Réalités Familiales n°128/129 : Familles face au grand âge

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Réalités R E V U E D E L’ U N I O N N A T I O N A L E D E S A S S O C I A T I O N S F A M I L I A L E S

Familles face au grand âge 28, place Saint-Georges, 75009 Paris - Tél. : 01 49 95 36 00 www.unaf.fr I @unaf_fr ISSN : 0220 9926 - Prix : 10 e

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N° 128-129 - 2019

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Réalités N°128-129 / 2019

Sommaire

Familles face au grand âge REVUE DE L’UNION NATIONALE DES ASSOCIATIONS FAMILIALES Magazine édité par L’Union nationale des associations familiales 28, place Saint-Georges 75009 PARIS www.unaf.fr

Analyse

Direction : Présidente et directrice de la publication : Marie-Andrée Blanc Directrice générale : Guillemette Leneveu Rédaction : Rédaction en chef : Laure Mondet Rédaction en chef adjointe : Elise Séaume Secrétariat de rédaction : Cécile Chappe Remerciements à : Nicolas Brun, Yvon Sérieyx, Jean-Philippe Vallat, Nathalie Talibon, Lauriane Sochon, Mathilde Vincent et Nathalie Serruques. Impression - Mise en page Hawaii Communication 78310 Coignières 01 30 05 31 51 Crédits photos : X, Shutterstock Diffusion et abonnements : Abonnement annuel (3 numéros) : France : 22 euros Étranger : 25 euros Commande au numéro : Numéro simple : 6,50 euros Numéro double : 10 euros Numéro triple : 13 euros + 3,15 euros de frais de traitement Contact : Service Communication Tél. : 01 49 95 36 00 courriel : realites.familiales@unaf.fr Dépôt légal : Décembre 2019 - n°ISSN 0220 9926

Place des familles

• Aidants familiaux : quels enjeux, quelles perspectives ? ÉDITORIAL Grand âge : les familles en première ligne par Marie-Andrée Blanc, Présidente de l’Unaf...........3

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AVANT-PROPOS Tout un réseau mobilisé pour soutenir les familles face à la perte d’autonomie par Marie-Pierre Gariel, Présidente du département Santé - protection sociale - vieillesse de l’Unaf.........4

• Familles à l’épreuve du vieillissement et de la perte d’autonomie par Françoise Duchâteau, médiatrice familiale...............................................22

• Protéger sans diminuer par Michel Fohrenbach, administrateur de l’Unaf......................................24

LES CHIFFRES CLÉS DU GRAND ÂGE..........................................................6

• Renforcer la place des familles dans les Ehpad

par Hélène Villars, Gérontopôle de Toulouse.............................................................26

par Olivier Coupry, Fondation Médéric Alzheimer ................................................................29

• Les droits des grands-parents à l’égard de leurs petits enfants

par Marc Juston, Magistrat honoraire.............31

État des lieux • Suzanne

par Michel Billé, sociologue................................. 10

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• La place des familles dans les soins hospitaliers en gériatrie

• Les représentations de l’âge dans la société française contemporaine

Reproduction interdite sauf autorisation de l’UNAF

....................................

INTRODUCTION 3 questions à ... à Marie-Anne Montchamp, Présidente de la CNSA.......................................................5

par Frédéric Pommier, écrivain, auteur de « Suzanne »............................................................... 8

Respectueux de l’environnement, ce document est imprimé sur du papier utilisant la certification forestière PEFC (Programme européen de certification forestière). La certification PEFC donne l’assurance que le papier que nous utilisons est issu de pâtes produites à partir de forêts gérées durablement.

par Céline Bouillot, Unaf

• L'émergence des politiques publiques en faveur des personnes âgées par Claire Ménard, Unaf......................................12

• Les obligations des familles à l'égard de leurs ascendants

par la rédaction......................................................16

• Vieillesse et niveaux de vie

Insee..........................................................................18

Bien vieillir – prévenir la perte d’autonomie

• Adapter son logement pour vieillir chez soi

par Frédérique Garlaud, Cnav..............................33

• L’engagement bénévole des seniors : rôle sociétal et bien-être

par Dominique Thierry, France Bénévolat......35

• Quels enjeux pour la mobilité des séniors ? par Valérie Dreyfuss, Laboratoire de la mobilité inclusive...................................................37

• Maltraitance : « chaque cas repéré doit permettre de s’améliorer collectivement »

Interview de Denis Piveteau, Conseiller d’Etat......40

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RÉALITÉS FAMILIALES#FAMILLESFACEAUGRANDÂGE#2019

Familles face au grand âge • « L’approche éthique ne doit pas rester théorique » Interview de Fabrice Gzil, espace éthique APHP...........................................................................42

Grand âge et société

• Une société bienveillante pour les plus âgés par Jean-Pierre Aquino et Laëtitia NgatchaRibert........................................................................44

• Les difficultés d’accès aux droits des personnes âgées

par Jacques Toubon, Défenseur des droits....46

• La protection des seniors : un défi pour les acteurs de la finance et de l’assurance par Claire Castanet et Cécilia Lhoste, Autorité des marchés financiers........................48

• L’isolement, une question sociale urgente

par Jean François Serre, Monalisa...................50

• Isolement et précarité de nos aînés : une double peine inadmissible ! par Armelle de Guibert, Les Petits frères de pauvres................................52

• Valoriser et développer la participation sociale des aînés par Le Cercle Vulnérabilités et Société............54

• Entreprises : quelle responsabilité vis-à-vis des aidants ? Interview de Hélène Valade, Orse et Guillemette Leneveu, Unaf.............................58

• Forget me not : quand les souvenirs font du bien

par l'Udaf Charente...............................................67

• Un réseau de bénévoles au soutien des aidants

par l'Udaf Corrèze..................................................69

• Le Centre de ressources et de soutien aux aidants

par l'Udaf Maine-et-Loire.....................................70

• La médiation familiale pour aider les couples âgés

par l'Udaf Marne....................................................71

• Service information et soutien aux tuteurs familiaux

par l'Udaf Meurthe-et-Moselle...........................72

• Vieillissement et grand âge

par l'Udaf Bas-Rhin...............................................73

•V illaGénération, vieillir au coeur de la ville

par l'Udaf Haute-Saône........................................75

• La Martinique face au vieillissement de la population

par l'Udaf Martinique............................................76

Initiatives des associations familiales • Témoignage : Marie Tudo, assistante de soins en gérontologie par le CNAFAL

......................................................

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• Vieillir et vivre mieux !

par Familles rurales..............................................78

• L’ADMR s’engage pour l’habitat multigénérationnel

par l’ADMR..............................................................79

•U n engagement au cœur des territoires, des actions en faveur du grand-âge par les MFR.............................................................80

Aux côtés des familles Les services des Udaf

• Un réseau engagé pour accompagner les familles face au grand âge.......... 62

Les initiatives des Udaf

• Vieillir à domicile, une volonté portée et soutenue par la Fédération Adessadomicile.....................81

Association invitée

• OLD’UP : plus si jeune, mais pas si vieux

par Paule Giron, membre active d’OLD’UP.......82

• Journée champêtre intergénérationnelle par l'Udaf Bouches-du-Rhône............................64

• De générations en générations, le grand tricotage des vies de famille

par l'Udaf Cantal....................................................65

Bibliographie

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Edito Grand âge : les familles en première ligne Marie-Andrée BLANC Présidente de l'Unaf

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ous sommes tous concernés, de près ou de loin, par le vieillissement et la perte d’autonomie. Quand un aîné, avançant en âge, perd petit à petit ses capacités à se déplacer, se nourrir ou se laver seul, c’est sa famille qui le soutient, et vient palier ses difficultés. Ce sont les familles qui doivent organiser au quotidien la prise en charge de leur parent âgé, qui sont en première ligne pour les épauler : présence assidue, prise en charge de l’aide, des soins, organisation de l’aide professionnelle à domicile, coordination entre les intervenants (infirmier, aide-ménagère…), soutien administratif, suivi des demandes d’aides pour financer le maintien à domicile ou l’entrée en établissement… Accompagner son conjoint ou ses propres parents en perte d’autonomie est une tâche très difficile qui laisse souvent les familles dans un profond désarroi. Sur leurs épaules pèse la charge matérielle, financière, légale1, mais elles ressentent surtout la responsabilité morale et affective de ceux qu’elles aiment et ne veulent pas considérer comme un fardeau. Dans de nombreux territoires, elles sont confrontés à la pénurie d’offre de soins et d’accompagnement à domicile, à des établissements trop éloignés qui mettent en péril le maintien des liens, à des restes à charge trop élevés, à l’inquiétude de faire les mauvais choix, parfois à des conflits liés à l’impossibilité de se mettre d’accord dans une fratrie. La prise en charge de la dépendance repose ainsi massivement sur la solidarité familiale, la solidarité publique ne venant qu’en subsidiarité et étant encore peu développée. Pourtant, avec l’allongement de la vie, de plus en plus de familles devront faire face au grand âge. Elles doivent pouvoir compter sur des politiques publiques à la hauteur des enjeux. Pour construire la grande Loi qui doit constituer le point de départ d’une véritable politique du grand âge, le Gouvernement a lancé une vaste concertation « Grand âge et autonomie » : nous espérons que les immenses attentes des familles y seront entendues.

« Les familles doivent être soutenues pour faire face au grand âge » Bien que très sollicitées dans les faits, les familles ne sont pas évoquées de façon explicite dans les différents rapports relatifs au projet de loi Grand âge, qui réduisent la solidarité familiale au terme « proche aidant ». La solidarité familiale est pourtant bien spécifique : l’Unaf reste donc mobilisée pour rappeler ces réalités. Oui, la prise en charge de la dépendance doit s’appuyer sur les solidarités familiales, mais les familles doivent être mieux soutenues pour y faire face. Soutien aux aidants familiaux, mise en place de solutions de répit, soutien aux tuteurs familiaux, amélioration des conditions de vie des personnes accompagnées, limitation du reste à charge pour les familles, bientraitance et respect des droits fondamentaux des personnes en perte d’autonomie, valorisation des métiers du grand âge, notamment des mandataires judiciaires à la protection des majeurs : tous ces axes de réflexion doivent être inclus dans le projet de loi. Au vu de l’état des finances sociales, le financement de ce risque émergent est source d’inquiétude. Pour l’Unaf, cela ne doit pas freiner une réelle ambition, mesurée et progressive, privilégiant les besoins les plus criants (notamment sur les restes à charges pour hébergement de longue durée). La place des assurances privées doit également être précisée et régulée. Tout l’enjeu est que ce financement soit suffisant et équitable. 1/ Article 205 du Code civil sur l’obligation alimentaire

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RÉALITÉS FAMILIALES#FAMILLESFACEAUGRANDÂGE#2019

Avant-propos

Marie-Pierre GARIEL Présidente du département Santé – protection sociale – vieillesse de l’Unaf

Tout un réseau mobilisé pour soutenir les familles face à la perte d’autonomie

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ace au grand âge et à la perte d’autonomie de leurs proches, les familles ont besoin d’être épaulées dans bien des domaines. Expert de leurs réalités de vie, le réseau Unaf-UdafUraf est mobilisé pour défendre et représenter leurs intérêts dans la co-construction des politiques publiques mais aussi pour répondre à leurs besoins en développant, dans les territoires, des services adaptés aux situations qu’elles vivent. Engagés de longue date pour soutenir les familles confrontées à la perte d’autonomie, l’Unaf a naturellement contribué aux différentes étapes de préparation de la loi Grand âge. Mais c’est aussi chaque jour que des militants familiaux bénévoles représentent les familles dans les instances nationales qui abordent la question du vieillissement : Assurance retraite, Haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge, Caisse nationale d’assurance maladie, Caisse nationale d’allocations familiales, etc. A l’origine de la création du CIAAF (collectif inter associatif des aidants familiaux), nous militons depuis des années pour la reconnaissance du rôle crucial des aidants familiaux. Grâce à notre engagement et à nos actions, des avancées réelles ont pu voir le jour : reconnaissance officielle de leur rôle, création et indemnisation du congé proche aidant. Nous sommes également fiers de l’inscription dans la Loi du droit au répit, cependant ce principe de droit ne se réalisera pas s’il n’est pas assorti de solutions de répits accessibles et pérennes, partout où des besoins existent. Avec le vieillissement de la population, les questions liées à la protection juridique des personnes en situation de vulnérabilité vont concerner un nombre croissant de familles et ne doivent pas rester dans l’angle mort de la future Loi sur le Grand âge.

Les services innovants pour accompagner le vieillissement Partout en France, dans les départements et dans les régions, les Udaf et les Uraf sont engagées au plus proche des familles et des personnes vulnérables. Elles les représentent dans de nombreuses instances locales pour faire connaître leurs besoins, et notamment dans les Centres communaux et intercommunaux d’action sociale (CCAS/CIAS), qui constituent des relais indispensables de solidarité pour les aînés. Mais elles sont également présentes aux côtés des familles par le biais des services qu’elles développent pour répondre à leurs besoins : soutien aux aidants familiaux, services de mandataires judiciaires à la protection des majeurs, information et soutien aux tuteurs familiaux. Confrontées aux difficultés des familles, leur proximité avec le terrain leur permet d’adapter leurs pratiques et d’innover. C’est le cas avec le développement de l’habitat inclusif, consistant à proposer aux personnes âgées et/ou en perte d’autonomie des solutions d’hébergement intermédiaires et ouvertes sur la cité. Par ailleurs, face aux conflits vécus par un nombre croissant de familles confrontés à la perte d’autonomie d’un proche, les services de médiation familiale proposés par de nombreuses Udaf s’orientent vers de nouvelles pratiques de résolution des conflits, avec la médiation familiale intergénérationnelle. Leurs initiatives sont à découvrir dans la rubrique « Aux côtés des familles », qui leur est consacrée dans ce numéro de Réalités Familiales.

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© S.Budon, pour la CNSA

3 questions à :

Marie-Anne MONTCHAMP Présidente de la CNSA

« Créer un modèle de protection sociale contemporain » Quelles sont les missions de la Caisse nationale pour la solidarité et l’autonomie ?

La CNSA a été créée en 2004, après l’épisode caniculaire de 2003. Ce choc collectif a conduit à la création de la fameuse Journée de solidarité, et la création de CNSA, dont la vocation était de garantir l’affectation de cette nouvelle ressource à l’accompagnement du grand âge. On a associé à ces politiques de l’autonomie, la question du handicap. La CNSA est une institution nouvelle, car les politiques d’autonomie sont des politiques de transversalité, mais aussi des politiques qui s’articulent avec les politiques des territoires. L’originalité de la CNSA réside aussi dans son conseil de direction très large et rassembleur de toutes les parties prenantes (Etat, collectivités, syndicats, associations…). La caisse gère un budget de plus de 27 milliards d’euros consacré à cette politique pour l’autonomie des personnes âgées et handicapées.

Quel est le « coût », pour la famille, de la prise en charge d’une personne dépendante ?

Avant la famille, c’est d’abord la personne concernée qui assume sa prise en charge, et cette prise en charge est liée à différents aspects. Tout d’abord, il y a les soins médicaux. Ceux-ci sont pris en charge par l’Assurance maladie. En fonction des types de dépenses, dans ce domaine la solidarité nationale joue son rôle, même si certains « restes à charge » sont importants. Mais quand on avance en âge, faire le ménage, les courses, cuisiner, peut devenir compliqué, et restreindre le cercle social. Cette fonction peut peser sur la famille quand c’est elle qui prend le relais. Economiquement elle pèse lourd, surtout sur les classes moyennes pour qui le faible montant des aides rend très difficile l’accès à une aide à domicile. Ainsi le droit de vieillir chez soi relève du luxe. Or c’est très clair : les gens veulent pouvoir vieillir chez eux. Avec l’âge, les besoins en matière de logement changent aussi : un logement bien chauffé, avec des équipements adaptés (douche, ascenseur) c’est primordial pour vieillir chez soi. Or leur coût peut être extrêmement lourd. En vieillissant, on a enfin besoin de présence, de contacts humain qui ne peuvent être l’objet d’une transaction monétaire. Cette fonction affective est nécessaire, elle passe par la famille. Mais comment assurer cette présence quand on travaille, quand on habite loin ? La charge mentale : c’est un coût immatériel mais pourtant important pour les familles.

Dans la Loi Grand âge, quelles mesures seraient de nature à soulager les familles ?

Retrouvez les projets et actions Unaf-Udaf en partenariat avec la CNSA sur la médiation intergénérationnelle p.20 sur l’habitat inclusif p. 62 pour les aidants familiaux p.70

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Pour le Conseil de la CNSA, la Loi Grand âge doit être une loi d’orientation qui réponde aux différents aspects que j’ai cités, de matière transversale : elle doit mettre au centre la volonté des personnes, en mobilisant ici la politique du logement, là l’aménagement du territoire, là la politique de santé, ici de nouveaux métiers… Des mesures strictement budgétaires ne sauraient suffire pour adapter notre modèle de protection sociale à l’avancée en âge. Pour permettre aux personnes de vieillir chez elle, comme elles le souhaitent, il faut renforcer le secteur de l’aide à domicile. Comment ? Avec le congé proche aidant, on voit bien l’importance de la solidarité publique : c’est un signe très positif, une reconnaissance du caractère irremplaçable de l’aidant familial. Mais elle montre aussi ses limites : le montant et la durée d’indemnisation – 3 mois sur l’ensemble de la carrière - sont insuffisants. Au sein des entreprises, il faut négocier pour compléter ce congé, notamment avec les groupes de protection sociale. C’est l’ensemble des acteurs de la société qui doivent se mobiliser pour faire face au vieillissement et inventer un modèle de protection sociale contemporain. En soutenant l’innovation, la CNSA remplit une fonction de laboratoire, et prépare le modèle d’après. L’accueil familial, l’habitat inclusif y ont d’ailleurs toute leur place.

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RÉALITÉS FAMILIALES#FAMILLESFACEAUGRANDÂGE#2019

Familles face au grand âge

Chiffres

clés

Il y a 2,5 millions de séniors en perte d’autonomie en France (2015, hors Mayotte). En 2050, ils seront

2 /3 3 /4

des personnes de 85 ans & des personnes de 95 ans sont des femmes

En France

Grand âge et démographie 4 millions.

et de

79

L’espérance de vie est de

85

,5 ans

,4 ans

pour les femmes

pour les hommes

Ressources & cadre de vie

9 /10

78

personnes âgées de plus de 65 ans vivent à leur domicile (seules ou en couple).

85

ans

c’est l’âge moyen d’entrée en Ehpad (Etablissement d’hébergement pour personne âgée dépendante)

1 949

23

c'est le nombre d’aidants familiaux en France, dont la moitié aide un parent de + 60 ans

/5 1Français déclare apporter de l’aide à un ou plusieurs proches dépendants,

/10 1Français

a un proche dont la dépendance est due à la vieillesse.

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Euros/ mois

Gir 1, 2, 3, 4, 5, 6 :

c’est le montant de la contribution des finances publiques à la compensation de la perte d’autonomie des personnes âgées en 2017

8 à 11 millions

sont des femmes.

c’est le tarif médian d’une chambre simple en Ehpad

,6 Milliards d'Euros

Aidants familiaux

+ de 75 ans %des qui vivent seuls

90 57 1 aidant sur 4 consacre à son proche 20h et + par semaine en moyenne

La grille nationale Aggir permet de mesurer le degré d’autonomie du demandeur de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA). Ils sont classés en 6 groupes iso-ressources : Gir 1 correspond à la perte d’autonomie la plus forte.

% des aidants aident un membre de leur famille, + d’ 1/2 aide ses propres parents.

aidants sont des femmes, %des la plupart sont âgées de 50 à 64 ans

et 61% ont une activité professionnelle.

20

heures

Sources : étude CNSA Ehpad/ Insee Première n°1767 (Juillet 2017)/ Baromètre BVA aidants (Octobre 2019) LFSS 2019)

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État des lieux « Grand âge », « quatrième âge », « cinquième risque »... Que désignent ces termes ? Qui sont nos doyens, quelle place ont-ils dans la société ? Et les familles, quelles sont leurs responsabilités envers leurs aînés ? Quelle articulation entre les solidarités familiales et la solidarité publique ? Une rubrique pour faire le point.

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État des lieux

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Suzanne Dans Suzanne, Frédéric Pommier explore la mémoire d’une femme lucide et battante, emblématique de sa génération : sa grand-mère. Mi-hommage, mi-plaidoyer, son ouvrage interroge la manière dont sont traités nos aînés mais aussi les soignants. Extrait. Frédéric POMMIER Journaliste

2000. Suzanne a soixante-dix-huit ans et me rend visite à Marseille, où je poursuis mes études. Début janvier, un froid polaire. Le ciel est splendide et elle veut déjeuner dehors. Il y a des tables en terrasse sur le Vieux-Port. Elle en choisit une, face à Notre-Dame­de-la-Garde. Elle parle, je l’écoute en soufflant dans mes gants. Un serveur nous invite à prendre place à l’intérieur. « Vous serez mieux au chaud ! » Suzanne, du tac au tac : « On est très bien ici ! Apportez-nous la carte ! » Suzanne n’a jamais froid, et n’aime pas être enfermée. Elle n’aime pas non plus l’eau, préfère boire du rosé ou, à défaut, de la bière, car c’est désaltérant. Elle ôte son vison. Se retrouve en chemisier. Il doit faire six degrés. Elle réclame des cornichons. Recommence à parler. Me raconte son voyage épique depuis Laval, le retard du train et la correspondance qu’elle a failli rater. Elle découpe sa bavette à l’échalote. Elle l’avait demandée bleue. Elle la trouve trop cuite. Réclame de la moutarde. « Toi, c’est bon, mon chéri ? La cuisson te convient ? » Je réponds que tout est parfait. En réalité, je suis frigorifié. Le moelleux au chocolat n’a de moelleux que le nom. Suzanne pense qu’il n’a pas fini de décongeler. Je pense plutôt que c’est à cause du froid qu’il a durci. Elle évoque sa dernière visite dans la région, l’hôtel où elle logeait, ses voyages avec Pierre, c’était tellement plus drôle que de voyager seule... « Sinon, toi, tout va bien ? » Elle n’attend même pas la réponse et commande au serveur un café « très serré ». S’il n’est pas très serré, elle ne le boira pas. Elle le boit. « On y va ? » Elle remet son vison. « Et maintenant, direction Cassis ! » Suzanne n’a pas revu les calanques depuis plus de vingt ans. Une fois dans ma voiture, elle ouvre sa fenêtre en grand. Je me gare près du port. Elle a repéré les pontons d’où partent les mini-croisières. On prend le forfait le plus complet. Une heure cinquante, neuf calanques. On descend une dizaine de marches pour accéder au bateau. Suzanne me précède. Elle fait attention mais ça glisse et, alors que le guide nous accueille d’un souriant « Bienvenue à bord ! », elle pousse un petit cri, un second, et, tête en avant, valdingue sur le pont. Je me pré-

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cipite pour la relever. Elle a dû trébucher sur un anneau de cordage. « Quelle idiote je fais, quelle idiote ! » Le guide s’inquiète. « Ça va aller, madame ? - Vous êtes gentil, cher monsieur, tout va bien. Je n’ai pas les chaussures adéquates. Ça me joue des tours sans arrêt ! » Je regarde ses chevilles. Je trouve la gauche gonflée, lui dis qu’il faudrait que l’on trouve une pharmacie, tant pis pour les calanques. « Ah non ! On a payé ! » Le bateau appareille. Direction Port-Miou. Elle regarde le dépliant qui résume le parcours et moi sa cheville qui continue d’enfler. « Ne t’en fais pas mon chéri. Je mettrai de la glace ce soir. » Comme au restaurant, elle refuse de s’installer à l’intérieur. Le banc à l’arrière lui convient parfaitement, malgré le bruit du moteur, les odeurs de gasoil et le vent qui lui fouette le visage. La jambe étendue, elle sourit quand les embruns viennent lui mouiller les joues. Au moment de débarquer, la cheville de Suzanne a doublé de volume et elle n’essaye même plus de cacher que c’est douloureux. Elle grimace en boitant. Nous allons rentrer à Marseille et aller chez le médecin. Il y en a un dans ma rue. Suzanne s’installe dans la voiture et sort une carte de son sac. « Ton médecin, j’irai le voir demain. Maintenant, nous allons à Bandol ! ». Elle a noté l’adresse d’une cave dans l’arrièrepays. On se dispute. Est-ce qu’elle a vu l’état de sa cheville ? « Ce n’est rien, juste une foulure ! Et puis, de toute façon, c’est à moi de décider. Le privilège de l’âge ! Allez, zou ! Direction Bandol ! » La cave est en pleine campagne et c’est mal indiqué. On se perd plusieurs fois. Lorsqu’on arrive enfin, elle ouvre sa portière d’un geste décidé. Je lui crie : « Ne bouge pas, je vais y aller tout seul ! - Pour ton information, dans une cave, on vient pour goûter ! » Les vingt mètres qui nous séparent de l’entrée sont des kilomètres. Elle s’accroche à mon coude et je dois presque la soulever. L’homme qui nous reçoit lui propose une chaise, mais elle préfère rester debout. « Ça va aider à dégonfler ! ».

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État des lieux

Je n’en crois pas un mot, puis n’en crois pas mes yeux quand je la vois descendre ensuite les ballons de rosé. « Et toi, mon chéri, tu ne bois rien ? - Moi, Suzanne, je conduis. - Eh bien, ce sera une caisse de chaque ! - Deux cartons, bien Madame ! ». Le viticulteur doit m’aider pour la porter jusqu’à la voiture. Suzanne le remercie. Je place les cartons dans le coffre et m’installe à mon tour. Je mets le contact et l’observe. Elle tâte sa cheville et m’annonce gravement : « Mon chéri, il faut que tu m’emmènes aux urgences. Je crois bien qu’elle est cassée. » Il est plus de vingt et une heures quand on la ramène à l’accueil. Suzanne fait la tête. Sa jambe restera plâtrée pendant un mois et demi. « Vous ne pensez pas qu’un mois, ce serait suffisant ? » L’infirmière est catégorique. « Ce sera six semaines, pas une de moins. Vous êtes garé loin, monsieur ? On va vous prêter des béquilles. » Suzanne l’arrête : « C’est inutile. Je n’ai jamais réussi à me servir de ces machins-là ! » On fait le test. Elle n’avance pas. C’est peut-être une question de réglage. L’infirmière abaisse les poignées. Suzanne la scrute, incrédule, avant d’essayer de nouveau. Mais au deuxième pas, elle dérape et tombe en arrière dans mes bras. L’infirmière, soucieuse : « Vous allez faire comment ? » Je n’ai pas la réponse. Suzanne lance alors : « Je vais faire du cloche-pied ! » Vingt-deux heures. Nous redémarrons, et Suzanne a envie d’une bouillabaisse. Retour sur le Vieux-Port. Je m’arrête à dix mètres de l’entrée d’un restaurant. Dix mètres, j’ai compté. On nous prépare une table. Les cuisines vont bientôt fermer. Suzanne s’accroche à mon cou, relève la jambe gauche, et nous voilà partis pour dix mètres à cloche-pied ! Après une quinzaine de sauts, Suzanne peine à respirer. La main sur le cœur, le visage écarlate, elle déclare forfait. « C’est quand même rageant d’abandonner si près de la bouillabaisse... » Vingt-trois heures. Elle a faim. Il y a un vendeur de kebabs au bout de la rue. « Un hot-dog, j’aimerais mieux ! - Et s’il n’y a pas de hot-dog ? - Un sandwich au pâté. Et une bière, tu seras gentil. » En passant commande, me vient une idée : téléphoner à Marion. « Et c’est qui, cette Marion ? » C’est une copine de promo et elle a un siège de bureau. « Comprends pas », articule Suzanne en mâchant son hot-dog. Je précise : « Une chaise à roulettes. Elle peut sans doute nous la prêter. » Elle me fait répéter deux fois, me demande de l’excuser, elle entend de plus en plus mal. Minuit passé. Zéro degré. On s’est garés devant l’hôtel. Suzanne s’assied sur le siège, son sac sur les cuisses, et, doucement, je la pousse dans la nuit silencieuse, uniquement troublée par le frottement régulier des roulettes sur le maca-

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dam. Elle me donne le code de la porte d’entrée. À cette heure, il n’y a plus personne à l’accueil. Un spot à la lumière blafarde s’allume automatiquement. Je la pousse dans le hall, à la recherche de l’ascenseur. « Il n’y en a pas », souffle-t-elle. Pas d’ascenseur ? On fait comment ? Lentement, Suzanne se lève. Elle s’appuie sur son plâtre, pivote et s’accroche à la rampe de l’escalier. « Je vais grimper sur les genoux ! » Vue de dos, avec sa fourrure, elle me fait étrangement penser à un bison. On est pris d’un fou rire. Elle escalade les marches et, au premier palier, s’écrie : « Voilà le bison ! » Vingt minutes plus tard, au deuxième, je la félicite et la réinstalle sur le siège. « Ici, tu veux bien qu’on aille vite ? » Il y a du parquet, c’est tentant... Je positionne le bolide et le pousse en courant jusqu’au fond du couloir. « Merci, c’était bien. Les calanques aussi. Et puis le Bandol... Mais j’espère ne jamais finir dans un fauteuil roulant. » Je l’aide à se déshabiller. Le manteau puis la jupe. Le chemisier. Je me retourne. Suzanne se débrouille. Ça y est, c’est bon, je peux regarder. Elle me tend les bras. On se fait un câlin. Deux heures du matin. Suzanne, devant sa chambre, m’envoie un baiser et s’exclame, faisant mine de chuchoter : « Jamais encore on ne m’avait dit que je ressemblais à un bison ! ». l

à lire... Suzanne, de Frédéric Pommier (Editions des Equateurs) « Elle aimait les voyages, la vitesse, le tennis, les fêtes de famille et les soirées parisiennes. Elle rêvait d’être comédienne et de voir New York. Elle a traversé le siècle, la Seconde Guerre, les épreuves de la vie. Elle a enduré la solitude et les deuils, avec une conviction chevillée au cœur : en toutes circonstances, il faut faire bonne figure et garder le sourire. A quatre-vingt-quinze ans, après une énième chute, Suzanne s’est résignée à s’installer dans un Ehpad, un établissement pour personnes âgées dépendantes. Infantilisée, humiliée parfois par un personnel débordé, elle s’étonne de ne bénéficier que d’une douche par semaine, trouve les journées bien longues et la nourriture immangeable. Depuis qu’elle a quitté son domicile, elle a perdu vingt kilos et moi, quelques grammes d’humour car Suzanne, c’est ma grand-mère. »

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Les représentations de l’âge dans la société française contemporaine Quel âge avez-vous ? Question impertinente s’il en est, considérée souvent comme déplacée, incorrecte, irrespectueuse. Non il convient de ne pas demander l’âge des gens surtout l’âge des femmes, bien sûr… Non il convient de le taire, de le cacher, de le donner à deviner, de tenter d’en modifier les attributs pour laisser entendre qu’il n’est pas ce qu’il est. Michel BILLÉ Sociologue

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on ne dites pas votre âge, à moins qu’une carte senior discrètement présentée vous permette d’obtenir une réduction, à moins que votre âge affirmé haut et fort vous permette de revendiquer un droit, un avantage, une considération particulière, autrement, ne dites pas votre âge… D’ailleurs, quel est mon âge ? Comment répondre à cette question puisqu’il change tout le temps et que ce qui caractérise mon âge est certainement l’instabilité, l’incertitude même pourrait-on dire. L’âge devient ainsi une notion à la fois parfaitement objective : j’ai tel âge ! Et parfaitement relative, chacun pouvant à tout moment se trouver ou trouver l’autre relativement jeune ou relativement vieux évidemment… J’ai donc tout à la fois « un certain âge » et « un âge certain », même si... Notion objective, relative, paradoxale pourrait-on dire, puisque vous pouvez très légitimement me regarder comme encore jeune ou comme déjà vieux, très vieux même selon les critères que vous retenez au moment où vous me regardez. Ce paradoxe amène nos contemporains à affirmer souvent, c’est très à la mode, que

la vieillesse n’est pas une question d’âge et qu’il y a des jeunes vieux et des vieux jeunes… Bref, ne sachant donc plus ce qu’est l’âge, nous allons pouvoir faire de cette notion un usage extraordinaire et sans limites…

Surtout ne pas vieillir…

La vieillesse fait ainsi l’objet de représentations parfaitement paradoxales : tout le monde ou presque veut vivre longtemps, mais personne ne voudrait vieillir… Il faudrait, nous suggèret-on, « avancer en âge et rester jeune », ou mieux encore, « vieillir sans devenir vieux… » C’est parce que, collectivement, nous ne retenons de la vieillesse que ses dimensions les moins favorables que nous entrons dans ces représentations terriblement négatives qui structurent notre rapport collectif à la vieillesse. Or je peux toujours regarder ma vieillesse, de deux manières opposées et complémentaires, paradoxales. Ma vieillesse est d’abord cette période de ma vie qui me rapproche de ma mort, mais elle est aussi cette période de ma vie qui m’en sépare encore et que, par conséquent, je peux investir, surtout si un accompagnement bienveillant m’y invite… Mais il faut pour cela, sans doute, être immergé dans un flot relation-

nel qui donne sens à cette vie, qui me permette de m’y projeter, de m’y réaliser. « L’homme n’est rien d’autre que ce qu’il se fait » écrivait Jean-Paul Sartre1, il est clair que c’est bien cette projection de soi dans la vie qui donne sens à celle-ci.

Une société qui n’aime pas sa vieillesse…

Vivre c’est vieillir, forcément vieillir… Mais on a toujours peur que vieillir ce ne soit plus tout à fait vivre… Et voilà bien le paradoxe ! On peut dire alors, sans exagération, que la société française n’aime ni la vieillesse, ni les vieux ! La rupture est telle qu’il nous a fallu récemment adopter une loi pour lier société et vieillesse… une loi dite « d’adaptation de la société au vieillissement2»… Tout cela trahit ou plutôt traduit bien, ces représentations négatives au terme desquelles l’adjectif qualificatif « vieux » a revêtu désormais un sens largement péjoratif. Pour éviter cette « dégradation » redoutée, cette « déchéance », on développe partout, à grand frais parfois, des programmes, des méthodes, des protocoles, pour bien vieillir, pour « réussir son vieillissement » pour « apprendre à vieillir3» et autres objectifs sur lesquels il nous faudrait beau-

1/ Jean Paul Sartre : « L’existentialisme est un humanisme » Ed. Folio coll. Essais. Gallimard 1996. P. 30. 2/ Loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015, relative à l’adaptation de la société au vieillissement. 3/ Si « vieillir c’est vivre » (voir M. Billé et D. Martz : « La tyrannie du bienvieillir » Ed. Eres 2018) peut-on alors apprendre à vieillir ? Et puis Aragon, encore : « Le temps d’apprendre à vivre il est déjà trop tard… »

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coup réfléchir… La chance de vieillir risque alors de se faire injonction au bien vieillir, injonction potentiellement tyrannique et liberticide.

Vieillir, une chance…

Cette chance tous ne l’ont pas. Le dire comme cela peut paraître brutal mais c’est la réalité. Nos vies familiales, amoureuses, amicales sont jalonnées de morts survenues trop tôt qui n’ont pas laissé à ceux qui sont partis le temps de savourer les plaisirs de la vie avec leurs enfants ou leurs petits-enfants, par exemple, et qui n’ont pas laissé aux plus jeunes le plaisir de vivre avec ceux qui sont partis bien trop tôt… Nous qui l’avons cette chance, qu’en faisons-nous ? Nous vieillissons, nombreux et ensemble… L’espérance de vie a augmenté de manière spectaculaire au cours du siècle dernier. Nous vivons en moyenne 86 ans pour les femmes et 80 ans pour les hommes. Certes il n’est pas sûr que cette augmentation se poursuive à long terme de manière aussi spectaculaire que par le passé4. Il devient donc particulièrement intéressant de chercher à comprendre ce que nous faisons sociétalement de cette situation somme toute, enviable. Il semble bien que, par un processus assez pervers, nous fassions ou que nous ayons fait de cette chance un problème, une maladie voire un délit.

la construire en problème : problème du financement des retraites, du « poids » des vieux dans le financement de la sécurité sociale, du coût des établissements et des services d’aide à domicile, etc. Comme si ces dépenses n’étaient pas en même temps à regarder comme des investissements ! Non les vieux ne sont pas une charge, ils sont une chance ! L’argent des vieux, l’argent pour les vieux c’est l’emploi des jeunes, directement et indirectement… De là à faire de la vieillesse une maladie, il n’y a qu’un pas, souvent franchi, chaque fois que notre peur des difficultés que nous pourrions rencontrer en vieillissant nous conduit chez le médecin… Le problème devient maladie quand le seul expert convoqué est le gériatre et que celui-ci devient à nos yeux le spécialiste de la vieillesse… On a beau jeu ensuite de reprocher aux médecins d’exercer un pouvoir abusif sur nos vies ! Pas étonnant que l’on en arrive à inventer ce qui devrait nous faire peur et qui, pourtant, nous séduit : la médecine anti-âge… C’est que cette vieillesse problème et maladie est gênante : elle coûte cher dit-on, pour mille raisons elle peut nous faire peur et nous la redoutons. Écoutons les vieux, il est fréquent qu’ils s’excusent d’être encore en vie et craignent de devenir un poids, une charge

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pour leurs enfants ou petitsenfants… « Ce n’est quand même pas de ma faute si je ne suis pas encore morte ! » nous confiait il y a peu une dame très âgée dans un EHPAD… Et tous nous entendons parfois ces cris de détresse. « Pas de ma faute ! » Elle avait parfaitement bien intégré la culpabilité, le délit de vieillir. Elle ne faisait plus rien, ne produisait plus rien, se pensait inutile, sa seule présence dans ce monde semblait coûter de l’argent et provoquer des soucis… Il lui fallait donc partir au plus vite pour ne plus se sentir coupable…

Pour conclure…

Nous sommes là au cœur de la construction de l’âgisme… Vieillir devient détestable, il convient donc d’éviter la vieillesse, de l’éradiquer si possible, de la combattre partout. Pas étonnant alors que les générations s’évitent, se frôlent mais ne se rencontrent pas, s’opposent parfois puisque la société ultra libérale donne aux jeunes à penser la vieillesse comme une charge et non comme une chance, les sommes dépensées pour soutenir ou accompagner les vieux sont regardées comme une charge et non comme un investissement. Il s’agit pourtant d’un investissement porteur d’emploi mais surtout de culture, d’histoire, de relations sociales et affectives fécondes et par conséquent porteur d’avenir… l

La vieillesse problème, maladie, délit…

Partout, nous parlons et entendons parler du « problème du vieillissement de la population »… Nous ne regardons la vieillesse qu’à travers les problèmes qu’elle pose parfois et, dans un raccourci insensé, elle devient le problème qu’elle pose, quand ce ne sont pas les vieux qui deviennent des problèmes. Évidemment, l’approche presque exclusivement économique de la vieillesse contribue largement à 4/ Et sans doute n’est-il pas superflu de rappeler que cette augmentation de l’espérance de vie est d’abord une augmentation de l’espérance de vie en bonne santé physique et mentale.

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L’émergence des politiques publiques en faveur des personnes âgées Au lendemain de la deuxième guerre mondiale, les personnes âgées composaient une part importante de la population pauvre. Dès lors, en 1945 à la création de la Sécurité sociale, la priorité est donnée à la politique des retraites, au sein du grand ensemble de la politique de la vieillesse. De fait, la politique des âges, qui s’intéresse aux lieux et aux modes de vie des personnes âgées, connaîtra un essor plus tardif et beaucoup plus lent. Claire MÉNARD Chargée des relations parlementaires, Unaf

Un point de départ unanimement reconnu : le rapport Laroque de 1962 Au début des années 1960, la pauvreté demeure. La situation des femmes qui ont peu ou pas travaillé est souvent dramatique. L’allongement de la durée de la vie lié notamment aux meilleures conditions d’hygiène, aux progrès médicaux et à la prise en charge des soins par la Sécurité sociale est constaté et programmé, comme le précise déjà Alfred Sauvy, alors directeur de l’Institut démographique. La question des conditions de vie du 4ème âge, c’està-dire des personnes très âgées qui perdent leur autonomie et deviennent dépendantes, commence à se poser. Les raisons de cette prise de conscience tiennent aussi à l’évolution de la société et « l’éclatement familial » - parents et enfants ne vivant plus ensemble au même endroit - isolent les personnes âgées. Enfin, l’accélération des techniques et des connaissances dans de nombreuses professions tend à exclure les plus âgés du monde du travail. Ainsi, très vite, la prise de conscience de ces situations et des évolutions démographiques conduisent les pouvoirs publics à confier à la Commission

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d’études des problèmes de la vieillesse, présidée par Pierre Laroque, la mission de dresser un état des lieux et de faire des préconisations afin de mettre en place à court et moyen terme des mesures globales et adaptées. Le rapport Laroque publié en 1962 est resté l’acte fondateur visant à intégrer pleinement dans les politiques publiques les personnes âgées et l’allongement de l’espérance de vie. Les dispositions prises au cours des décennies suivantes telles que relever le montant des retraites, mettre en place et développer le maintien à domicile des personnes âgées, prendre en charge la dépendance, moderniser et fixer des normes pour les maisons de retraites, instaurer la formation professionnelle, prendre des mesures de fin de carrière pour les métiers pénibles …, ont été largement inspirées par les analyses et les préconisations du rapport Laroque. L’intégration de la vieillesse dans la société peinera malgré tout à se réaliser. Il faudra attendre le VIème plan de 1971-1975 pour voir émerger des actions sanitaires et sociales favorables au maintien à domicile, plan préparé à la suite du rapport de l’intergroupe Personnes âgées, présidé par Nicole Questiaux. Un

double objectif est clairement affiché : répondre aux besoins actuels d’une population d’un âge donné, agir sur les actifs d’aujourd’hui pour leur préparer une meilleure vieillesse demain. Il faut favoriser les politiques de maintien à domicile pour préserver au maximum l’indépendance et l’intégration sociale des personnes âgées. C’est à cette époque également que se structure le secteur social et médico-social avec la loi fondatrice du 30 juin 1975 d’orientation sur les personnes handicapées et relative aux institutions sociales et médicosociales. Le VIIème plan de 1976-1981 contient 25 programmes d’action prioritaire (PAP), dont le 15ème prévoit d’aller plus loin concernant le maintien à domicile des personnes âgées en permettant le développement de l’autonomie des personnes âgées et leur participation sociale. De nombreux services sont mis en place pour ce faire. Il en va ainsi de l’information pour la préparation à la retraite, de la prévention alimentaire avec le recours à des diététiciens ou des services de portage de repas à domicile, du développement d’activités d’animation sportives et culturelles au travers des clubs des anciens.

