Réalités familiales n°118/119 : Familles et argent

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Réalités R E V U E D E L’ U N I O N N A T I O N A L E D E S A S S O C I A T I O N S F A M I L I A L E S

Familles argent

Union Nationale des Associations Familiales 28, place Saint-Georges, 75009 Paris - Tél. : 01 49 95 36 00 www.unaf.fr I

@unaf_fr ISSN : 0220 9926 - Prix : 10 e

N° 118-119 - 2017



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Réalités N°118-119 / 2017

Sommaire

Familles et argent REVUE DE L’UNION NATIONALE DES ASSOCIATIONS FAMILIALES Magazine édité par L’Union Nationale des Associations Familiales 28, place Saint-Georges 75009 PARIS www.unaf.fr Direction : Présidente et directrice de la publication : Marie-Andrée Blanc Directrice générale : Guillemette Leneveu Rédaction : Rédaction en chef : Laure Mondet Rédaction en chef adjointe : Elise Séaume Secrétariat de rédaction : Cécile Chappe Remerciements à : Fabien Tocqué, Coordinateur du pôle Économie, Consommation, Emploi de l’UNAF Ont participé à ce numéro : Myriam Bobbio, Agnès Brousse, Cécile Dequeker, David Pioli, Lauriane Sochon Impression - Mise en page Hawaii Communication 78310 Coignières 01 30 05 31 51 Crédits photos : X, Shutterstock Diffusion et abonnements : Abonnement annuel (3 numéros) : France : 22 euros Étranger : 25 euros Commande au numéro : Numéro simple : 6,50 euros Numéro double : 10 euros Numéro triple : 13 euros + 3,15 euros de frais de traitement Contact : Service Communication Tél. : 01 49 95 36 00 courriel : realites.familiales@unaf.fr Dépôt légal : Juin 2017 - n°ISSN 0220 9926

ÉDITORIAL Améliorer le niveau de vie des familles par Marie-Andrée BLANC, Présidente de l’UNAF.....3

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AVANT-PROPOS Argent et lien social par Mériadec RIVIERE, Président du Département Economie, Consommation, Emploi de l’UNAF...........4 INTRODUCTION L'éducation économique et financière, enjeu citoyen par Marc-Olivier STRAUSS-KAHN, Directeur général, Études et International, Banque de France........................................................5 LES CHIFFRES-CLÉS................................................6

• L’argent dans les familles, quels enjeux relationnels à travers les différents cycles de la vie ? • L’héritage, épreuve de vérité par Anne GOTMAN, CNRS-CERLIS

État des lieux • Le coût de la vie dans les politiques publiques : un bref historique

par Pierre CONCIALDI, Chercheur, IRES...........8

•L es budgets-types de l’UNAF

Présentation de l’outil........................................... 10

• Droit et argent dans la famille : un « état » à part par Ingrid MARIA, Maître de conférences, Université Grenoble Alpes ................................

...............

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Consommation

• L’éducation à la consommation plus que jamais nécessaire

par Christian GAUTELLIER, Cemea................. 38

• Consommation, numérique et big data

par Martin SCHMALZRIED, Coface..................41

• « Dépenser moins pour vivre mieux ! » Interview de Philippe LÉVÈQUE, créateur d’Ecofrugal Project ..............................44

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• Donation-testament, modalités de transmission

par le Conseil Supérieur du Notariat................ 16

Sophie PONTHIEUX, INSEE.............................. 19

Reproduction interdite sauf autorisation de l’UNAF

Liens familiaux

par Nicole PRIEUR, philosophe........................ 32

• La mise en commun des revenus dans les couples Respectueux de l’environnement, ce document est imprimé sur du papier utilisant la certification forestière PEFC (Programme européen de certification forestière). La certification PEFC donne l’assurance que le papier que nous utilisons est issu de pâtes produites à partir de forêts gérées durablement.

Analyse

• Niveau de vie des familles, inégalités : état des lieux et impact de la crise par Fabien TOCQUÉ, UNAF.............................. 23

• Microcrédit : « Pour un changement d’échelle du dispositif » Interview de Géraldine LACROIX, Caisse des Dépôts (CDC).................................... 30

Politiques publiques

• Les familles comme agents économiques par Henri STERDYNIAK, économiste, OFCE......46

• Les ruptures conjugales : un coût élevé pour les femmes… par Cécile BOURREAU-DUBOIS et Myriam DORIAT-DUBAN, Université de Lorraine......

• Agrandir la famille : un arbitrage complexe entre temps et argent par Yvon SERIEYX, UNAF.................................

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Education budgétaire

• Education financière : limites et perspectives

par Morgane LENAIN, UNAF.............................53


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RÉALITÉS FAMILIALES#FAMILLES ET ARGENT

Familles et argent • Budgets de familles pauvres et comptabilité administrative

par Ana PERRIN HEREDIA, CNRS.............. 55

•M es questions d’argent : un outil pédagogique pour tous

par Stéphane TOURTE, Banque de France.......58

•L es mots du crédit et de la banque au quotidien par le Comité consultatif du secteur financier,..................................................................60

Aux côtés des familles

• Deux actions en faveur des accédants à la propriété

Les services des UDAF

• Animations budgétaires

• Points conseil budget et services « Information et soutien au budget familial » .............................................................. 62 • Microcrédit personnel garanti ........... 64 • Aide éducative budgétaire .................... 66 • Accompagnement en économie sociale et familiale ...................................... 68 • Mesure d’aide à la gestion du budget familial ....................................... 70

par l'UDAF 35.........................................................76 par l'UDAF 46.........................................................77

• Accompagner les familles dans la gestion de leur budget

par l'UDAF 53.........................................................78

• Voyage au pays du caddie

par l'UDAF 79.........................................................79

Initiatives des associations familiales • Le réseau local de solidarité, outil de transformation sociale

par le CNAFAL........................................................80

• Mandataires judiciaires à la protection des majeurs .................. 72

• Nos associations en action

Initiatives des UDAF

• Les aides à nos adhérents

• L’aide à la gestion du budget des réfugiés

par l'UDAF 11.........................................................74

• « Budget et vie quotidienne » avec des jeunes issus de la Protection de l’Enfance par l'UDAF 16......................................................... 75

par Familles de France........................................81 par la FAVEC...........................................................84

• Capital affectif

par Enfance et familles d’adoption ................ 85

• La famille et l’argent

par Femmes actives et foyer............................... 86

• L’argent : un levier essentiel vers l’autonomie

par SOS Villages d’Enfants.................................87

Bibliographie

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Edito Améliorer le niveau de vie des familles Marie-Andrée BLANC Présidente de l'UNAF

Les familles sont confrontées aux questions d'argent à tout moment et aux grandes étapes de la vie : assurer le quotidien, louer ou acheter un logement, se mettre en couple, accueillir une naissance, élever ses enfants, accompagner un jeune vers l’autonomie, perdre un être cher ...

Pour la défense d’un niveau de vie décent

Depuis leur création, les associations familiales, les UDAF et l’UNAF ont pour objectif de défendre le pouvoir d’achat des familles et agissent pour le développement d'une politique familiale forte, efficace, et pérenne. L’UNAF est à l’origine de la création des budgets-types. Ces budgets identifient les besoins des familles en fonction de leur composition, et calculent les sommes nécessaires pour les couvrir dans des conditions de vie décentes. Créé en 1952 et sans cesse actualisé, cet outil original permet une expertise des besoins des familles en mesurant l'apport de telle ou telle prestation dans leur budget ou encore en comparant le montant des minimas sociaux au regard des niveaux de vie réels. Utilisés comme références par de nombreux professionnels, les budgets-types permettent à l'UNAF de représenter efficacement les familles et d'étayer les avis qu'elle rend aux pouvoirs publics, afin d'orienter les politiques touchant à leur pouvoir d'achat.

Accompagner les familles au quotidien pour prévenir leurs difficultés budgétaires

Au plan national, l’UNAF représente les familles dans de nombreuses organisations (Conseil national de la consommation, Comité consultatif du secteur financier, Conseil national d’éducation financière, Observatoire de l’inclusion bancaire…). Dans les départements, elle est le premier réseau associatif siégeant dans les Commissions de surendettement. Mais c’est d’abord sur le terrain que l’institution familiale intervient auprès des familles pour les accompagner et prévenir les difficultés budgétaires. Les UDAF sont ainsi le premier réseau opérateur de Plateformes microcrédit et de Points conseil budget. Elles développent dans la même lignée des Services d’Information et soutien au budget familial (ISBF). Auprès des familles vulnérables, elles exercent des mesures de protection judiciaire des majeurs et accompagnent les familles dans la gestion des prestations familiales dans l’intérêt de l’enfant par le biais des mesures judiciaires d’aide à la gestion du budget familial (MJAGBF). L’UNAF et les UDAF, avec l’ensemble de leur réseau, s’appuient sur cette connaissance du terrain dans chacun de leurs échanges avec les décideurs publics. Familles consommatrices, familles productrices de richesses, familles bénéficiaires de prestations, mais aussi familles vulnérables : ce numéro de Réalités Familiales s’intéresse à la question de l’argent sous le prisme familial.


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RÉALITÉS FAMILIALES#FAMILLES ET ARGENT#2017

Avant-Propos Argent et lien social Mériadec RIVIERE Président du département « Economie, Consommation, Emploi » de l'UNAF

On ne saurait certes restreindre les problématiques familiales à la seule question de l’argent. Il n’en demeure pas moins que les familles représentent une part importante des consommateurs et de la population active. Des consommateurs et des travailleurs particuliers, car ayant charge d’enfants : l’UNAF leur dédie ses efforts, et ce sur de nombreux fronts.

Défendre une fiscalité qui protège le budget des familles

Très impliquée sur la question de la fiscalité, tant nationale que locale, l’UNAF a pris position dans le débat entre imposition commune ou séparée des conjoints. Après diverses études, elle s’est prononcée en faveur du maintien de l’imposition commune car ce mode de calcul, en vigueur depuis 1945, est celui qui prend le mieux en compte la réalité économique et sociologique de la famille. Il ne constitue nullement, comme le prétendent certains milieux, une désincitation au travail des femmes. L’UNAF a aussi conduit avec les UDAF en 2014 une enquête sur la prise en compte du fait familial par les collectivités locales dans la fixation de la taxe d’habitation. Il en ressort que si 45% des structures intercommunales utilisent la faculté donnée par la loi de majorer les abattements pour charge de famille, seules 9% des communes y recourent. Qui plus est, nombre de décideurs locaux ignorent cette faculté. Quant à la tarification des services publics locaux, on notera qu’un tiers seulement des communes prennent en compte la taille de la famille dans la tarification de la cantine scolaire et la moitié d’entre elles pour les services périscolaires.

Aux côtés des plus vulnérables, au plan national et sur le terrain

En lien avec d’autres institutions telles que la Banque de France et la COFACE1, l’UNAF, et les UDAF via les commissions de surendettement, se préoccupent de l’inclusion financière des familles. Trop d’entre elles sont en effet exclues des services financiers de base. L’UNAF a ainsi émis des recommandations destinées tant aux pouvoirs publics qu’aux établissements financiers. Tout récemment, l’UNAF s’est penchée sur la question de la fusion éventuelle des minimas sociaux. On peut penser qu’une telle fusion pourrait permettre de réduire le taux de non-recours. Néanmoins, l’UNAF a appelé l’attention sur les différentes incidences d’une telle refonte : l’allocataire sera-t-il le foyer ou les individus qui le composent ? Les prestations familiales doiventelles être prises en compte dans le seuil de ressources ? Comment prendre en compte la charge d’enfants et quelle incidence sur leur rattachement au foyer fiscal ? L’argent est donc important pour toutes les familles. Au niveau local, les UDAF sont à leurs côtés sur le terrain de la gestion du budget familial. Mandataires judiciaires, délégués aux prestations familiales, aide à la gestion du budget… Les services gérés par les UDAF couvrent des situations sociales et familiales très diverses. Partout en France, des services et des actions adaptés aux réalités des territoires sont développés en lien avec les associations familiales. Je vous invite à les découvrir dans la rubrique « Aux côtés des familles » qui leur est consacrée. 1/ Confédération des associations familiales en Europe


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Introduction L'éducation économique et financière, enjeu citoyen Marc-Olivier STRAUSS-KAHN Directeur général, Études et International, Banque de France

L

es sujets liés à l’argent et, plus généralement, les débats économiques et financiers suscitent des réactions apparemment contradictoires chez les Français. D'un côté, ces derniers les trouvent souvent complexes voire abstraits. Ils obtiennent des scores inférieurs à ceux de nombreux voisins européens sur des questions standards relatives aux taux d'intérêt ou à l'inflation ; et les tests (PISA) de l'OCDE nous placent en dessous de la moyenne pour les connaissances financières des jeunes de 15 ans. D'un autre côté, les sondages témoignent d'une grande curiosité, d'un désir d'en savoir plus dans ces domaines aussi importants pour la vie quotidienne que pour les grands choix citoyens. La Banque de France a acquis de longue date une expérience concrète des besoins d'information de nos concitoyens en matière d’éducation économique et financière : par exemple, elle aide à résoudre chaque année les dossiers de quelque 200 000 familles surendettées ; elle accueille de nombreux jeunes d'âge scolaire dans ses ateliers pédagogiques ; elle développe sur son site internet des publications diverses dont les fiches et dossiers "ABC de l'économie", etc. L'action de la Banque de France va désormais au-delà de ces réalisations déjà importantes. En 2016, l’État l’a désignée comme opérateur de la stratégie nationale d'éducation financière. En janvier 2017, elle a ouvert le portail internet dédié à l'éducation budgétaire et financière mesquestionsdargent.fr dont traite plus en détail un article de ce numéro. Chacun peut y trouver des réponses à ses questions du quotidien. Et, pour aider à replacer les sujets de finances personnelles dans le cadre économique au sens large, elle a lancé un grand projet citoyen : Citéco, la Cité de l'économie et de la monnaie. Fin 2018, Citéco ouvrira à Paris sous la forme d’un musée innovant présentant l'économie de manière accessible, interactive et ludique. Dès maintenant, le site citeco.fr, déjà très sollicité notamment par les enseignants, propose de nombreuses ressources pédagogiques (vidéos, visualisations de données, frises historiques, dossiers, etc.) : on y parle notamment croissance, crises, concurrence, marché du travail, budget de l’État, politique monétaire... Plusieurs de ces actions de la Banque de France sont menées en partenariat avec les autres grands acteurs de la pédagogie économique et financière, dont certains témoignent de leurs expériences dans ce numéro de Réalités familiales. En cette période de complexification croissante des échanges, il est encore plus nécessaire de réduire les inégalités d'accès aux savoirs économiques et financiers. Un accès élargi à la connaissance doit contribuer à faire reculer les situations de fragilité que connaissent trop de familles. Mieux comprendre permet de mieux décider, pour soi-même, pour sa famille, pour son territoire, pour son pays.

Agir en partenariat pour diminuer les inégalités d'accès aux savoirs économiques et financiers.


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RÉALITÉS FAMILIALES#FAMILLES ET ARGENT#2017

Familles et argent

Chiffres

clés

Définition : le niveau de vie est le revenu disponible d’un ménage (revenus d’activité, de remplacement, de patrimoine + prestations sociales) divisé par le nombre d’unités de consommation (UC).

Niveau de vie médian en 2014 selon la composition familiale (Source : INSEE)

1712

e

1184e

par mois par UC.

1500e

par mois par UC.

2067e

minimum décent pour vivre pour 1 personne

par mois par UC.

(budgets de référence de l’ONPES)

Définition : le seuil de pauvreté monétaire correspond à 60% du niveau de vie médian de la population.

1008Emensuels

Soit

Surendettement

194 194 dossiers

8,8millions

41%

de personnes vivent sous le seuil de pauvreté monétaire en France.

Soit

14%de la population

des personnes vivant dans une famille très nombreuse (4 enfants et +) vivent sous le seuil de pauvreté en 2013.

Dépenses sociales de la Nation en faveur des familles 12% Autres

de surendettement déposés à la Banque de France en 2016

17% Dépenses fiscales dont quotient familial

52%

Héritages & successions

+ de 10 millions

de Français ont déjà connu des disputes d'héritages

3,5 + demillions de Français ont déjà rédigé leur testament

(Source : Sondage BVA / Chambre des Notaires de Paris , 2011)

Prestations familiales

19% Droits familiaux de retraite

Sources : Drees-CPS, base 2010 ; Drees-modèle Ines 2013 ; Drees-EIR 2012 ; Rapport annuel de performance 2013 du programme Solidarité, insertion et égalité des chances ; PQE famille du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015, Rapport de la Commission des comptes de la Sécurité sociale de septembre 2014.)

Entraide familiale

Argent de poche

40%des 6-15 ans

7 Français sur 10 déclarent avoir déjà apporté une aide financière à leur famille : ils donnent en moyenne

154

e

/mois

(Source : Baromètre « argent et entraide familiale : où en sont les Français », avril 2017, Carac/Opinion Way.)

reçoivent de l'argent de poche, en moyenne

e 19 par mois (Source : sondage CSA-Crédit Agricole, 2009).

e e

e


État des lieux Que peut-on savoir des familles à travers le prisme de l’argent ? Unité de mesure, il peut quantifier et le niveau de vie des familles, déterminer un minimum vital ou décent pour vivre, compenser les inégalités entre elles… Moyen de change, il est « pratiqué » de façon si particulière à l’intérieur des familles, que le droit en fait un « état » à part. Tour d’horizon.

#8-32


État des lieux

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RÉALITÉS FAMILIALES#FAMILLES ET ARGENT#2017

Le coût de la vie dans les politiques publiques : un bref historique Combien faut-il pour vivre au minimum et quel est le salaire nécessaire pour faire face à ces besoins ?

L Pierre CONCIALDI Chercheur à l’IRES (Institut de recherches économiques et sociales)

Lire aussi l’article sur les budgets-types page 10.

a publication en 2015 des budgets de référence de l’ONPES (Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale) apporte des réponses à ces questions et peut servir de guide à l’action publique. Ces budgets ont une grande parenté avec les budgets-types élaborés de longue date par l’UNAF. C’est après la création du SMIG* (Salaire minimum interprofessionnel garanti) en 1950, que l’institution a commencé à produire ces budgets à partir de 1952. Cette question reste toujours d’actualité pour la définition des politiques publiques.

Le SMIG et les premiers budgets-types

*SMIG : Salaire minimum interprofessionnel garanti *SMIC : Salaire minimum interprofessionnel de croissance

A l’issue de la période de blocage des salaires et du contrôle des prix qui a suivi l’immédiate fin de la seconde guerre mondiale, la loi du 11 février 1950 encadre la liberté contractuelle tout en laissant au gouvernement la possibilité de fixer un salaire minimum obligatoire. La Commission supérieure des conventions collectives (CSCC), qui réunit des représentants du patronat et des syndicats ainsi que l’UNAF, a pour mission d’élaborer ce budget. Les délibérations de cette Commission sont très conflictuelles, notamment entre le patronat et la CGT, et ne permettent pas de déboucher sur une définition et un chiffrage communs. Devant ce blocage, le gouvernement fixe unilatéralement le salaire horaire minimum (SMIG) à

78 Anciens francs (AF) en août 1950, à distance à peu près égale des positions patronales et syndicales, ce qui équivaut à un salaire mensuel de 15 650 AF (pour 45 heures de travail hebdomadaires, dont 5 au tarif majoré des heures supplémentaires). En 1951 et 1952, il faut revaloriser ce salaire minimum en fonction de l’inflation qui est forte à cette époque. De nouveaux désaccords apparaissent au sein de la CSCC et le gouvernement tranche à plusieurs reprises de façon unilatérale. La loi du 18 juillet 1952 instaure ensuite l’échelle mobile des salaires, laquelle est basée sur l’indice des 213 articles calculé par l’INSEE. Elle fixe aussi comme mission à la CSCC de se réunir une fois par an pour suivre l’évolution du coût de la vie. Les syndicats refusent de siéger tant qu’un autre budget-type n’aura pas été discuté. Sous la pression syndicale et, surtout, à la suite des grandes grèves de 1953, le Gouvernement se résout à réunir la Commission supérieure pour un nouvel exercice d’élaboration d’un budget-type. En décembre 1953, la CSCC adopte à la majorité - sans les voix du patronat qui vote contre - un budget type de 25 166 AF. Cette décision est d’une grande portée puisqu’à l’époque 6,5 millions de salariés (un peu plus de la moitié) gagnent moins que ce salaire minimum. Ce sera l’objectif revendicatif du mou-

vement syndical, en particulier pour la CGT.

