles de l’exploitation en salle. Ainsi, le système de classification des programmes audiovisuels relève d’une approche combinant autorégulation par les chaines et contrôle par l’autorité publique, en l’occurrence le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel. En effet, la loi du 30 septembre 1986 relative à la régulation du secteur audiovisuel affirme que « la communication audiovisuelle est libre » et écarte ainsi toute notion de contrôle des programmes avant leur diffusion par une autorité de contrôle. Le 1er pilier relève donc des chaines de télévision qui déterminent si le programme qu’elles vont diffuser doit être signalisé ou non. Ce choix s’effectue dans le cadre d’un comité de visionnage mis en place au sein de chaque chaine conventionné par le CSA. La composition de

ces comités est laissée à l’entière responsabilité des chaînes. Précisons que pour des raisons historiques, Arte n’est pas soumise à la réglementation du CSA. Pour classifier les programmes, les chaines peuvent s’appuyer sur des critères proposés par le CSA par exemple sur la nature des scènes violentes, la représentation des actes sexuels, le comportement et la psychologie des personnages, l’évocation de scènes difficiles... Les œuvres ayant fait l’objet d’une classification lors de leur sortie en salle, ne peuvent être faire l’objet d’une signalétique inférieure. En revanche, une chaine peut parfaitement augmenter la classification. C’est notamment le cas des films tout public avec avertissement sortis en salle qui sont « surclassifiés » -10 ou -12 ans à la télé. Les chaines peuvent ainsi proposer 4 signalétiques -10 ans, -12 ans, - 16 ans ou -18 ans. Les pictogrammes vont être incrustés durant l’ensemble de la diffusion du programme et devront être mentionnés dans les bandes annonces. La signalétique apposée par la chaîne va par ailleurs impacter la diffusion du programme. Ainsi, les programmes déconseillés aux -10 ans ne peuvent être diffusés dans le cadre d’émission pour enfants. Il n’y a, en revanche, aucune autre contrainte de diffusion ni horaire ni en quantité. Les programmes déconseillés

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aux -12 ans ne peuvent être diffusés avant 22h (hors chaines de cinéma payantes). Il s’agit notamment de programmes qui recourent de façon répétée à la violence physique ou psychologique. Un régime d’exception permet aux chaines de diffuser 16 programmes déconseillés aux -12 ans par an (dont 4 films maximum) à partir de 20h30. Ces exceptions ne sont pas autorisées les veilles de jours fériés, les mardis, vendredis et samedis ainsi que pendant les vacances. Les bandes annonces de ces programmes ne doivent pas être diffusées à proximité des programmes pour enfants. Les programmes déconseillés aux -16 ans ne peuvent pas être diffusés avant 22h30 (20h30 pour les chaines de cinéma payantes). Leurs bandes annonces ne peuvent l’être avant 20h30. Il s’agit principalement de programmes à caractères érotiques ou de grande violence. Enfin, les programmes déconseillés aux -18 ans font l’objet d’une diffusion encadrée, entre minuit et 5h, sur des chaines spécifiques et avec un système de verrouillage parental. Le 2e pilier relève du CSA qui va vérifier après diffusion la pertinence de la signalétique retenue mais aussi le choix de l’horaire de diffusion. Le CSA peut ainsi modifier la signalétique pour les prochaines diffusions du programme. Ce contrôle peut s’appuyer également sur les remontées des téléspectateurs qui peuvent estimer une signalétique inadaptée.

La classification des jeux vidéo et des applications

Le système de classification par âge a été élaboré par la Fédération européenne des logiciels de loisirs au printemps 2003. Il a fait l’objet d’une modification en profondeur en 2009. La signalétique PEGI est aujourd’hui utilisée dans près de 30 pays. En France, le Gouvernement a officiellement homologué le système PEGI en décembre 2015. La classification des jeux s’appuie sur un questionnaire d’éva-

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luation rempli par l’éditeur du jeu qui permet au système de définir une classification. Celleci fait l’objet d’un second contrôle par 2 organismes indépendants spécialisés dans la classification des contenus médiatiques. Le questionnaire qui recouvre une trentaine de questions est validé par un comité d’experts. Il évolue régulièrement pour tenir compte des évolutions technologiques, des évolutions des modes de jeu et des nouvelles formes de contenus. Il peut aussi s’appuyer sur les retours d’expériences des joueurs et de leurs familles. La signalétique des jeux vidéo s’appuie sur 2 niveaux d’informations qui se combinent : un symbole d’âge et un ou plusieurs symboles de contenus. Le symbole d’âge permet d’informer sur l’âge minimum recommandé pour jouer au jeu vidéo. Afin d’être le plus visible et le plus accessible, il reprend le code de couleurs des feux de signalisation routière. La classification par âge ne concerne que les contenus présents mais aucunement la difficulté du jeu. Ainsi, un jeu sans aucun contenu préjudiciable pour l’enfant sera classé 3 ans, alors même qu’il peut s’avérer très complexe à jouer avant 7 ou 8 ans. Les symboles de contenu permettent de connaître le type de contenus préjudiciable qui a motivé la classification. Il existe actuellement 8 logos descripteurs accompagné depuis 2009 d’un mot facilitant leur compréhension. En outre, les 2 symboles combinés permettent également d’apprécier l’intensité du contenu susceptible de heurter les jeunes joueurs. Ainsi, par exemple, le degré de violence d’un jeu 7 ans avec descripteur violence sera moins élevé que celui d’un jeu 16 ans avec le même descripteur. Plébiscités par les parents et les enfants, les applications pour smartphones ou tablettes ne disposent pas d’un système unique de classification. Depuis avril 2015, les applications proposées sur Google play recourent à la signalétique des

jeux vidéo PEGI. En revanche, les applications proposées par Apple dispose de leur propre système de signalétique qui se compose à la fois d’un âge conseillé à partir duquel on peut jouer, mais aussi d’une tranche d’âge adapté notamment pour les applications éducatives.

Et Internet ?

Il n’existe pas de système de signalétique pour les contenus en ligne. La régulation sur internet repose le plus souvent sur des systèmes de filtrage et le signalement de contenus choquants. C’est par exemple le cas de certaines plateformes de partage de vidéos et de certains moteurs de recherche. Dans une étude publiée en 2014, Sophie Jehel, Maître de Conférences à l’Université Paris 8, rappelait que plus de 9 parents sur 10 adhérent au principe d’une signalétique télévisuelle, à peine moins pour les jeux vidéo. Les enfants sont également peu nombreux à contester son utilité. Ce consensus en faveur d’une régulation de l’espace médiatique des enfants ne doit cependant pas faire oublier qu’exception faite du cinéma, les signalétiques des médias sont de l’ordre de la recommandation et du repère. Ils sont donc au service des parents, qui doivent s’en saisir pour accompagner l’enfant dans sa consommation médiatique. Aucun système de signalétique ne peut - ni ne doit - remplacer l’échange, la discussion entre parents et enfants et la fixation de règles. Il est nécessaire de parler avec l’enfant de ce qu’il a vu, des émotions qu’il a ressenties, des questions qu’il se pose. Enfin, il est à noter que la signalétique n’informe pas sur la qualité du programme, l’intérêt du film ou la jouabilité du jeu ! Il convient donc au-delà de la signalétique de prendre le temps, de lire des critiques, de parler des programmes avec d’autres parents, de tester les jeux et de partager des temps médiatiques avec vos enfants. l

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Les différentes classifications... Films

-10 -16 -18

Programmes Audiovisuels

Jeux Vidéo et Applis

www.pegi.info

Logos descripteurs

Internet

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RÉALITÉS FAMILIALES#FAMILLES CONNECTÉES#2016

Données personnelles : états des lieux et réglementation européenne Stéphane GRÉGOIRE Chef de service des affaires économiques CNIL.

Briques élémentaires du numérique, les données personnelles constituent un observatoire privilégié de la numérisation du monde. Cela vaut bien sûr pour les effets de cette numérisation sur les familles.

D

epuis les applications et sites dédiés aux rencontres, au suivi de la grossesse jusqu’à l’encadrement des traitements de données mis en œuvre par les généalogistes en passant par les questionnements récents sur les données collectées par les objets connectés qui se multiplient dans les foyers, on pourrait aisément montrer que les autorités de protection des données personnelles ont à connaître de la totalité des étapes de la vie familiale.

Une protection renforcée pour les mineurs

Parmi tous ces sujets, l’un de ceux qui, à l’heure de la diffusion généralisée des usages numériques, interpellent le plus vivement les familles et, à travers les plaintes qu’il reçoit, le régulateur des données personnelles concerne la protection des mineurs, notamment en rapport avec l’utilisation des réseaux sociaux. La CNIL est ainsi régulièrement saisie par des parents demandant la suppression d’éléments concernant leurs enfants et le cyberharcèlement dont ceux-ci sont victimes. La suppression est d’ailleurs en général facilement obtenue dans la mesure où ce type de dénigrement est contraire aux conditions générales d’utilisation des réseaux sociaux. Les cas de cyberharcèlement et les enjeux de e-réputation, avec les situations tragiques qu’ils

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occasionnent parfois, soulignent l’urgente nécessité de construire un univers numérique protecteur des mineurs. La qualité de mineur n’avait en effet pas été prise explicitement et spécifiquement en compte dans le droit de la protection des données personnelles élaboré en France à l’occasion de la rédaction de la loi du 6 janvier 1978 et à l’échelle européenne avec la directive de 1995. Les mineurs bénéficient des mêmes droits d’accès, de rectification et d’opposition que les majeurs sans que leur condition propre ne soit prise en compte pour l’exercice de ces droits.

Le droit à l’oubli

L’émergence de la notion de droit à l’oubli répond justement pour une large part au souci de protéger spécifiquement les mineurs à l’heure d’internet. Les contenus que ceux-ci publient ou qui sont publiés en ligne sur eux dans leur plus jeune âge peuvent parfois avoir des conséquences dramatiques et durables. Or, on ne saurait attendre qu’ils soient à même de les anticiper comme saurait le faire un adulte. Il en va ainsi de la construction même des individus à un âge où la personnalité se cherche en tâtonnant, en expérimentant, en se trompant parfois, là où internet tend à tout retenir et à tout rappeler. Application pratique à internet de la notion de droit à l’oubli,

le droit au déréférencement consacré par la Cour de Justice de l’Union européenne en 2014 est donc un élément fondamental pour la protection des mineurs à l’ère numérique. Les lignes directrices communes adoptées le 26 novembre 2014 par les autorités européennes de protection des données pour l’instruction des plaintes qui leur sont adressées à la suite d’un refus de déréférencement font explicitement du fait que le demandeur soit ou non mineur au moment de la mise en ligne l’un des critères à prendre en compte pour apprécier les demandes reçues. La CNIL s’est même prononcée en faveur de la création d’un droit automatique à l’oubli pour les mineurs. Ce nouveau droit est en passe établi par la loi pour une République numérique dont un article devrait prévoir une « procédure accélérée » pour l’exercice de ce droit. La seule condition de mineur suffira donc désormais pour obtenir auprès des plateformes l’effacement des données problématiques « dans les meilleurs délais ». Le règlement européen tout juste adopté par le Parlement et qui entrera en vigueur en 2018 prolonge et renforce cette prise en compte nouvelle de la situation spécifique des mineurs dans le droit de la protection des données personnelles à l’âge

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Pour des familles mieux informées

La création d’un droit à l’oubli pour les mineurs dans notre pays et l’introduction au plan européen de l’obligation d’un consentement renforcé pour les services de l’information constituent ainsi des avancées considérables pour la protection des enfants contre les risques inhérents à leurs activités sur les réseaux sociaux. Aussi souhaitables que soient ces évolutions, il est pourtant indispensable qu’elles soient doublées, en amont, par de fortes actions de pédagogie à destination des familles. Des parents et des enfants plus conscients et mieux informés des enjeux liés à leur vie privée sur internet seront aussi mieux à même de se protéger. Consommateurs plus exigeants, ils seront aussi plus susceptibles d’inciter les entrepreneurs à mieux intégrer cet aspect dans les services qu’ils proposent. La famille constitue ainsi un lieu essentiel de cet apprentissage collectif de la protection des données personnelles et de la vie privée. Et si le rôle éducatif des parents est évidemment central, ce sont en fait aussi souvent leurs enfants qui peuvent les initier aux subtilités d’usages numériques devant lesquels eux-mêmes peuvent parfois se sentir dépassés. Si les familles constituent donc un acteur essentiel de la protection de la vie privée et un partenaire pour les autorités de protection des données, le rôle de ces dernières est aussi de les mettre en

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capacité d’exercer cette fonction et de les accompagner en s’adressant aux plus jeunes.

Mobiliser les acteurs de la communauté éducative

La mission de sensibilisation confiée par l’article 57 du règlement européen aux autorités de protection des données personnelles répond à ce constat. La CNIL, à travers de nombreuses initiatives, remplit cette mission depuis plusieurs années déjà. Depuis 2013, elle fédère de nombreux acteurs de la communauté éducative – dont l’UNAF – au sein du collectif EducNum, dont l’objectif est de promouvoir une culture citoyenne du numérique. Le site du collectif rassemble ainsi des ressources « vie privée », tandis que les « Trophées Educnum » récompensent depuis deux ans des films de sensibilisation à destination des enfants. La CNIL diffuse également des ressources pédagogiques sur la vie privée en ligne : affiche « Les 10 conseils pour rester net sur Net », soutien au programme « Internet sans crainte » et à la création de l’appli « data décode » visant à faire comprendre aux 8-15 ans ce qu’est une donnée, etc. Elle collabore en outre de plus en plus étroitement avec le Ministère de l’Education nationale avec lequel elle a passé au début de l’année une convention sur les usages responsables et citoyens du numérique à l’école. Enfin, l’action de la CNIL en matière d’éducation au numérique se déploie également à l’international au sein du groupe de travail d’une quarantaine d’autorités de protection des données qu’elle pilote et qui poursuit notamment une réflexion sur les meilleures approches pour toucher les publics jeunes.

Agir mondialement pour sensibiliser les familles

L’octroi de droits supplémentaires aux mineurs et l’effort important de sensibilisation prévus dans le règlement européen visent à renforcer la capacité des individus à être pleinement

acteurs de la protection de leurs données personnelles. Il ne saurait pourtant être question d’abandonner les familles à un face à face avec les fournisseurs de services numériques. Mais, au-delà de leurs traditionnelles et nécessaires actions de traitement des plaintes, de contrôles et de sanctions, les autorités de protection des données doivent aussi adopter à l’égard des professionnels un rôle de sensibilisation et d’accompagnement à la mise en conformité. À cet égard, le « sweep day » qu’ont mené le 12 mai 2015 la CNIL et 28 autorités dans le monde pour examiner si les sites web destinés aux enfants respectent la vie privée et pour en informer tant les éditeurs de sites que les associations de parents est exemplaire des nouveaux outils de régulation qu’inventent les autorités de protection des données pour s’adresser moins à des acteurs séparés qu’à un écosystème tout entier. l

10 web

de la nseils CNIL co pour

1

Réfléchis avant de publier !

voir ce que Sur internet, tout le monde peut opinions. tu mets en ligne : infos, photos,

rester Net

sur le

Sécurise tes comptes !

4

Respecte les autres !

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sur Paramètre toujours tes profils maître les réseaux sociaux afin de rester partager. des informations que tu souhaites

publies en Tu es responsable de ce que tu sur les réseaux ligne alors modère tes propos aux autres ce sociaux, forums... Ne fais pas te fasse. que tu n’aimerais pas que l’on

Ne dis pas tout !

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5

ns Donne le minimum d’informatio communique ni personnelles sur internet. Ne ni ton tes opinions politiques, ni ta religion, numéro de téléphone...

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Crée-toi plusieurs adresses e-mail !

Utilise un pseudonyme ! Seuls tes amis et ta famille sauront qu’il s’agit de toi.

pour tes Tu peux utiliser une boîte e-mail pour les jeux amis et une autre boîte e-mail et les réseaux sociaux.

Attention aux photos et aux vidéos !

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de tes amis ou Ne publie pas de photos gênantes est incontrôlable. de toi-même car leur diffusion

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Attention aux mots de passe !

Vérifie tes traces !

un moteur de Tape régulièrement ton nom dans informations recherche pour découvrir quelles te concernant circulent sur internet.

et choisis-les Ne les communique à personne ni ton surnom ! un peu compliqués : ni ta date

9 Vidberg Illustrateur : Martin / 20150407 -

numérique. Son article 8 prévoit en effet l’obligation pour les plateformes et réseaux sociaux d’obtenir un consentement renforcé pour l’inscription et la collecte des données des mineurs de moins de 16 ans (avec possibilité pour les pays de fixer cet âge-limite à 13 ans). Concrètement, les plateformes devront s’assurer que le consentement obtenu est non seulement celui du mineur, mais aussi celui de son représentant légal.

Fais le ménage dans tes historiques !

de navigation Efface régulièrement tes historiques si tu utilises privée et pense à utiliser la navigation tien. un ordinateur qui n’est pas le

Retrouvez d’autres conseils

et astuces sur www.cnil.fr et

m

sur www.educnum.fr ! #EducNu

La CNIL (Commission nationale informatique et liberté) est une autorité administrative indépendante créée en 1978 par la loi Informatique et Libertés. L’une de ses principales missions consiste à aider les particuliers à maîtriser leurs données personnelles et exercer leurs droits. Elle publie régulièrement sur son site Internet www.cnil.fr des fiches pratiques et tutoriels en vidéo autour de nombreux thème pour aider les usagers à mieux protéger leurs données personnelles, mais aussi des conseils pour que les parents accompagnent mieux leur enfant sur Internet.

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Quelle utilisation d’Internet dans la recherche d’informations de santé ?

Jean-Baptiste RICHARD

Santé publique France étudie les attitudes et comportements de santé des français grâce au Baromètre santé, une enquête qui comporte un module spécifique sur l’utilisation d’Internet pour des questions de santé. Avant de consulter un médecin, nous sommes en effet nombreux à faire des recherches sur Internet. Jeunes, femmes enceintes et parents sont les publics les plus concernés par ces pratiques. Quelles sont leurs sources d’information ? Quels sujets sont recherchés, pour quelle fiabilité des informations, avec quel impact pour la santé ?

Méthodologie : Lucile BLUZAT

Viêt NGUYEN-THAN Santé publique France Direction de la prévention et de la promotion de la santé

Le Baromètre santé est une enquête en population générale menée périodiquement, depuis 1992, par l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES). Cette enquête interroge les attitudes et comportements de santé des français, offrant de nombreuses données aux acteurs et décideurs de santé publique. Un module spécifique du Baromètre santé 2014 (Richard et al., 2015), composé de questions relatives à l’utilisation d’Internet et à son usage pour des questions de santé, a été réservé à un sous-échantillon de 5 000 personnes âgées de 15 à 75 ans. Les questions portaient sur l’utilisation d’Internet, sur le fait d’avoir cherché des informations ou des conseils sur la santé, sur l’impact de ces recherches sur le recours aux soins, sur la crédibilité de l’information trouvée. Enfin, pour 1 500 personnes ayant cherché des informations sur la santé sur Internet, des questions portant sur les sujets de santé et sur les sites consultés lors de la dernière recherche était posées.

P

armi la population âgée de 15 à 75 ans, interrogée dans les enquêtes Baromètres santé, la part d’internautes était de 86 % en 2014 elle était de 52 % en 2005 (Bigot et al., 2014) - , et la proportion de personnes ayant utilisé Internet au moins une fois dans l’année pour rechercher des informations ou des conseils sur la santé était de 68 %. Internet offre en effet une très large palette d’informations sur la santé, avec l’avantage de proposer des formes diverses et interactives

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mais avec l’inconvénient d’une qualité d’information très disparate, face à laquelle des inégalités d’accès et de compréhension peuvent voir le jour. Cette hétérogénéité pose la question des modes de recherche d’information en matière de santé, et de la perception des internautes vis-à-vis de la crédibilité des informations trouvées. L’objectif de cette étude est d’éclairer les usages de deux groupes de populations, identifiés comme particulièrement actifs dans ces recherches d’informations

(Beck et al., 2013) : les adolescents et jeunes adultes, âgés de 15 à 25 ans ; les femmes enceintes et parents d’un enfant de moins de 4 ans.

Jeunes de 15 à 25 ans

La quasi-totalité des 15-25 ans sont des internautes (98 %), et un peu plus des trois quarts d’entre eux (78 %) ont utilisé Internet au cours des douze derniers mois pour chercher des informations ou des conseils sur la santé. La particularité de cette population réside dans la diversité des thèmes de santé recherchés sur Internet. Comme pour le reste de la population, le thème de la nutrition est largement majoritaire. Toutefois, à la différence de leurs aînés, dans un cas sur cinq une recherche a porté sur des sujets tels que l’alcool, le cannabis ou les autres drogues illicites, les risques liés à la sexualité (sida et autres infections sexuellement transmissibles), la contraception. Dans un cas sur sept une recherche a été effectuée sur le tabac. Ces jeunes semblent par ailleurs mieux savoir sur quels sites ils sont allés (seuls 39 % ne se souviennent pas du site consulté contre 51 % de leurs aînés), et consultent plus

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volontiers les forums (43 % des dernières recherches contre 30 % pour les plus âgés), sans que la crédibilité vis-à-vis de l’information trouvée ne s’en trouve modifiée : dans 31 % des cas (32 % pour les plus âgés), l’information obtenue lors de la dernière recherche était jugée tout-à-fait crédible.

Femmes enceintes et parents de jeunes enfants

Cette population se trouve également presque entièrement internaute (96 %), en lien avec son jeune âge (34 ans en moyenne), et se caractérise par un intérêt prononcé pour les sujets de santé : 85 % de ces personnes ont utilisé Internet à cette fin dans l’année précédant l’enquête. En regardant plus en détail, ces recherches se révèlent en outre extrêmement ciblées : les questions relatives à la grossesse et à la maternité (40 % des recherches), ainsi qu’à la santé de l’enfant et aux maladies enfantines (73 %), sont nettement plus fréquentes que parmi le reste de la population (respectivement 9 % et 20 % des personnes ont fait des recherches sur ces sujets). De manière encore plus marquée que parmi les adolescents et les jeunes adultes, la recherche d’informations de santé se pratique sur des forums. Ce mode de recherche concerne plus de la moitié des dernières recherches effectuées (52 %), et dans seulement 18 % des cas les personnes déclarent ne pas avoir fait attention au support sur lequel se trouvait l’information (29 % pour le reste de la population). Enfin, l’information trouvée lors de la dernière recherche était jugée tout-à-fait crédible dans 29 % des cas.

La question des sources de confiance et les forums

Relativement aux résultats du Baromètre santé 2010, ces données permettent de mettre en évidence des évolutions rapides de l’usage d’Internet pour des questions de santé (+ 17 points en 4 ans), ainsi qu’une progression dans la confiance accordée

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à l’information obtenue : la proportion des internautes santé jugeant l’information trouvée tout-à-fait crédible est passée de 18 % en 2010 à 32 % en 2014. D’autre part, la part des Français de 15-75 ans déclarant que ces recherches ont modifié la façon de s’occuper de leur santé a doublé en 4 ans, passant de 10 % en 2010 à 20 % en 2014. Cette analyse fournit également un premier regard sur les modes de recherche des internautes, et pointent deux faits saillants : la part importante de personnes qui ne savent pas sur quels sites elles ont obtenu l’information recherchée (la moitié des recherches), même si ce constat semble plus nuancé parmi les plus jeunes ; et l’importance accordée aux forums (près d’un tiers de l’ensemble des recherches), particulièrement remarquable dans les deux groupes étudiés. Le site Doctissimo, figurant parmi les leaders des forums de santé, est par exemple spontanément cité par un quart des personnes ayant effectué une recherche d’information sur la santé.

Des pistes pour l’action

Cette préférence pour la consultation de forums par ces publics se situe dans le contexte d’un développement croissant des réseaux sociaux, et plus généralement de communautés d’usagers partageant des centres d’intérêt. Certaines initiatives ont ainsi été menées dans ce sens par les pouvoirs publics, telle la création de dispositifs dont les contenus sont dédiés à la cible jeunes comme www. onsexprime.fr, une plateforme sur la sexualité regroupant des modules d’informations, et des vidéos, associée à une chaîne Youtube et une page Facebook, dont le community management, favorise les discussions entre jeunes sur l’ensemble des sujets liés à la santé sexuelle. Les thématiques de santé relevées dans notre enquête permettent d’identifier les besoins de notre population en fonction

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des différentes périodes de vie. La diversité des sujets d’intérêt évoqués par les plus jeunes souligne l’importance des sites multithématiques dédiés à cette tranche d’âge. C’est le cas par exemple du site www.filsantejeunes.com, ciblant les questions de santé des adolescents, géré par l’École des parents et des éducateurs et soutenu par Santé publique France, l’agence nationale de santé publique. L’intérêt porté à la nutrition, qui a été l’objet d’au moins une recherche d’information pour 40 % des internautes santé, est cohérent avec le volume de trafic généré par le site www. mangerbouger.fr, qui s’élevait en 2015 à 4,5 millions de visites et qui enregistrait plus de 400 000 inscrits sur La Fabrique à menus. Enfin, cette étude confirme l’intérêt porté aux questions centrées sur la parentalité. Avec un public estimé à près de 4 millions de personnes, ce sujet constitue une véritable opportunité pour les acteurs du champ de la promotion de la santé et de la santé publique. Le ministère chargé de la Santé a d’ailleurs pour projet l’élaboration de contenus sur Internet dédiés à cette thématique, ce qui permettra de satisfaire les besoins des jeunes parents en leur fournissant des informations validées sur le sujet.

Quel impact sur la santé ?

L’impact des recherches d’informations sur les comportements de santé de la population reste un objet relativement mal connu. Cependant, en 2014,

A CONNAÎTRE : Fiabilité des sites sur les questions de santé :

2 labels

le certificat Health On the Net (HON) Le label Aide en santé développé par Santé publique France

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20 % des Français déclarent avoir modifié la façon de s’occuper de leur santé, 4 % être allés plus souvent chez le médecin, 3 % moins souvent, rappelant que l’utilisation d’Internet peut parfois différer ou se substituer à la rencontre avec un professionnel de santé, comme d’autres études ont pu le rapporter (Fox et al., 2009).

à lire aussi... Réalités Familiales n °94 : Nouvelles technologies Santé & Familles

Si de plus en plus d’internautes jugent l’information trouvée sur le web crédible, cette proportion demeure assez faible compte tenu de l’importance des sujets. En parallèle, peu de personnes sont capables de citer spontanément le site sur lequel l’information a été obtenue lors de leur dernière recherche : 48 % déclarent ne pas savoir, 9 % citent un moteur de recherche,

les sites identifiés étant principalement Doctissimo (26 %), loin devant Wikipédia (6 %) et les sites institutionnels (6 %). L’utilisation d’Internet pour la diffusion des informations sur la santé n’en est encore qu’à ses débuts et reste une voie très prometteuse pour la promotion de la santé, à condition que l’essor de l’Internet santé s’accompagne d’une poursuite des démarches qualité de labellisation des contenus les plus fiables sur le sujet, dans la continuité d’initiatives telles que le certificat Health On the Net (HON) ou du label Aide en santé développé par Santé publique France. En parallèle, les actions de gestion du référencement et de l’e-réputation des sites, outils et applis institutionnels restent à poursuivre.

SOURCES

Richard, JB., Gautier, A., Guignard, R., Léon, C. & Beck, F. (2015). Méthode d’enquête du Baromètre santé 2014. Disponible sur http://inpes.santepubliquefrance.fr/CFESBases/catalogue/ pdf/1613.pdf Bigot, R. & Croutte, P. (novembre 2014). La diffusion des technologies de l’information et de la communication dans la société française. Disponible sur http:// www.credoc.fr/pdf/Rapp/R317.pdf Beck, F., Nguyen-Thanh, V., Richard, JB., Renahy, E (2013). Usage d’Internet : les jeunes, acteurs de leur santé ? La santé des 15-30 ans. Une lecture du Baromètre santé. Agora Débats / Jeunesses n° 63. Fox, S. & Jones, S. (2009). The social life of health information. Pew internet and American life project. Washington. Disponible sur http://www.pewinternet. org/2011/05/12/the-social-life-of-healthinformation-2011/

Thèmes recherchés la dernière fois Nutrition, prise de poids...

Légendes :

35 % 41 % 8%

Contraception, méthode pour éviter une grossesse

19 %

5%

Risques liés à la sexualité

20 %

3%

Canabis ou drogues illicites

18 %

8%

Tabac Grossesse, maternité

14 % 40 %

11 %

Santé de l’enfant, maladies enfantines

Jeunes de 15 à 25 ans

20 %

5%

Alcool

Femmes enceintes et parents de jeunes enfants

73 %

16 %

Recherche effectuée sur un forum

43 %

52 %

Parts d’internautes santé

78 %

85 % 96 % 98 %

Parts d’internautes 0

20

40

60

80

100

Source : Baromètre Santé 2014, Santé publique France

Santé Publique France est l’agence nationale de santé publique regroupant l’INPES, l’Institut de veille sanitaire (InVS) et l’Etablissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaire (Eprus).

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Analyse Comment le numérique change-t-il nos pratiques familiales ? Les écrans sont-ils si nocifs pour les bébés ? Comment réguler leurs usages pour préserver le sommeil des adolescents ? Comment protéger les enfants des dangers du numérique ? Y a-t-il des dangers scientifiquement prouvés ? Comment faire profiter les enfants du meilleur du numérique tout en les protégeant du pire ? Quand on est nul en informatique, comment rester parent ? Autant de questions auxquelles des experts sont appelés à y répondre, chacun dans sa spécialité.

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Analyse

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Les écrans : bon ou mauvais pour les tout-petits ?

Olivier HOUDÉ Professeur de Psychologie à l’Université Sorbonne Paris Cité, Directeur du Laboratoire de Psychologie du Développement et de l’Éducation de l’enfant (LaPsyDÉ) du CNRS.

Ce questionnement éducatif et psychologique commence déjà pour les bébés avant 2 ans, c’est-à-dire avant l’apparition du langage, car leurs capacités d’exploration cognitive, visuelle et tactile, ainsi que leurs capacités sociales précoces d’imitation des autres (modèles des parents, frères et sœurs, etc.), les exposent potentiellement, dès la naissance, aux écrans et usages numériques de tous types, très présents dans l’environnement technologique contemporain : télévision (devenue l’écran traditionnel), vidéos et DVD pour bébés, mais également les tablettes tactiles qui connaissent un succès croissant.

C

es tablettes – dont les ingénieurs nous annoncent déjà des versions plus souples et déformables – ont essentiellement été conçues pour rendre naturelle et intuitive l’interaction avec les écrans (un simple toucher du doigt). C’est en cela d’ailleurs que, destinées a priori aux adultes et aux adolescents, elles deviennent aussi des outils numériques adaptés aux premiers âges de la vie. En effet, les bébés – depuis toujours – aiment toucher du doigt ce qu’ils voient ! Leur première forme d’intelligence est sensorimotrice (déjà Piaget le disait). On sait en outre aujourd’hui, grâce aux sciences cognitives, que, dès le plus jeune âge, le

cerveau s’enrichit par la vision et le toucher, assortis d’inférences cognitives et statistiques déjà très riches1.

Le bébé : 0-2 ans

Dans son livre sur le numérique, Michel Serres donne 18 ans à sa « Petite poucette », toujours le pouce sur l’écran, mais, bien avant, le phénomène touche déjà les tout-petits. Les bébés arrivent au monde avec un formidable héritage : le cerveau humain qui va permettre d’établir, au cours du développement, 1 million de milliards de connexions entre neurones. Tous les spécialistes s’accordent aujourd’hui sur le fait que ce développement neurocognitif est contrôlé à la fois par les gènes et par les conditions de l’environnement, c’est-à-dire l’expérience. Les écrans et outils numériques font désormais partie de cet environnement culturel et technologique. Dès la naissance, le bébé est génétiquement programmé pour apprendre. Aussitôt nés, les bébés sont ainsi capables d’imiter les humains qui les entourent (en particulier les parents) en reproduisant leurs mouvements. Il s’agit de la pre-

mière forme interactive d’apprentissage social. Le cerveau du bébé est déjà un extraordinaire détecteur de régularités (visuelles, tactiles, sonores, etc.). Il développe très tôt une intelligence à la fois physique (sur la permanence et l’unité des objets, leurs propriétés, leurs relations de causalité) et mathématique (quantification, raisonnement sur des motifs statistiques). Pour déceler cette intelligence prélangagière (avant 2 ans), les psychologues testent le regard des bébés, c’est-à-dire leurs réactions visuelles (par exemple, la surprise) face à des situations présentées réellement ou sur écran d’ordinateur. Dans ce cadre d’éveil précoce, une tablette numérique interactive – à la fois visuelle et tactile – peut très bien, avec le concours d’un adulte (parents, grands-parents) ou d’un enfant plus âgé, participer au développement cognitif du bébé. L’écran high-tech est donc un objet de stimulation, d’exploration et d’apprentissage parmi tous les autres objets du monde réel, des plus simples (peluches, cubes, hochets) aux plus élaborés (tablettes numériques tac-

1/ Voir A. Gopnik, « Scientific thinking in young children. Theoretical advances, empirical research, and policy education », Science, vol. CCCXXXVII, n° 6102, 28 septembre 2012. 2/ M. Serres, Petite poucette, Le Pommier, 2012.