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Le tournant amorcé au début des années 1980 jusqu’à la fin des années 1990 Si pour la première fois, un Secrétaire d’Etat aux personnes âgées est désigné en 1981 en la personne de Joseph Franceschi dans le gouvernement de Pierre Mauroy, les années 1980 voient un ralentissement de la croissance et un creusement des déficits des budgets de la protection sociale avec des conséquences sur les soins et l’aide sociale en faveur des personnes âgées. Avec les lois Defferre de décentralisation de 1982 et 1983 et la loi du 22 juillet 1983, une compétence de droit commun en matière d’aide sociale légale est confiée aux départements. Le département devient ainsi responsable de l’aide aux personnes âgées. Dans ce contexte économicoinstitutionnel, les années 1980 sont marquées également par un virage négocié autour de la dépendance des personnes âgées, qui devient une question spécifique en France. L’approche du rapport Laroque d’une vieillesse, partie inté-

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grante de la société est délaissée au profit d’une approche plus médicale de la vieillesse. Introduire la notion de dépendance revient à évaluer les incapacités des personnes concernées à partir de grilles de mesure pour déterminer les besoins d’aide et en apprécier le coût financier pour la collectivité et le reste à charge pour les familles. Plusieurs publications en sont les témoins. En 1979, le député Maurice Arreckx rend un rapport sur « L’amélioration de la qualité de vie des personnes âgées dépendantes ». Parmi les propositions, figuraient l’amélioration des revenus par la mise en place d’une prestation financière mais aussi l’amélioration de la protection juridique, l’adaptation de l’hébergement collectif à la montée de la dépendance, l’humanisation de la prise en charge des personnes fortement dépendantes et la nécessaire coordination des actions médicale, sociale et médico-sociale. Suivront, en mai 1988, le rapport de Théo Braun et Michel Stourm au secrétaire d’État chargé de la Sécurité sociale,

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Adrien Zeller, en juin 1991, le rapport d’information de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée nationale présenté par le député Jean-Claude Boulard et, en septembre 1991, le rapport de la commission du Plan présidée par Pierre Schopflin. Ces rapports successifs soulèvent plusieurs interrogations sur la prise en charge de la dépendance : le mode de financement et la création ou non d’un système assurantiel, le public bénéficiaire par la mise en place d’un système universel ou bien ciblé sur les populations les plus démunies en lien avec la logique traditionnelle de l’aide sociale, le partage des responsabilités entre l’Etat et les collectivités locales et plus particulièrement les départements. Après le temps des études et des expertises suivra très progressivement la mise en place de nouveaux dispositifs. Dans la loi du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale, un article adopté par voie d’amendement prévoit la mise

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*COTEREP : Commission Technique d’Orientation et de REclassement Professionnel. La Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) lui a succédé.

en œuvre de dispositifs expérimentaux d’aide aux personnes âgées dépendantes dans douze départements. En pratique, la prestation expérimentale dépendance (PED) est constituée par l’allocation compensatrice pour tierce personne financée par les départements, à laquelle vient s’ajouter, le cas échéant, une prestation supplémentaire dépendance (PSD), à la charge des caisses de retraite. La PSD, comme l’allocation compensatrice, est attribuée sur décision des COTOREP*. Une nouvelle étape est franchie en passant d’un dispositif expérimental à un dispositif provisoire avec la loi du 24 janvier 1997 tendant, dans l’attente du vote de la loi instituant une prestation d’autonomie pour les personnes âgées dépendantes, à mieux répondre aux besoins des personnes âgées par l’institution d’une Prestation spécifique dépendance ! Cette prestation est gérée par les conseils généraux d’alors, elle est soumise à conditions de ressources, accordée à domicile ou en établissement, aux personnes de 60 ans et plus considérées comme dépendantes au regard de la grille nationale, la grille Aggir pour « Autonomie Gérontologie Groupes Iso Ressources ». Cette grille distingue six niveaux de dépendance : du GIR 1, niveau de dépendance le plus élevé au GIR 6 le plus faible. Le bénéfice de la PSD emporte un recours sur succession et donation au décès de la personne et vient financer un plan d’aide défini par les équipes médicosociales selon ses besoins. A la fin de l’année 2001, le bilan de ce dispositif est plus que mitigé car face à une population estimée de 850 000 personnes âgées dépendantes, seulement 150 000 personnes bénéficiaient de cette prestation. Le principal motif de cet échec réside dans le recours sur succession qui dissuade les bénéficiaires potentiels d’en faire la demande.

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Dans le même temps que se construit la mise en place d’une prestation destinée à couvrir en partie le coût lié à la dépendance, une diversification de l’offre de services pour le maintien à domicile se déploie. Ainsi, l’emploi direct par les particuliers est encouragé notamment par l’exonération des charges sociales et fiscales pour les personnes âgées de plus de 70 ans et le développement de services mandataires est rendu possible en 1986. En 1993, c’est la création des chèques services, ancêtres du chèque emploi service universel (CESU). En 1996, le secteur de l’aide à domicile sort du seul giron des services publics et associatifs et s’ouvre aux entreprises sous condition d’agrément.

Les années 2000 avec des lois importantes : vers un 5ème risque ?

La loi du 20 juillet 2001 remplace la PSD par l’Allocation personnalisée d’autonomie (APA). La conception en est fortement modifiée car cette prestation est construite comme un droit universel. Plusieurs blocages sont levés : la prestation bénéficie aux personnes dépendantes de niveau élevé à moyen donc pour les personnes évaluées en GIR 1 à 4. Le principe du recours sur succession est supprimé. Les critères de ressources sont assouplis. L’objectif d’augmenter le nombre des bénéficiaires est atteint. Selon les chiffres de la DREES, à la fin 2017, les bénéficiaires de l’APA sont 1,3 million en progression de 11,4 % par rapport à la fin 2010. La dépense mensuelle moyenne par bénéficiaire est de 533 euros pour les plans d’aide à domicile. 80 % du montant du plan d’aide est pris en charge par les conseils départementaux et 20 % en moyenne sont à la charge des bénéficiaires. Ce reste à charge correspond à 74 euros par mois, soit 21 % du plan d’aide pour les personnes en GIR 4. Il

est de 195 euros par mois, soit 16 % du plan d’aide pour les personnes en GIR 1. La canicule de l’été 2003 est un traumatisme important et met en lumière la situation d’isolement et d’exclusion d’un grand nombre de personnes âgées. Elle donne lieu à la loi du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées avec la création de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) et l’institution d’une journée de solidarité destinée à financer le renforcement des interventions en faveur de l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées. Deux autres lois sont également importantes concernant l’affirmation des droits liés à la perte d’autonomie. La loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale, dite loi 2002-2, encadre davantage les pratiques et renforce les droits des usagers ; ainsi l’usager est placé au centre des préoccupations des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESMS). Elle impose ainsi un certain nombre d’obligations visant à garantir ses droits, que cela soit en lien avec la mise en place d’outils internes (livret d’accueil, charte des droits et libertés…) ou de systèmes de contrôle externe (autorisation de création et de transformation, principe d’une évaluation continue, interne et externe…). La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées s’intéresse aussi aux droits des personnes âgées en situation de perte d’autonomie. Les réformes engagées visent à rapprocher les enjeux liés à la perte d’autonomie des personnes âgées et ceux liés aux situations de handicap. Tout désavantage social associé à une incapacité mérite un traitement similaire quel que soit l’âge des personnes.

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Les années 2000 se caractérisent, par ailleurs, par le renforcement de la coordination gérontologique avec l’apparition des CLIC* et des MAIA*, mais sur ce point il existe de fortes disparités selon les territoires. Enfin, la loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement, dite loi ASV, est le dernier grand acte en matière de politiques vieillesse. Cette loi, en posant dans son article 1er que « L’adaptation de la société au vieillissement est un impératif national et une priorité de l’ensemble des politiques publiques de la Nation », renoue avec les ambitions du rapport Laroque et rompt avec une approche de la dépendance centrée sur le « tout médical ». Le défi du vieillissement y est traité de manière plus globale : les aidants familiaux sont enfin reconnus ; la promotion de la prévention et de la participation sociale pour lutter contre l’isolement sont fortement encouragés ; la logique de marché liée notamment à une solvabilité accrue des générations du baby-boom est introduite. L’ambition de cette loi a toutefois accusé un recul faute de moyens financiers suffisants.

formé et affiche aujourd’hui également une dimension universelle. Au fil des années, cette construction reprend certaines caractéristiques propres au système assuranciel sans aboutir à la création d’une nouvelle branche de la Sécurité sociale au sens traditionnel. L’enjeu actuel semble plutôt être la recherche d’une complémentarité entre une aide publique encore insuffisante pour couvrir les besoins et des dispositifs privés renforcés pour soulager les familles. l

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*CLIC : Centres locaux d’information et de coordination *MAIA : Méthode d’action pour l’intégration des services d’aide et de soins dans le champ de l’autonomie

Après le lancement de la concertation nationale en octobre 2018, le projet de loi « Grand âge et autonomie » est attendu dans les prochains mois et relance le débat sur la création d’un 5ème risque couvert par la Sécurité sociale. Ce débat n’est pas nouveau et a pour l’instant toujours échoué en raison des difficultés à faire émerger de nouveaux modes de financement.

Conclusion

La politique en faveur des personnes âgées dépendantes en France s’articule autour de plusieurs dispositifs. Initialement inscrit dans le cadre de l’action sociale, destiné aux personnes âgées dépendantes les plus démunies, le système s’est progressivement trans-

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Les obligations des familles à l’égard de leurs ascendants La rédaction

Traduction juridique de la solidarité familiale, l’obligation alimentaire s’exerce réciproquement des parents sur les enfants et des enfants sur les parents. Si les formes d’aide que les parents pourvoient à leurs enfants est évidente, les soutiens des descendants envers leurs ascendants, variés dans la pratiques, ont des implications juridiques moins connues mais tout aussi fortes. Qui est concerné ? Les enfants ont l’obligation d’aider un parent dans le besoin, c’est-à-dire qui n’est pas en mesure d’assurer sa subsistance. Cette obligation est appelée obligation alimentaire. Dans la pratique, elle se traduit par une aide, en nature ou matérielle, qui varie en fonction des ressources de l’enfant et du parent. Elle peut prendre des formes diverses : courses, paiement du loyer, mise à disposition d’un logement, aide matérielle. Dans la loi, les descendants, donc les enfants, ont ainsi l’obligation d’aider leurs ascendants : parents ou grands-parents. Mais cette obligation concerne aussi les alliés en ligne directe, c’està-dire les gendres et bellesfilles. Ceux-ci doivent des aliments à leurs beaux-parents, une obligation qui prend fin en cas de divorce ou en cas de décès du conjoint. Entre époux, on ne parle pas obligation alimentaire mais de devoir de secours. Ce devoir existe aussi entre les personnes ayant passé un PACS (pacte civil de solidarité). Le devoir de secours entre époux ou pacsés prime sur l’obligation alimentaire à la charge de l’enfant. Par exemple, si la mère est dans le besoin, ce sera d’abord à son époux de l’aider et de s’acquitter des dettes, et seulement si ses revenus ne sont pas suffisants, les enfants seront sollicités.

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Pour être « obligé », l’enfant doit avoir des ressources suffisantes. Tous ses revenus sont pris en compte, y compris ceux de son épouse ou époux. Pour être exonéré, l’enfant doit apporter la preuve des charges qu’il invoque. À noter : les revenus du partenaire pacsé ou du concubin ne sont pas pris en compte dans le calcul de l’obligation alimentaire. Ainsi, dans le cas où le parent a lui-même manqué gravement à ses obligations envers lui (par exemple, dans les cas de maltraitance), l’enfant peut être déchargé de cette obligation par le juge. Les enfants qui ont été retirés de leur milieu familial peuvent également être dispensés de fournir cette aide, quand ce retrait est survenu par décision judiciaire pendant au moins 3 ans (périodes cumulées) avant l’âge de 12 ans, sauf décision contraire du juge. Dans ce cas, ce dernier fixe une contribution alimentaire, sous la forme d’une somme d’argent que l’enfant devra verser à son parent.

naire est dans le besoin et ses enfants peuvent être tenus de payer la partie relative aux aliments.

Le parent qui réclame l’obligation alimentaire doit pouvoir prouver qu’il est dans le besoin, c’est-à-dire dans l’impossibilité de pourvoir à sa subsistance (nourriture, vêtements, logement, santé...) par ses biens personnels ou son travail. Si la pension de retraite ne suffit pas pour payer l’Ehpad (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes), c’est la preuve que le pension-

Si cette solidarité familiale s’exerce souvent spontanément, elle est également prévue par la législation sur l’aide sociale, qui lui donne la priorité sur la solidarité collective.

Déterminer la participation des membres de la famille

Les enfants, dit « obligés alimentaires » doivent se mettre d’accord à l’amiable sur le montant de l’aide à verser à leur parent : la plupart du temps, cette solidarité familiale s’exerce sans intervention judiciaire. La loi ne prévoit en effet aucun barème de l’obligation alimentaire : seul le juge aux affaires familiales est compétent pour fixer la contribution individuelle de chaque obligé alimentaire en fonction de sa situation familiale et économique. Ainsi, en cas de désaccord entre les obligés sur les sommes à verser, le juge aux affaires familiales peut être saisi pour déterminer la contribution de chacun.

Obligation alimentaire et aide sociale

L’article L. 132-6 du code de l’action sociale et des familles énonce en effet le caractère subsidiaire de l’aide sociale : « Les personnes tenues à l’obligation alimentaire instituée par

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les articles 205 et suivants du code civil sont, à l’occasion de toute demande d’aide sociale, invitées à indiquer l’aide qu’elles peuvent allouer aux postulants et à apporter, le cas échéant, la preuve de leur impossibilité de couvrir la totalité des frais. » Si une personne âgée hébergée en établissement ou chez des accueillants familiaux a des ressources inférieures aux frais d’hébergements, elle peut faire une demande d’Aide sociale à l’hébergement (ASH) auprès de son conseil départemental. Le conseil départemental pourra ainsi payer la différence entre le montant de la facture, et les contributions respectives de la personne hébergée et le cas échéant, de ses obligés. Ceuxci peuvent en effet être sollicités pour financer une partie des frais d’hébergement d’un parent, si celui-ci ne peut s’acquitter seul des frais d’hébergement. Pour déterminer la participation de chaque obligé, tous les conseils départementaux prennent en compte les ressources et la composition

du foyer. Mais les conditions concrètes d’application sont particulières à chaque département. La règlementation locale en matière d’aide sociale peut prévoir des dispositions plus favorables que la réglementation nationale, et prendre en compte d’autres critères (le montant du loyer, le statut visà-vis du logement, les autres obligations alimentaire supportées…). Les sommes versées peuvent ensuite être déduites des impôts, au titre de la pension alimentaire. En cas de désaccord des obligés alimentaires sur le montant de leur participation, le juge aux affaires familiales peut être saisi par le département et remettre en cause le montant évalué.

• Sur la succession du bénéficiaire : quand la personne bénéficiaire de l’aide sociale décède, le conseil départemental peut récupérer les sommes versées sur le patrimoine transmis par la personne décédée à ses héritiers. Attention, c’est le patrimoine de la personne décédée qui est concerné par ce recours sur succession. Le patrimoine de ses héritiers n’est pas concerné (les héritiers auront simplement un héritage moins important). • Si le bénéficiaire « revient à meilleure fortune », que sa situation financière s’améliore. • Sur une donation faite par le bénéficiaire dans les 10 ans ayant précédé la demande d’aide sociale ou après celle-ci.

La récupération sur succession de l’aide sociale à l’hébergement

En cas de non-respect de l’obligation alimentaire

L’ASH versée par le conseil départemental constitue une avance, qui peut être récupérée du vivant ou au décès du bénéficiaire. Le conseil départemental peut récupérer les montants d’ASH :

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L’enfant qui ne verse pas, pendant plus de 2 mois, à un parent la pension alimentaire commet un délit d’abandon de famille. Le délit d’abandon de famille est passible d’une peine d’emprisonnement de 2 ans au plus et de 15 000 € d’amende au plus. Une lettre doit être adressée par le parent au procureur de la République du tribunal dont dépend son domicile ou celui de son descendant. Le tiers (personne étrangère à la famille ou organisme) ayant subvenu aux besoins du parent (à la place de l’enfant) peut se retourner contre le débiteur. Les actions les plus courantes sont le recours des services du département pour le recouvrement des sommes dues à l’aide sociale, et le recours des établissements publics de santé pour le recouvrement des frais d’hospitalisation. l

+

En savoir : www.pour-les-personnes-agees.gouv.fr Le portail national d’information pour l’autonomie des personnes âgées et l’accompagnement de leurs proches est édité par le Ministère des Solidarités et de la Santé et la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA).

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État des lieux

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Vieillesse et niveaux de vie Si dans leur ensemble, les personnes âgées de 65 ans et plus ont un niveau de vie supérieur et sont moins touchées par la pauvreté que l’ensemble de la population, les statistiques de l’Insee mettent en évidence un profil particulièrement vulnérable : les femmes seules après 75 ans. Ces données soulignent également l’avantage d’être propriétaire de son logement sur le niveau de vie.

Extrait de Insee Référence Les revenus et le patrimoine des ménages - Édition 2018

E

n 2015, le niveau de vie moyen des personnes de 65 ans ou plus (hors les personnes qui vivent en institution, maisons de retraite, hôpitaux de long séjour, etc.) est de 25 130 euros, soit 2 094 euros par mois. Le taux de pauvreté de ces personnes est de 6,9 % (soit 802 000 personnes pauvres), une proportion bien plus faible que pour l’ensemble de la population (14,2 %). Il est bien en dessous de celui de l’ensemble de la population, en raison notam-

ment du plus faible nombre d’unités de consommation dans ces ménages et des allocations garantissant le minimum vieillesse.

78 % de ces personnes seules sont des femmes, qui font partie de générations pour lesquelles l’activité féminine était moins répandue.

Le niveau de vie est plus faible aux grands âges : avec 1 993 euros par mois en moyenne, les personnes de 75 ans ou plus disposent de 162 euros de moins que les 70‑74 ans et de 207 euros de moins que les 65‑69 ans. Le taux de pauvreté est plus élevé à partir de 75 ans (8,1 %) qu’entre 65 et 74 ans (5,9 %). Cela traduit la situation relativement plus défavorable des personnes de 75 ans ou plus vivant hors institution : 52,2 % ont un niveau de vie inférieur à la médiane, contre 41,4 % pour les personnes de 65 à 74 ans. Les retraites des personnes les plus âgées sont plus faibles, notamment en raison d’une proportion plus importante de veuves ayant eu des carrières incomplètes, voire ne bénéficiant que d’une pension de réversion. De fait, 45 % des personnes de 75 ans ou plus vivent seules et près de

Des seniors plus souvent propriétaires

Niveau de vie moyen et pauvreté des personnes âgées en 2015 Niveau de vie moyen (en euros par an)

Taux de pauvreté (en %)

Nombre de personnes pauvres (en milliers)

Nombre de personnes (en milliers)

De 65 à 69 ans

26 400

5,9

223

3 777

De 70 à 74 ans

25 860

5,9

141

2 401

75 ans ou plus

23 920

8,1

438

5 385

Ensemble

25 130

6,9

802

11 563

Champ : France métropolitaine, personnes âgées de 65 ou plus vivant dans un ménage dont le revenu déclaré au fisc est positif ou nul et dont la personne de référence n’est pas étudiante. Les personnes vivant en communauté sont exclues du champ. Note : la pauvreté est définie au seuil de 60 % de la médiane des niveaux de vie de l’ensemble de la population de tous âges. Sources : Insee‑DGFiP‑Cnaf‑Cnav‑CCMSA, enquête Revenus fiscaux et sociaux 2015.

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Les seniors sont surreprésentés parmi les 5 % des personnes les plus aisées, les 65 ans ou plus constituant 21,6 % de cette population. Cette surreprésentation est plus marquée (23,2 %) dès lors que l’avantage d’être propriétaire de son logement est pris en compte dans la mesure du niveau de vie, en rajoutant au revenu un loyer imputé net pour les ménages propriétaires occupant leur logement. En effet, les personnes âgées sont plus souvent propriétaires que le reste de la population. La prise en compte de ces loyers conduit en outre à réduire la part des seniors parmi les personnes pauvres. En moyenne, 4,5 % des personnes âgées de 65 ans ou plus vivent dans un ménage dont au moins l’un des membres bénéficie du minimum vieillesse ou de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa), qui a remplacé en 2007 les diverses allocations constitutives du minimum vieillesse. Les personnes âgées vivant dans les ménages les plus pauvres n’en bénéficient d’ailleurs pas toujours : 35 % des personnes âgées vivant dans un ménage dont le niveau de vie est inférieur au 1er décile en bénéficient, contre 19,2 % de celles dont le niveau de vie est compris entre le 1er et le 2e décile. l

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Analyse Le vieillissement de la population soulève de nombreuses problématiques pour les individus, leur famille, la société entière. Comment faire pour vivre vieux dans les meilleures conditions de santé, d’autonomie, de dignité et de respect ? Comment soutenir et améliorer la place des familles des personnes en perte d’autonomie ? Et comment faire évoluer notre société pour mieux prendre en compte le vieillissement ? Experts, politiques et professionnels livrent leur analyse.

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Analyse

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Aidants familiaux : quels enjeux, quelles perspectives ? On estime aujourd’hui qu’il y a de 81 à 112 millions d’aidants familiaux en France. La moitié d’entre eux environ aide une personne âgée de plus de 60 ans. L’ensemble de ces aidants présente des spécificités concernant leur situation ainsi que le type d’aide qu’ils fournissent.

Céline BOUILLOT Chargée de mission aidants familiaux, Unaf

E

n effet, les aidants peuvent être en emploi ou non, à la retraite, en étude universitaire ou scolaire. Reconnaitre cette diversité, c’est permettre de prendre en compte l’ensemble des besoins afin d’apporter une politique publique adaptée pour tous les aidants familiaux. Par ailleurs, une problématique reste mal connue : celle des aidants les plus jeunes. Plusieurs centaines de milliers d’enfants, d’adolescents ou de jeunes adultes de moins de 25 ans viennent en aide, de manière régulière et fréquente, à un membre de leur famille qui est malade, en situation de handicap ou de dépendance. Cette aide peut prendre plusieurs formes : soins, démarches administratives, activités domestiques, coordination des soins, soutien moral… Or, un jeune aidant, ne mobilisera pas les mêmes dispositifs qu’un salarié aidant pour un même besoin3.

Evolution récente des droits pour les aidants familiaux

Récemment, les pouvoirs publics ont initié de nombreuses démarches en faveur des aidants. En mai 2019, la loi visant à favoriser la reconnaissance des proches aidants est adoptée et publiée au Journal Officiel. Cette loi permet notamment de répondre à cer-

tains objectifs défendus par l’Unaf : • Inscrire dans le champ obligatoire de la négociation collective de branche le thème de la conciliation entre vie professionnelle et rôle de proche aidant. • Faciliter le développement d’offres de répit pour les aidants familiaux, en élargissant l’expérimentation de « relayage » aux agents publics travaillant dans les établissements médico-sociaux publics. Le relayage permet à l’aidant d’être temporairement remplacé par un professionnel issu d’un établissement ou d’un service social ou médicosocial. • Améliorer le suivi de l’aidant via la mention de son rôle d’aidant sur le dossier médical partagé (DMP) de la personne aidée et inversement. Fin septembre 2019, le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2020, intègre une demande de l’Unaf : l’indemnisation du congé proche aidant. Cette indemnisation, qui sera fixée par décret devrait être équivalente à l’AJPP (allocation journalière de présence parentale) soit 43,7 euros par jour pour un couple et 51,92 euros par jour pour une personne seule. Le PLFSS 2020 prévoit une indem-

nisation sur une période de 66 jours ouvrés, soit 3 mois. Le 23 octobre 2019, les 17 mesures de la stratégie de mobilisation et de soutien aux aidants ont été présentées : soutien au quotidien, démarches administratives et droits sociaux, conciliation vie personnelle – vie professionnelle, répit, santé des aidants et jeunes aidants. Cependant, il est regrettable que la prise en charge de la dépendance soit absente de cette stratégie. On ne peut penser aidants sans prendre en compte la personne aidée. Accompagner les aidants familiaux c’est tout d’abord prendre en charge la dépendance, notamment en facilitant le recours à un professionnel de santé ou médico-social.

Quelles perspectives pour les aidants familiaux ?

Si l’indemnisation du congé proche aidant répond à un réel enjeu4 de conciliation entre vie professionnel et vie familiale, il faut non seulement rappeler les limites de ce congé mais également ne pas oublier les aidants qui ne sont pas en emploi (jeunes aidants, retraités, inactifs). Concernant le congé proche aidant, son indemnisation à la hauteur de l’AJPP reste un minimum pour garantir l’effectivité de ce droit. D’autant que

1/ Estimation de l’étude Handicap Santé 2008 (5000 aidants interrogés). 2/ Estimation du baromètre aidants BVA/April de 2017. 3/ L’association JADE (Jeunes AiDants Ensemble), propose des ateliers cinéma-répit à destination des jeunes de 8 à 18 ans. 4/ D’après une étude menée par le laboratoire du CREG avec le soutien de l’Unaf, 62.5% des aidants de moins de 60 ans sont en emploi. Parmi eux 33% déclarent des impacts de l’aide sur leur vie professionnelle. Une enquête qualitative menée en France (Le Bihan et al., 2013) souligne la préférence des aidants pour le recours à leurs RTT ou à leurs congés annuels, qui sont rémunérés et qui apporte la flexibilité nécessaire à l’organisation et au suivi des situations d’aide.

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l’indemnisation annoncée est prévue pour une durée de 66 jours. Or, le droit du travail prévoit que ce congé proche aidant puisse être prolongé jusqu’à un an. L’indemnisation prévue n’est donc pas alignée sur la durée prévue par le droit, ce qui représente également un frein pour saisir ce congé. Par ailleurs, la seule indemnisation du congé proche aidant ne peut suffire à son effectivité. Afin que ce congé permette le maintien de l’ensemble des aidants familiaux dans la vie professionnelle, un élargissement de son champ est nécessaire. En effet, aujourd’hui le congé proche aidant ne s’adresse qu’aux personnes pouvant justifier d’un taux d’incapacité permanente au moins égal à 80 % de la personne aidée, ou bénéficiant de l’APA (allocation personnalisée d’autonomie) au titre d’un classement GIR 1, 2 et 3. Or, la personne dite dépendante n’est pas qu’une personne âgée ou en situation de handicap : l’aide familiale aux personnes atteintes d’une maladie chronique ou d’une maladie nécessitant des traitements lourds, comme une personne atteinte d’un cancer et suivant une chimiothérapie par exemple, doit être prise en compte. L’élargissement du champ de ce congé est d’autant plus important que l’on fait face à une accélération du virage ambulatoire pour atteindre les 70 % de prise en charge sans hospitalisation d’ici 2022. Cette externalisation des soins, qui doit potentiellement réduire les dépenses en établissement, repose sur la large participation et consentement des aidants familiaux. Comme l’exprime Henri de Rohan-Chabot, Délégué général de la Fondation France Répit, « sans les proches et sans les aidants, il n’y a pas de maintien à domicile possible. Mais sans soutien aux aidants, sans répit, il n’y a pas de maintien à domicile soutenable possible ».

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« Sans les proches et sans les aidants, il n’y a pas de maintien à domicile possible. Mais sans soutien aux aidants, sans répit, il n’y a pas de maintien à domicile soutenable possible ».

Analyse

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*Lire aussi « Familles à l’épreuve du vieillissement et de la perte d’autonomie », page 22.

La population des personnes aidées âgées et de leurs aidants Il est donc nécessaire : d’une part de leur permettre de bénéficier du congé d’aidant (qui n’est pas un dispositif de répit) et d’autre part de veiller à ce que l’aidant n’endosse pas des responsabilités qui devraient relever d’une intervention par un professionnel. L’aidant familial ne doit pas être confondu avec un auxiliaire médical.

Une nouvelle initiative en faveur des aidants

A partir de janvier 2020, l’Unaf met en place dans une dizaine d’Udaf une expérimentation de médiation dans le champ de l’autonomie, de la dépendance et des solidarités familiales. Cette proposition d’une médiation entre aidants et entre aidants et personnes aidées fait échos à un besoin exprimé par des familles et des juges aux affaires familiales. En effet, à des moments cruciaux comme l’entrée en Ehpad, la fixation des obligations alimentaires… les personnes sont parfois démunies et ont besoin d’une médiation pour mieux s’organiser, fixer le rôle et la place de chacun. l

Une seule étude, « Handicap Santé » a étudié, en 2008, l’ensemble des aidés de tous âges et les aidants (de plus de 16 ans), pour tous les types d’aide. Elle sera renouvelée en 2020-2021 sous le nom « d’enquête autonomie ». Elle a révélé l’importance de la population des aidants : 8 millions, dont 7,4 assurent une aide présentielle à la vie quotidienne. La moitié de ces derniers (51 %) aide une personne âgée de plus de 60 ans . Par ailleurs, l’enquête « Care », centrée sur la perte d’autonomie des seuls seniors, en 2015, conclut que 21 % des plus de 60 ans, soit 3 millions de personnes, reçoivent une aide à la vie quotidienne, et 81 % de ces aidés le sont par des proches (48 % uniquement par des proches, sans aide professionnelle). L’essentiel de l’aide non professionnelle provient des enfants des aidés (cités par 55 % des séniors aidés) ou de leur conjoint (38 %). « L’aide croisée» par les gendres ou belles-filles (8 %), l’aide de proches hors familles, venue d’amis (5 %) ou de l’entourage non familial (3 %), sont rares : les aidants de personnes âgées sont principalement familiaux, avec des liens de filiation et d’union. Source : DREES, études et résultats n°1103, 2019

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Analyse

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RÉALITÉS FAMILIALES#FAMILLESFACEAUGRANDÂGE#2019

Familles à l’épreuve du vieillissement et de la perte d’autonomie Quand elle est fragilisée sur un plan physique, cognitif ou psychologique, la personne âgée est une personne vulnérable. Pour faire face à ces fragilités, elle a besoin de mobiliser des ressources personnelles et relationnelles spécifiques. La famille, quand elle existe, constitue souvent le premier cercle de relations sollicitées pour accompagner, soutenir, protéger le parent âgé. Françoise DUCHATEAU Médiatrice au C.F.M. www.cfmediation.com

D

e fait, dans cette situation, un mouvement centripète s’observe : une constellation familiale aux formes parfois nouvelles, se mobilise psychiquement et physiquement autour du parent. On s’active, se déplace, se replace, comme à toute étape de crise qu’est appelée à vivre la famille, celle de la naissance ou du départ des enfants, celle d’un décès ou d’un divorce, par exemple. Ce temps de crise fait souvent le lit des conflits familiaux.

Les spécificités des conflits quand un parent vieillit

*Ehpad : Etablissement et hébergement pour personnes âgées dépendantes.

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La conflictualité peut s’analyser en deux dimensions : celle que l’on peut qualifier de désaccord et qui touche à l’objet du conflit, et celle qui concerne la relation. Ainsi, que l’on soit le parent âgé ou son enfant, on peut manifester son désaccord sur une entrée en Ehpad* parce qu’on estime qu’il y a d’autres alternatives d’hébergement et de soins plus appropriées. Mais ce désaccord peut également manifester une volonté d’être informé sur l’état de santé du parent ou de participer à la prise des décisions, un épuisement face à la charge du parent ou encore un souhait de trouver de nouvelle modalités de communication. Dans ces derniers cas, le conflit parle de

la relation plus que de l’objet. C’est bien sûr cette deuxième dimension, la dimension relationnelle du conflit, qui nous intéresse ici, car en ce moment de passage particulièrement difficile, c’est de la qualité relationnelle que dépend le bien-être de toute la famille. En effet, alors même que la personne âgée peut avoir contribué à sa manière à l’existence de cette conflictualité, elle n’en demeure pas moins particulièrement vulnérable à ses effets. Son bien-être dépend de la qualité des relations qu’elle entretient avec ses proches mais aussi de la qualité des relations que les proches entretiennent entre eux. Sa fragilité et sa dépendance vis-à-vis des autres autres risquent de la conduire à adopter, soit un comportement d’opposition parfois agressive, soit, plus souvent, une attitude silencieuse et des paroles qui vont chercher à plaire à la personne avec qui elle est en lien et dont elle dépend. La peur de perdre l’aide de ses proches ainsi que le stress que lui font vivre les conflits la guident dans ce sens. Comment peut-elle, dans ces conditions, s’exprimer et prendre part aux choix de vie qui la concernent ? Les proches également, au

moment de prendre des décisions importantes en rapport avec l’accompagnement du parent (son hébergement, son suivi médical, la gestion de ses comptes, le sort de la maison familiale, le partage des frais …), doivent pouvoir parler ensemble et de façon apaisée des différents enjeux de la situation d’accompagnement : enjeux affectifs, organisationnels et financiers que nous évoquerons plus loin. La période d’accompagnement du parent peut s’étaler sur de nombreuses années. C’est en ce sens une véritable étape nouvelle dans le cycle familial. La personne âgée traverse une crise personnelle du vieillissement particulièrement éprouvante, ponctuée de pertes, de renoncements et de deuils. Ils impacteront également son couple. Ses choix vont être très versatiles et les demandes adressées à ses proches évoluer au gré de son cheminement personnel ainsi que de ses besoins : demande de visite, accompagnement médical, démarches bancaires et enfin, appels incessants au secours. Dans la famille aussi la vie continue : les enfants ont 50, 60, 70 ans. Ils sont époux, parents, grands-parents. Ils prennent

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leur retraite, se séparent, … ont à gérer concomitamment ces différentes crises. Leur disponibilité, leurs contraintes et les arbitrages qu’ils feront, impacteront les réponses qu’ils pourront donner aux sollicitations de leur parent et de leur fratrie. Les enjeux d’une bonne communication, du respect et de la confiance au sein de la famille sont ici perceptibles.

Les relations familiales à l’épreuve de la fin de vie

Quelles sont les difficultés qui peuvent expliquer la conflictualité des relations familiales à cette étape ? La mort, même sans être nommée ou conscientisée, est à ce moment le filigrane de ce que chacun vit personnellement et dans sa relation aux autres. Nous nous trouvons dans un contexte que nous qualifions d’ « urgence psychologique ». Il est urgent de résoudre l’irrésolu : les questions d’une longue histoire familiale restées sans réponses : malentendus, blessures, secrets de famille ; une relation où l’on se sent en dette ou avoir une créance. L’urgence dit la difficile conciliation du temps long de l’histoire familiale et du temps court qui caractérise la fin de vie. L’histoire de la famille, dans ses épisodes difficiles, douloureux, de ruptures, peut avoir été mise de côté le temps de la construction de sa propre cellule familiale. Quand se profilent la mort et la séparation, cette histoire se rappelle à chacun et crée des tensions dans les relations. La maladie, la mort, la séparation expliquent le mouvement de resserrement des liens comme celui de la conflictualité dans la famille. La conscience de la mort, celle de l’évolution et de la gravité de la maladie d’un parent, ne se font pas pour chacun au même moment. La douloureuse confrontation à la maladie et à la séparation, le refus, le déni parfois ou simplement l’éloignement physique et géographique du parent peuvent expli-

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quer une « prise de conscience » plus tardive pour certains. Cette différence de perception de la situation est, elle aussi, génératrice de conflits dans les familles : le proche aidant a beau signaler à ses frères et sœurs que des mesures sont à prendre en raison de l’évolution de l’état de santé du parent, il n’est pas entendu. Fatigué de ne pas être cru et parfois épuisé par la charge de l’aide qu’il apporte à son parent, le proche aidant prend alors une décision seul : il organise une entrée en Ehpad ou fait une demande de protection juridique sans en informer ses frères et sœurs. Ce peut aussi être le parent qui fait une chute ou une décompensation qui le conduira à l’hôpital. Ces événements vont provoquer le réveil des « inconscients » ou des absents. Ce réveil parfois explosif sera accompagné de reproches ou de demandes de comptes à l’égard du proche aidant. Celui-ci, pourtant en attente de reconnaissance et de soutien, reçoit au contraire toute l’agressivité de ses proches. Sont alors réunies les conditions du changement attendu. Le « réveil » qui signe la crise, va provoquer une demande de modification des places. Il va permettre l’organisation d’un nouvel équilibre, à condition que ces places puissent être parlées et renégociées en famille. Comme nous l’avons vu plus haut, ce changement de places peut être revendiqué de manière indirecte par une prise de position arrêtée sur un sujet sensible ou par une prise de décision seul : une entrée en Ehpad, une demande de tuteur extérieur … et donc la naissance d’un conflit. Il peut aussi se revendiquer de façon plus explicite : ainsi observe-t-on l’enfant qui habite loin du parent et ne s’en est jamais beaucoup soucié (disent ses frères et sœurs), réclamer de prendre désormais part aux décisions, de façon aussi virulente qu’inattendue pour le reste de la famille. L’incompréhension se mue vite en soupçon et en conflit, ici encore.

Analyse

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« La crise de la sénescence se caractérise pour la personne âgée, comme pour sa famille, par la conscience que le temps est compté » Gérard Ribes

Si la parole était possible, cet enfant pourrait dire qu’il se sent en dette vis-à-vis de son parent ou qu’il attend encore une part d’affection ou de reconnaissance de sa part, ou que précédemment la maladie de son parent le mettait trop en souffrance, ou qu’aujourd’hui il a plus de temps car son couple va mieux, ou … que sais-je ? On voit ici que la conflictualité s’inscrit au carrefour de deux histoires familiales : l’histoire familiale longue et l’histoire plus courte et récente de cette étape particulière qui est celle de l’accompagnement du parent vieillissant. Les objets sur lesquels portent les conflits sont divers. Ils ne sont cependant jamais très éloignés de considérations financières. L’argent et le sort de la maison du parent, par exemple, disent une réalité : celle des contraintes financières (obligations alimentaires, succession …). Ils disent aussi la balance des dettes et des créances, les souvenirs et l’attachement affectif …

*Lire aussi « Aidants familiaux : Quels enjeux, quelles perspectives ? », page 20 et « Protéger sans diminuer », page 24.

Autant d’enjeux dans un contexte où la maladie et la mort, la culpabilité et le désir de réparation, l’ambivalence des sentiments se conjuguent pour rendre la parole si difficile, peuvent bien excuser quelques conflits. Disons même qu’ils sont les bienvenus. Souhaitons qu’ils trouvent un cadre pour les accueillir et en faire l’occasion d’une parole échangée entre tous. Celui de la médiation familiale peut en être un. l

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Analyse

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RÉALITÉS FAMILIALES#FAMILLESFACEAUGRANDÂGE#2019

Protéger sans diminuer

Michel FOHRENBACH Administrateur en charge de la protection juridique des majeurs, Unaf

Grâce aux progrès de la science et notamment de la médecine, nous vivons plus longtemps. Mais, à mesure que nous avançons en âge ou parfois à la suite d’un accident, nos capacités diminuent … Nous pouvons perdre tout ou partie de notre autonomie, devenir fragiles et vulnérables et, bien que nous conservions en nous une force vitale, il est important que nous puissions bénéficier, au-delà des aides matérielles quotidiennes, d’une forme adaptée de protection juridique.

L

orsque nous étions en totale possession de nos moyens, nos décisions n’étaient pas orientées uniquement par notre intérêt. Nous prenions les décisions qui nous plaisaient. Lorsque nous devenons dépendants et vulnérables, il faut, dans la mesure du possible, que la protection dont nous bénéficions respecte nos volontés. C’est la reconnaissance de la vulnérabilité comme élément inhérent de notre humanité qui explique que notre vie conserve une valeur intrinsèque et que notre dignité doit être respectée. Cela suppose à la fois une grande souplesse dans les dispositifs juridiques de protection et une réflexion éthique de la part de ceux qui exercent ces mesures de protection. Nos proches, s’ils sont désignés par le juge pour assurer notre protection juridique, ont besoin d’un soutien pour faire face à ces enjeux.

Chiffres-clés 42 % des personnes protégées ont 60 ans et + dont 23 % ont plus de 75 ans

730 000 personnes bénéficient d’une mesure de

protection juridique car leurs facultés personnelles sont altérées par la maladie, le handicap, ou la dépendance. 2 millions de personnes pourraient ainsi être concernées à l’horizon 2040. Plus de 1 mesure sur 2 est exercée par les familles.

147 000 personnes protégées sont accompagnées

par les services des Udaf, présents dans 92 départements. % des personnes protégées ont des ressources inférieures au seuil de pauvreté.

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A l’instar de ses voisins européens et outre atlantiques, il était nécessaire pour la France de construire des dispositifs vecteurs de l’expression et du recueil des volontés des personnes (personne de confiance, directives anticipées, mandat de protection future,…). C’est un véritable changement de paradigme qui s’opère, sous l’influence de la Convention internationale des droits des personnes handicapées, ratifiée par la France en 2010. Le principe de l’intérêt supérieur de la personne accompagnée fait place au respect de ses choix et de ses volontés. Ainsi, les évolutions de notre système français tendent vers le développement de mesures de protections plus respectueuses des libertés individuelles, mais aussi moins encadrées juridiquement. Les familles seront ainsi de plus en plus encouragées à s’impliquer dans la protection d’un proche : dans quelles conditions ? Le droit de la protection des personnes majeures vulnérables (tutelle, curatelle, sauvegarde de justice, habilitation familiale, mandat de protection future) permet une protection de la personne et/ou des biens, pour éviter d’éventuels abus. Il s’agit aussi d’éviter les dommages qu’elles pourraient se causer à elles-mêmes. C’est un véritable enjeu de société, d’autant plus important que l’exercice de ces mesures touche au respect de la dignité, à l’autonomie et

à la qualité de citoyen des personnes.