Politique de l’indice et mesure du coût de la vie

Le centre de gravité du débat public se déplace alors vers la mesure des prix et du coût de la vie. La controverse est d’abord nourrie par l’attitude du gouvernement. La loi prévoit en effet une hausse automatique du SMIG dès que l’inflation dépasse le seuil de 5 %. Dans la mesure où la liste précise des 213 articles retenus dans l’indice INSEE est publique, les gouvernements successifs s’efforcent de contenir la progression de l’indice par divers artifices, ce qui mine la crédibilité de l’indice INSEE. Cette politique de l’indice culmine avec le gouvernement de Guy Mollet de 1956 qui ira jusqu’à détaxer ou subventionner divers produits contenus dans l’indice. Elle s’affiche plus clairement à partir de 1957 quand le gouvernement décide, par décret, de fixer luimême la composition de l’indice, l’INSEE étant simplement chargé de le calculer à côté de son propre indice des prix. Ce n’est qu’en 1966 que le gouvernement acceptera de retenir le nouvel indice de l’INSEE (fondé désormais sur 295 articles) pour la revalorisation du SMIG. Après la forte revalorisation du salaire minimum en 1968 puis la création du SMIC* (Salaire minimum interprofessionnel de croissance) en 1970, la contro-


État des lieux

verse se poursuit. Elle vise désormais directement l’INSEE. Le SMIC est en effet automatiquement indexé sur l’inflation et doit être revalorisé quand celleci dépasse 2 %. L’indice des prix à la consommation (IPC*) de l’INSEE constitue la référence. Cependant, cet indice mesure l’évolution moyenne des prix et non l’évolution du coût de la vie qui est un indice des dépenses réelles des ménages. L’évolution du coût de la vie intègre ainsi les variations des quantités consommées mais aussi les changements de qualité des produits qui, parfois, s’imposent aux consommateurs alors que l’INSEE mesure la variation des prix à « qualité d’usage équivalente ». Ces différences nourrissent jusqu’à la fin des années 1970 une controverse, qui sera notamment portée par la CGT. Cette controverse s’estompe avec la montée du chômage et la désinflation qui accompagne la politique de rigueur amorcée à partir de 1983.

La montée de la précarité et la question des dépenses « contraintes »

Le débat resurgit dans les années 1990. La précarité des conditions de vie s’accentue et le décalage entre l’IPC mesuré par l’INSEE et l’inflation « ressentie » devient de plus en plus fort. C’est notamment le cas après le passage à l’euro au tournant des années 2000. Une des raisons de ce décalage tient à la place des dépenses dites contraintes (ou pré-engagées) qui focalise désormais de plus en plus l’attention. Dans le budget des ménages, un certain nombre de dépenses (logement, impôts, assurances,…) ne sont pas maîtrisables à court terme et l’arbitrage se fait sur le « reste à vivre » ; c’est à ce niveau - sur le revenu dit « arbitrable » selon la terminologie de l’INSEE que la hausse du coût de la vie est davantage perçue par les ménages. Avec l’envolée des loyers - entre autres – la pression sur les

budgets des ménages devient, au jour le jour, de plus en plus forte, comme en témoignent les préoccupations croissantes du CNLE (Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale) et de l’ONPES sur cette question des dépenses contraintes. C’est dans ce contexte que l’ONPES décide d’engager en 2012, à la suite des études pionnières menées au Royaume-Uni, une étude sur la construction de budgets de référence visant à mesurer le budget minimum nécessaire « non seulement pour faire face aux nécessités de la vie quotidienne… mais aussi pour participer à la vie sociale ».

Budgets de référence de l’ONPES : une question sociale renouvelée ?

La construction des budgets de référence de l’ONPES s’appuie sur une démarche originale qui réunit des groupes de citoyens en vue d’élaborer la liste des biens et services nécessaires, au minimum, pour avoir un niveau de vie décent et pouvoir participer à la vie sociale. Ces paniers de biens et services sont élaborés pour un certain nombre de familles types vivant dans des villes moyennes1. En raison de la place importante des dépenses de logement, ces budgets sont construits selon deux hypothèses (logement en parc social et logement en parc privé). Le but est de construire un consensus argumenté et non un simple consensus d’opinions

1/ Une extension de ce projet à des familles vivant en zone rurale est actuellement en cours. 2/ Inégalités, éditions du Seuil, 2016.

majoritaires. Les résultats sont proches de ceux des budgets types de l’UNAF. Mais cette démarche permet de valider une norme sociale à travers un processus participatif inédit, ce qui lui confère une légitimité sociale beaucoup plus forte. Le résultat majeur que retient l’opinion publique est le montant chiffré de ce budget pour une personne seule : environ 1 500 euros par mois. Le salaire nécessaire pour couvrir ces dépenses est bien supérieur au montant du SMIC actuel. Ce dernier devrait être revalorisé d’environ 40 % pour devenir un « living wage », comme l’a proposé un des experts des questions d’inégalités, Anthony B. Atkinson, dans son dernier livre2. Un autre enseignement important de ces budgets porte sur la prise en compte des besoins des enfants qui apparaît sous-estimée, à ce niveau minimum de ressources, avec les échelles d’équivalence usuelles. Quelle pourra être l’impact de ces budgets de référence sur la définition des politiques publiques ? Il est encore trop tôt pour le dire même si les usages possibles sont multiples. Avec la prise de conscience de plus en plus aiguë des limites des politiques de croissance, il ne fait guère de doute cependant que cette question devrait prendre dans les années à venir une place de plus en plus importante dans le débat public. l

*IPC : Indice des Prix à la Consommation

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État des lieux

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RÉALITÉS FAMILIALES#FAMILLES ET ARGENT#2017

Les budgets-types de l’UNAF L’UNAF développe et perfectionne depuis les années cinquante des budgets-types visant à évaluer les besoins pour que les familles puissent vivre dans des conditions décentes. Ces budgets identifient les besoins d’une famille-type et calculent ainsi les sommes nécessaires pour les couvrir.

A

fin d’évaluer le montant des dépenses de subsistance pour des familles de référence, l’UNAF calcule chaque mois des budgets-types. Ces budgets ne décrivent pas ce que dépensent effectivement les familles, mais déterminent le niveau des dépenses estimées nécessaires pour qu’une famille vive sans privation, en fonction de sa composition.

Des budgets de besoins

Un budget réel est un budget de ressources, qui part des moyens disponibles pour les affecter le plus judicieusement possible aux différents postes de dépenses. Les budgets de l’UNAF sont des budgets de besoins, dont la démarche est inverse : ils identifient les besoins d’une famille-type et calculent ainsi les sommes nécessaires pour les couvrir. Il importe de ne pas confondre un tel budget de besoins avec le budget réel observé d’une famille, car les comptes ne sont pas effectués de la même manière. Les budgetstypes calculent un minimum décent, pas un minimum vital. Le but n’est pas d’assurer la survie, mais la vie, dans des conditions modestes mais convenables. C’est aussi un minimum décent qui suppose une gestion soigneuse des ressources.

La construction des budgets-types

Pour construire les budgetstypes correspondant à ce dont devraient disposer les familles pour vivre de façon décente, l’UNAF s’est appuyée sur 4 grandes sources de normes.

•L es recommandations scientifiques : Pour élaborer les besoins alimentaires mensuels, l’UNAF utilise, par exemple, les recommandations nutritionnelles en vigueur (exemple : 5 fruits et légumes par jour). Dans le calcul des budgets-types, il n’y a pas de consommation de tabac... •L es dispositions règlementaires : Par exemple, pour établir la surface du logement, l’UNAF s’appuie sur l’arrêté du 10 juin 1996 relatif aux caractéristiques techniques des opérations de construction, d’amélioration d’immeubles. L’âge minimal pour l’usage de la téléphonie mobile (14 ans) est établi à partir de l’article L5231-3 du code de la santé publique. •L es préconisations de l’UNAF : L’UNAF considère, par exemple, qu’un départ en vacances de 3 semaines fait partie du minimum décent d’une vie familiale. L’UNAF considère également que, du fait des économies d’eau, de temps et d’énergie qu’il permet, le lave-vaisselle fait partie du minimum décent d’une vie familiale. •L es pratiques observées : Pour l’évaluation du poste transport, les budgets-types utilisent, par exemple, les données de l’enquête Transport qui indique les kilomètres moyens quotidiens parcourus par personne en France métropolitaine. Une particularité importante du mode de calcul des budgetstypes est d’enregistrer chaque mois l’équivalent monétaire de la « partie consommée » de

chaque bien ou service, compte tenu de leurs « durées de vie » ou d’utilisations respectives. Dans les budgets « réels », les individus comptabilisent le prix d’un objet ou d’un service en une seule fois, dans le mois de l’achat (sauf si l’achat se fait en plusieurs fois ou à crédit). Dans les budgets-types, le même panier de consommation se répète chaque mois, les dépenses sont « mensualisées ». Par exemple, alors que le coût de la rentrée scolaire pèse surtout sur le budget réel des familles au mois de septembre, ce coût est réparti mensuellement sur toute l’année dans les budgets-types. Le budget-type tient compte de la « durée de vie » des objets. Si elle est de dix mois, on comptera pendant dix mois un dixième du prix - prix qui peut bien entendu varier en cours de période à cause de l’inflation. Cette spécificité comptable impacte la façon dont on doit « lire » chaque montant mensuel de dépenses en biens et services dans les budgets-types. Ainsi, il faut comprendre ces derniers comme des montants de dépenses à réaliser sous l’hypothèse d’un amortissement mensuel. Remarquons enfin que cet amortissement n’est pas un amortissement au sens financier, puisque ne faisant pas l’objet d’une actualisation à un taux déterminé. Les budgets-types présentent certaines limites qu’il convient de préciser. Les familles des budgets-types ne comportent pas d’enfants de moins de 6 ans ni de jeunes adultes, leurs besoins étant trop variables et difficiles à


État des lieux

Les budgets-types suivent 8 types de familles ➜ Budget-type A : un homme, une femme, deux garçons âgés de 6 à 13 ans

➜ Budget-type E : un homme, une femme, un adolescent de 14 ans ou plus

➜ Budget-type B : un homme, une femme, et un adolescent et une adolescente âgés de 14 ans ou plus

➜ Budget-type F : un homme, une femme, 2 adolescents garçons âgés de 14 ans ou plus, et une fille de 6 à 13 ans

➜ Budget-type C : une femme, deux garçons âgés de 6 à 13 ans

➜ Budget-type G : un homme, une femme, un adolescent de 14 ans ou plus et une fille de 6 à 13 ans

➜ Budget-type D : un homme, une femme, deux garçons âgés de 6 à 13 ans et un adolescent et une adolescente âgés de 14 ans ou plus

modéliser. Toutefois, l’UNAF entreprendra prochainement un travail pour incorporer ces deux catégories dans les budgets-types. Le budget théorique traduit tout en sommes d’argent et ne prend donc pas en compte les économies réalisées grâce aux avantages en nature, à l’autoconsommation ou à la solidarité intergénérationnelle ou amicale : habillement, entretien et bricolage, potager… Par ailleurs, nos budgets-types sont homogènes sur l’ensemble du territoire. Enfin, ils sont calculés hors fiscalité directe et sans épargne. En revanche, la TVA est prise en compte dans le calcul des dépenses.

Une référence à suivre dans le temps

Le calcul d’un budget théorique par l’UNAF résulte de la volonté de mesurer, dans un contexte économique et social donné, les sommes nécessaires chaque mois pour satisfaire, dans des conditions décentes mais modestes, les besoins de base d’une famille-type, afin de lui assurer un niveau de vie « minimum décent », c’est-à-dire en dessous duquel commencent les risques de privation. On peut ensuite confronter ce budget de besoins avec la réalité des ressources des familles et ainsi donner un avis sur le niveau d’une prestation, d’un loyer, ou d’une cotisation...

L’actualisation mensuelle des budgets-types permet de disposer d’un indice d’évolution des dépenses. Il est différent de l’indice des prix à la consommation de l’INSEE car le panier de biens et de services est composé différemment. Cette évolution mensuelle permet d’évaluer la variation des ressources indispensables au maintien du niveau de vie. Par ailleurs, la révision régulière des normes et de la composition des paniers permet de tenir compte de l’évolution des comportements de consommation et des besoins réels des ménages.

Un outil au service des familles

Cet outil est utile dans l’accompagnement à la gestion du budget familial. Le recensement des besoins donne un repère et les familles peuvent le comparer avec leur propre budget. Par exemple, les budgets-types permettent d’informer sur l’alimentation saine et équilibrée et son coût. En cas de séparation, ils permettent aussi d’aider à évaluer les charges. Il est également utile aux représentants familiaux. Dans les commissions de surendettement ou de logement, ils se servent des simulations des budgets-types pour évaluer les besoins des familles. Dans les centres communaux d’action sociale, utilisé comme repère pour évaluer les privations dont souffrent certaines parties de la

➜ Budget-type H : une femme, et un adolescent de 14 ans ou plus.

population, les budgets-types permettent aux représentants de préciser les biens et les services qui pèsent le plus dans les budgets. Dans les CAF, à partir de ce repère, les représentants familiaux peuvent par exemple évaluer la compensation des charges familiales, et ainsi connaître le taux de couverture des allocations familiales ou encore savoir si l’allocation de rentrée scolaire permet de faire face aux dépenses liées à la scolarité. Enfin, c’est un outil utile aux professionnels. Les juges aux affaires familiales, les avocats s’appuient sur les budgets-types pour déterminer le montant des pensions alimentaires. Les travailleurs sociaux, en particulier les conseillers en Économie Sociale Familiale, les utilisent comme outil d’accompagnement budgétaire des familles. Par exemple, dans des dispositifs du type « famille gouvernante », le poste Alimentation représente un repère pour allouer le budget dédié à la nourriture. Enfin, avec les budgets-types, les journalistes disposent d’informations pour illustrer leurs articles. Les banquiers peuvent quant à eux appréhender l’impact sur les budgets des différentes compositions familiales (famille monoparentale, nombreuse, etc.), mais également des différentes hausses de TVA. l

EN SAVOIR

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Retrouver toute la documentation mise à jour et les résultats mensuels pour les 8 types de familles sur le site www.unaf.fr

www.unaf.fr

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RÉALITÉS FAMILIALES#FAMILLES ET ARGENT#2017

Droit et argent dans la famille : un “état” à part Si les rapports familiaux ne relèvent plus seulement du Code civil aujourd’hui, ils seront néanmoins examinés presque exclusivement à l’aune de ce code tant celui-ci est déjà riche d’enseignements sur le thème « argent et famille ».

Ingrid MARIA Maître de conférences HDR à l’Université Grenoble Alpes

L

e Code civil n’use pas du terme « argent » lorsqu’il traite des liens familiaux. Ce vocable n’apparaît en effet dans le Code civil que pour décrire une modalité d’exécution d’une obligation et pour désigner les légataires de sommes d’argent par opposition aux légataires de biens. En réalité, lorsqu’il est question d’argent dans les relations familiales, le droit civil se réfère tantôt aux « aliments » (avec ses corollaires que sont l’obligation alimentaire et la pension alimentaire), aux « subsides » ou encore à des « contributions » ou autres « prestations ». Une fois dépassé ce constat formel qui permet toutefois d’identifier ce que l’objet d’étude impose d’envisager, il est aisé de noter que l’argent a sa place dans toutes les relations familiales : dans un cercle familial restreint comme dans un cercle familial plus large. Il s’agit tantôt de mettre à la charge de certains membres de la famille des obligations alimentaires permettant de subvenir aux besoins d’un proche nécessiteux tantôt de tirer les conséquences du mode de conjugalité choisi.

LES OBLIGATIONS ALIMENTAIRES AU SEIN DE LA FAMILLE Quelques précisions liminaires. Aliments vient du latin alo, ere qui signifie grandir, nourrir. Ainsi, la notion d’aliment implique l’affectation de certains biens aux besoins

essentiels de la vie. Il existe évidemment des obligations alimentaires en-dehors de la famille mais cette dernière est un terreau fertile à ces obligations. Elles traduisent une solidarité familiale imposée par le législateur. Malgré leur diversité, les obligations alimentaires intrafamiliales obéissent à des règles communes.

Des obligations diverses

Deux types d’obligations. Ces obligations sont tantôt réciproques (celles-là seules sont parfois désignées comme véritables obligations alimentaires par les juristes ; cependant pour plus de commodité nous envisageons la notion d’obligation alimentaire largement dans cet exposé) c’est-à-dire qu’elles contraignent indifféremment les deux personnes liées (dès lors que l’une se trouve dans le besoin, l’autre peut être obligée à lui verser des aliments), tantôt unilatérales c’est-à-dire imposées à une seule personne au profit d’une autre. Les obligations réciproques. Elles sont présentées aux articles 203 à 211 du Code civil comme un effet du mariage. La présentation est obsolète et, partant, erronée. Si ces obligations existent entre époux et entre certains alliés (c’est-à dire entre un époux et certains membres de la famille de son conjoint), elles sont également imposées entre certains parents (le lien de parenté pouvant se définir comme le lien qui unit

deux personnes descendant l’une de l’autre ou d’un auteur commun). • Entre les époux, d’abord, l’obligation alimentaire prend la forme du devoir de secours (art. 212 du Code civil) qui est l’obligation pour chaque époux de fournir à son conjoint, si celui-ci est dans le besoin, tout ce qui lui est nécessaire pour vivre. Ce devoir est donc normalement soumis à la démonstration de l’état de besoin du créancier. •E ntre alliés, l’obligation alimentaire n’existe qu’entre beaux-parents et gendre ou belle-fille (art. 206 du Code civil) à la condition, bien sûr, que le mariage ne soit pas dissout. •E ntre parents, l’obligation n’existe qu’entre parents en ligne directe (c’est-à-dire entre personnes qui descendent l’une de l’autre, par opposition à la parenté collatérale qui vise le lien qui unit les personnes qui descendent d’un auteur commun) soit : entre un père, une mère et ses enfants (cf : art. 203 et 205 du Code civil), entre grandsparents et petits-enfants, arrière grands-parents et arrières petits-enfants, etc. •A ttention : il n’existe aucune obligation de ce type dans les familles recomposées : l’enfant d’un premier lit n’a aucune obligation à l’égard


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du second conjoint et inversement. N’existe pas non plus dans les textes d’obligation entre collatéraux c’est-à-dire entre frères et sœurs, cousins, oncles/tantes et neveux/ nièces. La jurisprudence a toutefois admis une obligation naturelle entre frères et sœurs. Ainsi, par exemple, si une femme verse de l’argent à sa sœur pendant un certain temps, cela l’engage pour l’avenir car cette obligation naturelle se transforme en véritable obligation civile. Les obligations unilatérales. Ce sont des obligations qui profitent uniquement aux enfants. En effet, outre l’obligation alimentaire prévue à l’article 203 du Code civil, il existe deux possibilités distinctes pour un enfant (entendu au sens « descendant de » car cela peut concerner un jeune majeur dans le besoin cf : art. 371 -2 al. 2 et 342-2 al. 2 du Code civil) d’obtenir de l’argent suivant que celui-ci a une filiation établie ou non. • En cas de filiation établie, il existe une obligation d’entretien mise à la charge des parents au profit de leur(s) enfant(s) (cf : art. 371-2 du Code civil). Cette obligation ne s’accomplit en argent qu’en cas de crise familiale (séparation ou divorce des parents). Dans ce cas, c’est souvent un parent qui demande une pension à l’autre pour entretenir et éduquer leur enfant ; l’action est, en effet, rarement

intentée directement par l’enfant contre ses parents même si l’enfant est majeur. L’obligation prend alors, en tout état de cause, la forme d’une pension alimentaire (cf : art. 373-2-2 du Code civil). • En l’absence de filiation établie, l’enfant ne se trouve pas pour autant dépourvu de possibilité. Une action aux fins de subsides est ainsi envisagée aux articles 342 à 342-8 du Code civil. Elle permet à un enfant dénué de filiation paternelle d’obtenir des subsides de la part d’un homme qui est peut-être son père. Cette action est possible pendant toute la minorité de l’enfant et pendant encore 10 ans à compter de sa majorité. L’enfant peut agir contre celui qui a eu des relations avec la mère pendant la période légale de conception. Une action contre plusieurs hommes n’est, dès lors, pas impossible…