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tiles). Au-delà des aspects strictement cognitifs, on sait que dès 6 mois les bébés, toujours testés par leurs réactions visuelles, peuvent manifester une préférence morale pour les personnages gentils (altruistes) par rapport aux méchants sur de petites vidéos très schématisées de scènes sociales. Le cerveau des bébés est donc bien loin d’être naïf cognitivement, socialement et moralement à l’égard de ce qui se passe sur les écrans. Il est même expert. Ce n’est pas pour autant que les écrans peuvent tout lui apprendre, en particulier concernant le langage et la communication. On sait que, même si le bébé ne parle pas encore, dès la première année de sa vie, les fondations de l’acquisition du langage se mettent déjà en place. Les psychologues ont ainsi pu observer, grâce à l’imagerie cérébrale, que les précurseurs des aires cérébrales du langage sont actifs chez le bébé, bien avant la production effective de langage3. Il en est de même pour les premières formes de conscience visuelle face à des visages humains sur un écran4. Toutefois, comme l’a très bien démontré expérimentalement la psychologue Judy DeLoache, le « bain linguistique » réel, avec des enjeux émotionnels de communication, est ici incontestablement plus riche qu’une exposition passive à un écran « plus froid » : télévision, vidéo ou DVD pédagogique 5. Un consensus scientifique se dégage aujourd’hui pour considérer que l’exposition passive et isolée aux écrans – y compris l’exposition aux DVD spécialement commercialisés pour enrichir précocement le vocabulaire – n’aide pas les bébés à apprendre le langage oral. De façon générale, l’exposition précoce et excessive des bébés aux écrans télévisés (90 % d’entre eux regarderaient régulière-

ment la télévision avant 2 ans selon une étude américaine), sans présence humaine interactive et éducative, est très clairement déconseillée. On voit ainsi que la question de savoir s’il faut ou non exposer les bébés aux écrans ne peut recevoir une réponse générale en tout ou rien. C’est clairement « non », par exemple, comme on vient de le voir, pour un apprentissage passif du langage oral avec des DVD, même dits « pédagogiques », mais « oui » – ou « pourquoi pas ? » – pour s’initier visuellement et tactilement à la catégorisation des formes, des couleurs, des sons, des mouvements des doigts et de leurs effets sur une tablette numérique. La génération actuelle des bébés fait incontestablement partie très naturellement des « bébés Petite poucette ! » Et leur cerveau était a priori bien équipé cognitivement, depuis toujours, pour ce type d’expériences visuelles et tactiles précoces avec ces objets technologiques nouveaux. Ceux-ci doivent s’ajouter, non se substituer, aux peluches, cubes, hochets et tables d’éveil moteur et sensoriel classiques. L’idée est celle d’un environnement mixte et enrichi. C’est ici un avis scientifique, biologique et psychologique, sur les capacités d’intégration cognitive précoce du cerveau. Cela n’exclut pas l’exigence d’une étude des effets à long terme d’un usage plus ou moins précoce des tablettes numériques sur le développement cognitif et social des enfants. Ce type d’étude n’existe pas encore, et les analyses peuvent évoluer et, si nécessaire, être révisées. En attendant, la meilleure recommandation, la plus sage, est d’éduquer et d’encadrer les enfants, compte tenu de ce que l’on sait aujourd’hui des capacités et contraintes d’apprentissage de leur cerveau, sans sousestimer ni frustrer leur appétit

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cognitif et numérique dans l’environnement technologique contemporain qui est le leur.

Le jeune enfant : 2-6 ans

C’est la période du développement où les psychologues parlent d’enfant et non plus de bébé. L’intelligence du jeune enfant devient de plus en plus « représentative », symbolique. Cette capacité se manifeste notamment dans l’imitation différée, mais également dans le jeu symbolique ou de simulation : « jeu de faire semblant ». Par exemple, l’enfant qui, devant ses parents, joue au téléphone avec une banane ou un faux téléphone portable. Autre expression forte de la pensée symbolique et de la simulation à cet âge : le dessin, classiquement sur papier mais aujourd’hui aussi sur tablette graphique avec stylo numérique. L’enfant de 2 ans se sert alors des principes cognitifs qu’il a appris lorsqu’il était bébé, mais cette fois avec une distance par rapport au réel. Il se met à les intérioriser et à les combiner mentalement, à les jouer, à les dessiner, etc. Dans ce cadre, l’enfant va peu à peu apprendre à distinguer ce qui est réellement présent et ce qu’il imagine, qu’il s’agisse de souvenirs réels ou de pur imaginaire créatif et ludique. Entre 2 et 6 ans, c’est donc la construction de cette pensée symbolique qui se joue et les débuts de la conscience explicite de ce que les écrans sont des fenêtres sur un monde virtuel. C’est l’âge où, par ses propres dessins sur une tablette graphique par exemple, l’enfant peut intuitivement découvrir la simulation de l’environnement réel par une image numérique. S’il la produit lui-même, elle sera très schématisée (stades du gribouillage et du schématisme) et s’il la perçoit sur un jeu vidéo pour enfants, un DVD pédagogique, ou encore un e-book, elle pourra déjà être plus réaliste – même hyperréaliste –,

3/ Voir M. Mahmoudzadeh et al., « Syllabic discrimination in premature human infants prior to complete formation of cortical layers », PNAS, vol. CX, n° 12, 19 mars 2013. 4/ S. Kouider et al., « A neural marker of perceptual consciousness in infants » Science, vol. CCCXL, n° 6130, 19 avril 2013. 5/ J. DeLoache et al., « Do babies learn from baby media ? », Psychological Science, vol. XXI, n° 11, novembre 2010. Voir aussi Michael Robb et al., « Just a talking book ? Word learning from watching baby videos », British Journal of Developmental Psychology, vol. XXVII, n° 1, mars 2009.

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comme le sont les illustrations d’un album papier classique. S’agissant d’écrans numériques, les parents, grands-parents, ou enfants plus âgés de la famille peuvent dès cet âge commencer à sensibiliser l’enfant, dans un cadre de jeu et d’éveil, au fait qu’il s’agit de la simulation d’un environnement réel par des images sur écran – comme quand il dessine ou joue à « faire semblant ». Les écrans et outils numériques peuvent aussi avoir entre 2 et 6 ans, tout particu-

lièrement durant la période de l’école maternelle, des usages pédagogiques positifs pour éveiller et exercer les capacités d’attention visuelle sélective, de dénombrement, de catégorisation, etc. Pour préparer la lecture par exemple (catégorisation combinée des lettres et des sons), un logiciel d’apprentissage des associations entre graphèmes (lettres) et phonèmes (sons), Graphogame, a révélé son efficacité et son impact sur le cerveau des enfants dès l’école

maternelle, impact neuroéducatif mesuré en imagerie cérébrale6. Les jeux vidéo pour petits peuvent aussi exercer leur capacité à imaginer de façon dynamique les points de vue des personnages, leurs pensées, leurs désirs, etc. (ce que l’on appelle « la théorie de l’esprit »). Dans les jeux virtuels ou réels, comme dans les interactions sociales non ludiques, cela apprend à l’enfant à devenir moins égocentré. Il peut aussi apprendre à communiquer à distance, avec ses grands-parents par exemple, via les outils numériques. C’est donc à l’occasion de la construction de la pensée symbolique, entre 2 et 6 ans, que les enfants doivent pour la première fois apprendre à privilégier alternativement le réel et le virtuel (le « semblant »), à en jouer, tout en faisant la part de l’un et de l’autre. C’est aussi l’âge où de façon spontanée l’enfant pourrait déjà se réfugier de façon excessive dans le monde virtuel des écrans. Au cas par cas, en famille, il faut très tôt l’éduquer à une pratique modérée et autorégulée. Éduquer plutôt qu’interdire ! l

à lire... Apprendre à résister, O. Houdé, Éditions Le Pommier, 2014. Grand Prix Moron 2015 de l’Académie française. Au croisement de la psychologie de l’enfant, de la pédagogie et de l’imagerie cérébrale, en collaboration avec un large réseau d’écoles, le laboratoire d’Olivier Houdé explore les mécanismes du développement mental et de l’apprentissage. Dans le cerveau humain, des automatismes très rapides, intuitifs, et des raisonnements logiques, plus réfléchis, entrent en compétition à tout moment. C’est ce qu’on appelle des « conflits cognitifs ». Pour les dépasser, le cortex préfrontal des enfants doit apprendre à inhiber le mode automatique. C’est ce qu’Olivier Houdé appelle la « résistance cognitive ». Des entraînements au laboratoire, à l’école ou à la maison peuvent y aider. Face aux écrans, développer cette capacité de résistance mentale est important, aujourd’hui plus que jamais, car il faut savoir ralentir, éviter les pièges du numérique souvent trop rapide, faire le tri dans les multiples informations, distinguer le vrai du faux et bien raisonner. Un véritable défi, à tout âge, pour notre « cerveau connecté » ! 6/ Voir S. Brem et al., « Brain sensitivity to print emerges when children learn letter-speech sound correspondences », PNAS, vol. CVII, n° 17, 27 avril 2010.

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ÉTUDE QUALITATIVE DE L’UNAF SUR LES ATTITUDES DES PARENTS

Les tout-petits et les écrans A travers cette étude, l’UNAF a souhaité mieux comprendre le rapport qu’entretiennent les familles vis-à-vis des écrans, afin de mieux les accompagner. Extraits.

P

our les activités extramédiatiques, les parents cherchent à stimuler l’éveil, la motricité, le langage, mais quand les médias viennent prendre place dans la vie des enfants de 0 à 3 ans, c’est généralement pour d’autres motivations.

Les principales motivations des parents pour les activités médiatiques

• La première motivation, c’est le fait que la télévision est un moyen d’occuper et de distraire les petits : les images électroniques les attirent, captent leur regard et les maintiennent devant l’écran. Rares sont les parents d’enfants de moins de 1 an qui ont invoqué ce moyen, mais à partir de 1 an, c’est un outil que les parents utilisent pour placer l’enfant devant et faire autre chose, ou les occuper les jours de pluie. Selon les contextes, c’est une occupation qui sera proposée plus ou moins fréquemment. • La seconde motivation, complémentaire de la première, elle aussi fréquemment invoquée, c’est celle de l’usage de la télévision comme d’« un sédatif ». Les enfants, dès l’âge de un an, un an et demi, ont beaucoup d’énergie, et ne dorment pas beaucoup dans la journée. Il vient des moments où ils s’énervent, où ils sont fatigués. S’il y a des frères et sœurs, c’est le moment des disputes, le dessin animé permet d’apaiser les tensions, de porter leur attention ailleurs, de les « hypnotiser ». La télévision leur permet de se reposer, de « se poser », sans se coucher, de faire une

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sorte de sieste éveillée. C’est à ce titre qu’elle est souvent utilisée en fin de journée. • La troisième motivation des parents est celle de la gratification. Comme il s’agit d’un moment où les enfants éprouvent du plaisir, et qu’ils redemandent en général, la perspective de pouvoir regarder un dessin animé peut les inciter à faire d’autres activités moins amusantes. Occuper, calmer, compenser une situation peu agréable, ce sont des motivations qui peuvent se cumuler et expliquer que de nombreux parents téléchargent des applications, des vidéos, des photos, des dessins animés sur leurs téléphones portables ou sur les tablettes pour les moments où les contraintes sont fortes : trajets en transports en commun, restaurant, consultation médicale… Les écrans servent alors à canaliser les pulsions motrices, à aider les enfants à traverser les espaces publics sans bouger, sans déranger les autres, en rendant les contraintes comme invisibles pour les petits. • La quatrième motivation relève de l’apprentissage. Regarder un dessin animé peut constituer une découverte pour l’enfant, au même titre que la découverte de l’environnement physique. L’objectif d’apprentissage tel que le conçoivent les parents n’est pas strictement éducatif, avec les médias électroniques, les enfants découvrent aussi des univers qui seront utiles pour leur socialisation. Ces 4 motivations apparaissent toutes plus ou moins dans les

entretiens. Mais elles ne vont pas conduire les parents à intégrer de la même façon les médias dans les journées des tout-petits. Ces motivations peuvent même de façon ambivalente lever des inquiétudes.

Les inquiétudes des parents et des éducateurs

L’enfant scotché : La première inquiétude des parents vient du constat d’une forme de dépendance. Les parents observent que dès lors que l’enfant a fait une expérience télévisuelle, il va demander à la renouveler. Il devient vite difficile de refuser car la demande se fait toujours plus pressante et pour davantage de visionnage. À cet âge où les parents sont extrêmement attentifs aux occupations des enfants, ils redoutent de voir l’enfant de plus en plus « scotché » devant l’écran. L’envahissement du monde personnel : Le petit enfant doit construire sa vision du monde. De nombreux parents redoutent que la télévision ne vienne au contraire formater l’imaginaire de leur enfant alors même qu’ils sont en train de l’élaborer. Mais regarder la télévision, est l’exact contraire de ce que les parents et les éducateurs cherchent

Etude menée par Sophie JEHEL Maîtresse de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’université Paris-8 et chercheuse au CEMTI (Centre d’études sur les médias, les technologies, et l’internationalisation).

Méthodologie

Cette enquête qualitative a été menée en Ile de France (Paris et Seine Saint-Denis) et en Mayenne, auprès de 25 parents et professionnels de l’enfance, par des entretiens individuels semi-directifs d’environ une heure.

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à favoriser lorsque l’enfant réussit à s’occuper seul et à construire son monde personnel. Les parents qui redoutent la télévision (comme les autres écrans) répètent qu’ils préfèrent que l’enfant s’ennuie, ou qu’il se raconte des histoires seul. Cet effort de construction mentale qui aide l’enfant à donner consistance à sa subjectivité est zappé par le visionnage précoce d’images animées. Le court-circuit des interactions : Les écrans font écran aux relations entre les humains. Ils viennent se substituer aux interactions entre parents et enfants. Or ce sont les interactions qui viennent stimuler l’enfant et favoriser son développement. Certes si on l’habitue à parler devant l’écran, l’enfant peut aussi interpeller ses parents tout en regardant un dessin animé mais c’est rare et ne concerne pas les plus petits qui ne parlent pas encore, ou parlent peu. Ces parents semblent conscients que l’usage intensif de la télévision ou des écrans réduit les interactions avec l’entourage. Des études démontrent même que les enfants en bas âge qui y sont le plus exposés ont un vocabulaire moins étendu.

Madame C., qui utilise les médias pour tenter à contenir les énergies de ses trois enfants, ne comprend pas :

Des contenus télévisuels inadaptés : Les parents peuvent nourrir d’autres inquiétudes liées non au média lui-même mais à ses contenus. Ils redoutent les représentations qui leur semblent trop violentes. La violence est le premier thème qui vient à leur esprit en tant que contenu inadapté. L’appréciation de la violence varie selon les parents.

#dessinsanimes

On m’a dit que c’est pas bon les dessins animés pour la maternelle. Mais la chaîne pour les bébés pourquoi ils l’ont inventé si on n’a pas le droit de la regarder, je ne comprends pas.

#

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Quatre styles de médiation parentale vis-à-vis des écrans Nous appelons médiation parentale les comportements parentaux qui définissent la relation de leurs enfants aux médias électroniques. La relation des enfants aux écrans n’est déterminée ni par la technique, ni par la société, elle est construite par les parents, elle diffère d’une famille à l’autre. En partant du récit fait par les parents du déroulé des journées de leurs enfants, nous cherchons à distinguer quatre styles principaux de médiation des médias qui définissent des modalités différentes d’intégration des médias dans la vie des tout-petits. Pour caractériser les médiations parentales, nous nous appuyons sur les motivations, les inquiétudes et les principes formulés par les parents vis-à-vis des médias électroniques, mais aussi sur les pratiques médiatiques, telles qu’elles ont été décrites au cours des entretiens. Nous retenons comme premier axe, le fait d’intégrer la télévision ou les autres écrans dans l’emploi du temps de l’enfant. Cet axe permet d’opposer les parents qui intègrent les médias parmi les occupations régulières des tout-petits et ceux qui souhaitent en minimiser la présence. Un second axe distingue les parents qui adoptent une posture radicale dans leur choix de médiation, que ce soit pour intégrer les médias à la vie quotidienne des tout-petits, ou pour les éviter, et les parents qui adoptent une posture plus tempérée (voir figure 1). Parmi les parents qui font des médias une occupation régulière, certains finissent par organiser la journée des tout–petits autour des médias, nous appellerons « médias‑au‑centre » ce type de médiation. D’autres parents définissent un rythme de visionnage pour les écrans, et en font donc une activité normale de l’enfant, mais en lui proposant par ailleurs d’autres

activités d’éveil ou de motricité, nous appellerons ce style de médiation « médias-intégrés ». Parmi les parents qui souhaitent minimiser l’exposition aux écrans pendant les premières années de la vie de leur enfant et considèrent que beaucoup d’autres activités leur sont plus profitables, nous distinguons ceux qui ont une posture radicale et évitent au maximum d’allumer des écrans en présence de leurs enfants, nous appelons « médias-éloignés » cette médiation, et ceux qui ont une posture plus tempérée et choisissent certains contenus qu’ils trouvent éducatifs, les proposant à leurs enfants de temps en temps, nous l’appelons ce style de médiation « médiaséducatifs ». Ces quatre modalités permettent de préciser la place des écrans dans la vie des jeunes enfants et de différencier des modèles de comportement vis-à-vis des écrans dont les frontières dans la réalité sont parfois moins étanches. Ainsi, l’utilisation de contenus médiatiques éducatifs est-elle principalement le fait de parents qui minimisent les temps d’écran, mais elle peut aussi ponctuellement être le fait de parents qui intègrent régulièrement les médias dans la vie de leurs enfants.

Évaluation de la consommation médiatique des enfants de 0 à 3 ans

Nous savons que dans un climat général plutôt défavorable au visionnage par les plus jeunes, les parents ont pu avoir tendance à diminuer la durée des plages pratiquées. Mais ces déclarations sont les premières briques d’une connaissance des pratiques médiatiques des 0-3 ans. Nous avons vu que dans les cas où les médias sont au centre des activités des enfants, ceux-ci peuvent facilement être visionnés entre 2h et 2h30 par jour : environ une demi-heure au réveil, et 1h30 à 2h en fin de journée à partir de un an et demi. Il s’agit là d’un minimum pour les jeunes enfants

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Occupations médiatiques régulières Posture tempérée

Médiation « médias-intégrés » : Les médias une occupation, parmi d’autres activités

Posture radicale

Médiation « médias-au-centre » : Les médias constituent une occupation centrale

gros consommateurs d’écrans, qui est valable pour les jours de crèche et peut selon les contextes s’accroître le weekend ou pendant les vacances. L’omniprésence des écrans dans le logement : Ce volume ne correspond qu’aux écrans allumés spécifiquement pour le jeune enfant. Il faut y ajouter les écrans partagés avec le reste de la famille. Comment évaluer la consommation médiatique de Noham (17 mois) dont les frères et sœurs ont une tablette et une console de jeu alors qu’une télévision de grande dimension trône sur la table, au milieu du studio où vivent la mère et ses quatre enfants ? La mère dit ne pas regarder beaucoup la télévision sauf le journal le soir qu’elle impose à ses enfants et le film ou le téléfilm du mardi soir. Jordan qui s’endort tard regarde pendant environ 1h30-2h ses propres dessins animés, mais peut encore regarder plus ou moins attentivement la télévision pendant 1 h ou 2h avant de s’endormir, à côté de sa mère. L’espace dans lequel dorment les jeunes enfants est un facteur décisif : le fait de ne pas avoir de chambre séparée pour les plus petits accroit leur consommation et leur habitude de vivre avec une ambiance télévisuelle, quelle que soit leur attention au programme. Il s’agit là d’une donnée sociale forte. Le cumul avec les pratiques des autres membres de la famille : Parmi les facteurs qui accroissent la consommation des écrans, les pratiques de la fratrie et des parents sont décisives. Pourquoi empêcher Ahmed de

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Médias minimisés Médiation « médias-éducatifs » :

Des occupations médiatiques exclusivement avec des contenus éducatifs

Médiation « médias-éloignés » : Éviter les médias le plus possible

jouer au jeu vidéo, si le frère de 12 ans y joue, et si ses oncles de 17-18 ans le font aussi ? Madame G.M., sa mère, surveille que les jeux ne soient pas trop violents. Elle a ainsi appris par la crèche que son garçonnet connaissait le jeu vidéo GTA, elle en a été choquée. Il avait vu cela chez la grand-mère qui héberge ses oncles de 17-18 ans. Depuis, elle a prévenu toute la famille et cela ne s’est pas reproduit. Mais Madame G.M. ne voit pas pourquoi ne pas le laisser jouer aux jeux vidéo comme Fifa, alors qu’elle-même aime bien y jouer et fait volontiers des parties avec Ahmed. Il s’agit apparemment d’une des rares activités de jeu partagée entre la mère et le petit garçon. Les goûts parentaux comme ceux de la fratrie jouent un rôle important dans l’orientation des occupations médiatiques des petits. Un visionnage segmenté et cumulé : Le fait de vouloir limiter l’exposition aux écrans n’est pas suffisant pour y parvenir. Madame P.M., assistante de vie, voudrait limiter les écrans pour Franck, notamment parce qu’il s’agit d’une recommandation de la psychologue qui le suit ainsi que sa fille cadette (8 ans). Elle sait que : « si on regarde trop, c’est pas bon non plus, sinon, c’est une habitude, c’est comme les consoles de jeu ». Mais les médias sont déjà fortement intégrés au rythme des journées : le matin, « le temps de faire la vaisselle », Franck regardait des dessins animés sur Boomerang, « Mister Bean » ou « Monsieur Chaplin ». Suite aux conseils de la psychologue, la mère a arrêté. Pour le déjeuner, les

enfants rentrent à la maison et regardent des dessins animés, le soir, les grands aiment regarder les Simpsons, le petit regarde avec eux, surtout quand il n’y a pas classe le lendemain. Le reste du temps les deux grands ont une console de jeu et peuvent y jouer, si leurs résultats scolaires sont satisfaisants. Entre les consoles, le téléviseur et l’ordinateur, l’équipement familial est abondant, à quoi s’ajoutent les abonnements à des chaînes pour enfants, que Madame P.M. considère comme « assez éducatives », même si elle sait qu’il ne faut pas les regarder à haute dose. Des écrans toujours disponibles : Diminuer les écrans qui occupent les enfants, nécessite des ressources culturelles, des habiletés pour leur proposer des activités alternatives, nourrir l’imaginaire des enfants que tous les parents n’ont pas. Plus que la disponibilité en temps, les ressources culturelles des parents sont décisives. La télévision et les médias électroniques en général, comme le reconnaissent la plupart des parents constituent une solution parce qu’ils sont disponibles à tout moment, ne demandent pas de préparation, ne nécessitent aucun rangement.

Mais les parents peuvent agir

Pour éviter les écrans, il faut savoir ce que l’on peut faire avec un jeune enfant. Selon le contexte, ces connaissances ne sont pas forcément disponibles pour les parents dans l’environnement familial proche. Certains parents vont alors se repor-

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#astuces Il n’est pas simple de limiter l’accès aux écrans y compris au plus jeune âge de l’enfant. En proposant des « trucs » parentaux en fonction de la place qu’occupent les médias dans les activités de l’enfant, nous espérons que chaque parent pourra s’y retrouver et mieux gérer les écrans.

#

Guillemette Leneveu, Directrice générale de l’UNAF

ter entièrement sur l’école, la crèche ou les centres d’accueil, tel est le cas notamment des parents issus des milieux populaires les plus modestes, d’autres vont se former. Les amis, les groupes de pairs qu’entretiennent les jeunes parents sont une source d’information et d’autoformation. Les parents vont aussi développer avec leurs enfants leurs propres activités : jeux de société pour les parents joueurs, initiation à la lecture, au théâtre, à la poésie, visites culturelles pour d’autres. Certains parents ne savent pas jouer avec l’enfant, et le reconnaissent. Ils vont trouver des ressources à l’extérieur du domicile, en sortant avec l’enfant, en allant faire des promenades en forêt avec le grand-père, en le regardant au parc faire des acrobaties. Ces ressources ne sont pas nécessairement des formes de capital culturel, au

sens de la culture légitime qui caractérise les milieux les plus favorisés. Elles peuvent aussi être acquises par des voies professionnelles comme c’est le cas des formations d’éducateur de jeunes enfants ou dans le cadre des formations à l’animation. Mais certains parents sont désireux et capables aussi d’apprendre, sans être ni vouloir être des professionnels de la petite enfance. Ils s’informent, s’inspirent de ce qu’ils voient faire dans les centres multiaccueil et développent des savoir-faire à leur domicile, parfois avec les encouragements des professionnels. L’existence de ces centres et leur capacité d’accueil sont donc décisives pour aider les parents. Mais les capacités d’autoformation des parents eux-mêmes sont des dispositions personnelles déterminantes pour le choix des activités des tout-petits. l

DES « TRUCS » PARENTAUX

Face à la difficulté de limiter l’exposition aux écrans, les parents appliquent des stratégies.

Retrouvez l’étude intégrale sur www.unaf.fr

à lire...

Parents ou médias, qui éduque les préadolescents ? Sophie Jehel Enquête sur leurs pratiques TV, jeux vidéo, radio, Internet

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Quand les parents veulent mettre des écrans à distance (médias-éloignés) • Repousser le plus possible l’âge de l’équipement personnel de l’enfant (tablette, jeux vidéo). • Ne pas regarder la télévision quand les jeunes enfants sont réveillés. Privilégier la télévision de rattrapage pour regarder le journal ou les séries télévisées. • Être attentif à l’usage des écrans (télé, smartphone, ordinateur) en présence de jeunes enfants. • Coucher les enfants dans une pièce sans écran, après quelques histoires. • Se rendre disponible pour des activités avec l’enfant, qu’il préfère en général au visionnage de la télévision : jeux de société, jeux de ballon, jeux de construction, lectures. • Laisser l’enfant jouer librement pour qu’il construise son monde personnel, développe son imaginaire avec des objets, avec des jouets, avec des crayons. • Accepter que l’enfant introduise du désordre dans l’espace familial : par la construction de cabane, ou par le déplacement d’objets du quotidien dans des tiroirs ou de caisses dont il change la destination. • Organiser des espaces, même petits, où il peut avoir des activités manuelles : transvaser des graines, jouer avec des bouteilles en plastique, faire de la pâte à modeler. • Transformer les activités quotidiennes en jeux.

Quand les parents privilégient une approche éducative des écrans (médias-éducatifs) • Choisir des programmes qui ont un contenu éducatif, en particulier sur les tablettes. • Déconnecter les tablettes de l’internet (et du wifi). • Choisir des programmes à caractère documentaire. • Éviter la régularité des visionnages et l’installation d’habitudes. Quand les parents veulent réguler les écrans (médias-intégrés) • Limiter le temps d’écran, en comptant les dessins animés. Les parents connaissent aussi bien le nom des dessins animés que leur durée. Ils comptent donc le nombre de dessin animé auquel l’enfant a droit, et fixent la règle dès le début. Ils évitent la télévision de flux et privilégient d’autres types d’accès : télévision de rattrapage, youtube, DVD. • Limiter la publicité. Certains parents installent le logiciel de blocage sur leur ordinateur pour éviter la publicité sur les écrans. • Éviter les programmes qui mettent en scène des violences qui peuvent induire des comportements d’imitation, choquer ou faire souffrir les enfants. • P arler avec l’enfant des programmes qui ont été regardés. • Ne pas installer de téléviseur dans la chambre des enfants.

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CONSTRUCTION DE RECOMMANDATIONS POUR LES FAMILLES

Pédiatres, enfants, écrans : Osez la parentalité ! Le Groupe de Pédiatrie Générale associé et membre de la Société Française de Pédiatrie (SFP) a organisé son colloque annuel 2016 sur le thème « L’Enfant et les écrans » en mars 2016 à Paris et en mai 2016 à Lyon. Ces journées ont été programmées dans le but d’actualiser et de discuter des recommandations qui pourraient être données aux parents (et aux enfants !) par les pédiatres (et les autres professionnels de l’enfance). LES RECOMMANDATIONS EXISTANTES

De nombreuses recommandations ont été publiées. Cinq nous ont plus spécialement servi pour l’organisation de ces journées :

L e rapport « L’Enfant et les Ecrans de l’Académie des Sciences (2013)

Il contient de nombreuses orientations et références des travaux sur ce sujet. Les connaissances sont encore partielles parfois contradictoires. Les recommandations doivent être basées sur le bon sens et sur la prévention des risques. Avant deux ans les « écrans n’ont aucun effet positif reconnu ». La place des écrans interactifs ludiques reste discutée. Entre deux et 12 ans « l’exposition passive et prolongée des enfants à la télévision, sans présence humaine interactive et éducative, est déconseillée ». L’utilisation ludique ou pédagogique des écrans est possible. Les parents, les éducateurs, les enseignants doivent favoriser le maintien de larges moments sans écran. Au-delà de 12 ans l’utilisation des écrans est plus large, sous forme de jeux et de participations aux réseaux sociaux. La contribution positive des écrans est indiscutable mais les risques d’excès, d’isolement et de violence doivent être pris en compte. On

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retrouve aussi dans ce rapport très pertinent et complet une incitation pour les médecins à prendre une place auprès des parents : « Les médecins généralistes et les pédiatres peuvent jouer un rôle important dans cette prévention. Ils peuvent convaincre les parents d’écarter les enfants de moins de trois ans des écrans. Et ensuite, pour les enfants plus grands, ils peuvent inviter les parents à constituer chez eux une vidéothèque qui puisse se substituer à des programmes de mauvaise qualité, et qui permette aussi à leurs enfants d’échapper à la publicité dont l’influence chez les plus jeunes (qui sont incapables d’en discerner les enjeux) est une forme de violence qui leur est faite .En famille, un dialogue doit s’instaurer entre parents et enfants sur toutes les images qui peuvent choquer ceux-ci ».

L’Académie Américaine de Pédiatrie (AAP)

En octobre 2015, l’AAP a fourni de nouveaux conseils à destination des parents : Les règles doivent rester les mêmes que pour toute activité et s’appliquer tant dans l’environnement virtuel que réel. Des limites doivent être instaurées. Le modèle parental est important : les parents doivent limiter leur propre utilisation face aux écrans devant leurs enfants. Apprendre par l’échange est primordial. Les médias doivent encourager l’interaction et

Georges PICHEROT, Jacques CHEYMOL, Pierre FOUCAUD, Brigitte SAMSON et les membres du Groupe de Pédiatrie Générale (GPG)

l’échange verbal par le langage. Mieux vaut parler de la qualité du support numérique ou du média utilisé que la quantité de temps passé devant l’écran. Participation et implication comptent avant tout. L’interaction sociale et le coengagement des parents aideront à mieux apprendre et influenceront la perception qu’a l’enfant du média. Créer des zones vierges sans outils technologiques est important pour préserver le temps de repas en famille ou le sommeil. (Oser la parentalité).

Le CSA (Conseil supérieur de l’audiovisuel)

Le CSA contribue par ses recommandations en direction des diffusions télévisées à la prévention. Ses trois messages principaux sont : pas d’écran avant 3 ans, pas de télévision dans la chambre des enfants et « La télévision, c’est mieux quand on en parle ».

« Génération 3.0 » publié par Pascal Lardellier en 2016

Cet ouvrage reprend très largement et actualise les thèmes qu’il avait développés dans « Le Pouce et la Souris ». Entre autres idées, l’auteur propose de : favoriser les échanges familiaux autour du numérique pour « s’intéresser à leur univers », de sensibiliser les enfants et adolescents aux enjeux juridiques et de sanctuariser des moments sans connexion.

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Serge Tisseron et la règle des 3-6-9-12

Il a apporté également beaucoup d’idées pour la prévention : « Pas de télévision avant trois ans, pas de console de jeux avant 6 ans, internet uniquement accompagné après 9 ans et accès aux réseaux sociaux après 12 ans ». La précision d’âge est simple et facile à retenir mais se heurte aux difficultés d’adaptation aux familles où les enfants sont de différents âges. D’autre part l’évolution très rapide des techniques risque de rendre rapidement obsolète ces frontières d’âge.

Apprivoiser les écrans et grandir

3 - 6 -9-12

LE CONTENU DES JOURNÉES La première table-ronde a exposé un état des lieux des « consommations » d’écrans par les enfants et les adolescents en 2016. L’histoire récente est impressionnante pour ces nouveaux médias qui se sont multipliés à une vitesse rapide et qui vont encore nous surprendre (Michel Ogrisek). Les petits enfants et même les nourrissons sont concernés par ce développement comme le montre cette enquête de l’AFPA (Association Français de Pédiatrie Ambulatoire : Rémy Assathiany). La vision des écrans a des impacts sur le développement sensoriel de l’enfant et on peut s’attendre à des modifications des apprentissages sans que tout soit négatif (Olivier Houdé). Les changements des modes de communications transgénérationnelles portées par les écrans impliqueront une « mutation culturelle importante à comprendre » (Jacques Cheymol).

s 12 ans De 9 à 12 ans Aprè

6 à 9 ans L’enfant commence De 3 à 6 ans De L’enfant a besoin L’enfant a besoin à s’affranchir L’enfant a besoin d’explorer L’enfant a besoin de découvrir des repères de découvrir ses la complexité règles de construire ses les familiaux dons sensoriels du monde repères spatiaux du jeu social et manuels et temporels

Avant 3 ans

la télé z, parlez, arrêtez z-en en famille Avant 3 ans : Joue s, partagez-les, parle : Limitez les écran De 3 ans à 6 ans uez-lui Internet les écrans, expliq avec z Crée : nges De 6 ans à 9 ans à protéger ses écha et ger proté se : Apprenez-lui à De 9 ans à 12 ans vous ! encore besoin de z disponibles, il a Après 12 ans : Reste ns

La deuxième table-ronde a fait le point sur nos inquiétudes face à cette technique innovante. Les écrans sont-ils dange-

reux ? Des réponses en nuance sont apportés par un pédiatre (François-Marie Caron) et par une psychiatre de l’enfant et de l’adolescent (Marie-France Le Heuzey). Que penser des images violentes accessibles, en particulier pornographiques ? Comment protéger nos enfants ? (Stéphane Blocqaux). Peuvent-ils devenir dépendants aux écrans ? L’addiction aux jeux vidéo, mythe ou réalité ? (Bruno Rocher). Le harcèlement des adolescents sur le Net est fréquent : comment venir en aide ? (Victor Portier de l’association E-enfance). La troisième table-ronde a cherché à ouvrir sur l’avenir en abordant l’utilisation des écrans dans les thérapeutiques utilisant « La réalité virtuelle » (Ricardo Carbajal). Le rôle des parents est primordial dans l’accompagnement à l’utilisation des écrans (Olivier Gérard de l’UNAF) mais les institutions doivent aussi organiser et adapter les écrans à l’enfant en le protégeant et en favorisant les créations adaptées (Mémona Hintermann, Alexandra Mielle, Mélanie Bidet-Emeriau du CSA).

e aux questio une façon de répondr Serge Tisseron « 3-6-9-12 » comme gues. J’ai imaginé les repères tes des parents et des pédago les plus pressan et grandir, Ed. érès

iser les écrans 3-6-9-12. Apprivo

ron.com sur : www.sergetisse être téléchargée Cette affiche peut

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PROPOSITIONS DE RECOMMANDATIONS DU GPG Nous avons souhaité actualiser et synthétiser les recommandations publiées. Notre souci a été d’éviter plusieurs écueils comme les risques d’obsolescence ou les messages trop négatifs, socialement très décalés ou inadaptés. Nous avons choisi de retenir des messages simples. Ce sont donc 5 conseils pour aider l’enfant à s’installer dans cette génération très influencée par le numérique, mais pas que...

1

Comprendre le mouvement actuel sans diaboliser le numérique

Cette recommandation suppose de comprendre le monde dans lequel nous sommes, son évolution sociologique. Pour les professionnels il s’agit d’évaluer le comportement des familles. Les familles sont différentes et ne peuvent répondre au numérique de la même façon. La question du rapport avec les écrans fait partie de la connaissance des modes de vie et des questionnements éducatifs. Interdire tous les écrans n’a plus de sens, pas plus que de transmettre des règles avec des limites fixes d’âge ou de durée.