Renforcer les droits fondamentaux des personnes protégées

Le droit de la protection juridique des majeurs (PJM), réformé en profondeur par la loi du 5 mars 2007, est fondé sur des principes et règles qui encadrent strictement le prononcé de ces mesures, compte tenu de l’atteinte à la capacité juridique des personnes bénéficiaires. Or, l’article 12 de la Convention internationale du droit des personnes handicapées, qui pose le principe d’égale personnalité et le maintien de la capacité juridique, est venu influencer notre droit. Plus récemment, le rapport d’Anne Caron-Déglise sur « l’évolution du droit de la PJM » s’est emparé de ces considérations et notamment de revendications portées par l’Unaf, autour de l’effectivité des droits des personnes. En conséquence, le législateur est venu de nouveau modifier en 20193 les dispositions législatives encadrant la « protection juridique des majeurs ». Il fallait prendre en compte d’une part cette volonté de renforcer les droits fondamentaux et les libertés individuelles des personnes protégées (ouverture du droit de vote sans restriction pour les personnes en tutelle, …), d’autre part la primauté familiale dans l’exercice de ces mesures (primauté du mandat

1/ Rapport de la Cour des comptes 2/ Etude ANCREAI 2015 3/ Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de « programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice»

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de protection future, mesure qui permet d’organiser par anticipation sa vulnérabilité – extension de la mesure d’habilitation familiale). Nous passons progressivement d’un modèle « de la réadaptation et de la protection », à un modèle de « promotion des droits », visant à assurer la mise en œuvre concrète des droits humains fondamentaux. La volonté de la personne est considérée aujourd’hui comme supérieure à toute expertise et comme l’expression de sa liberté fondamentale. Liberté de choix, respect de la dignité et de l’autodétermination de la personne dépendante : c’est l’esprit dans lequel sont désormais envisagés les différents régimes de protection juridique.

Soutenir et renforcer la place des familles

Plus de la moitié des mesures de protections sont exercées par les familles. Les soutenir et les accompagner est donc indispensable tant pour renforcer les droits des personnes protégées que pour accompagner le mouvement de déjudiciarisation à l’œuvre. Les familles peuvent trouver un grand nombre d’informations sur le site internet « protégerunproche.fr », dont le démarrage est prévu début 2020, mais le contact avec un professionnel est indispensable. Les Udaf sont engagées à leurs côtés au travers des services d’information et de soutien aux tuteurs familiaux (ISTF), qui répondent à leurs besoins à deux niveaux : avant toute décision de protection et en cours de mesure. En amont, l’information et la compréhension des proches et de la personne elle-même sur les différents dispositifs et leurs conséquences permettent de faire les choix les plus appropriés. Durant l’exercice de la mesure, ils assurent aux tuteurs en exercice un soutien de proximité. Le développement de l’habilitation familiale (étendue désor-

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mais au régime de l’assistance) constitue une avancée dans la place accordée aux familles et aux proches en matière de protection. De ce point de vue, la loi du 23 mars 2019, réformant la Justice, apporte avec l’habilitation davantage de fluidité et de souplesse qu’avec la tutelle ou la curatelle. Cela permet d’adapter la protection aux besoins de chaque personne vulnérable, en envisageant son environnement familial. Du fait des modalités simplifiées de l’habilitation, un plus grand nombre de familles seront encouragées à s’impliquer dans la protection d’un proche. Toutefois, s’il convient de ne pas avoir de défiance abusive à l’égard des familles, il ne faut pas non plus surestimer leur capacité à assumer seules la charge de protection d’un proche vulnérable. Aidant familial*, mandataire, personne de confiance* : les familles peuvent parfois ployer sous la charge. De plus, le juge n’ayant plus vocation à intervenir sauf exception, l’habilitation requiert un consensus et une bonne entente familiale durables, audelà de son prononcé. Elle est totalement inadaptée aux situations familiales complexes ou conflictuelles, notamment en ce qui concerne les aspects patrimoniaux. Dans le contexte de déjudiciarisation actuel, l’Unaf s’inquiète que l’ISTF ne vienne pallier le retrait des missions du juge et des greffes, en particulier pour l’habilitation familiale qui fonctionne quasiment sans autorisation ni contrôle. Par ailleurs, il paraît essentiel de développer les espaces d’échange et d’entraide entre tuteurs familiaux, animés par des professionnels qui les sensibilisent également aux questions éthiques relatives à la bientraitance ou à l’accompagnement dans le respect des droits et libertés de leur proche vulnérable.

Dans les faits, aussi louables que soient les considérations éthiques et les exhortations à respecter les volontés des personnes protégées, elles restent de vaines incantations, faute de moyens concrets alloués à leur mise en œuvre. La loi du 23 mars 2019 transfère plus de responsabilités aux familles, par le biais des habilitations familiales, afin d’alléger le travail des juges et de réduire les dépenses publiques. Dans l’exercice de la protection de leurs proches, les familles doivent être assurées de pouvoir bénéficier de services d’information et de soutien aux tuteurs familiaux, pérennes et présents partout sur le territoire. Vivre plus longtemps est une chance. Protégés, entourés des soins dévoués de notre famille et de nos proches, en sécurité, nous pouvons lâcher prise à mesure que nos capacités diminuent. Car notre capacité d’aimer, elle, reste intacte. l

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*Lire aussi « Aidants familiaux : quels enjeux ? quelles persepctives ? » page 20

*Personne de confiance : Toute personne de l’entourage (parent, proche, médecin traitant) qui accepte de jouer ce rôle peut être désignée personne de confiance, pour représenter les intérêts d’un individu qui n’est pas en état de s’exprimer. La désignation est généralement faite par écrit lors d’une hospitalisation.

Connaître les mesures de protection ➜ Le mandat de protection future : possibilité pour les personnes majeures de désigner à l’avance une ou plusieurs personnes pour la représenter. Le mandant de protection future ne fait perdre ni droits ni capacité juridique au mandant. Elle permet à un parent de préparer la protection future d’un enfant. ➜ L’habilitation familiale : permet aux proches d’une personne de la représenter dans tous les actes de sa vie ou certains seulement, selon son état. Elle est ordonnée par le juge, mais une fois la personne désignée pour recevoir l’habilitation familiale, le juge n’intervient plus. ➜ La sauvegarde de justice : instituée à titre provisoire, elle protège une personne dont les facultés sont altérées de façon temporaire, pour qu’elle soit représentée pour un acte déterminé. La personne conserve l’exercice de ses droits et sa capacité juridique. ➜ La curatelle : elle concerne la personne qui a besoin d’être conseillée ou assistée dans les actes importants de la vie civile. Le niveau de protection (simple, aménagé ou renforcé) est déterminé par le juge mais dans tous les cas, la personne conserve partiellement sa capacité juridique et conserve son droit de vote. ➜ La tutelle : La personne protégée doit être représentée de façon continue. La tutelle peut être allégée par le juge mais dans tous les cas, la personne protégée perd sa capacité juridique. Le droit de vote peut être supprimé par décision du juge.

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La place des familles dans les soins hospitaliers en gériatrie

Dr Hélène VILLARS Praticien hospitalier Gériatrie Responsable de l’hôpital de jour gériatrique de Toulouse1 villars.h@chu-toulouse.fr

L’hôpital, dans ses fondements, assumait la mission du soin des indigents, des exclus, des pauvres, des vieillards et des enfants abandonnés. Autant d’images de la solitude, de figures esseulées recueillies dans l’enceinte des hôtels Dieu. La question même de l’entourage du malade ne se posait pas. Aussi, dès lors que l’on s’interroge sur l’origine des pratiques actuelles qui régissent la place des familles à l’hôpital, faut-il considérer les fondements mêmes de l’institution.

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u milieu du XIXe siècle, à l’époque de l’ébauche des premiers soins destinés aux personnes âgées - d’ailleurs genrés car les hommes étaient à Bicêtre et les femmes à la Salpetrière - les soignants ne s’interrogeaient pas sur la présence des familles2. Ce questionnement n’a émergé que plus tard, au moment de ce qui a été appelé « l’humanisation de l’hôpital », de la fin du XIXe siècle à la fin de la présence des religieuses après la 2de guerre mondiale. En 1958, la reforme Debré a apporté une avancée par la circulaire sur l’entourage du malade, paradoxe pour une réforme qui aura été celle de l’hyper technicisation de l’hôpital. Le véritable virage n’apparaitra qu’en 2002 avec la loi sur les droits des malades, dans laquelle est enfin évoquée la notion de famille, pour finalement se consolider en 2006 dans la « Charte de la personne hospitalisée »3.

Une culture individuelle des soins

Mais force est de constater qu’entre les textes et la pratique, le décalage a perduré et existe encore. En 2019, il est toujours exact de dire, que dès que le malade entre à l’hôpital, l’insti-

tution lui impose d’une certaine manière ses règles et restreint ses contacts avec son entourage, notamment par la simple édiction « d’horaires de visite ». Ces horaires de visites ne sont règlementés par aucun texte. Elles sont laissées à l’appréciation des équipes médicales et soignantes, et inscrites dans le projet de service4. Il existe une hétérogénéité de ces pratiques (avec dans certains services un accès quasiment non règlementé voire favorisé, et dans d’autres des horaires très stricts de quelques heures l’après-midi uniquement). Tout cela découle de la sensibilité, du jugement, voire des croyances des soignants. L’accès du malade à ses proches et des proches au malade est en quelque sorte « balisé ». Cela peut bien sûr être vécu comme une mise à l’écart. Il est en de même pour la possibilité d’avoir un lit d’appoint dans la chambre du malade, aléatoire et souvent refusée. Nous devons reconnaître que les arguments avancés par les équipes soignantes pour justifier cette limitation de la présence des familles sont recevables : gêne occasionnée dans les soins techniques, nécessité

d’aller vite liée au mode de tarification, complexification liée à la triangulation de la relation de soin5. Le caractère inadéquat des lieux est, parfois, le dernier des arguments. Cependant je ferais l’hypothèse qu’il existe d’autres raisons, à chercher dans la « culture soignante », dérivée de l’histoire même de l’hôpital, expliquant les règles qui régissent la « place » donnée aux familles. Le mot place étant d’ailleurs à ce titre éloquent, car désignant un endroit fixe duquel on ne bouge plus, alors que c’est une logique de relation et de partenariat qui devrait prévaloir pendant et après le séjour hospitalier. Tout d’abord, il faut constater que, au-delà de l’institution hospitalière, c’est tout notre système de santé qui est centré sur la personne. L’usager, le citoyen, le patient, le malade, l’assuré social est « pris en charge » isolément, hors de son « système » de relations. Mais la famille n’est-elle pas, en ellemême, le véritable « usager », qui attend de l’institution qu’elle prenne le meilleur soin de l’un ses membres ? En second lieu, il est probable que les soignants soient dans

1/ Service de Médecine Gériatrique du CHU de Toulouse-Gérontopôle. Hôpital de jour Pavillon Albarède Purpan, Place Baylac, 31300 Toulouse. INSERM UMR 1027. Laboratoire d’Epidémiologie et analyses en santé publique. Equipe vieillissement. Faculté de Médecine, 37 allées Jules Guesde, 31000 Toulouse. 2/ Martin JP « La Médecine des personnes âgées ». Edition L’Harmattan 2012 3/ https://solidarites-sante.gouv.fr/systeme-de-sante-et-medico-social/parcours-de-sante-vos-droits/modeles-et-documents/article/la-charte-de-la-personnehospitalisee 4/ Thiblaut-Wanquet P. Les aidants naturels auprès de l’adulte à l’hôpital. Elsevier Masson 2011.

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une situation de dilemme éthique5, ressentant effectivement que la présence des proches est bénéfique pour le malade mais qu’enfreindre les règles, anciennes, de l’institution serait délétère pour eux (rupture de solidarité dans l’équipe, prise de responsabilité individuelle, mise en conflit de la déontologie de la profession et de la responsabilité institutionnelle)6. Le choix à faire au regard du droit à accorder à la famille d’être présent auprès du malade est malaisé pour un individu donné, même s’il est médecin chef de service ou cadre infirmier, et peut difficilement être une décision prise d’autorité. L’autre hypothèse, la plus probable à mon sens, est que les soignants n’ont longtemps pas compris le sens même de la présence de la famille. Dans la « culture soignante » la relation soignant/soigné est apprise comme duelle, par les infirmiers, le colloque est singulier pour les médecins, une troisième partie dans la relation est spontanément vécu comme « de trop ».

Reconnaître famille et proches comme partenaires des soins

Nos confrères pédiatres ont, les premiers, fait émerger la question du sens de la présence de la famille, au départ par nécessité puisque tout mineur est représenté par une personne majeure, à qui les décisions doivent être expliquées. Toutefois, ces praticiens ont rapidement perçu qu’au traumatisme de la maladie s’ajoutait pour l’enfant celui de la séparation. Les parents ont donc été progressivement admis puis encouragés à participer aux soins de l’enfant4. Enfin, d’autres aspects de la vie de l’enfant malade à l’hôpital se sont ajoutés, l’école et le jeu. D’autres disciplines ont eu cette même démarche : les soins palliatifs, l’oncologie

et la médecine gériatrique, en tant que médecine adaptative se donnant pour projet de permettre au sujet âgé hospitalisé de retrouver, le plus possible, son état d’autonomie et sa qualité de vie antérieure à la maladie aigüe. Ceci passant nécessairement par le lien avec les proches. Pourtant pour un soignant donné, le sens de la présence, au quotidien, du proche peut être difficile à appréhender. A cet égard il semble qu’un changement de conception survienne et permette de donner plus de sens à la présence des proches. En effet, depuis quelques années il est bien connu que le fait même de rester à l’hôpital, au-delà de la maladie qui y conduit, altère l’autonomie du sujet âgé. Cela a été identifié par les gériatres sous le terme de « dépendance iatrogène » une sorte de « perte d’indépendance fonctionnelle nosocomiale »7. Les sondes, perfusions et autres cathéters entrainent un alitement et un abandon des gestes quotidiens, délétères pour la personne âgée, surtout atteinte de troubles cognitifs. La perte des repères spatiaux et temporaux dans un milieu hospitalier normatif favorise l’apparition d’une confusion accompagnée de beaucoup d’anxiété chez les malades âgés. Ainsi la présence rassurante et structurante d’un proche est-elle un formidable moyen de lutte contre ce phénomène, que ce soit pour l’éviter ou en amoindrir le retentissement émotionnel et affectif. Elle est, ici, véritablement thérapeutique. Les soignants, en milieu gériatrique, se sont approprié cette notion sans difficulté, car perçue comme bénéfique pour leur malade. Ainsi, le dilemme éthique pouvait-il en partie se résoudre. D’une posture de désintérêt pour les proches, voire de méfiance, le soignant est passé à une posture de partenariat dans les soins, sous-tendu par un souci commun, partagé

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et verbalisé d’amélioration du confort du malade. Si la place des familles en cours d’hospitalisation est en train d’évoluer positivement, notre discipline ne s’est jamais désintéressée de l’entourage du malade sous le prisme, au départ du « devenir » du malade à la sortie de l’hôpital. La présence dans nos unités d’assistantes sociales, les relais structurés avec les différents dispositifs mis en œuvre par les plans de santé publique successifs nous font nous poser, systématiquement, la question des conditions de vie du malade à sa sortie. C’est parfois dans ce but, au départ, que se tissent les liens entre soignants et « proches aidants », selon le terme actuel (au-delà des liens avec le mandataire en cas de majeur protégé et la personne de confiance dont l’identification est obligatoire). Il est fréquent que les médecins et l’équipe soignante rencontrent d’autres « aidants » dont ils auront à appréhender le rôle, le niveau d’implication et la nature de la relation. Si l’affection, la bienveillance et la sollicitude fondent la grande majorité de ces relations, il nous incombe de dépister les situations d’abus, ou de maltraitance qui restent rares mais souvent non reconnues. L’absence d’un proche disant parfois bien plus sur la situation du malade que sa présence.

Un dialogue médecin/ proches aidants parfois complexe

Le dialogue entre le médecin et les proches aidants du malade peut s’avérer complexe. Leur présence à l’hôpital auprès de leur proche confronte ces aidants à la nature de leur engagement auprès de leur époux/ se ou parent, à la qualité de leur aide et à leur compétence. Nous devons donc d’un côté essayer de l’appréhender, de manière neutre – les aidants sont parfois, en outre, dans une

5/ Simard N. Dilemmes éthiques des soins aux personnes âgées » Reflets : revue d’intervention sociale et communautaire, vol. 2, n° 2, 1996, p. 38-57. 6/ Hirsch E. Ethique des soins et grand âge, Science, 2ème trimestre 2003. 7/ Sourdet S, Lafont C, Rolland Y, Nourhashemi F, Andrieu S, Vellas B. Preventable Iatrogenic Disability in Elderly Patients During Hospitalization. J Am Med Dir Assoc. 2015 Aug 1; 16(8):674-81.

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situation subie (« aidant désigné »)8 – d’entendre leurs difficultés, voire de détecter chez eux l’épuisement physique et moral. Car, en effet, ces aidants sont bien souvent âgés, parfois malades eux-mêmes et nous renvoient à nos compétences de soignants (repérer l’épuisement sans médicaliser une problématique sociale)9-10. D’un autre côté, ils nous confrontent aussi, simultanément, à notre impuissance actuelle liée à l’absence malheureuse de solutions thérapeutiques pour les affections neuro-évolutives, dont souffre nombre des malades « gériatriques » hospitalisés. Cependant, leurs attentes vis-à-vis de l’institution restent grandes. Lorsqu’un aidant « craque » c’est vers l’hôpital qu’il se tourne, vers les urgences. A contrario, le passage à l’hôpital est parfois « utilisé », inconsciemment, par les familles, pour légitimer leur choix de placer leur proche en EHPAD. C’est bien souvent à l’is-

sue d’une hospitalisation qu’il est dit « que rentrer à la maison n’est plus possible » et que « tout le monde dit qu’il faut une place en EHPAD ». Un dialogue difficile s’instaure là sur le ligne de crête entre le respect des choix du malade de rester chez lui et l’épuisement de l’aidant dans une situation sans issue auprès d’un malade incurable dépendant, ayant des troubles graves du comportement. De plus, du côté des familles il peut exister un sentiment d’« enrôlement » dans les soins, vécu dans la détresse11. La société met ces aidants face à une injonction paradoxale : celle de s’occuper de leur proche, par exemple souffrant d’une maladie d’Alzheimer, tout en travaillant et/ou en prenant soin de leur propre santé12. C’est donc parfois une colère sourde que nous devons entendre, accepter et si l’on peut apaiser. Peut-être que les sources du militantisme

actuel des aidants seraient en partie à chercher dans cette relation avec le soignant qui, ne comprenant pas suffisamment le sens de la présence du proche dans le soin, le renvoyant involontairement à ses difficultés et à ses limites, le met maladroitement à distance ?

Quelles évolutions pour les relations entre aidants et hopital ?

La place et le statut des proches aidants dans la société évoluent ; les relations avec l’hôpital s’en trouveront peut-être modifiées. Le soin gériatrique, centré sur le malade pris dans son système de relations, évolue vers un lien toujours plus riche avec les proches aidants, dans un but commun de rétablissement et de retour à l’autonomie antérieure du malade, comme en témoignent d’ailleurs les nombreuses lettres de gratitude des familles. A l’heure de la crise identitaire que traverse l’hôpital public, la perte de repère des soignants ne pourrait-elle pas trouver un remède dans l’établissement d’un vrai partenariat avec les familles ? Créer un tel partenariat avec les proches, dans un climat de bienveillance évitant toute rivalité ou substitution de rôles, puis les soutenir si nécessaire nous permettrait de mieux assumer ensuite leur implication à la sortie. A l’heure de l’hôpital « hors les murs », où vivent les familles, il pourrait être utile de faire rentrer les proches, plus encore, « en les murs ». Continuer à tisser ce lien serait, à mon sens, un retour aux missions sociales et sociétales de l’hôpital et donnerait un supplément de sens à tout soin, tout geste, toute parole13. l

8/ Weber F. Handicap et dépendance. Drames humains, enjeux politiques, Paris, Rue d’Ulm. 2011. 9/ Aubry R, Fleury C, Delfraissy JF. Les enjeux éthiques du vieillissement. SER Etudes Juillet Aout 2018.p 43-54 et 10/ de Peretti E, Villars H. Alzheimer’s disease, Caregiving and Frailty Soins Gerontol. 2015 (115):18-20. 11/ Revue Française des Affaires Sociales 2019-1 «La place des aidants profanes dans les politiques sociales, entre libre choix, enrôlements et revendications». Numéro spécial 12/ Rossinot H, « Aidants ces invisibles ». Edition de l’observatoire, 2019. 13/ Mattéi JF « L’hôpital entre le médical et le social »S.E.R. | « Études » 2007/7 Tome 407 | p 29- 39

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Renforcer la place des familles dans les Ehpad L’implication des familles dans l’accompagnement de leurs parents ou conjoints est essentielle. Elle contribue à la mise en œuvre d’un soutien de qualité et améliore la qualité de vie de tous : résidents, familles et professionnels.

S

i le rôle des aidants familiaux est souvent perçu par les professionnels comme légitime au domicile*, la même considération n’est pas retrouvée dans les établissements d’hébergement. L’influence de la culture hospitalière où le patient est en transit et non résident, les contraintes budgétaires et fonctionnelles des Ehpad*, peuvent contribuer à la mise à l’écart des familles et à leur sentiment de disqualification. Pourtant, associer les familles à l’accompagnement de leur proche, à la vie de l’établissement et soutenir le lien familial contribue au bienêtre de chacun : meilleure collaboration et complémentarité avec les professionnels, personnalisation de l’accompagnement du résident, variété des activités possibles (animations, sorties culturelles, loisirs...), maintien, voire amélioration, de l’estime de soi. Dans un contexte parfois sensible de manque de moyens et de personnel, se préoccuper des familles peut apparaître comme un luxe. Or ce partenariat avec les familles s’avère indispensable. Mais comment bâtir ce partenariat, et à quels moments ? Le dialogue avec les acteurs de terrain permet de faire émerger plusieurs éléments de réponse.

L’arrivée en établissement : accompagner la transition

L’entrée est souvent une étape sensible, voire une épreuve, car elle peut intervenir dans un contexte de crise rarement anticipée. Le bouleversement dans les habitudes, la culpabilité des

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proches, le sentiment d’échec, d’abandon de son parent, la difficulté à comprendre ce nouvel environnement, etc. imposent une prise en compte adaptée de la part des professionnels, qui conditionnera souvent la qualité du séjour du résident et de la relation avec la famille. Il s’agit tout d’abord d’établir avec la famille une relation de confiance réciproque, base d’une collaboration fructueuse. Avoir pour partenaire la famille, c’est reconnaître sa connaissance du résident, la qualité de sa relation avec le parent et l’associer dans les prises de décisions relatives à l’accompagnement. C’est également l’informer de façon régulière et transparente sur la situation du résident, les possibilités et les contraintes de l’établissement. Autant d’éléments qui renforceront cette relation de confiance.

Renforcer le « pouvoir d’agir »

La mise en œuvre de ce partenariat s’appuie aussi sur l’acquisition de nouvelles connaissances et de nouveaux repères venant renforcer le « pouvoir d’agir » des familles. L’organisation de séminaires d’intégration, de formations, d’ateliers, permet aux familles de partager leurs expériences, de s’informer, de prendre du recul sur leur situation et de créer un lien entre elles et avec l’équipe. Ces temps d’échange favorisent l’émergence d’un même vocabulaire, d’une compréhension commune des enjeux et idéalement d’une même vision. En

complément, la réalisation de visites au sein de l’établissement est l’occasion de pousser toutes les portes, de rendre plus intelligible le fonctionnement de celui-ci et les rôles de chacun. Cependant, l’information ne doit pas être uniquement descendante, les familles pouvant avoir une part active dans la construction de ces nouveaux repères grâce à la mise en commun de leurs réflexions, difficultés et réussites.

Olivier COUPRY Responsable des innovations de terrain, Fondation Medéric Alzheimer

Impliquer la famille dans des activités porteuses de sens et sources de liens

Reconnaitre la famille comme partenaire, c’est, en outre, lui donner la possibilité de s’investir dans les activités proposées aux résidents. Celles-ci contribuent à préserver les liens familiaux parfois mis à mal par la maladie et l’entrée en établissement. Ces bons moments partagés tendent à rassurer son parent qui, en devenant résident, a perdu son habitat familier. Ils permettent aussi à chacun de réinvestir la relation sous un angle moins dramatique et plus ludique. C’est dans cette logique qu’a été créée la chorale « Les Chœurs Vaillants du Stift » (Ehpad du Stift à Marlenheim, Bas-Rhin) réunissant chaque semaine personnes ayant des troubles cognitifs, membres du personnel, proches aidants et bénévoles. « Un répertoire d’une vingtaine de chansons, le plus souvent en allemand ou en alsacien, y est travaillé dans une ambiance agréable et conviviale. Il s’agit d’airs connus, les paroles

*Lire aussi « Aidants familiaux : quels enjeux ? quelles persepctives ? » page 20

*Ehpad : Etablissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes

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Cet article a été écrit d’après la brochure Repères Alzheimer 1 : Renforcer le rôle et la place des familles en établissement, réalisée en partenariat avec France Alzheimer.

RE PÈ RE S

ALZ HEI MER

Renforcer le rôle et la place des familles en établissement

+ d’infos sur

1

www.fondation-mederic-alzheimer. org/reperes-alzheimer

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reviennent très vite...» »1, indique la directrice. L’animatrice qui dirige ces répétitions n’hésite pas à se faire remplacer par certaines familles en cas d’absence. L’implication peut donc conduire certains aidants à (co) animer, voire à concevoir, des ateliers/animations. A la Résidence La Bruyère, à Rueil Malmaison (Hauts-de-Seine), l’atelier de percussions est co-animé par la psychomotricienne et la fille d’un résident2. Des proches prennent en charge la bibliothèque mobile de l’Ehpad ou encore mettent en œuvre un atelier culinaire. Ces implications, réalisées en concertation avec les professionnels, sollicitent la créativité, abaissent les barrières institutionnelles, tendent à enrichir la palette des animations et contribuent finalement au sentiment d’utilité des familles. L’implication peut également prendre une forme plus institutionnelle : s’investir au sein d’un Conseil de Vie Social, ou, plus rarement, participer aux « grands chantiers » tels que l’élaboration du projet d’établissement ou la conception architecturale de futurs locaux. Par leurs propositions, les familles peuvent influencer alors très concrètement l’organisation : création d’un groupe d’entraide mutuelle, abandon de la blouse blanche pour une tenue civile, possibilité d’accueillir des animaux de compagnie.

Des lieux pour maintenir et développer les relations familiales

La nature des lieux à la disposition des résidents et de leur famille exerce également

+

une influence sur la façon de trouver sa place au sein de l’établissement. Salons de thé, salles à manger ou salons des familles constituent des lieux privés pour partager des temps agréables, en couple ou en petit comité, en toute intimité. « Il est alors plus facile d’y exprimer son affection sans risque de gêne ou de jugement d’autrui »3. Le salon de coiffure permet aux proches aidants de prendre physiquement et esthétiquement soin de leur parent. Couper les cheveux, les ongles, faire un masque, un shampoing, sont des actes intimes et de confiance qui renforcent le sentiment de proximité et d’utilité des proches. Lorsque le conjoint vit encore à domicile, la mise à disposition d’une « chambre conjugale » contribue à prolonger la vie à deux (partager des nuits communes) malgré l’entrée dans un habitat collectif. La présence d’un jardin accessible et attractif favorise la venue d’un plus grand nombre de proches, notamment les plus jeunes enfants. Ainsi, aires de jeux, coins pique-nique, fontaines, poulaillers, ruchers, écopâturages, sculptures sonores, potagers familiaux, sont autant d’invitations à venir passer du temps dans l’établissement. L’aménagement des lieux permet également, lors des fins de vie, de proposer des espaces de recueillement, de repos, voire d’hébergement de proches venant de loin. Enfin, les familles peuvent également s’impliquer dans la conception, la mise en œuvre et le suivi des aménagements.

EN SAVOIR La Fondation Médéric Alzheimer aide depuis 20 ans les personnes malades et leurs proches. Elle publie des enquêtes, des études et des recherches, et a très récemment édité un livre plaidoyer Alzheimer Ensemble, 3 chantiers pour 2030. La Fondation a également vocation à soutenir et promouvoir l’innovation en finançant les travaux des chercheurs et des projets de terrain.

A l’Ehpad Camille Claudel (Villeurbanne, Rhône), les proches aidants se sont mobilisés pour rendre le rez-de-chaussée plus accueillant. Grâce à un travail en équipe avec plusieurs membres du personnel, un espace cuisine, des coins salons et un espace jeux ont vu le jour. A l’Ehpad La Bonne Eure (Bracieux, Loir et Cher), la salle d’activités pour les familles ou encore le restaurant « Chez Foncine » dédié aux familles, dont le nom et l’ambiance esthétique font écho à un ancien restaurant du village, sont la concrétisation de propositions des familles. La grande complexité de la maladie d’Alzheimer nécessite une réponse globale requérant la reconnaissance et la participation de chaque acteur de la relation d’aide. Considérer les familles comme partenaire de l’accompagnement s’avère donc pertinent pour la qualité et la richesse du soutien apporté, y compris en Ehpad où elles ont une place et un rôle aussi nécessaires pour le résident et les professionnels qu’à domicile. S’impliquer dans la vie de l’établissement peut être également source de satisfaction : enrichissement de la vie relationnelle, partage de moments intimes avec son parent, participation en binôme à de nouvelles activités, sentiment d’utilité, etc. Les initiatives observées, qui se déploient dans un contexte parfois difficile, témoignent de la persévérance d’équipes de terrain sachant être à l’écoute des proches et des résidents. Ces initiatives montrent que le dialogue avec les familles et leur contribution à la réflexion institutionnelle peut également constituer un levier d’amélioration des pratiques, révélant ainsi des marges d’action possibles et soulignant que l’Ehpad peut aussi devenir une opportunité. l

1/ Repères Alzheimer 1, Renforcer le rôle et la place des familles en établissement, page 19, mars 2019, Paris. 2/ Idem, page18. 3/ Idem, page 23.

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Les droits des grands-parents à l’égard de leurs petits-enfants Dans la famille traditionnelle, le rôle des grands-parents a toujours été reconnu comme primordial et capital à l’égard de leurs petits-enfants. Au XXIème siècle, dans les familles trop souvent éclatées, les grands-parents sont confrontés à des situations dramatiques et ont souvent beaucoup de mal à trouver une place, au point, dans nombre de situations, d’être privés de rencontrer leurs petits-enfants. Marc JUSTON

Les droits des grandsparents à l’égard de leurs petits enfants L’autorité parentale est définie à l’article 371-1 alinéa 1 du code civil comme « un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant ». Ces droits et devoirs constituent les attributs de l’autorité parentale. Le droit et le devoir de surveillance est l’un de ces attributs. Il s’agit de l’obligation de veiller sur la sécurité de l’enfant, en contrôlant ses allées et venues, ses relations avec les tiers et membres de la famille, notamment les grands-parents. Ils s’exercent différemment selon l’âge, les mœurs et les droits reconnus à l’enfant par les conventions internationales ratifiées par la France. Mais, ils doivent également tenir compte des droits reconnus aux tiers. A ce titre, l’article 371-4 du code civil affirme un véritable droit pour l’enfant d’entretenir des relations, non seulement avec ses ascendants, mais, aussi plus généralement, avec toutes personnes parentes ou non. Pour ces tiers, alors que l’ancien article 371-4 du code civil exigeait des circonstances exceptionnelles pour limiter ces relations à un droit de correspondance et de visite (sur décision du juge), le texte1 issu de la loi du 4 mars 2002 ne fait plus référence qu’à l’intérêt de l’enfant et donne au juge le pou-

voir général de fixer les modalités des relations entre l’enfant et les tiers. Ce texte a de nouveau été modifié par la loi du 5 mars 2007, qui a substitué à la notion de motifs graves, la notion d’intérêt de l’enfant, qui désormais peut seule faire obstacle aux relations de celui-ci avec ses ascendants. La loi du 17 mai 2013 est ensuite venue compléter l’alinéa 2 de l’article 371-4 du code civil en consacrant la reconnaissance du « parent social ». Cet article dispose en effet : « L’enfant a le droit d’entretenir des relations personnelles avec ses ascendants. Seul l’intérêt de l’enfant peut faire obstacle à l’exercice de ce droit. Si tel est l’intérêt de l’enfant, le juge aux affaires familiales fixe les modalités des relations entre l’enfant et un tiers, parent ou non, en particulier lorsque ce tiers a résidé de manière stable avec lui et l’un de ses parents, a pourvu à son éducation, à son entretien ou à son installation, et a noué avec lui des liens affectifs durables ».

Le principe : l’intérêt de l’enfant

En conséquence, seul l’intérêt de l’enfant doit être pris en considération pour faire obstacle à l’exercice du droit d’un enfant à entretenir des relations personnelles avec ses ascendants. En cas de désaccord avec les parents, pour que les grands-parents puissent voir

leurs petits-enfants, ils doivent démontrer que l’intérêt de ces derniers est bafoué. Le fil rouge de toutes décisions consiste en l’intérêt de l’enfant et la protection de l’enfant. Force est de reconnaitre que le respect par la société de l’intérêt supérieur de l’enfant est une idée essentielle, inhérente à toutes les cultures. Elle trouve sa traduction, dans la réalité, notamment dans la Convention Internationale des Droits de l’Enfant adoptée par l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies le 20 novembre 1989, dite Convention de New York, et notamment l’article 3 qui dispose que : « Dans toutes les décisions qui concernent l’enfant, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale, ainsi que le guide de ceux qui ont la responsabilité de son éducation et de son orientation ».

Magistrat honoraire Médiateur - Formateur

Le législateur français n’a pas intégré cette formule de l’intérêt de l’enfant directement dans l’arsenal législatif, mais elle est au cœur du dispositif relatif à l’autorité parentale et, de nombreux articles du code civil et du code de procédure civile, qui président à l’application des lois en matière familiale, rappellent que le Juge aux affaires familiales doit se référer, lorsqu’il prend une décision à « l’intérêt de l’enfant ». De ce principe découle notamment l’obligation pour tout parent d’agir dans

1/ Alinéa 2 de l’article 371-4 du code civil en vigueur du 5 mars 2002 au 6 mars 2007

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parents de s’apaiser, de dialoguer, puis éventuellement de décider par eux-mêmes.

L’intérêt de l’enfant de maintenir des relations avec ses grands-parents

le respect de la personne de l’enfant2 quelles que soient ses convictions personnelles. Mais, la question peut être posée de savoir ce que signifie « l’intérêt supérieur de l’enfant » ? Et il est vrai que la notion d’intérêt de l’enfant est une notion abstraite, très aléatoire. Elle reste souvent une formule obscure, vague, une notion vide, une position de principe. C’est une très belle notion, mais aucune définition n’en est donnée par le législateur et elle est laissée à l’appréciation des tribunaux. Ainsi, les juges du fond peuvent par exemple estimer, qu’en raison d’un conflit aigu opposant les grands-parents à la mère de l’enfant, il ne convient pas, dans l’intérêt de l’enfant, d’accorder, dans les circonstances actuelles, un droit de visite aux grands-parents. Si l’intérêt de l’enfant est démontré, le Juge aux affaires familiales précisera le type de relations qui devra être adapté à la vie familiale de l’enfant et ne pas empiéter de façon excessive sur le droit des parents.

Les outils permettant au juge aux affaires familiales de prendre une décision

Dans une situation complexe de conflit, le Juge dispose de plusieurs outils pour prendre une

décision en connaissance de cause, et notamment : • Une enquête sociale, ou une expertise psychologique ou psychiatrique familiale, de manière à examiner principalement la problématique avec chaque parent/grand-parent, de leurs projets, attentes et souhaits, confronter leurs positions respectives et rapporter le discours des parents et des grands-parents sur l’enfant, aux fins de déterminer les modalités possibles du droit de visite et d’hébergement sollicité par les grands-parents ou l’un des grands-parents. • L’audition de l’enfant discernant qui pourra donner son avis au juge aux affaires familiales, à sa demande, en application de l’article 388-1 du code civil, • Un droit de visite dans un espace de rencontre, c’est-àdire dans un milieu neutre, protecteur de l’enfant. L’espace rencontre peut permettre aux grands-parents “écartés” de réinvestir leur place par rapport à l’enfant et de faire comprendre aux parents la place qu’ils doivent avoir, dans l’intérêt de l’enfant, • Une médiation familiale qui est un processus permettant aux parents et aux grands-

La loi présume que l’intérêt de l’enfant est de maintenir des relations avec chacun de ses parents et de ses grands-parents. Autant dire que toute décision qui va à l’encontre de ce principe doit être motivée, et c’est bien toute la difficulté, dans beaucoup de situations, le juge ne trouve pas chez les grandsparents en difficulté pour rencontrer leur petit enfant, de motif qui leur soit imputable et qui justifie de ne pas laisser la pleine mesure de leurs prérogatives de grands-parents. Aussi, derrière le refus immotivé de certains parents ou de l’un des parents, ou d’un enfant de rencontrer ses grands-parents, il y a toujours un motif, qu’on peut qualifier de « légitime » si on se place de leur point de vue. Autrement dit, il est primordial, et en cela la médiation familiale est un excellent outil, de travailler avec la parole qui se dégage des demandes qui sont formulées parfois de manière maladroite, voire agressive, pour en faire quelque chose. C’est en ce sens qu’il est nécessaire d’éviter le double écueil du manichéisme et de la morale, de ne pas diaboliser le conflit (parce que les personnes n’ont parfois pas d’autre ressource pour formuler leurs demandes), ni d’assener des vérités dans une décision qui dirait seulement le droit comme si cela suffisait à dénouer les enjeux du différend qui justifie la saisine du juge. Il est dans l’intérêt des enfants qui ont besoin pour se construire, et devenir des adultes, de leurs parents et de leurs grands-parents, que ceux – ci se donnent pour mission, pour leur protection, de se respecter et d’établir un dialogue respectueux de la place de chacun. l

2/ Article 371-1 Code civil

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Adapter son logement pour vieillir chez soi Les actions de l’Assurance retraite couvrent différents champs relatifs à la prévention, notamment autour de l’habitat, pour aider les retraités à vieillir chez eux.

L

’action sociale de l’Assurance retraite part d’un constat : on vit plus âgé en France, mais pas forcément en meilleure santé. En effet, bien que faisant partie des pays européens avec l’espérance de vie la plus importante, la France est dans une situation moins favorable concernant l’espérance de vie sans incapacité. Il existe donc des marges de progrès pour le « bien vieillir ». Par ailleurs, et fort heureusement, l’avancée en âge n’implique pas nécessairement la dépendance (ce phénomène concerne 8 % d’une classe d’âge), l’enjeu est donc aussi que cette proportion de personnes âgées dépendantes n’augmente pas, voire qu’elle diminue. C’est dans cet esprit que l’Assurance retraite propose, dans le cadre de sa mission de service public et en inter régime, des offres de prévention centrées sur la préservation de l’autonomie. Ces services proposent des réponses globales couvrant les différents champs du « bien vieillir » : • la prévention relative aux comportements et modes de vie (alimentation, sommeil, activité physique adaptée, mobilité et prévention des chutes, aides à la vie quotidienne…) ; • la prévention destinée à lutter contre l’isolement, la solitude et la précarité (ateliers nouvelles technologies, conférences, salons et forums, pièces de théâtre, programme seniors en vacances…) ; • la prévention touchant à l’environnement et à l’habitat. Ces offres de prévention s’articulent autour de trois niveaux

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d’intervention complémentaires : • des informations et conseils pour bien vivre sa retraite ; • des programmes d’actions et des ateliers collectifs de prévention à destination de publics ciblés sur l’ensemble du territoire ; • un accompagnement individuel, à destination des retraités les plus fragiles. En complément, l’Assurance retraite développe une politique de soutien aux solutions d’hébergement alternatives entre le domicile et les EHPAD en accordant des prêts à taux zéro, des subventions et un accompagnement aux porteurs de projets. Enfin, l’Assurance retraite encourage les initiatives visant à mieux faire connaître les possibilités qu’offrent la cohabitation intergénérationnelle solidaire, désormais reconnue juridiquement dans la loi ELAN ou celles liées à l’accueil familial. A titre d’exemple, l’Assurance retraite a mis à disposition une plateforme digitale “Toit+moi” pour encourager la cohabitation intergénérationnelle dans un cadre accompagné, plateforme récompensée à l’occasion de la 4ème édition du grand prix de l’Innovation Sécurité Sociale.

« Répondre au souhait de vieillir chez soi »

Toutes ces actions d’accompagnement personnalisé autour du soutien de l’autonomie à domicile s’inscrivent dans une démarche de prévention et poursuivent un objectif : répondre au souhait exprimé par la majorité de pouvoir vieillir « chez soi ». Les aides en faveur de l’habitat

se déclinent entre sensibilisation à la prévention des chutes et à l’importance de l’adaptation du logement, installation d’aides techniques jusqu’à l’attribution d’aides financière pour la réalisation de travaux d’adaptation du logement.

Frédérique GARLAUD Directrice de l’Action sociale, Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav)

En matière de travaux d’amélioration du logement, la première difficulté résulte de la perception par l’occupant de l’état de son logement, de l’adaptation de celui-ci au vieillissement. Pour lever ce frein, un site Internet jamenagemonlogement.fr a été créé. Il permet à toute personne, au travers d’une démarche pédagogique et ludique, d’identifier ses éventuels besoins, puis d’accéder à toutes les informations utiles sur les aides et services qu’il peut mobiliser pour l’aider dans ses démarches. De très nombreux ateliers sont également proposés sur l’ensemble du territoire autour de l’habitat, équilibre et prévention des chutes. En outre, sur le site internet lassuranceretraite.fr comme sur le portail pourbienvieillir.fr, les internautes peuvent retrouver de nombreux « trucs et astuces » à savoir pour adapter son logement ainsi que les prochains ateliers proposés à côté de chez eux sur ce thème.

www.jamenagemonlogement.fr www.lassuranceretraite.fr www.pourbienvieillir.fr

Pour les retraités désireux de passer à l’acte et de réaliser des travaux dans leur logement ils peuvent bénéficier d’une aide financière de leur caisse de retraite, sous réserve de respecter certaines conditions.