Des règles communes

Combien ? L’obligation alimentaire prend le plus souvent la forme d’une pension c’est-àdire d’un versement périodique d’argent payable avant terme (cf : art. 373-2-2). Le montant de la pension alimentaire varie en fonction des besoins du créancier (celui qui réclame la pension) et des ressources et charges du débiteur (cf : art. 208 al. 1, 371-2 et 342-2 du Code civil). Les besoins doivent toutefois être réels : l’indigent ne peut faire appel à autrui s’il

peut subvenir lui-même à ses besoins. En revanche, il peut le faire quelles que soient ses fautes passées… C’est à celui qui réclame des aliments de prouver son état de besoin. Le montant tient compte des dépenses indispensables à la vie (nourriture, logement, vêtements, frais de maladie, etc) mais il est apprécié par le juge en tenant compte du genre de vie et de la condition sociale des intéressés ce qui explique que parfois la pension alimentaire fixée soit en-dessous du salaire minimum alors que, dans d’autres cas, elle est très élevée. Cette pension peut être fixée à l’amiable entre les parties ou par le juge aux affaires familiales (JAF). En principe, elle n’est due qu’à partir du jour où elle est demandée et non à partir du moment où le besoin s’est manifesté. C’est la règle « Aliments ne s’arréragent pas ». En pratique le juge ordonne toujours l’indexation de cette pension sur le coût de la vie (cf : art. 208 al 2. Du Code civil). Cela n’empêche pas les parties de revenir devant lui pour en demander la révision à la hausse ou à la baisse si les ressources du débiteur ou les besoins du créancier ont changé (cf : art. 209 du Code civil). Qui doit payer ? Lorsque plusieurs débiteurs sont envisageables (par exemple une mère qui a plusieurs enfants est susceptibles de demander de l’argent à chacun d’entre eux ou un grand-père est susceptible de solliciter son fils mais aussi ses petits-enfants), existet-il une hiérarchie entre eux ? Le principe demeure celui de l’absence de hiérarchie. Ainsi le réclamant peut s’adresser indistinctement à l’un d’eux ou à tous. Il existe néanmoins trois exceptions quand les débiteurs concernés sont de degrés différents. D’abord, le devoir de secours entre époux passe avant toute autre obligation alimentaire. Ensuite, l’obligation d’entretien des parents prime sur l’obligation alimentaire des

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grands-parents. Enfin, en cas d’adoption simple, l’adopté doit d’abord demander des aliments aux parents adoptifs avant de se tourner vers ses parents biologiques. Quelles sanctions en cas de non-paiement ? Il existe des sanctions civiles et des sanctions pénales. •L es sanctions civiles sont au nombre de 4 : - saisine de tous les biens du débiteur même ceux normalement insaisissables (comme une rente de travail par exemple), - procédure de paiement direct des créances alimentaires (arts. L. 213-1 et s. du Code des procédures civiles d’exécution) permettant au créancier de se faire payer directement par le débiteur de son débiteur (par exemple, l’employeur d’un homme condamné à verser une pension à son enfant devra la verser directement à ce dernier), - possibilité pour le créancier de demander au Trésor public à agir directement en son nom (loi n° 75-618 du 11 juillet 1975 relative au recouvrement public des pensions alimentaires et décret n°75-1339 du

31 décembre 1975) - demande de paiement auprès des caisses d’allocations familiales (art L. 581-1 et s. Code de la sécurité sociale). • Quant aux sanctions pénales, elles sont énumérées à l’article 227-3 du Code pénal qui dispose : « Le fait, pour une personne, de ne pas exécuter une décision judiciaire, une convention judiciairement homologuée ou une convention prévue à l’article 229-1 du code civil lui imposant de verser au profit d’un enfant mineur, d’un descendant, d’un ascendant ou du conjoint une pension, une contribution, des subsides ou des prestations de toute nature dues en raison de l’une des obligations familiales prévues par le code civil, en demeurant plus de deux mois sans s’acquitter intégralement de cette obligation, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. »

LES CONSÉQUENCES PÉCUNIAIRES ATTACHÉES AU COUPLE Quel que soit le mode de conjugalité choisi, l’argent est souvent un enjeu dans les couples. Il l’est sans doute moins toutefois dans les couples unis qu’en

cas de dissolution du couple.

Argent et couples unis

L’argent entre les membres du couple. Le Code civil n’est pas très riche sur ce point. L’on observe toutefois que le concubinage est à mettre à part puisque absolument rien n’est prévu pour les concubins. En revanche qu’il s’agisse de partenaires ou de conjoints, deux points marquants sont à retenir : la contribution aux charges du ménage et la solidarité des dettes ménagères. Bien que prévue sous des appellations différentes (« contribution aux charges du mariage » pour les conjoints à l’article 214 et « aide matérielle » pour les partenaires à l’article 515-4), la première implique que les membres du couple participent aux charges du ménage proportionnellement à leurs facultés respectives. Quant à la solidarité des dettes ménagères, elle est prévue dans les mêmes termes pour les deux types de couples aux articles 220 et 515-4 al. 2 du Code civil : la solidarité s’impose pour toute dette souscrite par un des membres du couple pour les besoins de la vie courante à certaines exceptions. Cela signifie qu’un créancier de l’une de ces


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dettes peut se retourner indifféremment contre l’un ou l’autre membre du couple pour la totalité de la dette. En revanche, le devoir de secours prévu entre époux (cf : les obligations entre époux) n’apparaît pas dans les textes relatifs au Pacs. Le couple source ou perte d’argent pour la famille. L’alignement des différents modes de conjugalité est patent hors du Code civil. Nous prendrons comme illustration le droit social. Dans celui-ci le couple, quel qu’il soit, peut être source de droits ou, au contraire, synonyme de pertes de droits. Source de droits car, depuis 1978, la qualité d’ayant-droit est reconnue à la personne « vivant maritalement » avec l’assuré et à sa charge. Ainsi les prestations d’assurance maladie ou de l’assurance maternité prévues par le Code de la sécurité sociale sont versées au concubin et au partenaire comme au conjoint. Le couple peut aussi être synonyme de pertes de droits. Ainsi une remise en couple fait perdre ou diminuer, dans certains cas, des droits antérieurs : pension de réversion, allocation de veuvage (article L. 356-3 Code de la sécurité sociale), allocation de soutien familial (article L. 523-2 du Code de la sécurité sociale), etc. Peu importe alors que le couple reformé le soit sous forme de mariage, de Pacs ou de concubinage.

Argent et dissolution du couple

En cas de décès. Si le droit civil français est plus protecteur à l’égard du conjoint survivant, nombreuses sont les règles qui permettent également de protéger les partenaires et concubins survivants. Il est évident que le mariage protège en accordant plus de droits au conjoint survivant. Seul celui-ci dispose d’une vocation successorale (prévue à l’article 757 du Code civil), d’un droit viager d’usage et d’habitation qui permet au conjoint du défunt de continuer à vivre

dans un immeuble dépendant de la succession dans lequel il vivait jusqu’alors (art. 764 du Code civil) et qu’il est possible de convertir en une rente viagère (art. 766 du Code civil) ou encore d’une pension alimentaire due par la succession du conjoint décédé (art. 767). Néanmoins certains droits s’ouvrent identiquement pour le partenaire et le conjoint survivant. Ainsi tous deux bénéficient d’un droit temporaire de jouissance gratuite du logement qu’occupait le couple au jour du décès (art. 515-6 et 763 du Code civil : droit d’une durée d’un an qui n’est toutefois d’ordre public qu’en matière maritale) et de la possibilité de demander l’attribution préférentielle de la propriété ou du droit au bail du logement qui lui sert effectivement d’habitation, s’il y avait sa résidence au moment du décès, ainsi que du mobilier le garnissant (arts. 515-6 et 831-2 du Code civil). Enfin, certains droits pécuniaires sont communs à tous les couples. Ainsi, en matière rurale, le collaborateur du chef d’une exploitation ou d’une entreprise agricole bénéficie d’une créance de salaire différé dès lors qu’il était en couple avec le défunt (arts. L. 321-5 et L. 321-21-1 du Code rural). De même, en matière de bail d’habitation, le survivant bénéficie de la continuité du bail quel que soit le type de couple qui le liait au défunt (art. 14 de la loi n°89462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs ; pour le concubinage toutefois, un an minimum de cohabitation est exigée). En cas de séparation. Les disparités entre les formes de couples sont ici plus exacerbées. En effet, le seul point commun à tous les couples est la transmissibilité du bail d’habitation en cas d’abandon du domicile par le locataire (art. 14 de la loi n°89-462 précitée). Pour le reste, il est évident que le mariage est plus protecteur. Le

conjoint divorcé dans une situation économique défavorable peut ainsi espérer obtenir une prestation compensatoire sur le fondement des articles 270 et suivants du Code civil ce dont ne pourra jamais bénéficier un partenaire ou un concubin en cas de séparation. Ces derniers pourront tenter de se fonder sur la responsabilité civile (article 1240 du Code civil) pour obtenir réparation d’un préjudice subi dans la rupture (ce que le mariage n’exclut pas par ailleurs cf : art. 266 du Code civil). En revanche, ils ne disposeront d’aucun moyen de compenser une disparité économique créée par la rupture. La solution est logique puisque la prestation compensatoire se présente comme un prolongement du devoir de secours qui est prévu seulement en matière de mariage (cf : les obligations entre époux). La jurisprudence a tenté alors de pallier les déséquilibres nés au sein de couples de concubins à la suite de la rupture en ayant recours à des mécanismes généraux du droit des obligations. Ainsi, si les concubins ont réuni des ressources en capitaux ou en activité et ont collaboré pour faire prospérer une entreprise commune, on retiendra l’existence d’une société de fait ce qui permettra à chacun d’obtenir sa part des profits même si le fonds n’appartient qu’à l’un d’eux. Il faut toutefois démontrer que les trois éléments de la société sont réunis, à savoir, apports en capital ou en travail, participation aux résultats de l’entreprise, en bénéfices et en pertes et enfin, intention de s’associer. A défaut d’éléments d’une société de fait, il est possible de recourir à la technique de l’enrichissement injustifié permettant d’offrir une indemnité à celui qui a bénévolement contribué à la prospérité de l’autre (cf : arts 1303 et s. du Code civil). Néanmoins la jurisprudence est peu encline à user de l’un ou l’autre de ces fondements pour aider les concubins. l

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DONATION - TESTAMENT

Modalités de transmission Organiser la transmission de son patrimoine au sein de sa famille est le souci légitime de ceux qui se préoccupent de l’avenir.

P

lusieurs solutions existent pour transmettre son patrimoine à ses enfants ou ses petits-enfants. Quelles sont-elles ? Tour d’horizon rapide des outils existants, entre donation-partage et testament.

Donation-partage, répartir de son vivant les biens entre ses enfants

Outil de transmission efficace et moins complexe qu’il n’y paraît, la donation-partage est un pacte de famille qui permet d’éviter les conflits entre héritiers lors du règlement de la succession des parents. Conseils des notaires, Hors Série n°1, juin 2014

Le principal intérêt de la donation-partage est d’anticiper sa succession. Elle permet, mieux qu’une série de donations isolées, de répartir équitablement les biens. La donation-partage est prise en compte dans le règlement de la succession du donateur mais la valeur des biens donnés est « figée » au jour de la donation. Contrairement aux dons manuels ou donations simples, il n’y a pas de réévaluation au moment du décès. Avec la donation-partage, le donateur dispose d’une grande latitude dans le choix des bénéficiaires. Le plus souvent, il s’agira de ses héritiers. Cependant, il est possible d’y associer un tiers dans un cas particulier pour lui attribuer l’entreprise, individuelle ou sociétaire, du donateur. La donation-partage peut porter sur tous les biens ou seulement sur une partie d’entre eux ; elle peut être en propriété ou en nue-propriété. Au surplus, un veuf ou une

veuve peut consentir une donation-partage à ses enfants comprenant non seulement des biens personnels, mais également des biens de la succession. Au-delà des biens dont il est actuellement propriétaire, le donateur peut aussi inclure dans la donation-partage des biens déjà donnés. Cette opération, appelée « incorporation des libéralités antérieures », se présente comme une session de rattrapage. Elle permet de soumettre les donations antérieures aux mêmes charges et conditions que celles stipulées dans la donation-partage, comme de changer l’attributaire du bien donné ou la nature de la libéralité initiale. Une grande souplesse : Il est possible d’insérer dans la donation-partage toutes les charges et conditions de son choix : réserve d’usufruit, stipulation de réversion au profit du conjoint survivant, interdiction d’aliéner et d’hypothéquer sans le consentement du donateur, réserve du droit de retour en cas de prédécès du donataire sans postérité, etc. À noter également que l’égalité entre les héritiers n’est pas obligatoire. La donation-partage peut être inégalitaire. La seule limite est le respect de la réserve héréditaire. Une fiscalité avantageuse : Le calcul des droits s’effectue après déduction d’un abattement de 100 000 € sur la part de chacun des enfants. Les biens transmis ne seront taxables qu’au-delà de cette somme. Le paiement éventuel de droits doit être effectué lors de la donation et non à la succession.

Famille recomposée : donner ensemble à tous les enfants Depuis le 1er janvier 2007, la loi permet à des conjoints de procéder à une seule donationpartage au profit de tous leurs enfants, issus ou non de leur union. Explications sur la marche à suivre : En France, le nombre de familles recomposées est estimé à plus de 700 000. Le schéma « mes enfants », « tes enfants », « nos enfants », tous ensemble sous le même toit, est aujourd’hui répandu. Une famille commune où les notions de « demi-frère » ou « demisœur » disparaissent, peu à peu, au profit d’un lien affectif uniforme. Pourtant, pendant longtemps, gratifier ensemble des enfants issus d’unions différentes est demeuré impossible. Depuis le 1er janvier 2007, un mécanisme juridique a vu le jour : la donation-partage dans les familles recomposées, qui permet à chaque parent de procéder ensemble à une donation-partage à tous leurs enfants, communs ou non. Un acte irrévocable : La donation-partage est un acte notarié irrévocable, qui, pour être valable, doit répondre à des conditions strictes. Tant que toute la famille recomposée mène une vie paisible et heureuse, la donation-partage commune apparaît comme une façon supplémentaire de renforcer les liens au sein de la famille. Mais qu’en est-il si le couple se sépare ? Chacun repart de son côté avec ses enfants qui emportent, dans leurs bagages, la part de la donation concédée par leur


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beau-parent. Aucun retour en arrière n’est possible. La donation-partage est un acte irrévocable. Il faut donc accepter l’idée, dès le départ, qu’en cas de séparation, les enfants de l’autre peuvent disparaître de la vie de l’ex beau-parent avec la somme d’argent ou les biens reçus. Les conditions de validité : Pour être valable et retenue comme telle lors de la succession des donateurs, la donationpartage doit respecter deux conditions. Chaque descendant doit avoir reçu et accepté le bien donné et chacun doit également recevoir au moins le minimum équivalent à sa part héréditaire. Sur le plan fiscal, chaque enfant bénéficie d’un abattement de 100 000 € comme dans une donation-partage classique.

• de déshériter un héritier (sauf vos enfants) ; • de gratifier des personnes étrangères à la famille (amis par exemple) ou le partenaire de Pacs, certaines associations ou établissements publics. Le testament peut aussi être l’occasion de prendre certaines mesures extrapatrimoniales comme : • la désignation d’un tuteur pour les enfants mineurs, au cas où l’autre parent est déjà décédé ; • la reconnaissance d’un enfant naturel (par testament authentique seulement) ; • la désignation d’un exécuteur testamentaire.

Le testament pour répartir ses biens

Trois formes au choix : Toute personne majeure et saine d’esprit est libre de rédiger un testament pour régler sa succession. Un écrit est obligatoire, il en existe trois sortes.

Faire primer sa volonté sur la loi : Quel que soit l’âge et la valeur du patrimoine, le testament se révèle toujours très utile. Il peut permettre de décider de la répartition des biens : modifier l’ordre des héritiers prévus par la loi ou la part que chacun recevra. Dès lors, la volonté du testateur supplantera les règles légales (sauf si elle est contraire à la loi). Sous réserve de respecter les droits des héritiers réservataires, il est possible : • d’avantager un héritier plutôt qu’un autre en lui attribuant plus que sa part (enfant, conjoint) ;

• Rédiger seul son testament. Pour être juridiquement valable, le testament olographe doit être rédigé entièrement de la main, être signé et daté (jour, mois, année). En cas de pluralité de testaments, c’est la date qui permettra de déterminer le dernier, et donc celui qui devra être pris en compte. Tout manquement à l’une de ces trois conditions entraîne la nullité du document. Il est impossible de faire un testament à deux (même pour un couple). En revanche, rien n’interdit de faire chacun le même testament si chaque document est rédigé, daté et signé de la main de son auteur. Le testament olographe a l’avantage d’être discret. C’est aussi le moyen le plus simple et le plus économique. Mais attention, il peut être égaré ou détruit (par exemple dans un incendie ou par une personne mal intentionnée) et n’être jamais porté à la connaissance des héritiers. Pour prévenir ces inconvénients et éviter certaines clauses

Rédiger un testament permet d’organiser au mieux la transmission de ses biens en modifiant les règles fixées par la loi. Avant toute chose, une information préalable s’impose : rédiger un testament n’est pas obligatoire. Au décès, les biens sont répartis entre les héritiers selon un ordre précis (enfants, conjoint, à défaut parents, à défaut frères et sœurs...). La loi détermine aussi la part à laquelle ils ont droit.

ambiguës, contradictoires, voire illicites qui seraient annulées (par exemple en cas de non-respect de la réserve héréditaire dont bénéficient les enfants), il est préférable de déposer le testament chez un notaire et de lui demander conseil. En outre, il l’inscrira au Fichier central des dispositions de dernières volontés. • Le testament authentique. La rédaction du testament authentique ou notarié nécessite l’intervention d’un notaire. Il s’établit en présence de deux témoins ou d’un second notaire. Rédigé sous la dictée du testateur, le testament authentique peut être indifféremment manuscrit ou dactylographié. Avant de signer le testament, il doit être relu. Ce document est aussi signé par le notaire et les deux témoins (ou les deux notaires). Les risques d’erreurs sont ici nuls et ceux de destruction ou de perte écartés puisque le notaire apporte son conseil et conserve l’original. Il l’inscrit au Fichier central des dispositions de dernières volontés. • Le testament mystique. Forme désuète, le testament mystique est parfait pour qui aime le secret. Il est soit dactylographié, soit écrit de la main du testateur, soit rédigé par toute autre personne choisie par lui. Il doit être signé et remis en personne à un notaire en présence de deux témoins, dans une enveloppe cachetée. Le notaire dresse alors sur l’enveloppe un acte de « suscription » (procèsverbal de remise), indiquant la date et le lieu où le testament a été déposé. Chaque personne présente doit signer l’enveloppe. Celle-ci peut être conservée par le notaire ou reprise par le testateur pour la conserver dans tout autre lieu de son choix. Ainsi, personne, pas même le notaire, ne pourra lire les volontés du testateur avant l’ouverture de sa succession.

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Modifier un testament : La personne ayant rédigé un testament est libre de le modifier ou le révoquer à tout moment, sans avoir à fournir de motif. S’il s’agit de modifier un ou plusieurs points sans pour autant le refaire entièrement, il faut rédiger un codicille, assimilable à un avenant. Celui-ci doit être entièrement écrit de la main du testateur et indiquer très clairement la disposition qu’il va remplacer.

Il est également indispensable de le signer et de le dater. Il est aussi possible d’annuler expressément le testament en en rédigeant un nouveau. Il convient alors de bien indiquer que sont révoquées toutes les dispositions prises antérieurement. Il est également possible de révoquer tacitement le testament en en rédigeant un autre contenant des dispositions incompatibles avec les premières. La révocation ne porte alors que sur ces seules dispositions. l EN SAVOIR

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Les services en ligne des notaires de France www.notaviz.notaires.fr


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La mise en commun des revenus dans les couples Une enquête nouvelle sur l’organisation interne des ménages

De nombreux aspects de l’activité économique et domestique des ménages sont de mieux en mieux connus grâce aux enquêtes sur les budgets, les revenus et les conditions de vie, les patrimoines ou les usages du temps. Mais l’information statistique reste lacunaire sur l’organisation des revenus au sein des ménages. Les revenus sont-ils effectivement mis en commun, comme le postule l’approche traditionnelle du ménage ? L’enquête Emploi du temps 2010 comporte un module spécifique destiné à améliorer la connaissance des comportements économiques des couples, en particulier le partage des ressources entre les conjoints et les décisions en matière de dépenses. Ce module concerne les couples cohabitant depuis au moins un an et dont au moins l’un des conjoints était actif c’est-à-dire ayant un emploi ou étant au chômage au moment de l’enquête (source), soit près de la moitié des couples résidant en France.