2

Des écrans dans les espaces de vie collective mais pas dans les chambres des enfants jusqu’à l’adolescence

C’est une recommandation fondamentale, peut être peut-être à contrecourant, mais unanimement portée par toutes les recommandations publiées. Le but est de privilégier les partages (moins d’accès en solitaire si l’écran est dans une pièce à vivre). Plusieurs constats justifient cette position : les écrans ont des effets prouvés sur le sommeil et l’obésité ; le partage parental et familial est

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la base de la compréhension et de la protection en particulier vis-à-vis de la sécurité des sites. Il est habituel de dire que cette recommandation doit être modulée et négociée en fonction de l’âge (mais la question ne se pose t’elle pas aussi pour les adultes ?) et du type d’écran (elle est facile à appliquer pour la télévision, moins pour d’autres écrans, d’autant qu’il existe des utilisations détournées de certains écrans).

3

Des temps sans aucun écran

Cette recommandation aussi est partagée par tous les travaux publiés. Certains temps et lieux devraient être sanctuarisés : repas, sommeil, école (hormis pour les apprentissages), salles de sport, phases de jeux collectifs. C’est vrai pour les enfants, mais aussi pour les adultes.

4

Oser et accompagner la parentalité pour les écrans

Les parents doivent reprendre leur place auprès de leurs enfants pour organiser la gestion du rapport des enfants avec les écrans. La nouveauté des objets ne doit pas être un frein à la gestion parentale des limites, des dangers, de l’importance du

respect de l’intimité. Le propre rapport des parents eux-mêmes aux écrans est par ailleurs essentiel dans l’exemplarité qu’il donne aux enfants. Les professionnels doivent encourager les parents à fixer et justifier les règles d’utilisation.

5

Lutter contre l’isolement

Le mésusage des écrans peut conduire à l’isolement. La perte d’échanges avec les autres et le déficit de socialisation sont alors un risque pour les enfants et les adolescents. Les réseaux sociaux ou les jeux en ligne peuvent donner une fausse impression de contact. Le cyber harcèlement/dénigrement peut conduire à de véritables dépressions, avec risque de passages à l’acte (tentatives de suicide par exemple). L’encouragement au partage, aux échanges directs doit être associé à l’utilisation des techniques de communication. La publication de ce document dans la revue de l’UNAF à pour but d’ouvrir une discussion sur ces recommandations actualisées. Nous souhaitons que les membres de l’UNAF les analysent de manière critique pour nous aider à co-écrire un texte qui de notre côté sera porté par les instances pédiatriques que sont le Groupe de Pédiatrie Générale et la Société Française de Pédiatrie. l

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Etat de la science : Faut-il avoir peur des jeux vidéo ?

Yann LEROUX Docteur en psychologie

Inventés dans les années 60, les jeux vidéo transforment le paysage du divertissement depuis plusieurs décennies. Ils ont conquis de nouveaux publics en gagnant les faveurs des seniors et des filles. Ils ont transformé les PC et les téléphones en station de jeu. Enfin, ils se sont diversifiés en proposant des nouvelles formes de jeu. Longtemps décriés, quelles difficultés les jeux vidéo peuvent poser aux jeunes enfants ? Doit-on en avoir peur ?

L

a recherche s’est beaucoup focalisée sur les adolescents, laissant la situation des jeunes enfants dans l’ombre. Cette situation est problématique car les parents disposent souvent uniquement des informations qui filtrent dans les média. Le livre « 3-6-9-12 Apprivoiser les écrans et grandir » de Serge Tisseron est une exception notable. Le psychanalyste français y donne des indications précises en fonction des âges de développement des enfants quant à l’utilisation des jeux vidéo et de l’Internet. L’âge de développement est en effet une clé importante car les besoins, les gouts et les capacités de transformation des média d’un enfant ne sont pas les même que ceux d’un adolescent. Cet article fait le point sur les difficultés que peuvent poser les jeux vidéo aux jeunes enfants. Les problèmes de santé, psychologiques et sociaux qui sont généralement associés aux jeux vidéo sont présentés. Leur réalité est évaluée et des recommandations sont proposées aux parents. Enfin, des propositions sont faites pour accompagner les pratiques vidéo ludiques des enfants.

Les problèmes de santé

La pratique des jeux vidéo a été associée à plusieurs problèmes de santé. L’épilesie photosensible a été un des premiers pro-

blèmes identifiés. Il s’agit d’une forme d’épilepsie provoquée par les lumières clignotantes et les motifs visuels. Elle a été repérée dans les années 1980 et mise en lien avec la fréquence de rafraichissement des écrans de télévision de l’époque. Parce qu’ils ont une fréquence de rafraichissement plus élevée, les téléviseurs d’aujourd’hui ne présentent plus ce risque. Cependant, pour les personnes photosensibles ou épileptiques, il est recommandé de jouer à plus d’ 1,50 m de l’écran, de privilégier les séances de jeu courtes, d’éviter de jouer en état de fatigue. La fatigue visuelle est la sensation ressentie au niveau des yeux lorsque la personne a passé trop de temps devant un écran. Elle se traduit par une baisse de l’acuité visuelle, une irritation oculaire, des maux de tête, et/ou une difficulté à se concentrer. Les jeux vidéo peuvent provoquer ce type de fatigue parce qu’ils mettent le système visuel à rude épreuve. En effet, les enfants ont tendance à jouer trop près des écrans. Le rapprochement des écrans des yeux est par ailleurs favorisé par les consoles portables. Pendant les parties, le joueur doit fixer son regard pendant de longues périodes. Le clignement des yeux se fait moins fréquent, ce

qui a tendance à assécher l’œil et à provoquer des irritations. Enfin, le suivi des images qui se déplacent sur l’écran sollicite fortement les muscles des yeux. Au final, les jeux vidéo mettent à rude épreuve le système visuel. Plus les enfants passent du temps devant un écran de jeu, moins ils sont actifs et plus ils présentent des risques de santé comme l’obésité. Vandewater et al (2004) trouvent que la pratique des jeux vidéo est liée a un IMC problématique chez des enfants entre 1 et 12 ans. Les enfants dont l’activité vidéo ludique est faible ont un IMC moins important que ceux dont l’activité vidéo ludique est modérée. A l’opposé, Lopez et al (2008) trouvent qu’il n’y a pas de lien entre la pratique des jeux vidéo et l’obésité. Il semble donc que l’image du « couch potato »1 soit trompeuse et qu’il n’existe pas de lien direct entre le surpoids ou l’obésité et le temps passé à jouer aux jeux vidéo. Cette revue de la littérature a une conclusion similaire à celle de Marschall et al qui notaient que « l’activité physique et le comportement sédentaire (dont l’utilisation de l’internet, de l’ordinateur, de la télévision et des jeux vidéo) ne sont pas deux faces d’une même pièce ». Contrairement aux apparences, plus d’activité sédentaire ne signifie moins d’activité phy-

1/ Traduction de l’expression « patate de canapé ».

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sique. Autrement dit, les jeux vidéo ne font pas grossir. Le lien entre le surpoids et les jeux vidéo ne peut pas être pris isolément. Il est nécessaire de prendre en compte des variables intermédiaires comme de mauvaises habitudes alimentaires, et les attitudes parentales. Si jouer aux jeux vidéo ne fait pas grossir, jouer aux jeux vidéo en grignotant et en buvant des sodas se traduira très probablement par un surpoids. Il faut aussi considérer le genre des jeux vidéo. Il a par exemple été démontré que le jeu « Dance Revolution » provoquait une dépense énergétique comparable à une marche de rythme modéré. Même pour un jeu vidéo comme Tekken 3 dans lequel le corps est très peu mis à contribution, la dépense énergétique est plus importante que le métabolisme basal. Les causes de l’obésité sont multifactorielles mais à ce jour aucun lien direct avec les jeux vidéo n’a été trouvé. Il est probable que le lien entre le surpoids et le temps passé à jouer dépende davantage d’une variable intermédiaire comme le grignotage. Quelques cas de fractures et de tendinite ont été rapporté suite à un usage répété et excessif de la console de jeu. Les expressions comme “Nintendinite” ou “Wiite” traduisent les tendinites provoquées par des tensions répétées et prolongées sur la manette de jeu. L’utilisation excessive de la souris a également été mise en lien avec le syndrome du canal carpien. Les cas de fracture font suite à un geste maladroit lors de l’utilisation de la console Wii qui nécessite souvent des gestes amples et rapide. Le membre fracturé peut être celui du joueur ou d’une personne se trouvant dans l’aire de jeu.

Les problèmes psychologiques

La crainte que les enfants ne confondent les images du jeu vidéo et de la réalité est assez fréquente chez les parents. Elle

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n’est cependant pas supportée par les données scientifiques. Seul Spence (1983) décrit un cas d’une personne ayant présenté des hallucinations dans le voisinage d’une partie de jeu vidéo mais depuis aucun autre cas n’a été décrit ce qui laisse penser qu’il s’agit d’une situation très anecdotique. Ortiz de Gortari et Griffiths ont étudié chez les joueurs adultes un phénomène plus banal. Ils appellent « phénomène de transfert vidéoludique » les perceptions et pensées liées au jeu qui persistent après le jeu. Ce phénomène est à la fois inoffensif et de courte durée. La question de l’addiction est discutée pour les adolescents et les jeunes adultes. La recherche n’est pas arrivée à un consensus suffisant sur la définition de l’addiction aux jeux vidéo ou sur la manière de la mesurer. De ce fait, l’addiction aux jeux vidéo est une question de recherche mais elle n’est pas un diagnostic. Les sociétés savantes comme l’INSERM ou l’Académie des Sciences recommandent d’ailleurs l’utilisation de l’expression « jeu excessif » ou « jeu problématique » qui ne préjugent pas d’une relation addictive. La relation entre les jeux vidéo et les comportements violents a été largement étudiée. Sur ce plan, les recherches convergent vers le consensus suivant : les jeux vidéo ne sont pas liés à des comportements meurtriers. Faire des jeux vidéo des simulateurs de meurtre est donc excessif et inapproprié. Un lien a été mis en évidence entre la pratique de jeux vidéo du type First Person Shooter (par exemple « Call of Duty »), et l’agressivité. Ces jeux ont tendance à susciter chez les joueurs des pensées et des émotions violentes. Il a également été montré que ces jeux vidéo ont des effets sur les comportements car les joueurs ont moins d’empathie après leurs parties et ont tendance à être davantage agressifs. Cet effet est limité en taille et dans le temps. L’ampleur de l’effet

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des jeux vidéo est comparable à celui des dessins animés et la durée de cet effet est limitée à quelques heures.

Les problèmes sociaux

L’idée selon laquelle les jeux vidéo présentent des risques d’isolement n’est pas confirmée par la recherche qui a au contraire mis en évidence le contexte social des jeux vidéo. Jouer à un jeu vidéo, c’est en effet participer à une culture avec ses codes et son langage. De la même manière que le jeu fabrique du social, les jeux vidéo sont des occasions d’interactions sociales. Contrairement aux stéréotypes qui font du « gamer » un inadapté social, les joueurs de jeux vidéo jouent a plus de 70 % avec un ami (ESA 2012). Les enfants timides y trouvent un médiateur commode pour apprivoiser l’autre, et les plus entreprenants y voient l’occasion de faire la publicité de leurs exploits. Le modèle intrinsèque des jeux vidéo est le consumérisme. La grande majorité des jeux vidéo comportent une monnaie ou un équivalent avec lequel il est possible d’acheter des objets ou de nouveaux pouvoirs. Par exemple, dans Les « Sims », le joueur est félicité à chaque fois qu’il achète quelque chose. Comme tous les média, les jeux vidéo présentent les genres d’une manière très stéréotypée. Le héros y est souvent un homme tandis que les femmes sont cantonnées à des rôles de faire-valoir. Lorsqu’elles ont un rôle important, elles sont plus dévêtues et ont des poses plus suggestives que leurs contreparties masculines. Même si l’influence directe de ces représentations sexistes n’est pas prouvée, il est bon d’en faire un sujet de discussion avec les enfants. Cela fera toute la différence entre jouer avec des représentations sexistes et être joué par elles. Les jeux vidéo présentent un certain nombre de stéréotypes raciaux. Les personnages non-

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blancs sont sous-représentés dans les jeux vidéo. Lorsqu’ils sont présents, ils sont présentés d’une manière négative ou agressive. Au final, les problèmes posés par les jeux vidéo ne sont pas là où on le croit. Les jeux vidéo ne désocialisent pas les enfants. Ils ne les transforment pas en assassins ou en « addicts ». Ils ne sont pas non plus responsables de l’obésité. Par contre, les parents d’enfants qui présentent une épilepsie photosensible doivent être vigilants. Tous les parents doivent être attentifs à la fatigue visuelle provoquée par les écrans. Ils doivent également organiser les espaces et les temps de jeux pour éviter d’éventuelles blessures. Enfin, comme avec tout média, les parents doivent prendre le temps de décoder les idéologies consuméristes, de genre et raciales qui accompagnent les jeux vidéo.

Comment accompagner les enfants ?

Jusqu’à présent, nous avons présenté les problèmes comme des conséquences directes de l’utilisation des jeux vidéo. Cette relation directe est basée sur le modèle de la seringue. Dans ce modèle, le média transmet aux enfants des éléments comme une seringue inocule un produit dans un organisme. Cependant, les enfants ne sont pas des agents passifs vivants dans un vacuum. Ils utilisent les jeux vidéo dans un contexte familial et culturel. Autrement dit, la

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position des adultes est essentielle dans la manière dont les enfants reçoivent les messages des jeux vidéo. Trop souvent, les adultes ont le sentiment qu’ils ne peuvent pas accompagner les pratiques vidéo ludiques des enfants parce qu’ils manquent de compétence. Ils confondent alors la dextérité dont les enfants font preuve dans les jeux vidéo avec la compréhension qu’ils peuvent en avoir. Pourtant, deux heures suffisent pour maitriser les déplacements dans tous les jeux vidéo. Avec 8 heures de plus, n’importe quel adulte arrive à une compétence comparable à celle d’un enfant.

Observer, commenter, accompagner, jouer

Le rôle des adultes est essentiel parce que l’important n’est pas ce que fait le joueur mais ce qu’il comprend. Le jeu ne peut porter ses fruits chez les enfants que s’il est suffisamment accompagné par des adultes. Cet accompagnement peut prendre plusieurs formes. Tout d’abord l’adulte peut suivre le jeu de loin en faisant de temps à autres quelques commentaires pour encourager l’enfant. Ensuite, il peut jouer un rôle de facilitateur en orga-

SOURCES Tisseron, Serge. 3-6-9-12 Apprivoiser les écrans et grandir. Erès, 2013. Brasington, Richard. « Nintendinitis. » The New England journal of medicine 322.20 (1990) : 1473-1474. Sparks, Dorothy, Daniel Chase, and Lisa Coughlin. « Wii have a problem : a review of self-reported Wii related injuries. » Journal of Innovation in Health Informatics 17.1 (2009) : 55-57. Spence, Sean A. « Nintendo hallucinations : A new phenomenological entity. » Irish Journal of Psychological Medicine 10.02 (1993) : 98-99. de Gortari, Angelica B Ortiz, Karin Aronsson, and Mark Griffiths. « Game Transfer Phenomena in video game playing : A qualitative interview study. » IGI Global (2011) : 15-33. Anderson, Craig A, and Brad J Bushman. « Effects of violent video games on aggressive behavior, aggressive cognition, aggressive affect, physiological arousal, and prosocial behavior : A meta-analytic review of the scientific literature. » Psychological science 12.5 (2001) : 353-359. Lehdonvirta, Vili, Terhi-Anna Wilska, and Mikael Johnson. « Virtual consumerism :

nisant l’espace et le temps du jeu. En jouant avec l’enfant, l’adulte prend un rôle davantage actif, mais il doit veiller à ce que l’enfant reste au centre du jeu. L’enfant prendra donc le personnage le plus important et donnera les indications de jeu. Il est et il reste le directeur de jeu. Enfin, l’adulte peut prendre la direction du jeu. Il est alors un expert qui donne des indications précises sur les actions à entreprendre dans le jeu. Ces différents accompagnements nécessitent différentes compétences vidéo ludiques. Les deux premières n’en nécessitent aucune. Les encouragements ne nécessitent rien de plus que du temps accordé à son enfant et l’organisation des parties de jeu demande de l’argent pour l’achat du matériel et un peu de sens pratique pour que ces parties restent compatibles avec les autres activités de l’enfant et la vie familiale. Jouer suppose une maitrise suffisante des règles du jeu et des déplacements de base. Mais même ces éléments ne sont pas nécessaires car il est suffisant de vouloir partager un temps de jeu avec l’enfant. Les apprentissages se feront alors naturellement pendant les parties. l

case habbo hotel. » Information, communication & society 12.7 (2009) : 1059-1079. Hill, Jennifer Ann. « Endangered childhoods : how consumerism is impacting child and youth identity. » Media, Culture & Society 33.3 (2011) : 347-362. Ivory, James D. « Still a man’s game : Gender representation in online reviews of video games. » Mass Communication & Society 9.1 (2006) : 103-114. Graf, Diana L et al. « Playing active video games increases energy expenditure in children. » Pediatrics 124.2 (2009) : 534-540. de Gortari, Angelica B Ortiz, and Mark D Griffiths. « Game Transfer Phenomena and its associated factors : an exploratory empirical online survey study. » Computers in Human Behavior 51 (2015) : 195-202. Burgess, Melinda CR et al. « Playing with prejudice : The prevalence and consequences of racial stereotypes in video games. » Media Psychology 14.3 (2011) : 289-311. Lenhart, Amanda et al. « Teens, video games, and civics : teens’ gaming experiences are diverse and include significant social interaction and civic engagement. » Pew internet & American life project (2008).

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Jeux vidéo : Des clefs pour les parents Le collectif PédaGoJeux s’est constitué en 2008 avec l’ambition de sensibiliser et d’informer les parents sur le jeu vidéo. Pour atteindre cet objectif, le collectif a associé l’ensemble des parties prenantes : pouvoirs publics, acteurs économiques, médias, joueurs et leurs familles, afin d’apporter aux parents un discours équilibré sur l’ensemble des facettes du jeu vidéo. Il s’agissait donc, dès l’origine, de rompre à la fois avec une vision angélique et son pendant, la diabolisation de ce loisir.

D

epuis plus de 8 ans, le collectif PédaGoJeux accompagne les parents en leur présentant les atouts du jeu vidéo et en abordant aussi, sans retenue ni tabou, tous les sujets sensibles liés à sa pratique. L’action de PédaGoJeux se décline autour de plusieurs axes : dès 2008, le collectif a lancé son site Internet, www. pedagojeux.fr, qui s’adresse spécifiquement aux parents et aux éducateurs. Le site modernisé et enrichi en 2014 propose de nombreux contenus qui abordent l’ensemble des sujets relatifs aux jeux vidéo mais aussi de nombreux conseils pratiques à destination des parents. Depuis 2010, le collectif est animé par l’UNAF.

Des conseils en ligne et sur le terrain

En 2014, PédaGoJeux a souhaité renforcer sa capacité à diffuser ses conseils sur le terrain. Ainsi est né le programme « Ambassadeur » : mettre en réseau des structures associatives ou publiques qui proposent au public des activités dans le domaine du jeu vidéo (action de sensibilisation, de prévention, d’information du public, ateliers d’initiation, de découverte, de créativité) et qui s’engagent à relayer les informations de PédaGoJeux. Fin juin 2016, 56 structures issues de plus de 40 dépar-

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tements ont été « labellisées » Ambassadeur PédaGoJeux. L’ambition de PédaGoJeux est d’accompagner les parents dans la mise en place des conditions d’une expérience positive et sereine du jeu vidéo au sein de la famille et ce dès la première expérience de jeu de l’enfant. Ces conditions vont évidemment dépendre de l’âge des enfants.

A chaque âge sa pratique

Avant 6 ans, la pratique de jeu vidéo doit être le plus souvent accompagnée et les pratiques seules exceptionnelles. Le temps de jeu est limité sur des sessions de jeu courtes. Les jeux sont adaptés à l’éveil et au développement de l’enfant. Les parents doivent être particulièrement attentifs aux jeux auxquels sont soumis les enfants, en tant que spectateur. C’est notamment le cas pour les parents d’enfants d’âges différents, mais aussi lorsque les parents sont eux-mêmes joueurs. A ces âges, les parents doivent fixer des règles claires et s’y tenir. A partir de 6 ans, la pratique de jeu évolue : plus autonome, plus mobile et plus sociale. Pour PédaGoJeux, l’implication des parents est plus que jamais nécessaire pour que l’expérience de jeu reste positive. En particulier, les enfants sont progressivement en demande

d’autonomie dans leur pratique de jeu. C’est aussi l’âge des jeux avec ou chez le copain. Ces nouvelles pratiques de jeu ne signifient pas que les parents doivent se retirer de toute régulation du jeu, bien au contraire. La définition d’un cadre et de règles du jeu reste primordiale. Ce cadre et ces règles doivent porter sur le contenu des jeux en s’appuyant notamment sur la signalétique des jeux vidéo (cf. l’article sur les systèmes de signalétique) ; sur le temps de jeu et plus généralement sur le temps consacré aux écrans ; sur les moments du jeu (par exemples seulement le weekend, après les devoirs, avant le repas, etc. …), qui doivent s’inclure dans la recherche d’un équilibre des activités (numériques et hors-numériques) de l’enfant. Il convient aussi d’être particulièrement vigilant quant aux valeurs véhiculées par les jeux.

Corinne LONGUET Responsable Communication PédaGoJeux

Construire les règles pour et avec les enfants

Ces règles peuvent être définies en concertation avec les enfants car cela permet de les conduire à se poser des questions sur leur pratique de jeu et ainsi développer leur sens critique et leur discernement. C’est d’ailleurs dans cet esprit qu’en 2015, après les parents et les professionnels, PédaGoJeux a souhaité s’adresser directement aux enfants.

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www.pedagojeux.fr @pedagojeux_fr www.facebook.com/ pedagojeux.fr

Un espace PédaGoJeux Junior propose ainsi des contenus aux 6-12 ans qui vont à l’essentiel pour aborder à terme l’ensemble des sujets sensibles en matière de jeu vidéo : temps de jeu, influence des aînés dans les fratries, respect des règles, violence, représentations fillesgarçons… En répondant ainsi aux questions les plus communément posées par les jeunes (joueurs ou non) mais aussi, en leur suggérant de s’en poser certaines autres, PédaGoJeux souhaite sensibiliser les plus jeunes à l’importance d’une pratique maîtrisée du jeu vidéo. En donnant à tous les membres de la famille les informations et clés de compréhension du jeu vidéo, il s’agit d’instaurer un dialogue parents-enfants constructif autour de ce loisir sans s’immiscer dans les valeurs et règles en cours à la maison, ni se substituer au rôle des parents. Plus généralement, les parents doivent favoriser l’échange et la discussion avec l’enfant sur ces pratiques de jeux pour mieux

conseils pour bien jouer en famille Le jeu vidéo est un loisir qui s’adresse à toutes les tranches d’âge. Jouer avec ses frères et sœurs, parents ou grandsparents sont des moments de partage et d’échange bénéfiques pour toute la famille.

l’accompagner. Les questions sont nombreuses : A quels jeux joues-tu ? Lesquels n’aimes-tu pas ? Qu’éprouves-tu quand tu joues ? Préfères-tu jouer seul ou avec tes copains ? A quels jeux ? Est-ce que tu joues ailleurs qu’à la maison ? En classe ? Estce qu’il y a des règles fixées ? Qu’en penses-tu ? Sont-elles justes ? Injustes ? Les parents peuvent aussi s’appuyer sur leur propre expérience pour aborder sereinement ces moments d’échanges avec l’enfant : lui parler des jeux auxquels on jouait à son âge, par exemple. Ce que l’on aimait dans ces jeux. Avec qui on jouait et exprimer le fait que l’on n’était pas toujours d’accord avec ses parents !

Un mot clef : le dialogue

La mise en place de ces règles du jeu peuvent d’ailleurs être utilement élargies à d’autres champs de la vie de l’enfant, qu’ils soient liés aux écrans (téléphone portable, tablettes, Internet) ou non. L’accompagnement du jeu vidéo nécessite en effet de traiter de nombreux aspects relatif à l’enfant : grandir et devenir autonome, le plaisir et la frustration, le faire ensemble et le respect, la confiance en soi, la prise de risque.

La définition d’un cadre favorable passe aussi par le partage de moments de jeu en famille. Selon l’étude SELL/GFK d’octobre 2014, 62 % des parents jouent au moins occasionnellement avec leurs enfants. Cependant, seulement 23 % jouent régulièrement et 7 % fréquemment. Ce temps de jeu en commun est en outre souvent demandé par les enfants euxmêmes ! Ainsi, si le 1er motif de jeu en famille est lié à l’opportunité de partager une activité avec ses enfants, le 2e motif vise à répondre favorablement à une demande des enfants. Loin de l’image du joueur isolé, le jeu vidéo se vit au contraire comme un temps collectif, partagé, de confrontation, de compétition. Les parents doivent aussi y trouver leur place. Partager des moments de jeu c’est aussi mieux comprendre le plaisir éprouvé par l’enfant, les difficultés auxquelles il doit faire face, ses motivations à jouer, sa fierté à réussir telle ou telle phase de jeu. Autant d’éléments qui facilitent l’accompagnement de l’enfant dans une pratique sereine et positive du jeu vidéo. Mais c’est aussi simplement profiter de moments de plaisir, de complicité en famille. l

Plus on en parle en famille, mieux c’est ! Cela vaut pour tous les sujets mais se révèle une belle source de rapprochement. Faire une partie entre frères et sœurs, c’est sympa ! Mais il convient aussi d’éviter que les plus jeunes jouent aux jeux vidéo des plus grands. Ils sont fascinés par certains jeux ? Il y a forcément une raison ! La chercher est une méthode qui a fait ses preuves pour la bonne entente et pour que les règles soient bien acceptées. Les bonnes habitudes se prennent tôt. Bien jouer, cela s’apprend dès les premières parties (le fair play, le respect des règles et des autres). Etre parent, c’est aussi donner le bon exemple ! On compte sur vous pour limiter votre propre consommation d’écran (pas de téléphone à table pour avoir une meilleure communication en famille).

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NUMÉRIQUE ET INÉGALITÉS ÉDUCATIVES

Du coup de « tablette magique » à l’e.éducation Les familles populaires, tout aussi équipées Le projet INEDUC (2012-2015) financé par l’Agence nationale de la recherche croise les parcours scolaires avec les pratiques numériques et de loisirs des adolescents1. Il vise à identifier les inégalités éducatives liées aux contextes et aux espaces de vie des jeunes de 13 à 15 ans (la période du collège). Pour les analyses liées au numérique, nous adoptons le point de vue de l’anthropologie des usages2. L’équipement technologique apparaît socialement contrasté sur deux plans : les terminaux mobiles et les espaces d’accès (l’espace familial de la maison ou l’espace personnel de la chambre). En effet, si les collégiens d’origine sociale défavorisée (selon la catégorie socio-professionnelle du père) sont autant dotés en ordinateurs fixes que ceux d’origine sociale très favorisée, ils se révèlent moins dotés en terminaux mobiles lorsque l’on considère l’équipement familial. En revanche, dans leur chambre, les jeunes de milieu défavorisé sont plus fortement équipés en ordinateurs fixes (15 % contre 12 % des adolescents issus des catégories très favorisées) et en ordinateurs portables (47 % contre 35 %). De surcroît, les disparités se creusent significativement quant à l’équipement en téléphone portable. Près de 4 adolescents sur 5 (76 %) issus de milieu défavorisé possèdent un téléphone portable, contre 2 adolescents sur 3 (68 %)

d’origine sociale favorisée. On constate un investissement inégal des familles dans le rapport au numérique, qui se retrouve dans le type et le lieu d’accès à l’équipement. L’équipement en téléphone portable est aussi différencié au niveau spatial. 76 % des élèves scolarisés en milieu urbain en sont équipés, contre 67 % en milieu rural et en aire périurbaine. Si les inégalités éducatives liées aux usages du numérique sont importantes, elles ne dépendent quasiment plus de l’équipement mais elles sont encore dépendantes de la connexion, particulièrement en zone rurale.

Numérique et classe sociale

L’analyse qualitative des sites périurbains démontre une forte interdépendance entre la socialisation parentale et la posture éducative vis-à-vis du numérique. Ces différences s’ancrent dans les territoires à l’échelle du quartier (voire du bloc d’immeubles ou du lotissement). On relève des retraits éducatifs importants dans les familles populaires, en particulier en termes d’aliénation consumériste à la possession de produits technologiques (les smartphones ou les consoles de jeu) associés à un discours assez paradoxal de confiance dans la mission de l’école vis-à-vis de l’éducation au numérique. Les parents de milieu défavorisé s’en remettent davantage aux choix et aux volontés de l’adolescent. En exagérant un peu le trait, on peut présenter ainsi ces processus éducatifs : quasiment tous les préadolescents

arrivent au collège en réclamant un téléphone portable. Dans les quartiers d’habitat social, les parents entretiennent des rapports distants avec l’institution scolaire et échangent peu entre eux sur la scolarité et les loisirs des adolescents. Le « métier » de parent s’exerce alors dans la sphère intra-familiale, ce qui donne du poids à l’argument : « Tous les élèves de ma classe ont un téléphone portable », même si ce n’est pas la réalité. L’insistance du préadolescent est telle que, comme pour la nouvelle console de jeu au Noël précédent, ou pour la régulation de la télévision, les parents finissent par céder. De l’autre côté du boulevard, dans le quartier résidentiel, la socialisation parentale passe par des échanges réguliers autour de la scolarité, des loisirs et de la santé des enfants. Les parents fréquentant le même collège, les mêmes équipements sportifs ou culturels, finissent par tisser des liens de proximité. La question du téléphone portable s’évoque naturellement entre eux et ils finissent par définir une norme : pas de téléphone portable avant la 4e. Cette norme est peu remise en cause par les adolescents dès lors qu’elle est partagée par des familles qui possèdent le même capital culturel.

Pascal PLANTARD Anthropologue des usages des technologies numériques Professeur de Sciences de l’Éducation à l’université Rennes 2 Centre de recherche sur l’éducation les apprentissages et la didactique (CREAD) et GIS M@rsouin

Pour des solutions territoriales

Depuis la rentrée 2013, nous avons mené une autre recherche qualitative, où nous avons étudié la dynamique des collèges connectés. La compen-

1/ Une équipe pluridisciplinaire issue de trois universités (Rennes, Caen, Angers) et du Centre d’études et de recherches sur les qualifications de Caen a mené une enquête quantitative sur 38 collèges publics et privés et une autre, qualitative, sur neuf sites. 2/ Nous définissons les usages comme des ensembles de pratiques socialisées qui fondent de nouvelles normes autour desquelles se créent les sociabilités. Parler de pratiques « socialisées » renvoie donc à des questions de constructions collectives et à l’étude des processus d’appropriation des normes culturelles. Les processus d’appropriation du numérique traversent les imaginaires, les représentations et les pratiques pour se stabiliser, pour un temps, en normes d’usages que les adolescents apprennent les uns des autres. Un apprentissage complexe, mêlant à la fois la prise en main technique, le capital culturel, ainsi que le développement identitaire de l’adolescent.

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Fab Lab : Un fab lab (contraction de l’anglais fabrication laboratory, « laboratoire de fabrication ») est un lieu ouvert au public où est mis à sa disposition toutes sortes d’outils, notamment numériques comme les imprimantes 3D, pour la conception et la réalisation d’objets. Ludification : du latin ludus, le jeu (« gamification », en anglais ). Application des mécanismes du jeu à des contextes scolaires ou professionnels, afin d’agir sur l’envie, la motivation et les comportements, pour rendre un effort ou une contrainte plus agréables, plus faciles à accepter.

sation des inégalités n’y est plus institutionnelle (par l’Éducation nationale, l’éducation populaire, l’animation ou le travail social), mais territoriale, les inégalités éducatives liées aux usages du numérique, importantes chez les adolescents, dépendant beaucoup du territoire dans lequel ils vivent. Bien que rarement conscientisés par les acteurs, ces processus de compensation sont clairement observables. Prenons quatre exemples. Les établissements situés en zone rurale proposent plus de voyages scolaires, particulièrement à l’étranger, que les autres établissements. On assiste ainsi à une compensation territoriale d’une inégalité d’accès aux voyages, un projet de voyage scolaire s’organise avec une communauté comprenant les enseignants, les parents et les collectivités territoriales. Ces voyages peuvent aussi être l’occasion d’un développement important des usages des technologies numériques, en particulier des réseaux sociaux, pour garder le contact avec les familles. L’inégalité d’accès à internet peut aussi faire l’objet d’une compensation territoriale : plusieurs collèges ruraux

fournissent des clés 3G aux collégiens, le financement provenant des collectivités territoriales. Autour des projets des collèges connectés se créent des réseaux de partenaires (parents d’élèves, associations socioculturelles, sociales ou numériques, collectivités territoriales, services déconcentrés de l’État, rectorat) qui développent des projets en commun à la fois numériques et éducatifs sur le territoire (comme le mouvement des Fab Lab*). La compensation des inégalités territoriales s’appuie ici sur un brassage des populations autour du projet « techno ». Enfin, les « flottes » de tablettes mobiles des collèges connectés (financées par les collectivités territoriales, comme le wifi et le très haut débit) sortent régulièrement des collèges pour des animations éducatives.

Le « plan pour le numérique à l’École », un miroir aux tablettes

Après le programme « collèges connectés », le « grand plan numérique pour l’École de la République » annoncé par les pouvoirs publics risque de rompre avec la stratégie choi-

sie en début de mandat pour « faire entrer l’École dans l’ère du numérique ». Dans un cadre participatif, la « refondation » engagée par Vincent Peillon avait en effet remobilisé de nombreux acteurs (élus, chefs d’établissement, enseignants, animateurs, parents d’élèves, chercheurs…) en proposant une mise en réseau dynamique coordonnée par la direction du numérique pour l’éducation. Répondre aux enjeux de la « grande conversion numérique3 » en distribuant des tablettes tactiles aux élèves risque de ralentir ce mouvement et d’apparaître comme un non-sens pédagogique, culturel, politique et citoyen. Rappelons les conseils de la Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale (DATAR) qui, en 2007, proposait que sur 4 euros investis par l’État sur le numérique, un euro soit mis dans la formation des formateurs, un euro en services (d’accompagnement dans les établissements), un euro dans les contenus (logiciels éducatifs) et un euro seulement dans les équipements. Pour les « zones sensibles », la plupart du temps périurbaines, comment redonner de l’espoir, de la réussite scolaire et du pouvoir d’agir aux jeunes en déshérence ? De nombreuses initiatives territoriales démontrent la pertinence des cultures numériques dans des processus d’empowerment des personnes et des territoires en difficulté (telles l’école inversée, la ludification* des apprentissages, Transapi, les cartes subjectives, les Fab Labs solidaires, les chantiers-écoles multimédia…). Ce n’est pas d’un petit plan tablette mais d’un grand plan pour l’éducation prioritaire dont nous avons besoin. Un plan numérique où les écoles, les collèges et les lycées connectés de la République se situeraient prioritairement en zone urbaine sensible. l

3/ Titre d’un ouvrage de l’historien Milad Doueihi (Seuil, 2008).