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L’aide habitat En pratique, l’aide habitat s’articule autour de deux objectifs prioritaires : ➜ L ’amélioration du logement afin de prévenir la perte d’autonomie (prévention des chutes, sécurité du logement, accessibilité interne et externe…), ➜ L a prise en compte de la précarité énergétique, en particulier dans le cadre des programmes locaux de coopération, prévus par le plan « Habiter mieux ». Le montant de l’aide varie en fonction des ressources et du montant des travaux. Ce montant est déterminé à partir d’un barème national défini par la Cnav et dans la limite du budget disponible. Ce montant peut atteindre 3 500 €. ➜ Pour qui Pour pouvoir bénéficier de l’aide, il faut être titulaire d’une retraite du régime général et avoir exercé son activité professionnelle la plus longue au régime général. Les propriétaires comme les locataires peuvent prétendre à cette aide. ➜ Pour quel type de bien ? Maison individuelle ou appartement du parc privé ou du parc social. ➜ Conditions d’éligibilité au dispositif ? Cette aide est réservée aux retraités : • du régime général à titre principal, • âgés d’au moins 55 ans, • socialement fragilisés, • relevant des GIR 5 et 6, • r espectant les conditions de ressources définies dans le barème publié chaque année, • dont le logement concerné est la résidence principale. ➜ Critères d’exclusions du dispositif ? Vous ne pouvez pas bénéficier d’une aide de votre Caisse si : • V ous percevez déjà ou êtes éligible à la Prestation spécifique dépendance (PSD), l’Allocation personnalisée d’autonomie (APA), l’Allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP), la Prestation de compensation du handicap (PCH) ou la Majoration pour Tierce Personne (MTP), • V ous êtes hébergé par des particuliers à titre onéreux dans le cadre de la loi n°89-475 du 10 juillet 1989 relative à l’accueil par des particuliers (exemple : une famille d’accueil). • V ous résidez au sein d’un établissement pour personnes âgées fonctionnant avec un prix de journée.

➜ Durée moyenne de mise en œuvre de l’action : L’aide est versée en deux temps. Un premier versement de 60 % est effectué au démarrage des travaux sur production d’une attestation et le solde est versé à l’achèvement des travaux sur production de justificatifs. Les travaux doivent avoir lieu dans un délai de 18 mois à compter de la notification de la caisse régionale. ➜ Organisme en charge du dispositif : Les caisses de retraite : Cnav en Ile-de-France, CARSAT dans les autres régions de métropole ou caisses générales de sécurité sociale dans l’Outre-Mer. ➜ « Démarches » pour bénéficier du financement : Il existe un formulaire de « demande d’aide pour bien vieillir chez soi », à compléter qui peut être téléchargé sur le site www.lassuranceretraite.fr. Ce formulaire doit être adressé à la caisse de retraite, de préférence par lettre recommandée avec avis de réception. Certaines caisses régionales mettent en place des procédures simplifiées pour les demandes d’aide à l’habitat, il convient de se renseigner auprès de la caisse régionale concernée. Les travaux ne doivent pas être commencés avant d’avoir reçu l’accord de la caisse de retraite. ➜ Bilan chiffré En 2018, plus de 16 000 retraités ont bénéficié d’une aide à l’habitat et plus de 26 000 d’un kit prévention pour financer l’achat et la pose d’une aide technique dans leur logement.

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En savoir : www.lassuranceretraite.fr Premier opérateur de la retraite en France, le réseau de l’Assurance retraite, composé de la Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse (Cnav), de la Cnav en Ile-de-France, de 15 Caisses d’assurance retraite et de santé au travail (Carsat) et des 4 caisses générales de sécurité sociale, gère la retraite de plus de 14 millions de retraités du régime général.

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L’engagement bénévole des seniors : rôle sociétal et bien-être L’analyse du bénévolat éclaire le niveau d’engagement des seniors et des personnes âgées et les marges de manœuvre pour co‑construire une société inclusive.

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’étude France Bénévolat1 menée début 2016 permet d’estimer qu’il y a environ 13,2 millions de bénévoles dans les structures associatives, soit 25 % de la population de plus de 15 ans (39 % si l’on intègre toutes les formes de bénévolat). La proportion des Français de moins de 35 ans bénévoles dans des associations progresse très régulièrement au cours des trois enquêtes menées entre 2010 et 2016. Certes, « l’effet retraite » entraîne une progression du taux d’engagement de l’ordre de 10 points à partir de 65 ans, et une part importante des dirigeants associatifs sont des retraités. Cependant, la proportion des bénévoles de plus de 65 ans se tasse régulièrement – moins 0,5 point par an depuis 2010 – pour atteindre, en 2016, 34,6 % (ils étaient 38 % en 2010). Ce constat tord le cou à la fausse idée reçue selon laquelle il n’y aurait que des retraités parmi les bénévoles. France Bénévolat avance trois explications possibles à ce tassement, probablement combinées : • les conséquences du durcissement des conditions de départ en retraite… et d’une entrée dans le marché du travail plus difficile. Les nouveaux retraités ne sont plus les enfants

des Trente Glorieuses qui se sentaient redevables envers la société…2 ; • une certaine concurrence entre la solidarité externe et la solidarité familiale (les nouveaux retraités sont une génération‑charnière, extrêmement solidaires de leurs ascendants, de leurs enfants et de leurs petits‑enfants…) et aussi la nécessité de continuer de travailler pour compenser des retraites faibles ou jugées comme telles ; • une parole collective extrêmement rare, voire inexistante sur la place des seniors dans la société .

L’engagement des bénévoles : rappel des enjeux

Les seniors sont une véritable ressource du développement associatif, en particulier sur le champ du bénévolat de compétences. Le bénévolat est un excellent moyen de conserver et de développer du lien social, facteur dominant du maintien de la bonne santé. Un besoin d’utilité sociale : avoir des activités socialement reconnues, c’est « servir à quelque chose ». En outre, cette nouvelle activité de bénévole marque souvent le terme du deuil social que représente la fin du travail rémunéré. L’im-

Dominique THIERRY Président d’honneur de France bénévolat

plication des retraités dans des activités socialement utiles a donc un double effet positif : • pour les seniors, le maintien ou le retissage de liens sociaux ; • pour la collectivité, les effets de la solidarité et, tout particulièrement, de la solidarité intergénérationnelle. Dans leurs témoignages, les bénévoles émettent très souvent l’idée que « donner du temps aux autres, c’est recevoir en retour ». Les bénévoles redécouvrent, généralement sans le savoir, le concept du don et du contre‑don, très ancré dans toutes les civilisations traditionnelles et très bien développé par l’anthropologue Marcel Mauss . Ainsi, il n’y a aucune raison d’opposer « le don pour les autres » et le « don pour soi ». Bien sûr, les facteurs qui vont influencer le passage à l’acte sont multiples : la cause défendue par l’association, le besoin de s’occuper, le discours convaincant d’une connaissance déjà engagée…

*Article initialement paru dans « La santé en action » n° 443, une revue trimestrielle consacrée à la prévention, à l’éducation et à la promotion de la santé, publiée par Santé Publique France.

Sur un registre plus collectif, la reconnaissance de la place des retraités dans la société passe par la reconnaissance de leur utilité sociale. Un moyen de « bien vieillir »… Donc un enjeu économique pour limiter le coût de la pro-

1/ Thierry D. (dir.) : L’Évolution de l’engagement bénévole associatif en France, de 2010 à 2016. Enquêtes quantitatives effectuées à partir de sondages de l’Ifop, avec l’appui du Crédit Mutuel et de Recherches & Solidarités. Paris : France Bénévolat, 2016 : 20 p. En ligne : www.francebenevolat.org/documents. 2/ Girardot P.‑E., Song Y. : Les Retraités : oubliés ou inutiles ? Paris : Presses des Mines, 2015 : 150 p. 3/ Mauss M. : Essai sur le don. Paris : La République des lettres, 2013 : 196 p.

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tection sociale. Si le bénévolat est une activité utile à la société, l’expérience de France Bénévolat montre qu’elle l’est aussi pour le bénévole lui‑même. Faire du bénévolat permet au retraité de sortir de chez lui, de rencontrer de nouvelles personnes, de s’épanouir dans de nouveaux projets… et, plus globalement, de rester en bonne santé. Plusieurs études l’attestent, de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav)… Le Centre d’analyse stratégique (CAS), dressait le constat suivant : « Sur le plan individuel, l’existence d’un lien direct entre la pratique d’une activité bénévole et l’amélioration du bien‑être physique et psychologique a été mise en évidence par plusieurs recherches menées aux États‑Unis, au Canada ou aux Pays‑Bas – même si le lien de causalité peut parfois être difficile à établir. Chez les seniors en particulier, les bénévoles auraient un taux de mortalité et de dépression plus faible et de meilleures capacités fonc-

tionnelles. Une étude française, réalisée par des sociologues et des professionnels de santé au sein du Centre d’étude et de recherche sur la philanthropie (Cerphi), tend à démontrer que la vitalité, le capital social, l’estime de soi et la satisfaction de rendre service dans un cadre associatif fondé sur l’autonomie des bénévoles sont des facteurs directs d’amélioration de la santé4. »

Sensibiliser les futurs ou nouveaux retraités à l’engagement bénévole

La période de transition travail/retraite est un moment‑clé où les personnes sont en quête d’identité (remise en question), de la reconnaissance de soi par soi, par les autres, par la famille. Le bénévolat est un moyen de répondre à ces questions. Les fins de carrière sont parfois mal vécues et peuvent être difficiles. Il est très ardu de faire venir ces retraités au bénévolat ; avant de les mobiliser sur l’avenir, il faut d’abord les aider à se reconstruire. Ainsi pour France Bénévolat, le développement

Sensibiliser les futurs ou nouveaux retraités à l’engagement bénévole

du bénévolat chez les retraités implique une promotion permanente de ce type d’engagement et des messages spécifiques. Il demande de plus des dispositifs d’accueil spécifiques et un accompagnement individualisé (actuellement très insuffisants) pour gérer cette transition entre la vie professionnelle et cette nouvelle étape de vie, que l’on qualifie improprement de « retraite », c’est‑à‑dire de « retrait de la vie ». Par ailleurs, l’engagement bénévole relève d’un apprentissage souvent précoce où l’influence familiale, le système personnel de valeurs, les engagements de jeunesse, l’implication syndicale, le réseau relationnel… jouent des rôles déterminants. Dans ce contexte, France Bénévolat propose des missions bénévoles (sur www.francebene volat.org, 14 000 missions sont recensées) pour les personnes qui ont déjà connu la vie associative et le bénévolat avant la retraite. Et pour celles qui connaissent mal les associations ou qui en ont des idées fausses, l’objectif est alors de leur montrer l’extraordinaire diversité associative (« On peut tout faire ! ») par des actions soit collectives lors des ateliers de sensibilisation au bénévolat, soit individuelles au cours d’entretiens de conseil et d’orientation proposés dans ses 250 points d’accueil. l

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En savoir : www.francebenevolat.org

4/ Naves M.‑C. (dir.) : Développer, accompagner et valoriser le bénévolat. La Note d’analyse. Questions sociales, septembre 2011, no 241 : 12 p. En ligne : http://www.associations.gouv.fr/IMG/pdf/o_l_d.pdf.

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Quels enjeux pour la mobilité des séniors ? Être mobile suppose de disposer de moyens de transport, mais surtout d’être en capacité de pouvoir s’en servir. Savoir lire un plan, se repérer dans l’espace public, savoir utiliser une application de moyen de paiement, à l’aide de son smartphone ou tout simplement demander son chemin, n’a rien d’inné, mais relève de compétences acquises.

M

aitriser sa mobilité, c’est devenir autonome. Les exemples de jeunes n’étant jamais sortis de leur quartier ou habitant sur le littoral, mais n’ayant jamais vu la mer sont nombreux. Chez les séniors, prendre le bus suppose de savoir l’utiliser, de disposer d’un titre de transport, de savoir où se trouve le bon arrêt, ou de connaitre les horaires, et cette seule activité relève parfois d’une véritable mission de survie. La mobilité relève ainsi de l’apprentissage, à tout âge et pour tous. Être tous mobile est un enjeu d’apprentissage collectif. Nous n’avons pas tous le même âge ni la même santé : l’inégalité en matière de mobilité pénalise les personnes les plus fragiles. Les séniors doivent faire face à des questions de santé : pour les plus de 75 ans la perte d’autonomie devient ainsi une problématique essentielle. Ils sont également confrontés à l’isolement lié à une précarité des relations sociales et des équilibres physiologiques, psychologiques et cognitifs, mais aussi une diminution de leur ressource économique liée à la faiblesse de leurs revenus. 5 millions de séniors affirment ne pas sortir de chez eux, parfois pendant 24 heures d’affilée. Un Français sur quatre a aujourd’hui plus de 60 ans. Ils seront un tiers en 2060. Face à ce constat, le Laboratoire de la Mobilité inclusive propose des solutions concrètes aux pou-

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voirs publics et aux acteurs locaux. Alors que 16 % des personnes âgées de 56 à 74 ans et 44 % des plus de 75 ans déclarent être gênés pour se déplacer, le Laboratoire de la Mobilité inclusive a conduit une étude sur les freins à la mobilité des séniors et la façon dont les futurs séniors se projettent dans l’évolution de leur mobilité. Il ressort que si 21 % des futurs séniors n’ont jamais réfléchi à la question de leur mobilité, 31 % d’entre eux anticipent de devoir renoncer à leurs déplacements. 32 % envisagent quant à eux un report sur les transports en commun alors même que, actuellement, seuls 5,5 % des plus de 65 ans en font usage. S’agissant des plus de 60 ans, c’est le niveau de vie qui influe le plus sur la mobilité : 36 % des plus fragiles renoncent à se déplacer contre 13 % pour les plus aisés.

Les futurs séniors et la mobilité

Si 21 % des plus de 60 ans n’ont jamais réfléchi à la question, demain, lorsque leurs capacités de mobilité diminueront, les séniors privilégieront : • Les transports en commun : 32 % • La réduction des déplacements : 31 % • Le recours à la mobilité inversée (achats en ligne, télémédecine, livraisons…) : 30 % • Le recours à un proche (famille, amis) : 29 % – ou à

un tiers (bénévole, professionnel) : 17 % – pour être accompagné(e). • Un véhicule personnel adapté : 9% •L e covoiturage : 5,5 %

Valérie DREYFUSS Déléguée générale, Laboratoire de la mobilité inclusive

Pour anticiper la diminution de leurs capacités à se déplacer, les séniors plébiscitent le maintien d’une activité physique quotidienne adaptée (76 %), imaginent un autre aménagement de leur domicile (25 %) et ou un déménagement (20 %).

« 37 % des Français renoncent à rendre visite à leur famille par manque de moyens de transports. Dans une société vieillissante où le lien familial constitue une ressource essentielle pour les plus fragiles, il est temps de se poser la question du choix de société vers laquelle nous souhaitons aller. » Valérie Dreyfuss

Les difficultés des séniors pour se déplacer

Les séniors rencontrent différents types de difficultés pour se déplacer, parmi lesquelles : • Des difficultés financières : 50 % des plus de 75 ans au revenu individuel inférieur à 958 euros par mois et 25 % des 60-64 ans au revenu individuel inférieur à 958 euros par mois n’effectuent aucun déplacement. • Des difficultés géographiques et territoriales : insuffisance ou inadaptation du mobilier

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urbain, difficulté de cheminement sur les trottoirs, complexification de l’espace urbain, accessibilité des transports publics… • Des difficultés sociales et familiales : isolement, perte d’autonomie • Des difficultés physiologiques et cognitives : marche, lecture des panneaux et des plans, projection dans l’espace et le temps… C’est pour permettre aux séniors de dépasser ces difficultés que le Laboratoire de la mobilité inclusive s’attache à proposer des solutions concrètes aux pouvoirs publics et acteurs locaux. Il a ainsi fortement contribué aux Assises Nationales de la Mobilité apportant un éclairage pour des mobilités plus solidaires dans la loi la Loi d’orientation des mobilités l

Ils s’engagent... Exemples d’actions mises en place par des membres du Laboratoire de la Mobilité inclusive en faveur de la mobilité des séniors. LE RÉSEAU MOB IN FRANCE est présent sur 10 grandes

régions qui fédèrent en leur sein plus de 125 opérateurs de mobilité. Essentiellement orientés sur les publics en insertion sociale et professionnelle, certains de ces opérateurs élargissent leur cadre d’intervention, à la demande de leurs partenaires territoriaux, à destination des séniors. Voici quelques exemples d’actions mis en place depuis plusieurs années sur les territoires : • « Transport à la demande séniors » : ces dispositifs sont réalisés soit à la demande de Conseils Départementaux, soit dans le cadre des dispositifs « Sortir Plus » proposés par les caisses AGIRC / ARCCO • « Séniors au volant » : ce type d’action est mis en œuvre soit dans le cadre des conférences des financeurs, soit avec le soutien de Fondations. Ces actions sont proposées plusieurs fois par an auprès de séniors désireux de maintenir une activité de conduite de leur voiture et sont composés d’ateliers théoriques (connaissance du code, nouvelle connectivité..) et pratiques (conduite « supervisée ») En savoir : mobin-solutions.jimdo.com

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Nos 5 propositions 1. Mieux informer séniors et aidants sur les offres, services et aides existants en matière de mobilité

4. Développer le transport accompagné sous toutes ses formes

2. Développer les solutions offertes par la « mobilité inversée »

Développer et mutualiser les solutions d’aide et de portage à domicile au sens large pour élargir la palette de réponses proposées aux Séniors les moins mobiles. Y intégrer une aide en termes de maintien de l’activité physique et de petits déplacements de proximité, ou encore d’accompagnement dans l’apprentissage et la maîtrise des outils dématérialisés et supports numériques.

Décloisonner l’accès aux services de transport accompagné existants et faciliter le développement de ces services y compris par de nouveaux opérateurs. • Mutualiser les besoins de micro-transport en ciblant un large public précaire (Séniors, personnes en insertion, personnes à mobilité réduite, etc.);adapter les services aux horaires d’usage et les dessertes aux lieux d’usage des Séniors et de ces populations fragiles. • Développer des solutions complémentaires à partir de dessertes et services existants (métiers de distribution du courrier, de l’eau, de l’électricité par exemple). • Développer un service de covoiturage de type «auto-stop social», dédié aux besoins des Séniors et autres publics fragiles face à la mobilité. • Développer le complément d’activité en encourageant les personnes en capacité de conduire à proposer des solutions de transport accompagné individualisé ou micro-collectif.

3. D évelopper et adapter les nouveaux services à la mobilité aux séniors

5. C o-construire le territoire avec les séniors pour encourager une gouvernance inclusive

Création d’un « guide de la mobilité » sur tous supports. Fondé sur des informations et des données à l’échelle nationale, il sera fourni sous format adaptable aux collectivités et à leurs partenaires qui pourront y intégrer des informations et des données locales. Intégration d’un chapitre « mobilité » dans le Guide national de l’aidant familial.

Repenser les potentialités de partage des véhicules en milieux peu denses et peu équipés en transports publics : • Expérimenter des solutions inclusives, mutualisant par exemple les véhicules issus de flottes professionnelles non utilisées à certaines heures (le soir, le week-end). • Accompagner l’accès aux systèmes en libre-service (voitures, vélos) pour une meilleure appropriation de ces services par les Séniors.

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• Inclure les séniors dans les projets d’aménagement pour adapter l’environnement à leurs besoins : construire le territoire avec les Séniors à l’image du dispositif « Villes amies des aînés ». • Développer un dispositif d’information unique, en concertation avec les Séniors et autres publics fragiles, pour tous les modes de transports sur un même territoire. • Auditer l’universalité des services de transport actuellement proposés (accessibilité physique et tarifaire).

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AG2R LA MONDIALE s’engage pour la qualité de vie des

séniors au travers d’initiatives qui favorisent leur mobilité et leurs sorties. Avec l’association Wimoov, AG2R LA MONDIALE s’est engagé depuis 2015 en faveur d’une meilleure mobilité et inclusion des séniors dans la société. Ce partenariat permet aux seniors les plus isolés d’entre eux d’être accueillis et accompagnés grâce à une offre de services adaptée à leurs besoins. Ensemble, Wimoov et AG2R LA MONDIALE : • Ont mené une enquête sur la mobilité des séniors afin de mieux comprendre leurs pratiques et leurs freins. • Proposent également un diagnostic mobilité pour faire le point sur sa mobilité et bénéficier d’un accompagnement individuel personnalisé et collectif. Par ailleurs, AG2R LA MONDIALE propose à ses retraités de plus de 75 ans le Service Sortir Plus de la fédération Agirc-Arrco, qui permet d’accompagner les séniors lors de leurs sorties.

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En savoir : www.ag2rlamondiale.fr

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APREVA : L’association d’insertion améliore son offre (service

de location, réparation et vente de véhicules) en proposant à titre expérimental un service de transports individuels ou collectifs avec chauffeur. Pour faciliter la mobilité des séniors, le groupement associatif GIC du Confluent a mis sur un pied un système de micro-transport social à la demande. Orientés par des organismes sociaux, les séniors les plus en difficulté peuvent solliciter un service de navette depuis leur domicile à l’endroit qu’ils souhaitent sur la communauté de commune : démarches administratives, santé, marché, cinéma... Prix : 5€ A/R par personne. Le reste est pris en charge par les communes et institutions qui soutiennent le projet. La particularité du projet : les navettes sont conduites par des chauffeurs sous contrat d’insertion et entretenues au sein du garage social APREVA, une structure d’insertion qui emploie des personnes en difficulté ; le service est également ouvert aux personnes malvoyantes, orientées par l’association UNADEV.

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En savoir : mobilité-accompagnee@apreva47.fr

vention routière pour ses sociétaires, et soutient également des initiatives de terrain pour favoriser la mobilité des séniors.

Le Laboratoire de la Mobilité inclusive

• Axe Prévention Mise en place de stages séniors pour les sociétaires à partir de 60 ans. Atelier 1 : remise à niveau des connaissances en sécurité routière et une mise en pratique grâce à des tests, possibilité de test visuel sur place. Atelier 2 : révision des distances de sécurité et distances de freinage : évaluation visuelle des distances, temps de réaction, possibilité de mise en pratique sur piste ou simulateur de conduite

Le Laboratoire de la Mobilité inclusive fait de l’apprentissage de la mobilité tout au long de la vie une priorité. Il soutient le développement d’une mobilité pour tous et conçue avec tous. Il se compose de 18 membres issus des sphères publiques et privées et de la société civile. Fort de son expertise acquise sur la mobilité des personnes les plus vulnérables et sur les solutions les plus inclusives, le Laboratoire de la mobilité inclusive agit aujourd’hui sur tous les facteurs d’inégalité de mobilité avec pour mission de :

GROUPE MACIF : La Macif met en place des actions de pré-

• Initiatives soutenues par la Fondation Macif ➜ A vélo sans âge. Objectif : offrir aux personnes âgées et aux personnes ayant un handicap de petites sorties en vélo au grand air, en toute sécurité, pour redécouvrir la ville sans contrainte, grâce à des pilotes bénévoles. A travers ces sorties, le but est de leur redonner de la mobilité, de rétablir des liens entre les générations, de leur redonner une place visible dans la communauté. On compte aujourd’hui en France 7 antennes ayant fait l’acquisition d’un ou plusieurs triporteur(s) et proposant de belles promenades aux personnes âgées. Une dizaine d’antennes se mobilisent pour offrir à leur tour des sorties en triporteur. ➜P artenariat avec Rézo Pouce : Rezo Pouce est le 1er dispo-

sitif d’autostop au quotidien en France. Ce dispositif se veut un moyen de déplacement complémentaire sur des territoires ruraux et péri-urbains. A la demande de la communauté de communes du Plateau Picard, Rezo Pouce met en place depuis 2018 Rezo Seniors, un service qui met en relation des conducteurs choisis par la collectivité et des personnes âgées valides, mais sans solution de mobilité. Pour Rezo Pouce, il s’agit d’un territoire test qui pourrait ensuite s’étendre à d’autres collectivités abonnées. En savoir : lessentiel.macif.fr/mobilites

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➜R assembler les acteurs publics, privés et la société civile,

concernés par le sujet, pour réfléchir et partager des expériences concrètes, dans une démarche de co-construction. Le Laboratoire s’inscrit dans une approche ascendante replaçant l’usager et ses besoins au centre de sa réflexion. Il s’adresse avant tout : • Aux usagers, afin de mieux cerner leurs problématiques et leur apporter les solutions les plus adaptées. Le Laboratoire se donne comme mission de porter et de veiller au « droit à la mobilité », un droit générique qui régit tous les autres droits. • Aux collectivités territoriales, qui jouent un rôle déterminant, afin de les aider à mieux cerner leurs problématiques, de connaitre les dispositifs de mobilités inclusifs pouvant y répondre, les adaptant aux particularités locales et en tenant compte de leurs particularités. • A l’État, en proposant, des retours d’expériences, des évolutions à opérer et des recommandations en tant que partenaire institutionnel.

➜P roduire et fournir des données et analyses objectives pour

développer une meilleure compréhension du frein que peut représenter la mobilité.

➜ Valoriser et soutenir des solutions de mobilité innovantes, des expérimentations locales et des dispositifs particuliers.

➜ Favoriser les conditions d’accès à une mobilité plus inclusive.

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Maltraitance : « chaque cas repéré doit permettre de s’améliorer collectivement » « La bientraitance n’est pas un simple point de perfectionnement de l’accompagnement à l’autonomie : elle en fixe le sens », pose comme préalable le rapport de la Commission de lutte contre la maltraitance et la promotion de la bientraitance1. Denis Piveteau, qui a présidé cette commission, partage avec Réalités Familiales les grands enseignements de ce travail d’envergure. Denis PIVETEAU Conseiller d’État, Président de la Commission pour la lutte contre la maltraitance et la promotion de la bientraitance, membre du HCEFA et du CNCPH

Quelles réalités recouvrent les situations de maltraitance des personnes âgées en perte d’autonomie ? Chacun sait à quel point ce terme de maltraitance peut recouvrir des réalités diverses ! D’abord par leur gravité (depuis la petite humiliation involontaire jusqu’à l’acte de violence physique), ensuite par le degré de conscience qu’on peut en avoir, enfin par les causes, qui sont quelques fois à chercher dans la responsabilité individuelle de celui qui commet l’acte en question, et quelques fois plutôt le résultat d’une organisation déficiente. Cela ne veut pas dire qu’il faille faire un tri et ne s’intéresser qu’à quelques-unes, qui seraient celles qu’on considère comme les plus graves ! En effet, l’expérience montre que de petits dérapages sont souvent la face affleurante de problèmes plus lourds. Et puis la gravité est quelque chose d’éminemment subjectif, ainsi que le montre, par exemple, le fait que de petits écarts de langage peuvent être reçus de manière très différentes d’une personne à une autre et, parfois, ressentis de façon particulièrement violente. Pour autant, il ne faut pas non plus tout mélanger. Il y a maltraitance et maltraitance, et les remèdes vont dépendre du diagnostic qui est porté. Raison pour laquelle le rapport publié en janvier dernier consacre une partie importante à un essai de définition typologique. Très schématiquement, nous recommandons d’analyser toute situation selon les deux axes fondamentaux que sont, d’une part, le caractère délibéré ou non de l’atteinte portée à la personne et, d’autre part, la présence ou non d’une dimension d’organisation collective. Dans le cas, par exemple, d’une violence délibérée commise par une ou des personnes identi-

fiables, ce seront les réponses répressives (pour les auteurs) et réparatrices (pour les victimes) qui seront à privilégier. La commission a, à cet égard, été amenée à faire plusieurs propositions quant à la protection des éventuels « lanceurs d’alerte », à l’harmonisation des sanctions encourues, ou encore à la protection contre les risques de récidive. A l’inverse, lorsqu’un établissement applique de bonne foi des référentiels inadaptés ou adopte des organisations qui, sans qu’il en ait conscience, portent atteinte aux libertés des personnes qu’il accueille, lorsqu’une famille « croit bien faire » en faisant mal, les outils répressifs ne sont pas les bons. Car c’est d’abord et avant tout le point de vue extérieur qui a fait défaut et la première chose à installer est, alors, une capacité des accompagnants à porter sur leur pratique un regard critique. On peut multiplier les exemples : à quoi bon responsabiliser les équipes lorsque ce sont les moyens qui manquent ? Ou à quoi bon, à l’inverse, ajouter des moyens lorsque c’est l’attitude à l’égard des personnes qui fait le problème ?

Que doit-on alors penser de l’expression « maltraitance institutionnelle » ?

Qu’elle exprime, pour reprendre un des deux « axes » dont je parlais, cette réalité essentielle de beaucoup de situations de maltraitance qu’est l’articulation de responsabilités personnelles et de responsabilités collectives. Ainsi par exemple, tel professionnel aura conscience que, parce qu’il est soumis à de fortes pressions de productivité, ou à des contraintes de temps, il commet des gestes brusques et sans bienveillance. Il ne peut donc que s’avouer « maltraitant » (puisque c’est lui qui effectue ces gestes), tout en se sachant lui-même vic-

1/ En tant que membre, l’Unaf a participé aux travaux de la Commission.

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time de l’organisation à laquelle il appartient. C’est le premier cas, le plus simple, de « maltraitance institutionnelle », celui qui, à tort ou à raison, est formulé par les soignants qui en font l’expérience, en mettant en général en avant le manque de moyens. La question de savoir si ce ressenti est fondé ou non est autre chose : il est en effet frappant de voir qu’à moyens identiques, certaines structures parviennent bien mieux que d’autres à se protéger des comportements maltraitants, par la qualité de leur organisation et les talents managériaux de leurs responsables. Il arrive que la « maltraitance institutionnelle » franchisse un stade supplémentaire de gravité, lorsqu’en raison d’un contexte gravement dégradé, tout le monde – de la direction aux agents de service – se protège psychologiquement en glissant peu à peu dans un refus de voir la réalité. Conscients de ce risque, nous avons d’ailleurs proposé que, plutôt que d’essayer de définir des standards de moyens qui seraient réputés éviter toute maltraitance, on élabore plutôt un outil qui recense les « seuils d’alerte », en termes non seulement de moyens, mais aussi de locaux ou d’organisation, en deçà desquels une structure entre dans une zone de danger.

Quelles réactions et actions la commission préconise-t-elle pour prévenir ces situations ?

Il est difficile de répondre à votre question en peu de mots, car il faudrait énumérer plusieurs dizaines de propositions faites dans des champs extrêmement différents. Mettons qu’il nous semble d’abord que tout un ensemble de mesures doivent être prises pour faire en sorte, non seulement de bien réagir à chaque événement qui se produit, en lui apportant la solution la plus adéquate (pour la victime d’abord, pour la structure ensuite, et même pour l’auteur, lorsqu’il est identifiable et que son comportement peut être amendé), mais aussi de tirer de tout événement les enseignements nécessaires. En d’autres termes, nous sommes convaincus que cette question de la lutte contre la maltraitance – ou, si l’on préfère le formuler de manière positive, de la promotion de la bientraitance – met en jeu l’essentiel de ce que signifie un accompagnement à l’autonomie. Et que le traitement de chaque cas repéré est, et doit être, une occasion d’apprendre et de s’améliorer collectivement. C’est dans cet esprit que nous prônons le lien étroit entre les différentes administrations – en mettant en place dans chaque département un groupe de coordination spécifique – et la capitalisation systématique, au niveau local d’abord, au niveau national ensuite, de tout ce que chaque incident peut apprendre. J’insiste : le plus grand danger face à la maltraitance, c’est de la cacher, de ne pas en parler, de camoufler ce qui se passe. D’abord parce que c’est évidemment comme ça

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qu’elle s’installe et se perpétue, mais aussi parce que, moins on en parle, et plus on se prive du levier qui doit nous permettre d’améliorer nos pratiques. Nous croyons aussi à l’importance de l’écoute bénévole, comme elle existe déjà sans qu’aucune action d’ensemble n’ait été conduite. On ne peut pas seulement compter sur les professionnels et sur les familles pour être les oreilles attentives aux souffrances. Ne serait-ce que parce que la victime entretient souvent un rapport ambigu avec l’entourage qui, certes, la fait souffrir, mais dont elle dépend totalement. C’est la raison pour laquelle le rapport suggère de structurer, là encore à un niveau territorial qui pourrait être le département, des réseaux bénévoles d’écoute. Mais je me répète : l’essentiel à nos yeux n’est pas tant la mise en œuvre de la liste intégrale de nos propositions que d’oser poser le processus organisé de lutte contre la maltraitance comme étant la « colonne vertébrale » de la politique d’aide à l’autonomie.

Des réponses à ces préoccupations sont-elles attendues dans le cadre de la loi grand âge ?

Même si ce n’est pas à moi de répondre à cette question, plusieurs éléments permettent d’être raisonnablement confiant. D’abord, le bon accueil qu’ont reçu nos propositions de la part de nos deux ministres commanditaires, Madame Buzyn, ministre des Solidarités et de la santé et Madame Cluzel, secrétaire d’Etat aux personnes handicapées. Ensuite, la convergence profonde de ce que nous proposons avec la ligne d’autres travaux, contemporains ou immédiatement successeurs des nôtres. Je pense en particulier, bien sûr, aux travaux présidés par Monsieur Libault, sur l’accompagnement du grand âge, ou au rapport récent de Madame El Khomri sur la revalorisation des métiers d’aide à la personne. Enfin, et c’est sûrement le point essentiel, il faut insister sur le fait que notre document n’est pas un simple rapport d’expert. La commission que j’ai eu l’honneur de présider rassemblait une cinquantaine de membres, professionnels de l’établissement et du domicile, administrations et autorités indépendantes, représentants des personnes accompagnées, experts et universitaires, bref : un cercle suffisamment large pour assurer la pertinence – et donc, j’espère, la reprise – de ce qui s’en est dégagé. l

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INTERVIEW

L’approche éthique ne doit pas rester théorique Respect de la dignité et de la volonté, libertés individuelles, droits fondamentaux, bientraitance… Fabrice Gzil, philosophe, apporte son éclairage sur les réflexions éthiques qui permettent de poser un regard attentif sur la perte d’autonomie et ses conséquences, notamment pour l’entourage, et d’envisager des améliorations concrètes de prise en charge. Fabrice GZIL Philosophe, chargé des réseaux, Espace éthique Île-de-France Propos recueillis par la rédaction

Quels sont les enjeux éthiques liés à la dépendance des personnes âgées ? Je souhaiterais d’abord rappeler que la perte d’autonomie fonctionnelle ne concerne pas toutes les personnes qui avancent en âge. 80 % des personnes âgées n’ont pas de perte d’autonomie majeure : n’assimilons donc pas les deux. En France, nous avons lié cette question de la perte d’autonomie à la question du vieillissement, mais l’avons déconnecté de celle du handicap… Alors qu’en toute rigueur elles concernent des personnes ayant des limitations fonctionnelles, des déficiences et des incapacités, quel que soit leur âge. De ce point de vue-là, leur situation peut être analysée à l’aune de leurs droits fondamentaux, tels qu’ils sont formalisés dans la Convention des Nations Unies pour les droits des personnes handicapées. La conceptualisation française de la perte d’autonomie comme liée à l’âge et distincte du handicap crée une segmentation et possiblement des discriminations au sein de la population touchée par les limitations fonctionnelles. Une approche tenant compte de ces limitations en général quel que soit l’âge, et des droits fondamentaux des personnes, balise le terrain de façon plus satisfaisante. Oui, il y a des différences qu’on ne peut nier, mais ces situations de vulnérabilité sont suffisamment analogues pour être rapprochées. Par ailleurs, on a trop souvent tendance à considérer que dès lors qu’une personne perd son autonomie fonctionnelle, elle perd toute autonomie. Or le mot « autonomie » renvoie à des notions comme la liberté de choix, la capacité de se déterminer par soi-même, le libre arbitre, la liberté tout court. L’approche éthique suppose une conception « épaisse » de l’autonomie, de la considérer dans ses multiples dimensions. La perte d’autonomie fonctionnelle fragilise : troubles de la marche et de la mobilité, troubles sensoriels et cognitifs… Mais elle n’est en aucun cas synonyme de perte d’autonomie morale, en termes de capacité de choix. Il faut donc être extrêmement vigilant à ne pas appliquer de présomption d’incompétence à décider pour

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soi-même, sous prétexte d’autres incapacités. Le respect de leur choix, de leur parole, de leur refus, de tout ce qu’expriment les personnes en perte d’autonomie est absolument fondamental. On peut avoir des troubles cognitifs et conserver une capacité de discernement suffisante pour prendre les décisions qui nous concernent. Il ne faut pas oublier, dans cette conception épaisse de l’autonomie, les dimensions sociales, sociétales, civiles et citoyennes, c’est-à-dire tout ce qui concerne notre rôle et notre place dans la société. Il faut tout faire pour que la perte d’autonomie n’entraîne pas de stigmatisation, de solitude forcée, de ghettoïsation. Cette dimension peut trouver différentes réponses : mettre en place des habitats non « ségrégatifs », réintégrer les Ehpad dans la cité, faire en sorte que l’on puisse y entrer, en sortir. Il s’agit de conserver un lien, une place dans sa famille, dans son quartier. Cela peut également passer par le développement des solutions d’habitat alternatif ou inclusif. Pour finir, cette approche éthique ne doit pas rester théorique. Elle doit avoir des implications concrètes sur les métiers du grand âge. Myriam El Khomri a formulé des propositions très importantes sur le sujet : il faut absolument rendre ces métiers plus attractifs. Il faut également apporter de l’aide aux proches aidants*, qui ont un rôle tout à fait essentiel pendant une période de plus en plus longue avec l’allongement de la vie, auprès des personnes en perte d’autonomie. Enfants, petits-enfants, conjoints, frères ou sœurs… Ce sont eux qui assurent une énorme partie de l’aide et de l’accompagnement de leur proche. Il faut les soutenir, faire en sorte qu’ils puissent continuer à travailler s’ils le souhaitent, avoir des congés, et des moments de répits avec ou sans la personne aidée. Si l’on ne veut pas que l’approche éthique reste du domaine de l’incantation, et qu’elle aboutisse à une réelle amélioration de la qualité de la prise en charge, des personnes et de leur famille, il faut s’en donner les moyens.

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Le maintien à domicile ne fait-il pas peser la prise en charge sur les familles ? Il y a encore quelques années, il était encore considéré comme normal que ce soient les familles qui prennent en charge ce « coût ». Dans les années 2000, on parlait des aidants « naturels ». Cette naturalité de l’aide prodiguée par les aidants familiaux est largement remise en question aujourd’hui, où l’on assiste à une préférence de plus en plus marquée pour l’aide professionnelle. La génération qui arrive à l’âge de la vieillesse ne veut pas faire peser sur ses propres enfants la charge que la dépendance de ses propres parents fait peser sur elle. Il y a une redéfinition des rôles sociaux et moraux des descendants. Les aidants jouent un rôle social très important qui a des conséquences sur leur vie personnelle, professionnelle et parfois sur leur santé. Il est normal que la société les soutienne au-delà d’une reconnaissance symbolique, qu’elle les rétribue. Pour la seule maladie d’Alzheimer, avec environ un million de malades en France, on estime que la prise en charge représente 32 milliard d’euros par an : 9 milliards de soins de santé, 9 milliard de prise en charge médico-social, et 14 milliard d’aide informelle. Dans le même temps, beaucoup de travaux autour des pratiques et de l’éthique professionnelle de l’accompagnement du grand âge ont été produits, soulevant des questions comme la bientraitance, la maltraitance, les bonnes pratiques, les refus d’aide, etc… Des questions analogues se posent aux familles et aux proches aidants. Par exemple, aidant auprès d’une personne qui souffre de la maladie d’Alzheimer ou d’une autre maladie chronique, quelle décision prendre pour son parent très âgé ? « Dois-je le maintenir à domicile, conformément à ce que je pense qu’il souhaite, au risque que son état s’aggrave ? L’hospitaliser contre sa volonté, pour son bien ? » « Quelles sont les limites de l’aide que je suis moralement censé apporter, en tant que conjoint, enfant, frère ? » Ces questions représentent un champ de réflexion et des problèmes relativement ignorés, auxquels il conviendrait de porter une plus grande attention.

Comment respecter la volonté d’une personne alors qu’elle n’est plus en état de l’exprimer ?

Quand une personne a des troubles vraiment très importants, ce sont d’autres personnes qui prennent des décisions pour elle et s’expriment pour elle. Cela peut se matérialiser de façon formelle, comme avec le mandat de protection future ou la désignation d’une personne de confiance*. C’est important de prendre conscience qu’à un moment de notre vie, nous ne serons peut-être plus capables de prendre des décisions pour nous. La question se pose alors de

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savoir comment anticiper cette situation. Face à une personne qui ne peut plus prendre de décision pour elle-même, on peut essayer de rechercher son consentement, ou à défaut son assentiment, une forme d’adhésion reposant sur une compréhension, même partielle, de la situation. Par exemple, au moment de l’entrée en établissement, même si la personne ne peut pas donner son consentement à tous les détails et à toutes les implications.

*Lire aussi « Aidants familiaux : quels enjeux, quelles perspectives ? » page 20 *Lire aussi « Protéger sans diminuer » page 24

On peut aussi essayer de prendre des décisions qui nous paraissent conformes à son meilleur intérêt, en tenant compte de ce qu’elle exprime à sa façon. Comment ? En se demandant ce que la personne souhaite, ce qui est important pour elle, ce à quoi elle est attachée, ce qui la rend heureuse ou malheureuse, ce qui lui crée de la joie ou de la tristesse, ce qui lui donne envie de se lever le matin, ce qui renforce son estime d’elle-même… Ces questionnements peuvent nous guider, non pas vers ce que la personne « aurait voulu », mais vers ce qu’est son intérêt à elle, concrètement, aujourd’hui. Etre attentif à ces questions permet de prendre des décisions cohérentes et respectueuses de l’intérêt objectif de cette personne qui nous est familière. Evidemment, d’autres contraintes pèsent sur les décisions prises pour les personnes en perte d’autonomie, les contraintes financières notamment. Il faut être réaliste vis-à-vis de notre liberté de choix, même pour les personnes que l’on aide.

Quelles mesures peut-on espérer de la loi « Grand âge », pour favoriser un accompagnement plus respectueux de la dignité des personnes ?