Lorsque les revenus sont totalement mis en commun, les deux partenaires utilisent cet « argent du ménage » aussi bien pour les dépenses collectives (loyer, courses quotidiennes, dépenses pour les enfants, etc.) que pour leurs dépenses personnelles, quelle que soit leur contribution respective. Lorsque la mise en commun est partielle, chacun des conjoints alimente une « caisse » destinée aux dépenses collectives mais conserve le reste de son revenu pour ses dépenses personnelles. Dans cette organisation, qui suppose que chacun ait un revenu, l’argent mis en commun est destiné à des usages précis définis au préalable. Enfin, les partenaires peuvent maintenir leurs revenus totalement séparés, adoptant alors divers arrangements pour les dépenses communes.

En 2010, 64 % des couples de l’échantillon déclaraient s’organiser selon le principe de la mise en commun totale, 18 % selon celui de la mise en commun partielle et 18 % déclaraient maintenir leurs revenus totalement séparés (graphique 1).

Division Conditions de vie des ménages, INSEE

N° 1409 - JUILLET 2012

La mise en commun des revenus dans les couples Sophie Ponthieux, division Conditions

E

n 2010, parmi les couples qui vivent ensemble depuis au moins un an et dont au moins un des tiers conjoints est actif, près des deux déclarent mettre leurs revenus intégralement en commun. Les autres se répartisqui sent à peu près également entre ceux déclarent mettre en commun seulement qui une partie de leurs revenus et ceux Ces déclarent les séparer totalement. 90 % modes d’organisation sont stables : le des couples ont toujours appliqué plus consultent se conjoints même. Les souvent pour leurs dépenses personnelen les lorsqu’ils mettent tous les revenus totale commun. La mise en commun les apparaît plus fréquente quand couples sont mariés ou ont des enfants parteet, nécessairement, quand l’un des naires est inactif. Elle l’est moins lorsqu’il ou ne s’agit pas d’une première union quand le niveau de diplôme des partenaires ou leur niveau de vie sont élevés.

de vie des ménages, Insee

Mise en commun des revenus : ! un peu, beaucoup… ou pas du tout

combien Les études sociologiques montrent l’organisation les pratiques des couples pour et parfois de leurs revenus sont variées allant de la complexes, le long d’un continuum totale : mise en commun totale à la séparation moins mutuales revenus peuvent être plus ou Lorsque lisés mais aussi totalement séparés. en commun, les revenus sont totalement mis « argent du les deux partenaires utilisent cet collecménage » aussi bien pour les dépenses dépenses tives (loyer, courses quotidiennes, dépenses pour les enfants, etc.) que pour leurs contribution personnelles, quelle que soit leur commun est respective. Lorsque la mise en alimente une partielle, chacun des conjoints collectives « caisse » destinée aux dépenses ses pour revenu son de mais conserve le reste organisadépenses personnelles. Dans cette un revenu, tion, qui suppose que chacun ait à des l’argent mis en commun est destiné Enfin, les usages précis définis au préalable. revenus partenaires peuvent maintenir leurs alors divers adoptant séparés, totalement communes. arrangements pour les dépenses l’échantillon En 2010, 64 % des couples de principe de la déclaraient s’organiser selon le celui de la mise en commun totale, 18 % selon économique De nombreux aspects de l’activité de mieux en et domestique des ménages sont sur les mieux connus grâce aux enquêtes Organisation des revenus dans les de vie, budgets, les revenus et les conditions couples actifs Mais temps. Séparation les patrimoines ou les usages du sur l’or18 % l’information statistique reste lacunaire sein au ganisation des revenus (définitions) effectivedes ménages. Les revenus sont-ils postule l’apment mis en commun, comme le ? L’enquête proche traditionnelle du ménage un module Emploi du temps 2010 comporte connaissance Mise en commun spécifique destiné à améliorer la partielle des des comportements économiques 18 % des ressourcouples, en particulier le partage en décisions les et ces entre les conjoints concerne les matière de dépenses. Ce module un an et couples cohabitant depuis au moins était actif Mise en commun dont au moins l’un des conjoints totale ou étant au emploi un ayant 64 % c’est-à-dire (source), conjoints est actif. chômage au moment de l’enquête Champ : couples dont au moins un des module "Décisions résidant en couples des : Insee, enquête Emploi du temps 2010, moitié Source la de près soit dans les couples". France.

Le principe d’organisation des revenus : stable dans le temps et plutôt « spontané »

Le principe d’organisation des revenus apparaît stable : 90 % des couples enquêtés indiquent qu’ils n’en ont jamais changé. Lorsqu’ils sont interrogés sur la façon dont ils ont adopté leur organisation actuelle, 72 % des couples déclarant mettre en commun tous leurs revenus et 65 % de ceux ayant à l’inverse opté pour une séparation totale indiquent que cela s’est mis en place sans qu’ils y aient vrai-

Graphique 1

Organisation des revenus dans les couples actifs Séparation 18%

Mise en commun des revenus : un peu, beaucoup... ou pas du tout !

Les études sociologiques montrent combien les pratiques des couples pour l’organisation de leurs revenus sont variées et parfois complexes, le long d’un continuum allant de la mise en commun totale à la séparation totale : les revenus peuvent être plus ou moins mutualisés mais aussi totalement séparés.

Sophie PONTHIEUX

INSEE PREMIERE

L’enquête Emploi du temps 2010 permet de mieux connaître le comportement économique des couples.

Mise en commun partielle 18 %

Mise en commun totale 64% • Champ : couples dont au moins un des conjoints est actif. • Source : Insee, enquête Emploi du temps 2010, module « Décisions dans les couples ».

INSEE Première n°1409, juillet 2012

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État des lieux

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RÉALITÉS FAMILIALES#FAMILLES ET ARGENT#2017

ment réfléchi. Les couples qui mettent en commun partiellement leurs revenus déclarent en revanche plus souvent avoir adopté ce système après avoir étudié diverses possibilités (32 %) ou du fait d’un évènement particulier (21 %), par exemple à l’arrivée d’un enfant, ou lors de l’achat d’un logement (graphique 2). Parmi ces derniers, la proportion de ceux qui disent n’avoir jamais changé de système est également un peu plus faible qu’en moyenne.

Revenus partiellement mis en commun ou séparés : des arrangements pour les dépenses collectives Dans les couples qui mettent leurs revenus totalement en commun, la question de la répartition des dépenses collectives ne se pose pas. Mais lorsque les revenus sont partiellement ou totalement séparés, les conjoints doivent s’entendre sur leurs contributions respectives à la caisse commune ou sur le partage des dépenses :

Graphique 2

Choix du système en % 80 spontané

60

discussion évènement

40

20

0 Mise en commun Mise en commun totale partielle

Séparation

• Lecture : parmi les couples qui mettent les revenus totalement en commun, 73 % déclarent qu’ils n’ont pas vraiment réfléchi au choix d’un système, 13 % l’ont choisi après avoir étudié d’autres systèmes, et 12 % l’ont choisi après un évènement particulier. • Champ : couples dont au moins un des conjoints est actif. • Source : Insee, enquête Emploi du temps 2010, module « Décisions dans les couples ».

Graphique 3

Arrangements pour les dépenses collectives Égalité de contribution 21%

Redistribution 51%

Spécialisation par domaine 16% Autres 12% • Champ : couples dont au moins un des conjoints est actif. • Source : Insee, enquête Emploi du temps 2010, module « Décisions dans les couples ».

montant égal ou différent, proportion du revenu égale ou progressive, spécialisation d’un conjoint dans certaines dépenses, partage pour moitiémoitié, prise en charge à tour de rôle ou autres calculs, les arrangements possibles sont très variés. Cependant, trois logiques se dégagent : une logique de redistribution, une logique d’égalité de contribution, ou une logique de partage par type de dépenses (graphique 3). La moitié des couples qui ne mettent pas tous les revenus en commun suivent une logique de redistribution : les conjoints contribuent proportionnellement à leurs revenus personnels, donc celui qui a les revenus les plus élevés contribue plus aux dépenses collectives - voire, les prend intégralement en charge dans 13 % des cas. Dans la logique de l’égalité, chaque partenaire contribue pour un même montant aux dépenses collectives ; cet arrangement prévaut pour 21 % des couples qui ne mettent pas tous les revenus en commun. Enfin, 16 % des conjoints se répartissent les dépenses par domaine, par exemple l’un prenant en charge le loyer et l’autre le reste des dépenses courantes. Restent environ 12 % des couples qui semblent ne suivre aucune de ces trois logiques.

Les dépenses personnelles : souvent l’objet d’une concertation

Lorsque les revenus sont totalement mis en commun, la question des limites de l’utilisation de « l’argent du ménage » pourrait se poser. Mais la grande majorité de ces couples (79 %) déclarent n’avoir pas institué de limite, ni ensemble ni individuellement. Les autres se partagent, inégalement, entre ceux où les deux conjoints (interrogés séparément) ont indiqué s’appliquer personnellement une limite (3 %), et ceux où seul l’un des conjoints déclarait s’être donné une limite ; dans ce cas, c’est deux fois plus souvent la femme (12 %) que l’homme


État des lieux

(6 %). Malgré cela, lorsqu’ils font des dépenses pour euxmêmes, la majorité des conjoints se consultent au préalable, notamment s’ils considèrent qu’il s’agit d’une grosse dépense et ce, quel que soit le mode général d’organisation de leurs revenus. Ils déclarent toutefois plus souvent se consulter « toujours » quand les revenus sont totalement mis en commun. Indépendamment du mode d’organisation des revenus, les hommes semblent plus souvent demandeurs que les femmes : près de 40 % déclarent discuter toujours de leurs achats avec leur conjointe, contre 20 % des femmes, et seuls 12 % des hommes déclarent ne jamais consulter leur partenaire quand c’est le cas de 20 % des femmes (graphique 4).

La mise en commun totale des revenus : plus répandue entre époux ou si le couple a des enfants…

Les rares études statistiques sur l’organisation des revenus dans les couples, menées sur d’autres pays, montrent que les pratiques diffèrent sensiblement selon le statut matrimonial du couple et les caractéristiques démographiques et économiques des conjoints. Dans l’échantillon de couples enquêtés, effectivement, les trois quarts des couples mariés mettent tous leurs revenus en commun, soit environ deux fois plus souvent que les autres couples (tableau). Ce constat concorde avec le contrat de mariage par défaut, la « communauté des acquêts », qui inclut tous les revenus perçus et les biens acquis à partir du mariage (à l’exception des héritages). En outre, le mariage correspond a priori à un engagement durable et de confiance dans lequel les partenaires vont accumuler des biens collectifs ; la mise en commun des revenus en faciliterait la gestion. Par ailleurs, 80 % des couples ayant au moins 20 ans de vie

Graphique 4

Consultation du conjoint pour les dépenses personnelles Mise en commun totale

Autre partage

Jamais

Jamais

Quand c'est cher

Quand c'est cher

Toujours

Toujours

0

10

20

30

40

50

60

70

Femmes Hommes

0

10

20

en %

30

40

50

60

70 en %

• Lecture : dans les couples qui mettent les revenus totalement en commun, 61 % des femmes et 47 % des hommes indiquent consulter leur partenaire quand c’est cher. • Source : Insee, enquête Emploi du temps 2010, module « Décisions dans les couples ».

Tableau

Mise en commun totale des revenus Caractéristiques démographiques Statut matrimonial mariés pacsés union libre Ancienneté de vie commune Inférieur à 5 ans 5 à 10 ans 10 à 15 ans 15 à 20 ans 20 ans et + Enfants • pas d’enfant • au moins un enfant Recompositions familiale • première union • autres cas

74 30 37 31 45 65 66 80 38 67 68 52

Caractéristiques économiques Statut d’activité 2 actifs 1 actif et 1 retraité 1 actif et 1 inactif (hors retraite) Diplôme Femme • 2e cycle ou plus • Bac et 1er cycle • BEP, CAP • CEP ou moins Homme • 2e cycle ou plus • Bac et 1er cycle • BEP, CAP • CEP ou moins

59 77 75 77 46 62 69 74 50 56 69 76

Quartile de revenu disponible par uc Q1 Q2 Q3 Q4 D9

72 67 58 58 57

Ensemble

64

• Lecture : en moyenne, 64 % des couples déclarent mettre tous les revenus en commun ; cette proportion est de 74 % chez les couples mariés. • Champ : couples dont au moins un des conjoints est actif. • Source : Insee, enquête Emploi du temps 2010, module « Décisions dans les couples ».

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État des lieux

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RÉALITÉS FAMILIALES#FAMILLES ET ARGENT#2017

commune mettent les revenus totalement en commun contre 31 % des couples vivant ensemble depuis moins de 5 ans. Cela va de pair avec le fait que la part des couples mariés est plus élevée parmi les couples ayant plus d’ancienneté de vie commune. Enfin, 67 % des couples qui ont (ou ont eu) des enfants mettent également leurs revenus en commun, contre 38 % de ceux qui n’en ont pas.

… moins fréquente dans les familles recomposées

Quand l’un des conjoints au moins a déjà eu une expérience de vie en couple, seulement 52 % des couples mettent tous leurs revenus en commun, contre 68 % des couples dont les deux conjoints sont dans leur première union. Deux raisons peuvent contribuer à cette différence : d’une part, les partenaires ayant déjà eu une expérience de rupture peuvent être moins confiants dans la permanence des relations conjugales ou avoir expérimenté les difficultés d’une séparation au moment de « démêler » les comptes. D’autre part, il peut rester des liens financiers avec un précédent partenaire, notamment s’il y a un (ou des) enfant(s) de cette précédente union : la part de mise en commun totale tombe en effet à 42 % lorsqu’une pension alimentaire ou une prestation compensatoire est en jeu.

Dans les couples bi-actifs, lorsque le diplôme ou le niveau de vie sont élevés, la mise en commun totale est moins fréquente

Le principe d’organisation des revenus varie également selon les caractéristiques économiques des couples (tableau). Ainsi, 77 % des couples dont l’un des conjoints est retraité, et 75 % des couples où l’un des conjoints est inactif non retraité collectivisent totalement les revenus, contre seulement 59 % des couples dont les deux conjoints sont actifs. Lorsque les deux conjoints sont salariés, l’organisation des revenus n’ap-

paraît pas différente selon les salaires respectifs de la femme et de l’homme. Enfin, dans l’ensemble des couples étudiés, ceux dont le niveau de vie est élevé mettent moins souvent les revenus totalement en commun. Le constat est le même pour les niveaux d’études : qu’il s’agisse du diplôme de la femme ou de celui de l’homme, la part de couples qui mettent les revenus totalement en commun est d’autant plus faible que les niveaux de diplôme sont élevés. Les caractéristiques sociodémographiques étudiées ici sont liées les unes aux autres : par exemple, les couples ont plus souvent des enfants lorsqu’ils sont mariés, les couples non mariés ont souvent moins d’ancienneté, les couples bi-actifs ont en moyenne un revenu plus élevé, etc. Une modélisation permet de vérifier la significativité du lien entre chaque caractéristique prise séparément et

la probabilité de mise en commun totale des revenus. Elle confirme les éléments de la description qui vient d’être faite : le mariage, la présence d’enfants ont un effet positif et significatif sur la probabilité de mise en commun totale alors que les recompositions familiales, la bi-activité, des diplômes ou un niveau de vie plutôt élevés ont un effet négatif. Ces constats rejoignent ceux obtenus dans les études comparables menées à l’étranger. Avec l’augmentation de la part des couples bi-actifs, la diversification des formes d’union et la moindre stabilité des familles, ils suggèrent que le modèle de la mise en commun totale des revenus pourrait devenir moins fréquent. l


État des lieux

Niveau de vie des familles, inégalités : état des lieux et impact de la crise Malgré une politique familiale performante et protectrice, les familles, notamment nombreuses et monoparentales, ont été particulièrement touchées par la crise économique et ses conséquences. Quel impact sur le creusement des inégalités ? Quels risques sociétaux et comment mieux prendre en compte les plus vulnérables ? NIVEAU DE VIE ET INÉGALITÉS DE REVENUS : ÉTAT DES LIEUX ET IMPACT DE LA CRISE Évolution générale du niveau de vie et des inégalités de revenus Sur cinq ans, entre 2008 et 2013, le niveau de vie1 médian en France a perdu 1,1 % du fait de la crise de 2009, soit une baisse moyenne annuelle de 0,2 %. Cette baisse est toutefois mesurée par rapport à celle observée dans d’autres pays d’Europe2. Entre 2008 et 2011, les inégalités de revenus se sont nettement creusées. Puis de 2011 à 2013, les niveaux de vie diminuent chez les plus aisés en raison notamment d’un repli des revenus financiers, tandis que le niveau de vie des plus modestes progresse légèrement. Sur cette seconde période, les inégalités se réduisent, effaçant la hausse de 2008-2011 comme l’illustre le graphique n°1 (La courbe D1 représente les 10 % de la population ayant le plus faible niveau de vie, la D9 les 10 % de la population ayant le plus fort niveau de vie, la C95 les 5 % ayant le plus fort niveau de vie). Sur plus longue période, ce graphique montre bien qu’en

Graphique 1

Fabien TOCQUÉ

Évolution de certains quantiles de niveau de vie depuis 2008 104

Coordinateur du Pôle Economie - Consommation Emploi, UNAF

base 100 en 2008 C95 D9

102

D7

100 D5

98

D3

96 D1 94 2008

2009

2010

2011

2012

2013

• Champ : France métropolitaine, personnes vivant dans n ménage dont le revenu déclaré au fisc est positif ou nul et dont la personne de référence n’est pas étudiante. • Lecture : en 2009, le premier décile de niveau de vie (D1) s’élève à 98,8% de sn niveau de 2008. • Sources : Insee-DGFiP-Cnaf-Cnav-CCMSA, enquêtes Revenus fiscaux et sociaux 2008 à 2013

Graphique 2

Évolution du niveau de vie annuel moyen des individus selon le type de ménage (en euros 2013) 29 000

Personnes seules Familles monoparentales

27 000

Couples sans enfant Couples avec un enfant

25 000

Couples avec deux enfants 23 000

Couples avec trois enfants ou plus

21 000 19 000 17 000 15 000 2003

2005

2007

2009

2011

2013

10 ans le niveau de vie a augmenté pour tous les ménages à l’exception des familles monoparentales, et qu’il y a une

• Sources : Insee-DGI, enquêtes Revenus fiscaux et sociaux rétropolées 1996 à 2004 ; Insee-DGFiP-Cnaf-Cnav-CCMSA, enquêtes Revenus fiscaux et sociaux 2005 à 2013. • Champ individus : personnes vivant en France métropolitaine dans un ménage ordinaire dont la personne de référence n’est pas un étudiant. Le détail du nombre d’enfants n’est pas disponible pour les familles monoparentales.

baisse du niveau de vie depuis 2010 pour les couples avec enfants, baisse qui s’est accélérée depuis 2011.

1/ Selon l’INSEE, « Le niveau de vie est égal au revenu disponible du ménage divisé par le nombre d’unités de consommation (uc). Le niveau de vie est donc le même pour tous les individus d’un même ménage. Le revenu disponible d’un ménage comprend les revenus d’activité (nets des cotisations sociales), les revenus du patrimoine, les transferts en provenance d’autres ménages et les prestations sociales (y compris les pensions de retraite et les indemnités de chômage), nets des impôts directs. » 2/ Inégalités de niveau de vie et pauvreté en 2013, Boiron, Huwer et Labarthe, INSEE.

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État des lieux

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Effet du système socio-fiscal Le système socio-fiscal a clairement amorti l’impact de la crise économique sur la croissance des inégalités. Les transferts sociaux (prestations familiales, allocations logement, minima sociaux) et fiscaux (impôts sur le revenu, CSG, etc.) ont atténué les écarts d’un bout à l’autre de la distribution, comme l’illustre le graphique n°3. Malgré cet effet redistributif, les familles monoparentales et les familles nombreuses ont un niveau de vie médian restant inférieur à la médiane de l’ensemble de la population (1 700 euros) (voir graphique n°4).