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HANDICAP

Le numérique pour une meilleure accessibilité à l’école ! Comment le numérique peut il favoriser l’accessibilité de l’école pour les enfants en situation de handicap ?

S

elon un récent rapport de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)1, le numérique marque l’une des grandes mutations de l’école au 21e siècle. Les technologies de l’information et de la communication permettent ainsi un apprentissage interactif, personnalisé et adapté au rythme de chaque élève, malgré un certain décalage observé entre les compétences techniques des enseignants et celles des élèves et des étudiants. Dans ces conditions, le numérique peut être conçu comme une ressource riche pour le développement d’une meilleure accessibilité à l’école, mais sous réserve d’un accompagnement adapté dans l’appropriation des divers objets et techniques. À la suite de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, qui met l’accent sur le développement des conditions d’une « école inclusive », un élargissement des usages du numérique pour un plus grand nombre d’élèves en situation de handicap semble être encouragé au niveau de l’action publique et trouve des échos dans les pratiques individuelles des acteurs concernés.

Une multitude d’outils numériques

Dans ce contexte, les outils numériques sont investis d’un rôle particulier, celui d’aider

leurs utilisateurs dans les activités quotidiennes, voire dans les activités d’apprentissage et dans leurs déclinaisons dans le cadre scolaire. La prise de notes apparaît par exemple comme un enjeu important de l’activité scolaire, tel que souligné à de nombreuses reprises par les professionnels et les jeunes eux-mêmes2. Il s’agit d’une forme d’ouverture et d’accès facilité aux contenus des cours. Des solutions déjà envisagées mettent l’accent sur l’interaction avec un « preneur de notes », mais l’interaction avec une machine est nouvelle. La relation se transforme lorsqu’il s’agit d’un acteur non-humain, car c’est à lui que des compétences cognitives et communicationnelles sont déléguées et la machine est alors un outil médiateur dans la production et l’acquisition de connaissances. Pour l’anthropologue Jack Goody3, l’écriture constitue une technique essentielle de distribution spatiale de l’information. La machine permet dès lors une meilleure visualisation de l’information, son stockage, son tri, ou son classement. Elle est alors susceptible de transformer l’expérience scolaire des jeunes élèves en situation de handicap, tout comme leur rapport au monde. Des outils numériques ont été développés à travers le temps et utilisés dans le milieu de l’enseignement pour les jeunes

handicapés. Le plus souvent ils ont été mis en place en fonction du type de déficience. À titre d’exemple, pour les personnes déficientes visuelles, nous pouvons citer Zoomtext, Dolphin, Speakback, etc. ; pour les personnes ayant des troubles de l’apprentissage, ScreenRuler, Medialexie, Speakback, Antidote, etc. Dans le cas des personnes déficientes auditives, les outils numériques dédiés sont moins présents et cela pourrait être expliqué par les spécificités de leurs actions et besoins. Mais les outils numériques déjà existants peuvent aussi se partager en fonction de l’agent qui effectue leur configuration. Lorsque les enseignants conçoivent les exercices, nous sommes devant des logiciels pédagogiques, par exemple Langagiciel4 ou Genex5. Lorsque l’élève délègue directement à la machine une action, son autonomie est plutôt mise en avant et il s’agit dans ce cas d’un outil individualisé. L’élève est alors l’acteur central qui utilise le dispositif et organise ses contenus, par exemple dans le cadre des projets orDYScan6 ou Auticiel7. La machine devient à ce moment-là médiatrice directe de l’expérience d’apprentissage, et d’autres « traducteurs de pratiques » - enseignants, professionnels du soin, aidants – interviennent subsidiairement pour compléter l’apprentissage de son fonctionnement.

Cristina POPESCU Chargée de mission - INS HEA (Institut national supérieur de formation et de recherche pour l’éducation des jeunes handicapés et les enseignements adaptés).

1/ OCDE (2016). Les grandes mutations qui transforment l’éducation 2016. 2/ Gouédard, C. et Sarralié, C. (2014). La prise de notes à l’Université : un enjeu pour les étudiants en situation de handicap. Actes du 49ème Congrès de la Société d’Ergonomie de Langue Française (SELF) « Ergonomie et développement pour tous », La Rochelle, 1-3 octobre, France. 3/ Goody, J. (1979). La Raison graphique. La domestication de la pensée sauvage, Éditions de Minuit. 4/ http://www.langagiciels.fr/ 5/ http://www.ecolepourtous.education.fr/pour-enseigner/mesurer/troubles-moteurs/genex.html 6/ http://apedysmayenne.org/lordyscan/ 7/ http://auticiel.com/

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Des progrès constants grâce aux expérimentations scolaires Pendant les dernières années, un vaste laboratoire d’innovation sociale intègre des expérimentations scolaires en lien avec le numérique. Elles sont mises en place dans les écoles et les collèges afin de tester les apports des divers outils dans l’acquisition des connaissances et dans l’autonomie des jeunes. Elles peuvent être généralistes, s’adressant à tous les élèves de la classe, ou spécialisées, dans le sens où elles concernent les élèves qui ont un certain type de besoins. Quelques exemples permettront au lecteur de voir la portée de ces nouvelles pratiques, qui, en cas de réussite, peuvent être appliquées au plus grand nombre d’élèves. Le très riche site de l’Expérithèque8 recense une multitude de projets d’expérimentations pédagogiques. Les expérimentations des tablettes y rencontrent une fréquence plus élevée. Une explication serait le poids et la présence relativement discrète des tablettes. Rappelons que pour un bon nombre d’élèves, le fait de porter un matériel numérique dans une classe ordinaire est équivalent d’une exception

car il attire l’attention sur eux. Des négociations et des explications peuvent accompagner la présence de ces objets, mais les situations peuvent être très variables. Les potentialités pédagogiques des tablettes et des applications qui y sont incluses sont néanmoins plus faciles à explorer à l’intérieur des ULIS (unités localisées pour l’inclusion scolaire) que ce soit au niveau du collège9 ou de l’école élémentaire10. Au delà des usages de la tablette numérique, il existe des projets complémentaires qui visent à favoriser l’inclusion scolaire notamment à travers le développement des compétences en recherche d’information11, la création de contenus multimédia12 ou l’aide aux devoirs et aux leçons en ligne13. Des usages pédagogiques innovants suscités par la présence de nouveaux outils se développent alors. Les interactions entre les enseignants et les élèves sont plus particulièrement favorisées et s’encadrent dans la logique d’une pédagogie « inversée », plus inclusive car elle laisse une place à chaque élève pour s’exprimer. Il faut cependant souligner qu’un nécessaire processus

d’apprentissage et de compréhension de l’outil doit toujours être mis en place. Et l’insuffisante préparation au numérique demeure un danger qui mène vers l’abandon des outils. Ainsi, dans le cadre d’un projet qui cible la transmission des cours aux élèves d’ULIS à travers l’aide d’un environnement numérique de travail, nous apprenons que l’action ultérieure a été entravée « par une difficulté essentielle : la formation de l’ensemble des équipes éducatives concernées. Au lieu d’apporter une solution aux problèmes envisagés, l’outil est devenu un obstacle. »14.

La nécessaire formation aux nouveaux outils

A côté de diverses formations institutionnelles au numérique, des ressources en ligne constituent une aide précieuse à l’autoformation à l’usage du numérique pour une meilleure accessibilité à l’école. Ainsi, le site de l’Observatoire des ressources numériques adaptées (ORNA)15 recense plusieurs outils matériels et logiciels accessibles et adaptés par rapport au différents types de déficiences. Des fiches techniques sont mises à la disposition des personnes qui consultent le site en tant qu’aide pour l’enseignement du numérique aux jeunes et aux adultes en situation de handicap. En direct lien avec l’ORNA, le site de « l’École pour tous »16 contient plus particulièrement des ressources numériques adaptées pour une variété d’activités scolaires. Elles peuvent viser l’apprentissage et l’usage de l’écriture, de la lecture, le calcul, le dessin ou la communication. En outre, par rapport à l’accessibilité proprement-dite, un guide mis en place par l’Agence européenne

8/ http://eduscol.education.fr/experitheque/carte.php 9/ (http://eduscol.education.fr/experitheque/fiches/fiche9751.pdf 10/ Heitz, M.-H. (2015). Clis’Tab : premiers résultats d’un projet innovant. Dans La Nouvelle Revue de l’Adaptation et de la Scolarisation, n°69 (2015/04). 11/ http://eduscol.education.fr/experitheque/consultFicheIndex.php?idFiche=9600 12/ Ulis 3.0 : https://www.youtube.com/watch?v=19c1TBR0rQI 13/ Iclasse Adell : http://www.adell.fr/apropos.html 14/ http://eduscol.education.fr/experitheque/consultFicheIndex.php?idFiche=7730 15/ http://inshea.fr/fr/content/orna-observatoire-des-ressources-numeriques-adaptees 16/ http://www.ecolepourtous.education.fr/pour-enseigner.html 17/ http://ict4ial.eu/sites/default/files/Making%20your%20Organisations%20Information%20Accessible%20for%20All_FR.pdf

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PROJET VIS MA VUE un jeu sérieux qui permet plus spécifiquement d’aborder le handicap visuel en classe.

pour l’éducation adaptée et inclusive17 offre aux enseignants et aux aidants quelques lignes directrices à respecter pour rendre une information accessible à tous, qu’il s’agisse de son contenu ou de sa mise en forme. Finalement, les jeux sérieux sont aussi une ressource numérique utile. Ils aident à mieux faire comprendre aux autres les diverses contraintes subies par les jeunes en situation de handicap. Nous mentionnons ici le projet « Vis ma vue »18, un jeu sérieux qui permet plus spécifiquement « d’aborder le handicap visuel en classe ». Il s’adresse surtout aux enseignants de cycle 3 et développe un environnement virtuel de simulation qui intègre des doubles de l’espace de la classe, 18/ https://www.reseau-canope.fr/vis-ma-vue/ 19/ http://www.tsara-autisme.com/

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de la recréation ou de la cantine. Dans le cas de l’autisme, Tsara19 est un jeu sérieux destiné principalement aux aidants. Il propose d’accompagner un jeune autiste à travers diverses « situations problématiques de la vie en société. » Des recommandations de bonnes pratiques sont ainsi faites aux utilisateurs de manière ludique. L’univers virtuel décrit à la fois l’espace de l’école, avec la recréation, ou le cours de sport, mais aussi l’espace extra-scolaire, lorsque le personnage central se trouve à la maison, dans un magasin, au restaurant, etc.

Les applications du numérique dans le cadre scolaire sont loin d’être épuisées que ce soit à un niveau pédagogique, éducationnel ou organisationnel. Sans aucun doute, les nouveaux outils et technologies de l’information et de la communication accompagnent et apportent des nouvelles pratiques à la fois pour les jeunes que pour les personnes qui les suivent dans leurs activités d’apprentissage. Si le numérique est vu comme une opportunité pour l’accessibilité à l’école, il reste néanmoins important qu’il soit rendu luimême possible et accessible. l

A DÉCOUVRIR OU FAIRE DÉCOUVRIR :

www.ecolepourtous.education.fr

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Ma fille, mon fils, tu grandiras avec le numérique Aurélien ALVAREZ, Enseignant-chercheur, Université d’Orléans. Martine COURBIN, Ingénieure Inria, Valérie FRANÇOIS, Documentaliste Inria, Thierry VIÉVILLE, Chercheur, Inria

Nous parents, quelle que soit notre formation initiale, nous pouvons accompagner nos enfants dans la découverte du « codage ». Le co-dage ? C’est à dire le fait de pouvoir programmer ou manipuler le cœur des objets numériques et le fait de comprendre le traitement de l’information. Mais comment ? Très simplement : en faisant le chemin avec eux. Avec notre maturité d’adulte, notre recul et notre expérience, mais aussi en réveillant notre curiosité et notre cœur d’enfant.

O

n ne changera pas le fait que le numérique est là. L’espace scolaire et périscolaire intègre de plus en plus d’activités dit de « codage » pour les enfants. Ce n’est plus un sujet de débat, c’est une réalité qu’il faut comprendre et maîtriser. Très simplement, nous voulons que nos jeunes ne fassent pas que « consommer » le numérique, mais puisse aussi le comprendre, le maîtriser, et aussi le créer. « Don’t Just Play on Your Phone, Program It »1, Barack Hussein Obama, 44th U.S.A. President, 2013/12/09. Évidemment, qui nous vend les produits numériques a intérêt à nous convaincre que c’est « tellement simple qu’il n’y a pas besoin de comprendre, il suffit d’utiliser ». Mais quand nous saurons nous-même faire cela, nous ne serons plus tributaires de ce qu’ils acceptent de nous vendre ou nous faire utiliser. Alors, de quoi parle-t-on ? De découvrir des savoir-faire, qui vont permettre de s’approprier des savoirs, indispensables pour construire un savoir-être, qui … STOP ! :) Allons jouer avec nos enfants.

Dis maman (ou papa), c’est quoi un algorithme dans ce monde numérique ? Pour comprendre ensemble la différence entre mon intel-

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ligence humaine et celle de la machine, jouons au robot en se mettant dans la « peau » d’un robot pour voir ce qu’il peut faire, ou pas. Le « robot » doit sortir d’un petit labyrinthe que l’on aura construit dans le séjour en déplaçant quelques tables ou chaises, ou en dessinant à la craie sur le sol du parc public où nous sommes en train de jouer. L’un-e fait le robot, et l’autre ou les autres sont chargés de le programmer. Il est vraiment idiot ce robot, il ne sait faire que trois choses : (1) avancer d’un pas en avant, (2) tourner sur lui-même d’un quart de tour à gauche, (3) ou à droite. À moi de lui donner une séquence d’instructions (par exemple : avance, à gauche, avance). Celui qui fait le robot enregistre dans sa « mémoire » la séquence d’instruction. La séquence est complète ? Alors allons-y … la séquence est exécutée. Noter que si l’enfant est tout petit (il n’y a pas de gauche, ni de droite pour lui), avec un petit bracelet vert à un poignet et rouge à l’autre poignet, la ou le voilà paré-e pour coder la direction où il faut tourner. Alors ? Ça a marché ? Pas tout fait ? Tant mieux ! Comment peut-on progresser si nous ne faisions jamais d’erreur ? Si ? Alors c’est le moment de nous

faire confiance : nous constatons vraiment que c’est à travers ces jeux, ces activités débranchées, que l’enfant va se familiariser avec l’informatique. Il joue avec son propre corps : quel meilleur moyen de s’approprier ces idées ? Il apprend aussi un peu à s’orienter dans l’espace. Les notions d’informatique sont en lien avec d’autres compétences à s’approprier.2

Dis papa (ou maman), comment on dépasse les bugs dans le monde numérique ?

Nous voudrions aussi mettre en avant un point très important. Si un enfant se trompe, est-il en « tort » (des fois, oui : si c’est une bêtise, il faut absolument lui signifier) ? Pas ici. Dans ce jeu, si ça ne marche pas, qui a en fait tort ? Celui qui a donné la séquence d’instructions (le « programme ») ? Ou celui qui l’a exécuté ? Personne n’a tort, mais nous allons toutes et tous ensemble trouver la cause de l’erreur, et la personne qui aura super raison, c’est celle qui aura aidé à trouver … le bug. Ce qui se passe ici c’est que l’informatique conduit à un apprentissage de la rigueur par un mécanisme spécifique : celui des essais-erreurs avec une machine « neutre » qui ne donnera un résultat satisfaisant que si tout est correct, mais qui donnera

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indéfiniment une chance de corriger, de reprendre, de re-tester (la machine est un outil qui permet d’apprendre de manière incrémentale, sans jamais porter de jugement de valeur). L’ordinateur ne juge pas. Au-delà, l’informatique favorise l’apprentissage par l’utilisation, ce qui correspond bien à l’esprit humain (exemple : essayer et découvrir le fonctionnement d’un algorithme avant d’en abstraire la notion sous-jacente), et peut ouvrir des portes à quelqu’un rebuté par une approche plus académique. C’est un objet que l’on s’est pré-approprié. En fait, la pensée informatique se relie facilement à notre façon de penser au quotidien. Et qu’on essaye de le dire de manière politiquement correcte ou pas, si un élève n’est « pas assez bon pour le lycée général, il va dans un lycée technique/professionnel », bref pour un métier « manuel » où « on se salit les mains ». Mais l’informatique est orthogonale à cette fracture scolaire, car c’est à la fois une discipline technique, mais aussi très sophistiquée intellectuellement, c’est un métier qui est vu comme manuel, mais où on ne se salit pas les mains. Ainsi, qui aurait la malchance d’être dégouté des maths alors que les capacités intellectuelles étaient là, peut tout à fait avoir une deuxième chance avec l’informatique.

Comment apprendre à briser les préjugés et à programmer en 5 minutes

Allons sur la plateforme Scratch3. Nous allons y croiser un petit chat, qui nous attend pour être programmé.

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Analyse

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Oui oui, allons-y pour de vrai : toutes les générations vont s’amuser à commencer à programmer pour de vrai. Une fois l’interface ouverte, faisons glisser ce bloc et cliquons dessus : le chat avance ! Voici notre première instruction posée.

Et si on le faisait tourner ? Prenons un des blocs « tourner » et allons l’accrocher au bloc avancer : maintenant si on clique en haut des deux blocs...

Bon on ne va pas cliquer indéfiniment, non plus ! En allant dans la section contrôle, et en venant encapsuler nos instructions dans une boucle « répéter », ça comment à faire une animation …

Ça y est : nous voilà avec l’envie d’explorer toutes les fonctionnalités … Dans la section stylo, par exemple, nous pouvons ajouter un bloc pour tracer ce que chat va faire…

Vous avez pu essayer pour de vrai ? Prenez ces quelques minutes avec votre enfant, ensuite vous pourrez le laisser jouer : il va apprendre en s’amusant (il y a tout pour apprendre sur le site). Il sera facile de se convaincre qu’elle ou il peut maîtriser la machine, l’utiliser pour créer : une petite histoire animée, des petits jeux vidéo, voilà, ce que « apprendre à coder » peut signifier pour la ou le… Tiens, à propos, pourquoi les auteur-e-s de cet article n’arrêtent pas de dire « elle ou il » et de mélanger masculin et féminin dans les accords et les conjugaisons. C’est plutôt énervant, non ? Certes, mais vous savez ce qui est vraiment énervant ? C’est que l’on constate que l’informatique ne soit pas autant pour les filles que les garçons. Ce n’est pas une fatalité : la plus grande animation informatique en France, le concours Castor Informatique, qui propose de s’initier à l’informatique et qui a été offert à près de 350 000 jeunes en 2015, a accueilli plus de 40 % de filles. Alors apprenons à nos filles que si elles font, par exemple, de la robotique ou tout autre activité scientifique ou technique, « Ce n’est pas au mépris de la vie de femme, c’est au mépris des imbéciles », pour reprendre les paroles de la scientifique la plus connue, Marie Salomea SkłodowskaCurie. Et dès que les mecs arrêteront avec leurs préjugés, alors nous on arrêtera de triturer les accords des adjectifs :)

La liberté numérique commence où l’ignorance informatique finit Ma fille, mon fils, tu grandiras avec le numérique. C’est à l’école ou lors d’activités extrascolaires que tu pourras en équipe apprendre à devenir une personne qui participe à une bonne place dans ce monde-là. Et pour permettre de former ces professionnel-le-s de l’éducation sur ces sujets, un projet national, dit Class’Code, rassemble des scientifiques, des enseignants, des petites entreprises françaises en pointe dans le numérique, pour offrir ce service public de formation. On ne se contente pas de dire qu’il faut maîtriser le numérique, on aide à ce que ce soit vrai. l

Lire aussi article de l’UDAF 10 page 64

https://classcode.fr

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RÉALITÉS FAMILIALES#FAMILLES CONNECTÉES#2016

Les très sérieux jeux vidéo A contre-courant des idées reçues, Valérie Lavergne-Boudier montre comment les jeux vidéo peuvent favoriser certaines performances chez les jeunes adultes « gamer*».

Valérie LAVERGNE-BOUDIER Titulaire d’un doctorat en Sciences de l’Information Directrice pédagogique chez KTM-Advance KTM-Advance est une société spécialisée dans la formation professionnelle numérique.

Gamer : qui joue aux jeux-vidéo Serious Game : jeux sérieux à visée pédagogique ou éducative

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N

ous sommes à l’ère de la révolution numérique. Très annoncée, trop annoncée peut-être, cette révolution est portée par des révolutionnaires de tous âges, joyeux, curieux, engagés, chargés d’émotions et passionnés par le numérique et ses incroyables promesses. C’est une révolution qui mobilise une force remarquable d’énergies humaines et qui est sans retour arrière possible.

bien souvent repérée par leurs managers les plus avertis. Mais cette agilité numérique s’accompagne de quelques contre parties, à commencer par des attitudes en décalage vis-àvis des modèles hiérarchiques traditionnels : leurs pratiques collaboratives informelles outrepassent les règles de l’organisation qui les emploie et ils transforment de fait, les pouvoirs de décision sans en être pleinement conscients.

Comme toutes les révolutions, elle a bien sûr ses répercussions sociétales : internet et les technologies de la communication transforment nos sociétés dans un mouvement qui va bien au-delà des nouvelles formes de relations sociales. Certains chercheurs parlent d’une nouvelle civilisation, d’autres d’une métamorphose humaine… le constat factuel étant qu’aujourd’hui, plus d’un milliard d’humains sont connectés à travers le monde et communiquent sur la base de codes et de réflexes partagés planétairement.

Culture web : un vrai « plus » pour les jeunes

Un des enjeux devient celui de la « formation » : comment préparer les jeunes générations à travailler dans de nouveaux environnements professionnels dont on ne sait prédire que quelques tendances lourdes ? A ce jour, il semblerait que les jeunes se soient préparés tout seuls : les générations qui n’ont jamais vécu sans internet arrivent sur le marché du travail. Parfaitement à l’aise dans le « brouillard numérique » (qui n’en n’est pas un pour eux), ils sont porteurs d’une énergie créatrice formidable,

Ce qui les différencie des générations précédentes, c’est leur mode de fonctionnement : connectés du matin au soir, ils semblent ne rien attendre de leurs supérieurs, de plus en plus dépassés devant ces raz de marée de « geek ». Ces générations ont beaucoup appris et partagé « entre eux ». Nés dans les années 90 de parents qui ont pris le train en route mais qui ne « parlent pas couramment l’internet », ils ont développé leurs propres codes de fonctionnement. Et ils ne s’en sortent pas si mal, en témoignent la confiance que leurs managers leur accordent, laissant parfois des stagiaires de 20 ans en face de responsabilités qui dépassent largement leur périmètres d’attributions. N’en déplaisent à certains, force est de constater que les jeunes générations sont dans l’ensemble performantes et surtout rapidement autonomes au travail. Cette autonomie, ils la trouvent sur internet et grâce à leur réseau qui constituent leur plus précieuse source de créativité. Ils échangent, partagent, s’ins-

pirent, collaborent, et même, se forment ... à distance. Ainsi, l’offre toute puissante du web est devenue leur meilleure alliée pour construire leur devenir et parmi cette offre, les jeux vidéo occupent une place de choix.

Les apports inattendus des jeux vidéo

Générateurs d’anxiété, abrutissants, violents, les critiques abondent au sujet des jeux vidéo. Si leurs pouvoirs addictifs ne peuvent pas être ignorés, il serait grand temps de retourner le problème et d’en explorer les ressorts pédagogiques. Car addiction rime avec concentration, et de la concentration peut naitre un apprentissage. Un joueur de jeux vidéo est aux commandes d’une histoire dont il est le vainqueur potentiel : super-héros aux armes improbables, chef d’état tout puissant ou commandant de station spatiale imaginaire, il doit relever un nombre incalculable de défis de plus en plus complexes au fur et à mesure que le jeu avance. D’un point de vue « pédagogique », il est engagé dans un processus itératif d’essais-erreurs, ses échecs étant ses principaux vecteurs de progrès. Il s’inscrit ainsi dans une boucle d’expertise conçue par des game designers avertis , acquérant peu à peu les réflexes gagnants indispensables à la victoire. Un premier effet positif à relever est la confiance et l’estime que l’expérience de jeu procure aux joueurs. C’est sans doute une des raisons qui

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#satisfaction

Le cercle vertueux du plaisir, contrairement à l’entendement commun, ne nait pas du « fun » mais au contraire, de l’effort fourni et de la satisfaction des difficultés surmontées.

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Le joueur s’inscrit dans une boucle d’expertise. Il a gagné lorsqu’il a « craqué » l’algoritme du gamedesigner.

explique leur caractère addictif : le « gamer » a besoin de renouveler indéfiniment cette expérience valorisante qui lui apporte au plus profond de lui une sensation de plaisir et de bien-être. Pourtant, ce cercle vertueux du plaisir, contrairement à l’entendement commun, ne nait pas du « fun » mais au contraire, de l’effort fourni et de la satisfaction des difficultés surmontées : un jeu trop facile, sera rapidement abandonné et la maitrise de la courbe d’apprentissage d’un jeu est un challenge bien connu des professionnels du domaine. La question qui subsiste après ce constat reste bien sûr : quel type d’effort est fourni, et s’il y a « apprentissage », de quel nature est-il ? Certains jeux de science ou d’histoire sont incontestablement riches d’enseignements. Mais que dire de tous les jeux de stratégie qui se déploient dans des univers fantastiques imaginaires ? Que dire des jeux de batailles de territoires dans lesquelles des guildes coordonnées s’affrontent nuit et jour ? Et pire... que dire des jeux de « shooter » dans lesquels les joueurs semblent tirer indéfiniment sur tout ce qui bouge ? Pour comprendre un peu mieux le jeu vidéo, il est important de s’installer derrière un joueur et de l’observer, ou

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mieux, d’échanger avec lui (si possible !). Et l’on ne pourra alors qu’apprécier la rapidité avec laquelle il prend ses décisions, la vigilance avec laquelle il surveille ses tableaux de données, l’agilité avec laquelle il consulte ses cartes, la facilité avec laquelle il anticipe, analyse, trie, sélectionne, organise, et même parfois... invente. Sans faire une équation trop simpliste qui se résumerait à dire que ce sont autant de compétences acquises pour le futur, les jeux vidéo préparent incontestablement les jeunes à travailler dans le monde de demain. Les heures passées derrière leurs consoles sont autant d’heures d’entrainement à la gestion d’environnements complexes et fluctuants. Les jeux multi-joueurs, entrainent en plus à la collaboration, la coopération voire même à la co-création... à distance. Osons donc considérer ces expériences virtuelles comme des initiations au monde professionnel de demain : un monde qui sera complexe et indubitablement connecté ; un monde au sein duquel il faudra partager, trier, collaborer, gérer des risques, prendre des décisions dans l’incertitude, avancer et performer à plusieurs... et surtout continuer à inventer et à créer, toutes générations et toutes cultures confondues. l

Exemple d’un jeu de management-gestion Tableau de données, flux d’informations, états du jeu au temps t. Le joueur anticipe, compare, analyse, trie, gère ses risques, prend des décisions dans l’incertitude et sous contrainte de temps.

#competences

Comparer, analyser, trier, gérer des risques, prendre des décisions dans l’incertitude ... Autant de compétences indispensables pour travailler dans un monde de plus en plus complexe et dominé aujourd’hui par des flux ininterrompus de données.

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Ecrans et sommeil des adolescents L’arrivée des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) bouleverse le comportement de chacun, mais influe également sur les habitudes familiales. L’explosion d’Internet et de la téléphonie mobile nous donne la possibilité de répondre et d’interagir à tout moment avec l’autre. Les adolescents, si l’on n’y prend pas garde, risquent d’oublier leur sommeil et de négliger leur repos. Dr Sylvie ROYANT-PAROLA Psychiatre, spécialiste du sommeil Présidente du Réseau Morphée dr.royant-parola@reseau-morphee.fr

Mélatonine : hormone secrétée par une glande profondément enfouie dans le cerveau. Elle règle la synchronisation de nos horloges internes par rapport à la lumière du jour et ouvre les portes du sommeil.

Des écrans pour communiquer

La grande révolution de ces 10 dernières années, au delà de l’ordinateur dans la chambre, est l’arrivée des smartphones dans le lit. Selon le CREDOC en 2013, 77 % des ménages sont connectés à Internet et 89 % des français de plus de 12 ans possèdent un téléphone mobile. Ordinateurs, tablettes, smartphones fonctionnent via un écran lumineux dont le rendu de la qualité des images s’améliore sans cesse. Leur rôle va au delà d’une simple interface de jeu et de loisirs car Internet fonctionne auprès des jeunes d’abord comme un outil de socialisation - communiquer et rencontrer - mais également comme un vecteur de collaboration, de contribution ou de partage. L’école encourage d’ailleurs les recherches et l’utilisation d’Internet. La façon d’appréhender les médias change, ainsi le CREDOC relève dans son enquête annuelle « conditions de vie et aspiration » que la proportion d’individus qui regarde la télévision sur son ordinateur est passée de 5 % en 2006 à 22 % en 2013. Sans compter les émissions en « replay », plébiscitées

#bonnespratiques

Sans rejeter l’évolution technologique et l’usage de tous les appareils connectés, il y a des bonnes pratiques à respecter.

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par les jeunes. Les chiffres évoluent très vite, dans une étude communiquée au Congrès du Sommeil 20141, 85,2 % des collégiens ont un téléphone portable dans la chambre et il s’agit d’un smartphone dans 66,7 % des cas. La grande tendance est en effet de se connecter non pas pour appeler mais plutôt pour envoyer des SMS ou échanger sur les réseaux sociaux. 52 % de ces adolescents déclarent utiliser Internet dans la chambre au coucher et un quart des collégiens se connectent dans la nuit lors de réveils spontanés ou programmés.

En quoi les écrans connectés diffèrent des autres médias ?

Les écrans utilisés le soir, et qui sont proches des yeux, vont favoriser l’éveil par différents mécanismes. D’une part, le contenu est éveillant : l’adolescent est souvent connecté en multitâche ; il écoute de la musique, tout en faisant des recherches sur Internet, et en mettant des commentaires sur Facebook ou sur un autre réseau social. Il va sur YouTube pour regarder des vidéos, les commenter, les partager avec ses copains. C’est donc une activité soutenue qui demande de l’attention, de la réactivité, et met en jeu des émotions. L’utilisateur est à la

fois émetteur d’informations et récepteur. Il n’est pas passif comme devant la télévision. Par ailleurs, l’écran délivre une lumière, dont l’intensité à 15 ou 20 cm des yeux, est importante, souvent dans une tonalité bleutée en raison des diodes utilisées dans la composition des écrans ; or la lumière bleue est dix fois plus active sur la rétine que la lumière blanche. Enfin le temps passé devant un écran dans la soirée et après le diner est important, plus d’une heure pour 52 % des ados de moins de 15 ans dont plus de 2h pour 18 % d’entre eux1. La lumière a pour effet de bloquer la montée de la mélatonine* normalement sécrétée dans la soirée, avec pour corollaire de diminuer l’envie de dormir et donc, de retarder le sommeil. La télévision a souvent été incriminée dans la restriction de sommeil du jeune en raison d’un coucher plus tardif, en revanche elle n’est pas nécessairement associée à un retard de l’endormissement, comme ce que l’on peut observer avec un ordinateur2. En effet, l’écran de télévision est loin des yeux à la différence d’un écran d’ordinateur, de ce fait la lumière transmise est alors trop faible pour stimuler la rétine et avoir un effet sur les rythmes biologiques. Mais il n’y a pas que l’effet de

1/ S.Royant-Parola, V. Londe, S. Hartley, S. Dagneaux, S. Tréhout, B. Garric-Métois, F. Aussert, P. Escourrou. 2014. Le comportement de sommeil du jeune. Influence des nouveaux médias. Communication au Congrès du Sommeil. Lille 2014 2/ Hale L. &Guan S. 2014. Screen time and sleep among school- aged children and adolescents : A systematicliteraturereview. Sleep Med Rev

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#retine

La lumière bleue est dix fois plus active sur la rétine que la lumière blanche. la lumière. Internet ou les systèmes de communication instantanés sur smartphone (whatsApp, Messenger, Gtalk…), dont le SMS est l’ancêtre, permettent également de communiquer et de mettre en relation des individus entre eux. Cette situation n’a pas d’équivalent dans les possibilités autrefois offertes à l’adolescent. Le développement des réseaux sociaux est récent, mais pour ne citer que Facebook, en 7 ans, il a conquis 1,3 milliard d’utilisateurs, avec en France, et selon le baromètre Calysto 2012, 92 % des 15-17 ans et 64 % des 11-13 ans qui ont un profil sur Facebook. Avec ces nouveaux outils, c’est la première fois qu’un adolescent a dans sa chambre, quand il le veut et à l’insu de ses parents, son meilleur ami, sa meilleure amie, ou un parfait inconnu, avec lequel il peut rentrer dans une discussion intime et sans fin. C’est très différent et beaucoup plus excitant qu’un livre passionnant, une émission de télé, ou de la musique, et c’est mieux qu’une conversation téléphonique, car tout à fait discret.

Sommeil retardé et écourté lié aux activités sur écran

L’enquête HBSC 20103 réalisée en France montre que le temps de sommeil la veille des jours d’école baisse drastiquement entre 11 et 15 ans (respectivement 9 heures 26 minutes et 7 heures 55 minutes), alors que le temps de sommeil la veille des jours de repos reste assez stable, aux alentours de 10 heures. En 1975, l’adolescent dormait 9 heures 54 minutes les veilles de cours ; depuis une trentaine d’années, il y a donc un net changement de comportement de l’adolescent qui contribue à une réduction de sa durée du sommeil. Les enseignants s’in-

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quiètent des élèves fatigués ou somnolents qui décrochent pendant les cours. Cette diminution du temps de sommeil chez l’adolescent est notée dans différents pays que ce soit aux USA, en Inde, en Allemagne, en Thaïlande avec un temps de sommeil les jours de semaines généralement au-dessous de 8h. Ce sont les adolescents coréens qui dorment le moins avec 4 heures 54 minutes seulement par nuit. Un certain nombre d’études scientifiques montrent que l’environnement familial et social intervient aussi en augmentant le risque de mauvais sommeil et de sommeil insuffisant lorsque les parents sont peu encadrants ou que le milieu est très défavorisé. Une revue de la littérature de 67 études sur l’utilisation d’Internet et publiées entre 1999 et 2014 permet de confirmer que dans 90 % d’entre elles les effets sont de deux ordres sur le sommeil, entraînant à la fois un sommeil écourté et décalé, avec un endormissement plus tardif et un réveil difficile le matin. La plupart des études montrent qu’une activité importante sur les jeux vidéo est également associée à une diminution du temps de sommeil et un endormissement tardif, ainsi qu’une fatigue et une somnolence associée le lendemain. Ce constat est plus marqué si les jeux sont pratiqués en ligne. La privation de sommeil a des conséquences sur les performances le lendemain, mais elle provoque bien d’autres perturbations plus insidieuses qui sont maintenant bien connues comme une mauvaise régulation métabolique avec prise de poids, une baisse des défenses immunitaires avec toutes les conséquences à terme, infections plus faciles, risque accru de cancers.