Tous les travaux menés dans le cadre de cette loi sont extrêmement importants. Ils ne prendront sens que si une nouvelle protection est créée. Il faut arriver à créer un mécanisme de financement à la fois efficace et équitable pour protéger les Français contre un nouveau risque qui n’existait pas de la même façon en 1945 lorsque la sécurité sociale a été créée. l

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Une société bienveillante pour les plus âgés La société française est confrontée au vieillissement de sa population et à l’émergence de maladies chroniques dont certaines sont invalidantes. L’âge, d’une part, et les incapacités, d’autre part, représentent des motifs qui pourraient conduire à une forme de discrimination privant les personnes âgées et très âgées de leur intégration dans la société. Laëtitia NGATCHA-RIBERT

Jean-Pierre AQUINO Fondation Médéric Alzheimer

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n quart à un tiers de la population va passer près du tiers de sa vie en retraite. Si le contexte économique et sociodémographique va brutalement changer, les équilibres sociaux vont aussi s’en trouver modifiés1. Dans un tel contexte, le risque que se renforce l’âgisme, une des discriminations les plus courantes et les plus ancrées dans la société est patent. La première de couverture de l’Express de juin 2019, intitulée « le péril gris », illustrait ce dernier. La vieillesse devraitelle être perçue comme forcément déficitaire, chaque adulte âgé étant considéré systématiquement comme vulnérable, faible et donc à protéger, quitte à le priver de sa liberté ? Un « âgisme bienveillant » animé par les meilleures intentions constituerait une autre forme de menace ? Dans ce contexte, comment permettre au plus grand nombre de vivre dans une société bienveillante ? Rappelons que la bienveillance est la capacité à se montrer attentionné envers l’autre d’une manière compréhensive. C’est aller vers l’autre, sans jugement. La bienveillance est l’un des supports de la cohésion sociale.

Plusieurs constats

L’habitat. Selon Gaston Bachelard « Sans sa maison l’homme serait un être dispersé. La maison maintient l’homme à travers les orages du ciel et les orages

de la vie ». Il faut une politique de l’habitat qui réponde aux besoins évolutifs de la population qui avance en âge. Ainsi l’adaptation du logement à l’exécution des actes de la vie quotidienne implique souvent un aménagement. Mais il faut savoir penser le chez-soi audelà du domicile : du lieu de vie intime, au quartier, à la ville. Il faut souligner ici le rôle majeur de l’environnement et de l’urbanisme dans le soutien du domicile. Ainsi, l’idéal pour une personne âgée est de disposer à proximité de son domicile de commerces, de son médecin, de sa banque, à une distance inférieure à 500 mètres.

constat illustre la question de la mobilité et de l’accessibilité au cours de l’avancée en âge. Le mot accessibilité fait penser d’emblée aux personnes en situation de handicap. Mais les aménagements nécessaires en réponse à leurs besoins ne sontils pas finalement utiles au plus grand nombre…

La technopénie. Le fait de ne pas avoir accès aux technologies modernes constitue un désavantage évident par ses conséquences sur la participation à la vie sociale. Ainsi les services publics ne sont plus accessibles que par Internet. Le Syndicat de la presse sociale a publié en 2017 un livre blanc sur « l’illectronisme ». La fracture numérique ou « illectronisme » touche 11 millions de Français, soit 23 % de la population et plus particulièrement les personnes âgées. Ainsi 42 % des plus de 80 ans n’utilisent jamais internet.

« Il est temps de réintégrer les vieux dans la cité, au cœur de notre vie commune. Mais qui les voit ceux-là, et qu’ont-ils à dire ? Personne ne le sait ou ne veut le savoir. Nous avons tendance à les reléguer aux portes de la citoyenneté. La vie commune leur est, si ce n’est hostile, du moins inadaptée. Ils s’y sentent fragiles, vulnérables, peu à leur place. Alors ils se retranchent, se taisent, se renferment, veulent disparaître. » Bernard Kouchner et Monique Pelletier, anciens ministres, dans un article du Monde du 16 mars 2019.

L’accessibilité. Qui n’a pas été gêné par une correspondance avec un TGV qui ne reste que deux minutes en gare…Ce

La participation. Continuer à pratiquer des activités qui font sens, participer à la vie de la Cité et passer outre le « désengagement prescrit » que dénonce Kate Swaffer, « activiste » australienne vivant avec la maladie d’Alzheimer.

Des pistes de réponses

Il est nécessaire de s’adapter aux différences des personnes, en recueillant et en anticipant leurs besoins. C’est le but de la société inclusive qui permet

4/ Naves M.‑C. (dir.) : Développer, accompagner et valoriser le bénévolat. La Note d’analyse. Questions sociales, septembre 2011, no 241 : 12 p. En ligne : http://www.associations.gouv.fr/IMG/pdf/o_l_d.pdf.

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« Il est temps de réintégrer les vieux dans la cité, au cœur de notre vie commune. Mais qui les voit ceux-là, et qu’ont-ils à dire ? Personne ne le sait ou ne veut le savoir. Nous avons tendance à les reléguer aux portes de la citoyenneté. La vie commune leur est, si ce n’est hostile, du moins inadaptée. Ils s’y sentent fragiles, vulnérables, peu à leur place. Alors ils se retranchent, se taisent, se renferment, veulent disparaître. » Bernard Kouchner et Monique Pelletier, anciens ministres

l’intégration des personnes vulnérables et des plus fragiles. Cette démarche concerne la société dans son ensemble en impliquant les services publics, les loisirs, la culture, le voisinage, les entreprises, les commerçants… Depuis quelques années, des initiatives se multiplient en France, dont le but est de promouvoir l’inclusion des personnes vulnérables. Entre novembre 2017 et mai 2018, la Fondation Médéric Alzheimer et la Fondation de France ont conduit une enquête sur les initiatives en faveur d’une société plus inclusive à l’égard des personnes vivant avec la maladie d’Alzheimer. La sensibilisation à la maladie des personnels des services publics, des commerçants, des employés des sociétés de transports permet d’organiser collectivement un environnement solidaire et bienveillant, évitant l’isolement et l’exclusion. Aujourd’hui, six initiatives sont soutenues en France : le cinéma à Nancy, les transports à Pau, la police à Versailles, les commerces de proximité à Nice, la littérature jeunesse à Lyon et un repas inclusif à Pont SaintVincent. Cependant, la reconnaissance des capacités de ces personnes à être partie-prenante des choix et des décisions qui les concernent au sein de la communauté, même si elle est souvent mise en avant, est peu mise

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en pratique. La pair-aidance, c’est-à-dire l’aide et le soutien entre personnes malades ou vulnérables peut être une piste. L’ARS* Nouvelle Aquitaine vient d’inaugurer « un centre de preuves consacré à la société inclusive ». Ce centre « côte à côte » a pour vocation de favoriser des partages de connaissances et des travaux de recherche aux niveaux national et international, de soutenir des transferts de dispositifs éprouvés dans le domaine de l’accompagnement médico-social et de fournir un appui méthodologique pour mesurer les impacts des expériences conduites. Un autre exemple concerne l’habitat inclusif. Sa définition est inscrite dans le code de l’action sociale et des familles. Cet habitat est destiné aux personnes handicapées et aux personnes âgées qui font le choix, à titre de résidence principale, d’un mode d’habitation regroupée entre elles ou avec d’autres personnes. Ce mode d’habitat est assorti d’un projet de vie sociale. Il devient la résidence principale de la personne. La possibilité de recourir à des services d’accompagnement dans la vie sociale et collective est assurée. Un soutien financier des pouvoirs publics est accordé (loi Elan). Les personnes atteintes de maladies neuro-évolutives veulent vivre le plus normalement pos-

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sible dans la société en poursuivant leurs activités et leurs relations sociales. Elles souhaitent être impliquées dans les décisions qui les concernent. Le livre blanc, publié en 2019 par un collectif, Personnes vivant avec une maladie neuro évolutive : pour une société bienveillante y contribue et répond à une mesure prioritaire du Plan maladies neuro-dégénératives (2014-2019). Dix pistes d’action sont développées : www.espace-ethique.org C’est aussi dans cet esprit que le « Collectif Alzheimer ensemble : construisons l’avenir », porté par la Fondation Médéric Alzheimer, a été organisé. Il se donne comme objectif de sensibiliser la société française aux enjeux de cette maladie, de nourrir une réflexion participative au niveau national, de construire des recommandations concrètes et de porter des projets innovants pour permettre aux personnes malades de retrouver toute leur place dans la société. Pour y parvenir de façon pérenne, il faut indiscutablement changer le regard porté sur les personnes âgées. Il convient prioritairement de valoriser les compétences des personnes vulnérables, de les impliquer dans une démarche de co-construction, mais aussi de sensibiliser le grand public (par des campagnes de communication par exemple) dès le plus jeune âge. Les associations et les pouvoirs publics ont partie liée. L’étude des représentations sociales est importante pour aider à progresser. Enfin, les médias et les œuvres de fiction (films, romans...) peuvent jouer un rôle essentiel dans la dédramatisation de l’image des maladies neuro-dégénératives.

*ARS : Agence régionale de santé

Gageons que le déploiement de ces initiatives citoyennes, sans méconnaitre le rôle des pouvoirs publics, contribue, aux côtés des progrès scientifiques, de l’apport des sciences humaines et sociales et des innovations technologiques, à construire une société bienveillante. l

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RÉALITÉS FAMILIALES#FAMILLESFACEAUGRANDÂGE#2019

Les difficultés d’accès au droit des personnes âgées ©Crédit DR

Le vieillissement de la population constitue un enjeu qu’il convient d’ores et déjà d’anticiper. Il doit conduire notre société à s’adapter afin de garantir les droits fondamentaux des personnes âgées et de leurs proches.

Jacques TOUBON Défenseur des Droits

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es données relatives à l’allongement de la durée de la vie sont éloquentes. En 2060, ce sont près de 24 millions de personnes qui seront âgées de 60 ans et plus, pour 73 millions d’habitants. C’est un défi qu’il convient de relever, en rappelant que, quel que soit l’âge, nous avons tous les mêmes droits.

Droits et libertés : vieillir ne doit pas être un obstacle

Le vieillissement a trop souvent une connotation négative en raison notamment des difficultés posées par le financement des retraites, la perte d’autonomie et la dépendance qui ont un impact sur le système de protection sociale.

*Ehpad : Etablissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes

*Lire aussi « Aidants familiaux : quels enjeux, quelles perspectives ? », page 20

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Il est indispensable de changer d’approche, et de retrouver, sur ce sujet, comme sur d’autres, le sens de l’universalité des droits pour ne pas confiner la question de l’avancée en âge à une approche catégorielle. Les droits fondamentaux doivent être respectés à toute étape de la vie, que l’on soit enfant, adulte ou plus âgé en tenant compte des fragilités particulières qui caractérisent les âges extrêmes de la vie, les enfants qui bénéficient de protection spécifique mais aussi les personnes âgées, dont les vulnérabilités peinent à être pleinement reconnus. Or, qu’il s’agisse de personnes âgées en perte d’autonomie, de migrants âgés, de personnes handicapées vieillissantes, de femmes âgées, toutes ces personnes ont pour point commun d’être en situation de vulnéra-

bilité et de faire régulièrement l’objet de stigmatisation, de relégation, de précarisation, voire d’exclusion. Le Défenseur des droits intervient régulièrement sur des sujets relatifs au grand âge, au handicap et à la perte d’autonomie au titre des missions de lutte contre les discriminations et de résolution des litiges avec les services publics. Les personnes sont confrontées à des obstacles dans l’exercice de leurs droits fondamentaux qui peuvent entraver leur capacité à contribuer et à participer à la société. Les saisines de l’institution permettent de disposer d’une cartographie des difficultés rencontrées par les personnes âgées et les proches aidants. Sont ainsi traités des dossiers en matière d’accès aux droits liés à la retraite, de fiscalité, de difficultés relatives à l’Allocation personnalisée d’autonomie (APA), en matière d’accès aux soins, en raison de la dématérialisation des services publics ou encore pour des faits de maltraitance à l’égard de résidents d’Ehpad*. Ces difficultés interrogent l’effectivité des droits des personnes âgées. Elles rappellent la nécessité d’attacher une attention particulière à la situation de ces personnes afin qu’elles puissent accéder à leurs droits et en jouir pleinement, sans oublier celles et ceux qui les accompagnent au quotidien. En effet, les aidants* doivent être considérés comme un soutien permettant de renforcer l’effectivité des droits des personnes âgées. Ils jouent un rôle essen-

tiel qui devrait être davantage reconnu dans le soutien à l’autonomie des personnes. A titre d’exemple, en 2019, un rapport du Défenseur des droits a permis de montrer les conséquences de l’impact de la dématérialisation des services public sur les personnes âgées. L’accès aux services publics, et donc à leurs droits, peut relever d’un véritable « parcours du combattant ». Par ailleurs, le rapport a mis en évidence que la situation spécifique des majeurs protégés est rarement prise en compte dans le cadre de la dématérialisation des démarches administratives. Ainsi, la version actuelle pour une déclaration de revenu auprès de l’administration fiscale qui se fait désormais exclusivement sur Internet ne permet plus au tuteur et au majeur protégé de cosigner la déclaration de revenu du majeur. Lors d’une déclaration conjointe, dans le cas d’une curatelle renforcée ou si le majeur souhaite participer à cette formalité, aucune possibilité de co-signature n’est possible ce qui oblige le mandataire à procéder seul à la démarche.

Promouvoir les droits fondamentaux des personnes âgées et de leurs proches

Malgré la prise de conscience sur la nécessité de changer le regard de la société sur le grand âge, les entraves en matière d’accès aux droits ou de non-respect des libertés des personnes âgées restent fréquentes, notamment les personnes hébergées dans des

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Ehpad qui sont parfois victimes de maltraitance. La maltraitance institutionnelle reste un phénomène tabou même si le sujet fait désormais l’objet d’une prise de conscience accrue. Pour le Défenseur des droits, la maltraitance peut être définie comme un acte ou une absence d’intervention appropriée et s’exercer dans les situations de besoin d’accompagnement de personnes dépendantes. Ces actes peuvent s’installer par l’effet de l’ignorance, de l’impuissance, de l’épuisement du personnel et résulter d’une carence au niveau de l’organisation et du manque de moyens de l’établissement. Des évolutions doivent être pensées afin de permettre aux établissements de garantir le respect et la dignité des personnes hébergées. Le débat reste ouvert et rappelle la nécessité de prendre en compte la notion de qualité de vie en Ehpad. Cette question implique par exemple de considérer la liberté d’aller et venir comme un droit fondamental à respecter, mais également comme un objectif de prise en charge et d’accompagnement à promouvoir et à protéger. Il convient par ailleurs de souligner que les personnes âgées se trouvent en situation de grande dépendance de plus en plus tardivement en raison de l’allongement de l’espérance de vie. De ce fait, les politiques publiques devraient s’attacher à considérer la notion de « bien vieillir » pour permettre un exercice actif des droits des personnes âgées. S’agissant de l’APA, outre les disparités territoriales parfois observées dans le système d’attribution, des difficultés d’accès aux droits sont également relevées. Le Défenseur des droits a traité de plusieurs réclamations relatives à la détermination des besoins en aide à domicile dans le cadre de l’APA. Les équipes médico-sociales privilégient parfois les interventions à domi-

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cile en mode « mandataire » au détriment des interventions en mode « prestataire », ces dernières étant plus coûteuses pour la collectivité. Or, la fixation de directives aux équipes médicosociales en amont de l’évaluation par le conseil départemental porte atteinte aux droits des usagers du service public et contrevient au principe « d’une prise en charge adaptée aux besoins et aux souhaits de la personne âgée » conformément à l’article L.113-1-2 du Code de l’action sociale et des familles (CASF).

combinent différentes caractéristiques qui sont susceptibles de renforcer la probabilité d’être discriminé en raison du critère de l’âge comme les femmes ou les migrants âgés. Le manque de connaissance de ces phénomènes nourrit leur invisibilité. On observe, en effet, une dilution de la thématique, en particulier dans l’élaboration des politiques publiques ciblées, la politique du vieillissement en France restant cantonnée à la sphère sanitaire et/ou médicosociale*.

Outre les difficultés d’accès aux droits des personnes âgées, ces dernières sont parfois exposées à des situations de discriminations qui restent toutefois peu connues et font rarement l’objet de travaux.

Ces questions sont abordées dans le cadre du comité d’entente sur l’avancée en âge du Défenseur des droits qui est une instance consultative des associations représentatives des personnes âgées. Réunissant une quinzaine d’associations, le comité permet une remontée des difficultés observées sur le terrain par les acteurs associatifs. Les discriminations fondées sur le grand âge sont souvent discutées dans ce cadre ce qui démontre une prise de conscience de l’enjeu de lutter contre ces situations qui portent atteinte au principe d’égalité de traitement.

Lutter contre les discriminations fondées sur l’âge

En France, la question de la discrimination liée à l’âge a émergé récemment. Les travaux sur le sujet concernent plus particulièrement les discriminations à l’égard des séniors dans le domaine de l’emploi. Ils considèrent toutefois rarement les difficultés relatives à l’accès aux soins ou en matière de biens et services tels que l’accès aux crédits ou assurances. De récents travaux tendent à définir la notion « d’âgisme » dans le sillage des discriminations fondées sur l’origine et le genre. Ils mettent en évidence l’existence de discriminations multiples et montrent que les populations les plus vulnérables aux discriminations liées à l’âge

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*Lire aussi « l’émergence des politiques publiques en faveur des personnes âgées » page 12

L’activité du Défenseur des droits montre que, tant en matière d’accès aux droits, d’accès aux services publics que de discrimination, l’attention portée aux plus âgés et aux plus vulnérables est loin d’être suffisante. Il est urgent que la société, dans toutes ses composantes, en prenne conscience et s’empare de cette question. l

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En savoir : www.defenseurdesdroits.fr Le Défenseur des droits est une autorité administrative indépendante créée par la loi organique du 29 mars 2011. Protecteur des droits et libertés des personnes, il a pour mission de défendre et promouvoir les droits des usagers des services publics, les droits de l’enfant, de lutter contre les discriminations, d’assurer le respect de la déontologie par les personnes exerçant des activités de sécurité et de protéger et orienter les lanceurs d’alerte. Il peut être saisi gratuitement par toute personne résident en France ou française résidant à l’étranger qui estime que ses droits n’ont pas été respectés. Il peut également se saisir d’office.

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La protection des seniors : un défi pour les acteurs de la finance et de l’assurance Le nombre de seniors s’accroît d’année en année. D’après les projections de l’Insee, les plus de 75 ans représenteront 9,3 % des Français, en 2020, et 14,6 %, en 2040. En 2070, cette population aura doublé par rapport à aujourd’hui. L’allongement de la durée de vie a fait évoluer les comportements, la consommation et les modes de vie. Cécilia LHOSTE

Claire CASTANET Autorité des marchés financiers - Direction des relations avec les épargnants

*Lire aussi « Protéger sans diminuer, c’est possible », page 24

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ace à ce papy-boom, la société doit faire face aux questions posées par le vieillissement, voire la dépendance, surtout parce que les schémas familiaux ont évolué : les personnes âgées restent plus longtemps à leur domicile, très souvent avec le soutien de leurs proches puis, quand la perte d’autonomie devient trop importante, elles rejoignent des établissements spécialisés. Par rapport aux autres tranches de la population, les personnes âgées ayant pu capitaliser les fruits d’une vie de travail ou recevoir un héritage, sont plus souvent propriétaires de leur résidence principale et représentent la part de la population au patrimoine le plus élevé. D’après l’Insee, « en 2015, les ménages de seniors ont en moyenne un patrimoine brut supérieur de 14 % à ceux dont la personne de référence a entre 25 et 64 ans ». Même si ces personnes vivent plus longtemps, en meilleure santé, elles doivent toutefois, dans le grand âge, recourir à un accompagnement médical, aménager, adapter leur domicile ou faire face à une dépendance, ce qui peut s’avérer onéreux. Ainsi, le besoin de liquidités des personnes âgées est une nécessité réelle.

A l’OCDE, en France et à l’international, le phénomène de vieillissement de la population est devenu une préoccupation majeure pour les acteurs politiques qui l’ont qualifié de « prioritaire » lors du dernier G20.

La « zone grise » : quand le consentement des clients âgés pose question

L’Autorité des marchés financiers (AMF) et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), les superviseurs des banques et des assureurs, ont pour mission commune la protection des épargnants. Pour ce faire, elles surveillent les pratiques de commercialisation des établissements financiers et ont notamment mis en place un site internet et une plateforme téléphonique nommés « Assurance Banque Epargne Info Service1 » (ABEIS) afin de répondre aux questions des clients des secteurs financiers et assurantiels. En 2018, elles se sont saisies du sujet des personnes vulnérables et, en particulier, des personnes âgées vulnérables. Il faut tout d’abord préciser le périmètre de la réflexion. En effet, une personne âgée n’est pas forcément vulnérable. Elle peut le devenir à cause d’une maladie ou à la suite d’un choc émo-

tionnel, comme dans le cas du veuvage. Certaines personnes, notamment les plus isolées ou bien celles sans activités intellectuelles, peuvent être plus sujettes au déclin de leurs capacités cognitives, ce qui peut altérer leurs prises de décisions financières. Les autorités s’intéressent donc à la « zone grise », ce moment où un déclin cognitif apparaît sans qu’un diagnostic médical soit posé, ou encore sans que des mesures de protection juridiques* comme la tutelle ou la curatelle soient actées. À un certain âge, cet amoindrissement cognitif peut s’avérer temporaire ou définitif. Les conseillers financiers se retrouvent parfois dans une situation délicate pour recueillir de manière éclairée le consentement de ces clients, lorsqu’il s’agit d’opérations financières d’investissement ou de désinvestissement de leur épargne ou de leur assurance-vie. Au fil des années, certains seniors se font accompagner par un proche issu du cercle familial ou par un aidant. Les outils de protection tels que les procurations ou les mandats de protection future, par exemple, sont encore peu utilisés. Cela peut entraîner des situations d’insécurité pour le client, pour son entourage, pour le conseiller et, au final, pour

1/ https://www.abe-infoservice.fr/ - 0811 901 801

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l’établissement bancaire ou d’assurance. De plus, ces outils peuvent s’avérer utiles également en cas de succession. Ainsi, certains établissements ont cherché à mettre en place des mesures préventives. Il a été constaté que, pour éviter d’éventuelles mauvaises pratiques de commercialisation, un critère d’âge est utilisé par certains professionnels pour interdire la commercialisation. Or, à lui seul, ce critère pourrait être jugé discriminatoire. Apparaît donc la nécessité de compléter cette approche en identifiant des critères complémentaires qui pourraient susciter une plus grande vigilance de la part des établissements. De plus, et c’est un autre point d’attention, les personnes âgées peuvent avoir des difficultés physiques, lesquelles, sans engendrer un déclin cognitif, amoindrissent leur consentement : une mauvaise audition, des difficultés de vision et donc de lecture de documents aux caractères devenus inadaptés pour des yeux fatigués. Ces éléments méritent d’être pris en compte dans la relation commerciale afin que le client soit dans de bonnes conditions pour recevoir et bien comprendre les conseils financiers qui lui sont délivrés.

tation afin de recueillir tous les avis utiles, lesquels ont fait l’objet d’une synthèse. L’étude confirme que le critère de l’âge ne peut à lui seul définir la vulnérabilité d‘une personne. Par exemple, le numérique est davantage perçu comme un facteur d’inclusion sociale que comme un facteur d’exclusion, même s’il nécessite d’être adapté et expliqué aux personnes plus âgées. Pour toutes ces raisons, nombreux sont ceux qui pensent que les conseillers doivent être sensibilisés et formés pour gérer cette clientèle spécifique et que des pratiques dédiées à cette population doivent être mises en place. En parallèle, les autorités mènent un projet de recherche avec des laboratoires universitaires afin de d’enrichir ces travaux. L’objectif des travaux de l’AMF et de l’ACPR est donc de promouvoir un meilleur accompagnement des conseillers financiers dans la relation commerciale avec la personne âgée afin de s’assurer de la bonne compréhension des produits financiers et du respect de ses intérêts et de ses objectifs. Enfin, et c’est ce qui mobilise toutes les énergies à la fin de l’année 2019 et au début de 2020,

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ces autorités ont créé un groupe de travail pour discuter des moyens d’atteindre ces objectifs en dégageant des consensus. Nombreux sont les acteurs qui ont souhaité s’engager dans cette réflexion commune : associations de consommateurs, associations familiales2, fédérations professionnelles, établissements financiers, assureurs, conseillers en gestion de patrimoine, notaires, acteurs de l’accompagnement du vieillissement, etc. Plusieurs thématiques seront traitées : les besoins spécifiques en termes de produits, les canaux de commercialisation, l’information et le conseil délivrés au client, l’accompagnement et la formation des conseillers financiers et la définition d’un cadre sécurisant et bien proportionné pour une décision financière éclairée à tout âge. La famille reste aujourd’hui certainement la meilleure protection face à la vulnérabilité. Il est primordial d’identifier le plus tôt possible les personnes de confiance, qui aideront la personne âgée en cas de besoin, et très important aussi, de sensibiliser chacun à une bonne préparation de son avenir, dès que l’on devient un « senior ». l

Vers une meilleure prise en compte des clients âgés

L’ACPR et l’AMF ont donc travaillé sur les définitions liées aux personnes âgées et à la vulnérabilité, sur l’encadrement juridique existant, sur les résultats des pratiques des établissements contrôlés et sur les mesures déjà mises en place dans certains réseaux ainsi que les actions menées par les autorités étrangères. Une étude intitulée « Pratiques de commercialisation et populations vieillissantes : comment faire face au déclin cognitif des personnes âgées dans le cadre de la relation-client ? » a fait l’objet d’un rapport publié en décembre 2018. Elle a été soumise à consul2/ Note de la rédaction : L’Unaf est évidemment partie prenante de cette réflexion.

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L’isolement, une question sociale urgente Monalisa rassemble depuis 2014 ceux qui font cause commune contre l’isolement social des personnes âgées à travers un partenariat inédit entre la société civile et la puissance publique : associations, collectivités, caisses de retraite…

Jean-François SERRES Référent national MONALISA

*Lire aussi « Aidants familiaux : Quels enjeux, quelles perspectives ? », page 20

*CARE : Sollicitude, empathie.

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’importance de l’isolement relationnel comme nouvelle forme de misère de nos sociétés n’est plus à démontrer. Les études se succèdent, confirmant années après années l’importance du phénomène et de son impact. Etant donné le nombre de personnes qui en souffrent aujourd’hui en France (7 millions), on peut parler de solitude de masse. Ses impacts sont considérables sur la santé – équivalents au tabagisme ou à l’obésité -, sur la cohésion sociale – ce sont les plus pauvres et les plus fragiles qui manquent de ce capital social indispensable pour accéder aux soins élémentaires et à la vie sociale -, et sur la démocratie – les personnes isolées participent peu à la vie démocratique, l’isolement nourrit la désespérance. La majorité des Français espère vieillir entourés, ils veulent bénéficier de la vie sociale et y contribuer jusqu’au bout de leur vie. Pourtant ce sont les personnes âgées qui sont le plus touchées : un quart des personnes souffrant d’isolement social ont, en France, plus de 75 ans. Si rien n’est fait et du fait des prévisions démographiques, nous pourrions assister à une explosion de leur nombre dans les années à venir. On sait maintenant que l’isolement social est déterminant dans l’accélération des pertes d’autonomie, les dysfonctionnements des prises en charge (notamment aux urgences hospitalières), les dépressions et les suicides. Les personnes âgées

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risquent davantage lorsqu’elles sont isolées d’êtres abusées, spoliées et maltraitées, elles deviennent des proies faciles. Enfin, le tournant domiciliaire annoncé dans la loi en préparation sera une avancée s’il ne se transforme pas en assignation à résidence, refermant sur les personnes du grand âge et leurs familles le piège de l’isolement social. La loi grand âge autonomie doit donc comporter un axe de premier plan visant explicitement à prévenir et réduire l’isolement social des personnes âgées et à encourager leur citoyenneté active.

et ouvert à tous, quel que soit son âge et sa vulnérabilité. Cet accès à la vie sociale est d’abord un processus de capacitation. Pour les personnes âgées et surtout pour celles du grand âge ce processus est très dépendant du capital relationnel dont elles disposent : rejoindre la personne dans sa solitude et rétablir une relation est souvent la première marche à monter.

L’isolement social que vivent ces centaines de milliers de personnes qui arrivent au grand âge est le signe d’une société qui n’a pas réussi encore à leur faire une place. Pour lutter contre les logiques de mise à part, les principales politiques d’intégration s’appuient en France sur l’éducation, la formation et l’accès à l’emploi, elles n’ont donc aucune prise sur une population dont la première des pauvretés est relationnelle et pour qui l’emploi n’est pas l’avenir.

La famille qui produit de solides solidarités ne peut constituer le seul réseau relationnel des personnes âgées, d’autant plus que, du fait des décohabitations et de la dispersion de ses membres, sa présence proche est souvent malaisée et parfois impossible. Lorsque la famille constitue le seul réseau relationnel d’une personne âgée, elle ploie sous la charge. Les proches aidants*, familiaux pour la plupart, sont à la charnière des solidarités de redistribution et des solidarités d’engagement. En effet, d’un côté il leur faut pouvoir compter sur des services professionnels suffisants, coordonnés et de qualité mais d’un autre, ils risquent de s’épuiser dans la solitude s’ils ne bénéficient pas des soutiens relationnels et de l’entraide de leurs entourages.

La participation des personnes âgées à la vie sociale, et donc leur place et leur contribution à la société, est primordiale. Pour l’améliorer, l’accès aux commerces et aux équipements ne suffit pas, il faut faire de la vie sociale un axe fort d’utilité et de citoyenneté active, accessible

Une société inclusive adaptée à la transition démographique doit devenir bienveillante et productrice de « care* » : pour cela, elle doit mailler le territoire de dynamiques renouvelées de socialisation associées aux solidarités de proximité entre les citoyens.

« La famille ne peut être l’unique réseau relationnel des aînés »

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« Contre l’isolement, la mobilisation doit être collective et locale » En 2015 et pour la première fois, la loi d’adaptation de la société au vieillissement a fait de la lutte contre l’isolement social un axe de prévention. La concrétisation de cette priorité nouvelle a consisté à lancer la Mobilisation nationale contre l’isolement des personnes âgées (MONALISA). Cette démarche favorise les synergies, les complémentarités et la mise en réseau de toutes les forces vives, bénévoles et professionnelles, pour prévenir et réduire l’isolement social des personnes âgées et favoriser leur citoyenneté active sur les territoires. Cette mise en synergie des compétences complémentaires favorise le développement des actions existantes et l’émergence de solutions nouvelles. 64 coopérations territoriales sont aujourd’hui animées par des acteurs locaux dans deux tiers des départements. MONALISA soutient la mobilisation citoyenne qui, pour être durable et pertinente contre l’isolement social, doit prendre une forme collective et s’organiser dans la proximité, au plus près des personnes. Beaucoup d’actions associatives de ce type existent, parfois depuis fort longtemps, mais elles sont souvent dispersées et peu visibles. Certaines sont soutenues, d’autres pas. Elles ne sont identifiées ni par les acteurs du soin ni par les citoyens comme recréant du lien social. Elles ne fonctionnent pas en réseau entre elles et sont donc difficilement accessibles. Par ailleurs, le nombre d’initiatives n’est pas suffisant pour pouvoir orienter toutes les personnes isolées vers des solutions. Pour répondre à cette réalité, MONALISA a élaboré et expérimenté un « commun » nouveau : l’« équipe citoyenne ». Les bénévoles qui agissent déjà en équipe contre l’isolement social et ceux qui veulent se lancer peuvent bénéficier de ce label en signant une charte.

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Ils s’y engagent à agir contre l’isolement social dans la proximité, à vivre une vie d’équipe à taille humaine et démocratique et à agir en lien avec les professionnels et les partenaires de leur territoire. Certaines équipes citoyennes font partie de grandes associations de solidarité (Secours catholique, fédération des centres sociaux, petits frères des Pauvres, Croix rouge, Société Saint Vincent de Paul, Génération Mouvement, ANR La poste Orange, France Alzheimer, France bénévolat, Uni cités, etc.) ou d’aide aux personnes et aux familles (Familles rurales, Udaf, ADMR, UNA, des Ehpad, etc.), certaines sont portées par des réseaux gérontologiques ou des CLIC, par des collectivités territoriales ou leurs CCAS ou CIAS, des offices de retraités ou les services d’action sociale des caisses de retraites (MSA, Malakoff Médéric, etc.). D’autres équipes citoyennes se constituent en association (comme par exemple, le Café des Champs, dans le Calvados).

« Une offre bénévole visible et accessible à tous émerge »

Une carte interactive (equipe citoyenne.com) permet aujourd’­ hui à toutes les initiatives collectives pour le lien social de signer la charte de l’équipe citoyenne en ligne et d’être géolocalisées sur la plateforme. Plus de 350 équipes citoyennes se sont d’ores et déjà engagées et touchent des milliers de personnes âgées. Grâce à elles, une « offre » bénévole, visible, accessible à tous et articulée avec les professionnels émerge et permet un premier maillage des territoires.

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pérations territoriales est assez solide pour envisager des coopérations dans tous les bassins de vie et le maillage du territoire par des milliers d’équipes citoyennes. Comme le suggère le rapport de Dominique Libault et le préconise l’avis du Haut conseil de l’âge d’avril 2019, la future loi grand âge autonomie devrait renforcer et structurer ce que la loi d’adaptation au vieillissement a initié pour répondre à la hauteur des besoins. L’isolement social est une souffrance dont les personnes âgées ne sont pas les seules victimes. Mais leur situation nous concerne tous et répondre à cette nouvelle forme de misère à partir d’elles entraine la participation de tous les âges et l’adhésion populaire, ce qui est un précieux atout pour une politique de concorde. l

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: www.monalisa-asso.fr et www.equipecitoyenne.com

En savoir

e Carte interactiv

Au travers de ces mobilisations, une culture commune en faveur du lien social s’élabore qui articule les solutions issues de la protection sociale et celles des solidarités d’engagement. Les actions des bénévoles et celles des professionnels trouvent leurs complémentarités dans le respect de leurs diversités. 5 ans après le déploiement de la démarche, le réseau des coo-

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Isolement et précarité des ainés : une double peine inadmissible ! Association de référence en ce qui concerne l’isolement des personnes âgées, les Petits Frères des Pauvres constatent au quotidien que la solitude touche majoritairement les personnes les plus démunies et ne leur permet plus de vivre sereinement jusqu’au bout de la vie.

Armelle DE GUIBERT Déléguée Générale des Petits Frères des Pauvres

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ace à ce fléau encore trop invisible, les Petits Frères des pauvres appellent à se mobiliser pour offrir une société plus fraternelle pour les aînés les plus fragilisés.

300 000 personnes âgées en situation de mort sociale

Les Petits Frères des Pauvres ont fait de la lutte contre l’isolement des aînés leur raison d’être. En 2017, nous avons publié une étude1 qui a permis de dresser le terrible constat que 900 000 personnes de plus de 60 ans – soit l’équivalent de la ville de Nantes ! – ne rencontrent quasiment jamais ou très rarement d’autres personnes (réseau familial, amical, voisins, réseau associatif). Ce chiffre alarmant s’établit à 600 000 personnes si on se concentre sur les seuls cercles familiaux et amicaux… Et les choses ne vont pas en s’améliorant : nos sociétés modernes sont vectrices de renforcement de l’exclusion à travers les nouveaux outils technologiques qu’elles développent. Ainsi, alors que le numérique signifie, pour nombre de Français, une occasion de garder le lien plus facilement avec leurs proches, il représente un espace supplémentaire d’exclusion pour 27 % des 60 ans et plus qui n’utilisent jamais Internet, soit environ 4 millions de personnes2. Et, qu’il soit relation-

nel ou numérique, l’isolement touche majoritairement des femmes âgées avec des revenus modestes.

L’isolement, un problème multi-facteurs à prédominance sociale

Comment en sommes-nous arrivés là ? Dans une société française qui s’enorgueillit de son modèle social, l’un des plus protecteurs au monde, comment laissons-nous nos aînés loin du regard et du lien social ? Les raisons en sont nombreuses et tiennent pour une bonne partie aux évolutions sociétales : éloignement géographique des enfants, disparition du modèle de la « famille nucléaire », allongement de l’espérance de vie... Cette dernière, si elle représente un progrès formidable, expose davantage les parcours de vie aux ruptures telles que la perte d’autonomie, la maladie, la perte d’un proche… Autant d’occasions de basculer vers cet « enfermement intérieur » dans lequel 32 % des plus de 60 ans n’ont aucune personne avec qui parler de choses intimes. La pauvreté, le manque de moyens financiers, renforcent cette dynamique. Ce sont ainsi les personnes qui auraient besoin de changer d’habitat ou bien de faire des travaux dans leur logement pour l’adapter, par exemple, à une perte d’autonomie et qui n’ont pas les

moyens de le faire. L’inadaptation du logement provoque fréquemment un sentiment de honte qui renforce toujours plus l’isolement (on n’ose plus inviter chez soi). De la même manière le manque de moyens est de nature à renforcer des problèmes de santé, eux-mêmes facteurs d’isolement de la personne. De « simples » troubles de l’audition peuvent ainsi occasionner un renfermement pour la personne âgée qui n’arrive plus à établir un dialogue avec son entourage. Des solutions existent pourtant pour prévenir ou améliorer cette situation qui isole. Encore faut-il que les personnes concernées, souvent dépassées, puissent être accompagnées et qu’elles disposent des moyens correspondants aux équipements auditifs, particulièrement onéreux. Car vieillir dans de bonnes conditions coûte cher. Être pauvre, c’est avoir plus de risques d’être exposé à l’isolement. Nous le savons bien, chez les Petits Frères des Pauvres, où 75 % des personnes nouvellement accompagnées disposent de revenus inférieurs à 1 000 euros par mois3. Nous constatons que l’isolement résulte aussi des inégalités qui traversent notre société : les personnes âgées isolées sont ainsi, majoritairement, des femmes de plus de 75 ans avec des revenus modestes. Isolement et préca-

1/ CSA pour les Petits Frères des Pauvres, Solitude et isolement quand on a plus de 60 ans en France en 2017, 28 septembre 2017, avec le soutien de la Fondation des Petits Frères des Pauvres 2/ CSA pour les Petits Frères des Pauvres, L’exclusion numérique des personnes âgées, 27 septembre 2018, avec le soutien de la Fondation des Petits Frères des Pauvres 3/ Données issues du rapport d’activité 2018 de l’association les Petits Frères des Pauvres sur la base des personnes pour lesquelles cette donnée a pu être obtenue.

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rité sont indissolublement liés, empêchant des conditions de vie dignes jusqu’au bout de la vie.

Une prise de conscience politique et citoyenne

Face à cet isolement des personnes âgées de plus en plus prégnant, nous ne pouvons que nous réjouir de la prise de conscience des pouvoirs publics depuis plusieurs années. La loi Adaptation de la Société au Vieillissement a inscrit, pour la première fois, la lutte contre l’isolement de nos aînés dans un texte législatif. L’ASPA (Allocation de solidarité aux personnes âgées ou « minimum vieillesse ») est revalorisée sur 3 ans pour atteindre, en 2020, 900 euros pour une personne seule. Ces réponses politiques sont certes encore insuffisantes face à l’ampleur de l’exclusion qui touche un grand nombre de nos aînés : rappelons que 4,6 millions de personnes de 60 ans et plus ressentent de la solitude et 3,2 millions sont en risque d’isolement relationnel, avec de fortes disparités selon les territoires4. Quant au minimum vieillesse, malgré cette revalorisation bienvenue, il restera toujours en dessous du seuil de pauvreté établi à 1 026 euros. La prise de conscience est également sociétale avec une multiplication d’initiatives portées par un nombre d’acteurs très variés -citoyens qui souhaitent se mobiliser, secteur associatif, collectivités territoriales-, afin d’encourager les solidarités de proximité et favoriser une société qui offre une meilleure cohésion. Citons par exemple l’expérimentation innovante « Paris en Compagnie », financée par la ville de Paris et animée par 3 acteurs complémentaires (les Petits Frères des Pauvres, Lulu dans ma rue et Paris Autonomie Saint-Jacques). C’est un dispositif gratuit qui propose à des Parisiens de s’engager bénévolement pour accompagner des personnes âgées isolées dans leurs déplacements

du quotidien et créer du lien. Mis en place début 2019, Paris en Compagnie présente au bout de quelques mois un bilan très positif avec plus d’un millier de demandes satisfaites par 300 personnes engagées dans la démarche.

L’isolement de nos aînés ne doit pas être source de profits En revanche, cet isolement croissant des personnes âgées attire aussi la convoitise de nombreuses entreprises tentées de considérer le lien social comme une marchandise. Depuis plusieurs années, nous voyons fleurir des prestations commerciales promettant de lutter contre l’isolement de nos aînés : visites ou appels « de courtoisie », promenades en extérieur, partages de loisirs simples comme des jeux de société, moyennant rétribution. Certaines entreprises spécialisées dans les nouvelles technologies proposent également des applications, des enceintes connectées, voire des robots dits de compagnie censés sortir nos aînés de leur isolement. Bien entendu, nous dénonçons ces tentatives de marchandisation du lien social qui risquent d’aggraver encore plus les inégalités, sachant que l’isolement des personnes âgées est très souvent corrélé à de faibles ressources. La monétarisation de la lutte contre la solitude amplifierait la discrimination entre les per-

sonnes aisées et celles qui n’ont pas les moyens de se payer ce type de services. De plus, le lien artificiel créé, soit par des prestations payantes, soit par une intelligence artificielle, ne remplacera jamais la valeur d’une vraie relation gratuite, choisie, de personne à personne et qui garantit une qualité de relation.

N’aggravons pas davantage les situations d’isolement et de précarité !