Graphique 3

Évolution annuelle moyenne des déciles de niveaux de vie avant et après transferts socio-fiscaux entre 2008 et 2011 3

en % Avant transferts

2

Après transferts

1 0 – 1 – 2 – 3 – 4

D1

D2

D3

D4

D5

D6

D7

D8

D9

C95

• Champ : France métropolitaine, personnes vivant dans un ménage dont le revenu déclaré au fisc est positif ou nul et dont la personne de référence n’est pas étudiante. • Sources : Insee-DGFiP-Cnaf-Cnav-CCMSA, enquêtes Revenus fiscaux et sociaux 2008 à 2011.

Graphique 4

Évolution du niveau de vie mensuel médian en 2014 suivant le type de famille, après redistribution

D’une façon générale, la redistribution par les prestations sociales, et en premier lieu les prestations familiales, contribue deux fois plus à la réduction des inégalités de niveau de vie que la fiscalité assise sur les revenus des ménages3.

Évolution des dépenses contraintes sur période longue

Dépenses contraintes : appelées aussi dépenses pré-engagées. C’est l’ensemble des dépenses des ménages réalisées dans le cadre d’un contrat ; elles sont difficilement négociables à court terme (dépenses liées au logement ainsi que celles relatives à l’eau, au gaz, à l’électricité et autres combustibles utilisées dans les habitations, services de télécommunications, frais de cantine, services de télévision, assurances, services financiers. (INSEE)

Il faut prendre en compte les dépenses contraintes si l’on veut mener une analyse plus fine de la marge de manœuvre budgétaire des familles. Le graphique ci-dessous rappelle leur évolution depuis 1979. On note que globalement la part des dépenses contraintes a augmenté pour l’ensemble des catégories, notamment pour les catégories pauvres et modestes, mais aussi les classes moyennes dans une moindre mesure. Ceci leur a donné le sentiment très net d’une perte de pouvoir d’achat. L’analyse plus poussée des dépenses contraintes démontre que c’est le prix du logement (et non l’énergie ou les télécommunications) qui explique à lui seul cette hausse des dépenses contraintes, et ce bien avant

• Champ : France métropolitaine, population des ménages dont le revenu déclaré au fisc est positif ou nul, et dont la personne de référence n’est pas étudiante, hors ménages complexes. • Source : Insee-Drees, modèle Ines, enquête Revenus fiscaux et sociaux 2012 actualisée 2014 ; calculs Drees.

Graphique 5

Part des dépenses contraintes dans le budget des ménages, selon le niveau de vie (en %) 50

48

45 40

39

35

1989

2000

2005

24

38

32

31

30 25

1979

46

42

32

32 28

22

20

29

28

27

26

24

23

21

20

19

Catégories moyennes inférieures

Catégories moyennes supérieures

Catégories aisées

23 24 20

15 10 5 0

Catégories pauvres

Catégories modestes

Hauts revenus

• Source : CREDOC, 2009 • Lecture : En 2005, pour les catégories modestes, les dépenses contraintes représentent 46% du budget familial.

3/ Marie-Cécile Cazenave, Jonathan Duval, Tania Lejbowicz, Juliette Stehlé « La redistribution : état des lieux en 2012 » in INSEE, Portrait social de la France 2013.


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la crise : sur la seule période 2000 / 2010, les prix d’achat de l’immobilier ont augmenté de 107 % en moyenne en France, les loyers du secteur privé de 47 %, les loyers HLM de 29 %, alors que l’indice des prix à la consommation n’a augmenté que de 17 % dans le même temps.

UNE PRÉCARITÉ RESSENTIE ET VALIDÉE PAR LES BUDGETS DE RÉFÉRENCE L’évaluation des besoins faite par l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale (ONPS) dans le cadre des budgets de référence valide le sentiment de précarisation d’une grande partie de la population française. L’Observatoire National de la Pauvreté et de l’Exclusion Sociale (ONPES) travaille depuis plusieurs années4 à une méthode d’évaluation des besoins permettant de définir un revenu minimum, consistant à « disposer des ressources suffisantes non seulement pour faire face aux nécessités de la vie quotidienne (se loger, se nourrir, avoir accès à la santé) mais aussi pour avoir la possibilité de participer à la vie sociale ».

Tableau

Revenu disponible atteint par les personnes logées dans le parc social, ne travaillant pas ou étant rémunérées au SMIC à temps plein (en euros)

Cas types

Budget de Personne ne travaille référence dans le - en € (1) ménage – en € (2)

Famille monoparentale avec deux enfants Couple avec deux enfants Couple d’actifs sans enfant Personne seule active sans enfant

2 599

1 398

Écart (2) – (1) et ratio (2)/(1) – 1 201 54 %

Revenu disponible si… Un adulte Écart travaille (3) – (1) au Smic à et ratio temps plein (3)/(1) – en € (3) 1 941

– 658 74 %

Deux adultes travaillent au Smic à temps plein – en € (4)

Écart (4) – (1) et ratio (4)/(1)

3 284

1 461

– 1 824 44 %

2 005

– 1 279 61 %

2 578

– 706 78 %

1 985

955

– 1 030 48 %

1 417

– 568 71 %

2 255

+ 270 113 %

1 424

709

– 719 50 %

1 178

– 250 82 %

• Comparaison entre les budgets de référence et les ménages logés en parc social ne travaillant pas ou étant rémunérées au SMIC. • Source : ONPES 2015

Graphique 6

Répartition des ménages par rapport aux seuils de pauvreté et budgets de référence

Les besoins qualitatifs ont été recueillis auprès d’un échantillon de personnes, ont fait l’objet de discussions entre pairs, de questionnements par des experts, et représentent in fine le panier de biens et services nécessaires à la participation à la vie sociale en France. A titre d’illustration, ce panier a été ensuite monétarisé pour six catégories de familles : ce sont les budgets de référence, différents pour chaque composition familiale. Le tableau ci-dessus démontre tout d’abord le très grand écart entre les budgets de référence et les revenus réels des différentes catégories de ménages.

• Lecture : plus de 10% des personnes seules retraitées sont en dessous du seuil de pauvreté, mais elles sont près de 40% en-dessous du budget de référence. Ou encore : plus de 50% des familles monoparentales ayant deux enfants dont le plus jeune a moins de trois ans sont sous le seuil de pauvreté, mais 95% d’entre elles sont sous le budget de référence. • Source : ONPES 2015

4/ http://www.onpes.gouv.fr/Le-rapport-de-l-ONPES-2014-2015.html

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Ainsi calculé, on peut utiliser le budget de référence comme une borne délimitant une nouvelle couche de la population, qui n’est pas pauvre d’un point de vue statistique mais quand même sous contraintes financières, ce « halo de précarité » qui entoure la pauvreté monétaire. En extrapolant ces résultats à l’ensemble de la population française, ce seraient près de 8 millions de ménages qui seraient dans ce halo de précarité. Ajoutés aux 3,6 millions de ménages pauvres, on arriverait à un total de 11,6 millions de ménages qui n’auraient pas un budget suffisant pour participer à la vie sociale, soit 40 % de la population française. Il est intéressant d’observer que l’OCDE5 fait exactement le même constat dans la plupart des pays de sa zone. Dans chacun d’entre eux, c’est 40 % de la population qui voit son niveau de vie décrocher par rapport au reste de la population.

Graphique 7

Distribution du revenu disponible des ménages et du patrimoine net selon les déciles 60,0 50,0 40,0 30,0 20,0 10,0 0,0 D1

D2

D3

D4

D5

D6

D7

D8

D9

D10

-10,0 Revenu disponible

Patrimoine net

LE POIDS DU PATRIMOINE DANS LA DYNAMIQUE DES INÉGALITÉS

• Source : Base de données de l’OCDE (2012 ou dernière année disponible)

Distribution du patrimoine et distribution des revenus

Évolution du patrimoine moyen par décile en France entre 1998 et 2010 (en euros)

En France comme dans tous les pays de l’OCDE, la distribution du patrimoine est bien plus concentrée au sommet que ne l’est la distribution des revenus. Comme le montre le graphique n°7, si les 10 % les plus riches possèdent 25 % des revenus disponibles, ils possèdent en revanche 50 % du patrimoine net6. La distribution du patrimoine est tellement concentrée qu’il faut en fait prendre une loupe pour regarder à l’intérieur du dernier décile, et notamment le patrimoine détenu par les 1 % les plus riches, 40 fois plus élevé que le patrimoine médian.

Graphique 8

>D9

552 657

D8-D9

298 051 211 276 204 937 145 857

D6-D7

238 312 155 295 110 500

D2-D3 D1-D2 < D1 0

2010

179 010 116 801 83 229

D5-D6

D3-D4

441 537

309 554

D7-D8

D4-D5

1 243 367

755 406

2004

115 964 76 835 56 768

1998

42 271 30 843 24 922 12 955 8 357 7 769 4 670 2 137 2 123 1 351 354 339

200 000

400 000

600 000

800 000

1 000 000

1 200 000

• Lecture : En 2010, les 10 % des ménages aux patrimoines les moins élevés détiennent un patrimoine moyen de 1 351 euros.

5/ OCDE (2015), Tous concernés : pourquoi moins d’inégalité profite à tous, Editions OCDE, Paris 6/ La corrélation est forte en France entre la possession de hauts revenus et celle de hauts patrimoines. 7/ Nota : le patrimoine brut d’un ménage est le montant total des actifs détenus par un ménage. Il inclut son patrimoine financier, son patrimoine immobilier et son patrimoine professionnel, mais aussi les biens durables (voiture, équipement de la maison, ...), les bijoux, les œuvres d’art et autres objets de valeurs qu’il détient. Le patrimoine net est le montant total des actifs détenus par un ménage duquel on a déduit le montant total du capital qu’il doit encore au titre des emprunts qu’il a souscrits pour l’acquisition de son patrimoine but.


État des lieux

Évolution de la distribution du patrimoine dans le temps Les inégalités de patrimoine, plus fortes que celles des revenus, se sont en outre particulièrement creusées ces dernières années.

Facteurs expliquant l’accumulation de patrimoine8

Pour le patrimoine net comme pour le patrimoine brut, la rupture entre ménages peu dotés et ménages biens dotés tient avant tout au fait de détenir un bien immobilier (propriétaires ou accédants vs locataires ou logés gratuitement). En dehors du statut d’occupation de la résidence principale, le facteur le plus discriminant est le niveau de vie des ménages. Un autre déterminant majeur du niveau de patrimoine détenu est l’âge de la personne de référence du ménage. Théoriquement, les besoins de consommation et les capacités d’épargne dépendent fortement de la position dans le cycle de vie, le patrimoine résultant d’une logique d’accumulation puis de désaccumulation visant à lisser au cours de l’existence le niveau de la consommation : les ménages s’endettent et consomment plus qu’ils n’épargnent en début de cycle de vie, puis augmentent leur épargne, avant de désépargner lorsque leurs revenus baissent au moment de la retraite. Cependant, ce phénomène s’explique surtout par des effets générationnels, tenant au fait que les contextes économiques, l’âge d’entrée dans la vie active ou la fiscalité liée au patrimoine ou aux revenus ont différé d’une génération à l’autre. L’histoire personnelle et familiale est aussi déterminante. Les agriculteurs, qui héritent bien souvent d’un patrimoine de leurs parents, ont par exemple en moyenne un patrimoine 2,5 fois plus important que les employés. Avoir reçu un héri-

Graphique 9

Taux de propriétaires par quartile de niveau de vie parmi les 25/44 ans 70

En %

60 50 40 30 20

Q1 (25 % les plus modestes)

10

Q3

Q2 Q4 (25 % les plus aisés)

0 1970

1975

1980

1985

1990

1995

2000

2005

2010

2015

• Source : DREES, 2016

tage ou une donation va de pair avec un patrimoine plus élevé : toutes choses égales par ailleurs, les ménages dans ce cas ont un patrimoine 1,8 fois plus élevé en moyenne que les autres. Le montant de patrimoine est également plus faible si au cours de la jeunesse de la personne de référence et/ou du conjoint, leurs parents n’étaient pas détenteurs d’un patrimoine. De même, le fait d’être enfant unique joue positivement sur le niveau de patrimoine : à autres caractéristiques égales, les ménages dont la personne de référence est enfant unique ont un patrimoine supérieur de 32 % en moyenne.

moine s’explique largement par la hausse des prix de l’immobilier constatée entre 1998 et 2010 (période de « boom » immobilier). Or, l’accession à la propriété9, qui permet de constituer un patrimoine, est de plus en plus difficile, notamment depuis les années 2000, pour les ménages les plus modestes, alors qu’elle s’est améliorée pour les plus aisés (cf graphique n°9).

Tous ces facteurs sont autant de mécanismes de constitution de patrimoine qui expliquent les différentes trajectoires individuelles, même au sein de catégories homogènes. Mais d’autres phénomènes plus généraux sont à l’œuvre et semblent déterminants dans le creusement des disparités de patrimoine constaté au cours des dernières années.

Facteurs expliquant le creusement des inégalités de patrimoine

Compte tenu de la structure du patrimoine privé, essentiellement constitué d’actifs immobiliers, il n’est pas étonnant de lire dans les études que l’augmentation des niveaux de patri-

8/ Les déterminants du patrimoine : facteurs personnels et conjoncturels, Lamarche et Salembier, Les revenus et patrimoines des ménages, INSEE, 2012 9/ Accès à la propriété : les inégalités s’accroissent depuis quarante ans, Bonnet, Garbinti et Grobon, DREES, 2016

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RÉALITÉS FAMILIALES#FAMILLES ET ARGENT#2017

État des lieux

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Un des facteurs identifiés dans cet écart est le fait de bénéficier ou non d’une aide familiale (donation ou héritage), levier très important pour que les jeunes puissent devenir propriétaires. Or ce sont bien les ménages aisés qui ont la plus grande capacité d’aider leurs enfants. Ces derniers ont donc un accès plus facile à la propriété, ce qui leur permet de se constituer, plus tôt que les autres personnes du même âge, un patrimoine propre.

On observe un décrochage de niveau de vie des 40 % les moins riches par rapport au reste de la population

Ce seul exemple illustre bien la spirale de creusement et de transmission des inégalités par le patrimoine, et par l’immobilier en particulier sur la période 2000 - 2010. Ce constat établi, nous faisons face à un apparent paradoxe : la transmission du patrimoine enrichit les familles au fil du temps, tout en creusant les inégalités entre les familles.

EN QUOI LES INÉGALITÉS SONT-ELLES UN PROBLÈME ? Il faut bien distinguer les inégalités de l’injustice. Certaines inégalités sont naturelles, d’autres justifiées car faisant suite à des efforts particuliers. Dès lors, il faut se poser la question du niveau d’inégalités acceptable entre les individus, entre les familles, au sein d’une société donnée. Pour y répondre, on pourra avancer des arguments philosophiques et politiques, inscrits dans le contrat social, mais ce n’est pas l’objet de cet

article. Deux éléments concrets seront regardés ici : les conséquences des niveaux et de la dynamique des inégalités sur la santé des sociétés, et sur leur économie.

Le creusement des inégalités pèse sur la croissance économique et sur les opportunités

La mondialisation des échanges et l’existence de la zone euro oblige à considérer un périmètre large pour évaluer les effets économiques des inégalités. Nous raisonnerons donc sur la zone OCDE10. Dans un rapport récent11, l’OCDE estime que l’augmentation des inégalités de revenu entre 1985 et 2005 a fait perdre en moyenne 4,7 points de taux de croissance cumulé entre 1990 et 2010 dans les pays de l’OCDE pour lesquels on dispose de séries chronologiques longues. L’OCDE observe en particulier un décrochage de niveau de vie des 40 % les moins riches par rapport au reste de la population

10/ http://www.oecd.org/fr/apropos/membresetpartenaires/ 11/OCDE (2015), Tous concernés : pourquoi moins d’inégalité profite à tous, Éditions OCDE, Paris 12/ Voir l’étude de R. Wilkinson et K. Pickett, Pourquoi l’égalité est meilleure pour tous ?, Paris, Les petits matins, 2013.


État des lieux

Dans les pays où les inégalités sont fortes, en raison d’une forte concentration du patrimoine notamment, les ménages défavorisés ont plus de difficultés à accéder à une instruction de qualité, avec à la clé un gaspillage des potentiels et une mobilité sociale réduite.

Niveau de vie médian après redistribution

Ensemble de la population

Familles nombreuses

Familles monoparentales, 2 enfants ou +

Un fort niveau d’inégalités dégrade la santé d’une société

Des travaux en épidémiologie portant sur les pays de l’OCDE12 montrent une forte corrélation entre l’ampleur des inégalités et la mauvaise santé d’une société. Selon ces travaux, plus une société est inégale, plus forts y sont les taux de criminalité, d’emprisonnement, de suicide, de consommation de drogue, de grossesses adolescentes, et plus l’espérance de vie en bonne santé y est faible.

Un risque de dégradation de la cohésion sociale en France

Les derniers travaux de Serge Paugam13 font le lien entre ces inégalités et les difficultés d’intégration (au sens de la position sociale) dans la société. Son ouvrage insiste ainsi sur l’inaccessibilité croissante, y compris pour la classe moyenne, du modèle d’intégration de référence, qui repose, depuis les Trente Glorieuses, sur une condition salariale stabilisée et protectrice, sur le maintien d’une conception traditionnelle du rôle de la famille et sur une intervention régulatrice de l’État. La cohésion sociale du modèle français reposait jusqu’alors sur des valeurs partagées susceptibles de transcender les particularismes culturels et les différenciations sociales. Or, les trois piliers – salarial, familial et étatique- sur lesquels ce modèle reposait durant la période des Trente Glorieuses se sont fissurés, essentiellement pour les classes populaires et moyennes selon Serge Paugam.

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En outre, sous l’effet de la hausse des prix du logement, on observe un renforcement de la « ségrégation spatiale » dans les grandes villes, repoussant les employés et ouvriers dans les zones périurbaines14 ou rurales. Ayant le sentiment d’avoir été oubliés par les pouvoirs publics, de payer pour les autres (les « assistés » et les évadés fiscaux), ces catégories nourrissent un profond sentiment15 de déclassement et de colère, source potentielle de tensions sociales. Si notre système socio-fiscal a en partie amorti les effets de la crise, d’autres mécanismes plus profonds et structurels contribuent à creuser les inégalités monétaires sur longue période. De fait, une importante partie de la population (autour de 40 %) semble avoir des difficultés récurrentes à « boucler les fins de mois » et voit son niveau de vie décrocher par rapport au reste de la population. Ceci concerne en particulier les familles monoparentales et les familles nombreuses. Les écarts se creusent encore bien plus quand on regarde l’évolution du patrimoine détenu par les ménages. Celuici a tendance à se concentrer chez les 10 %, voire les 1 %, des ménages les plus riches.

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/mois

C’est essentiellement le boom de l’immobilier, couplé aux mécanismes de donation/ succession, qui explique un creusement particulier sur la période 2000-2010. Ces inégalités deviennent un problème d’intérêt général à partir du moment où elles ne sont plus acceptées par une grande partie du corps social, notamment par les classes populaires et les classes moyennes inférieures. Il est en outre démontré qu’un fort niveau d’inégalités a un impact négatif sur la vitalité économique et, surtout, sur la santé d’une société. Il y a donc lieu de repenser nos politiques publiques à l’aune de ces inégalités, et de leur degré d’acceptation. Que faire en particulier pour aider les jeunes adultes qui ne peuvent bénéficier de solidarité familiale ? Mais dans le même temps, c’est tout le volet de l’entraide entre familles, voisins, qu’il convient de renforcer pour éviter la dégradation du tissu social. Comme Emile Durkheim et Marcel Mauss l’expliquaient au début du XXè siècle, la solidarité n’est pas un choix mais un fait social, c’est le « roc », le socle qui nous fait tenir ensemble au sein d’une société. l

13/ Serge Paugam, L’intégration inégale. Force, fragilité et rupture des liens sociaux, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Le lien social », 2014 14/ Cf La France périphérique, Christophe Guilluy, 2014 15/ Cf Évolution du regard des Français sur la protection sociale et sur les politiques de solidarité au cours des vingt dernières années, Guisse, Hoibian et Müller, CREDOC, 2015

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État des lieux

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RÉALITÉS FAMILIALES#FAMILLES ET ARGENT#2017

INTERVIEW

Microcrédit : « pour un changement d’échelle du dispositif » Deux questions à Géraldine Lacroix, directrice du département Économie et Cohésion sociale à la Caisse des Dépôts.