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L’adolescent, ses parents et son sommeil Accompagner l’adolescent quand il dérape par rapport à son sommeil n’est pas simple. Avec les nouveaux médias tout a été très vite. La technologie a fait apparaitre des fonctionnalités nouvelles, séduisantes pour tous, mais encore plus fascinantes chez l’adolescent. La progression a été tellement rapide qu’une majorité d’adultes n’a pas réalisé les problèmes qui pouvaient apparaître. Dans une enquête menée par l’Institut Jeanne d’Arc en 2015, seul 35 % des parents surveillent l’heure du coucher des adolescents en 4ème. Maintenant que les conséquences sont connues, les parents doivent mettre des limites dans l’utilisation de ces technologies. Il n’est pas question de rejeter l’évolution technologique et l’usage de tous les appareils connectés, mais il y a de bonnes pratiques à respecter. Des conseils simples permettent de se protéger : ne plus se connecter sur écran au minimum une heure avant le coucher, ne pas utiliser d’écran dans le lit, ne pas avoir de smartphone en activité dans la chambre. Le parent qui donne des consignes et met des limites, est rassurant pour l’adolescent qui teste jusqu’où il peut aller, parfois violemment, tout en appréciant l’attention que lui porte ses parents .

Seuls

35

%

des parents surveillent l’heure du coucher des ados

Le sommeil est fondamental à notre équilibre et à notre fonctionnement. Il faut savoir le respecter, c’est-à-dire introduire un temps de déconnexion indispensable pour s’endormir et avoir un sommeil récupérateur. l

#privationsommeil

En plus des conséquences sur les performances du lendemain, la privation de sommeil a des effets plus insidieux : perturbations du métabolisme, prise de poids, baisse des défenses immunitaires.

#

3/ Léger D., Richard J.B., Godeau E, Beck F, 2012. La chute du temps de sommeil au cours de l’adolescence : résultats de l’enquête HBSC 2010 menée auprès des collégiens. Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire 44-45: 515-517. 4/ Hale L. &Guan S. 2014. Screen time and sleep among school- aged children and adolescents: A systematic literature review. Sleep Med Rev 5/ Gangwisch JE, Babiss LA & al 2010. Earlier Parental Set Bedtimes as a Protective FactorAgainstDepression and SuicidalIdeation. sleep 33-1: 97-106.

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Internet et jeux vidéo : les ados sont-ils accros ? Les usages numériques sont relativement nouveaux et s’enrichissent continuellement, laissant souvent les parents les plus ouverts d’esprit dépassés devant la consommation d’écrans et les compétences numériques de leurs enfants. Quelles règles imposer aux ados, quand parler de dépendance ou d’addiction, quand se faire aider : entretien avec Michel Reynaud, professeur de psychiatrie et spécialiste des addictions. Michel REYNAUD Professeur de psychiatrie et d’addictologie à la Faculté Paris Sud XI

Les écrans, le numérique, sont-ils en eux-mêmes particulièrement addictifs ? Les écrans représentent à la fois le meilleur et le pire du progrès technologique : ils ont considérablement développé les aptitudes, les capacités des jeunes et des adultes : c’est un immense progrès de la société. Savoir manier Internet permet d’avoir accès à toutes les informations, d’avoir besoin d’utiliser moins de mémoire. Les plus jeunes, qui sont nés avec les écrans au bout des doigts, ont une dextérité impressionnante. En même temps, les écrans sont la source d’immenses plaisirs… C’est bien pour cela qu’ils peuvent générer des addictions. Internet, par le biais de nos tablettes et nos smartphones, nous apporte énormément de choses : on peut acheter, être en lien avec des gens qui nous intéressent ou que l’on aime. Ils nous donnent la possibilité de réunir sur un même écran toutes les choses qui nous plaisent. Ils sont donc extrêmement attractifs. Internet est d’ailleurs merveilleusement pensé pour connaître vos plaisirs et vous renvoyer les plaisirs que vous aimez : il est construit pour être addictif.

#addictif

Internet est construit pour être addictif.

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Quels sont les mécanismes de l’addiction ? Notre cerveau possède un système très actif – et nécessaire - qui nous fait ressentir du plaisir, évaluer ce plaisir, et désirer le ressentir à nouveau : c’est le système du plaisir et de la motivation. Ces plaisirs sont nombreux : cela peut être les échanges avec les autres, le jeu, le sport, la musique, le sexe… Parmi ces plaisirs, chacun de nous opère une sélection des plaisirs les plus importants, selon les moments. Par exemple, le plus grand, voire le seul plaisir lorsque nous sommes passionnément amoureux, est le temps passé avec l’objet de notre amour, mais quand la passion s’estompe, d’autres plaisirs peuvent revenir. Il existe donc selon les personnes et les moments, une échelle de récompenses associées avec divers plaisirs qui nous stimulent. Les écrans et les smartphones apportent ainsi de nombreux plaisirs, spécialement aux ados. Les réseaux sociaux ont permis de créer des groupes de relations, et c’est chez l’humain ce qu’il y a de plus « récompensant » : être reconnu, faire partie d’un groupe, que l’on s’intéresse à vous. Facebook, Snapchat et Instagram, accessibles depuis les smartphones, permettent d’être en contact quasi permanent avec ces communautés. L’écran permet aux ados de

retrouver très rapidement sur son leur écran des photos sur lesquels ils se plaisent, la valorisation narcissique étant renforcée par le nombre de « like »… Cela peut également être l’accès à des jeux, des achats... Tout cela représente une somme de plaisirs et de récompenses extrêmement fortes pour notre système neuropsychique.

Où placer le curseur pour repérer une pratique numérique excessive ?

Les générations qui ne sont pas nées avec les écrans, ou du moins pas avec le développement exponentiel qu’ils connaissent, sont un peu surprises par l’usage intensif qu’en font les enfants et se demandent où placer les limites. Nous, adultes, ne pouvons pas appliquer les mêmes règles que lorsqu’il n’y avait qu’un écran de télévision à gérer dans une famille. Il y a quelques années, quand on a commencé à parler d’addiction aux jeux vidéo, on avait fixé des sortes de normes en termes de temps passé devant le jeu. Aujourd’hui déjà, ces normes-là ne sont plus applicables, puisque les jeunes les ont déjà dépassées depuis longtemps, les capacités des smartphones s’étant décuplées. En termes de pratiques excessives, tout dépend de la façon dont les écrans sont utilisés : s’ils prennent la place des vraies relations sociales de l’enfant, ou

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#relationssociales

Si les écrans prennent la place des vraies relations sociales de l’enfant, on peut parler d’addiction.

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la place de ses autres plaisirs (jeu, de travail à l’école, sorties avec les copains ou sport…) on peut parler d’addiction. La poursuite de relations sociales normales est un bon critère, un baromètre qui peut aider à repérer un comportement excessif. Evidemment, la notion de temps passé reste un critère important : quand un ado passe la nuit devant son écran, c’est au détriment de sa vie de la journée et de son sommeil. Les troubles du sommeil et les conséquences qu’ils peuvent avoir sur le travail scolaire doivent aussi nous alerter. Enfin, on peut détecter un usage compulsif du smartphone quand un élève se fait virer de classe pour avoir utilisé son appareil pendant les cours.

En l’absence de règles communes, comment aider les jeunes à ne pas dépasser les bornes ?

Il est compliqué d’enlever son smartphone la nuit à un adolescent. A une époque, on autorisait l’ordinateur jusqu’à une certaine heure avant de couper l’accès à Internet. C’est devenu quasiment impossible : la première chose que font les jeunes – et parfois les moins jeunes à leur réveil – c’est d’aller voir ce qu’il s’est passé sur leur réseau social. Mais au minimum, il faut que les téléphones soient éteints à partir d’une certaine heure. Le smartphone ne devrait pas être là quand on est avec quelqu’un que l’on aime, à table, quand on mange, en groupe… Sauf urgence qu’il reste à déterminer. Les jeunes me disent parfois que leur réflexe de consulter les réseaux dès le réveil perdure même lorsqu’ils ont des partenaires amoureux… C’est un peu dommage de perdre le plaisir qu’il y a dans la relation directe avec un partenaire amoureux !

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En dehors de certaines situations, éviter les comportements excessifs tient souvent à un ensemble de règles de comportements à se fixer à soi-même et à ses enfants pour mener une vie sociale « normale ». C’est compliqué, parce que l’intégration des écrans à nos vies est nouvelle : nous n’avons pas encore bien apprivoisé comment les utiliser tout en conservant une place suffisante pour les gens que nous aimons. La machine est en effet très intrusive. L’apprentissage est en train de se faire : parents et enfants doivent trouver les règles qui leur permettent de ne pas être trop débordés. Les familles et les parents doivent apprendre à gérer les écrans, des outils qu’eux-mêmes ne connaissent pas très bien. Il y a 10 ans, ils ne connaissaient pas vraiment les jeux en ligne, aujourd’hui, ils sont en retard sur les différentes utilisations que l’on peut faire d’un smartphone.

Certains ados sont-ils plus fragiles que d’autres ?

Oui. Les personnalités les plus fragiles sont celles qui ont des difficultés dans leur reconnaissance sociale, ou des difficultés dans leur reconnaissance narcissique, dans leur estime d’eux même, ou encore des personnes qui ont souffert pour différentes raisons et qui préfèrent ne pas être directement en lien avec autrui. Les comportements excessifs et addictifs rencontrent donc souvent des personnalités qui ont des difficultés dans leurs relations aux autres : il est plus facile d’avoir des relations virtuelles que de se heurter à la complexité de la relation physique et au groupe. Pour résumer, on voit plus s’accrocher aux écrans des personnes qui ont des troubles psycho-pathologiques marqués

par la difficulté de la relation aux autres. L’addiction, c’est quand on ne contrôle plus, qu’il y a des dommages et qu’on voudrait bien en sortir. Même s’ils ne le disent pas facilement à leurs parents, certains ados se rendent compte qu’ils ont un problème. Mais il est rare qu’ils admettent qu’ils sont débordés.

EN SAVOIR

+

www.addictaide.fr

Pour les jeunes qui ne contrôlent plus leur consommation, quelles sont les réponses d’accompagnement médicales, thérapeutiques ?

Quand les parents n’arrivent plus à gérer la consommation d’écran de leur enfant, à échanger avec lui et que cette question devient source de tension majeure, il faut consulter un pédopsychiatre ou un psychologue. Cela reste difficile à déterminer, puisque le curseur entre ce qui est « bien » et « pas bien » est un peu subjectif. Mais si on a l’impression que son enfant est en difficulté, il faut essayer de l’amener voir des professionnels qui peuvent l’aider. En effet, quand la communication familiale se braque, et il devient difficile de s’en sortir seul. Les addictions à des comportements complexes ne se limitent pas au mécanisme addictif (comme pour l’alcool ou le tabac). Les addictions comportementales à des plaisirs comme la passion amoureuse, la religion, la politique, Internet… sont complexes et les traiter est plus compliqué car il existe en général, une pathologie ou un trouble psychologique associé. l

Lire aussi article « Ecrans et sommeil des adolescent ». page 50

à lire... Traité d’addictologie (2e ed.), Collectif, sous la direction de Michel Reynaud (éditions Lavoisier, 2016)

L’amour est une drogue douce... en général, Michel Reynaud, (éditions Flammarion/ Champs, 2005)

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Apprentissage : le numérique comme vecteur de motivation Devant les écrans et les moyens éducatifs numériques les enfants semblent motivés. Mais de quoi parle t’on quand on parle de motivation ?

A Bruno DEVAUCHELLE Professeur associé à l’Université de Poitiers Directeur du département IME.

regarder l’attirance des tout-petits pour les écrans de leurs parents, à voir l’attention qu’ils leur portent et le temps qu’ils sont capables d’y consacrer en grandissant, on est interrogé. Lorsqu’un enseignant introduit des moyens numériques dans son enseignement, il témoigne très souvent de l’attirance des élèves pour les écrans et les technologies de l’information et de la communication. Cet intérêt perçu est souvent traduit par une « motivation accrue », exprimée par l’enseignant expérimentateur. Si l’on s’en tient à ces témoignages la réponse à la question de l’intérêt du numérique semble évidente : les élèves sont plus motivés. Cependant à y regarder de plus près, il faut interroger ces témoignages en regard de ce qu’est la motivation et surtout de sa durée dans le temps et ses effets sur l’apprentissage.

Motivation ou effet nouveauté ?

Quand on parle habituellement de motivation, on évoque une situation dans laquelle il y a un engagement, une centration de l’attention vers un objet, qui susciterait cette motivation. En l’occurrence parler du numérique comme vecteur de motivation suppose de préciser ce que l’on met sous ce terme. Quand on utilise le terme numérique, on oublie souvent de préciser si l’on parle des matériels, des logiciels, de l’activité dans laquelle ils sont utilisés, et même de la pédagogie mise en œuvre. Il

est nécessaire, à cette étape de parler de « l’effet nouveauté ». Chaque fois qu’un enseignant introduit quelque chose de nouveau dans sa pratique il suscite chez les élèves une surprise et de l’intérêt. L’attention de l’élève ainsi suscitée est souvent assimilée à de la motivation, alors qu’il s’agit d’un autre phénomène. Cela d’autant plus que cette attention semble dépasser les premiers instants. Les moyens numériques ont ceci de particulier qu’ils sont inscrits dans le paysage quotidien des élèves et que le fait de les retrouver dans le contexte scolaire provoque une réaction différente de celles qui pourraient être lié à la surprise, au changement. Le sentiment de familiarité, lié à ces usages hors l’école, semble renforcer l’attirance qu’ils expriment dans l’école lorsque ces mêmes moyens sont convoqués pour l’enseignement. Mais ce qui pose problème c’est, si l’on se réfère à la définition qu’en donne Rolland Viau1, le fait que la persévérance et l’accomplissement sont peu souvent analysés et observés. Or la question qui se pose est de savoir si la motivation perçue initialement perdure dans le temps.

La durée de la motivation

L’observation des comportements scolaires des jeunes montre que leur engagement dans le temps, pour les tâches scolaires en particulier, est lié à un certain nombre d’éléments au rang desquels les obstacles rencontrés et le sentiment d’auto

efficacité, parmi d’autres, sont importants. Laurent Cosnefroy dans son travail sur l’autorégulation des apprentissages a mis en évidence l’importance de la « volition »2 pour signifier justement cette difficulté à durer dans le temps. L’univers des technologies numériques est extrêmement mouvant. D’ailleurs on entend souvent déplorer ces évolutions permanentes des matériels et logiciels montrant que les enseignants eux-mêmes sont prudents, pour la plupart, dans leur usage de ces moyens. Aussi lorsque quelques-uns d’entre eux osent s’y lancer, les élèves sont particulièrement intéressés de prime abord et expriment un intérêt réel à défaut de motivation soutenue. Mais même chez les enseignants la durabilité de ces changements pose question. Les études menées par le ministère de l’éducation (DEPP) à propos des premiers collèges impliqués dans le plan numérique montrent que du côté des enseignants eux-mêmes il y a une motivation limitée dans le temps.

Quel effet sur l’apprentissage ?

Au-delà de la durée, la question récurrente est celle de l’effet sur l’apprentissage. Si l’on considère a priori qu’un élève motivé apprend mieux, alors on peut penser que les moyens numériques facilitent l’apprentissage. Mais dire cela c’est faire un raccourci dangereux. La motivation pour l’apprentissage scolaire est d’abord une question de sens. La

1/ Rolland Viau, «la motivation en contexte scolaire», de boeck, 1994 «La motivation en contexte scolaire est un état dynamique qui a ses origines dans les perceptions qu’un élève a de lui-même et de son environnement et qui l’incite à choisir une activité, à s’y engager, à persévérer dans son accomplissement afin d’atteindre un but» (p.7) 2/ Laurent Cosnefroy, «Se mettre au travail et y rester : les tourments de l’autorégulation», Revue française de pédagogie, 170 | 2010, 5-15. «On désigne par volition l’ensemble des processus de contrôle de l’action qui permettent de maintenir l’effort et la concentration face aux obstacles» (d’après L Corno 2001)

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#strategiespedagogiques

Plus que le numérique, ce sont les stratégies pédagogiques des enseignants qui sont déterminantes pour l’engagement des élèves. compréhension des finalités de l’école et du travail scolaire est un facteur très important pour la motivation scolaire en générale. L’ajout de moyens numériques dans un tel contexte peut avoir des effets très différents selon les élèves et le sens qu’ils donnent au monde scolaire. Ainsi la force distractive et attentionnelle des moyens numériques peut-elle avoir un effet motivant pour l’activité de l’élève pour lui-même, mais très éloignée de la perspective scolaire qui lui est proposée. Nos observations dans diverses classes ont montré que l’utilisation individuelle ou en petits groupes d’ordinateurs connectés à Internet pouvait, selon le cadre proposé par l’enseignant, soit être motivant soit être distrayant. C’est ce que confirment les études de l’OCDE sur le lien entre numérique et apprentissage3 : ce sont les stratégies pédagogiques des enseignants qui sont déterminantes pour l’engagement des élèves. La vitesse à laquelle le monde scolaire introduit les moyens numériques dans les pratiques est beaucoup plus lente que celle voulue et énoncée par les concepteurs ou les politiques et décideurs. A voir l’engouement des jeunes pour ces technologies qui se traduit par une motivation dans les usages de toutes sortes, il peut sembler a priori légitime de penser que dans le contexte scolaire cela se transpose directement. Mais c’est sans compter sur l’écart de contexte d’usage et surtout de projet et de but. Car à la motivation, il faut ajouter l’intention. Que la motivation soit intrinsèque (venue de la personne elle-même) ou extrinsèque (venue de l’extérieur de la personne, de son environnement), elle reste liée à l’inten-

#

tion, c’est-à-dire à la volonté d’agir dans une direction donnée. Dans la salle de classe, la canalisation de cette intention ne peut ignorer l’effet motivant de certains objets, dont ceux du monde numérique. Cependant si l’on s’en tient au pouvoir de séduction de l’informatique appuyé sur les pratiques sociales des élèves, le risque est de faire rapidement retomber la motivation apparente. L’intérêt du numérique risque alors de se réduire rapidement.

Eviter la « gadgétisation » de la pratique

Jean Didier Vincent, alors président du conseil national des programmes, exprimait l’idée en 2004, d’une banalisation de l’informatique dans le système scolaire à l’instar des lieux professionnels, comme souhaitable. En déclarant cela, il déplaçait la question de la motivation : la banalisation du numérique permettrait alors de se débarrasser de cette apparente séduction pour orienter l’action des enseignants vers une pédagogie qui donne à ces technologies une place pertinente et efficace pour l’apprentissage. C’est dans ces conditions que le numérique peut se révéler motivant pour les apprentissages : il permet alors à ceux qui apprennent de trouver des voies nouvelles pour parvenir à acquérir connaissances et compétences utiles pour leur avenir. Dans de nombreux exemples, l’utilisation de moyens numériques en classe s’apparente à une gadgetisation de la pratique : visualiseurs, tbi, tablettes, etc... Non que ces appareils et leurs logiciels ne puissent être motivants pour les élèves, mais que, dans les cas observés, la présence et l’utilisation de ces machines était

considérées comme la cause de l’apparente motivation. Cette attitude, tranchant avec les précédentes avant l’introduction de ces gadgets, faisait passer une simple corrélation en cause directe. Ce discours renforcé par celui des promoteurs et vendeurs de ces machines amène à une confusion qui fait de la motivation un argument trop peu souvent analysé. Il faut cependant aller plus loin dans l’analyse pour soulever la question de l’avenir. Lors d’entretiens avec des jeunes, depuis assez longtemps, nous avons souvent entendu une critique sur ce que l’école propose en matière d’informatique. Le décalage ressenti par beaucoup de jeunes est parfois contre-productif. Si à la maison l’usage est aisé, en classe il devient plus contraint et parfois difficile. L’ergonomie des produits, les finalités des usages, l’écart avec les pratiques sociales, autant de caractéristiques du monde scolaire qui invitent à exprimer une autre vision : les pédagogies qui utilisent les moyens numériques doivent d’abord se soucier du sens des activités et de leur richesse globale. Alors la place du numérique, pour peu qu’elle soit pertinente et s’insère avec harmonie dans l’activité, ne posera pas de problème et renforcera la motivation en améliorant le sentiment d’efficacité personnelle et la compréhension du sens des apprentissages.l

3/ Enquête PISA 2012, connectés pour apprendre, OCDE http://www.oecd.org/fr/education/students-computers-and-learning-9789264239555-en.htm

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© Astrid Di Crollalanza

Comment Internet facilite le recrutement jihadiste des jeunes ?

Dounia BOUZAR Anthropologue du fait religieux Directrice générale du CPDSI (Centre de Prévention, de Déradicalisation et de Suivi Individuel)

Notre récente étude1 réalisée pour le Comité Interministériel de Prévention de la Délinquance montre qu’il y a une mutation du discours « jihadiste ». Il ne s’agit plus uniquement de filières organisées hiérarchisées avec une stratégie précise mais de discours d’exaltation qui touchent de nombreux jeunes différents par internet. En effet, si le processus « jihadiste » concerne tout le bassin méditerranéen et l’Europe, internet permet aux rabatteurs d’adapter leur discours au contexte de chaque pays.

E

n France, le premier rabatteur2 qui a fait basculer 70 % des premiers mineurs et des jeunes majeurs francophones a proposé une sorte d’individualisation de l’offre qui a permis à chaque jeune de trouver son motif pour « remplir sa mission » : il n’y a pas qu’une seule raison de faire le jihad, chacun peut trouver la sienne. Tel un panonceau de Drive-in, ses vidéos proposent une liste des « bonnes raisons de faire le jihad », pêle-mêle : la purification du groupe qui possède la vérité, l’élimination des « faux musulmans » pervertis par l’Occident (tous ceux qui ne leur font pas allégeance), l’extermination de tous ceux qui ne sont pas musulmans, le sacrifice comme preuve de sa foi, le sauvetage des enfants gazés par Bachar el Assad, la fin du monde, la régénération du monde, la régénération de soi, le combat contre la dictature de Bachar el Assad, etc.

Isolement et sentiment de persécution : les armes des recruteurs

Pour arriver à cette diversité d’offres, le processus utilise divers procédés : il manipule la

notion d’humanitaire, utilise des images subliminales liées aux héros de l’islam, inverse des versets principiels du Coran avec des versets historiques, met en scène des iconographies provenant de l’univers des jeunes (jeux vidéos et films), appelle à la vengeance des musulmans humiliés partout dans le monde, montre des images d’enfants gazés par Bachar al Assad… Mais le tronc commun du processus de radicalisation consiste à isoler le jeune de la société en l’enfermant dans une vision paranoïaque qui renforce la fusion à l’intérieur du groupe « de ceux qui sont élus pour posséder la Vérité » et leur isolement vis à vis de la société : tout groupe fermé se replie forcément sur lui-même en se méfiant de l’extérieur. Cet aspect commun aux garçons et aux filles, d’origines culturelles, de trajectoires sociales, de convictions philosophico-religieuses, d’âges différents, apparaît d’autant plus important qu’il est à la base de leur sentiment de persécution qui justifiera ensuite leur passage à l’acte. La vision paranoïaque se construit en deux étapes principales : le jeune est amené à rejeter et à

fuir le monde réel par la théorie du complot et par la nécessité de primauté du groupe « des élus véridiques » pour sortir du déclin. C’est le principe cumulatif et participatif d’Internet qui permet de ramener finement les jeunes aux vidéos de l’islam radical, alors que certains ne se posaient aucune question spirituelle. Une succession d’étapes les persuade que la seule façon de combattre les injustices revient à rejeter le monde réel. Puis, à partir du rejet du monde réel, on leur injecte l’idée que seule une confrontation totale et finale pourra changer les choses en adhérant au « vrai islam », « l’islam véridique ».

Un endoctrinement en trois étapes

De nombreux jeunes ont d’abord visionné sur les réseaux sociaux des vidéos qui contestent le système productif (alimentation, médicaments, vaccins, écologie, publicité, etc.), avec plus ou moins de justesse. Ces vidéos ne sont pas nocives en elles-mêmes, mais leur cumul sur tous les sujets polémiques (écologie, santé, alimentation,

1/ Ce rapport, réalisé à partir de l’étude des comptes Facebook de jeunes de 160 familles, vise à rendre visible les méthodes et les processus des groupes radicaux et à comprendre les mécanismes qui amènent un jeune, de famille de référence musulmane ou pas, à basculer dans le radicalisme. 2/ Omar Omsen, de son vrai nom Omar Diaby, ancien cambrioleur, né et socialisé en France, a élaboré toute une série de vidéos nommées 19HH pour toucher les jeunes de différentes façons.

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finances, guerres…) repris sous l’angle du complot du style « on te cache la vérité dans ce monde corrompu », immerge le jeune dans une vision du monde où « tout n’est que mensonge ». Il a alors le sentiment d’avoir trouvé « la vérité cachée » qui explique à la fois son mal-être et l’état déplorable de la société. Se croyant en sécurité parce qu’il est dans le fauteuil de sa chambre, il enchaîne les liens Internet et se laisse entraîner dans des vidéos qui se succèdent les unes aux autres, en le déprimant, le paniquant, mais aussi l’exaltant et le galvanisant. Une seconde série de vidéos persuade le jeune que des sociétés secrètes manipulent l’humanité ; il ne s’agit pas que de simples mensonges dont il faudrait se préserver, mais d’un véritable complot. Convaincre le jeune que le monde est régi par des sociétés secrètes qui veulent détruire les peuples correspond à une stratégie affinée. Un jeune qui tape un mot-clé comme « injustice » ou « publicité mensongère » peut être entraîné, de vidéo en vidéo, dans un tourbillon qui lui prouve que le monde n’est que « mensonges et complots ». Les vidéos qui embrigadent le plus ne se trouvent pas au premier clic, mais finissent par être accessibles sur la bordure extérieure de YouTube, comme n’importe quelle autre vidéo dont le système de tri estime qu’elles ont un lien entre elles, via le système courant des motsclés utilisés. Progressivement, le jeune est persuadé que des organisations secrètes de puissants dirigeraient l’ensemble du monde à l’insu des peuples qu’ils esclavagent et éliminent progressivement : chômage de masse, produit toxiques dans les aliments, médicaments nocifs, vaccins mortels, création du virus HIV, passage d’avions qui déversent des sortes d’hormones stérilisantes ou perturbatrices (d’où certaines trainées blanches qui seraient différentes…), etc. Les Illuminatis seraient « la lignée de Satan » :

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les 1000 ans de règne de la monarchie Britannique, puis de « leurs cousins plus ou moins consanguins américains » et enfin, depuis le 11 septembre, ceux d’Israël, pays apparaissant comme le dernier stade démoniaque de l’empire du diable. Ces vidéos, mélangeant le fantastique à des faits issus de la réalité, terrorisent psychiquement le jeune et l’amènent à voir des « forces sataniques » à l’œuvre dans la moindre image, le moindre comportement qui ne partage pas cette vision du monde paranoïaque : « Tout ce qui n’est pas avec nous est contre nous ». Ainsi, les croyances païennes où figurent un serpent (maya, hindouisme…) autant que le Christianisme, puisque l’auréole du Christ dans les représentations signifieraient en réalité un œil satanique se cachant derrière un démon, se combattent au même niveau. Arrivé à ce stade, le jeune est persuadé que le Mal l’entoure et que ces extraterrestres démoniaques vont anéantir l’humanité. La 3ème série de vidéos persuade le jeune que l’on peut sauver l’humanité grâce au « vrai islam ». Les vidéos commencent par mettre en exergue des images de nature encensant la beauté de la création de Dieu, des images enchanteresses dans lesquelles la magnificience provient de toute évidence d’un Créateur appliquant l’arithmétique du nombre d‘Or (coquillage, fleur, vagues, etc.), de même que « les parfaites proportions de l’homme » (longueur du bras divisée par celle de l’avant bras, celle de la taille par celle de la poitrine, etc.). Se mêlent à ces images réconfortantes des courts extraits détournés de témoignages émouvants de convertis profondément et sincèrement touchés dans leur parcours personnel, d’interviews de scientifiques qui estiment que la constance gravitationnelle ne peut exister que grâce à Dieu… Vient ensuite le message final : seule une confrontation finale avec le monde réel pourra le

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régénérer et seul « le vrai islam » y parviendra. Les recruteurs de Daesh développent donc par l’intermédiaire d’internet une approche émotionnelle anxiogène et une fois que le jeune n’a plus confiance en personne et se coupe de tous ceux qui contribuaient à sa socialisation, ils lui proposent des solutions compensatoires dysfonctionnelles comme la rupture, la fuite ou la violence. C’est pour cette raison que la déradicalisation doit aussi commencer par une approche émotionnelle pour rassurer le jeune qui a adopté une grille de lecture « de type panaroïaque » et que les proches ont une place principale dans cette première étape de « sauvetage ». l

à lire... Ma meilleure amie s’est fait embrigader, Dounia Bouzar, Ed. La Martinière Jeunesse, 2016. Un « roman-outil » pour les adolescents, à partir de 14 ans.

Adolescents en quête de sens Daniel Marcelli, avec Anne Lanchon, Parents et professionnels face aux engagements radicaux, Ed Eres/L’école des parents, 2016

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Identités et sexualité adolescentes reconfigurées par les TIC Une lecture rituelle des pratiques numériques des ados Adopter une grille anthropologique s’avère pertinent pour comprendre la manière dont nos jeunes utilisent les Nouvelles Technologies, avec quelles stratégies et pour quels bénéfices. « En ligne », ils jouent avec les identités, et mettent en place des stratégies pour exprimer le désir, l’attachement, l’engagement. Il est clair qu’en 2016, « l’éducation sentimentale » (et sexuelle) a pour passage obligé les réseaux numériques. Pascal LARDELLIER Professeur à l’Université de Bourgogne-Franche Comté

TIC : Technologies de l’Information et de la Communication

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epuis une quinzaine d’année, les pratiques numériques des jeunes sont scrutées avec attention par les psychologues et les sociologues, au regard des enjeux (familiaux, pédagogiques, sociaux…) de l’hyperconnectivité (pré-)adolescente. On peut aisément dresser une série de constats, liant Internet, TIC* et adolescence : le taux d’équipement et le « temps/ écran » des jeunes, largement supérieurs à ceux de leur ainés, la migration vers Internet d’activités de loisirs, de travail scolaire et de culture, qui avant la « rupture d’étanchéité des tuyaux médiatiques », était compartimentés, ou encore l’émergence de « cyber-addictions ». La liste n’est pas exhaustive, et maints ouvrages1 détaillent tout cela par le menu. Il m’importe ici de donner des clefs de lecture originales, permettant de comprendre le succès des TIC auprès des jeunes, et leur incroyable investissement des univers numériques. Or, une grille de lecture anthropologique, reliant Internet, ados et rites donne une autre lumière au succès des TIC auprès des ados, tout en dédramatisant ce qui doit l’être. L’hypothèse est celle-ci : si les nouvelles technologies rencontrent autant

de succès auprès des jeunes, c’est peut-être parce qu’elles endossent les fonctions qu’ont toujours joué les rites auprès de la jeunesse : assurer les passages et les changements de statuts, autoriser des changements d’identités transitoires, renforcer les liens communautaires et aider à l’intégration dans les « tribus », permettre des parenthèses parodiques servant de soupapes. Ce parallèle n’est pas si évident que cela, si on considère que les rites traditionnels (démocratiques, médiatiques, familiaux, amicaux…) sont ébranlés, remis en cause par les TIC et les pratiques numériques. Combien de parents se plaignent de voir les repas familiaux être « impactés » par l’intrusion qu’y font les TIC, avec des ados arrivant en retard, repartant avant le dessert, et chattant jusqu’à table ? De même, l’amitié des réseaux sociaux n’est pas tout à fait celle de la vraie vie. Elle n’est pas « au rabais », mais (bien) différente, dans ses modalités. Quant à Twitter, en quelques années, il a contribué à déritualiser la vie politique au point que certains de ses acteurs lucides s’en inquiètent. Il ne s’agit pas de se plaindre en considérant ces TIC comme attentatoires à l’ordre « tradi-

tionnel » ou « ancien ». Car de « nouveaux rites » émergent depuis quelques décennies, sans que les TIC y soient pour grandchose. Ainsi, on a vu l’émergence de rites festifs et profanes, de ritualités faibles. Les exemples sont légion, du beaujolais nouveau à Halloween, de la Fête de la Musique à celle des Voisins2. Et aussi de rites numériques, on va y revenir. Mais comment définir le rite en quelques mots, et comment en proposer une définition qui aille dans le sens de mon analyse ? Voici quelques traits spécifiques du rite : il s’agit d’un espace-temps particulier, d’une parenthèse sociale se caractérisant par ses règles spécifiques et son langage, sa dimension fortement symbolique, son action exercée sur les corps et les identités, une mise en scène, des aspects « magiques », et la production forte de liens communautaires. On rencontre dans le rite un triple principe de scénarisation, de dramatisation et d’esthétisation, avec une forte dimension symbolique, engageant identité et appartenance. Une soutenance de thèse, un mariage, une cérémonie religieuse, une investiture politique, une remise de diplômes, entre autres, peuvent être lus à travers ce prisme.

1/ Cf. Pascal Lardellier, Génération 3.0. Enfants et ados à l’ère des cultures numérisées (EMS, 2016) 2/ Cf. Pascal Lardellier, Nos modes nos mythes nos rites, EMS, Cormelles le Royal, 2013.