Une étude de la DREES parue en septembre 2018 a mis en exergue que 1,4 million de personnes âgées de 53 à 69 ans ne perçoivent ni revenu d’activité ni pension de retraite, qu’elle soit de droit direct ou de réversion et qu’un tiers vit sous le seuil de pauvreté. Ces « NER » (ni emploi, ni retraites) sont encore majoritairement des femmes, à l’état de santé précaire, faiblement diplômées et ayant occupé des emplois peu qualifiés. Il est indispensable que la future réforme des retraites protège ces femmes et ces hommes qui vivent une fin de parcours professionnel complexe, sous peine de les exclure et de les isoler davantage. Il est de notre responsabilité commune de porter la voix de ces invisibles et de refuser que notre société soit une fabrique de vieux pauvres ! l

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En savoir : www.petitsfreresdespauvres.fr

4/ CSA pour les Petits Frères des Pauvres, Solitude et isolement des personnes âgées en France, quels liens avec les territoires, septembre 2019, avec le soutien de la Fondation des Petits Frères des Pauvres

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Valoriser et développer la participation sociale des aînés Le Cercle des vulnérabilités

7 propositions pour favoriser une meilleure exploitation du gisement de valeurs, d’innovations et de savoirs que représentent les aînés, permettre une approche réellement inclusive, finalement plus respectueuse de leur intégrité, où la personne fragile ou souffrante peut aussi devenir une personne agissante. Préalable majeur : réinventer la sémantique de la retraite

Le mot est souvent porteur d’un imaginaire. Celui de retraite n’échappe pas à la règle puisqu’il traduit une réalité issue de l’après-guerre qui n’a plus grandchose à voir avec la situation vécue aujourd’hui par des aînés quittant le monde des actifs au crépuscule de leur carrière. Plus que désuet, il participe même de l’isolement social des aînés. Il signifie la fin alors qu’il est un nouvel élan : les « retraités » sont de plus en plus actifs, affirment leur volonté d’être acteurs du changement sociétal et participent, voire même s’engagent dans des activités sociales. La diversité des activités se mixe et les « retraités » peuvent cumuler un certain nombre de pratiques : bénévolat (où ils apportent gracieusement leur expérience professionnelle et privée), expertise professionnelle (souvent sous la forme de micro-entrepreneur), consommation (loisirs, voyages), soutien (familial, social), etc. Pour opérer un renversement paradigmatique de nature à influencer durablement les représentations et donner à voir une réalité plus positive – et plus juste , le groupe préconise de réaliser un travail de reconfiguration sémantique du terme de « retraite » : ce changement de terme permettra de redonner du mouvement à une période qui est aujourd’hui

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perçue comme une inertie de vie, une mise à l’écart, tout en suscitant de l’attractivité et du désir autour de cette phase de départ de la vie professionnelle, qui peut tout aussi bien être une nouvelle entrée dans la vie sociale

OBJECTIF 1 : Renforcer l’expérience des aînés

Les aînés ont une expérience et des compétences qu’il serait insensé de perdre : il est donc nécessaire de la valoriser au sein de la société. Une des manières de faire est d’intégrer les aînés dans un tissu de relations sociales dans lequel ils pourront démontrer leurs apports. Ces rencontres doivent pouvoir contribuer à changer de regard sur les aînés afin de créer une société plus inclusive. Deux secteurs nous semblent plus propices à ces rencontres : l’économie et l’éducation.

L’économie, parce qu’il est nécessaire que les que les acteurs de l’innovation économique et sociale (pas seulement ceux de la silver économie) se laissent inspirer par l’expérience et les idées que peuvent proposer les ainés, pourvu qu’on leur en donne la chance et le cadre. L’éducation, parce que l’enfance et l’adolescence sont des temps propices pour sensibiliser les jeunes à l’engagement citoyen, à la diversité de chaque individu et à la prise de conscience de la valeur des aînés à travers des moments de rencontre au sein de différents lieux, comme l’école – lieu de la fabrique du citoyen. Proposition 1 : Créer un réseau « passeurs d’expériences et d’envies ». Les aînés sont riches d’expériences acquises tout au long de leur

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parcours de vie. Ils disposent d’un capital humain à transmettre et d’histoires à raconter. Tous types de lieux (écoles, médiathèques, centres sociaux, théâtres, etc.) pourront accueillir les « passeurs d’expériences et d’envies » et recueillir leurs témoignages, leurs expériences, mais aussi leurs rêves pour que les plus jeunes prennent le relais (citoyenneté, fraternité, écologie, démocratie…). Une plateforme numérique pourra mettre en avant ces histoires, philosophies de vie, expériences, etc. Dans le cadre de la scolarité obligatoire, il est proposé de développer les liens entre les générations et de faire participer les aînés faisant partie du réseau « passeurs d’expériences et d’envies » aux cours d’instruction civique. Ces séances avec les aînés pourront s’articuler autour de débats sur des sujets d’actualité, proposé par la classe ou par le professeur. Proposition 2 : Incuber des start-up dans des résidences services, résidences autonomie et dans des Ehpad. Dans une démarche d’ouverture des habitats accueillants les aînés, il est proposé d’incuber des start-up dans des résidences services, résidences autonomie et dans des Ehpad. Les aînés pourront donner leur avis, participer à ces nouvelles créations d’offres. Les start-up seront sélectionnées principalement par un jury constitué d’aînés vivant dans les différents types d’habitats. Ces startup pourront relever du champ du grand âge et de l’autonomie, comme de n’importe quel autre secteur. Naturellement les entrepreneurs de la silver économie pourront au quotidien se confronter directement à leurs utilisateurs et développer ainsi des offres qui soient au plus près des attentes et des comportements des aînés. Bénéfices pour les jeunes : s’inscrire dans une histoire qui se prolonge de génération en génération et acquérir le goût

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de l’engagement citoyen. Bénéfices pour les aînés : • Valoriser leur parcours de vie, leurs expériences, leurs compétences, • Prévenir la perte d’autonomie et le sentiment d’isolement et de déclassement grâce à la participation sociale, • Développer la citoyenneté, l’autocritique, l’intergénération, la tolérance, l’ouverture d’esprit et le goût d’agir ensemble.

OBJECTIF 2 : Promouvoir la participation sociale au sein des organisations avec et pour les aînés

Les entreprises doivent être mobilisées sur cet enjeu du vieillissement de la population et de la participation sociale des aînés. Elles ont pleinement leur rôle à jouer sur ces sujets en se donnant les moyens d’innover, de transformer et de promouvoir la participation sociale en

adoptant des pratiques plus justes et plus efficientes : la participation sociale ne doit pas être seulement à sens unique au service des aînés. Elle doit aussi comporter une dimension de réciprocité (les aînés au service de la société). De ce travail fondamental d’inclusion sociale et économique, les entreprises pourront aussi tirer avantage en termes d’organisation, de réputation, de différenciation.

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Proposition 3 : Créer un indicateur de RSE « Transition démographique ». Il est proposé de créer un indicateur de responsabilité sociétale des entreprises prenant en compte les enjeux du vieillissement de la population. Cet indicateur sera déterminé en fonction de critères, tels que : l’âge des collaborateurs ; le taux d’emploi des seniors ; les dispositifs d’accompagnement à la transition travail – retraite ; les dispositifs mis en place pour accompagner les aidants ; l’engagement bénévole des collaborateurs à destination des aînés ; le développement d’offres de produits ou service impliquant des aînés en termes de co-construction… s’agissant notamment de biens à destination des aînés, etc. Cet indicateur pourra être intégré à des certifications ou des labels qui intègrent des sujets plus larges comme des

exigences sociétales et environnementales, de gouvernance, ainsi que de transparence envers le public. Les bonnes pratiques des entreprises pourront être partagées sur une plateforme numérique et des fiches outils pourront être proposées pour permettre à d’autres entreprises de pouvoir dupliquer ces pratiques.

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Proposition 4 : Moduler le travail et la retraite à travers des dispositifs de mécénat de compétences. Dans le cadre de l’évolution des carrières et de la société, nous proposons de sortir d’une vision binaire et couperet de la retraite pour instituer à la place des fins de carrières plurielles et à la carte, respectueuses des ressources et des envies des individus. Pour ce faire, il est proposé de développer l’engagement bénévole à travers des dispositifs de mécénat de compétences en fin de carrière (par exemple en donnant 20 % de son temps à une association). Ainsi, les individus auront déjà une connaissance du monde du bénévolat et pourront plus facilement continuer à participer socialement lors de leur retraite. Bénéfices pour l’individu : découvrir de nouveaux milieux, se sentir utile socialement, développer son réseau professionnel et personnel, améliorer son capital santé, prévenir la perte d’autonomie… etc. Bénéfices pour les organisations : ancrer l’entreprise sur son territoire, diffuser une image positive, augmenter le niveau de leur réputation au sein de la collectivité et auprès de clients potentiels, s’engager dans une action philanthropique, etc. En développant des indicateurs de RSE, l’entreprise peut garantir sa responsabilité

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au regard des enjeux du vieillissement.

OBJECTIF 3 : Co-construire avec les aînés des espaces de vie à l’échelon local

L’isolement social des aînés nécessite de re-créer du lien social – de préférence physique - et pouvant être complété par du lien virtuel - autour d’eux en favorisant les échanges sur les territoires. Cette mobilisation sur les territoires doit être envisagée comme une opportunité de transmission réciproque entre les générations et de dynamisation de la vie sociale locale. À partir du constat qu’il existe déjà un grand nombre d’initiatives qui favorisent les liens sociaux sur les territoires, il importe de trouver des solutions pour mailler l’existant et soutenir les dynamiques de participation sociale locale. Proposition 5 : Soutenir l’organisation de la rencontre entre l’offre et la demande de bénévolat sur les territoires. La péréquation entre l’offre et la demande doit être renforcée par le biais d’une plateforme territoriale pour mettre en lumière l’offre de bénévolat, dont celle à destination des aînés ; identifier les besoins de bénévolat sur les territoires ; montrer à ceux qui souhaitent participer socialement, dont les aînés, les offres existantes. La plateforme pourrait être le point unique des

offres en créant des passerelles entre les différentes initiatives déjà développées par certains réseaux, comme France Bénévolat par exemple. Proposition 6 : Créer des « Espaces de Participation Sociale » (EPS) sur les territoires. Dans un souci de re-dynamiser le tissu social local, en s’inspirant notamment de l’agrément « Espace de vie sociale » de la CAF, il est proposé de créer des lieux à l’échelle de quartiers, de communes ou de communautés de communes, en fonction de la taille des territoires. Ces « Espaces de Participation Sociale » (EPS) s’inscrivent dans une politique territoriale de proximité, qui facilite la rencontre, le partage, la collaboration. Ils sont tournés vers le partage d’expériences, la créativité et l’initiative. Cette solution hybride locale peut permettre d’accueillir un large spectre d’initiatives citoyennes, où tous les individus, et en particulier les aînés, peuvent y trouver leur place. L’EPS se veut donc être une maison ouverte sur le territoire ayant pour objectif de développer le lien social entre les générations et favoriser l’épanouissement de chacun. Ce lieu, s’inscrivant dans une structure existante ou dans un lieu en transition, doit pouvoir être un espace où les citoyens, et en particulier les aînés, se rencontrent, se rendent services et se retrouvent pour des moments de convivialité à travers des activités culturelles et festives, le tout coordonné par un médiateur. Il pourrait ainsi constituer une base locale fixe de nature à rassembler autour d’eux des équipes citoyennes qui y trouveraient des repères, des activités, des possibilités d’échanges et de mise en visibilité des énergies. En outre, ces initiatives permettraient un maillage pertinent des territoires (au carrefour des besoins et des ressources), fédératif et de nature à renforcer, voire concré­­ tiser la démarche Monalisa

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(Mobilisation Nationale de Lutte contre l’ISolement des personnes Âgées). Les EPS apportent une cohérence à travers une méthodologie d’animation collective, un cahier des charges et une vision partagée. Il serait nécessaire de partir d’un diagnostic territorial afin de bien cerner les besoins des habitants, les atouts et les manques du territoire donné, pour garantir la cohérence entre l’EPS et le territoire. Une expérimentation pourrait être lancée à l’échelle d’un territoire, pour ensuite constituer un cahier des charges afin de dupliquer la méthodologie. Il est à souligner la nécessité de co-construire avec les aînés eux-mêmes l’ensemble de la démarche. Proposition 7 : Initier des temps de concertation permettant aux aînés d’un quartier ou d’une localité, de participer aux décisions touchant à la vie locale. A ce titre notamment, il est proposé un appel régulier à l’avis des aînés vivant en Ehpad, résidences services/autonomie ou encore vivant à proximité dans leur domicile historique, sur des projets municipaux ou départementaux (projets urbains, rénovations, nouvelles infrastructures…), sous forme de saisine ouverte aux établissements ou résidences d’accueil volontaires pour l’organiser. Cette stratégie de dialogue et d’échange, testée avec succès à l’occasion du Grand Débat National que le Cercle Vulnérabilités et Société a porté au sein des établissements, est une voie pertinente pour :

• Fluidifier les relations au sein de l’établissement : entre les résidents et le personnel soignant et plus largement entre « le monde du dedans et le monde du dehors », • Imaginer de nouvelles appro­ ches inhérentes à l’expérience singulière portée par une population plus vulnérable. L’appel systématique à la réflexion des aînés permettrait ainsi d’initier de nouvelles dynamiques profitables sur le terrain : • En intégrant mieux les aînés aux décisions et à la vie locale, • En favorisant leur contribution et donc l’exercice de leur citoyenneté, • Il pourrait à terme être élargi à d’autres type de thématiques (réflexions éthiques…) auprès d’une population disposant à la fois de savoirs et de temps. Bénéfices : Mailler les actions et les expérimentations locales, valoriser l’engagement social,

dont celui des aînés, à un niveau local, reconnaître et soutenir les initiatives locales au service des aînés.

Conclusion

La préconisation et les 7 propositions précitées entendent favoriser un changement de paradigme durable lorsque l’on évoque la question de la participation sociale des aînés, et plus particulièrement des aînés isolés. Changer les pratiques ne peut se faire sur ce sujet qu’en transformant nos représentations dès le plus jeune âge et en en valorisant localement et nationalement l’apport des ainés aux enjeux économiques et sociaux. Ainsi, bien que pouvant être prises en compte les unes séparément des autres, cette préconisation et ces propositions sont étroitement liées et s’inscrivent toutes dans le développement de la société de demain qui se veut plus inclusive, coopérative, collaborative et coresponsable. l

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En savoir : www.vulnerabilites-societe.fr Créé en janvier 2018, le Cercle Vulnérabilités et Société est un think & do tank qui étudie concrètement la manière dont les vulnérabilités du champ social et de la santé peuvent devenir un véritable levier de développement économique et social. A ce titre, il rassemble une pluralité de structures privées et publiques – dont l’Unaf - convaincues que la vulnérabilité est une force et un gisement d’innovation. Ensemble, elles étudient de façon pluridisciplinaire des situations et expériences vécues sur le terrain pour en déduire des modèles innovants qui tirent parti du potentiel de vulnérabilité pour et avec les personnes.

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INTERVIEW

Aidants : quelles responsabilités des entreprises ? Quatre millions de salariés sont aidants familiaux : quels sont les enjeux pour les entreprises ? Interview croisée d’Hélène Valade, Présidente de l’Orse, et de Guillemette Leneveu, Directrice générale de l’Unaf. A quelles difficultés se retrouvent confrontés les aidants salariés ? Hélène VALADE Présidente de l’Orse

Guillemette LENEVEU Directrice générale de l’Unaf Propos recueillis par la rédaction

Guillemette Leneveu : Chacun peut être un jour confronté à la perte d’autonomie d’un membre de sa famille, qu’elle soit liée à l’âge ou non. Les configurations familiales et les situations vécues par les salariés concernés peuvent être très diverses. Aussi, les contraintes induites par le rôle d’aidant vont peser différemment : fatigue, charge mentale, contraintes de temps, financières, psychologiques, matérielles… Cette charge est difficile à évaluer, et les aidants euxmêmes ont souvent du mal à discerner parmi leurs interventions quotidiennes, celles qui sont liées à leur rôle. D’ailleurs, se retrouvent-ils vraiment dans cette appellation d’aidant, alors qu’il s’agit souvent pour eux d’apporter une aide en tant que fille ou fils, époux ou comme mère ou père, avec ce mélange de problématiques : charge émotionnelle, relations avec les frères et sœurs, au-delà des contraintes en temps, financières, etc. Ce dévouement peut néanmoins avoir des répercussions sur leur propre santé, physique et mentale, avec un risque d’épuisement. Dans certaines situations, la vie de famille, et notamment le couple peut aussi faire les frais d’une trop grande charge, avec potentiellement des séparations qui vont encore fragiliser l’aidant… Pour les salariés, les questions de conciliation entre vie familiale et professionnelle se posent de façon aigue, non seulement lorsqu’ils ont des enfants en bas âge, des ados, des jeunes, mais aussi des parents âgés. Cette problématique est d’autant plus forte pour la génération des 50-65 ans, celle qui aide ses parents très âgés et qui représente 37 % des aidants selon le baromètre des aidants BVA d’octobre 2019. On les appelle d’ailleurs « génération pivot » car ils font face à une double pression : soutenir leurs enfants jeunes adultes et venir en aide à un membre de leur famille en perte d’autonomie… tout en maintenant une activité professionnelle. Hélène Valade : La charge mentale lorsqu’on parle de parentalité est d’autant plus importante lorsqu’il s’agit de l’aidance. L’entreprise doit élargir sa vision – et sa prise en charge de la parentalité – pour considérer le sujet de façon

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plus globale et parler de « parentalité à 360° ». Les salariés sont de nos jours de plus en plus demandeurs de flexibilité, et les salariés en situation d’aidance le sont davantage encore. Il est important pour eux de se maintenir à leur poste : tout d’abord parce que les salariés aidants ont besoin de revenus ; ensuite parce que quelle que soit leur charge mentale, le monde du travail reste un monde où ils peuvent penser à eux et à autre chose que leurs responsabilités personnelles. Même si cela parait quelque peu paradoxal, c’est un monde qui leur offre la possibilité de s’investir autrement, de s’épanouir.

Quelles peuvent être les conséquences sur la vie professionnelle de l’aidant ?

Guillemette Leneveu : Les récentes enquêtes montrent que les salariés aidants ressentent un manque d’efficacité au travail en raison de stress et de fatigue. Ils déclarent également des craintes : craintes d’être bloqués dans leur évolution professionnelle, de perdre leur emploi ou encore d’être stigmatisés. Se maintenir dans l’emploi répond à une double nécessité pour les aidants de personnes en perte d’autonomie : d’abord, maintenir un niveau de vie souvent affecté par la prise en charge financière d’une aide professionnelle… Et aussi comme le relève très justement Hélène, le travail peut constituer un espace protégé, sanctuarisé, où le salarié peut échapper un temps à ses contraintes d’aidant, avoir des relations sociales « normales » en dehors de la relation potentiellement pesante aidant/aidé. Les aidants ont donc la volonté de maintenir leur emploi : mais encore faut-il qu’ils en aient la possibilité. Le droit a tout récemment évolué en assortissant le congé proche aidant d’une indemnité journalière. C’est un premier pas, mais les dispositions doivent aller plus loin pour en faire un outil de conciliation vie familiale-vie professionnelle vraiment efficace. L’indemnisation, équivalente à l’allocation journalière de présence parentale, est un mininum pour garantir l’effectivité de ce droit au congé. Par ailleurs, les situations d’aide pour les salariés dépassent largement le champ du congé proche aidant, qui est conditionné à un niveau de dépendance (bénéficier de l’APA ou GIR 1, 2 ou 3). Or les salariés qui accompagnent une personne

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âgée ou un membre de leur famille atteint par une maladie grave ou chronique peuvent avoir besoin de ce même type d’aide. Au-delà de ces stricts aspects financiers, c’est sans doute de souplesse dans l’aménagement de leur travail dont ces personnes ont besoin, dans une relation de confiance avec leur employeur, dans leur intérêt mutuel. Il faut aussi continuer de développer des offres de répit sur l’ensemble du territoire pour permettre aux aidants de souffler et éviter l’épuisement qui est fréquent pour tous les aidants, plus encore pour les salariés avec des répercussions sur leur emploi : manque de temps, stress, fatigue, absences… Hélène Valade : Cette réalité peut rendre plus difficile le fait d’en parler avec son employeur. Les aidants sont souvent peu enclins à parler de leur situation personnelle au travail. Ils craignent d’être stigmatisés. Ils ne souhaitent pas que l’on dise d’eux qu’ils sont moins disponibles, moins investis dans l’entreprise. Les témoignages d’aidants, comme le rappelait Guillemette, affirment pourtant bien qu’ils veulent pouvoir rester dans l’entreprise, autant que leur situation le leur permet ! Il faut donc en finir avec l’image stéréotypée de l’aidant qui ne veut qu’une chose : s’arrêter de travailler, pour que les aidants n’aient plus peur de parler à leur employeur de leurs difficultés. Pour cela, les entreprises doivent se montrer bienveillantes car le baromètre BVA 2019 que citait Guillemette nous dit aussi que 2 salariés aidants sur 3 ne mentionnent pas leur situation à leur employeur et 1 sur 2 ne la mentionne pas à ses collègues.

15 % des salariés du secteur privé s’occupent d’un membre de leur famille dépendant ou malade. Quels sont les enjeux pour les entreprises ?

Hélène Valade : Ce chiffre de 15 % est en effet appelé à augmenter, ce sont les tendances démographiques et l’amélioration de l’état de santé qui nous le disent. A évolution constante, les projections de l’Insee montrent que la France comptera, en 2050 4 millions de seniors en perte d’autonomie et cela, hors champs des personnes en situation de handicap, atteintes de maladies chroniques et/ou invalidantes, … En 2060, 23,6 millions de personnes seraient ainsi âgées de 60 ans et plus, soit une hausse de 80 % en 53 ans. L’augmentation est la plus forte pour les plus âgés, le nombre de personne de 75 ou plus passerait de 5,2 millions en 2007 à 11,9 millions en 2060, celui des 85 ans et plus de 1,3 à 5,4 millions. Ce sont les raisons pour lesquelles les employeurs doivent anticiper cet enjeu plutôt que d’attendre que la loi les y oblige. Les employeurs doivent se dire qu’il s’agit d’un élément d’attractivité et de fidélisation des collaborateurs. Le besoin de conciliation entre la vie privée et la vie professionnelle est toujours plus fort. Cela doit faire partie de la « marque employeur » des entreprises.

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Cependant, il faut rappeler que c’est aussi un enjeu - au-delà de la non-discrimination des salariés aidants souvent stigmatisés - à la fois d’égalité entre les femmes et les hommes mais aussi de santé au travail. • Un enjeu d’égalité professionnelle parce que 57 % des aidants sont des aidantes et que les responsabilités supplémentaires qu’elles assument viennent complexifier davantage leur parcours de carrière. • Un enjeu de santé car il incombe à l’employeur une obligation de moyens et de résultats en termes de santé et de sécurité au travail et que lorsqu’on parle de prévention du stress, de réduction de l’absentéisme et de droit au répit, il faut replacer cet enjeu dans le cadre d’une politique de santé et de sécurité efficace, voire innovante, qui fait de la prévention une priorité.

Par quels moyens les entreprises peuvent mieux prendre en compte les salariés aidants ?

Hélène Valade : Établir un diagnostic des difficultés, des besoins et des attentes des salariés en situation d’aidant est la première étape nécessaire à toutes les autres. Elle permet à l’entreprise d’envoyer le signal qu’elle est à l’écoute de ses salariés, en toute bienveillance et cela, en respectant évidemment les règles de l’anonymat, sinon cela ne marche pas. Pour cela, le management doit suivre. Il est important que les managers soient formés à prendre en compte les situations de chacun dans l’organisation du travail pour être sûr de ne pas créer de discrimination. Ensuite, l’entreprise peut mettre à disposition sa capacité à communiquer pour mieux informer les salariés aidants sur leurs droits, qu’il s’agisse des droits légaux comme de ceux accordés par l’entreprise. En effet, on constate que la plupart des dispositifs sont méconnus par les salariés. Et les démarches administratives sont la plupart du temps complexes. L’information ainsi que l’accompagnement dans ces démarches s’avèrent cruciaux pour les salariés aidants : il s’agit d’un gain de temps énorme. Au point qu’il faudrait presque considérer tout dispositif d’accompagnement et d’information comme un moyen de mieux concilier vie privée-vie professionnelle au même titre que le fait d’adapter les horaires de travail. Je parle d’adaptation des horaires avant de parler de dispositifs plus lourds de congés (comme le don de congé) car, il s’agit bien pour ces salariés, encore une fois, de rester en emploi autant que possible. Pour ce faire, l’entreprise peut revoir à l’aune des salariés aidants, les dispositifs d’organisation du travail, comme le télétravail ou le temps partiel choisi, et d’aménagement d’horaires dont elle dispose parfois déjà dans

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le cadre de politiques de conciliation vie privée-vie professionnelle ou d’égalité professionnelle. Par exemple, elle peut être attentive à la réversibilité de ces dispositifs, notamment pour permettre aux collaborateurs d’en bénéficier de manière temporaire, lorsqu’une urgence survient (l’accident, l’état de santé du proche aidé qui se dégrade) et que le collaborateur a besoin de temps pour stabiliser à nouveau la situation. Cela peut être en proposant au salarié deux jours de télétravail par semaine au lieu d’un si c’est la pratique en vigueur dans l’entreprise et au besoin, ne prévoir cette flexibilité que sur une période à durée définie d’un mois ou deux.

Comment l’Unaf et l’Orse agissent pour améliorer la prise en compte des aidants salariés en entreprise ?

Guillemette Leneveu : En plus des horaires, les entreprises ont la possibilité d’améliorer les droits des salariés aidants, notamment en agissant sur leur retraite : ils ont en effet la possibilité d’affilier leurs salariés qui seraient bénéficiaire d’un congé familial non rémunéré aux régimes de retraites complémentaires. L’employeur peut aussi prendre en charge la part salariale des cotisations, en plus de sa part patronale, pour une durée limitée à 6 mois (1 an à mi-temps).

De plus, l’Orse et l’Unaf ont publié le premier guide à destination des entreprises sur les salariés aidants puis l’ont remis à jour il y a 2 ans pour tenir compte des changements législatifs, dont l’élargissement de la définition de proche aidant.

D’autres possibilités existent pour améliorer les conditions de vie des salariés aidants, comme l’attribution d’aides financières directes. Air France a par exemple mis en place un fonds de soutien aux aidants familiaux.

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En matière de prévention santé, l’entreprise est en première ligne pour repérer les situations d’épuisement vécues par leurs salariés. Mettre en place des bilans de santé réguliers est une première étape pour prévenir ces situations. Mais là encore, l’employeur peut agir pour permettre à ses salariés d’avoir accès à des temps de répit. Il faut pouvoir développer des palettes de réponses non rigides, d’autant que les salariés peuvent être confrontés à des situations compliquées sur une période longue. Tout l’enjeu est de pouvoir prendre en compte les aidants, en lien avec les équipes de travail, par exemple dans la planification des absences ou des congés. L’employeur peut aussi vraiment avoir un rôle de facilitateur, en guidant les salariés vers les offres proposés par le groupe de protection sociale auquel est affilié l’entreprise, en identifiant des structures proposant des solutions de répit identifiées localement, en se rapprochant de l’Association nationale pour les Chèques vacances pour proposer des solutions de financement des vacances.

Hélène Valade : L’Orse est une association loi 1901 qui a pour vocation d’accompagner les organisations qui en sont adhérentes dont la définition et le déploiement d’une politique RSE. Pour cela l’Orse met en place un réseau d’organisations membres qui facilite l’identification de bonnes pratiques et démarches innovantes et permet d’accompagner au travers de réunions et groupes de travail les structures qui le souhaitent sur un sujet, comme par exemple les aidants, ou sur un autre.

La publication de cet ouvrage est un outil mis à la disposition des entreprises afin qu’elles comprennent mieux les enjeux de cette thématique et qu’elles identifient des bonnes pratiques d’autres entreprises à mettre en place. Cela permet de les sensibiliser au sujet et vient en complément des groupes de travail qu’organise l’Orse ainsi que des événements publics en partenariat avec l’Unaf. Guillemette Leneveu : Reconnaissance officielle du rôle des aidants familiaux, inscription dans la loi du droit au répit, mise en place d’une expérimentation de baluchonnage, indemnisation du congé de proche aidant : ces avancées sont importantes pour l’Unaf, engagée depuis des années en faveur d’une reconnaissance de leur rôle crucial. Améliorer la prise en compte des salariés aidants nécessite également d’approfondir nos connaissances sur leurs situations. C’est pourquoi l’Unaf soutient les recherches et enquêtes sur cette thématique. Nous restons mobilisés pour que tous les aidants familiaux voient leur situation s’améliorer et qu’ils soient mieux soutenus par les pouvoirs publics. Le travail de sensibilisation des entreprises mené avec l’Orse nous permet d’impliquer les entreprises et de nous appuyer sur elles pour faire avancer la cause des aidants familiaux. l

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En savoir : www.orse.org.fr

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Aux côtés des familles Chaque jour, les militants familiaux bénévoles se mobilisent pour représenter et défendre les intérêts des familles qui font face à la perte d’autonomie. Partout en France, les Udaf proposent des services et innovent pour répondre à leurs besoins. C’est aussi le cas des associations familiales, qui elles aussi présentent leur engagement et la richesse de leurs initiatives dans cette rubrique.

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Un réseau engagé pour accompagner les familles face au grand âge L’Unaf représente les intérêts des familles confrontées au grand âge et à la perte d’autonomie d’un membre de leur famille dans de nombreuses instances nationales. Experte des réalités de vie des familles, elle fait connaître les difficultés et charges qui pèsent sur les familles, les personnes vulnérables et les aidants familiaux, et milite pour leur meilleure reconnaissance et prise en compte dans les politiques publiques liées au grand âge et à la perte d’autonomie.

LES REPRÉSENTATIONS NATIONALES ET LOCALES Au niveau national, l’Unaf porte des revendications en rapport avec le grand âge dans différentes instances : • Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam) • Caisse nationale d’assurance retraite (Cnav) • Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (Ccmsa) • Haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (Hcfea) • Fédération hospitalière, Comité national consultatif des personnes handicapées (Cnpch) • Caisse nationale d’allocations familiales… L’Unaf est animateur du Collectif interassociatif des aidants familiaux (Ciaaf) et membre du comité Alzheimer ensemble. Dans le cadre de la préparation de la Loi grand âge, l’Unaf a été consultée et mise à contribution dans les différents rapports

gouvernementaux et concertations : rapport Libault « grand âge et autonomie », rapport El Khomri « métiers du grand âge », Commission pour la lutte contre la maltraitance et la promotion de la bientraitance. Au niveau local, les Udaf siègent également dans de nombreuses instances démocratiques : • Centres communaux et intercommunaux d’action sociale (CCAS et CIAS) • Agences régionales de santé (ARS) • Caisses d’allocations familiales (CAF) • Caisse d’assurance retraite et de la santé au travail (Carsat) • Commission des Usagers (CDU).

AIDE AUX AIDANTS FAMILIAUX Les actions de sensibilisation et d’accompagnement sont Des actions de coordination et d’information sont menées réalisées auprès des aidants eux-mêmes : des personnes par certaines Udaf auprès des organismes, établissements aidées, des professionnels de santé ou encore auprès des et associations qui œuvrent auprès des aidants des actions acteurs institutionnels. d’information, de formation ou encore de conseil et d’accompagnement. Plusieurs Udaf ont établi un recensement de ces • « Paroles de familles » : cette plateforme en ligne regroupe, structures et ont diffusé dans leur département un réperentre autres, des informations sur la maladie ou le handicap, toire des acteurs œuvrant dans le droit au répit des proches les soutiens financiers et humains possibles pour l’aidant et aidants. Enfin des Udaf assurent une permanence téléphola personne aidée, un recensement des acteurs locaux pou- nique, courriel ou physique pour répondre aux besoins des vant l’aider et des actions locales… aidants et de leurs familles. Les Udaf innovent pour répondre aux besoins des aidants et de la personne aidée : offre de répit par l’Udaf de Corrèze, • Conférences ouvertes à l’ensemble des acteurs et personnes boite à souvenirs numérique pour les personnes atteintes de précédemment citées, ciné-débats, forum des aidants fami- maladie neuro évolutive par l’Udaf de Charente, diffusion liaux ou encore rencontres animées par un médiateur d’informations et aide à l’orientation des personnes dépendantes et de leurs proches par l’Udaf du Nord. • Groupes de paroles ou cafés des aidants.

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PROTECTION JURIDIQUE DES MAJEURS Les services de mandataires judiciaires à la protection des majeurs accompagnent les personnes qui bénéficient d’une mesure de protection judiciaire. Le vieillissement, mais aussi le handicap, une maladie, un accident de vie, peuvent altérer les facultés d’une personne et avoir pour conséquence une incapacité à pourvoir seule à ses intérêts. La protection judiciaire permet une protection de la personne et/ou de ses biens, afin, notamment, d’éviter d’éventuels abus dont elle peut être victimes, ou les dommages qu’elle peut se causer à elle-même. La mesure judiciaire est prioritairement confiée à la famille, mais quand ce n’est pas possible elle est confiée à un mandataire professionnel. Les services de mandataires judicaires des Udaf, présents dans 92 départements, exercent près de 150 000 mesures de protection : c’est le premier réseau associatif de mandataires judiciaires à la protection des majeurs en France. Les services d’Information et soutien aux tuteurs familiaux (ISTF) proposent aux « tuteurs familiaux », les personnes qui exercent une mesure de protection pour un membre de leur famille, toutes les informations juridiques et administratives nécessaires et le soutien dont ils ont besoin dans leurs démarches. Ce service est proposé dans 80 Udaf1.

HÉBERGEMENT ET HABITAT INCLUSIF De par son expertise dans l’accompagnement des publics en situations de vulnérabilité, le réseau UnafUdaf développe des solutions de logement pour les personnes en perte d’autonomie. Si certaines Udaf gèrent des Ehpad (établissements d’hébergement pour personnes âgées), d’autres développent également des projets autours de l’habitat inclusif. L’habitat inclusif est une solution alternative de logement pérenne pour les personnes âgées et les personnes handicapées qui veulent habiter dans un logement ordinaire, un « chez soi », et qui ne peuvent ou ne souhaitent ni se retrouver isolées ni être hébergées en établissement. Il s’agit de petits ensembles de logements indépendants avec des espaces de vie individuels, associés à des espaces de vie partagés, dans un environnement adapté et sécurisé.

MÉDIATION FAMILIALE INTERGÉNÉRATIONNELLE Au sein du réseau Unaf-Udaf formé par 45 services de médiation familiale, certaines Udaf innovantes développent avec énergie, depuis plusieurs années, des actions innovantes auprès des familles dans ce domaine reconnu récemment par les pouvoirs publics. La médiation familiale est un processus de construction ou de reconstruction du lien familial axé sur l’autonomie et la responsabilité des personnes, notamment concernées par des situations de rupture ; le médiateur familial favorise la communication entre les personnes. Bien connue dans l’accompagnement des séparations, la médiation familiale peut également être très utile aux familles confrontées à des difficultés liées au vieillissement et à la perte d’autonomie (gestion du quotidien, isolement, questions financières, obligation alimentaire, réorganisation des rôles, etc.). Ses objectifs alors : éviter une rupture de liens entre les générations ou permettre une reprise de liens, éviter des risques sanitaires, favoriser le bien vieillir et prévenir les situations de maltraitance, développer des capacités de communication qui contribueront à la qualité du vivre ensemble, etc. Les situations conflictuelles peuvent être en lien avec des litiges et donc aller jusqu’à une procédure judiciaire. La médiation peut faciliter une décision judiciaire, être un complément ou une alternative à la justice. La médiation, accessible à tout moment, peut être également conventionnelle, librement choisie et donc préventive. Elle intervient alors sur des conflits repérés plus précocement.

1/ Chiffres issus des données non consolidées pour 2019.

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Journée champêtre intergénérationnelle Le 29 septembre dernier, l’Udaf des Bouches-du-Rhône a organisé avec ses associations partenaires une journée dédiée à l’Intergénération. Cette journée, riche en échanges et en activités a vu le jour grâce au travail des membres de la commission permanent intergénération de l’Udaf. www.udaf13.fr

Une commission intergénération particulièrement dynamique

Depuis 2001, la commission Intergénération de notre Union facilite les liens entre les différentes générations. Aujourd’hui, la famille est diverse, les relations internes peuvent être compliquées, distendues ou recomposées. Les liens tissés entre les générations doivent être un socle solide. Ce changement de prisme de la cellule familiale met en relief l’importance des personnes du bel âge, dans les schémas familiaux, aussi divers qu’ils soient. Les objectifs de la commission consistent à dynamiser le principe « intergénérationnel » au sein des associations familiales du département et à développer la réflexion sur l’intérêt multiple de l’apport des échanges intergénérationnels. Elle peut, par exemple, être menée en s’appuyant sur une meilleure connaissance de chaque tranche d’âge.

Les axes de réflexion de la commission

La commission axe sa réflexion autour de cinq thèmes principaux lors de ses temps d’échanges : • Définition de l’intergénération. • Intergénération et urbanisme. • Intergénération et culture. • Intergénération et civisme. • Intergénération et grand-parentalité.

« Nous avons choisi cinq thèmes qui couvrent en grande partie la dimension intergénérationnelle que l’on rencontre dans notre société. La pertinence de la relation intergénérationnelle va se retrouver dans chaque moment de notre vie, elle facilite le rapport social et l’entraide réciproque. La transmission du passé, les nouvelles technologies ...voilà de quoi mutualiser nos savoirs entre tous les âges. »

Guy Bocchino, Président de la commission Intergénération de l’Udaf.

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« Que vivent les initiatives de la commission Intergénération, elles apportent un regard et des solutions à notre avenir commun »

Jean-Maurice Airaudo, Président de l’Udaf des Bouches-du-Rhône.

Elle est composée essentiellement de membres engagés dans le milieu associatif et a pour objectif de faciliter les liens entre toutes les générations.

La journée champêtre intergénérationnelle

Pour mettre en application les constats établis lors de ces multiples temps de réflexion, la commission a fait le choix d’organiser un véritable évènement intergénérationnel ! Le dimanche 29 septembre dernier, toutes générations confondues étaient invitées à se réunir et échanger autour de multiples activités. Dès 10 heures, au Domaine Sportif de Fontainieu (14ème arrondissement de Marseille) la journée s’est ouverte autour d’un café et l’installation des premiers stands. Jeux de société, activités manuelles, sports, relaxation, yoga et bien évidemment, pétanque, étaient au rendez-vous. Chacun a donc pu participer, au gré de ses envies, aux multiples activités. Sur la journée, ce sont près de 100 personnes qui sont venues échanger, discuter et participer dans une ambiance conviviale. Toutes les générations se sont mélangées tout au long de la journée, mais particulièrement au moment du piquenique partagé. En somme, une journée qui permet de mettre en lumière les liens en les renforçant et, en donnant l’occasion à ceux qui ne l’auraient pas dans leur quotidien, la possibilité d’échanger avec des personnes d’âges et de milieux différents. L’Udaf des Bouches-du-Rhône se félicite de cette initiative de la commission et espère renouveler cela dans les années à venir ! l

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De générations en générations, le grand tricotage des vies de famille Dans le tricotage des histoires familiales, l’ouvrage avance. Une maille à l’endroit, une maille à l’envers… Ces histoires, au fil du temps, peuvent être émaillées par des évènements douloureux, par les difficultés de vie. Et si une maille vient à sauter, si des coutures cèdent, on peut les reprendre : ainsi se construisent nos histoires de famille, de génération en génération.

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arfois, les impossibilités à se parler amènent aux incompréhensions puis aux conflits voire la rupture des contacts au sein des familles. Alors, se saisir de cette démarche innovante qu‘est la médiation familiale intergénérationnelle, c’est penser qu’il y a un intérêt à explorer, ensemble, les tenants et aboutissants de la situation. C’est penser qu’il existe des responsabilités familiales à assumer, ensemble, envers ses petits-enfants, ses parents âgés, ou en perte d’autonomie et que l’on a des droits ….et des devoirs. C’est penser que si l’on bute, on peut être soutenu par un tiers professionnel qualifié pour aborder, ensemble, les questions qui se posent et y répondre. Demander le soutien de ce tiers pour entreprendre de démêler la pelote de liens familiaux est une opportunité et certains poussent la porte du service de médiation familiale dans ce but. Accueillir en médiation familiale, c’est ouvrir un lieu, proposer un temps, installer une dynamique, afin que les personnes qui « sautent le pas » puissent faire le point et ouvrir, ensemble, des perspectives… Et ce quel que soit le registre dans lequel la démarche se déroule.

Une aidante à bout de forces

Nous recevons l’appel de Madame L. qui souhaite faire le point sur sa situation et être soutenue dans la période complexe qu’elle traverse. Une amie ayant fait la démarche lui a indiqué nos coordonnées. Elle assume au domicile l’accompagnement de son époux, victime récemment d’un AVC sévère. Elle est épuisée, ayant elle-même des problèmes de mobilité. Leur domicile n’est pas adapté. Son époux demande beaucoup de présence la journée ainsi que la nuit.

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Ses enfants lui disent qu’elle n’est pas raisonnable et que ce dernier doit entrer en institution. Elle est opposée à cette solution. Madame L. est une femme énergique, battante… mais elle cale.

www.udaf15.fr Guillemette BALDINI-BLOT Service accueil et médiation familiale

Lors de notre première rencontre, elle aborde son parcours, ses difficultés actuelles, les exigences sur lesquelles elle ne veut pas transiger pour l’organisation de vie de son époux et de la sienne. Avant le rendez-vous suivant, il est convenu qu’elle fasse l’inventaire des ressources à sa disposition tant au niveau de l’environnement familial que des aides pratiques. Quand nous nous retrouvons, elle a pu exprimer ses inquiétudes à ses enfants et rouvrir l’échange avec eux. Elle a aussi envisagé l’idée d’un déménagement et prospecté dans le domaine des hébergements en institution envisageables pour son époux. Elle a des cartes en main et l’étau s’est desserré, dit-elle. Elle est venue accompagnée d’une de ses belles-filles. Elles décident de visiter toute deux des établissements pouvant accueillir Monsieur ne serait-ce que temporairement et d’explorer le champ de l’immobilier local pour elle-même. Madame L. a repris confiance et s’organise, soutenue par ses enfants. Plus tard, elle m’appellera pour me dire qu’elle a déménagé et que son époux est accueilli dans un établissement situé non loin de son logement.

Une fratrie divisée

« Au sein de la famille H. rien ne va plus », me dit Monsieur Jacques H., orienté vers le service par une assistante sociale. Monsieur H. est un des membres d’une fratrie de 6 enfants, âgés de 50 à 70 ans, dont le père est décédé depuis 15 ans, et la mère, atteinte de la maladie d’Alzheimer, vit aujourd’hui dans un Ehpad, situé non loin du berceau familial.