Géraldine LACROIX Directrice du département Économie et Cohésion sociale à la Caisse des Dépôts.

*Microcrédit : C’est un dispositif qui consiste à prêter de petites sommes d’argent à des personnes ou à des familles qui n’ont pas accès au système bancaire classique, faute de garanties réelles ou d’apport personnel suffisant.

Après 10 ans d’expérimentations du microcrédit personnel, quel bilan tirezvous ?

Quelles perspectives de développement envisagez-vous pour 2017, voire au-delà ?

« Nous ne sommes plus en expérimentation. Le Fonds de cohésion sociale qui garantit les prêts est un outil pérenne ; mis en place en 2006, il a permis l’émergence du microcrédit* personnel. 10 ans après, le dispositif mobilise une vingtaine d’établissements de crédit et plusieurs centaines d’associations en charge de l’accompagnement réparties sur l’ensemble du territoire national. Le bilan fait état de plus de 100.000 prêts octroyés ; les demandes, 5 fois supérieures, ont donné lieu à des diagnostics budgétaires, des conseils et parfois des réorientations ou des ouvertures de droits.

16.000 prêts accordés par an sont loin de satisfaire les besoins existants en la matière. L’enjeu principal est maintenant un changement d’échelle du dispositif qui passe par la levée de plusieurs freins identifiés. Premier constat, la détection du public cible est principalement le fait des acteurs de l’action sociale, ce qui est légitime mais insuffisant, car certaines personnes jugent trop stigmatisant de franchir la porte de ces associations. Deuxième constat, certaines associations en charge de l’accompagnement sont déjà saturées de demandes faute de moyens financiers suffisants leur permettant d’affecter plus de personnes à l’activité. Troisième constat, et c’est un secret pour personne, les établissements de crédit manifestent une appétence somme toute modérée pour le microcrédit – qui offre peu de perspectives de rentabilité – si bien que tous ne prennent pas part au dispositif.

En 2013, nous avons mesuré toute une série d’impacts. 79 % des emprunteurs ont estimé que le diagnostic budgétaire réalisé a permis d’ajuster correctement les mensualités du prêt à leur situation budgétaire – souvent très contrainte ; de fait, 9 emprunteurs sur 10 remboursent leur prêt jusqu’au bout, alors même qu’ils étaient jugés trop risqués pour accéder à un crédit classique. L’étude a montré qu’au terme du microcrédit, le niveau de vie moyen des emprunteurs progressait d’une centaine d’euros, en particulier lorsque les projets visaient une insertion professionnelle. Le microcrédit personnel a fait la preuve de sa pertinence d’un point de vue bancaire et de son utilité sociale pour l’emprunteur.

Au terme du microcrédit, le niveau de vie moyen des emprunteurs progresse d’une centaine d’euros...

Face à ces enjeux, nous travaillons à un projet, piloté par le Crédit Municipal de Paris, d’offre digitale de microcrédit. Internet présente l’avantage de pouvoir détecter de nouveaux publics, mais l’objectif est aussi de permettre une appréciation en ligne du risque et, pour ceux qui présentent une certaine autonomie budgétaire, la possibilité de souscrire une offre de crédit sur le site. Les personnes ne présentant pas cette autonomie requise seraient orientées par la plateforme digitale vers des structures d’accueil ; ainsi le conseil en face-à-face, exercé notamment par les UDAF, serait réservé aux publics qui en ont le plus besoin. Renforcer cette offre de proximité est également essentiel. Nous y répondons, depuis quelques années, par notre soutien au déploiement des plateformes de microcrédit dans les départements. Aujourd’hui, il faut également prendre en compte le lancement par l’État d’un réseau expérimental de Points conseil budget. Nous avons mis à l’étude les synergies existantes ou à développer entre les deux dispositifs afin d’en assurer la cohérence et l’efficacité. » l


Analyse Liens familiaux, arbitrage temps/argent, équilibre du couple, gestion du budget, éducation des enfants et juste distance vis-à-vis de la consommation... L’argent donne matière à de nombreuses questions, parfois existentielles. Experts et professionnels croisent leurs analyses et apportent des réponses pour nourrir la réflexion.

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RÉALITÉS FAMILIALES#FAMILLES ET ARGENT#2017

L’argent dans les familles, quels enjeux relationnels à travers les différents cycles de la vie ? Liens d’argent, liens de cœur, liens de sang, nouvelles complexités au XXIe siècle. L’argent dans les familles n’est pas qu’une simple monnaie. LA DOUBLE VALENCE DE L’ARGENT Nicole PRIEUR Philosophe, thérapeute familial - Dirige le conseil scientifique du CECCOFFormation www.parolespdepsy.com

Les deux niveaux qui le constituent sont particulièrement imbriqués : • Le niveau purement économique, la valeur monétaire liée à l’argent ; • Le niveau extra-économique représente toute l’épaisseur symbolique véhiculée par un billet et son implication dans les interactions. Il participe au vaste réseau d’échanges de dons, dettes et loyautés entre générations qui constituent la dimension éthique du lien familial. Plus que jamais les transformations de notre société, l’évolution des structures familiales, la révolution anthropologique à l’œuvre au XXIe siècle complexifient l’équilibre entre les liens de sang, de cœur et d’argent. Les solidarités intergénérationnelles connaissent un développement intense. Aussi bien en tant que dons descendants des générations âgées vers les plus jeunes, qu’inversement. L’entrée plus tardive des jeunes adultes sur le marché du travail, les retours chez les parents en cas de chômage ou de séparation, les transmissions de biens des parents à leurs enfants, l’allongement de la vie et le risque de dépendance des parents vieillissants, tout ceci questionne les liens de filiation, l’appartenance, les sentiments

de dette réciproque et interroge chacun dans sa responsabilité et ses devoirs vis-à-vis des autres membres de la famille. Les générations « médianes » se voient dans l’obligation de soutenir et les parents et les enfants, au moment où elles pensaient se libérer un peu de la famille. Ces liens soudent mais créent aussi des contraintes qui vont à l’encontre des aspirations actuelles à l’autonomie. On voit aussi se renforcer un sentiment de « droit » et « dû » qui peut amener certains jeunes adultes à réclamer par voix de justice davantage d’aide financière de la part des parents. L’argent circule donc sur plusieurs générations, et même au-delà de la mort des plus anciens, il a une incidence certaine sur l’économie pulsionnelle d’une famille, au moment des héritages, mettant souvent à l’épreuve la fratrie, susceptible d’être tentée par une logique des règlements de comptes. L’argent est un fait de langage qui véhicule des messages non exprimés en tant que tels. On attend qu’il vienne attester l’importance que l’on a pour les autres, qu’il témoigne amour, affection et attention. Il soulève des affects et sentiments puissants. C’est un objet de fascination, la richesse pouvant donner l’illusion de puissance. C’est un obscur objet de désir dont on ne mesure

pas toujours les conséquences qu’il peut avoir sur la qualité des relations affectives. Quand, dans une famille recomposée, les demi-frères et sœurs ne bénéficient pas de la même aide financière pour leurs études ou leur installation, qu’est-ce que cela induit ? Quand une femme de 35 ans, mère de 2 enfants, retourne vivre chez ses parents après un divorce et/ ou chômage, cela transforme et sa place de mère auprès de ses enfants, et sa place de fille auprès de ses parents, et sa place de sœur auprès du reste de la fratrie. Il peut engendrer de la culpabilité, voire de la honte lorsqu’on en gagne peu ou moins que son partenaire, sa fratrie… Il peut fragiliser des identités, engendrer une mauvaise image de soi. L’argent est un objet paradoxal, pouvant être un facteur de bonne entente et/ou générateur de conflit, au service de l’être et de l’avoir, de l’indépendance et de l’emprise. Il peut venir amplifier les paradoxes que chacun d’entre nous entretient dans nos relations quotidiennes.

Fonctions relationnelles de l’argent au cours des différents cycles de la vie de famille

Dans les familles, il est constitutif du lien, il ordonne des places, organise des relations, il peut parler d’amour comme d’emprise, de solidarité comme d’inégalité, de générosité


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comme de pouvoir. De plus, un même billet n’aura pas le même impact symbolique aux différents moments de la vie de famille. Chaque cycle de vie appelle un nouvel équilibre relationnel, et introduit une crise « normale », plus ou moins durable, profonde, pouvant être dépassée –presque - sans douleur, ou au contraire se transformer en impasse. A chaque passage d’un cycle à un autre, l’argent aura un rôle différent, en lien avec le précédent. Situer les relations familiales dans leur historicité est important pour mieux comprendre l’articulation entre toutes ces étapes. Saisir l’objet argent et ses fonctions permettra de mieux en contrôler ses effets. Nous aborderons ici deux temps forts, la constitution du couple, la naissance d’un enfant et ses premières années.

LE COUPLE ET SON ÉCONOMIE CACHÉE Sous l’égide du dicton « En amour, on ne compte pas » l’argent demeure tabou, or c’est une des premières causes de conflits. Il fragilise d’autant plus les liens que les partenaires n’osent en parler.

Inégalités de revenus et équité

Une des difficultés à laquelle le couple est rapidement confronté est relative à l’inégalité de revenus, liée aux écarts de salaires entre hommes et femmes. Ces inégalités peuvent rendre difficile le sentiment d’équité auquel chaque partenaire aspire. Souvent les couples pensent qu’il suffit de mettre en place une stratégie budgétaire pour éviter ces pièges et ces risques. Trois stratégies se dégagent. • Ce qui est à toi est à moi, un seul compte commun. La vision du couple est solidaire, et se structure autour du partage, qui vise à effacer les différences d’apport si elles existent. Symboliquement cela signifie qu’un partenaire + un autre partenaire= un couple (1+1=1). Le « nous » est

fort, constitué de deux « Je » qui peuvent s’y fondent. • Préserver son indépendance, deux comptes séparés. Ce qui prévaut, c’est surtout la volonté de ne pas se fondre totalement dans le couple, il y a deux « Je » qui font vivre le « Nous », mais chaque « Je » se réserve le droit d’avoir une part de « soi » qui échappe au « Nous » et se réalise en dehors du couple. • Stratégie de la cause commune. Un compte commun est ouvert, à côté de deux comptes personnels. Cela traduit une recherche d’équilibre qui préserve une part d’indépendance tout en ayant une part réservée à la « cause commune » soit le couple ou/et la famille. Mais, aucun modèle ne préserve le couple d’un sentiment d’injustice, de souffrance, tant la dimension extra-économique a bien plus d’impact sur les relations de couple que sa dimension purement économique. L’équité relève davantage de « l’économie cachée du couple. »

L’économie cachée du couple

C’est la partie immergée de l’iceberg, c’est à dire tout ce qui est en jeu dans la relation, à propos de l’argent mais relève en réalité d’un tout autre ordre. C’est par exemple, tout ce qui se joue implicitement quand un conflit explose à partir de l’achat d’un pull, d’une dépense. Mettre à jour cette économie cachée est une invitation à aller visiter les fondements du couple, ce qui le renforce, lui permet de durer et d’être épanouissant. Comme par exemple les besoins de reconnaissance de chacun, de réassurances identitaires, affective et existentielle, de confiance mutuelle. Chacun a besoin de sentir qu’il a sa place qu’il est respecté dans son couple. Ce qui consolide une relation amoureuse c’est lorsque chacun aide l’autre à avoir confiance en soi-même, quand chacun renforce l’autre dans son être propre, dans son

estime personnelle. Si le couple parvient à mettre en place ces éléments structuraux, cette architecture du lien, alors on pourrait dire que peu importe la stratégie budgétaire mise en place.

Co-construire son rapport à l’argent

L’un est cigale, l’autre fourmi ? En réalité, le rapport que chacun entretient à l’argent est directement façonné par son histoire familiale (a-t-on ou non manqué d’argent ? l’argent était-il sacré dans la famille d’origine ? etc.), et cette part d’héritage symbolique est quotidiennement confrontée à celle de notre conjoint. Ce qui peut susciter nombre d’incompréhensions et/ou de reproches (« Chez moi, on ne jette pas l’argent par les fenêtres » ou « chez moi, l’argent c’est fait pour le plaisir »). Une confrontation qui traduit par ailleurs, au-delà même du rapport à l’argent, une façon différente d’appréhender la vie : certaines natures prévoyantes préfèrent épargner pour se projeter dans le futur quand d’autres, plus épicuriennes, font le choix de profiter du jour présent. Le moindre achat peut alors devenir problématique, parce qu’il sous-tend des peurs, des différences de valeurs, bref des enjeux implicites et souterrains. Cette part d’héritage symbolique est peu analysée par rapport à d’autres éléments de l’histoire familiale comme les comportements parentaux que l’on ne se gêne pas pour remettre en cause. Critiquer sa famille d’origine sur le plan de l’argent constituerait une attaque virulente, proche d’une trahison que l’on ne se sent pas toujours en droit de faire. Il y a comme un respect qui s’impose : « Mes parents ont fait ce qu’ils ont pu pour que nous ne manquions de rien ». Apparaît une reconnaissance, voire une gratitude que l’on n’observe pas sur les autres plans de la relation parents/enfants. Comme si les dons des parents étaient plus lisibles quand ils étaient maté-

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RÉALITÉS FAMILIALES#FAMILLES ET ARGENT#2017

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Dès 3-4 ans, ils perçoivent l’importance de l’argent dans la société, le pouvoir qu’il peut offrir. Ils voient que, pour obtenir tel ou tel bonbon ou jouet attirant, les parents doivent sortir des billets ou une petite carte de couleur bleue.

rialisés par l’argent, comme si, pour un enfant, ils étaient plus facilement perceptibles, repérables par rapport à tous les autres dons impalpables. Compte tenu de cela, il est nécessaire de co-construire une représentation de l’argent commune au couple, dans laquelle chacun se reconnaît tout en se différenciant de sa famille d’origine. La cigale apprendra à économiser un peu sans crainte, la fourmi à dépenser avec plus de plaisir.

Valoriser le « travail non monnayable », qui n’est pas évalué par l’argent.

parentaux ou non, de modifier le travail de la mère ou non. Évidemment, les différences relatives aux engagements différents des deux familles d’origine vont aussi avoir une influence certaine sur la constitution du couple parental. Comment accueillir les cadeaux généreux des grands-parents sans perdre sa propre place de parents, sans engendrer trop de loyautés, sans perdre son indépendance. Comment gérer les inégalités des dons dans les deux familles d’origine ?

Dans la mesure où l’argent s’inscrit dans le vaste réseau d’échanges dans le couple, il est important pour la femme de valoriser le temps qu’elle passe au « care » de la famille, à toute l’énergie non monnayable qu’elle passe pour entretenir le réseau amical, les loisirs propices au bien-être du couple.

La naissance d’un enfant constitue un moment favorable …

QUAND L’ENFANT PARAIT

Chez les jeunes enfants, une conscience précoce et réaliste ….

Là, grand changement, l’argent devient un élément explicite et constitutif du lien parental. On en tient compte dans le projet d’enfant on ne veut pas devenir parent sans pouvoir donner le mieux à son enfant, le confort et l’aisance nécessaires à son bon développement. Les réalités concrètes s’imposent d’ellesmêmes, relatives au mode de garde, à la question des congés

… Pour que le couple coconstruise son rapport à l’argent, car autour du berceau les bons sentiments président et on n’a pas envie de conflictualiser les choses, chacun veut le meilleur pour l’enfant.

Dès qu’ils commencent à savoir à compter, les enfants constituent les premières bases de leur rapport à l’argent. Dans la génération actuelle des enfants, en âge de l’école primaire, nés avec le XXIe siècle, il est frappant et nouveau de constater, la conscience précoce qu’ils en ont et la familiarité qu’ils entretiennent très vite avec lui, sans scrupule ni réserve.

Dès 7-8 ans, les enfants sont capables de mettre en place de véritables stratégies pour obtenir ce qu’ils convoitent. Ils connaissent assez tôt, plus ou moins approximativement, le prix des choses, savent combien coûtent les jeux, les vêtements. Ils calculent avec pertinence pendant combien de semaines il faudra économiser l’argent de poche pour s’acheter telle ou telle chose, ils font des prévisions, voire des « stat » sur ce qu’ils recevront à leur anniversaire, à Noël de la part des parents, des grands-parents, marraines, parrains… Bref, certains établissent un véritable budget prévisionnel dès l’âge du primaire ! Du fait du fonctionnement plus démocratique au sein des familles, les petites filles et petits garçons du XXIe siècle sont aussi directement impliqués dans des décisions liées aux grosses dépenses. Ils y participent activement. Ils donnent leur avis sur les vacances, sur l’achat de la voiture, ils orientent des choix. Ils entendent parler factures, frais, pensions à la maison. L’argent, ce n’est plus une affaire exclusivement d’adultes.

…mais une conscience anxieuse

Sans aucun doute, ce sont des enfants de la crise ! Nés et élevés dans cette réalité. Ils ne sont donc pas épargnés par l’anxiété un peu générale qui les entoure. Cette conscience anxieuse est assez frappante au cours des consultations d’enfants, car elle apparaît depuis peu de temps, environ huit/dix ans. Les enfants ont, en effet, une sensibilité très forte vis-à-vis de la précarité, même ceux issus de milieux considérés comme favorisés.


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La représentation que les enfants ont de l’argent renforce le vécu menaçant du monde qui les entoure, et l’idée que la famille ne les met pas à l’abri des diverses catastrophes. Ils ne perçoivent pas celle-ci comme un cocon séparé du monde, comme on aimerait quelquefois nous le faire croire. Cela a un certain nombre de conséquences psychiques sur leur développement. Les parents tombent ainsi assez vite de leur piédestal : ce sont des personnes fragiles, pouvant être mises en difficulté sur bien des plans. Ce n’est pas facile de les considérer longtemps comme des figures identificatoires, et des figures d’autorité. Pendant l’enfance, la construction du sentiment du continuum d’existence est nécessaire pour forger un peu de sécurité intérieure. Or l’argent n’a plus, aux yeux des enfants, cette fonction. Jusqu’à récemment, il était considéré comme ce qu’on devait amasser, épargner pour préparer l’avenir. Le présent devait assurer le futur. Aujourd’hui, le présent doit d’abord s’assurer lui-même, l’avenir est pour le moins incertain.

…Et confuse

En fait, il y a comme une dysharmonie dans le rapport des enfants à l’argent : d’un côté, une perception précoce ; de l’autre, un manque de maturité inévitable compte-tenu de leur âge. S’ils sont très tôt informés, ils n’ont pas les outils adéquats pour comprendre les rouages subtils de la finance, ils sont submergés par des informations qu’ils n’ont ni le temps ni les moyens d’ordonner ou de rassembler. Ils perçoivent des incohérences qui constituent autant de zones d’ombre et de flou. « Ma mère, je ne la vois pas travailler mais elle dépense, je crois qu’elle est en congé maladie... C’est bizarre » - « Mes grandsparents, ils ont une grande maison avec piscine, et ils ont un appartement à Paris, mais ils disent que depuis qu’ils sont à la retraite, ils n’ont pas beaucoup de sous ».

On peut donc avoir des sous sans travailler, et avoir des maisons sans avoir de sous… Pas facile d’y voir clair !

L’argent de poche, un outil pédagogique précieux

Pour l’enfant, recevoir de l’argent de poche, cela représente indéniablement un passage, passage de la petite enfance à l’enfance. Il est responsabilisé, doit apprendre à gérer des choix, des renoncements, des frustrations, la temporalité du désir qui ne peut être satisfait immédiatement, résister à la pression et aux tentations de la publicité. La gestion de l’argent participe véritablement à son apprentissage de l’autonomie et de la liberté. C’est aussi une occasion pour transmettre aux enfants un certain nombre de valeurs morales. L’argent véhicule des valeurs inhérentes à une famille, chaque billet porte l’empreinte d’un vécu familial, son usage est lié à une histoire, la représentation qu’en fait l’enfant l’inscrit dans une appartenance et une filiation.