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Des rites traditionnels aux rites numériques Venons-en au fait : on peut considérer que certaines pratiques numériques (MMORPG*, chat intensif, réseaux sociaux...) partagent maints traits communs avec la parenthèse rituelle. J’évoquais les rites démocratiques ébranlés, et, implicitement, la désaffection pour le vote. N’est-il pas incroyable de voir que le gouvernement a lancé fin février 2014 une grande campagne pour combattre l’abstentionnisme, notamment des jeunes, et que le slogan retenu est : « Voter c’est tweeter en vrai. Vous aimez liker ? Votez ». On l’a compris, des rites de la vraie vie migrent vers les TIC et Internet. Mais de même, énormément de pratiques numériques peuvent être relues via ce prisme rituel. Ainsi en va-t-il du primo-équipement en téléphonie mobile : l’« enfant » (étymologiquement en latin infans, « celui qui ne parle pas »), accède soudain à la parole, et donc à l’autonomie, on a là un rite de passage à part entière. Sans téléphone portable, le pré-adolescent est privé de voix, à tous niveaux. Il n’a pas « voix au chapitre », et doit passer par la médiation et le contrôle de ses parents pour accéder à ses amis, pour exprimer sentiments et opinions. Posséder un portable, et tous ces contrôles sont court-circuités, il est libre de sa parole, de ses contacts. Rite de passage donc, à part entière. Rite qui ne dit pas son nom, mais qui en est bien un, fut-il implicite. Rites d’initiation, rites de passage, tout y est, si on regarde les choses attentivement. De même, la création d’un profil Facebook fait partie des rites initiatiques des collégiens. Il n’est pas conçu pour eux, notamment à cause de la limite d’âge d’inscription de 13 ans qui est copieusement détournée par les jeunes eux-mêmes avec l’aide de camarades à peine plus âgés

ou même de la famille pensant ainsi pouvoir ainsi mieux surveiller les activités en ligne de leurs enfants, leurs déclarations et leurs « fréquentations ». De même, atteindre un certain niveau dans un jeu en réseau transforme la personne aux yeux de la communauté en véritable leader, en exemple à suivre, en idéal à atteindre. Enfin, la « drague en ligne », qui s’ouvre aux (très) jeunes, peut être lue comme une métaphore et une duplication numérique du bal masqué d’antan. Les jeunes voire les très jeunes ont développé une forme particulière de séduction et de badinage médiatisés par ordinateur et plus encore par l’intermédiaire du smartphone : ils ont créé un « arsenal de nouveaux libertinages. En tête de ces pratiques : le sexting. Ce jeu subversif […] consiste à faire circuler des photos ou des vidéos érotico-persos via Snapchat »3. Echanger des « selfies* sexy » - ce à quoi s’adonnent bien des adolescent.e.s –relève bien d’un engagement au sens littéral de « mise en gage de soi », qui va faire éprouver un danger (« et si cette image est mise sur Internet à mon corps défendant ? ») tout autant qu’il va prouver un lien de confiance (« je te la donne à toi, elle est pour toi uniquement… »)

Ils s’initient à la sexualité via TIC et rites numériques

Finalement, les TIC initient à maints égards à des dimensions de l’identité, du rapport à autrui, de l’ouverture à de nouvelles dimensions de l’être, derrière leur aspect ludique et leur nature technique. On change d’identité, un temps imparti, les règles du jeu sont différentes, on entre dans un espace de scénarisation et d’esthétisation de la vie sociale, comme durant une séquence rituelle. Certaines pratiques d’exhibition sur Internet sont caractéristiques d’une génération fan de la famille

Kardashian et d’autres starlettes qui ont en partie dû leur célébrité à la diffusion de leurs ébats sexuels filmés sur Internet (des « sextapes ») ; sans même évoquer le piratage d’iCloud ayant vu des photos érotiques fuiter sur le Net4. Les nouveaux médias numériques constituent d’excellents supports de rites de passage : « grandir veut dire aussi élire ce qui tire vers le haut (Facebook et les réseaux) et renier ce qui ramène à l’enfance (la TV, la lecture d’albums et les jeux). On remarque les correspondances entre la nature des sociabilités selon l’âge (timides dans un premier âge pour devenir obsessionnelles dans le second mais toujours dans un entre soi, pour finir en troisième temps par s’élargir à d’autres) et les usages médiatiques en jeu »5. Donc, s’expriment via les TIC de nouveaux rites numériques, tour à tour « performatifs » (qui transforment les statuts, par leurs simple action magique) et carnavalesques. Les travestissements, les progressions, les changements auxquels ils donnent droit expliquent aussi le succès de ces technologies auprès des jeunes qui y ont vu un total espace de liberté, une extension et un prolongement de leur intimité sur la Toile, ainsi qu’un moyen rapide d’accéder « à la gloire », non plus cinématographique ou télévisuelle, mais numérique. Mais c’est là que « ça se passe », désormais ! l

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MMORPG : Jeu de rôle en ligne massivement multijoueur, en l’anglais « massively multiplayer online role-playing game » Selfie : autoportrait photographique, en général réalisé avec un téléphone portable.

à lire... Génération 3.0. Enfants et ados à l’ère des cultures numérisées Pascal Lardellier, (EMS, 2016)

3/ Elvire Emptaz, « Le nouveau libertinage des ados. T’as reçu mon sexto ? », Elle n° 3338 du 18 décembre 2009, p 153. 4/ La comédie américaine Sextape (2014) de Jake Kasdan avec Cameron Diaz et Jason Segel, traite aussi de ce sujet. 5/ Agnès Pécolo, « Nouvelles technologies et éducations : réflexion sur des statuts réciproques dans le cadre des cultures juvéniles » dans Education populaire et numérique. L’Education Populaire 2.0 est-elle possible ?, 9 novembre 2010, Synthèse de la rencontre Agorajep, p 6, http://www.jpa.asso. fr/imgs/mod_actus/110209163538_educpop2-0_09nov10.pdf

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Contre la cyberviolence : le rôle des familles Les familles jouent un rôle primordial dans la prévention des risques, de la victimation et des comportements agressifs en ligne. Les enfants se connectent de plus en plus jeunes, l’âge de la première navigation ayant maintenant le plus souvent lieu avant trois ans. Ainsi, c’est en famille que les premières expériences se font. Or, si le monde des possibles s’est spectaculairement élargi, les prises de risque aussi. Catherine BLAYA Observatoire International de la Violence à l’Ecole CAPEF Université Nice Sophia Antipolis

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des familles sont impliquées dans la prévention.

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es prises de risque sont parfois accompagnées d’expériences négatives aux conséquences néfastes voire funestes dont on voudrait protéger nos enfants. Il n’existe pas de solution simple et facile pour lutter contre la cyberviolence car le problème est complexe, et bien des familles se sentent démunies. Elles ne sont pourtant pas inactives en termes de prévention et de protection. Cet article propose une synthèse de l’implication parentale dans l’accompagnement des jeunes sur Internet et suggère quelques pistes d’action pour la prévention et la prise en charge de la cyberviolence.

Communication et supervision parentale : que font les familles ?

La communication est un des facteurs clés tant en termes de prévention qu’en termes de gestion des problèmes de cyberviolence. On sait que les victimes sont soumises à la loi du silence par peur de représailles de la part des agresseurs, d’autant plus que la cyberviolence est associée à ce qu’il se passe à l’école et que la victime est aussi souvent victime à l’école. D’ailleurs, alors que les adultes séparent monde virtuel et monde réel, les jeunes tendent à considérer le tout comme un seul monde et ne font pas la différence (Willard,

2011). Les victimes se taisent aussi par crainte de se voir interdire l’accès à Internet et confisquer leur téléphone ou leur ordinateur portable par des parents qui pensent que parce que l’on éteindra l’appareil, le problème disparaîtra. Or, l’une des particularités du cyberespace est que la victimisation perdure en dehors de la présence de la victime. Celle-ci le sait bien et par conséquent, cela ne résout en rien le problème. Aussi, est-il important que les parents instaurent un dialogue sur les activités de leurs enfants sur Internet et qu’ils soient clairs sur le fait qu’en cas de problème, leur enfant ne sera pas doublement sanctionné (par la victimisation et l’interdiction qui le coupera de son monde social). Les parents français font partie de ceux qui imposent le plus de restrictions quant à l’usage d’Internet car 91 % des enfants déclarent soit ne pas être du tout autorisés à faire certaines activités (révéler des informations personnelles, télécharger, etc.), soit être soumis à des restrictions en termes d’usage de la messagerie instantanée et de visionnage de vidéos en ligne (Blaya & Alava, 2012). Le dialogue semble bien instauré : la plupart des parents discute avec leurs enfants de ce qu’ils font sur Internet (73 %). Ceci est confirmé par une étude exploratoire que nous avons menée auprès de familles de

jeunes scolarisés en collège en 2015 (à paraître), selon laquelle 42 familles sur 50 disent discuter avec leurs enfants de leurs activités sur Internet et pour les plus jeunes (11-12 ans), s’asseoir à proximité de leur enfant lorsqu’ils sont en ligne. Selon une recherche menée sur les formes familiales de supervision des activités en ligne en Europe, 18 % des parents français adoptent ce qui est qualifié de supervision passive, soit une aide lorsqu’elle est demandée. Ce type de supervision concerne cependant les jeunes plus âgés (15-16 ans) et les parents disent avoir été plus actifs lorsque leurs enfants étaient plus jeunes (Kalmus & Roosalu, 2011). Pour les plus jeunes, plus d’un parent sur trois (35 %) restreint les usages d’Internet et 82 % des familles sont impliqués dans la prévention. Nous sommes donc loin du stéréotype de la famille démissionnaire parfois véhiculé. Enfin, nombreuses sont les familles qui disent suggérer à leurs enfants comment se comporter avec les autres en ligne, tentant ainsi de leur inculquer une attitude responsable. Toutefois, il n’est pas toujours aisé, en tant que parent, de superviser ou d’accompagner la vie de son enfant en ligne, et ce pour différentes raisons : Il n’est pas possible (souhaitable) de lire ce qu’ils font sur

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/ LES 12-18 ANS /

Analyse

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#interdire

Les victimes se taisent aussi par crainte de se voir interdire l’accès à Internet et confisquer leur téléphone ou leur ordinateur portable.

#

l’écran et d’être constamment à proximité pour les plus jeunes. Quand bien même l’enfant accepte de donner son mot de passe lorsqu’on le lui demande, il peut le changer ou ouvrir d’autres comptes avec un pseudonyme. Les jeunes résistent à ce qu’ils vivent comme une intrusion de leur sphère privée. Malgré l’existence de filtres et contrôles parentaux, il n’est pas toujours possible de prévenir l’exposition à des contenus dangereux. Quoi qu’il en soit, la recherche montre que la supervision restrictive n’est pas la plus efficace, les pays où les taux de jeunes cyberharcelés sont les plus élevés ne sont pas ceux où les parents sont les moins contrôlants (Livingstone et al., 2011).

Quand l’enfant est victime de cyberviolence

Il est difficile de savoir si son enfant est victime en ligne. Certains signes, d’ailleurs similaires à ceux qui permettent de repérer le harcèlement traditionnel peuvent nous y aider : sautes d’humeur, changement soudain de comportement, difficulté d’endormissement, changement dans son alimentation, chute des notes ou recherche de prétextes pour ne

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pas se rendre à l’école, l’enfant sursaute ou semble perturbé quand le portable ou l’ordinateur bipent pour annoncer un message, il est soudain très attentif à cacher ce qu’il fait sur l’ordinateur quand vous approchez. Ce sont tout autant d’éléments qui peuvent alerter. Il est alors important d’en parler avec l’enfant tout en lui précisant que quoi qu’il y ait, il ne sera ni jugé, ni sanctionné et en lui demandant comment on pourrait l’aider. Il est enfin conseillé de contacter l’établissement scolaire afin de vérifier si les comportements que l’on a observés à la maison sont aussi remarqués à l’école. Les relations entre l’établissement scolaire et les familles sont essentielles. Comme nous l’avons souligné précédemment, le monde en ligne et ce qu’il se passe à l’école sont en étroite relation. Les enquêtes françaises sur la cyberviolence (Blaya, 2013 ; 2015) en témoignent. Les familles et les établissements scolaires peuvent être tout aussi affectés en cas de problème et la nécessité de renforcer la collaboration école/famille s’impose (Elliott, 2015). La littérature sur la prévention du cyberharcèlement est riche et nous avons relevé des points communs à l’ensemble des guides et inter-

ventions suggérées soit par la recherche, soit par des organisation ou associations de prévention et de lutte contre le phénomène. Il est utile de rappeler aux jeunes que l’espace virtuel est un espace public et qu’il est extrêmement difficile d’effacer ce qui est publié. Même lorsqu’il s’agit de messages ou de photos éphémères, une capture d’écran peut les figer. L’une des caractéristiques de la communication en ligne, c’est qu’il est possible de faire des copies d’écran qui pourront servir de preuve en cas de problème. L’un des points importants de la prévention et de la lutte contre le cyberharcèlement est le développement des compétences sociales qui préviendront l’escalade d’une première agression en harcèlement. Le tout premier conseil que l’on peut donner, c’est de ne pas répondre sur le même mode que l’agresseur : on risque de se mettre soi-même en situation d’agresseur et l’agression en retour appelle une nouvelle agression. Ensuite, il est important que l’enfant sache bloquer les interlocuteurs indésirables afin de ne plus recevoir de messages de leur part. Cela ne suffit pas toujours et il est aussi

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nécessaire de savoir comment signaler les messages ou photographies indésirables à la plateforme concernée, en vue du retrait du contenu et du blocage de son auteur. Toutefois, il n’existe pas à ce jour de recherche évaluant l’efficacité de la prévention parentale. Cet aspect pourrait faire l’objet de recherches ultérieures afin de mieux orienter l’action des familles et souligne la nécessité de former les parents tout autant que les jeunes.

Des parents impliqués

Loin des clichés habituels du manque d’intérêt ou de démission des parents, les recherches sur l’implication parentale dans les activités en ligne des jeunes indiquent une préoccupation importante pour la sécurité en ligne et la prévention de l’exposition à des contenus

dangereux et la cyberviolence. Toutefois, il est important de trouver un équilibre entre la supervision des activités et inciter les enfants à utiliser Internet de façon autonome et indépendante et à adopter les attitudes leur permettant de surfer en toute sécurité. La littérature scientifique montre aussi que si les actions de prévention en milieu scolaire augmentent de façon significative la connaissance des risques en ligne, mais que l’on constate peu de changements dans les comportements (Blaya, 2015). La famille est de nos jours le lieu où les enfants font leurs premières expériences en ligne et la participation parentale dans la médiation des activités en ligne et l’éducation à un comportement positif des jeunes que l’environnement soit réel ou virtuel, est essentielle et plus efficace que la restriction. l

#prevention

La participation parentale dans la médiation des activités en ligne des jeunes est plus efficace que la restriction.

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SOURCES

Blaya, C. (2015). Cyberviolence et école – Les Dossiers des sciences de l’Education, 33. Blaya, C. (2013). Les ados dans le cyberespace – prises de risque et cyberviolence. Bruxelles : De Boeck. Blaya, C., Alava, S. 2012. Risks and safety for children on the Internet : the FR report. Full findings from the EU Kids Online survey of 9-16 year olds and their parents in France. www.eukidsonline.net. Elliott, M. (2015). Prévenir le (cyber) harcèlement en milieu scolaire. Traduction et adaptation française par C. Blaya. Bruxelles. De Boeck. Kalmus, V. & Roosalu, T. (2011). Parental mediation of EU kids’ Internet use revisited: looking for a complex model of cross-national differences. International Journal of Media and Cultural Politics, 7, 55–66. Livingstone, S., Haddon, L., Görzig, A. & Ólafsson, K. (2011) Risks and safety on the internet: The perspective of European children. Full findings, London: LSE, EU Kids Online. Willard, N. (2011). Cyberbullying, sexting and predators, oh my! Addressing youth risk in the digital age in a positive and restorative manner. Retrieved from <csriu.org/documents/documents/ IssueBrief.pdf>.

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Aux côtés des familles Pour accompagner les familles à faire le meilleur usage possible du numérique, les unions d’associations familiales et les mouvements familiaux agissent et innovent.

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CODE CLUB

Un réseau international de bénévoles pour apprendre aux enfants à coder Leader en Grande-Bretagne de l’enseignement bénévole du code à l’école, Code Club World a confié à l’UDAF de l’Aube le développement de son réseau en France.

L

e réseau international Code Club est un organisme non lucratif, né en GrandeBretagne. Il a récemment fusionné avec la Fondation Raspberry, mais reste consacré à l’apprentissage du codage aux enfants. Dans le cadre de son développement à l’international, sa filiale Code Club World est chargée de coordonner les actions de chaque « country leader ». En France, c’est l’Union Départementale des Associations Familiales de l’Aube (Udaf 10) qui a la mission d’implanter le réseau sur l’ensemble du territoire français, depuis son siège de Troyes. De nombreux échanges par visioconférence avec le siège londonien ont été nécessaires afin de vérifier que nous partagions une vision commune et que le projet était transposable, au moins en partie, à la France. Pourquoi (re)créer un projet franco-français de toutes pièces, plutôt que d’unir nos forces dans un projet à échelle internationale ? L’apprentissage du code aux enfants est plus que jamais d’actualité, en France, comme ailleurs. Code Club, c’est plus de 4000 clubs en Grande Bretagne, et 2000 dans le monde. Les clubs sont entièrement organisés par des bénévoles, dans les établissements scolaires ou d’autres lieux d’éducation (médiathèque, centres sociaux). Le principe est de mettre en relation des bénévoles, des établissements et des enfants pour créer un

Un bénévole un établissement des projets Scratch des enfants

Un Code Club !

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club de codage informatique accessible gratuitement, ou presque. Sur Code Club World, les bénévoles (des parents, des étudiants…) peuvent télécharger et utiliser librement les ressources pédagogiques, dans de nombreuses langues, y compris le Français, dont la traduction a été assurée par l’Udaf. Le maximum d’information est fourni par Code Club pour démarrer, et le travail en réseau assure de ne jamais rester isolé, tout en suscitant un sentiment d’appartenance à un mouvement mondial. Les Code Clubs utilisent tous une pédagogie, pour les 8-12 ans, basée sur Scratch, le célèbre logiciel du MIT, et sur le langage Python, pour les plus grands. Ils sont très faciles à apprendre, et les bénévoles n’ont pas besoin d’être des développeurs informatiques.

Le « Lire et Faire Lire » de l’informatique...

Bientôt, sur le site de Code Club France, les établissements pourront trouver des bénévoles prêts à s’investir près de chez eux, et les personnes intéressées peuvent déjà trouver des ressources pour informer les autres parents et les enfants. C’est un peu le « Lire & Faire Lire » du codage ! Déjà, autour de Troyes, des clubs démarrent dans des collèges, dans des médiathèques, et nous trouvons, grâce aux réseaux sociaux, des bénévoles qui organisent des Coding Goûter, une spécificité française qui intéresse beaucoup nos amis d’outre-manche ! Aussi, des étudiants de l’école d’ingénieurs UTT vont bientôt rejoindre nos rangs, car l’engagement citoyen est désormais encouragé et valorisé à l’université. Que vous souhaitiez prendre la responsabilité d’une coordination départementale ou régionale, ouvrir un Code Club dans un établissement, devenir bénévole près de chez vous ou simplement être volontaire pour aider à la réussite en France de ce qui fonctionne déjà ailleurs dans le monde, rejoignez Code Club France sur www.codeclub.fr ou sur twitter : @codeclubfrance l

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Itinéraire d’une réussite pour des lycéens « cibercitoyens » L’idée est née d’une rencontre entre les élèves internes du lycée Jacques Ruffié à Limoux et Mme Andrée Ibal, la Présidente de l’UDAF de l’Aude qui fut professeur de Lettres dans cet établissement.

L

es uns souhaitaient agir pour promouvoir leur filière scolaire : les techniques de management et de gestion, et en changer l’image sclérosée ; L’UDAF de l’Aude de son côté, s’appuyant sur son réseau de 51 associations familiales dont l’association familiale de Limoux présidée par Mme Ibal, et qui anime des séances d’aide aux devoirs, souhaitait mettre en œuvre des actions citoyennes et familiales de nature à permettre un égal accès à l’éducation et aux savoirs de base.

Soyons nets sur le net

Le besoin a été identifié par les enseignants des écoles et du lycée : former les plus jeunes à un usage responsable du net en s’appuyant sur un tutorat avec les lycéens et une pédagogie active. La réalisation du projet est liée à la Politique de la Ville et en particulier à celle attachée au quartier AUDE de Limoux, en voie de paupérisation. Donc, une délégation d’internes de la classe de Terminale en Sciences et techniques du Management et de la Gestion, est intervenue dans les classes des écoles élémentaires limouxines, Victor Hugo et Jean Moulin. Ces lycéens ont proposé leur formation aux écoliers et leur ont laissé un tract édité par l’UDAF, destiné à en informer leur famille. Ainsi naissait « Soyons nets sur le net ». Cinq appels des parents le lendemain, lançaient le début de l’histoire : tous les mercredis, au lycée, dans leur salle de cours, pendant plus d’une heure, les lycéens ont accueilli de 5 à 15 écoliers du CP au CM2 pour leur proposer une activité autour d’internet liée à une production et à une prévention. Un exemple, découvrir comment créer un panneau pour sa chambre, un diplôme pour le meilleur copain ou encore, une carte pour la fête des mères tout en apprenant à identifier le cadre juridique de la création et de la publication avec les notions de propriété intellectuelle et de respect de la vie privée. Si les enseignants du lycée et représentants de l’UDAF « veillaient au grain », les lycéens ont

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fait preuve d’une vraie innovation pédagogique quant à la formation au numérique raisonné. Comme accueillir les écoliers au lycée pour leur apprendre à utiliser internet au mieux, c’est aussi encourager les plus jeunes à passer une grande partie de l’après-midi, devant les écrans, ces « presque adultes », à l’aube de leur majorité, ont souhaité aménager leurs cours : une première séance pour apprendre à chercher sur You Tube, des tutoriels intelligents qui proposent des créations simples à partir de matériau recyclé ; une seconde séance pour le créer et insérer ces fabrications sur la page facebook de « soyons nets sur le net » tout en réfléchissant avant de publier ! Ces lycéens ont commencé à former l’équipe d’internes de 1ère qui reprendra le projet à la rentrée. Ainsi, ce sont les jeunes qui ont, au final, tout construit de la formation à la création en passant par l’expérimentation pédagogique. Les adultes furent de simples facilitateurs. Une expérience totalement réussie pour une promotion de lycéens responsables bientôt futurs bacheliers « cybercitoyens » ! l

Juste récompense pour ces lycéens « cybercitoyens », la possibilité, dans le cadre du contrat de ville de Limoux, avec le soutien des équipes pédagogiques du lycée et l’aide logistique de l’UDAF de l’Aude d’être accueillis en avril 2016 à Paris pour visiter les institutions de la République : Assemblée Nationale, Sénat (sur la photo accompagnés des parlementaires audois), Conseil économique social et environnemental, et aussi l’UNAF.

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Les réseaux sociaux : Bienfaits et conséquences Depuis quelques années, les réseaux sociaux sont devenus des outils incontournables sur Internet : Facebook, WhatsApp, Twitter, Vyber… Mais attention aux risques.

C

es réseaux sociaux permettent de rester en contact avec vos amis, vos camarades de classe, vos parents. Ils donnent la possibilité d’envoyer et de recevoir des messages, télécharger des photos et des vidéos etc. L’inconvénient le plus flagrant est le risque de vol d’identité et la fraude. Les renseignements personnels des utilisateurs tels que l’adresse e-mail, le nom, l’adresse, l’âge, peuvent être employés par des personnes douteuses, voire favoriser les infractions en ligne. La MFREO de BERNAY, association adhérente à l’UDAF27 a souhaité sensibiliser ses jeunes. Ainsi, en partenariat avec sa direction, notre institution a co-organisé une veillée à l’attention des jeunes et de leurs parents afin de mettre en lumière les bienfaits mais aussi les conséquences et les dangers de l’utilisation des réseaux sociaux. L’UDAF27 a cherché un intervenant de qualité. M. Patrick ISABEL, policier en retraite spécialisé dans la prévention auprès des adolescents, a animé deux veillées-débats en mars 2016. Au cours de ces soirées, il a su capter l’attention des jeunes en adoptant leur langage, leur attitude, ce qui a suscité de nombreux questionnements et échanges sur la maîtrise de ces outils. Il a mis l’accent sur les aspects juridiques, moraux, pénaux mais aussi technologiques. Cette intervention permettra aux jeunes de réfléchir à

toute publication sur leurs comptes, et à être plus attentifs et plus respectueux. Les jeunes ont pu donner leurs impressions sur les soirées grâce à un questionnaire élaboré à leur attention par notre institution, distribué à la fin de chaque veillée.

Bilan des veillées :

Les aspects positifs observés par les jeunes : la bonne humeur / la bonne ambiance ; les échanges et partages d’expérience / Les anecdotes évoquées ; de bonnes explications ; la participation de tous ; les dangers d’internet notamment Facebook ; l’intervenant dynamique et drôle. Le questionnaire est aussi un moyen d’expression qui a pour but de connaître les préoccupations des jeunes au sein de la société actuelle. Lors des veillées, les jeunes ont émis le souhait d’autres interventions sur : les produits stupéfiants/les accidents de la route ; l’impact de l’humiliation sur les victimes ; le racisme ; le harcèlement ; l’avortement ; la sexualité ; le terrorisme ; l’homophobie…

Bilan général

50 % des jeunes ont trouvé ces veillées-débats intéressantes, et 51 % estiment qu’elles les ont fait réfléchir. Suite à ces veillées, la MFREO de Bernay a posté des photos sur son compte facebook que vous pouvez retrouver sur :

https ://fr-fr.facebook.com/mfrbernay27/

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Internet : le nouveau défi des relations infra-familiales Papa devant l’ordinateur, Maman devant la tablette, les enfants avec leurs téléphones. Voici une scène devenue ordinaire dans une famille ordinaire.

S

i nul ne peut nier ou renier l’apport de l’outil Internet dans nos vies quotidiennes, il n’en demeure pas moins que son avènement, sa démocratisation et aujourd’hui sa banalisation engendrent des modifications relationnelles substantielles. Tel est le cas au sein de la famille qui doit désormais relever de nouveaux défis. En effet, par essence, la famille est le lieu de construction du soi, le premier lieu de socialisation de l’être, le noyau dur de son existence : son passé, son présent, son futur. Or, le monde virtuel pollue progressivement le monde réel, la sphère familiale n’étant pas épargnée. Le 100 % connecté à tout heure induit que chaque membre de la famille fait virtuellement pénétrer au sein du foyer son propre réseau. Le travail, les amis, l’école deviennent omniprésents au sein du groupe famille. Sans compter sur le fait qu’Internet est source de nombreux conflits dans la relation parentsenfants, il ne faut pas omettre de mentionner que cet outil réduit le champ lexical de la conversation. Texto, tweet, mail, émoticône relèvent du langage virtuel qui a, entre autres, pour caractéristique sa brièveté. Progressivement, ce modèle d’échange tend à se transposer à la conversation orale. Des réponses courtes pour des questions courtes. Ainsi, le dialogue familial se paupérise avec le risque que les liens se distendent. De plus, la tentation est grande d’’abréger son temps de présence en famille, pour s’empresser de reprendre ses communications avec son réseau extérieur. Mentionnons qu’en moyenne un adolescent envoie une centaine de textos par jour, et que les adultes doivent toujours répondre à des mails professionnels qui sont évidemment importants !

tère essentiel, voir primordial, dans les choix familiaux. Dès lors, officiellement sous couvert d’aspects pratiques, cette recherche de la connexion est porteuse d’une tout autre réalité, beaucoup plus insidieuse. En effet, chaque membre de la famille, à des degrés divers de conscience, prétend ainsi vivre le moment en famille mais avec son réseau, ce qui de fait va nuire à la qualité de l’événement partagé. L’altération du lien est lent mais réel, et touche l’ensemble des relations infra-familiales : parents-enfants, fratrie mais aussi les liens du couple.

Lozère

Fabienne FERRER1 Maître de Conférences associée, École de Droit de Clermont-Ferrand est intervenue pour l’UDAF dans le cadre de deux conférences sur les dangers d’internet.

A l’heure où des réflexions sont menées sur la possibilité de limiter l’envoi d’e-mails en dehors des heures de travail, la famille doit mener sa propre réflexion sur l’auto-régulation de l’usage d’Internet au sein des foyers. Il ne s’agit pas d’être réactionnaire, il ne s’agit pas de refuser la modernité et les évolutions sociétales. Il s’agit de « re-sanctuariser » la famille, de la replacer au centre de ses priorités en tant que pilier fondateur et structurant de l’individu. Faute de quoi, la famille risque de perdre son identité, sa philosophie du vivre ensemble, pour à terme devenir une simple cohabitation d’individus. l

Internet tend ainsi progressivement à rendre poreux, perméable ce noyau dur de l’intime qu’est la famille. Afin d’asseoir notre propos, dirigeons notre analyse vers le concept de choix. Location de vacances, restaurant, parc, jardin d’enfants : Internet et ses zones wifi deviennent un cri-

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Les ateliers sur Internet : un dispositif au service des familles Dés 2006, l’UDAF de la Mayenne a porté son regard et intérêt sur le développement du numérique et son impact sur les familles chaque jour davantage connectées. Des ateliers pour sensibiliser les adultes

Elle a ainsi organisé un forum à l’occasion de son 60ème anniversaire sur le thème « Familles et médias : nouveaux rapports des enfants à l’autorité ». Ce forum a ouvert la voie au développement d’ateliers pour sensibiliser les adultes, parents, éducateurs aux usages des jeunes de l’Internet et à la leur nécessaire implication. Ces ateliers « Mieux comprendre Internet pour mieux dialoguer, éduquer et protéger ses enfants » existent toujours et continuent à se développer en Mayenne à la demande de structures, associations...

Des ateliers pour les jeunes

Les ateliers à destination des jeunes, également mis en place à la demande de structures, (établissements scolaires en grande majorité) existent depuis 2008, consécutivement à des demandes renouvelées de parents de pouvoir voir les jeunes bénéficier d’une sensibilisation similaire. Dés lors, ces ateliers « Mieux comprendre internet pour mieux l’utiliser et se protéger » ont été réfléchis et développés à l’attention de jeunes âgés de 12 ans et plus. S’agissant de publics différents, si les objectifs poursuivis dans ces ateliers se rejoignent, à savoir, parler des usages et des points de vigilance, informer sur les droits, devoirs et la manière de se protéger sur internet, donner des informations clés et échanger des expériences ;

nous avons adopté des postures différentes dans nos interventions selon ces deux publics. Les adultes, parents, éducateurs ont souvent une méconnaissance du fonctionnement des espaces utilisés par les enfants et peuvent donc se trouver en difficulté pour accompagner les navigations. A contrario, les jeunes, s’ils ont des savoir-faire techniques, ils sont particulièrement démunis en matière de savoir-être.

Pour des pratiques responsables

Tous ces ateliers visent à permettre à chacun d’être suffisamment outillé pour développer et / ou accompagner des pratiques responsables et exigeantes n’entraînant pas de dommages pour l’ici et maintenant mais aussi pour l’avenir, à l’heure où l’identité numérique, non ou mal gérée, peut causer des désagréments et des empêchements de réalisations personnelles et professionnelles sur le long terme. L’UDAF 53 a ainsi pris conscience, depuis 10 ans déjà, de la nécessité d’accompagner les familles pour de bons usages numériques en proposant ces ateliers. Etre parent à l’ère numérique, c’est prendre la mesure et accepter de s’intéresser au fonctionnement de cet espace, apprendre à le connaître, s’intéresser à ce qu’en font nos enfants et en fixer des pré-requis pour leur permettre d’en faire un usage responsable, respectueux d’eux-mêmes et des autres et leur garantir un minimum de protection : de ne pas être importuné, de ne pas tomber sur des contenus choquants, de ne pas voir sa vie privée dévoilée, utilisée ou détournée, de ne pas croire tout ce qui y circule et développer son esprit critique quant aux contenus. L’éducation aux usages de l’Internet vise à permettre à nos enfants de devenir des acteurs responsables et autonomes quand ils naviguent sur la toile, parce qu’avertis. Elle évite qu’ils soient des victimes prisonniers de la toile qui ne savent pas se protéger suffisamment faute d’informations et d’accompagnement. l

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Familles et usages des TIC : Des limites à poser Dans le cadre d’une enquête conduite en 2013 auprès des jeunes de 10 à 16 ans, l’UDAF de la Haute-Savoie s’est interrogée sur l’impact de l’usage des TIC et sur ses effets néfastes sur la santé.

Haute-Savoie

74 Union Départementale des Associations Familiales

E

n effet, leur utilisation s’est fortement démocratisée. La plupart des enfants avant 10 ans, tout milieu social confondu, peuvent disposer d’un téléphone portable et/ ou d’une tablette et d’un ordinateur portable connectés. Ces pratiques ne sont pas neutres sur la vie de nos enfants et au sein même du cocon familial. Les heures passées devant les écrans sont autant de temps que l’on ne consacre pas à d’autres activités en famille. Le téléphone mobile fait partie intégrante des moyens de communication modernes. Son utilisation intensive peut avoir des conséquences néfastes sur la santé. Le risque de tumeur au cerveau étant démontré1, c’est le principe de prévention qui doit s’appliquer. Pour prévenir des excès éventuels sur l’usage du téléphone par les jeunes enfants, L’UDAF préconise plusieurs pistes : filtrage des appels, installation d’un contrôle parental, moments sans téléphone (repas, le soir), blocage des téléchargements… Internet est considéré comme un outil formidable de communication et de partage d’information. Mais il est important d’aider les parents dans l’éducation des enfants aux usages des TIC. Ainsi, l’UDAF recommande de : valoriser les repères clairs, simples, sur les outils et services contenus sur Internet ; promouvoir les informations utiles sur les sites et les numéros dédiés à l’écoute et à l’assistance aux victimes en particulier, www.internetsanscrainte.fr ; développer les modules de formation à la prévention de l’utilisation d’Internet (associations, centres sociaux, dans les Point Info Familles). La pratique des jeux vidéo peut occasionner chez les enfants, des troubles musculaires, de l’énervement, des maux de tête... Il faut sensibiliser les parents autour de ces risques sur la santé de leur enfant. Le caractère addictif de l’usage des jeux vidéo concerne essentiellement les jeux en réseau. Des études ont montré que des joueurs excessifs (plus de 30 heures par semaine) pouvaient montrer des signes d’addiction. l

Préconisations

de l’UDAF pour les parents : • Lire attentivement les pictogrammes lors de l’achat d’un jeu vidéo [Symbole PEGI (Classification et guide d’achat des jeux en fonction de l’âge de l’enfant (3 à 18 ans) et du contenu].

www.pegi.info

• Favoriser la discussion en montrant leur intérêt pour les nouveaux modes de communication. • Fixer certaines règles (temps d’utilisation....) et des lieux (pièce commune…) • Demander conseil auprès d’un tiers (psychologue, médecin) face à un comportement addictif. • Proposer d’autres formes de loisirs et privilégier le partage d’expériences réelles et non pas seulement «virtuelles». • Assister aux conférences-débats organisées dans le cadre du REAAP (réseau d’écoute, d’Aide et d’accompagnement des parents) pour échanges et retours d’expériences avec d’autres parents.