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Chacun ayant exprimé ses inquiétudes, ses attentes, les participants conviennent de se répartir la collecte des informations d’ordres juridique, financier, administratif avant une nouvelle rencontre. C’est le préalable à la prise de décision. Lors du rendez-vous suivant, la fratrie est présente dans son entier. Les informations collectées sont transmises. A l’issue de cette mise en commun, la solution de la péréquation financière, la seule réalisable, est retenue. Le montant étant relativement modeste, le calcul de l’investissement de chacun ne posera pas de problème. Le père de Monsieur H. était agriculteur et la famille vivait dans la maison située sur l’exploitation. Madame H. aidait son époux à la ferme et élevait les enfants. Quand le père est décédé, la mère est restée vivre dans la maison, accompagnée surtout par deux de ses enfants : une situation qui s’est installée sans en parler, entre des frères et sœurs vivant assez éloignés les uns des autres. Aujourd’hui, les économies de la mère sont épuisées et le montant de sa retraite ne suffit pas à payer la totalité des frais de maison de retraite. A l’initiative de Monsieur H., frères et sœurs se sont retrouvés, pour échanger sur les modalités à mettre en place afin de réunir la somme requise. A l’issue de la réunion, non seulement rien n’est fixé mais c’est la zizanie. Deux clans se sont créés : les partisans d’une péréquation financière à partir des revenus de chacun, et les partisans d’une opération ponctionnant le patrimoine familial. La Directrice de l’Ehpad a conseillé notre service à M. H. et nous nous rencontrerons d’abord tous deux. Monsieur H., consterné, m’expose les griefs que les uns et les autres se sont jetés à la figure lors de leur réunion. A l’issue de notre rencontre, il est convenu que Monsieur H. contactera ses frères et sœurs pour leur proposer un rendez-vous au sein du service de médiation familiale. Lors de ce premier rendez-vous, ce sont deux frères et deux sœurs qui ont fait le déplacement. Ce qui fâche aujourd’hui est abordé, puis c’est l’expression de conflits anciens, autour de l’histoire familiale, de la vie de l’exploitation… les non-dits sont mis en mots. Les remarques fusent. L’émotion est palpable. Mon rôle est de canaliser les propos, de les reformuler afin qu’ils puissent être entendus par chacun de leurs destinataires, de « les tamponner » quand ils deviennent plus virulents. Il s’agit surtout de faire circuler la parole et que s’ouvre une conversation animée par le désir, pour chacun, d’être entendu, mais aussi, finalement, d’entendre l’autre. La tâche est relativement ardue…

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La conversation est très animée, ce jour là aussi, mais mon intervention n’est pas utile. On a même oublié ma présence…

Pour conclure

Si dans le contexte d’une démarche de médiation familiale que j’appellerais « classique » les personnes qui s’engagent sont des parents en situation de séparation ou de divorce, préoccupés par l’organisation de la vie de leurs enfants et leur coéducation, le profil de la médiation familiale intergénérationnelle se présente à nous de façon bien différente. Notre objectif, dans ce registre spécifique, demeure l’accompagnement des familles dans la résolution des questions posées par une restructuration ou un conflit familiaux, l’une et l’autre allant souvent de pair. Néanmoins, il s’agit d’abord ici d’un travail de remaillage du territoire familial. Il s’agit, en effet, que les uns et les autres reprennent attache et puissent renouer le fil d’une conversation interrompue il y a quelques temps… ou bien longtemps, quand ce n’est pas permettre que cette conversation, jamais entamée, s’ouvre. Ensuite il sera, peut-être, possible de s’atteler à la résolution de la problématique familiale qui se présente. Notre présence discrète mais active, à ce premier niveau de la démarche, est opérante pour soutenir les participants, un par un, dans leurs cheminements. A ce stade, de découvertes en rebondissements, notre pratique s’apparente en premier lieu à la lecture d’un roman d’aventure que l’on découvre avec curiosité et dont on tourne les pages avec délicatesse. Quand la famille, au grand complet, ou pas tout à fait quelquefois, est réunie dans la pièce, que l’objet de la rencontre est identifié en commun, on peut commencer... Mais le travail est déjà bien avancé ! l

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En savoir : mediationfamiliale@udaf15.fr

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Forget me not : quand les souvenirs font du bien Resocialiser les personnes âgées et/ou atteintes de maladie neuro évolutive et leur permettre de renouer avec les autres et avec eux-mêmes.

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’Udaf de la Charente (16) mène depuis deux ans un projet européen Erasmus +, Forget me not, réunissant les organisations de cinq pays de l’Union Européenne (Angleterre, Allemagne, Pologne, Chypre et France) et deux partenaires locaux : Le CASA, Collectif inter associatif de soutien aux aidants et la Plateforme des Aidants du Sud et de l’Ouest Charente. Il s’adresse aux personnes âgées et ou atteintes de maladies neuro évolutives avec des troubles cognitifs, leurs proches aidants et les professionnels de l’accompagnement. Il a pour objectif de leur permettre de bénéficier de techniques utilisant la réminiscence. La réminiscence mobilise les souvenirs repères de l’individu, stimulant ainsi son identité personnelle, permettant : renaissance et renforcement de l’estime de soi, favorisant la communication et les échanges. Les effets positifs de ces techniques sont étudiés depuis les années 1960.

• 5 vidéos pédagogiques qui précisent les contextes d’utilisation. •1 webinaire, facilitant la découverte du projet.

www.udaf16.fr

L’ensemble des outils proposés simples et conviviaux, peut facilement être utilisé par les membres de la famille et les proches, sans formation spécifique et permettre un moment de réminiscence intuitif. La fille ou le petit-fils d’une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer peut tout à fait l’aider à enregistrer un souvenir lors d’une visite ou simplement parcourir des souvenirs déjà créés et ainsi partager un moment agréable tout en s’appuyant sur ses souvenirs anciens.

Le projet s’articule sur une double ambition :

Le développement d’une plateforme en ligne pour créer des boites à mémoires dématérialisées. Créer des souvenirs dans ces boîtes permet l’emploi de la réminiscence en faisant référence à des moments déterminants de la vie d’une personne. Ces mémoires numériques contiennent du texte, des images, des vidéos et des sons. Elles permettent aux personnes accompagnées et à leur entourage de partager des moments agréables autour de souvenirs. Cette activité améliore leur bien-être, facilite les interactions avec les accompagnants, ceux-ci acquérant ainsi une meilleure connaissance de la personne. L’élaboration d’un programme de formation diversifié et accessible librement pour les proches aidants et les professionnels, à ce jour 88 personnes en ont déjà bénéficié. Il est composé de : • 5 modules de formation : démence (formes, relations et approches philosophiques) ; culture du soin et de l’accompagnement individualisé ; concept de boîte mémoire (approche numérique/physique) ; utiliser la boîte mémoire (créer des souvenirs) ; utiliser la boîte mémoire en pratique.

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En savoir : Christine GRANET Chef du service action familiale christine.granet@udaf16.org

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Au-delà d’une utilisation par des proches aidants, Forget Me Not a toute sa place auprès des professionnels de l’accompagnement, quel que soit le contexte d’exercice (domicile/ établissement). Forget Me Not n’est pas un outil pouvant restaurer ou empêcher la dégradation du fonctionnement cognitif. Il a pour principale fonction de favoriser le bien être des personnes. C’est un support ludique permettant d’améliorer la qualité relationnelle tout en mobilisant les effets positifs de la réminiscence. Forget Me Not s’adosse afin de mesurer ses impacts, à un protocole de recherche action : Living Lab Réminiscence « Le numérique au service de l’accompagnement non médicamenteux », réalisé avec le soutien de la Fondation la Mutuelle Générale. l

Les avantages de l’utilisation de Forget Me Not pour : Professionnels de l’accompagnement • Accroit le sentiment d’épanouissement professionnel •P ermet une meilleure connaissance du patient •P ermet une meilleure connaissance du patient •A ugmente les compétences professionnelles et développe les bonnes pratiques (Accompagnement non médicamenteux individuel et en groupe)6

Proches aidants

Bénéficiaires

• Favorise les liens intergénérationnels

• Améliore l’humeur et le bien-être

•R enforce les liens avec la famille et/ou les amis

• Stimule les capacités préservées

•E ncourage et améliore la communication avec le bénéficiaire

• Renforce le sentiment d’identité personnelle et l’estime de soi

•R evalorise l’image du proche car la réminiscence met en lumière ses capacités préservées

• Offre une belle opportunité de transmettre son héritage immatériel, son expérience, son histoire...

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En savoir : www.forgetmenotdigital.com

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Un réseau de bénévoles au soutien des aidants L’action de soutien aux aidants familiaux « Répit Sac à Dos », inscrite au schéma départemental de l’autonomie, est un projet porté par l’Udaf de la Corrèze depuis 2014.

I

l a été initié par des administrateurs de l’Udaf 19 suite aux constats des associations adhérentes sur l’épuisement des aidants. Il a été ensuite réfléchi et construit, et continue d’être piloté, avec l’ensemble des partenaires : Conseil Départemental, Instances de Coordination de l’Autonomie, CARSAT*, MSA*, APF France Handicap, associations d’aide aux aidants, CCAS*, EHPAD*, membres du conseil d’administration de l’Udaf ainsi que bénévoles du dispositif. Il permet de proposer des moments de répit aux personnes qui accompagnent, à domicile, un proche adulte dépendant du fait de son âge, de son handicap ou de sa maladie. Des bénévoles offrent une présence humaine à domicile en absence de l’aidant. Ils ne proposent pas de soins, ni de tâche ménagère mais sont à l’écoute tant du proche aidant que de la personne aidée à laquelle ils proposent des activités adaptées à ses goûts et capacités. Les interventions sont de quelques heures à deux jours cumulés par mois. Systématiquement la coordinatrice organise un rendez-vous au domicile de l’aidant familial et de son proche pour présenter le bénévole. Elle assure ensuite un suivi régulier. Les temps d’intervention sont déterminés selon les besoins et disponibilités de chacun.

« Il y a un rapport d’égal à égal avec le bénévole »

Le statut de bénévole offre plusieurs avantages : il constitue un réseau solidaire, une présence gratuite pour les familles, une relation aux aidants et à l’aidé différente de celle entretenue avec les différents professionnels qui interviennent au domicile. Il y a un rapport d’égal à égal avec le bénévole. Cela permet de faciliter le dialogue. Le répit à domicile permet une alternative aux personnes qui ne peuvent pas être accueillies en accueil de jour ou dans un autre relais, évite le transport de la personne dépendante qui peut s’avérer une véritable épreuve et permet de rester dans un cadre familier rassurant. Les aidants, 42 en 2019, peuvent s’absenter du domicile pour souffler, se rendre à des rendezvous, des ateliers ou formations qui leur sont destinés…ou rester pour se reposer, jardiner, s’occuper de leurs documents administratifs… C’est aussi le moment pour eux de prendre le temps de se confier, d’échanger sur leurs difficultés. Autant de manières de prendre soin d’eux que de pouvoir assumer avec plus de patiente et d’énergie le rôle qui s’est imposé à eux. Pour les aidés, c’est l’occasion de moments partagés.

www.udaf19.fr

*CARSAT : Caisse d’assurance retraite et de la santé au travail *MSA : Mutuelle sociale agricole *CCAS : Centre communale d’action sociale *EHPAD : Etablissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes

15 bénévoles, répartis dans plusieurs communes du département assument ces interventions. Ils bénéficient d’une formation générale, obligatoire, sur leur rôle et responsabilité ainsi que de formations thématiques sur des pathologies particulières. La coordinatrice de l’Udaf reste disponible pour échanger avec eux et assurer un suivi. Tous les deux mois ils peuvent participer à un groupe d’analyse de la pratique animé par un psychologue. Ces échanges, riches et nécessaires, ont permis l’amorce, par les bénévoles, d’un travail d’écriture de nouvelles, issues de leurs expériences. Les bénévoles et les aidants s’investissent aussi dans la promotion de l’action. Ils ont apporté leurs témoignages lors de tables rondes et de colloques sur l’aide aux aidants. Un film faisant intervenir une aidante et son proche a été réalisé sur ce sujet. l

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Le Centre de ressources et de soutien aux aidants www.udaf49.fr aidants.49@udaf49.fr Tel : 02 41 36 04 44

L’Udaf de Maine-et-Loire est à l’origine d’un dispositif innovant dans le département : le centre de ressources et de soutien aux aidants, qui regroupe et coordonne les acteurs locaux de l’aide aux aidants à l’initiative de nombreuses actions en faveur des aidants familiaux.

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n 2009, l’Udaf de Maine-et-Loire organisait en partenariat avec de nombreux partenaires institutionnels et associatifs, sa 1ère conférence départementale de la famille avec pour thème « l’aidant familial, au cœur des solidarités familiales ». Cet évènement marqua une étape symbolique dans la politique départementale dédiée aux aidants de proches âgés en perte d’autonomie ou de personnes en situation de handicap. L’ensemble des travaux de cette journée a mis en évidence un enjeu primordial de sensibilisation de la population à la problématique des aidants mais également d’écoute et d’orientation pour ces derniers. Il faut y ajouter un besoin d’une plus grande lisibilité pour les acteurs, de leurs actions et de synergie entre eux.

départemental. Une structuration départementale de l’aide aux aidants voyait ainsi le jour en Maine-et-Loire. Elle s’illustrera par la mise en place progressive d’instances départementales et locales composées d’acteurs institutionnels et associatifs qui proposent une aide ponctuelle, régulière ou permanente aux aidants. Fort de la diversité et de la compétence de ses membres, le réseau sera alors à l’initiative de multiples projets, actions, réflexions, études.... Citons pour exemple, les outils de sensibilisation des aidants et du grand public (saynètes théâtralisées, exposition photo), les multiples évènements organisés dans le cadre de la journée nationale des aidants, une cartographie de l’offre de soutien aux aidants sur le département, une enquête sur l’accès au répit des aidants...

En 2010, l’Udaf se rapprocha du conseil départemental pour proposer un projet innovant en faveur des aidants. Ainsi en 2012, le site web à vocation départementale ainsi que les permanences d’écoute sont inaugurés. Le dispositif porté par l’Udaf Maine-et-Loire s’intitule alors « Paroles de familles ».

L’existence d’une structuration départementale facilite indéniablement l’interconnaissance entre les acteurs, la mise en place d’actions et de manifestations, la mutualisation d’expériences, la communication auprès des aidants.

Un dispositif innovant en faveur des proches aidants

En 2014, un comité de pilotage regroupant les acteurs institutionnels incontournables de l’aide aux aidants, se réunissait sous l’égide du Conseil

Cette volonté de construire une démarche territoriale d’accompagnement des aidants en s’appuyant sur les acteurs de proximité, a permis à ce qui est désormais nommé « Centre de ressources et de soutien aux aidants familiaux de Maine et Loire » de peu à peu s’imposer comme un dispositif incontournable dans le département. Il permet de centraliser l’information, de fédérer des acteurs autour d’un objectif commun de sensibilisation à la problématique des aidants, d’information auprès de ceux-ci et de promotion des différentes aides possibles. Il facilite en outre l’identification par les politiques publiques des besoins sur le territoire. Aujourd’hui, d’autres acteurs se saisissent de cette démarche pour lancer des dynamiques similaires dans d’autres départements. L’Udaf Maine-et-Loire souhaiterait, qu’à terme, ce dispositif relève du cadre de la loi assurant ainsi sa légitimité, sa présence sur l’ensemble des territoires, son financement, sa pérennité et l’inscription durable dans une politique publique ambitieuse et innovante en faveur des proches aidants. l

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La médiation familiale pour aider les couples âgés Myriam Laloua, médiatrice familiale à l’Udaf de la Marne, a développé une pratique de la médiation familiale en direction des couples âgés qui souffrent. A l’origine, une demande spontanée qui peut être ponctuellement importante.

A

vec l’évolution de la longévité, les couples se tournent vers la médiation familiale. Bénéficiant d’un profond changement de regard elle devient ainsi un outil pour tous les couples qui pensent à la séparation, quel que soit leur âge. L’étape de la retraite, qui constitue un marqueur social du vieillissement et qui génère des réaménagements personnels et relationnels, peut être également un déclencheur de crises dans des couples qui semblaient stables. Ces crises peuvent mettre plusieurs années à émerger quand les réaménagements individuels et relationnels n’ont pas pu se mettre en place aussitôt la retraite arrivée et qu’une nouvelle façon de vivre à deux n’a pas été inventée. En effet, les couples qui durent de plus en plus longtemps, traversent de nouvelles expériences, de nouvelles épreuves, de nouvelles crises, sur un fond socio-culturel qui accepte relativement plus facilement qu’avant le divorce.

www.udaf51.com

renvoie à la mort de chacun… dans beaucoup de situations, il faut gérer aussi des idées de suicide. C’est émotionnellement très fort pour le médiateur familial ! Au-delà de la plainte première et des symptômes apparents, il y a des choses beaucoup plus anciennes qui se sont accumulées tout au long de la vie et qui font beaucoup plus mal. Myriam s’aperçoit aussi que l’âge rigidifie les mécanismes de défenses et qu’il devient plus difficile de mobiliser les capacités de changement de chacun. De même, il y a de plus fortes résistances à seulement croire le changement possible. La demande est alors paradoxale, à la fois ils ne veulent ou ne peuvent plus vivre ensemble et à la fois ils ne peuvent ou ne veulent pas se séparer… et cela ne bouge pas. Une séparation autre que la mort peut leur être impensable.

Notre société porte le besoin d’être heureux. On ne se résigne plus à être seulement en couple. Si l’on n’est pas heureux : il y a surement des solutions à trouver… Ce sont souvent les enfants, inquiets de voir leurs parents malheureux, qui prennent l’initiative de contacter le service de médiation, puis de mettre en relation le service et leurs parents… et de se retirer parfois partiellement seulement, parfois complètement.

Vieillir en couple, une figure idéalisée

Vieillir en couple : c’est dans l’imaginaire une figure idéalisée, objet d’admiration et d’attendrissement, voire d’envie. Mais à ce tableau idéalisé s’oppose la réalité que Myriam Laloua a découverte à travers ces médiations. Ce sont des médiations fort différentes des autres dans le sens où les résonnances du médiateur avec ses couples parentaux ou grand-parentaux sont très fortes. Ce n’est pas ordinaire de travailler avec la souffrance de nos ainés, ceux qui devraient nous montrer le chemin… et qui nous donnent à voir une perspective de souffrance ! La question de la mort est également omniprésente. Au-delà du fait que la vieillesse de l’autre

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L’objectif est pourtant là, le même qu’avec toutes les autres médiations : offrir aux personnes un lieu neutre, une écoute non jugeante, un espace de parole et de partage riche, donner des informations sur leur couple et des outils pour mieux communiquer. A défaut de trouver une modification spectaculaire de leur couple, des petites façons de communiquer peuvent changer grandement leur situation. l

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Service information et soutien aux tuteurs familiaux www.udaf54.fr 11 rue Albert Lebrun CS 42143 54021 NANCY CEDEX Tél : 03.83.30.59.13 udaf54@udaf54.com

La protection juridique d’une personne majeure est d’abord un devoir des familles, et, subsidiairement, une charge confiée à la collectivité publique. Avec le service d’information et soutien aux tuteurs familiaux (ISTF), l’objectif de l’Udaf est de proposer soutien et informations aux tuteurs familiaux.

F

avoriser les solidarités inter et intra générationnelles correspond à une aspiration de l’institution familiale. C’est dans cet esprit que l’Udaf Meurthe-et-Moselle s’est vue confier par l’Etat en 2018, la mise en place d’un service spécialisé gratuit d’information et de soutien aux tuteurs familiaux à la disposition des familles en collaboration avec les tribunaux.

Quelle aide ?

Le service ISTF propose : • Une information : Les obligations concrètes du mandat, le rôle du tuteur ou du curateur, et plus largement une information et des réponses précises sur tous les mandats de protection juridique, les mesures alternatives à la protection juridique, la protection des biens et la protection à la personne, les décisions médicales, etc. • Un soutien technique : Aide au renouvellement judiciaire de la mesure de protection, aide à la rédaction des demandes au juge des tutelles, aide à la rédaction des documents obligatoires, aide à la mise en place et au suivi financier et administratif. • Une mise à disposition d’outils : des fiches d’informations sur les mesures, des modèles de lettres et de requêtes, le « Guide du curateur ou tuteur familial », une plaquette d’information sur le service.

Un professionnel de la tutelle à votre écoute

Une permanence d’accueil sur rendez-vous est organisée chaque semaine dans les locaux de l’Udaf Meurthe-et-Moselle à Nancy, Lunéville et Longwy. Les rencontres peuvent avoir lieu au domicile du demandeur sur l’ensemble du département de Meurthe-et-Moselle. *Tuteurs familiaux: Service d’accueil téléphonique pour les du lundi au jeudi : 06 38 99 43 67 Adresse de contact : tuteurs-familiaux@udaf54.com

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Le service d’accueil téléphonique* est ouvert du lundi au jeudi et une adresse mail* est à disposition des familles, de l’entourage de la personne à protéger pour demander un rendez-vous, une intervention collective (à destination des familles, des proches, des personnes à protéger, des professionnels), solliciter un conseil.

En 2018,

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personnes ont été rencontrées : d’accueil 89 lors téléphonique,

de permanences 119 lors et rendez-vous, de réunions 69 lors collectives,

27par mail.

Quelques interventions • Le 19 juin 2018 à l’Hôtel de ville de Nancy : Présentation du service au cours d’une journée découverte de l’Office Nancéien des Personnes Agées (ONPA). • Le 18 octobre 2018 à l’ONPA : Conférence sur le thème « Comment se protéger ou protéger un proche ? ». • Le 10 mai 2019 au cours d’un Bistrot Mémoire à Francheville (aidants familiaux et proches de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer) : Exposé sur les mesures de protection juridique. • Le 18 juin 2019 dans les locaux de l’UDAF54 à Nancy : Conférence à destination des familles sur le thème : « Protéger un proche, quels changements depuis la réforme de mars 2019 ? ». l

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Vieillissement et grand âge du point de vue de l’Udaf Bas-Rhin Le discours du « Bien vieillir », vient contrebalancer les aspects « négatifs », inquiétants, voire anxiogènes de l’avancée en âge. Le Bas-Rhin n’échappe pas à cette tendance : en milieu urbain ou rural, la question de l’isolement des personnes âgées et de la perte d’autonomie est prégnante. Elle l’est aussi à l’Udaf Bas-Rhin, que ce soit à travers la mobilisation des associations familiales auprès de ce public ou à travers l’action des professionnels de l’Udaf.

L

a question du grand âge est ainsi réfléchie et « agie » à travers différents regards. Elle est surtout une opportunité pour travailler de concert et faire vivre notre projet associatif autour du service aux familles.

L’engagement des associations familiales autour des aidants familiaux

Les associations familiales engagées dans des actions d’animation et de soutien aux personnes âgées et à leurs familles ont, au sein de l’Udaf, souhaité mettre leur énergie en commun pour faire avancer leur action auprès des aidants familiaux. Elles participent ainsi au Collectif Inter Associatif d’Aide aux Aidants Familiaux créé en 2013 et animé par l’Udaf, qui réunit également des associations intervenant dans le champ du handicap. Elles ont activement participé à la mise en ligne du site Internet Parole aux Aidants, outil au service des aidants et de leur famille : www.aidants67.fr Actuellement, les travaux du Collectif s’orientent vers une meilleure reconnaissance des aidants de personnes âgées par les professionnels (personnel soignant, paramédical …).

+

En savoir : www.aidants67.fr

www.udaf67.fr

Parmi ces aidants, se trouvent également des proches amenés à exercer une mesure de protection auprès de leur conjoint.e, frère/soeur, parent devenu âgé et vulnérable. Ces derniers peuvent être accompagnés par les intervenants de la Plateforme d’information et de soutien aux Tuteurs et Habilitants familiaux animée par l’Udaf. Mise en place en 2011, cette plateforme propose des permanences téléphoniques et physiques ainsi que 5 rencontres collectives par an pour accompagner les familles dans l’exercice de leur mandat. Outre les aspects relatifs au mandat judiciaire, d’autres questions peuvent se poser, comme le besoin de répit, la fragilisation d’un aidant lui-même âgé, les conflits survenant au sein de la famille, etc. Ainsi, la Plateforme et le CIAAF 67 se sont récemment rapprochés, afin de créer des passerelles pour amener une réponse plus globale aux aidants.

Le dispositif Familles Gouvernantes et les mesures de protection

Les professionnels de l’Udaf seront de plus en plus confrontés, et de plus en plus tôt à la question du vieillissement et de ses conséquences sur les parcours de vie déjà complexes des personnes suivies. De nombreux partenariats sont établis avec des acteurs du territoire, afin de prendre en compte les spécificités du vieillissement. Le renforcement de ces collaborations sera un enjeu fort pour l’avenir. Ces impacts du vieillissement sont en particulier d’autant plus marqués chez les personnes qui «posent leur valise» dans l’une des maisons Familles Gouvernantes. Leur parcours de vie chaotique s’inscrit dans le corps à un âge où l’on est encore considéré comme « jeune ». Si le grand âge est synonyme de vieillissement, celui-ci peut dans ces situations se manifester de façon précoce. Par ailleurs, la maladie mentale

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aussi vieillit les êtres prématurément. Les personnes accueillies peuvent ainsi présenter des signes de vieillissement alors même qu’elles ne seraient pas considérées comme des «seniors».

Lutte contre le surendettement

Le PASS contre le surendettement (Prévenir Accompagner Suivre et Soutenir à tous les Ages) est un dispositif original et innovant mis en place sur le Bas-Rhin depuis presque 10 ans. Aujourd’hui labellisé PCB (Point Conseil Budget), ce dispositif fédéré a été construit par la volonté commune de l’Udaf, l’Association Générale des Familles, les Associations Familiales Laïques, la Confédération Syndicale des Familles et Familles Rurales en réponse aux conséquences de la crise économique de 2008. Aujourd’hui, la Famille du Cheminot a rejoint le dispositif, portant le nombre d’associations à 5. Ce dispositif s’adresse à tout individu en prise à des difficultés budgétaires et qui ne bénéficie, généralement pas, de prestation sociales.

Ces 2 dernières années, le nombre de personnes retraitées accompagnées par ce dispositif a augmenté, l’âge de la doyenne étant 83 ans. Pour prendre en compte les impacts du vieillissement, de la fracture numérique, de situations d’isolement, l’organisation partenariale du dispositif prend tout son sens. Il permet d’accompagner les personnes sur différents versants et d’avoir des relais sur le territoire. En effet, face à des difficultés budgétaires, voire de surendettement, les personnes retraitées sont confrontées à une baisse de revenus alors que leurs charges restent importantes et que certaines aides peuvent être amenées à diminuer. Leurs difficultés trouvent ainsi leur source dans une absence ou une mauvaise anticipation de la baisse de ressources, conjuguée à des habitudes de vie restées inchangées. Faisant partie d’une génération qui, peut-être plus que les jeunes, se sent stigmatisée, les retraités peuvent parfois dire leur « honte » à se retrouver dans cette situation. De ce fait, ils hésitent à solliciter l’aide dont ils auraient besoin ou le font tardivement une fois que la situation est installée. La non-utilisation des outils numériques (qui augmente le délai de traitement de leurs demandes) ainsi que la méconnaissance de leurs droits (par ex: l’ouverture du droit à une complémentaire santé) et leur frilosité à les exercer permettent d’expliquer une partie de leurs difficultés. Outre le suivi budgétaire, les associations peuvent alors proposer des actions pour recréer du lien, ne pas rester isolé, redécouvrir des aptitudes oubliées… Ainsi, le dispositif du PASS constitue un véritable vecteur de socialisation en permettant à ces personnes d’accéder à des offres existantes sur leur lieu de vie (cours de gym, de méditation, dessin, peinture). Le travail en lien entre les associations familiales entre elles, entre les associations familiales et les services, montre tout l’intérêt de pouvoir apporter une réponse globale à la situation des personnes âgées fragilisées ou risquant de l’être. L’Udaf a ainsi pu développer divers outils et démarches d’accompagnement. La prise en compte des conséquences du vieillissement représente ainsi un fort enjeu pour notre Union, une nécessité de renforcer les liens entre les services de l’Udaf et les mouvements familiaux. l

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VillaGénération, vieillir au cœur de la ville A travers ses divers services, l’Udaf de Haute-Saône œuvre quotidiennement pour améliorer la vie à domicile ou en établissement des personnes âgées et/ou handicapées. C’est donc naturellement qu’elle s’est inscrite dans un projet de VillaGénération issu du partenariat entre l’Udaf, une commune et un bailleur social. Ce dispositif s’adresse aux « séniors » de 60 ans et plus, seuls ou en couple.

I

l s’agit de personnes autonomes et valides qui souhaitent vivre dans un lieu qui allie convivialité, solidarité et sécurité. La VillaGénération comporte 18 logements (12 T2 et 6 T3) de plain-pied, accessibles et adaptés au vieillissement avec des équipements adaptés (salle de bains avec douche à l’italienne, volets motorisés...). Chaque logement dispose d’une terrasse et d’un jardin privatif. La majorité des personnes âgées préfèrent rester chez elles aussi longtemps que possible. Néanmoins certaines sont parfois contraintes de rejoindre une maison de retraite, un hôpital, car leur santé ne leur permet plus de vivre seules. La VillaGénération permet de prolonger ce temps d’habitat chez soi dans un programme immobilier, logements sociaux, favorisant la convivialité et la sécurité, tout en restant ouvert sur la commune. Les évidents bienfaits de l’amitié sur la santé permettent aux locataires de demeurer à la maison longtemps, même hospitalisés à domicile. Ce dispositif est une réponse à la solitude, mais il va bien au-delà. Il s’avère essentiel que les relations entre locataires dépassent les simples liens de voisinage traditionnels : la notion de partage, la veille les uns sur les autres, l’entraide sont des éléments importants au sein du VillaGénération. En termes de parcours résidentiel, ce projet se situe entre le logement classique et l’hébergement en établissement. Il s’inscrit dans une logique d’action globale des partenaires en faveur des seniors.

Un lieu de vie qui favorise les contacts extérieurs

www.udaf70.fr

contre, les réunions amicales, l’organisation de conférences... implantée au centre des logements. Cette salle abrite le bureau de l’hôtesse, salariée de l’Udaf, ainsi qu’une salle de réunion où se déroulent les animations. L’hôtesse est présente sur place 5 matinées et 3 après-midi par semaine. Génératrice de lien social entre les locataires, l’hôtesse est l’interlocutrice des résidents et leur apporte ou mobilise différents types de services et prestations permettant ainsi de faciliter leur vie quotidienne. Elle a pour mission de développer une relation de confiance avec les locataires afin, notamment, qu’ils adhèrent au projet mis en place. Il lui revient, par ailleurs, de développer des partenariats avec les associations et structures locales. Elle peut ainsi mobiliser un réseau étoffé en matière d’aide et de service à domicile, d’accompagnement social, d’animations, afin de faciliter la vie quotidienne des seniors qui conservent le choix de recourir aux prestations. La présence de l’hôtesse permet de rassurer les familles soucieuses pour leurs parents : l’hôtesse peut avoir, le cas échéant, un rôle d’alerte si l’état de santé des résidents se dégrade. Par ailleurs, il est indispensable que les locataires se sentent acteurs de la VillaGénération. La notion d’investissement des locataires doit s’exercer également en matière d’animation et de vie quotidienne de la VillaGénération, mais aussi de solidarité entre eux. En effet, au sein de ce micro-quartier particulier, il s’avère essentiel que les relations entre locataires dépassent les simples liens de voisinage traditionnels. La notion de partage est primordiale. l

Lieu évident de socialisation, la VillaGénération favorise un double mouvement d’ouverture et de contact tournés vers les réalités environnantes : associations, centre social, écoles. Les locataires continuent de s’investir à leur rythme dans les activités et les services qui les motivent. Réciproquement, c’est un lieu d’accueil avec la maison commune « Maison des aînés » qui facilite la ren-

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La Martinique face au vieillissement de sa population Figurant encore récemment parmi les plus jeunes départements de France, la Martinique vieillit à un rythme accéléré. Les derniers chiffres de l’Insee nous interpellent.

L

’augmentation de la mortalité, l’effondrement de la natalité et du taux de fécondité, l’amplification du phénomène d’émigration de notre jeunesse ont pour conséquence de faire de notre territoire, à très court terme, la plus vieille région française. Ce vieillissement s’accompagne également d’une chute démographique, puisque la Martinique perd chaque année 4 000 habitants avec les impacts socio-économiques mais également familiaux certains.

Observer & décrypter

L’Udaf de la Martinique entend bien évidement répondre à cette urgence et s’adapte en faisant face à l’explosion du grand âge à la Martinique. Pour cela, elle agit à travers ses 4 grandes missions.

Qui dit vieillissement de la population dit également vieillissement de notre public notamment celui de majeurs protégés pris en charge par nos mandataires judiciaires. La prise en charge de ce public est très spécifique. C’est également le cas sur d’autres actions d’ordre familial, comme par exemple les actions menées par notre Service Action Familiale (action Porte-Plume, action d’écrivain public) qui reçoit majoritairement des personnes âgées, souvent perdues face à la dématérialisation des demandes d’aides sociales. Nous organisons aussi des conférences à thème sur le grand âge comme celle sur la sexualité des séniors, l’adaptation de l’habitat du sénior, ou encore comment bien vieillir.

Représenter & défendre

C’est en quelque sorte la réponse institutionnelle de notre association. Dès 2015 nous nous étions émus de cette situation puisque le thème de notre Assemblée Générale était justement : « Les familles Martiniquaises face au Vieillissement de la population », des spécialistes étaient alors venus échanger sur cette problématique avec nos militants familiaux. Plus récemment nous avons été reçus en audience au Conseil Economique Social, Environnemental de la Culture et de l’Education de la Martinique (CESECEM). En effet, le 19 mars 2019, la Commission Emploi et Dialogue Social du CESECEM nous avait auditionnés afin de prendre en considération nos recommandations afin de faire face au vieillissement de la population martiniquaise. Pour donner encore plus de force à nos propositions politiques, nous avons également orienté notre politique de recherche de financement en direction d’actions en faveur du grand âge et de la perte d’autonomie qui est souvent son corolaire. Nos demandes de subvention ont reçu un chaleureux accueil de la part de la Conférence des Financeurs.

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L’Udaf de la Martinique a bien compris également que pour peser sur les décisions de nos dirigeants nous devons impérativement développer notre expertise. Les spécialistes des questions familiales c’est nous ! Ainsi cette année nous avons lancé une grande enquête sur le vieillissement de la population afin de prendre le pouls des familles martiniquaises sur ce changement démographique.

Accueillir, informer et accompagner

Animer & soutenir.

Nos 49 associations de terrain, membres du réseau Udaf Martinique, font également face au vieillissement de la population et mettent en place de nombreuses actions en direction de nos aînés. Cette année, l’Association Familiale Laïque du François a, par exemple, mis en place une formation spécifique à la fonction d’aidant familial. Nos associations adhérentes se sont également fortement impliquées lors de la « semaine bleue ». Aimé Césaire nous a appris que « ce n’est par la tête que les civilisations pourrissent, mais d’abord par le cœur ». Alors dans nos actions en direction du grand âge comme dans tous nos travaux, ayons du cœur ! l

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CONSEIL NATIONAL DES ASSOCIATIONS FAMILIALES LAÏQUES

Témoignage : Marie Tudo, assistante de soins en gérontologie « Notre mission : accompagnement de la personne dans vie quotidienne toute la journée et la nuit. Cela implique de l’empathie, une bonne connaissance de la personne, de son histoire, de ses goûts, de ses dégoûts, de ses craintes, de ce qui lui fait plaisir. Le projet de de vie nouvelle est construit avec elle et autour de sa personne.

C

cnafal@cnafal.net www.cnafal.org

’est un métier passionnant mais harassant, avec des horaires décalés. Qu’on en juge, quatre types d’horaires : 6h3014h30, 14h30-22h. Deux jours en 12 heures avec repas avant ou après. Horaires de nuit : 21h25 à 7h du matin. C’est un tourniquet... L’équipe est composée de 15 personnes et nous fonctionnons en flux tendu. Dans les personnes accueillies, nous avons pas mal de personnes souffrant de maladies neurodégénératives. Nous ne pratiquons aucun soin de force ; nous dialoguons pour produire de l’apaisement, car il faut être persuasif pour ne pas provoquer des crises. Dans mon établissement, nous avons une unité pour les malades d’Alzheimer. Les pathologies rencontrées sont évolutives, ce qui exige une formation permanente de notre part, mais aussi un soutien hiérarchique, car l’épuisement professionnel nous guette… Il faut être en réflexion permanente pour adapter les réponses. D’une certaine manière, nous créons notre propre outil de travail. Nos établissements sont complets, avec des personnes en attente de place. Pour résoudre cette pénurie, il y a des équipes de relais qui vont à domicile pour éviter une institutionnalisation qui coûte plus cher. Les budgets sont contraints et nous sommes, en tant que personnel, contraints nous-mêmes, car on ne peut pas s’occuper de tout le monde.

Le management est essentiel. Nous avons dans notre établissement, une « commission de la qualité au travail ». C’est un bon investissement. L’écoute des difficultés rencontrées est essentielle. Il y a la volonté, là où je travaille, de lutter contre l’épuisement professionnel ressenti et réel. L’échange avec la hiérarchie est essentiel. Et la hiérarchie doit être réactive. Nous, personnel de base, nous sommes sur le terrain au contact. On a besoin de ce soutien ; on connaît les problèmes rencontrés et nous sommes obligés de «lutter» contre l’inertie institutionnelle, la pénurie des moyens, notamment en matériel. Il faut assurer la continuité des soins, donc de la vie ! Nous sommes attachés au service public, mais gérer en permanence la pénurie, met le service public en péril. Au final, notre métier est passionnant, mais épuisant. » l

Nous travaillons avec le département pour mettre en place des politiques de prévention : dépistage précoce, travail avec la médecine de ville (gériatrie). Nos métiers sont très féminisés (de 80 à 90 %), ce qui est encore plus difficile pour les jeunes femmes, avec leur vie de famille. D’où une pénurie de personnel chronique, des arrêts maladie. Les personnels manquants ne sont pas remplacés, ce qui nous oblige à nous dédoubler.

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Marie Tudo, assistante de soins en gérontologie – militante laïque - Tarbes Propos recueillis par Jean-Marie BONNEMAYRE Président du CNAFAL

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FAMILLES RURALES

Vieillir et vivre mieux ! www.famillesrurales.org

Le vieillissement de la population se confirme en France en Europe. Dans les espaces ruraux, plus qu’en milieu urbain, ce vieillissement démographique est croissant1. Comment accompagner une population de plus en plus âgée, souvent en situation de fragilité, isolement, dépendance, baisse du pouvoir d’achat…, d’autant que le grand âge est davantage source d’inquiétudes que d’opportunités dans la représentation sociale et les politiques publiques ?

D

ès lors les questions du vivre plus longtemps mais vivre mieux, vieillir en milieu rural dans des conditions satisfaisantes et décentes, sont au cœur des préoccupations de Familles Rurales. Les associations du Mouvement créent des activités, avec et pour les seniors, et mettent en place des services pour répondre à leurs besoins.

Activités de loisirs

Découvrir de nouvelles activités pour occuper le temps libre, pour apprendre, échanger et se distraire avec d’autres ! Une grande offre d’activités de loisirs et culturelles, indispensables pour conserver sa forme physique et intellectuelle et maintenir un réseau relationnel, est proposée par le réseau Familles Rurales. 500 « clubs d’ainés » maillent ainsi le territoire et permettent aux retraités d’une localité de se retrouver, une ou plusieurs fois par semaine, et de pratiquer des activités en fonction de leurs envies, mais aussi de leur âge. Une attention particulière est portée aux activités pour les plus fragiles. C’est l’objet des interventions de notre réseau de Voisineurs (visite de bénévoles au domicile des aînés isolés), des ateliers de prévention (alimentation, mémoire, code

de la route, prévention des chutes…) ou ateliers physiques adaptés (gymnastique douce, aquagym, marche…). Au-delà de leurs apports physiques et cognitifs, ces ateliers rompent l’isolement.

Services d’aide à domicile : accompagner les personnes fragiles chez elles

Familles Rurales propose des services à domicile (SAAD) dédiés aux personnes fragiles qui ont besoin d’une assistance du fait de leur âge (plus de 60 ans), d’une situation de dépendance, d’un handicap... Familles Rurales peut intervenir en tant que prestataire (Familles Rurales est employeur de l’intervenant à domicile) ou mandataire (le client est employeur de l’intervenant, Familles Rurales assure les formalités administratives).

Le transport à la demande pour assurer la mobilité

L’offre de transport public de proximité est largement déficitaire sur les territoires ruraux. Cette carence fait défaut à l’autonomie des habitants, particulièrement les seniors. Familles Rurales propose depuis le début des années 80 le transport à la demande – ou transport solidaire - une modalité de transport souple, adaptée au milieu rural et aux besoins individuels. Les avantages: proximité, coûts, souplesse, réactivité, convivialité, valorisation du bénévolat des chauffeurs... l 1/ La part des plus de 55 ans est de 30 % contre 25 % pour la moyenne nationale. Gérontologie et Société, Caisse nationale d’assurance vieillesse 2010, N°135, Bergouignan & Delmeire (in Dumont, 2006)

Un dispositif dédié pour rompre l’isolement des personnes âgées : Le dispositif un Jour Part’Âgé est un service d’accueil et d’animation mis en place par Familles Rurales pour rompre l’isolement et la solitude des personnes âgées en favorisant le lien social prévenant ainsi la perte d’autonomie. Il est proposé dans plusieurs départements comme en Côtes d’Armor où il touche plus de 200 bénéficiaires dans une quarantaine de communes. « Une fois par mois, les bénéficiaires se retrouvent par petits groupes pour profiter du « café des papotages » et travailler à un projet qu’elles ont choisi. Cette année, il s’agit d’une En savoir : exposition sur la culture et le patrimoine local», témoigne les et sur Familles Rura Céline Morin, directrice de la fédération Familles Rurales ices rv se les activités et de Côtes d’Armor. us : vo de ès pr proposés

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www.webdesfamilles.o

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ADMR UNION NATIONALE

L’ADMR s’engage pour l’habitat multigénérationnel Avec le concept « Habiter Autrement ADMR », les fédérations et associations ADMR se sont engagées dès 2014 dans des offres d’habitat regroupé associant services individuels et collectifs (présence bienveillante, aide à la personne...) et espaces partagés (animations). Un système propice au multigénérationnel.

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’objectif de l’ADMR ? Répondre aux besoins et attentes de la population et accompagner les communes dans la mise en place de ces projets. L’habitat regroupé est en effet une alternative pertinente à l’Ehpad (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) pour les personnes qui souhaitent rester à domicile aussi longtemps que possible.