L’apprentissage de l’usage éthique de l’argent

Gérer son argent de poche est aussi un moyen d’être sensibilisé aux injustices et inégalités sociales. Cette confrontation dérangeante pourrait être, déjà dans la famille, l’occasion d’échanges plus fournis. L’occasion d’évoquer comment cette pauvreté se met en place, comment les richesses sont inégalement réparties dans le monde, dans les sociétés, comment elle existe aussi ailleurs dans d’autres continents, ouvrir les enfants sur les disparités. C’est l’occasion d’aborder le risque de la démesure que peut entraîner l’argent. Dire et redire l’importance d’en faire un « moyen » et pas un but en soi. Les échanges pourront mettre en évidence les nuances qu’il est bon d’apporter à propos de l’argent : qu’il est légitime de vouloir en gagner mais pas de n’importe quelle manière, et ne pas en faire un instrument ni de pouvoir ni d’emprise.

Analyse

L’ARGENT, ENTRE MESURE ET DEMESURE La dimension morale passe par la prise en compte du besoin de l’autre comme aussi important que le sien propre. Aristote aborde la question de l’argent sous l’angle du concept de mesure. Dans les deux sens du terme : mesure comme quantification. L’argent, quantifie la valeur marchande d’un bien, en déterminant son prix. Mais il est, ou devrait être mesure, en tant que modération, modération de son propre désir. L’usage de l’argent peut être moral, nous dit-il à condition qu’il y ait limitation de son propre désir de pouvoir. Dans une transaction monétaire, on n’échange pas que des biens, il faut aussi se vouloir mutuellement du bien. Ce qui fait obstacle au contrat moral, nous dit Aristote, c’est quand l’argent qui, au départ, n’est qu’un moyen, devient le désir de lui-même, le désir du pouvoir qu’il procure, ou de l’illusion de pouvoir. Il n’y a, alors plus d’échanges entre personnes. Dans ce cas l’argent, instrument de mesure, introduit le risque de la démesure. La monnaie n’est pas soumise seulement à une loi, une convention économique, mais à une loi morale, sous-jacente, implicite, indispensable pour ne pas déshumaniser l’échange. Il est d’ailleurs intéressant de constater que monnaie, en grec, se dit Nomisma, et a la même origine étymologique que Nomos, la loi. On ne peut pas faire tout et n’importe quoi de son argent, encore moins de l’argent des autres. Ainsi, la double polarité de l’argent produit inévitablement une tension entre éthique, et pouvoir - tension qu’il faut surmonter sans cesse. Si le désir de pouvoir dépasse l’éthique, on ne respecte plus la loi morale. Le point d’équilibre reste sans cesse à redéfinir. l

à lire... Grandir avec ses enfants, Nicole Prieur (Editions l’Atelier des parents, 2014)

Petits règlements de comptes en famille, Nicole Prieur (Albin-Michel, 2009)

La famille, l’argent, l’amour,

Nicole et Bernard Prieur (Albin-Michel, 2016)

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Analyse

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L’héritage, épreuve de vérité Il faut bien l’admettre, l’héritage n’est pas un objet convenable. C’est même un mauvais objet...

P Anne GOTMAN Directrice de recherche émérite au CNRS-CERLIS

risé jadis, lorsque l’on vivait de ses rentes et des revenus de son patrimoine, lorsque la mort aussi était plus proche et plus familière, l’héritage entrait très directement dans les « espérances » de chacun et faisait partie intégrante des attentes, des projets voire des calculs que les enfants de familles fortunées ou seulement propriétaires nourrissaient quant à leur devenir et à leur position sociale. Mais l’importance même de cet enjeu, sur le plan à la fois économique et social, explique aussi l’âpreté des luttes qui entouraient alors l’héritage, a fortiori dans un pays d’héritage « forcé », comme le disent les Anglais du droit civil des successions qui contraint fortement les règles de partage entre héritiers.

Une affaire de famille

L’héritage, objet de disputes, fut un sujet littéraire inépuisable, le théâtre favori des familles divisées et des fratries déchirées où pullulent discordes, trahisons et haines recuites. Et à certains égards, il l’est encore, nonobstant le rôle très amoindri qu’il peut avoir dans une société méritocratique où le capital décisif est le diplôme et

où la bataille se livre non plus entre parents et enfants, mais sur la scène de l’école et sur le marché du travail. Il n’est pas de films ni de romans sur l’héritage qui ne prennent ce dernier comme le prétexte de règlements de compte violents, de révélations bruyantes et de ruptures irréparables. La trame utilisée consiste généralement à opposer des héritiers avides à des héritiers plus sentimentaux qui, face aux options qui s’ouvrent à eux, dévoilent leur véritable personnalité, mais aussi leurs liens avec le défunt et plus largement avec le reste de la famille. Ces peintures attendues d’une autre version de « familles, je vous hais » véhiculent plusieurs messages : un, l’argent et l’avidité qu’il suscite détruisent la famille ; deux, ces liens de famille se révèlent conflictuels et recèlent de puissants antagonismes ; trois, l’héritage en est le révélateur, l’analyseur et constitue à cet égard une épreuve de vérité. Plus sobrement, on peut dire qu’à travers les biens, se transmettent et se partagent des liens ; et que parallèlement à la distribution des parts, s’opère une redistribution des places au sein

du collectif familial. La mort d’un membre du collectif familial fait automatiquement bouger la structure. Il y a ceux qui perdent un bout de place, d’autres au contraire qui peuvent en gagner, il y a, entre héritiers, des rapprochements et des alliances possibles mais aussi des combinaisons inenvisageables. Ceux qui saisissent l’occasion pour faire prévaloir leurs intérêts propres sur ceux de la famille, parce que leur conjoint, par exemple, n’a jamais été véritablement accepté par la famille ; et ceux qui, à l’inverse, seraient désireux de conserver à l’héritage sa valeur symbolique de patrimoine familial. Tous conflits qui peuvent se résumer au dilemme : garder ou vendre, garder en souvenir de… ou vendre pour en faire un usage plus approprié aux besoins du moment, aux projets personnels.

Un pacte générationnel

Sur le plan psychique également, les identifications bougent, se déplacent, se renforcent ou se desserrent. Des antécédents conflictuels avec le défunt ou la certitude au contraire d’en avoir été la préférée trouvent dans ce passage radical entre un avant et un après des voies privilégiées de crispation, de dénouement ou de libération. La valeur de l’héritage est, on le comprend, à la fois matérielle et symbolique. Ce qu’il représente est à la fois un gain et une perte, y compris en cas de conflit avec le défunt. Entrent en jeu, dans l’appropriation de l’héritage, non seulement l’actif supplémentaire qu’il représente mais le passif familial qu’il concrétise. Voilà pourquoi l’héritage quel qu’il soit est par définition un événement critique. Parce qu’il met en crise le soi et le collec-


/ LIENS FAMILIAUX /

tif familial, l’héritage n’est pas le symptôme d’une pathologie familiale, il est pour ainsi dire structurellement critique. Qui croira dans ces conditions que l’on se batte « pour une petite cuiller », comme on l’entend si souvent dire, et uniquement pour de l’argent ? Sinon ceux qu’un économisme étroit empêche de penser au-delà d’un paradigme strictement utilitariste. « Le vase, c’est ma tante », me disait une interviewée. « La maison, c’est toute la vie de mon père », me disait une autre. « On la gardera pour les filles, plus tard, ça leur fera une sécurité ». Mémoire et désir de sécurité commandent en effet, chez les classes populaires et les classes moyennes, les stratégies d’appropriation des héritiers qui, par-delà les options possibles et les choix opérés, visent tous à concrétiser ce qu’ils ont reçu en héritage : en gardant le bien (la maison, car le logement dans cette population représente l’essentiel de l’héritage), ou, s’il faut vendre, en rachetant autre chose, pour la famille, pour les enfants (toujours des biens immobiliers) ; voire même pour ceux qui ne reçoivent qu’une petite somme d’argent, en faisant un voyage mémorable, « quelque chose dont on se souviendra », en achetant un tapis, une machine à coudre, soit quelque chose qui reste. Sachant que, lorsque les moyens le permettent, l’idéal est de pouvoir « en garder un peu » et de retransmettre en donnant aux enfants. Où l’on voit que l’héritage n’est pas seulement à prendre, mais d’abord à recevoir de la génération précédente, pour la redonner à la génération suivante. L’héritage, qui appartient à la catégorie juridique des mutations à titre gratuit, suit le cycle du don et ses trois phases bien connues : donner, recevoir, rendre. Rendre non pas au donneur, comme le souligne Marcel Mauss1, mais à un tiers, selon un processus de réciprocité différée.

Un problème de justice Bien évidemment, l’héritage a aussi mauvaise presse pour de toutes autres raisons : il est à soi seul le symbole des inégalités de richesse et de l’injustice sociale. Dans une société censée rétribuer le mérite et non plus la naissance, il n’a plus de légitimité. Aussi bien, la fiscalisation de l’héritage est-elle, sur le plan sociétal cette fois, une autre épreuve de vérité. A l’heure où les inégalités sociales accusent une remontée spectaculaire, l’héritage est aussitôt mis en accusation. La période électorale voit refleurir des mesures énergiques contre ce symbole, là encore, de l’injustice sociale. Il est non moins remarquable que les faiseurs d’opinion, euxmêmes souvent des héritiers, ne sont jamais en reste. « Faut-il supprimer l’héritage ? » est une rubrique favorite des magazines à succès qui s’adressent au « grand public cultivé » et un sujet d’élection pour des chroniqueurs prompts à dénoncer un archaïsme injustifiable. « Ce qui compte aujourd’hui, c’est le diplôme », affirment à juste titre ces diplômés. « C’est de faire de bonnes études… l’héritage, c’est l’éducation qu’on leur donne ». Certes. Qui les contredirait ? Mais comment expliquer que les catégories diplômées transmettent elles aussi du patrimoine, et ce davantage que les catégories non diplômées ? Comment expliquer surtout que, face aux inégalités croissantes de patrimoine, l’on aille si facilement jusqu’à envisager (tout théoriquement il est vrai) de « supprimer » l’héritage ? Supprimerait-on les revenus sous prétexte qu’ils sont inégalement répartis ? S’il faut taxer plus équitablement les héritages, au nom de quoi vouloir en éradiquer le principe, sinon par fascination pour les solutions (heureusement utopiques) visant à faire table rase des solidarités intergénérationnelles et des appartenances familiales ?

Ou bien faut-il y voir la main d’une raison supérieure qui réduirait l’humain au statut de simple consommateur, qui n’accumulerait que pour ses propres besoins, n’épargnerait que pour compenser la diminution de ses revenus à la retraite, et ne laisserait derrière lui qu’un reliquat d’épargne non consommée parce que nul ne peut prévoir l’heure exacte de sa mort ? Tel est le scénario imaginé par un économiste de renom, titulaire du prix Nobel d’économie2, qui donna à cette modélisation des comportements d’épargne le nom d’« hypothèse du cycle de vie ». Selon cette hypothèse, l’acteur rationnel est mu par un seul objectif : maintenir son niveau de consommation, nonobstant la courbe inégale de ses revenus durant son cycle de vie. Son horizon se borne à sa mort. Le legs, s’il existe, n’est qu’accidentel. C’est de cette même logique que procède le mécanisme du prêt viager hypothécaire qui permet aux propriétaires d’emprunter sur la valeur de leur maison sans avoir à rien rembourser de leur vivant, pour dégager des liquidités et faire face aux dépenses de leur vieillesse. Qui permet en d’autres termes aux personnes dites house rich, cash poor (riches en immobilier, pauvres en liquidités) de « manger » leur maison pour vieillir chez eux. La note, elle, sera payée par les héritiers, qui ont certes la possibilité de racheter la maison. Ces prêts – car, contrairement à ce qui se passe dans la vente en viager, les souscripteurs restent propriétaires de leur logement, en lesquels on a pu voir une solution toute trouvée pour parer à l’augmentation des dépenses publiques liées au vieillissement de la population, n’ont pas eu le succès escompté. Or, parmi les raisons invoquées pour expliquer le refus d’adopter ce type de plan, figure en première place le désir de transmettre quelque chose aux enfants. l

1/ Marcel Mauss, « Essai sur le don. Forme et raison de l’échange dans les sociétés archaïques » (1902-1903), in Sociologie et anthropologie, Paris, Presses Universitaires de France, 1973, pp. 145-284. 2/ Franco Modigliani reçut le prix Nobel d’économie en 1985.

L’héritage

Analyse

à lire...

Anne Gotman (Paris, Puf, coll. Que sais-je ? 2006)

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L’ENFANT DANS LA SOCIÉTÉ DE L’INFORMATION

L’éducation à la consommation plus que jamais nécessaire Education-consommation, deux mots-concepts distincts, opposés voire antinomiques par les valeurs qu’ils véhiculent pour penser le monde et les relations humaines, deux piliers de notre vie de tous les jours, deux logiques en compétition entre elles, avec au centre, les enfants, les jeunes et les familles comme sujets à émanciper ou cibles à influencer… Christian GAUTELLIER Directeur national des Ceméa en charge du Pôle Médias, éducation critique et engagement citoyen, Président du Collectif Enjeux e-médias

L

e numérique, ses objets et ses réseaux, ses industries, sont au cœur de ces processus contradictoires et doivent être interrogés si l’on parle d’éducation à la consommation. Les enfants et les jeunes grandissent dans une société où ils sont assaillis en permanence par toutes sortes de données, d’informations dont ils ne savent pas quoi faire… Leur environnement est fortement marqué par des logiques marchandes, où les liens entre marketing et production des programmes médiatiques sont de plus en plus étroits, où l’on cherche à « capter du temps de leur cerveau disponible ». Le marché formé par les enfants et les jeunes entre non seulement dans une logique de type « marketing produits » mais surtout, apparaît comme un positionnement stratégique pour certaines entreprises médiatiques au regard des retombées d’audience globale et de son poids dans les calculs des ressources publicitaires. La législation européenne renforce cette dimension. Si l’on regarde l’évolution des directives européennes sur les services des médias audiovisuels à la demande (SMAD), on constate une libéralisation des formes de publicité à travers par exemple, la fin des quotas de durée et l’arrivée des techniques de placements de produits.

Un enjeu d’éducation central La « logique de caprice »1, est devenue le moteur de l’organisation économique de nos sociétés, sous le nom de pulsion d’achats. Le désir est transformé en pulsion synonyme d’énergie égoïste. Les messages sont répétés à l’infini par les médias et repris par la publicité « tes envies sont des ordres… achète… » ; « Je veux tout, tout de suite…. »… L’infantile ainsi est promu comme règle (valeur) de notre société avec, en première ligne les médias. De ce fait, la finalité de l’éducation et celle de la sphère médiatique paraissent aujourd’hui développer des projets opposés, voire antagonistes. A l’inverse des médias, l’éducation, a pour projet de sortir l’enfant de cet état infantile de dépendance, voire de soumission à la consommation. Les médias mettent en scène la négation de l’altérité, alors qu’éduquer, c’est accompagner l’enfant pour entrer en dialogue avec cette altérité (l’autre, le monde). L’éducation, c’est le faire passer d’une posture « d’enfant roi » à celle « d’enfant citoyen », c’est la construction du collectif, de la distinction entre savoir et croyance, c’est la mise à distance, alors que les médias accélèrent tout, dans un flux qui submerge la pensée. L’éducation à la consommation

1/ Voir les ouvrages de Meirieu, Pédagogie : le devoir de résister, Paris, ESF éditeur, 2007 (128 pages).

est nécessairement articulée à une approche plus globale de l’éducation. Elle s’inscrit dans un modèle de société plus large, qui inclut le développement durable, le regard sur le gaspillage, questionne la toute puissance de la marchandise sur l’humain, ne se résumant plus à la seule accumulation d’objets et d’avoirs mais aussi à la richesse des situations et relations humaines vécues … Elle touche à la question du développement de l’enfant, et des valeurs que la famille et plus généralement la société veulent transmettre.

Articuler éducation et régulation

Les Ceméa mouvement d’éducation, réfléchissent et agissent pour construire une éducation à la consommation porteuse d’alternatives et fondée sur une approche citoyenne globale, éthique et critique. Nous proposons ainsi une éducation à la consommation articulée étroitement, à un choix de coéducation multi-acteurs et à une co-régulation avec les pouvoirs publics, les industriels et la société civile. Si l’on observe aujourd’hui la méfiance entre l’Etat, les industriels et les citoyens face à la complexité par exemple, d’un champ comme celui des nanotechnologies, devant les interrogations concernant les perturbateurs endocriniens ou l’arrivée massive des objets connectés dans


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la puériculture, ne doit-on pas clairement poser la question d’une gouvernance nouvelle pour ces enjeux majeurs qui affecteront de multiples pans de notre vie quotidienne de consommateurs et de citoyens ? ... Il est ainsi important en tant qu’association citoyenne de travailler avec les instances de régulation, de développer chez les parents notamment les procédures de saisine auprès de la CNIL, de l’ARPP, du CSA2, des médiateurs de l’information… C’est ce que nous avons fait pour certaines campagnes de publicité comme celle d’Adidas, pour certaines émissions de télé réalité3, contre la télévision pour bébés4… Sans oublier les jeunes eux-mêmes qui doivent connaître les lieux de saisine sur des questions comme celles du harcèlement5, de la propagation de contenus illégaux6, etc.

La responsabilité des parents

La question de la responsabilité des parents dans l’éducation à la consommation de leurs enfants, soulève l’enjeu d’une prise de conscience nécessaire au sein de la cellule familiale, d’apprendre à consommer au quotidien, c’est-à-dire de maîtriser des savoir-faire d’être humain consommateur averti et critique, pour effectuer des choix autonomes et responsables, sans être l’objet de manipulations. Ce sont avant tout des réflexes de citoyensconsommateur qu’il s’agit d’acquérir, comme celui de résister au quotidien à la tyrannie des marques et aux agressions de la publicité, de décrypter la traçabilité des produits, de connaître l’ensemble d’une offre pour accompagner leurs décisions auprès des enfants... Apprendre aux enfants et aux jeunes à

consommer signifie de la part des éducateurs, et d’abord des parents, d’inscrire leurs enfants dans des choix de modes de vie qui s’avèrent être des choix de société, qu’ils soient ceux de l’économie de marché ou d’approches respectables d’un développement durable, dont les adultes eux-mêmes n’ont pas toujours conscience, ou auxquels ils n’ont pas vraiment consentis. Le rôle des associations de consommateurs, des collectifs citoyens et des associations éducatives et familiales est essentiel, à travers leurs publications, l’édition de guides d’accompagnement7, leurs sites, des clips vidéo…

Le rôle de l’école

Cette éducation doit également être assumée par l’école. Ces postures d’une éducation critique, pilier de l’éducation à la consommation, s’inscrivent petit à petit dans les programmes. Mais elles sont trop rarement connectées aux pratiques des jeunes. L’école est centrée sur les apprentissages fondamentaux, les textes classiques, qui forment leur raisonnement, leur jugement, leur esprit critique. Mais il faut renforcer le lien entre ces appren-

tissages et la vie quotidienne des jeunes. Dès que les enfants sortent de l’école, ils se retrouvent dans un autre monde, avec une logique complètement opposée, qui court-circuite la réflexion. Et où ils ont affaire à des industriels très puissants, qui leur proposent des univers extrêmement séduisants, auxquels il n’est pas facile de résister. Y compris pour nous adultes. C’est cette mise à la fois au travail et à distance du lien entre ces valeurs que leur transmet l’école et cet univers de consommation dans lequel ils vivent, que tous les lieux éducatifs (école, accueils périscolaires, sphère familiale…) peuvent et doivent pratiquer dans une cohérence et une continuité éducative. Décrypter les dimensions économiques des industries, analyser les messages de communication publicitaire, comprendre les enjeux géopolitiques et écologiques des stratégies industrielles, intégrer les questions de santé et les enjeux sociétaux… poser la question de la responsabilité sociétale des entreprises… autant d’actions

2/ La CNIL, a mis en place un dispositif de plainte en ligne : http://www.cnil.fr/vos-libertes/plainte-en-ligne • Possibilité de se plaindre d’un programme sur le site du CSA par simple mail : http://www.csa.fr/Services-en-ligne/Formulaire-pour-signaler-un-programme • Les professionnels de la publicité disposent d’un organe d’autorégulation, l’ARPP qui a mis en place un jury de déontologie que l’on peut saisir à propos de publicités (violence, dignité de la personne, image sexistes, images de l’enfant, respect de l’autorité des parents…) : http://www.jdp-pub.org/ 3/ Via le Collectif Enjeux e-médias www.enjeuxemedias.org/. Seuls à la maison, Tahiti Quest… 4/ Voir le dossier en ligne http://www.enjeuxemedias.org/Television-pour-les-bebes-un 5/ Site dédié… http://www.nonauharcelement.education.gouv.fr/ 6/ Une plate forme gouvernementale, portail officiel de signalement des contenus illicites de l’Internet. https://www.internet-signalement.gouv.fr/PortailWeb/planets/Accueil!input.action 7/ Par exemple voir les guides concernant le numérique ou les écrans : http://enfants-medias.cemea.asso.fr/spip.php?rubrique97http://enfants-medias. cemea.asso.fr/spip.php?rubrique97 8/ Voir l’exposition réalisée par les Ceméa : http://ressources.cemea.asso.fr/-Jeunes-consommation-et-attitude-

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éducatives à mener au sein de l’école et de tous les lieux éducatifs.