1/ Étude réalisée par L’Institut de Santé Publique d’épidémiologie et de développement (ISPED) publiée dans une revue de référence, Occupational & Environmental Medicine

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GUIDE PRATIQUE

Familles et numérique : surfer et acheter en toute sécurité L’UDAF de l’Essonne, qui souhaite inscrire son action dans une démarche cohérente de défense des intérêts des familles et ainsi assoir sa représentativité et sa légitimité, a élaboré une collection de guides pratiques dont la fréquence est annuelle. Il s’agit de construire des contenus ayant pour sujet des problématiques auxquelles les familles sont confrontées au quotidien et déterminés à partir des besoins connus ou émergeants. Tout l’enjeu de ce projet est de créer des supports éducatifs simples et ludiques, à destination de toutes les familles, dans leur diversité et leur pluralité.

C

’est dans ce cadre que L’UDAF de l’Essonne a édité « Familles et numérique : surfer et acheter en toute sécurité », pour apporter un éclairage aux familles sur les différentes pratiques et utilités d’Internet et les conseiller pour un usage simple et sécurisé des outils numériques. Ce guide est composé de trois parties et de sept outils pratiques. Il apporte des conseils concrets aussi bien pour surfer, acheter ou utiliser Internet en famille. 2 000 exemplaires ont déjà été diffusés à un très large public.

À la suite de sa parution, une conférence sur cette thématique a été organisée avec l’union départementale de l’UFC QUE CHOISIR Essonne. D’autres actions de sensibilisation sont programmées en 2016. L’objectif principal de cette conférence a été d’apporter à tout à chacun, des connaissances sur les différentes pratiques d’Internet ainsi que de multiples conseils pour une navigation en toute sécurité. l

Som mair e

des intérêts matériels agit pour la défense réseau de plus L’Udaf de l’Essonne Elle est à la tête d’un son action sur et moraux des familles. s et fonde son avis et de 60 associations familiale leur expérience. conçue pour les pratiques a donc été guides de n La collectio éclairage sur des if de leur apporter un permettre d’agir familles avec l’object t directement et de leur sujets qui les touchen ment. avec prudence et discerne toute sécurité » en ue : surfer et acheter « Familles et numériq abordés à la fois les sont Y n. collectio la multiples conseils est le second guide de d’Internet ainsi que de différentes utilisations ion optimale en famille. pratique pour une navigat

Composé de trois parties, ce guide apporte des conseils pratiques et concrets aussi bien pour surfer, acheter ou utiliser Internet en famille :

1. Définition 2. Le paramétrage et la sécurité de

1. Les précautions préalable s à l’achat

• services en ligne ; • sites Internet pour les enfants et les jeunes.

III - Utiliser Internet en famille

N°2 Familles et numérique

Édition 2014

1. 2. 3. 4.

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particuliers

Les nouvelles façons de se connecte r Les informations et les contenus sur Internet Le contrôle parental L’utilité d’Internet

Fiches

10 12 14 15 16 17 19 20

Mes outils pratiques : 1.

Les dix règles d’or de la navigatio n sur Internet Mes mots de passe, mode d’emploi La sécurité et la maintenance de l’ordinateur 4. La suppression des données et des traces sur Internet 5. Mes lettres types 6. Mes mots-clés 7. Les structures et les sites ressource s 2. 3.

Ce guide peut être consulté et téléchargé sur : www.udaf91.fr Outil 5

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les dix règles d’or de la navigation sur Internet ; mes mots de passe, mode d’emploi ; la sécurité et la maintenance de l’ordinateur ; la suppression des données et des traces sur Internet ; mes lettres types ; mes mots-clés ; les structures et les sites ressources.

Les structures et les sites ressources

20/11/14 08:07

mots-clés Sur la protection des enfantsMes : www.saferinternet.fr www.internetsanscrainte.fr www.netecoute.fr Adresse IP : c’est le numéro d’identification qui est attribué à chaque appareil connecté au réseau. www.info-familles.netecoute.fr Mes lettres Types(*) www.e-enfance.org Adresse mac : c’est l’adresse de la carte réseau. Outil 6

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OUTILS PRATIQUES VIENNENT COMPLÉTER LE GUIDE :

1. 2. 3. 4. 5. 6. 7.

s

Zoom sur l’achat à distance entre

Outil 7

7

9 10

en ligne

Zoom sur la sécurité des sites marchand

Collection Udaf de l’Essonne

• contrôle parental ;

toute sécurité

2. Le contrat de vente

• les différents modes de connexion ;

• contenus libres de droits ;

5 7 8

II - Acheter en toute sécurité

Surfer et acheter en

• gestion des données personnelles ;

• informations et contenus sur Internet ;

2 2 4-5

Familles et numérique

e: de l’Udaf de l’Essonn Les guides pratiques r? : comment s’y retrouve N°1 Emprunts – crédits en toute sécurité ue : surfer et acheter N°2 Familles et numériq

• droits et devoirs de l’acheteur et du vendeur ;

1 l’ordinateur

Zoom sur les cookies, traceurs, vers et spams 3. Les différents modes de connexion 4. La gestion des données personnel les Zoom sur les risques

• paramétrage et sécurité de l’ordinateur ;

• précautions préalables à l’achat en ligne ;

Page

I - Surfer en toute sécurité

PourWeb s’informer : Internet. Adresse URL : elle correspond à l’adresse d’un site www.cnil.fr Certificat SSL : il assure une connexion sécurisée entre le serveur Web et le www.securite-informatique.gouv.fr navigateur notamment pour les transactions bancaires. www.hadopi.fr La suppression des traces et des données sur Internet Demande de suppression de données personnelles misesde en gestion ligne surde l’ordinateur Compte administrateur : il ouvre tous les droits www.hoaxbuster.com un site (configuration Internet de l’ordinateur et installation de tous les programmes souhaités). www.cnac-contrefacon.fr www.netpublic.fr Compte utilisateur : il possède moins de droit que le compte administrateur. Il est conseillé d’utiliser ce compte pour surfer et acheter sur Internet. joindre votre pièce d’identité ausont courrier. À chaque navigation sur Internet, un certain nombre d’informations Pour signaler les abus : La (cookies) sécuritételles et la maintenance de l’ordinateur enregistrées que l’adresse IP, l’historique dedes navigation, lesrépétées mots Cyber-harcèlement : ce sont moqueries d’une autre personne sur www.internet-signalement.gouv.fr clés saisis sur un moteur de recherche. Internet notamment sur les réseaux sociaux, et les blogs. www.pointdecontact.net Les cookies permettent d’identifier habitudes :etil s’agit les centres d’intérêt de Donnéesles personnelles de toute information relative à une personne l’internaute ainsi que de le localiser pour notamment proposer des etdeet Pourservices apprendre découvrir : Madame, Monsieur, physique qui permet directement ou indirectement l’identifier (noms, prénoms, faire apparaitre des publicités ciblées. numéro de téléphone, lieu www.panelparents.fr adresses, et date de naissance, numéro de sécurité (*) Pour lade maintenance de l’ordinateur : Mes mots passe, mode d’emploi sociale, etc.). Cela regroupe également les données à caractère personnel telles www.vinzetlou.net que les origines; raciales ou ethniques, les opinions politiques, philosophiques ou ɲ installer un logiciel antivirus www.pedagojeux.fr Des informations me concernant sont actuellement en religieuses, amont deetc. la sur Internet, penser diffusées surnavigation votre site Internet à l’adresse suivante : www.2025exmachina.net ɲ effectuer àrégulièrement les navigateur mises(URL) à jour du paramétrer le afin deconcernée]. bloquer [Précisez l’Adresse et la page Happy-slapping : il s’agit mise en ligne d’une agression. système d’exploitation et de l’antivirus ; d’une vidéowww.2020energy.eu systématiquement les cookies.

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1. Utiliser des caractères variés etsont spéciaux : ces informations La: publication de sur internet porte ce sont de fausses http://eduscol.education.fr Hoax ce desrégulières canulars diffusés web, souvent Les 10 règles d’or de la navigation sur Internet ɲ effectuer des sauvegardes des sur leles majuscules, minuscules, chiffres, envoyées symboles atteinte à [Précisez de façon motifs ou pour informations par mail, via détaillée les réseaux sociaux sur des sites parodiques. sur desde supports externes (clés USB, disques (+, »,données &) et marques ponctuation ; ne Surces les données logiciels libres lesquels vous souhaitez pas que soient: Comment effacer ses traces ? gravés, etc.) ; durs externes, DVD publiées sur internet]. Logiciel libre : c’est un programme informatique modifiable par tous qui accordent www.april.org 2. composer le mot de passe avec au minimum certains utilisateurs. Il peut www.framasoft.net être payant mais son utilisation est libre et ɲ se déconnecter de; tous les sites droits visités ;utilisés désinstaller les logiciels nonaux ; huitɲ caractères Aussi, à l’article 38 des decopies. la loi chacun peutconformément l’étudier, le modifier ou distribuer «qu’ils informatique et libertés » du 6 janvier 1978de modifiée, ɲ 3. configurer les logiciels neen seévitant souviennent pas » des mots ɲun supprimer lespour fichiers inutiles et« vider la corbeille. créer mot de passe complexe je vous remercie de supprimer informations suivantes IMEI (International Mobileles Equipment Identity) : c’est un numéro unique Utiliser un mot de passe complexe pourpasse chaque compte ouvert ; ; Numéro automatiquement d’utiliser ses données personnelles telles que [Décrivez les données personnelles qui sert à identifier chaque téléphone. que vous souhaitez Pour garantir la sécurité de l’ordinateur : sa date de naissance ou son utiliser systématiquement le compte utilisateur pour naviguer sur ; nom faire supprimer]. ɲ effacer l’historique deInternet navigation ; ; Pare-feu : le du pare-feu estutilisateur complémentaire de l’anti-virus car son rôle est de ɲ surfer sur Internet à partir compte créer un mot de passe facile mémoriser en trier les informations pertinentes en croisant les sources de différents sites Je à vous demande de faire le nécessaire le réseau deégalement bloquer les communications intempestives. ɲ 4. fermer la session utilisateur notamment lors deet connexion dans un cyber-café. uniquement ; contrôler une phrase ; pour Internet, en choisissant des auteurs sérieux choisissant et en vérifiant les dates de que ces pages ne soient plus référencées par les PDA moteurs : Personal digital assistant. C’est publication ; de recherche. ɲ vérifier systématiquement l’expéditeur d’un un petit ordinateur de poche. 5. Différencier les mots de passe de chaque courriel ; compte enqui ajoutant laJepremière la Plug-in active X etet Java script : ce sont des programmes qui facilitent la navigation 4. protéger ses données personnelles et ne transmettre que ce est nécessaire vous rappelle que vous disposez d’un délai maximal de domaine. enles autorisant une suivant animation ou en aidant différentes tâches telles que lors d’achat en ligne ou lors d’une inscription àdernière desɲ sites Internet ;nom de deux mois réception de cedans courrier pour nelettre pasdu ouvrir pièces jointes d’unlacourriel l’installation deàmises à jour de sécurité. répondre ma ;demande (article 94 du décret du 20 envoyé par un expéditeur inconnu 5. sur les réseaux sociaux, bien choisir son pseudo et bien paramétrer son profil octobre 2005 pris pour l’application de la loi du 6 janvier NFClien (near field en communication) : c’est une technologie qui permet à et son compte de confidentialité ; 1. Choisir une phrase : Puce ɲ vérifier l’adresse d’un Internet passant la 1978 modifiée). souris dessus ; deux appareils électroniques de communiquer entre eux et sans fil lorsqu’ils 6. réfléchir avant toute publication de commentaires, vidéos ; Je Choisir unphotos mot deou passe complexe et prie sécurisé. sont physiquement proches (exempleMonsieur, : paiement sans contact via le téléphone vous d’agréer, Madame, l’expression ɲ ne télécharger que connus ou, portable). dedes mesprogrammes salutations distinguées. 7. respecter systématiquement le droit à l’image leàdroit d’expression ; 2. et Prendre les premiers caractères des mots par des sites défaut, des programmes distribués et utiliser différents caractères : Set Identifier. C’est le nom du Réseau sans fil. SSID : Service connus ; 8. dès qu’un contenu choquant apparait, éteindre immédiatement l’écran, en discuter avec un adulte et signaler lesɲ pages correspondantes Mot de passe créé : aussitôt C1mdpc&s. (Signature) stopper l’activité en cours lorsqu’une (www.pointdecontact.net) ; alerte se déclenche dans le navigateur ou bien 3. Ajouter la première et la dernière lettre du directement dans une page web ; 9. éviter d’accepter des rendez-vous avec des inconnus ou le cas: échéant, nom de domaine y aller accompagné et choisir un lieu de rencontreɲpublic et fréquenté ; (*) Source : www.cnil.fr privilégier les programmes et logiciels libres de Par exemple : www.udaf91.fr droits. 10. en cas de harcèlement sur Internet, prévenir immédiatement un adulte, faire de passe crééplainte. : C1mdpc&s.u1 retirer les commentaires ou photos des sitesMot Internet et porter

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1. 2.

3.

ɲ ne pas stocker les mots de passe sur l’ordinateur, les écrire sur un papier ou se les envoyer par courriel ; ɲ supprimer systématiquement les courriels envoyés lors d’une création de compte sur Internet ; ɲ configurer, au cas par cas, les logiciels pour qu’ils ne se « souviennent pas » automatiquement des mots de passe. (*)

Source : www.cnil.fr

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QUESTIONS DE FAMILLES

Les réseaux sociaux : une porte d’entrée aux prédateurs L’UDAF 94 a organisé, en décembre dernier, une rencontre entre familles et professionnels. Ouverte par la Présidente de l’UDAF Françoise Souweine et par le Directeur de la Direction Départementale de la Cohésion Sociale (DDCS) Bernard Zahra, elle a mobilisé près de 40 personnes. L’occasion pour les familles de questionner et d’échanger avec des professionnels de la Maison de l’Adolescent1 et bénévoles de l’association Sofi-Adfi 942 sur leurs inquiétudes liées à l’utilisation des réseaux sociaux par les jeunes. Intervention de Clotilde Le Gall, coordinatrice sociale du pôle ressources, Maison de l’Adolescent du Val-de-Marne

La Maison de l’Adolescent travaille sur les problématiques rencontrées en lien avec les adolescents depuis 2008-2009. Ses travaux menés sur les réseaux sociaux sont issus de demandes d’adolescents, suite à de mauvaises expériences en ligne. Si les jeunes expriment un véritable besoin d’échanger sur les réseaux sociaux –ils y passent environ 3h30 par jour- ils ont conscience de la possibilité d’y rencontrer des difficultés (menaces, intimidations, partages de photos privées sans accord…). Il est donc impératif que les adultes, parents comme professionnels instaurent le dialogue. Ce constat a amené la Maison de l’Adolescent à réfléchir avec les partenaires du territoire à des outils d’animation à destination des lieux d’accueil collectif : collèges, lycées, foyers d’accueil… Cette démarche collective a permis d’échanger avec les jeunes et les familles sur les bons gestes à mettre en place pour réduire les risques liés à l’utilisation des réseaux sociaux et prévenir l’action de prédateurs. Le guide du surf proposé par la Maison de l’adolescent reprend ces bonnes pratiques pour sécuriser les pratiques sur internet, et notamment Facebook. Il est disponible en téléchargement sur le site de l’UDAF 943.

Intervention de Michèle Cherpillod, présidente de l’association Sofi-Adfi 94

L’association Sofi-Adfi 94 travaille sur les phénomènes sectaires sur le département. Les réseaux sociaux font partie des nombreuses portes d’entrée aux prédateurs sectaires. L’association se base sur la recherche des critères de la MIVILUDES pour déceler un phénomène sectaire. Pour toucher les jeunes, les prédateurs opèrent souvent la nuit : il serait donc nécessaire d’interdire aux ados l’utilisation d’Internet, du smartphone ou de la tablette pendant la nuit. Privé de sommeil, ils sont en effet plus vulnérables. Rappelons que 15 % des ados envoient des SMS la nuit, 11 % se connectent sur les réseaux sociaux et 6 % se réveillent pour jouer sur internet. Des signes radicaux de changements comportementaux de la part des adolescents doivent alerter les adultes : utilisation excessive des portables, modifications importantes de l’alimentation, manque de sommeil… Dans tous les cas, il est primordial de garder le lien sans verbaliser de jugement.

Regard clinique du Dr Patrick Alecian, psychiatre, pédopsychiatre, ancien conseiller technique à la DPJJ (Ministère de la justice), coordinateur clinique de la Maison de l’Adolescent du Val-de-Marne

La méconnaissance du phénomène sectaire favorise une certaine confusion notamment avec les pratiques religieuses. Il faut être vigilant à ne pas confondre religion et secte : une secte, sous un masque religieux, va détourner les fondamentaux d’une pratique religieuse. Les réseaux sociaux complexifient l’action contre les dérives en organisant une nouvelle forme de dynamique sectaire sans la faire apparaitre concrètement, à la différence d’une secte organisée en association avec un statut juridique. Il est donc nécessaire d’adopter de bonnes pratiques d’utilisation des réseaux sociaux (en famille et à l’école), de soigner sa relation avec son enfant, et de se tenir prêt à avoir une mauvaise surprise malgré tout, le phénomène n’étant pas nouveau… 1/ www.maisondeladolescent.fr 2/ www.sofi-adfi94.fr 3/ www.udaf94.fr

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NUMÉROS UTILES POUR LES VICTIMES DE CYBER CRIMINALITÉ Ministère de l’Education Nationale : 30 20 Département 94 : 0800 600 790 Centre national d’assistance et de prévention de la radicalisation : N° vert : 0 800 005 696 ou sur internet : Stop-djihadime.gouv.fr

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RÉALITÉS FAMILIALES#FAMILLES CONNECTÉES#2016

CNAFC

12 questions à se poser sur les réseaux sociaux Confédération Nationale des Associations Familiales Catholiques www.afc-france.org

La Confédération Nationale des AFC a publié aux éditions de l’Emmanuel (déc. 2012) une brochure intitulée 12 questions à se poser sur les réseaux sociaux. Cet ouvrage a pour but d’aider à appréhender les réseaux sociaux, leurs risques, mais aussi leurs ressources pour tous les membres de la famille. Il offre des conseils précieux pour accompagner les jeunes dans un juste usage des réseaux sociaux. Nous vous livrons quelques extraits choisis. Quelle place accorder aux réseaux sociaux en famille ? En premier lieu, la tendance médiatique à la « ringardisation » des adultes par rapport à ces questions doit être clairement désamorcée, car les parents sont légitimes sur tous les sujets qui touchent à l’éducation de leurs enfants, y compris sur ce sujet technique. Il est aussi utile d’avoir à l’esprit que les parents sont responsables des agissements de leur enfant y compris dans l’espace numérique. Il faut sans doute faire prendre conscience aux enfants que les propos tenus sur les réseaux sociaux sont de même nature que dans la vie courante. […] Mais les ressources offertes par ces outils peuvent être très largement positives. Les liens entre les membres d’une famille séparés par l’espace peuvent être entretenus. Des compétences acquises par les plus jeunes peuvent être partagées avec les parents ou plus souvent avec les grands-parents. Un démenti au discours « jeuniste » sur internet est d’ailleurs apporté par la facilité avec laquelle de nombreux séniors se mettent à utiliser ces outils même à un âge relativement avancé avec l’aide de leurs petits-enfants. Les réseaux sociaux peuvent être aussi un espace de création et de partage. […] Ainsi, le contrôle de l’usage des réseaux sociaux n’est pas à sens unique, mais l’enfant est impliqué dans son usage familial.

A commander sur: www.librairie-emmanuel.fr

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Enfin, sur le plan pratique, et cela est valable pour tous les médias, les enfants ne doivent pas se retrouver durablement seuls face aux réseaux sociaux. Il est nécessaire d’installer l’ordinateur familial dans un lieu collectif de la maison afin qu’une régulation naturelle s’opère et qu’un adulte puisse être présent en cas de trouble du jeune internaute.

Quel dialogue instaurer avec ses enfants sur les réseaux sociaux dans leur quotidien ?

Le premier critère à réguler sur les réseaux sociaux est le temps. En effet, ces services ont la particularité d’être chronophages et d’entretenir le suspense de l’utilisateur : untel à qui je viens d’envoyer un message va-t-il me répondre ? Telle information publiée va-t-elle déclencher l’intérêt ? etc. une première négociation est sans doute à mener sur la durée, la fréquence et les moments de la semaine propices à l’utilisation des réseaux sociaux. Mais la partie n’est pas simple car la combinaison réseaux sociaux et échanges par SMS peut contourner les règles édictées ! Responsabiliser les plus jeunes dans leur usage et donner des objectifs clairs restent les meilleures garanties pour instaurer un dialogue à ce sujet. […]Sans doute est-il légitime que les parents s’inquiètent d’une perte de contrôle des relations de leur progéniture, mais une surveillance permanente – facilement permise par la technologie – faisant peser un sentiment de tutelle continue n’autorisant aucun espace d’intimité peut être préjudiciable au développement de l’autonomie de l’enfant. Une alternative peut cependant consister à exiger de ses enfants de connaître ses codes d’accès. […]En effet, en cas de problème avéré, les parents conservent ainsi la possibilité d’intervenir, voire de fermer le compte en cas de débordement. l

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CNAFAL

Écoute Papy, je t’explique… « Tu cliques sur cet icône, tu fais glisser puis tu fais un double clic... c’est simple, c’est intuitif…. »

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ntuitif, c’est un mot souvent utilisé par les jeunes, nés avec un écran et un clavier dans les mains ! Mais les plus anciens ont besoin d’explications logiques et progressives, pour rentrer dans le monde numérique qui les entoure au quotidien. On peut parler de fracture numérique à deux niveaux. Tout d’abord au niveau du matériel, l’ordinateur, les outils de connexion à internet, les réseaux locaux parfois peu fiables. Tout ceci est coûteux : achat du matériel, abonnements, maintenance. Ensuite, il y a le problème des compétences, s’initier à ces outils est parfois très difficile pour certaines personnes. Ce n’est pas une question d’âge, ni de formation de base, mais d’une curiosité d’esprit et parfois de nécessité. Nombreux sont les grands parents qui utilisent régulièrement Internet pour correspondre avec les petits enfants à l’autre bout de la terre. Ils commencent par gérer et envoyer des photos et ils se prennent au jeu de la découverte des réseaux sociaux, de leurs avantages, de leurs dangers. Ceux-ci sauront chercher les horaires du cabinet médical, le classement des meilleures maisons de retraite, mais les autres, ceux qui n’ont pas la famille, les amis, se trouvent dépassés par les nouvelles technologies, et bien souvent n’osent pas l’avouer. Ceci est vrai aussi pour les personnes en grande précarité. Comment peuventils s’en sortir alors que les services publics et

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parapublics dématérialisent de plus en plus les relations avec les usagers : les résultats d’analyses biologiques, le suivi des comptes bancaires, les déclarations d’impôts…. Quelques outils informatiques simples ont été mis en place. Par exemple, la téléalarme, les robots de compagnie, les piluliers électroniques qui organisent la prise de médicaments et contribuent à réguler la vie et le rapport au temps qui passe. Sur les smartphones, des applications à objectifs médicaux se développent, mais là c’est une fracture sociale, comment obtenir des subventions pour que ceux qui en ont besoin puissent les acheter ?

Conseil National des Associations Familiales Laïques cnafal@cnafal.net www.cnafal.org

Pour développer le lien social et éviter l’isolement, des expériences dans le domaine de l’initiation au numérique existent. Par exemple, des militants du CNAFAL assurent des permanences, soit dans les locaux des AFL, soit dans d’autres structures où des aides personnalisées sont apportées : créer une adresse de messagerie, envoyer des photos, rechercher les coordonnées du centre de soins. « Tu as raison fiston, c’est super intéressant, maintenant que je sais envoyer des messages, je vais écrire à tous les responsables politiques, pour qu’ils développent les subventions aux associations créant du lien social et luttant contre la fracture numérique... ». l

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RÉALITÉS FAMILIALES#FAMILLES CONNECTÉES#2016

FAMILLES DE FRANCE

Intervenir dans les écoles Découvrir des pratiques

www.familles-de-france.org Michel BONNET intervenant pour Familles de France dans les établissements scolaires et universitaires pour l’éducation au numérique.

#classe

Une intervention commence généralement en questionnant les jeunes sur leurs pratiques (temps d’écran, sites fréquentés, réseaux sociaux), en leur présentant en parallèle des données quantitatives qui les amènent à mesurer leurs pratiques respectives. Enjeu : distinguer 3 groupes en fonction de leurs attentes et compétences : fréquenter un réseau social pour y fournir un contenu (photos, vidéos, texte…), pour lire et « liker » ces contenus, ou en étant tout à fait passif et ne produisant rien, n’est pas la même chose.

Maitriser la langue

L’éducation au numérique est fondamentalement complémentaire des programmes scolaires traditionnels et ne dispense pas des compétences de base. Si on parle d’arts numériques, de programmation, de design, n’oublions pas qu’Internet reste aussi un outil écrit et qu’un jeune ne maitrisant pas la lecture aura beaucoup de difficultés à l’utiliser. C’est aussi la base de la prévention face aux dangers d’Internet : comment réagir si je ne suis même pas capable de lire et de comprendre ce que j’ai sous les yeux ?

Parler des usages numériques dans une classe est toujours délicat : faire d’un sujet complexe une intervention accessible, et plus ! Car si l’adulte référent entre en classe croyant savoir, il y apprend aussi toujours quelque chose. C’est d’autant plus vrai face aux jeunes et aux nouvelles technologies...

#

Tisser des liens, de la communication au harcèlement

Un des enjeux de l’intervention : faire comprendre aux jeunes que la pauvreté du vocabulaire affaiblit la qualité de la communication. Pour cela, l’intervenant met les collégiens dans la situation d’un événement simple où, faute de communication, on joue à se « prendre la tête », « créer une embrouille » ou « s’insulter »… Suit un temps de réflexion sur la rumeur et le harcèlement : 2 situations que les jeunes connaissent très bien et vivent parfois même en classe.

Rendre le virtuel plus réel

L’intervention est un temps d’échange où l’adulte doit aussi écouter et dépasser les clichés ! La plupart des collégiens font très bien la différence entre la réalité et le numérique et sont très conscients des limites. Mais des sujets comme la gratuité sur Internet, la publicité et l’argent méritent qu’on s’y attarde ! Il faut expliquer comment la plus banale des applications ou les vidéos dont ils raffolent ne sont pas gratuites mais bien payées à travers la publicité et la vente de données personnelles. Enchaîner sur les bonnes pratiques et les moyens de se protéger, en accompagnant la réflexion d’un petit jeu de rôle presque pas virtuel : « imaginons la création d’un magasin spécialisé dans la ville (un type de magasin absent chez eux et qui leur manque terriblement comme la musique, le sport, ou les jeux vidéo…). Imaginons les différents moyens de se faire connaitre et parlons publicité, spam, fichier client… »

Ouvrir des espaces numériques privés, ludiques, ou professionnels

Une séance dure environ 1 heure et le temps de clôture permet de rappeler l’essentiel : sur internet 3 espaces cohabitent : privé, ludique, professionnel. La règle d’or : à chaque espace ses règles qu’il convient de respecter. l

AU-DELÀ DES INTERVENTIONS PONCTUELLES

•N os programmes d’intervention scolaire sont développés en coordination avec les établissements, le contenu des séances préparé avec un ou deux enseignants, qui reprennent le message et les outils au long de l’année • Nos programmes favorisent aussi les interventions en continuité dans la scolarité, à différents niveaux scolaires - pour que l’action soit complète nous encourageons également des interventions similaires auprès des parents par des conférences en soirée l

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ENFANCE ET FAMILLES D’ADOPTION (EFA)

Adoption, origines et réseaux sociaux Julien (17 ans) reçoit sur sa page Facebook un message d’une personne disant être sa mère d’origine. Il répond qu’il va très bien et qu’il ne souhaite pas échanger davantage. Il en informe ses parents. Marthe reçoit sur sa page Facebook un message d’une personne disant être la mère de naissance de sa fille et lui demandant de l’argent pour acheter des médicaments. Myriam (25 ans) a retrouvé sa mère de naissance avec l’aide d’une ONG. Elles ont échangé pendant deux ans avant de se rencontrer.

I

nternet et les réseaux sociaux ont aboli les distances. Que l’adoption ait eu lieu en France ou à l’étranger, aucune personne adoptée, aucun parent adoptif, aucun membre d’une famille ayant confié un enfant à l’adoption n’est à l’abri d’irruptions dans sa vie privée, opportunes ou non. La fédération Enfance & Familles d’Adoption et ses associations se sont penchées sur cette évolution qui, non maîtrisée, peut mettre à mal des principes fondamentaux : le droit au respect de sa vie privée, celui de rechercher ou non ses origines. Un premier travail de sensibilisation a porté sur les blogs créés par des parents. Ces blogs comportaient souvent des informations identifiantes (nom de l’orphelinat, d’une nourrice, date de l’adoption, détails sur la santé de l’enfant, photos). Les risques, la nécessité de préserver l’enfant, ont été abordés lors de rencontres sur la parentalité, dans la revue Accueil et sur le site d’EFA. Une campagne analogue a été menée par l’association La Voix des Adoptés. Une recherche récente sur Internet a montré que la plupart de ces blogs sont désormais fermés, ou d’accès restreint, même si quelques-uns continuent d’être ouverts à toute la planète.

la ville Y à telle date, ta mère s’appelle XXX, elle t’a laissé un bracelet, nous sommes tes frères, nous t’attendons ». Ce type de message, abondamment partagé, suscite des réponses du style : « J’ai une cousine dans cette ville, qui connaît quelqu’un à la maternité, je vais lui demander ». EFA a alerté les familles et des institutions comme le Conseil national pour l’accès aux origines personnelles (CNAOP). Plusieurs associations ont « nettoyé » le mur de leur compte Facebook ou opté pour des accès restreints, mais on continue de voir fleurir ce type de recherche, visant parfois des mineurs, sur des pages personnelles, dont certaines suivies par plusieurs centaines de personnes.

www.adoptionefa.org Janice PEYRÉ Présidente d’honneur d’Enfance & Familles d’Adoption Ancien membre du Conseil national pour l’accès aux origines personnelles

Actuellement, EFA prépare un livret sur les réseaux sociaux qui s’adresse aux mineurs. Des rencontres en direction des parents invitent à un partage de réflexions et de pratiques plus larges sur leur propre rapport aux réseaux sociaux, en utilisant et adaptant divers outils émanant d’institutions, de compagnies d’assurances, des milieux scolaires : quelles précautions prenons-nous pour nous protéger et protéger notre famille ? Quelles pratiques inculquons-nous à nos enfants ? En parallèle, quel dialogue engageons-nous avec nos enfants sur la question des origines, quelle écoute leur offrons-nous ? L’enjeu est d’apprendre aux jeunes à vivre avec ces nouveaux réseaux d’échange, à en tirer les bénéfices sans en être les victimes, à préserver l’initiative et la maîtrise des contacts, qu’il s’agisse de la question des origines ou de toute autre forme d’interaction sociale. l

Un deuxième travail a porté sur les comptes Facebook d’associations qui publiaient des demandes de recherche avec des détails précis et parfois des photos : « Tu es né à l’hôpital X de ©JaysonPhotography / Shutterstock.com

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RÉALITÉS FAMILIALES#FAMILLES CONNECTÉES#2016

FÉDÉRATION NATIONALE DE LA MÉDAILLE DE LA FAMILLE FRANÇAISE

Des outils au service de la communication intergénérationnelle ? B

ien entendu, l’évolution des systèmes de relation entre les personnes portée par le numérique a été une formidable possibilité de communications aussi bien en famille que dans les relations commerciales, sociales et associatives. Fédération Nationale de la Médaille de la Famille

Cette nouvelle façon de communiquer a atténué l’effet négatif apporté par l’évolution parallèle de l’éloignement géographique des membres de toute famille, car il est rare que les familles et les fratries ne se trouvent éclatées par la distance entre ses membres, due aux difficiles possibilités d’offres de travail, ou d’études, et ce non seulement en France mais aussi à travers le monde. Et dans les familles nombreuses qui sont la base des associations de la « Médaille de la Famille », les possibilités offertes par l’usage du numérique revêtent un caractère d’autant plus importantes,

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même si la grande majorité des adhérents est composée de personnes plutôt comptées parmi les « ainées ». En effet, elles sont poussées à cet usage, non seulement par leurs enfants mais encore plus par leurs petits-enfants souvent très nombreux, prêts à les aider dans l’usage de ces nouveaux procédés de communication.

Une confidence exemplaire :

Des petits fils fervents et attentionnés et ont installé sur l’ordinateur de leur chère grandmère, une application dont ils ont facilité l’utilisation par une simple icône intitulée : « à l’aide, Antoine ! ». Lorsqu’une manœuvre malencontreuse ou un obstacle contrariant et chronique de fonctionnement, se produit ! Ces jeunes experts peuvent ainsi avoir accès à distance à l’ordinateur pour effectuer le dépannage adéquat. l

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MAISONS FAMILIALES RURALES

Le numérique pour créer du lien entre élèves et parents L’Union nationale des maisons familiales rurales présente deux expériences menées par des maisons familiales d’utilisation des outils numériques durant les formations proposées pour créer du lien entre les parents et les élèves. EXPÉRIENCE 1

Un blog pour s’impliquer dans la formation de son enfant A l’usage des familles et des maîtres de stage et d’apprentissage lorsque les jeunes sont en formation, le blog « Bonopat » de la MFR de la Bonnauderie à Cholet (Maine-et-Loire), alimenté par les formateurs, rythme la vie des apprentis pâtissiers et boulangers depuis 2005. Plus de 700 reportages photos publiés mettent en valeur le travail des jeunes au laboratoire ou au fournil ! Le blog est présenté lors des visites que réalisent, vers le mois de décembre, les formateurs dans les familles des jeunes. Ces déplacements chez les parents ont de nombreux atouts. C’est l’occasion non seulement de réaliser le bilan pédagogique mais également d’échanger autour du blog, traité comme un album photo en ligne qui montre aux parents ce que vivent les jeunes en situation professionnelle : « Cela nous oblige à faire ce que l’on dit » souligne Gérard Mary, le moniteur à l’initiative du blog. « Nous souhaitons valoriser des attitudes positives, des jeunes souriants, concentrés, dans une posture professionnelle » poursuit-il. Cette exigence dans la présentation du travail réalisé est recherchée autant pour les familles que pour les maîtres d’apprentissage qui apprécient également de pouvoir suivre sur le blog les aspects techniques abordés en formation. « Ils sont toujours satisfaits de constater qu’à la MFR aussi, on travaille de façon rigoureuse, et qu’il y a donc une continuité dans les apprentissages entre l’entreprise et le centre de formation » explique Gérard Mary. Aujourd’hui les photos du blog constituent de véritables archives techniques pour les moniteurs qui peuvent revoir les gestes des apprentis, les différentes étapes des recettes comme le résultat final. Les familles peuvent ainsi suivre à distance l’évolution de leurs enfants qui sont tous internes à la MFR, et voir concrètement, à travers les photos, leurs réalisations présentées sur le blog tout au long de l’année. « Je suis impressionnée par

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le travail qu’ils fournissent », indique la maman d’Aymeric, apprenti en terminale Bac pro boulangerie-pâtisserie. « Je suis le parcours de mon fils à la MFR sans être obligée de l’assaillir de questions dès qu’il rentre de la MFR, le vendredi soir. Je peux cibler mon questionnement le weekend ». Elle ajoute : « Sur les photos, je peux même voir si mon fils est satisfait de son travail ou non, cela m’évite de le froisser… Parfois je préfère parler d’un autre sujet, pour lequel je sais qu’il n’y a pas eu d’évaluation, comme la fois où j’ai vu qu’il avait participé à une formation de secourisme par exemple ». Cette maman « connectée » en profite également pour aborder la question du numérique avec son fils : « On a toujours l’impression que seuls les adultes utilisent Internet à bon escient, mais avec ce blog, les jeunes trouvent matière à s’instruire. (…) Il y a même des conseils d’anciens élèves, des offres d’emploi ou d’apprentissage sur le site de la MFR. C’est pratique ! ».