Au service des personnes et des communes

Aujourd’hui, l’ADMR veut aller plus loin, grâce à un partenariat conclu avec Nexity, qui se définit davantage comme plate-forme de services à l’immobilier que comme promoteur immobilier. Les deux partenaires poursuivent le même objectif : proposer à nos aînés un lieu de vie adapté intermédiaire entre l’habitat traditionnel et l’Ehpad, et faciliter les échanges entre des résidents de toutes générations.

Ainsi, dans le Val d’Oise, le projet de la résidence multigénérationnelle Bellerive est sur les rails : livraison prévue courant 2020. « Je me réjouis que ce partenariat nous permette de redonner pleinement du sens à nos activités, déclare Paul Daroussin, président de la fédération du Val d’Oise. Au-delà des services que nous proposons, nous voulons être des vecteurs de relations. En tant qu’animateur de la résidence, nous pourrons agir en faveur de l’inclusion numérique, de la prévention de la perte d’autonomie, etc. »

www.admr.org 184A rue du faubourg Saint-Denis 75484 Paris Cedex 10 Tél : 01 44 65 55 55 Fax : 01 44 65 55 56

Dans de nombreux territoires la situation des personnes âgées est fragilisée, du fait de la fermeture de certains services publics, Les résidences multigénérationnelles avec un accès à une offre de services optionnels sont une des réponses à ce problème, alliant praticité, sécurité et lien social. l

« L’ADMR, analyse Marie-Josée Daguin, présidente nationale du réseau, est capable de mobiliser de nombreuses forces associatives afin de concevoir et de mettre en place des animations collectives auprès des résidents mais aussi des habitants de la commune ou de l’intercommunalité. De même, on peut compter sur l’ADMR pour aller chercher des partenaires pour financer ces animations. » Ce sont ces atouts qui ont convaincu Nexity de signer un partenariat avec l’ADMR.

Un projet de vie sociale résidentielle

Nexity a développé le concept de Complicity®, un package comportant un volet bâti et un volet animation sociale. À chaque fois qu’une convention locale est passée entre Nexity et une association ADMR autour de la création d’une résidente multigénérationnelle, l’animation est portée par l’ADMR, qui propose aussi ses services à la personne selon les besoins des résidents. Le projet de vie sociale résidentielle est élaboré en mode collaboratif avec la commune, le bailleur en logement social, le syndic de copropriété en accession libre, l’ADMR et Nexity, et tous les partenaires du lieu d’implantation.

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MAISONS FAMILIALES RURALES

Un engagement au cœur des territoires, des actions en faveur du grand-âge Sur les 420 associations que compte le Mouvement MFR, 225 préparent à des métiers des services au sens large : métiers des services aux personnes, de l’action sociale, de la santé, métiers de l’accueil et de l’animation... www.mfr.asso.fr

C

haque année, en coopération avec les professionnels des territoires, les équipes MFR accompagnent plus de 30 000 jeunes et adultes qui, au travers de leur parcours de qualification et de professionnalisation, se préparent à exercer un métier de service. Ces parcours sont en phase avec les besoins des territoires au sein desquels ils sont déployés, essentiellement des territoires ruraux. Près de 75 % des MFR se situent dans des communes peu denses à très peu denses. Comme le précisent les statistiques, les territoires ruraux accueillent une population vieillissante pour laquelle la perte d’autonomie et l’isolement constituent des risques majeurs. L’enjeu est donc à la fois de pouvoir satisfaire aux besoins d’assistance technique et humaine des personnes qui entrent dans le grand âge et de favoriser le maintien de leur vie sociale, que celle-ci s’organise à domicile ou au sein d’un établissement.

Tous les ans, porté par la MSA et les MFR, un appel à partenariat « Les jeunes s’engagent » vise à soutenir les projets menés par les jeunes, avec à leurs côtés, les familles et des acteurs du territoire.

Quelques exemples :

• l a mise en place d’un atelier itinérant d’initiation au numérique accueillant des personnes âgées, • le réaménagement du patio d’un EHPAD en lien avec les résidents, • le recueil de l’histoire de vie de résidents d’w qui donne lieu à un spectacle théâtral et musical partagé…

Dans ce contexte, les MFR préparent à différentes certifications : Bac professionnel Services aux Personnes et au Territoire et CAPa Services aux personnes et vente en espace rural ; DE Accompagnant éducatif et Social ; Titre professionnel Assistante de Vie aux Familles ; DE Aide-soignant ; DE Conseiller en Economie sociale et familiale ; Titre Responsable de secteur de services à la personne… Elles ont aussi créé une certification aujourd’hui reconnue et développée sur 15 sites en métropole et dans les départements d’outremer. Il s’agit du titre Animateur en gérontologie dont la mission est de proposer des activités adaptées aux personnes, à leur âge, à leur pathologie, voire à leur handicap. L’animation est aujourd’hui plus individuelle pour prendre en compte les situations de perte d’autonomie. Elle se veut aussi parfois plus informelle, s’inscrivant dans les actes de la vie quotidienne. Au sein des MFR, tous les parcours de formation sont conduits par alternance, accordant une place particulière à l’expérience en milieu professionnel. Par des partenariats de proximité, ils intègrent des actions qui permettent aux jeunes et aux adultes en formation de mettre en place des services, de participer à l’animation du territoire, de contribuer au tissage de liens intergénérationnels. La finalité de ces parcours est de former des professionnels bien dans leur métier, à l’écoute des besoins et attentes des personnes âgées et en capacité de les accompagner avec bienveillance et éthique. l

Le projet intergénérationnel « Part’âge » est quant à lui mené en partenariat avec l’Association de Vacances de la Mutualité Agricole (AVMA). Il vise à faire partir en vacances, pendant cinq jours, des résidents de Marpa accompagnés par des jeunes en formation en MFR.

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/ INITIATIVES DES ASSOCIATIONS FAMILIALES /

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FÉDÉRATION ADESSADOMICILE

Vieillir à domicile, une volonté portée et soutenue par la Fédération Adessadomicile Vieillir à domicile est le souhait de la grande majorité des français. Cependant, le soutien à domicile des personnes en perte d’autonomie n’est possible sans une implication forte des proches aidants ou sans le soutien des services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD), coordinateurs de l’action sociale sur les territoires.

L

a fédération Adessadomicile représente plus de 700 services et 350 associations, qui contribuent chaque jour à l’accompagnement à domicile, au soutien de la personne en situation de handicap, à la prévention, à la promotion à la santé et à l’accès aux soins à domicile. La fédération valorise pleinement le développement des actions envers les proches aidants, acteurs clefs du soutien à domicile. Le Gouvernement a annoncé le 13 septembre dernier que le montant de l’indemnité du congé pour les proches aidants sera de 40 € par jour. Si la fédération soutient la démarche de reconnaissance de l’aidant, elle rappelle cependant que le rôle des proches aidants est complémentaire de celui des aidants professionnels et ne peut se substituer à ces derniers. Plusieurs actions à destination des proches aidants sont menées par les associations adhérentes à notre réseau. L’une d’entre elles est portée par l’association APAS 82, située à Castelsarrasin, qui a voulu mettre l’accent sur l’accompagnement des changements vécus par les aidants face à la pathologie du proche aidé. Leur projet, intitulé « Pour toi & moi : un projet d’envies et de vie », a pour objectifs de renforcer la relation aidant/aidé et de valoriser la relation à soi-même. Pour cela, plusieurs actions sont mises en place sous forme d’ateliers animés par différents professionnels. Par exemple, un coach, spécialisé en communication, permet aux participants de renforcer leur estime de soi à travers le repérage de leurs points forts et la valorisation de ceux-ci. Egalement, une psycho-socio-esthéticienne travaille sur la réparation identitaire en contribuant à l’inscription de la personne dans son environnement. En parallèle, une danseuse contemporaine, formée à une technique spécifique, intervient pour permettre aux aidants de se « remettre » en mouvement.

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L’association APAS 82 mène ce projet depuis plusieurs années, en créant tous les ans des actions différentes afin de répondre au mieux aux besoins des aidés et des aidants. L’objectif des actions mises en œuvre dans ce cadre par les SAAD à domicile est de favoriser le lien social pour rompre l’isolement de la personne âgée et de l’aidant grâce à différentes activités conviviales telles que des ateliers cuisine/jardinage, des repas partagés, des sorties culturelles, etc.

www.adessadomicile.org Charlotte RAULINE

Chargée de développement projets médico-sociaux Pôle aide et accompagnement

«Le rôle des proches aidants est complémentaire de celui des aidants professionnels et ne peut se substituer à ces derniers. » Un autre besoin mis en exergue par les aidants est celui du répit. En effet, leur implication auprès de la personne âgée est bien souvent très importante en termes d’énergie et de temps passé auprès de la personne aidée. En ce sens, plusieurs projets visant à offrir un temps de répit aux proches aidants ont été développés au sein du réseau, ayant pour objectif de soulager l’aidant, sur un temps défini, afin de limiter son épuisement tout en préservant le bien-être de la personne accompagnée. Ces nombreux projets le démontrent, l’amélioration de la qualité de vie au domicile des personnes en perte d’autonomie et de leurs aidants représente un enjeu sociétal pour lequel la fédération et ses adhérents innovent chaque jour. l

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OLD’UP

OLD’UP : plus si jeunes, mais pas si vieux Paule GIRON Membre active d’OLD’UP

Fondée par le Docteur Marie-Françoise Fuchs1, « OLD’UP » est une association qui regroupe des « vieux » (nous tenons à ce terme qui ne craint pas de nommer un chat par son nom) entre la retraite jusqu’à 95 ans.

N

otre but n’est pas la gestion de quelque handicap, dépendances diverses ou soins, mais d’apporter à tous, jeunes et vieux, une réflexion sur l’âge et le grand âge. Que cette réflexion soit d’inspiration « psy » ou appuyée sur le vécu de chacun, elle tente d’ouvrir notre regard sur la façon dont est perçue la vieillesse et comment on la vit : refus de l’âge, résignation à l’image que d’autres nous renvoient. Ou encore, acceptation de notre statut d’âgé et comment on peut transformer un « mal vivre » en une époque féconde, créative, dont beaucoup de « Old’Upiens » et tant d’autres ne soupçonnaient pas la possibilité au départ.

Notre « militantisme » pour diffuser notre réflexion passe par les livres, nos contacts avec des Ehpad (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes), notre coopération libre dans les hôpitaux pour faciliter le dialogue médecinsmalade âgé. Nous organisons également des conférences, des colloques, des ateliers et avons désormais des antennes à Nantes, Marseille, Brest, bientôt Rennes. Il est important de comprendre que notre recherche peut être utile non seulement aux vieux eux-mêmes, retraités ou di grand-âge, mais aussi à leurs aidants en institution ou en famille. La diffusion de nos livres nous prouve à quel point ce travail de « OLD’UP » est nécessaire à tous et peut transformer le quotidien et aider la recherche. L’association est ouverte à tous ceux, dès la retraite, qui sont intéressés. l

vantage Pour en savoir da sur notre travail, e: consulter notre sit

www.oldup.fr.

Bibliographie Pour mieux comprendre l’esprit OLD’UP et comment nous travaillons, une collection OLD’UP est éditée chez IN PRESS : • « L’art de vieillir », Philippe Gutton • « Création tardive : un élan, une découverte », Marion Peruchon • « Créer sa vieillesse », Paule Giron, préface Marie de Hennezel • « Et si vieillir libérait la tendresse », Philippe Gutton et Marie de Hennezel • « Longévité pour tous », Philippe Gutton - Robert Moulias • « Les nouveaux vieux sont arrivés », Frédérique Savona-Chignier • « Vieux et debout », Paule Giron • « La mort ? Parlez-moi d’autre chose », Paule Giron

1/ Marie-Françoise Fuchs a aussi fondé l’association « L’école des grands-parents » (ndlr)

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Bibliographie

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Sélection réalisée par le centre de documentation de l’Unaf. Plus de ressources en ligne sur intradoc.unaf.fr Contact : unaf_doc@unaf.fr.

Sél e cti o n Bibliographique ETAT DES LIEUX Que faire de nos vieux ? Une histoire de la protection sociale de 1880 à nos jour, Christophe CAPUANO, Presses de sciences PO, 2018, 345 p. La perte d’autonomie des personnes âgées et sa prise en charge sont aujourd’hui très présentes dans l’actualité pour annoncer une hypothétique explosion des coûts liée à la dépendance, pour exprimer les souffrances des aidants professionnels ou familiaux ou bien encore pour discuter la création d’un 5e risque de Sécurité sociale. L’auteur examine l’histoire de la construction de l’Etat social en France depuis les années 1880 et son assistance aux populations vulnérables. A travers cette étude, il montre que jusqu’en 2001, la dépendance a fait l’objet d’un traitement différent lorsqu’elle était rattachée au handicap ou attribuée au grand âge et il pointe la déficience constante de tous les dispositifs mis en place, fondés sur l’assistance ou l’aide sociale. L’auteur insiste sur le rôle essentiel des familles. Les défis du vieillissement : construction d’une politique sociale Coord. Marc de MONTALEMBERT et Michel LAROQUE, Vie sociale (n° 15), 2016. 214 p. Ce dossier consacré au vieillissement démographique et à son impact sur les politiques publiques se décline en deux mouvements : une approche sociétale du phénomène et de sa prise en compte par les

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politiques publiques d’une part et une analyse détaillée d’autre part des enjeux du vieillissement pour les politiques sociales et en termes économiques par rapport à la prise en charge de la dépendance en particulier. Loi « vieillissement » : un catalogue de mesures pour une meilleure prise en charge des personnes âgées, mais pas que... EL Dictionnaire Permanent «Action sociale (n° 332-1), 2016. 38 p. Analyse des dispositions de la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement (décembre 2015). Cinq volets détaillent les mesures adoptées soulignant ainsi la diversité des dispositions et le grand angle de la portée de ce texte. Le premier volet analyse les dispositions spécifiques concernant le maintien à domicile et le soutien aux aidants familiaux. Le deuxième volet analyse les dispositions relatives aux structures d’accueil collectif des personnes âgées. Le troisième volet se penche sur les nouveaux droits des usagers ouverts par le texte. Le quatrième volet détaille les dispositions qui n’entrent pas directement dans le champ du vieillissement mais qui concerne les établissements et services sociaux et médico-sociaux d’une part, les droits de majeurs protégés et les accueillants familiaux d’autre part. Enfin le dernier volet présente les dispositions relatives à la gouvernance des politiques de l’autonomie. « Quelles politiques publiques pour la dépendance ? » CONSEIL D’ANALYSE STRATEGIQUE, Antoine BOZIO, Agnès GRAMAIN, Cécile MARTIN, André MASSON, Conseil d’analyse économique, 2016, 6 p. Les notes du conseil d’analyse économique (n° 35), 2016. 6 p. Outre un état des lieux et de la dépendance et des dispositifs de

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Antoine Bozioa, Agnès Gramainb et Cécile Martinc

prise en charge existants, le Conseil d’analyse économique (CAE) formule une série L de recommandations visant à améliorer les politiques publiques de prise en charge de la dépendance. Face aux objectifs parfois contradictoires fixés à l’action publique de prise en charge de la dépendance, le CAE formule deux pistes pour le financement de cette prise en charge : ou étendre l’APA (allocation personnalisée d’autonomie) ou mettre en place une assurance obligatoire. Il propose également d’améliorer l’offre de prise en charge en sortant de l’alternative maintien à domicile/ou placement en établissement en diversifiant les solutions, en assouplissant les normes existantes et en revalorisant les métiers et les carrières des personnels engagés dans le secteur. avec la contribution d’André Massond

Quelles politiques publiques pour la dépendance ?

Les notes du conseil d’analyse économique, n° 35, octobre 2016

e nombre de personnes de plus de 60 ans en situation de dépendance varie de 1,24 million si l’on se réfère au nombre de bénéficiaires de l’Allocation personnalisée d’autonomie, à près de 3,3 millions selon une mesure épidémiologique. Le coût engendré par la dépendance pour les soins, l’hébergement et l’aide informelle se situe entre 41 et 45 milliards d’euros par an, dont 23,5 milliards, soit un peu plus d’un point de PIB, relèvent de la dépense publique. Cette dernière devrait augmenter de l’ordre de + 0,3 à + 0,7 point de PIB d’ici 2040, compte tenu des projections démographiques et épidémiologiques.

Face à cette évolution, l’action publique doit concilier des objectifs en partie contradictoires : améliorer la qualité de services de prise en charge, offrir une couverture efficace et équitable du risque de dépendance, maîtriser les dépenses publiques. La loi d’Adaptation de la société au vieillissement (ASV), entrée en vigueur le 1er janvier 2016, est une avancée importante pour relever le défi. Toutefois des actions complémentaires permettraient de corriger les faiblesses rémanentes du système actuel : défauts de régulation, de transparence, de diversité et de concurrence pour l’offre, manque d’attractivité pour les métiers du secteur, incohérences dans les aides publiques.

Pour mieux réguler l’offre, deux leviers pourraient être actionnés : instaurer des normes minimales d’encadrement en établissement, d’une part, et collecter et diffuser l’information sur la qualité de la prise en charge, d’autre part. Cela permettrait au régulateur d’assurer un meilleur contrôle,

d’adapter la tarification, et aussi d’inciter les établissements à améliorer leurs services face à une patientèle mieux informée. L’augmentation et la diversification de l’offre d’hébergement collectif nécessitent d’assouplir les barrières légales à l’extension des places en hébergement spécialisé et de mieux analyser la demande potentielle pour les résidences à services intégrés. Enfin, il importe de compléter les efforts de formation par une revalorisation des carrières et une amélioration des conditions de travail. Le financement de la dépendance gagnerait également à évoluer. Le système français est organisé pour garantir en théorie le libre choix des personnes âgées dépendantes. Or, des logiques de solidarité différentes pour les dépenses de soins, d’aide et d’hébergement conditionnent largement ce choix en pratique et altèrent par conséquent l’efficacité et l’équité du système. Deux options de réforme sont dès lors envisagées par les auteurs. Une première option consisterait à asseoir le financement public sur le mode de prise en charge le plus efficient, en développant une APA-étendue qui appliquerait une même logique de couverture pour l’ensemble des dépenses imputables à la dépendance, y compris les surcoûts d’hébergement. L’instauration d’un prêt-dépendance pourrait en outre permettre de mieux mobiliser le patrimoine des ménages afin de couvrir les restes-à-charge. Une seconde option, plus ambitieuse, consisterait à instaurer une assurancedépendance obligatoire pour les cas de dépendance lourde. Pour la dépendance légère, la couverture publique serait limitée aux seuls ménages à faibles ressources.

Cette note est publiée sous la responsabilité des auteurs et n’engage que ceux-ci.

a

École d’économie de Paris (PSE), École des hautes études en sciences sociales (EHESS), Institut des politiques publiques (IPP), membre du CAE ; b Université de Lorraine, Bureau d’économie théorique appliquée (BETA) ; c Académie de Caen ; École d’économie de Paris (PSE).

d

En ligne sur le site du Conseil d’analyse économique (CAE) : www.caeeco.fr/Quelles-politiques-publiques-pour-la-dependance.html

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Prise en charge de la dépendance : les attentes des Français, Julien DAMON, Revue de droit sanitaire et social (n° 4), 2019. pp. 747755. Projet , n° 367, 2018, 80 p. Afin de prévenir la dépendance et de promouvoir l’autonomie, il importe de mesurer les aspirations et opinions des Français sur ces sujets. Cet article synthétise les résultats issus de deux grandes enquêtes d’opinion, celle de la DREES et celle du CREDOC, abordant la dépendance et l’autonomie des personnes âgées. Les français souhaitent majoritairement en cas de dépendance, rester vivre chez eux. Ils demandent une implication accrue des pouvoirs publics, concevant pour certains, qu’il soit nécessaire de cotiser et d’épargner davantage. La population impliquée dans l’aide aux dépendants, demande également un soutien renforcé. Ces constats établis et ces attentes hautes ne varient pas dans le temps et il reste bien des choses à faire. 4 [quatre] millions de seniors seraient en perte d’autonomie en 2050 4 millions de seniors seraient en perte Khaled LARBI, Delphine ROY, 2019, INSEE Pred’autonomie en 2050 E mière (n° 1767), 2019. L’étude de l’INSEE estime qu’en 2050, la France pourrait compter 4 millions de personnes de plus de 60 ans en perte d’autonomie, ce qui représente une augmentation de 60 % par rapport à 2015. Pour maintenir constant le pourcentage de personnes en établissement par département, sexe, tranche d’âge et degré de perte d’autonomie, il faudrait que le nombre de places en hébergement permanent en établissements pour personnes âgées augmente de 20 % d’ici à 2030 et de plus de 50 % à l’horizon 2050. N° 1767 Juillet 2019

Les défis de l’accompagnement du grand âge CENTRE D’ANALYSE STRATEGIQUE, Coord. Virginie GIMBERT et Guillaume MALOCHET, Sylvie COHU, Diane LEQUET-SLAMA, 192 p. Ce rapport propose une analyse comparée des systèmes de prise en charge de la dépendance dans six pays de l’Union européenne (Allemagne, Danemark, Italie, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède), ainsi qu’aux États-Unis et au Japon. Il s’agit de resituer le débat national sur la dépendance dans un contexte international en mouvement, de nombreux pays ayant déjà amorcé des réformes ou étant sur le point de le faire. » En ligne sur le site du Conseil d’analyse stratégique : www.strategie. gouv.fr/content/rapport-les-defis-de-laccompagnement-du-grand-age-0

BIEN VIEILLIR Concertation Grand âge et autonomie Dominique LIBAULT, 2019. Le rapport de la mission sur la prise en charge de la dépendance propose 175 préconisations, qui touchent à tous les aspects de la perte d’autonomie des personnes âgées. Le rapport table sur un moindre recours de la population aux Ehpad, grâce à la dynamisation de l’aide à domicile et un congé du proche aidant indemnisé par la Sécurité sociale de façon forfaitaire et universelle. Enfin, les métiers du grand âge seraient valorisés pour rendre ce secteur plus attractif.

n 2015, en France hors Mayotte, selon une définition large englobant domicile et établissement, 2,5bmillions de seniors sont en perte d’autonomie, soit 15,3b% des 60 ans ou plus. Parmi eux, 700b000 peuvent être considérés en perte d’autonomie sévère. Les taux de prévalence de la perte d’autonomie sont plus élevés dans les départements du Massif central, alors qu’ils sont plus faibles dans la région francilienne et à l’Ouest. Les seniors des DOM sont plus fréquemment en perte d’autonomie que ceux du reste de la France, alors qu’ils sont en moyenne plus jeunes. Parmi les seniors de 75bans ou plus, 8,8b% vivent en institution. Ceux des DOM, de Paris et de la Corse vivent plus souvent à domicile que ceux des départements de l’Ouest ou du Massif central.

Si les tendances démographiques et l’amélioration de l’état de santé se poursuivaient, la France hors Mayotte compterait 4bmillions de seniors en perte d’autonomie en 2050, soit 16,4b% des seniors. Les taux de prévalence de la perte d’autonomie augmenteraient fortement dans les DOM et dans le Sud-Est de la France, en raison des effets de structure démographique, alors qu’ils resteraient stables dans les Hauts-de-Seine ou dans la Creuse. Pour maintenir constant le pourcentage de personnes en établissement par département, sexe, tranche d’âge et degré de perte d’autonomie, il faudrait que le nombre de places en hébergement permanent en établissements pour personnes âgées augmente de 20b% d’ici à 2030 et de plus de 50b% à l’horizon 2050.

Khaled Larbi (pôle Emploi-population, Insee), Delphine Roy (Drees)

Le vieillissement de la population est un enjeu primordial des années à venir : la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement entrée en vigueur au 1er janvier 2016 a pour objectif d’anticiper les conséquences du vieillissement (réforme de l’allocation personnalisée d’autonomie, soutien des proches aidants, etc.). En 2015, selon la définition retenue ici, la France hors Mayotte compte 2,5 millions de personnes âgées en perte d’autonomie, soit 15,3 % des personnes de 60 ans ou plus (figure 1). Parmi elles, 700 000 seniors peuvent être considérés en perte d’autonomie sévère. La perte d’autonomie concerne surtout les âges élevés : ainsi, 30,2 % des individus de 75 ans ou plus sont en perte d’autonomie, contre 6,6 % des individus âgés de 60 à 74 ans.

Les seniors sont plus souvent en perte d’autonomie dans le Massif central

En 2015, les taux de prévalence de la perte d’autonomie sont les plus élevés dans les départements du Massif central (figure 2). Déjà connu sur les personnes à domicile [Brunel, Carrère, 2019], ce résultat se retrouve sur le champ du

domicile et des établissements confondus : 20,9 % des seniors sont en perte d’autonomie dans la Creuse. La structure de la population influe sur les taux de prévalence de la dépendance : dans le Massif central, la population des seniors est plus âgée, ce qui augmente donc la part de seniors en perte d’autonomie. Dans le Pas-de-Calais, la population des

1 Nombre de seniors en perte d’autonomie

Nombre de seniors Nombre de seniors en perte d’autonomie À domicile En établissement

2015

2027

2050

16 235 900 2 488 900 1 948 700 540 200

19 933 500 2 958 300 2 347 400 610 900

24 274 500 3 989 200 3 160 200 828 900

Champ : France hors Mayotte, personnes de 60 ans ou plus. Sources : Insee, projections Omphale ; Drees, enquêtes EHPA 2015 et VQS 2014.

En ligne sur www.insee.fr

Le risque dépendance à l’étranger. Dossier Revue de droit sanitaire et social (n° 3), 2019. pp. 377-452. Ce dossier présente de façon synthétique la manière dont les législateurs de divers pays se sont impliqués dans la prise en charge du risque dépendance et ont mis en place des dispositifs publics de solidarité pour répondre aux besoins d’assistance des personnes en perte d’autonomie physique, psychique ou intellectuelle. Le dossier expose les principes fondamentaux régissant l’assurance dépendance des pays proches membres de l’Union européenne (Allemagne, Luxembourg, Pays-Bas, Suède) mais également de pays plus lointains confrontés au vieillissement de leur population et à l’augmentation des personnes âgées dépendantes comme le Japon.

A télécharger au format pdf : https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/ rapport_grand_age_autonomie.pdf

Le soutien à l’autonomie des personnes âgées à l’horizon 2030 HAUT CONSEIL DE LA FAMILLE, DE L’ENFANCE ET DE L’AGE, La Documentation française : 2019, 350 p. Dans un premier temps, le rapport dresse un état des lieux de la situation des personnes âgées en perte d’autonomie : état de santé, modalités d’accompagnement et systèmes de soins proposés dans leurs différents lieux de vie (domicile, habitat alternatif, établissement). Dans un second temps, il identifie les grandes tendances et les enjeux à l’horizon 2030. Ce rapport préconise de renforcer le soutien à domicile, favoriser les résidences collectives et les habitats inclusifs, et améliorer la qualité de vie au domicile et en établissement. En ligne sur le site de la Documentation Française au format pdf : www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics

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GRAND ÂGE ET SOCIÉTÉ Le consentement lors de l’accompagnement de la personne âgée Anne-Laure FABAS-SERLOOTEN, Petites Affiches (n° 129), 2019. pp. 15-21. Lorsqu’il faut accompagner une personne âgée, même s’il est évident que sa volonté doit primer, il n’est pas toujours aisé de respecter ce principe, notamment en présence d’une maladie neurodégénérative. Dans cet article, l’auteur expose la protection offerte par le droit : le recueil du consentement de la personne âgée (en état, et hors d’état de manifester sa volonté) puis analyse la circulation de l’information la concernant. Ultramoderne solitude... Union sociale (n° 307), 2017. pp. 17-25. En France, une personne sur dix se trouve en situation d’isolement. Ce dossier analyse ce phénomène et étudie les causes et les enjeux de ce mal du siècle, ainsi que les réponses apportées par les associations et les acteurs publics pour lutter contre ce fléau. Certaines associations aident ceux que le marché du travail a exclus, au travers d’un accompagnement humain et personnalisé. D’autres associations proposent des visites à domicile de bénévoles auprès de personnes âgées isolées. Dans un entretien, Pierre-Henri Tavoillot, maître de conférences en philosophie à l’Université Paris Sorbonne revient sur le sens de la solitude dans nos sociétés modernes. Grand âge des idées pour recruter. Dossier. Emilie LAY, La Gazette Santé - Social (n° 107), 2014. pp. 17-24. Le secteur des personnes âgées est théoriquement un secteur porteur en termes d’emploi. Pratiquement, il demeure peu attractif et le secteur médico-social a du mal à recruter. Le projet de loi sur l’adaptation de la société au vieillissement et le plan pour les métiers de l’autonomie prévu représentent une opportunité pour relancer le secteur. Sur le terrain, des structures mettent en place des solutions pour répondre aux attentes des professionnels et des pays comme le japon explorent des pistes innovantes pour rendre les métiers du grand-âge attractifs... Des leçons peut-être à tirer des pratiques opérationnelles des acteurs ? Handicap, âge, dépendance : quelles populations ? Dossier Revue française des affaires sociales (n° 4), 2016. 380 p. Ce dossier thématique rassemble des contributions sur l’évolution et la mise en oeuvre des politiques publiques dans le champ de la perte d’autonomie. Des données statistiques sur les personnes handicapées et dépendantes en France permettent de saisir l’importance des populations concernées, leurs caractéristiques principales et les ressources publiques mobilisées, en termes de prestations, d’équipements et de services. D’autre part, trois présentations des politiques publiques mises en place en Suisse, en Allemagne et au Québec, analysent les choix faits par ces pays. Ces articles sont suivis du point de vue du conseil départemental du Pas-de-Calais et de trois contributions détaillant des expériences d’habitat dit « intermédiaire » entre le domicile particulier et l’établissement. Handicap, dépendance, perte d’autonomie : du flou des concepts aux catégories de la politique publique Jean-Claude HENRARD, Revue d’Histoire de la Protection Sociale (n° 8), 2015. pp. 147-166. En France, il existe une distinction entre les personnes en situation de handicap et en situation de perte d’autonomie liée à l’âge. Aujourd’hui, les personnes âgées dépendantes sont exclues du champ du handicap. Cette catégorisation entraîne discrimina-

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tions et inégalités. Lever la barrière des âges soulève des enjeux à la fois conceptuels et institutionnels. Les dépasser pourrait permettre la création d’un nouveau droit social universel « perte d’autonomie » reposant sur la solidarité nationale. C’est en tout cas la position de Jean-Claude Henrard, spécialiste des questions de santé des personnes âgées. Protection des personnes âgées et handicapées : entre droit civil et droit social. dossier. coord. Michel BORGETTO, Revue de droit sanitaire et social (n° 5), 2015. pp. 757-832. Si la protection des personnes âgées en perte d’autonomie et celle des personnes handicapées s’est améliorée en France depuis quelques décennies, des lacunes et des insuffisances subsistent. Le dossier publié par la revue de droit sanitaire et social analyse les caractéristiques et les problèmes posés par la prise en charge du handicap et de la dépendance et l’articulation entre les dispositifs d’aide et de protection sociale existants et les dispositifs civils de protection comme l’obligation alimentaire, les recours en récupération... Ce dossier propose un éclairage européen sur ces questions en examinant en comparaison les systèmes de prise en charge handicap/dépendance de plusieurs pays européens allemand et espagnol.

PLACE DES FAMILLES Accompagner (autrement) le grand âge. Marie-Eve JOEL, Les Editions de l’Atelier : 2014, 141 p. Près de quatre millions d’aidants familiaux interviennent en France auprès de personnes âgées en perte d’autonomie. Ce rôle est complexe. Marie-Eve Joêl, spécialiste des questions d’économie du vieillissement et de la perte d’autonomie, décrit en détail dans ce petit opuscule les tâches et fonctions de l’aidant familial et ses responsabilités. Elle formule une série de propositions en termes de politiques publiques liées à la politique du grand âge. La place des aidants profanes dans les politiques sociales, entre libre choix, enrôlements et revendications. Dossier coord. Olivier GIRAUD, Jean-Luc OUTIN et Barbara RIST, Revue française des affaires sociales (n° 1), 2019. 235 p. La revue analyse la place des aidants profanes dans les politiques sociales. Les

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aidants profanes sont des non-professionnels de l’action sociale, de la santé, du travail ou de l’accompagnement social. Il s’agit le plus souvent des proches, parents plus ou moins éloignés, conjoints, cohabitants, voisins, amis ou relations, qui se trouvent liés à des personnes vulnérables, malades, ou en situation de handicap, en perte d’autonomie et qui sont sollicités, voire enrôlés dans des tâches de solidarité institutionnalisée. Les contributions présentées dans ce numéro apportent différents éclairages originaux sur l’implication des acteurs dans l’aide et l’accompagnement de personnes proches. Le cadre juridique des expérimentations « relayage ». Sorithi SA, EL Travail social actualités (TSA) (n° 100), 2019. pp. 36-37. Le dispositif de relayage est une forme d’aide au répit des aidants de personnes en perte d’autonomie. A titre expérimental, les établissements et services sociaux ou médico-sociaux peuvent proposer des prestations de suppléance d’un proche aidant, en dérogeant au droit du travail, afin d’assurer l’intervention d’un seul et même professionnel plusieurs jours consécutifs au domicile de la personne aidée. Cet article donne le cadre juridique et les conditions de mise en œuvre de ces interventions. Dépendance : les atouts et les limites du baluchonnage David PROCHASSON, Actualités sociales hebdomadaires (n° 3077), 2018. pp. 22-26. Cet article présente le dispositif de plateforme de répit expérimenté en France depuis la loi du 10 août 2018, qui s’inspire du concept du baluchonnage lancé au Québec en 1999. Groupes d’échanges, informations, activités, propositions d’hébergement temporaire, ces plateformes apportent un soutien aux aidants. Du côté des professionnels, les décrets d’application sont attendus et suscitent des inquiétudes en matière de droit du travail. En effet, des dérogations au droit du travail permettront de travailler six jours d’affilés. Les détracteurs s’interrogent également sur les questions de financement, de formation et de santé des intervenants. Du baluchonnage québécois au relayage en France : une solution innovante de répit Joëlle HUILIER, 2017, 54 p. Ce rapport a examiné les conditions de transposition en France du modèle québécois de « baluchonnage », solution d’aide au répit par laquelle des professionnels se relaient plusieurs jours consécutifs au domicile de la personne âgée pour permettre au proche aidant de « souffler ». L’ensemble des acteurs et organisations rencontrés soutient ce dispositif et met en avant son intérêt tant pour la personne âgée, que le proche aidant et le relayeur. Le rapport préconise un modèle d’organisation du relayage en France et propose la mise en œuvre d’une nouvelle prestation : une aide au relayage, déconnectée de l’APA, avec un financement spécifique. Un système dont le rapport suggère d’expérimenter la soutenabilité financière « rapidement » sur 3 territoires. En ligne sur le site du ministère des Solidarité et de la Santé : http://solidarites-sante.gouv.fr

Aider un parent âgé dépendant. Configurations d’aide et interactions dans les fratries en France Quitterie ROQUEBERT, Roméo FONTAINE, Agnès GRAMAIN, Population (n° 2), 2018. pp. 323-349 + annexe. A partir de l’enquête Handicap-Santé (INSEE-DREES 2008-2009), cet article étudie les configurations d’aide familiale autour d’un parent âgé et dépendant en France. L’analyse met en évidence des

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asymétries de genre et de rang concernant la fratrie dans l’aide apportée par les enfants, qui diffèrent aussi selon le type d’aide considérée. La description des configurations d’aide montre que dans les fratries de 2 enfants, les cadets s’impliquent plus souvent que leurs aînés. Aidants familiaux auprès d’un proche âgé : vœux et enjeux : enquête Cap retraite 2015 : principaux enseignements CAP RETRAITE : 2015, 6 p. Cap retraite donne la parole aux aidants familiaux à travers une enquête sur leurs besoins et leurs attentes pour les soutenir dans leur fonction d’aidant. Plusieurs enseignements peuvent être dégagés de ces réponses qui soulignent le déficit persistant d’information des aidants sur leurs droits et sur les dispositifs d’accompagnement existants et des attentes en termes d’aides financières et de soutien psychologique adapté. En ligne sur le portail de la Silver économie : www.silvereco.fr/ enquete-cap-retraite-les-aidants-familiaux-aupres-dun-proche-agevoeux-et-enjeux

MAINTIEN À DOMICILE Une maison de retraite à domicile Sylvaine FREZEL, Actualités sociales hebdomadaires (n° 3112), 2019. pp. 32-36. Cet article présente le dispositif original Ehpad@dom, expérimenté par la Croix Rouge, pour offrir aux personnes âgées des services à domicile et des prestations similaires à celles proposées à des résidents hébergés en EHPAD. Cette solution alternative et personnalisée permet aux seniors d’être accompagnés par une équipe de professionnels dédiés. Cet accompagnement rassure à la fois les familles et les bénéficiaires. Le maintien à domicile a besoin d’aide. Dossier La Gazette Santé - Social (n° 158), 2019. pp. 15-22. Les services d’aide et d’accompagnement à domicile traversent une crise financière et sociale. Leur modèle de financement ne leur permet pas de répondre correctement aux besoins des personnes en matière de maintien à domicile, ni d’offrir des conditions de travail décentes aux employés. Le problème est étudié dans le cadre du projet gouvernemental « Grand âge et autonomie ». Ce dossier présente l’exemple du Danemark dont les services d’aide et d’accompagnement à domicile dépendent des municipalités danoises. Ce service gratuit pour les personnes âgées favorise d’abord leur autonomie. Vivre chez soi soutenu par des aides humaines Vie sociale (n° 17), 2017. 257 p. Ce numéro dresse un état des lieux de l’aide humaine à domicile en France aujourd’hui. En effet, pour les personnes âgées comme pour les personnes en situation de handicap la possibilité de vivre à domicile n’est pas toujours un choix réalisable en toute indépendance de sa famille et ce dossier vise à éclairer un certain nombre d’enjeux cruciaux du point de vue des personnes directement concernées : conflit du travail au domicile, aménagement du logement, droit à la portabilité de l’aide humaine, délégation des gestes de soin. La dernière partie est dédiée à ceux qui font le choix de devenir employeurs de leurs aides humaines et présente les spécificités administratives, juridiques et managériales de ces employeurs en situation de handicap.

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RÉALITÉS FAMILIALES#FAMILLESFACEAUGRANDÂGE#2019

ACCUEIL FAMILIAL Accueil familial : une alternative à la maison de retraite Dossier ROUFF-FIORENZI, Katia, Lien social (n° 1253), 2019. pp. 22-29 Cet article présente le dispositif mal connu de l’accueillant familial, valorisé par la loi de 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement. L’accueil familial concerne les personnes âgées autonomes ou dépendantes qui ne veulent ou ne peuvent plus vivre à domicile et ne souhaitent pas pour autant rejoindre un établissement collectif. Ce dispositif qui compte seulement 18000 places, souffre de reconnaissance professionnelle, de cadre juridique et de fortes disparités territoriales car il dépend de la politique d’accueil des départements. Accueillants familiaux : les oubliés du social Nadia GARADJI, Actualités sociales hebdomadaires (n° 3066), 2018. pp. 18-23. Cet article souligne le manque de visibilité et de reconnaissance professionnelle des accueillants familiaux. Pourtant, la France compte 10 000 accueillants familiaux et 15 000 personnes sont accueillies au domicile de ces particuliers (54 % sont des personnes handicapées et 46 % des personnes âgées). La loi d’adaptation de la société au vieillissement (loi « ASV ») a amélioré certains volets de l’accueil familial, mais de nombreux dysfonctionnements et abus persistent dans l’application de la réglementation au niveau de l’agrément, de la rémunération, de la formation et du droit au chômage. Les accueillants familiaux réclament depuis de nombreuses années un véritable statut.

Les agréments des accueillants familiaux. Sophie ANDRE, Actualités sociales hebdomadaires (n° 2999), 2017. pp. 45-53. Pour favoriser le développement de l’accueil familial des personnes âgées et des personnes handicapées par des particuliers, la loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement, assortie d’un décret du 19 décembre 2016, a modifié la procédure d’agrément. Cet article reprend le cadre juridique et liste les critères nationaux, ainsi que le référentiel qui ont été définis afin d’harmoniser les pratiques d’agrément. La procédure d’agrément est présentée, ainsi que sa durée et sa modification.

INITIATIVES DES UDAF Favoriser la parole du parent vieillissant par la création d’un service de médiation au sein d’une UDAF : Favoriser l’expression de la volonté d’une personne âgée sous mesure de protection juridique. Nora CHEVET-CHALAL, 2014 , 103 p. Face à la problématique de la dépendance, notamment de sa population de majeurs protégés, et de l’altération de l’équilibre familial qui peut en résulter, l’auteur, alors directrice de l’Udaf de la Sarthe, a étudié la possibilité d’élargir la médiation familiale à la médiation intergénérationnelle, afin d’aider à la fois les personnes âgées et les aidants familiaux. Ce document est son mémoire pour l’obtention du Certificat d’aptitude aux fonctions de directeur d’établissement ou de service d’intervention sociale (CAFDES). Après un état des lieux, il expose les différentes étapes du projet. En ligne sur le site de l’EHESP : https://documentation.ehesp.fr

Une exploration du champ de la médiation familiale intergénérationnelle, Guillemette BALDINI, 2014, 2 p. Odyssée (n° 11), 2014. 2 p. Médiatrice familiale au sein de l’Udaf du Cantal, l’auteur fait part de son expérience dans le domaine de la médiation intergénérationnelle, en relatant quelques cas concrets. En ligne sur le site de la Fédération Nationale de la Médiation et des Espaces Familiaux www.mediation-familiale.org, rubrique médiation familiale dans les situations de vieillissement > bibliographie.

La médiation familiale pour résoudre les conflits autour des personnes âgées. Caroline SEDRATI-DINET, Actualités sociales hebdomadaires (n° 2902), 2015. pp. 30-33. La gestion de la dépendance des personnes âgées est parfois source de tensions familiales. La médiation familiale peut être un outil pour débloquer des situations conflictuelles et aider les familles à prendre des décisions dans le respect des droits de leur parent. Le recours à la médiation familiale dans les situations de dépendance liées à l’âge tend à se développer. l

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n°116-117 l 2016 Loisirs et vacances en famille

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Le logement, une question familiale

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L’alimentation au cœur des familles

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