Maisons familiales rurales www.mfr.asso.fr

blog

Le papa d’Axel, en première année de CAP pâtissier, découvre le blog depuis peu et il confirme déjà son utilité : « Je me connecte dès que je peux, cela me permet de suivre ce que mon fils a fait la semaine ». L’espace numérique s’intéresse également aux voyages d’étude, aux visites professionnelles et aux réalisations des participants aux concours du meilleur apprenti. Lors de ces visites, les jeunes portent le costume, les filles le tailleur. Le savoir être est important dans les métiers de bouche. Les familles découvrent ainsi leurs enfants sous un jour nouveau pour elles. Dès que cela est possible, les jeunes réalisent eux-mêmes les prises de vue. « C’est une façon de les impliquer davantage dans le blog, mais également de pouvoir faire participer ceux qui sont empêchés de cuisiner pour des raisons de santé » explique Gérard Mary. Pour continuer à répondre aux questions des parents, la MFR est ensuite allée plus loin, il y a trois ans, en mettant en ligne des vidéos tournées en travaux pratiques de cuisine. « L’idée

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Aux côtés des familles

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était d’expliquer aux parents ce que signifie le « coup de feu » en cuisine », précise Alain Nicoleau, formateur, qui a eu l’idée d’équiper les jeunes de caméras. « On peut désormais suivre la préparation des plats à la MFR ». Les familles abonnées sont alertées par SMS pour suivre la diffusion en direct ou peuvent retrouver les films sur Youtube via le site de la MFR. De nouveaux projets sont envisagés comme la prise de vue avec un drone depuis le plafond de la salle ou bien la fixation de caméras sur la toque des apprentis pour qu’ils puissent commenter leurs gestes. A la Bonnauderie, innovation rime avec création ! Le site : www.bonopat.com EXPÉRIENCE 2

Numérique : quand les enfants parlent aux parents

La MFR d’Aire sur Adour dans les Landes accueille des jeunes en formation agricole et services à la personne. Pendant le premier trimestre, les élèves de Seconde ont travaillé sur la question du numérique, à la demande du conseil d’administration. « Ce sont les parents qui ont souhaité que la MFR engage les jeunes à réfléchir à la place des écrans dans la vie quotidienne des adolescents », expliquent Caroline Baillet et Sophie Gilles, monitrices à la MFR. « Ils nourrissent une certaine inquiétude sur l’utilisation excessive des réseaux sociaux notamment ». « Nous rencontrons des problèmes plutôt avec les plus jeunes de 4e/3e. Il nous est arrivé plusieurs fois de recevoir des appels de parents qui nous ont alertés sur des messages porteurs de moqueries ou d’insultes, sur Facebook par exemple. » Des intrusions qui arrivent plutôt lorsque les jeunes sont en alternance, en stage. « Nous gérons ce type de conflit par le dialogue, à la demande des parents, quand les jeunes reviennent en formation, à la MFR avec les élèves concernés. C’est délicat d’intervenir car les faits se passent lorsque les jeunes ne sont pas à la MFR mais c’est important, cela permet de couper court à ces agissements. » La discussion permet souvent une prise de conscience. C’est pourquoi les administrateurs ont pensé que faire travailler les jeunes sur cette question pouvait aussi permettre une plus grande prévention. Ce sont finalement les jeunes de Secondes qui se sont lancés dans le projet, dans le cadre d’un module d’éducation socio-culturelle. Par groupe ils ont fait des recherches sur les atouts et les dérives du numérique. « Les jeunes, il faut le noter, y voient beaucoup plus d’avantages que d’inconvénients. » Les jeunes ont travaillé en partenariat avec une association, La Source, qui déploie une approche pluridisciplinaire dans l’accompagnement des personnes et de leur famille rencontrant des problèmes liés

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aux addictions. Ce projet, conduit par les jeunes, entrait parfaitement dans le cadre de l’appel à partenariat que lance tous les ans l’Union nationale des Maison familiale rurale et la Caisse centrale de la Mutualité Sociale Agricole à l’intention de toutes les MFR. Les projets soutenus doivent être innovants, portés par les jeunes et impliquer les familles et des partenaires sur des sujets sociaux. C’était le cas de ce projet qui a reçu un accueil favorable. Les jeunes ont donc travaillé par groupe sur un thème, la télévision, les réseaux sociaux, le téléphone portable, les jeux vidéo. Chaque groupe a réalisé des panneaux et apporté la matière pour construire un document Powerpoint sur le sujet. L’objectif était de présenter eux-mêmes une synthèse de leur réflexion à l’assemblée générale de la MFR en décembre, devant tous les parents invités et les jeunes. Ils n’ont pas ménagé leurs conseils aux parents : contrôle du temps passé sur les écrans, contrat passé entre adolescents et parents, activation du contrôle parental sur Internet, vérification de l’historique… Une « conférence » qui a planté le décor avant de laisser la parole aux parents qui ont reconnu qu’eux non plus n’avaient pas toujours le bon comportement avec les écrans. Un psychologue de l’association La Source a pris le relais pour apporter des compléments d’information quand les jeunes en avaient besoin. Le projet avait atteint son objectif : celui de restaurer le dialogue entre parents et enfants sur un sujet qui sème souvent la zizanie dans les familles. l

MAISONS FAMILIALES RURALES : 60 000 FAMILLES MOBILISÉES

Les MFR sont des associations familiales. Elles témoignent chaque jour de la capacité des familles à agir localement, à s’organiser pour prendre en main leur destin en permettant à leurs enfants de se former. Avec 60 000 adhérents, les 430 MFR témoignent de leur expérience de l’implication des familles, de la vie associative et de leur expertise sur les sujets éducatifs dans les UDAF, à l’UNAF, dans les instances de l’économie sociale et auprès de nombreuses organisations nationales ou européennes. Les MFR forment aujourd’hui, par la voie de l’alternance, 60 000 jeunes en formation de la 4e au BTS et 30 000 adultes en formation professionnelle continue. Implantées principalement dans les territoires ruraux, les MFR sont organisées au niveau départemental et régional et adhèrent à l’Union nationale des MFR.

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Bibliographie

Le centre de documentation de l’UNAF situé au 28, place Saint-Georges à l’UNAF propose une large gamme d’articles, de textes de références et d’ouvrages sur le thème.

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Dans le cadre de la politique de dématérialisation du fonds documentaire, la plupart des documents cités sont disponibles en ligne.

Sél e cti o n Bibliographique « ENFANCE ET NUMERIQUE » ETAT DES LIEUX Droits et les libertés à l’épreuve du numérique (Les) : Dossier/ Hommes & libertés (n° 171), 2015. pp. 31-55 Ce dossier souligne les risques liés aux libertés et aux droits fondamentaux à l’épreuve de l’internet. Les risques sont dus à l’utilisation des données personnelles, ainsi que la capacité toujours plus grande de les stocker, traiter et exploiter pour des finalités non prévues au moment du recueil. Dans le domaine de la santé, le dossier s’interroge sur la protection des données personnelles à l’ère du big data, avec des données qui sont largement divulguées par l’utilisation d’objets connectés et l’évolution du statut du secret médical. Par ailleurs, internet est également un redoutable vecteur de diffusion de contenus plus ou moins contraires à la démocratie et au maintien du lien social. Données numériques (Les) : un enjeu d’éducation et de citoyenneté CONSEIL ECONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL. (Avis et rapports du Conseil Economique, Social et Environnemental n° 2015-01) 2015, 154 p. L’actualité récente concernant les données numériques personnelles et leur surveillance a montré l’existence de risques réels d’atteinte à la vie privée et au fondement de nos démocraties ainsi que l’importance de donner à chacun les clés de compréhension de cet univers et ses enjeux. Dans le même temps, l’administration française s’engage dans le mouvement de l’Open Data (ouverture des données publiques). C’est dans ce contexte LES AVIS DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL

Les données numériques : un enjeu d’éducation et de citoyenneté Éric Peres

Janvier 2015

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que le CESE (Conseil Economique, Social et Environnemental) a décidé de travailler sur cette question. Parmi les préconisations avancées, dans le domaine éducatif, le Conseil aborde l’importance de soutenir les familles dans leur rôle dans la transition numérique et de former les enseignants et les élèves afin de promouvoir l’éducation numérique. Avis en ligne sur : www.lecese.fr

Reconnaître, valoriser, encourager l’engagement des jeunes/ FRANCE STRATEGIE. NABLI, Béligh ; NAVES, Marie-Cécile 2015, 82 p. Comment favoriser l’engagement des jeunes dans la société, alors qu’ils font montre d’un des plus forts niveaux de défiance envers celle-ci ? S’ils sont en moyenne moins impliqués dans les associations, syndicats et partis politiques, les réseaux sociaux leur permettent, en revanche, d’inventer d’autres moyens de mobilisation et d’expression collectives. A partir d’enquêtes auprès des jeunes, ce rapport avance 25 propositions autour de trois axes : faciliter la socialisation et la pratique même de l’engagement des jeunes ; reconnaître et valoriser cet engagement ; l’encourager dans les processus de décision. Rapport en ligne sur : www.strategie.gouv.fr/publications

Lien social et Internet dans l’espace privé MARQUET, Jacques ; dir. ; SERVAIS, Paul ; dir., HarmattanAcademia S.A. : 2012, 318 p. (M85.4 LIE) Le développement des usages des réseaux sociaux de l’internet introduisent de nouvelles possibilités d’exposition de soi, de communication et de création de communautés. Le temps, l’espace et l’intimité ne sont plus perçus de la même façon. Cet ouvrage recueille les prises de positions contradictoires relatives à l’impact d’internet sur les modes de sociabilité et sur le lien social. La première partie analyse les usagers d’internet et le phénomène

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Bibliographie

de dévoilement de soi sur la scène publique via les nouvelles technologies. La deuxième partie étudie la place accordée aux technologies de la communication dans des épreuves de vie (le baccalauréat, l’intimité conjugale, les relations grands-parents / adolescents). Les pratiques adolescentes sont étudiées dont la construction sociale des relations intimes nouées via les sites de rencontre. La troisième partie est consacrée au jeu et analyse les pratiques et les représentations des joueurs des jeux de rôle en ligne. Certains experts mettent en évidence la constitution de communautés virtuelles, la possibilité de maintenir les liens malgré l’éloignement, alors que d’autres mettent en exergue les risques d’isolement social, les conséquences psychiques et relationnelles.

Il y a urgence à protéger les enfants contre les messages qui les mettent en danger BRUNETTI-PONS, Clotilde/RLDC - Revue Lamy droit civil (n° 122), 2015. pp. 38-42 Cet article propose deux types de mesures juridiques pour protéger les enfants contre la prolifération dans les jeux vidéos des messages inadaptés aux mineurs. Tout d’abord, pour assurer une protection effective de l’enfant, l’émetteur de tels messages doit être sanctionné plus efficacement, ce qui implique une réécriture de l’article 227-24 du code pénal. En second lieu, le commerce des jeux violents doit être interdit à partir du moment où le message porte atteinte à la dignité humaine, présente le risque de traumatiser un enfant ou est de nature à inciter à la violence.

Technologies numériques : les liens familles-professionnels-institutions/ AGUILAR, Maria Carmen ; coord. ; FRANCIS, Véronique ; coord., Revue internationale de l’éducation familiale (n° 35), 2014. pp. 05-92 L’objectif du dossier est d’étudier les contextes numériques dans lesquels les professionnels et les parents échangent et agissent, ainsi que les évolutions qui touchent les institutions. Les articles analysent les places et les usages des technologies numériques dans les liens entre les familles et les acteurs de l’éducation dans le champ scolaire, de la protection de l’enfance ou dans celui du handicap.

Ecrans s’invitent au berceau ? (Les) : dossier Le Furet (n° 74), 2014. pp. 15-39 Les écrans occupent une place de plus en plus importante dans le quotidien des enfants dès leur plus jeune âge. Ce dossier rassemble les contributions d’experts qui analysent les effets néfastes d’une exposition précoce et intense des enfants aux écrans et tentent de répondre aux interrogations des parents et des professionnels de la petite enfance sur l’attitude préventive à adopter et sur leur rôle essentiel d’éducateurs aux médias. Un article d’Olivier Andrieu-Gerard, chargé de mission à l’UNAF insiste sur l’enjeu pour les parents d’accompagner les enfants dans la société numérique.

Numérique (Le) : Pour apprendre autrement ? BERNARD, Christophe ; BERKOVICIUS, Sabine, Le Lien - Magazine des Maisons Familiales Rurales d’Education et d’Orientation (n° 345), 2013. pp. 11-18 (L 32 BER) Ce dossier expose comment les Maisons Familiales Rurales utilisent les technologies numériques dans leurs pratiques pédagogiques. Portables et réseaux sociaux : la nouvelle donne du placement familial HELFTER, Caroline, Actualités sociales hebdomadaires (n° 2783), 2012. pp. 24-27 (M 85.4 HEL) Cet article soulève les problèmes et les bouleversements engendrés par les Technologies de l’information et de la communication (TIC) dans le travail social des familles d’accueil. En effet, le téléphone portable et Internet ouvrent des possibilités relationnelles inédites entre les enfants placés et leurs parents. Ces usages des TIC entre parents et enfants, obligent les professionnels du placement familial à repenser les formes de protection et d’accompagnement des enfants.

LES ECRANS et LES ENFANTS Enfants et Internet à la maison : familles et rapports générationnels en mutation Revue internationale de l’éducation familiale (n° 37), 2015. pp. 17-37 Cet article analyse l’utilisation d’internet par les enfants à la maison, ainsi que les rapports entre adultes et enfants qui en résultent. Internet s’est installé au coeur de la famille et l’article dresse plusieurs constats. Tout d’abord, l’espace familial est modelé par des pratiques technologiques. Cependant, les clivages sociaux réapparaissent vigoureusement en ce qui concerne l’usage quotidien d’Internet. En effet, dans les familles avec un bas niveau de scolarité les enfants sont souvent les éducateurs numériques de leurs parents, bouleversant ainsi le rapport éducatif traditionnel.

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Enfant et les écrans (L’) : Un avis de l’Académie des Sciences ACADEMIE DES SCIENCES. BACH, Jean-François ; HOUDE, Olivier ; LENA, Pierre ; TISSERON, Serge ; 2013, 124 p. Face à l’évolution de la culture des écrans et l’utilisation massive des nouvelles technologies, l’Académie des sciences dresse un état des lieux des enjeux, des bénéfices et des risques avérés de l’exposition des enfants et des adolescents aux écrans de tout type. L’Avis, assorti de recommandations, souligne les aspects bénéfiques sur le développement cognitif selon chaque tranche d’âge, mais préconise un usage raisonné et encadré des écrans. A télécharger www.academie-sciences.fr

Générations numériques des enfants mutants ? FOURNIER, Martine ; coord., Sciences humaines (n° 252S), 2013. pp. 26-57 Ce dossier réalisé en partenariat avec le l’Association de psychologie et psychopathologie de l’enfant et l’adolescent (APPEA) se propose de faire le point sur le développement des outils numériques et l’impact des écrans sur notre vie quotidienne. Les experts analysent la manière dont les innovations technologiques affectent le développement des enfants et s’interrogent sur leurs nouvelles modalités de pensée, sur leur développement et leur fonctionnement cérébraux. Face à l’inquiétude des parents et des éducateurs suscitée par ces nouvelles pratiques, les auteurs soulignent l’importance du rôle de l’éducateur et de l’encadrement des usages des écrans par des pratiques appropriées à chaque âge.

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Ecrans (Les) : dossier DERAIN, Marie ; OCTOBRE, Sylvie ; HUERRE, Patrice ; TISSERON, Serge ; BLANC, Florent ; LELEU-GALLAND, Eve ; ZANONI, Marc ; VIROLE, Benoit, Enfance majuscule (n° 129), 2013. pp. 3-38 Ce numéro explore divers points de vue sur la question des écrans et des enfants. Les différents intervenants analysent les nouvelles pratiques culturelles des jeunes et s’inquiètent de la violence des jeux vidéo et de l’absence de maîtrise des contenus. Ils exposent les préoccupations des parents et soulignent l’importance de communiquer et d’accompagner les enfants. Une éducation aux médias est indispensable à l’école mais aussi au sein de la famille, afin de sensibiliser les enfants à l’influence des écrans sur eux. Des aspects positifs sont aussi soulignés par les experts. En effet, le développement du numériques dans le cadre de l’espace rural a permis de désenclaver le territoire, d’accéder à la culture et aux savoirs et de renouer les solidarités y compris intergénérationnelles. Ce dossier croise les regards, mais lève aussi les malentendus et donne des pistes de réflexions.

Jeunes et médias : au-delà des clichés : Déconstruire les stéréotypes INSTITUT NATIONAL DE LA JEUNESSE ET DE L’EDUCATION POPULAIRE, GARNIER-LAVALLEY, Mikaël ; coord. ; PERNETTE, Marie-Pierre ; coord., 2012 , 79 p. Cahiers de l’action (n° 35), 2012. 79 p. Ce numéro publié par l’INJEP, en partenariat avec l’Association des conseils d’enfants et de jeunes (Anacej), rassemble les contributions de spécialistes de la jeunesse et des médias, qui analysent les relations paradoxales qu’entretiennent les médias d’information avec la jeunesse. Ces contributions décryptent la représentation médiatique des jeunes, mais apportent aussi une meilleure connaissance de leur usage des médias. Ces réflexions permettent d’imaginer un renouvellement des rapports entre les jeunes et les médias et de proposer des pistes d’actions afin de remédier aux stéréotypes véhiculés par les médias.

Enfants et internet. La participation des jeunes à travers les réseaux sociaux (Les) : (seconde partie) GRAZIANI, Laurène, Journal du droit des jeunes [La revue d’action juridique et sociale] (n° 318), 2012. pp. 39-51 Face aux nouveaux défis et aux risques liés à internet et aux réseaux sociaux pour les enfants, l’auteur a élaboré un questionnaire afin d’interroger les jeunes sur leur perception et l’utilisation des réseaux sociaux (Facebook et Internet). Cet article rend compte du déroulement de l’action entreprise avec deux groupes d’enfants, l’un en Indonésie, l’autre en France et analyse les résultats obtenus suite à la diffusion du questionnaire. D’une manière générale, Internet fait partie intégrante de la vie des enfants. Mais, la plupart des enfants interrogés admettent une disjonction entre la vie virtuelle et réelle.

NUMERIQUE ET ECOLE

Enfants et écrans : grandir dans le monde numérique : Rapport 2012 consacré aux droits de l’enfant DEFENSEUR DES DROITS ; DEFENSEUR DES ENFANTS, BAUDIS, Dominique ; DERAIN, Marie, La Documentation française : 2012, 156 p. Ce rapport consacré aux relations des enfants aux écrans, fait la synthèse des études sur le comportement des mineurs sur Internet, mais aussi face à la télévision ou aux jeux vidéo. Il souligne les aspects positifs des nouveaux médias, leurs potentiels d’enrichissement social, éducatif et individuel et formule dix propositions pour rendre le monde numérique plus sûr et mieux protéger les enfants. Il met notamment l’accent sur la protection de la vie privée des jeunes et prône la possibilité d’effacement des données personnelles. Le rapport propose également de mener une campagne de sensibilisation directement auprès des enfants et des adolescents, qui méconnaissent encore trop leurs droits sur Internet. En ligne sur www.ladocumentationfrancaise.fr

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Comment le numérique a transformé l’école MEIRIEU, Philippe, Sciences Humaines (n° 277s), 2016. pp. 66-71 Philippe Meirieu fait le point sur les transformations et bouleversements de l’Ecole grâce ou à cause du numérique. Numérique, une chance pour l’école (Le) ? Projet (n° 345), 2015. 71 p. Pour les contributeurs de ce numéro de Projet, le numérique est une chance pour l’école. Il permet de redéfinir la place de l’enseignant, d’imaginer un nouveau modèle scolaire et à l’élève de redevenir acteur de sa scolarité. Tsunami numérique (Le) : Education Tout va changer ! Etes-vous prêts ? DAVIDENKOFF, Emmanuel, Stock : 2014, 197 p. D’après l’auteur, « un tsunami numérique s’apprête à déferler sur nos écoles, nos universités, nos grandes écoles ». Les innovations technologiques sont déjà présentes et Emmanuel Davidenkoff estime que le numérique devrait modifier le système éducatif français : tableaux blancs interactifs, MOOCs (cours magistraux consultables sur internet), formation continue des enseignants... sont appelés à réduire les inégalités entre les élèves. Harcèlement et cyberharcèlement à l’école : Une souffrance scolaire 2.0 BELLON, Jean-Pierre ; GARDETTE, Bertrand (Pédagogies) 2014, 151 p. Le harcèlement entre élèves est un phénomène d’avantage pris en compte qu’auparavant. Les auteurs de cet ouvrage se sont intéressés à ses nouvelles formes : le cyberharcèlement, lié à l’utilisation grandissante des téléphones portables et smartphones, d’Internet et des réseaux sociaux par les jeunes. Désormais, le harcèlement peut se faire à distance, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Ils analysent non seulement toutes ces évolutions mais indiquent également comment les établissements peuvent mettre en place des plans de prévention et de formation pour lutter contre ces dangers.

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Bibliographie

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Usages des TIC par les lycéens (Les) : déconnexion entre usages personnels et usages scolaires GUICHON, Nicolas, 2012, 18 p. S’appuyant sur une enquête auprès de lycéens de l’enseignement secondaire général, cette recherche permet d’établir un état des lieux des usages numériques des jeunes ainsi que d’étudier de quelles façons les outils numériques sont utilisés pour le travail à la maison et pour l’apprentissage des langues étrangères. Les résultats montrent que les usages sont très distincts entre la sphère privée et la sphère scolaire. En ligne sur le site du CNRS : hal.archives-ouvertes.fr

En librairie 3-6-9-12, apprivoiser les écrans et grandir ;

Serge TISSERON ; éd. Eres ; Collection : 1001 et + ; 2013 ; 136 pages ; 10 e. « En quelques années, les technologies numériques ont bouleversé notre vie publique, nos habitudes familiales et même notre intimité. Les parents et les pédagogues en sont souvent désorientés. La règle que j’ai appelée « 3-6-9-12 » donne quelques conseils simples articulés autour de quatre étapes essentielles de la vie des enfants : l’admission en maternelle, l’entrée au CP, la maîtrise de la lecture et de l’écriture, et le passage en collège. A nous d’inventer de nouveaux rituels.» Serge TISSERON

Ma meilleure amie s’est fait embrigader ;

Dounia BOUZAR, Ed La Martinière Jeunesse, 2016 ; 240 pages ; 14.50 e. Comment peut-on passer d’une vie de jeune « normal » à celle de prétendant au Djihad ? Comment la radicalisation arrive-t-elle ? Par quelles étapes ? Quel processus ? Pourquoi l’entourage ne voit-il rien ? Dounia Bouzar s’est glissé dans la peau d’une fille dont la copine s’est fait embrigader... Elle raconte comment elle n’a rien vu, et ensuite, elle réalise toutes les étapes par lesquelles Camille est passée avant d’être complètement happée. Un récit qui permet de raconter toutes les étapes d’embrigadement et tous les signes de la radicalisation, mais de manière plus intimiste et moins moralisatrice. Le texte sera accompagné d’images de vraies publications facebooks et twitters des jeunes qui se font embrigader.) Un « roman-outil » pour les adolescents, à partir de 14 ans.

Génération 3.0. Enfants et ados à l’ère des cultures numérisées ;

Pascal LARDELLIER ; Edition Management et Société ; 2016 ; 160 pages ; 11,5 e Si Internet et les Nouvelles Technologies cultivaient naturellement les jeunes, cela se saurait ! Et que tout le savoir et toute la connaissance soient désormais accessibles en quelques clics ne signifie pas que tout le monde en profite équitablement. L’écriture de ces pages est partie de cet écart entre les attentes parentales vis à vis du Net, et les pratiques réelles d’une jeunesse hyper-connectée. Expliquant les raisons du formidable attrait des jeunes pour le Net et les TIC, Pascal LARDELLIER réaffirme le rôle fondamental des parents, enseignants, éducateurs, documentalistes, bibliothécaires. Les adultes ont un rôle important à jouer dans la « révolution numérique », qu’on cesse de leur faire croire qu’ils sont dépassés ! À rebours des préjugés diffusés par certains « experts » officiels, les ados n’ont jamais eu autant besoin des adultes qu’à une époque où on leur fait croire que grâce aux TIC, tout est à portée de clic, gratuitement et sans effort ; la réalité est un peu plus complexe.

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Annexes

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ANNEXES

Pourquoi est-il indispensable de se mobiliser collectivement pour que le numérique profite à tous ?

accorde une place prépondérante à l’écrit et exige de tout utilisateur qu’il sache lire et écrire pour faire face à des situations simples de la vie quotidienne.

Le numérique s’impose progressivement dans les environnements personnels et professionnels de tout individu, quel que soit son âge au point que l’accès aux supports numériques et à leurs usages est devenu une condition essentielle pour l’insertion, la vie professionnelle et sociale de chacun.

S’informer sur ses droits, les faire valoir, sortir du chômage, se former, communiquer, entreprendre, s’épanouir au quotidien dans la sphère citoyenne, sociale, faire face aux évolutions du travail supposent aujourd’hui la mobilisation de compétences de base intégrant le numérique, la lecture et l’écriture.

Si autrefois, le recours à l’oral permettait aux personnes confrontées à l’illettrisme de contourner leurs difficultés, le numérique

La tendance actuelle à l’individualisation des démarches administratives et du travail, combinée à un recours croissant au

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Annexes numérique, révèle encore davantage les difficultés liées à l’illettrisme et peut conduire à une forme d’effacement progressif des personnes concernées. Il est donc indispensable d’agir le plus en amont possible, notamment dans le monde du travail, pour que les personnes ne maîtrisant pas les compétences de base qui seraient confrontées à l’utilisation de nouvelles technologies ne se retrouvent pas dans de graves difficultés. Pour les 2 500 000 personnes concernées par l’illettrisme dans notre pays, cette accélération peut en effet générer de nouvelles formes d’exclusion ou d’inégalités car l’utilisation des supports numériques repose majoritairement sur l’écrit. L’illettrisme constitue donc un obstacle supplémentaire dans l’accès aux droits, aux soins, au travail, à la mobilité professionnelle, à l’échange d’informations… Pour faire face à cet enjeu et proposer des solutions adaptées, tous les partenaires réunis par l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme (société civile, pouvoirs publics nationaux et territoriaux, partenaires sociaux…) souhaitent susciter une prise de conscience pour que chacun prenne bien la mesure des conséquences concrètes de la digitalisation pour les personnes confrontées à l’illettrisme. Cette prise de conscience doit conduire à la mise en place d’un accompagnement humain dans les points d’accès aux services publics numériques, avec une attention particulière pour les personnes les plus éloignées de l’utilisation de ces services. La Cour des comptes souligne en effet que « la réussite de la généralisation des services publics numériques passe par des mesures d’accompagnement ». Mais dans le même temps, les partenaires réunis par l’ANLCI souhaitent promouvoir toutes les initiatives qui tendent à rapprocher du numérique les personnes ne maîtrisant pas les compétences de base en développant des solutions qui garantissent leur accès à la lecture, à l’écriture et plus particulièrement aux usages de base du numérique. Pour que chacun puisse s’inspirer de ce qui marche, pour que les initiatives tournées vers la maîtrise de l’écrit et des usages de base du numérique se multiplient, les partenaires fédérés par l’ANLCI réaffirment la nécessité de se réunir pour disposer de repères simples et de guides de bonnes pratiques afin qu’ils puissent se concentrer sur la mise en place de solutions, sans avoir à réinventer ce qui existe déjà.

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Ceci étant préalablement rappelé, les partenaires signataires de la charte « Pour que le numérique profite à tous, mobilisons-nous contre l’illettrisme » confirment leur adhésion aux trois principes ci-après :

Maîtriser la lecture, l’écriture et les com-

1 pétences de base, une première marche indispensable

Les partenaires réunis par l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme réaffirment que la maîtrise des compétences de base constitue la première marche indispensable qui ouvre l’accès à l’utilisation des outils numériques. Lutter contre l’illettrisme numérique, c’est d’abord s’engager pour que chacun maîtrise pleinement et durablement la lecture, l’écriture et les compétences de base. Tout le travail d’information sur l’illettrisme conduit ces dernières années doit être poursuivi et amplifié pour éviter les confusions, ne pas perdre de temps à réinventer des concepts et se concentrer sur la résolution du problème de l’illettrisme. La dynamique née du label Grande cause nationale 2013 doit être poursuivie. Les actions de prévention et de lutte contre l’illettrisme doivent se déployer dans un cadre stable et pérenne pour qu’elles continuent à produire des résultats, dans la continuité de ceux déjà obtenus entre 2004 et 2012.

les contenus et 2 Simplifier accompagnement adapté

proposer un

Les concepteurs des sites internet doivent veiller à ce qu’ils soient suffisamment clairs pour en faciliter la lecture et la compréhension par tous. Les démarches tendant à proposer des contenus en « français facile à lire et à comprendre » doivent être encouragées et étendues. Ils doivent aussi s’assurer d’une forme de constance dans l’ergonomie proposée. Sur les territoires, de nombreuses initiatives portées par les partenaires fédérés par l’ANLCI proposent au quotidien différentes formes d’accompagnement vers le numérique. C’est le cas par exemple des services assurés par des « médiateurs » ou « facilitateurs » du numérique. Ces actions doivent être amplifiées mais elles doivent aussi être complétées, avec la même intensité, d’actions qui garantissent l’accès à la lecture, à l’écriture et plus particulièrement aux usages de base du numérique.

3

Faire du numérique un levier puissant pour prévenir et lutter contre l’illettrisme

Le recours au numérique offre par ailleurs de grandes opportunités pour accélérer le recul de l’illettrisme. En réinterrogeant de la bonne façon le rapport entre numérique et lutte contre l’illettrisme, il est possible d’inverser la situation et de faire du numérique un levier pour la formation de base des adultes, une clé pour le raccrochage des jeunes en difficulté avec la lecture, l’écriture, un facilitateur des apprentissages, qui créera de la motivation plutôt que de la frustration. Les partenaires réunis par l’ANLCI insistent aussi sur la nécessité d’enrichir les actions de lutte contre l’illettrisme pour qu’elles permettent à chacun de détenir les clés de compréhension du numérique et renforcent ainsi la participation à la vie citoyenne et la capacité à agir plus librement.

En septembre 2016, l’UNAF a été parmi les 70 premiers signataires de cette charte.

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Annexes

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RÉALITÉS FAMILIALES#FAMILLES CONNECTÉES#2016

Numéros disponibles

Pour tout savoir sur tout ce qui touche à la vie quotidienne des familles : logement, santé, éducation, consommation...

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Réalités

Réalités

R E V U E D E L’ U N I O N N A T I O N A L E D E S A S S O C I A T I O N S FA M I L I A L E S

R E V U E D E L’ U N I O N N A T I O N A L E D E S A S S O C I A T I O N S FA M I L I A L E S

« PARRAINER UN ENFANT PRÈS DE CHEZ SOI »

LA PLACE DE L’ENFANT DANS LA MÉDIATION FAMILIALE

13e

n°85-86-87 l 2008

Vivre avec la maladie d’Alzheimer : un défi pour le XXIe siècle

13e

L’Europe des familles

ISSN : 0220 9926 - Prix : 6,50 €

n°89 l 2009

L’accueil de la petite enfance

10e

n°106-107 l 2014

6,50 e

No 89 - 2009

Parrainer un enfant près de chez soi

10e

n°95-96-97 l 2011

Être aidant familial aujourd’hui

n°88 l 2008-2009

6,50 e

10e

n°100-101 l 2012

n°98-99 l 2012

Le logement, une question familiale

10e

n°108-109 l 2014

L’alimentation au cœur des familles

Soutien à la parentalité avec et pour les parents

10e

n°110-111 l 2015 Numéro spécial 70 ans d’engagements pour les familles

ISSN : 0220 9926 - Prix : 10 e

10e

6,50 e

N° 92-93 - 2011

n°92-93 l 2010

La place de l’enfant dans la médiation familiale

10e

n°102-103 l 2013 Familles et Ecole

n°94 l 2011

Nouvelles technologies santé et familles

10e

n°104-105 l 2014

La place des familles dans la protection de l’enfance

10e

n°112-113 l 2015/2016 Associations Familiales L’Union fait la force !

10e

n°114-115 l 2016 Familles connectées

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Annexes

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“Réalités Familiales”

Bon de commande & abonnements Revue thématique et trimestrielle qui traite de tous les sujets de la vie quotidienne des familles (logement, santé, éducation, consommation...). Diffusion sur abonnement ou vente au numéro par correspondance.

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Nom :.......................................................................................................................... Prénom : Complément d’intitulé : Adresse :

........................................................................................

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....................................................................................................................................................................................................................................

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28, place Saint-Georges, 75009 Paris - Tél. : 01 49 95 36 15 E-mail : realites.familiales@unaf.fr - Site Internet : www.unaf.fr

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Union Nationale des Associations Familiales 28, place Saint-Georges, 75009 Paris - Tél. : 01 49 95 36 00 www.unaf.fr

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Réalités R E V U E D E L’ U N I O N N A T I O N A L E D E S A S S O C I A T I O N S F A M I L I A L E S

Familles connectées

ISSN : 0220 9926 - Prix : 10 e

CouvRealites114-115.indd 1

N° 114-115 - 2016

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