Education à la consommation et éducation aux médias et à l’information

Aujourd’hui, à côté de la famille et de l’école, l’espace des médias est un lieu important de socialisation des jeunes. Les pratiques médiatiques constituent la première activité de loisirs des enfants et des jeunes, ce sont des sources de connaissances et de représentations du monde très importantes. C’est un ensemble d’outils d’expression et de communication voire de services pour les enfants et les jeunes. Mais il est fortement devenu un espace de consommation, adossé à des techniques marketing qui font des enfants et des jeunes leur cœur de cible, et qui les voit exposés frontalement aux sollicitations du marché. Ce sont d’immenses machines, puissantes, qui fonctionnent sur la pulsion, loin des finalités cognitives d’un sujet à éduquer,

soumises à une inflation publicitaire, à un certain contrôle en temps réel et caractérisées par une traçabilité toujours plus forte des activités des utilisateurs. Cette réalité appelle à une éducation aux médias systématique et permanente de tous les enfants et les jeunes, qui s’inscrit dans l’éducation à la consommation pour tous. Des compétences nouvelles de nature différente sont à acquérir par les enfants et les jeunes. Elles sont opératoires, savoir comment fonctionnent les plateformes, savoir les détourner (apprendre à créer et modifier les espaces numériques dans un regard critique), éditoriales, (écriture, annotation, lecture, hiérarchisation de l’information, publication) et organisationnelles (navigation, tri, filtrage, évaluation). Elles recouvrent également des dimensions économiques, de droit et de citoyenneté́, en référence à la Convention internationale des droits de l’enfant. Ne

doit-on pas également réfléchir avec les jeunes, à une écologie des médias et à une politique de protection de l’environnement médiatique ou à une diététique de la consommation des écrans, qui intégrerait la non connexion ? L’éducation à la consommation recouvre ainsi de nombreuses dimensions. Son urgence doit mobiliser toutes les personnes, institutions qui sont en lien avec l’enfance. Ceci passe par des transformations de comportements dans nos actes quotidiens, mais aussi par des actions éducatives au sein de nos institutions qui ont cette mission, et la formation de leurs acteurs qui porteront ces projets auprès et avec les enfants et les jeunes9. Mais ceci ne sera pas suffisant sans une mobilisation plus collective avec cette ambition, certes utopique mais combien nécessaire, pour imposer une co-régulation des « citoyens éducateurs » aux industries, en lien avec les institutions publique françaises et européennes. l

9/ A propos du numérique, voir le programme d’action Déclics numériques. http://enfants-medias.cemea.asso.fr/spip.php?article1466


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Big data et intelligence artificielle : qui en bénéficie ? Le big data et l’intelligence artificielle sont sur toutes les lèvres et promettent de révolutionner nos vies. Mais l’impact concret sur nos portefeuilles reste flou. Pour comprendre les enjeux de ces deux technologies, il faut commencer par savoir comment elles fonctionnent.

L

e big data est une technologie qui permet de créer des bases de données contenant des millions et des millions d’entrées. Imaginez un fichier Excel avec des millions de colonnes sur les deux axes. Un exemple type c’est une base de donnée contenant sur un axe le nom d’utilisateur, sur l’autre, les activités de cet utilisateur sur un réseau social (posts, « j’aime », commentaires…) Un tel fichier serait immense et aucun ordinateur au monde ou même aucun disque dur ne pourrait l’abriter. Le big data représente simplement la technologie qui permet de collecter des quantités immense de données dans une base de donnée mais de telle façon à pouvoir la stocker, rapidement la consulter et y retrouver des informations. L’intelligence artificielle est un terme relativement générique et d’ailleurs utilisé souvent à mauvais escient mais qui est utile pour se représenter les avancées surprenantes dans le domaine. Une des technologies qui fait progresser l’intelligence artificielle est l’apprentissage machine (Machine Learning en anglais). En simulant une configuration neuronale comme celle du cerveau sur un ordinateur, et en alimentant cet ordinateur de big data (c’est-à-dire de données classées et ordonnées), l’ordinateur peut « apprendre » un bon nombre de choses. Par exemple, faites passer par cet ordinateur une base de données de millions d’images de

chats qui indiquent la présence d’un chat sur la photo et l’ordinateur pourra reconnaître un chat sur toute nouvelle photo, voire même, générer une image de ce qu’est un chat selon ses « observations ». Ce procédé va bien au-delà des algorithmes et de la statistique mathématique qui permet de rechercher des corrélations entre un certain nombre de données car il permet à l’ordinateur de générer son propre code sans intervention humaine pour effectuer une certaine tâche (comme reconnaître un chat). C’est important de comprendre cette distinction car pour les algorithmes et la statistique, ce sont des personnes humaines qui doivent les configurer, alors que pour l’apprentissage machine, c’est l’ordinateur qui génère luimême le code (l’algorithme) en fonction des données que l’on lui fournit.

Le crédit et l’assurance : risques de discrimination

Le crédit et l’assurance sont deux produits financiers essentiels pour les familles, que ce soit pour s’acheter une maison, une voiture, ou se protéger contre les aléas de la vie comme un accident, un problème de santé, etc. Les fournisseurs de services financiers (banques, assurances…) se doivent quant à eux d’évaluer le « risque » d’un accident de la vie ou autre problème pour mettre un prix sur ces produits financiers. Deux méthodes principales existent pour évaluer le risque et ajuster

le prix : la méthode de la socialisation du risque, et la méthode de tarification en fonction du risque individuel. Dans le premier cas, il n’y a pas de vérification du risque individuel. Les fournisseurs de services financiers examinent les chiffres « globaux », c’est à dire, par exemple, combien de personnes n’arrivent pas à rembourser leur crédit par an sur la population globale, ou combien de personnes sont victimes de tel ou tel problème de santé, et répartissent le coût sur tous leurs clients. Tout le monde paye donc quasiment le même prix, relativement bas, pour tous les produits financiers. Cependant, cela met en place un système de solidarité intégrale entre les jeunes et les personnes âgées (les jeunes payent plus pour subsidier le prix des frais de soin et santé des plus âgés) ou entre les personnes âgées et les jeunes (les personnes âgées payent plus cher leur assurance voiture pour subsidier les jeunes qui sont plus à risque d’accident). En règle générale, ce type de produit financier ne peut exister que s’il est mandaté d’une manière ou d’une autre par la loi, à défaut de quoi, en vertu de la libre concurrence, pour attirer des personnes à faible « risque », les fournisseurs de services financiers vont inévitablement proposer des prix moins cher pour ces derniers (et donc, devront accroître les prix pour les personnes à risque plus élevé).

Martin SCHMALZRIED Chargé des Politiques du Numérique Coface – Europe Families

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Analyse

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A noter : attention à bien différencier le calcul du « risque » et la solvabilité du client ! Alors que l’évaluation du risque sert le plus souvent à ajuster le prix d’un produit financier, la solvabilité est une précondition à l’accès à certains produits financiers. Par exemple, si vous n’avez pas assez de rentrées financières pour assurer le remboursement d’un prêt, une banque ne peut pas vous l’octroyer (vous n’êtes pas solvable). Par contre, si vous avez assez de rentrées financières mais que vous avez un « profil de risque » jugé plus élevé (dû à votre santé par exemple), vous payerez votre produit financier plus cher (taux d’intérêt plus élevé, prime de risque au niveau de l’assurance etc). Dans le deuxième cas, les fournisseurs de services financiers tentent d’estimer le « profil de risque » de chaque personne individuellement. C’est-à-dire qu’ils vont essayer de collecter un maximum de données à propos de vous pour calculer quelle est votre probabilité d’avoir un problème de santé, un accident, un défaut de paiement, etc. Et c’est ici que le big data et l’apprentissage machine entre en jeu. Il y a encore une décennie, les données disponibles à propos de vous étaient maigres. Tout au plus, les fournisseurs de services financiers se basaient sur leurs propres

BIG DATA

Collectes de données

données clients (historique de remboursements) et quelques autres données en vertu de ce que permettait la loi (par exemple, avoir accès à votre fiche de paye, votre contrat de travail… dans certains pays, le paiement de votre loyer, vos charges ou votre abonnement téléphonique). De nos jours, une quantité immense de données est disponible via les réseaux sociaux et autres services en ligne qui enregistrent vos faits et gestes. Nos téléphones portables ainsi que certains objets connectés collectent aussi des données à propos nous. Et en passant ces données par un apprentissage machine, un ordinateur peut faire des liens entre certains comportements en ligne et le risque de défaut de paiement. Par exemple, une des « trouvailles » de l’apprentissage machine est qu’une personne qui envoie plus de messages qu’elle ne reçoit est plus à risque de faire défaut sur ses remboursements crédit et donc, payera plus cher son crédit ! Les fournisseurs de services financiers avancent comme argument que grâce à ces « mesures de risque » plus détaillées, ils pourront diminuer le nombre de personnes exclues de l’accès au crédit dû au manque de données les concernant. Mais les risques associés à ces techniques sont également nombreux.

Exclusions et discriminations Il est relativement évident que le « risque » présumé de familles plus pauvres/vulnérables sera plus élevé que pour des familles plus aisées. Mais l’impact sur le budget de ces familles vulnérables et l’accès à certains services financiers pourrait être désastreux. En limitant par la loi les données qu’un fournisseur de services financiers pouvait examiner, ce dernier était forcé de socialiser une partie du risque vu qu’il ne pouvait le calculer et donc, proposer des conditions relativement similaires aux différents profils de familles. Cela est d’autant plus problématique pour le crédit car l’ironie veut qu’accroître le taux d’intérêt pour mitiger le risque d’un défaut de paiement peut mettre une famille vulnérable en situation de difficulté financière qui accroît à son tour son risque de faire défaut ! Un cercle infernal…

La responsabilité en cause

Le big data et l’apprentissage machine partent du présupposé d’un « libre arbitre » intégral, c’est-à-dire que les décisions et actions des personnes dans leur vie de tous les jours sont libres de toute manipulation et influence. A partir de ce présupposé, les fournisseurs de services financiers peuvent justifier de faire payer plus cher quelqu’un qu’ils évaluent plus à risque. Cependant, les choses ne sont pas si évidentes. Prenons par exemple le cas de la santé et de l’alimentation. De nombreux chercheurs et institutions telles que l’OMS ont mis en évidence le lien entre la publicité et les comportements alimentaires. Dès lors, est-il normal qu’une personne ayant été exposée à des publicités qui promeuvent des aliments riches en graisses/ sucres/sel, devenant obèse à force d’en consommer, se retrouve à payer une énorme prime de risque pour une assurance santé ? L’environnement influence indéniablement nos comportements et de nouveaux


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BIG DATA

Miracle ou mirage ? domaines de la recherche mettent à jour la manière dont il est possible d’influer sur nos décisions (psychométrique, sciences comportementales…) ; l’ironie veut donc que d’un côté nous sommes exposés à des tentatives de manipulation de nos comportements de plus en plus sophistiqués et en même temps, si nous y succombons, nous devons en payer le prix ! A noter bien sûr que la publicité influence de façon subtile, en rendant certaines marques ou produits plus « visibles » et « familiers » que d’autres, ce qui accroît la probabilité d’achat, ou en renforçant certaines préférences ou comportements (publicités ciblées).

Injonctions contradictoires et le pouvoir disciplinaire du big data

Les publicités ne sont cependant pas la seule source d’influence sur nos comportements. Petit à petit, le big data et l’apprentissage machine deviennent à leur tour une source de pression. Les exemples de par le monde pullulent : une assurance auto dont le prix varie en fonction des données collectées par votre voiture connectée en fonction de vos habitudes de conduite (vitesse, freinage), une assurance dentaire dont le prix est calculé à partir de votre qualité

de brossage de dents (données collectées par une brosse à dent électrique connectée)... Du coup, nous serons non seulement exposés à des injonctions contradictoires - la publicité nous invitant à « vivre maintenant », « carpe diem », à consommer, le big data nous rappelant à l’ordre en menaçant de relever le taux de crédit si l’on dépense sans compter - mais aussi, soumis au pouvoir disciplinaire du big data, surveillant nos actions en permanence et y associant une récompense ou une punition financière.

Miracle ou mirage ?

Enfin, la qualité du profilage à partir du big data et de l’apprentissage machine n’est pas sans failles. Un exemple ayant fait le tour de la toile : l’apprentissage machine de Google programmé pour reconnaître le contenu des photos qui avait identifié des personnes d’origine africaines comme étant des « gorilles ». Il y a donc plusieurs facteurs qui peuvent mettre à mal la fiabilité de ces systèmes. Au premier rang, la qualité des données sur lesquelles ces systèmes se basent : à supposer que ces systèmes soient utilisés pour ajuster le prix des produits financiers, il est fort à parier que certaines personnes vont tenter de manipuler leurs données. Il

existe déjà des entreprises qui se spécialisent dans la réputation numérique, et rien ne vous empêche d’envoyer moins de messages ou de poster des commentaires qui vous feraient « gagner des points » aux yeux de ces systèmes, sans pour autant changer en profondeur vos habitudes/comportements. Mais même si les données utilisées sont de qualité, cela n’empêche pas ces systèmes de faire des erreurs, sauf que c’est vous qui en payerez le prix. Il n’y a pas lieu de nier que le big data et l’apprentissage machine peuvent révolutionner le monde, reste à savoir orienter leur utilisation pour qu’elle soit compatible avec l’intérêt général. A titre d’exemple, ces systèmes pourraient permettre aux familles d’avoir un meilleur contrôle sur leurs finances en analysant leurs dépenses et signaler dès le départ un risque de difficulté financière, ou prévenir des risques de fraude en analysant vos dépenses. Au niveau des familles, ces outils pourraient être utilisés à des fins d’introspection pour aider à faire de meilleurs choix sans pour autant être punitifs. Mais pour y arriver, il faudra une intervention des pouvoirs publics, car le libre marché, laissé à lui-même, tend à exacerber les pratiques décrites ci-

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INTERVIEW

« Dépenser moins pour vivre mieux ! » Philippe Lévèque a travaillé pendant 12 ans pour une banque d’investissement américaine avant d’écrire son « Guide écofrugal ». Il y explique, en 96 fiches pratiques, comment alléger son impact environnemental en faisant des économies substantielles. Pour Réalités Familiales, il explique sa démarche. Philippe LÉVÈQUE Créateur d’Ecofrugal Project et auteur du Guide Ecofrugal.

Comment êtes-vous passé de la finance à l’écologie ? Comme beaucoup de gens, j’ai traversé une période où je me posais beaucoup de questions sur le sens de mon métier, sur mon utilité dans la société. Dans ce contexte de recherche de sens, je me suis beaucoup intéressé au développement durable, au départ en partie par obligation professionnelle. En effet, je conseillais des fonds d’investissements qui réfléchissaient à financer des projets en lien avec les énergies renouvelables et les économies d’énergie… C’est un déclic tout bête qui a déclenché en moi l’envie de convaincre les gens d’agir pour l’environnement. Ce déclic, pour moi, a pris la forme d’une fontaine à eau gazeuse, que j’ai reçue en cadeau. J’ai trouvé cette innovation fantastique : j’ai immédiatement calculé les économies que j’allais réaliser par rapport à mes achats quotidiens de bouteilles d’eau gazeuse, environ 220 euros par an. Grâce à la fontaine, je réduisais non seulement ma facture, mais aussi mon impact environnemental : moins de déchets plastiques quotidiens, sans compter l’économie en termes de production, de stockage, de transport… C’est ainsi que j’ai réalisé que l’argent, le nerf de la guerre, s’il pouvait être toxique, pouvait être utilisé de façon « vertueuse » pour convaincre les gens d’agir pour l’environnement. J’ai donc

décidé d’utiliser l’argument de l’argent comme facteur positif et incitatif de changement. Dans la grande majorité des cas, l’écologie et le développement durable ne coûtent pas plus cher, au contraire. Quand j’ai commencé à m’intéresser à ces nouvelles pratiques, je me suis rendu compte que j’avais déjà sans le savoir un comportement écofrugal dans différents domaines. Par exemple, j’avais intégralement meublé mon appartement en récupérant du mobilier dans la rue et avec de l’électroménager d’occasion. C’est incroyable la quantité de choses que nous jetons et gaspillons. Heureusement il existe de plus en plus de sites Internet qui recensent tous ces bons plans pour se meubler à moindre coût… Tout en évitant de produire de nouveaux meubles. Autre habitude écofrugale : ma pratique du vélo. J’ai calculé que ne plus utiliser de carte de transports m’a fait économiser plus de 5 000 euros en 10 ans. Ce ne sont pas des économies de bouts de chandelles, elles sont substantielles dans un budget ! Ainsi, j’ai donc commencé à cartographier toutes les solutions écofrugales qui peuvent exister, dans tous les domaines : transports, loisirs, alimentation, vie au travail. Les astuces sont très nombreuses : covoiturage, fait maison, achat en vrac, circuits courts…. A priori, entre le

covoiturage et le fait maison, on ne voit pas bien le rapport. Pourtant ces pratiques ont comme point commun deux caractéristiques essentielles : elles sont économiques et écologiques. Certaines ne datent pas d’hier, mais elles ont le vent en poupe et peuvent révolutionner nos modes de consommation et nos modes de vie. Grâce à cette approche globale, les économies sont considérables. Dans mon livre, je les ai traitées avec un œil de financier, en les classant par poste de dépenses… Quand mon livre a été fini, j’ai quitté mon travail avec mon bâton de pèlerin… Après plus de 12 dans une banque d’investissement. On m’a traité de fou car je quittais un poste et un salaire conséquent… Mais je n’étais pas pris au piège car mon train de vie n’avait pas augmenté avec mon salaire.

Qu’apporte concrètement la mise en place d’habitudes écofrugales ?

J’ai compris qu’on pouvait agir pour l’environnement et que ça avait des répercussions économiques intéressantes, mais surtout, que cet avantage économique n’est qu’un moteur pour s’y mettre ! Car bien d’autres bénéfices encore plus importants découlent de cette démarche : la santé, le bienêtre, la sociabilité… En effet, notre société de consommation nous a rendus


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autosuffisants : nous sommes des individus qui pouvons tout acheter sans dépendre des autres. Par exemple, nous préférons acheter une nouvelle télévision puisque c’est plus facile que de la faire réparer. La consommation écofrugale nous rend aussi autonomes, mais de la société marchande. En contrepartie, nous retrouvons beaucoup plus de sociabilité voire de solidarité. Réparer, récupérer, bricoler, participer à des ateliers, partager un véhicule, jardiner, aller au marché rend la vie bien plus riche en échanges et en lien social. Ainsi, on réduit son impact environnemental en augmentant son niveau de vie… Le vrai ! Avec ces nouvelles pratiques, on augmente son pouvoir d’achat mais aussi sa qualité de vie : santé, lien social, etc… Avec l’expérience, j’ai remarqué que les personnes qui adoptent ces nouveaux modes de vie pour des raisons purement écologiques ou purement économiques, ne reviennent quasiment jamais en arrière, grâce à tous ces bénéfices induits.

en famille. Ça peut aussi être l’occasion d’initier ses enfants à la gestion budgétaire. Faire maison, bricoler, c’est aussi équiper ses enfants pour l’avenir, c’est leur donner un bagage intellectuel qui permet de mieux vivre le monde dans lequel on vit et de leur donner des ressources pour agir. Quand, au niveau des institutions, on a l’impression que tout est bloqué, de « subir » un système, au niveau des individus, il y a beaucoup plus de marge de manœuvre qu’on le pense. Etre écofrugal permet aussi de libérer son imaginaire.

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Les personnes qui travaillent énormément peuvent se retrouver piégées par le manque de temps – ici, je ne parle pas des personnes dont le budget est tellement serré qu’elles n’ont aucune marge de manœuvre. Et quand vous n’avez plus de temps, et vous êtes obligés de tout acheter, et cela revient plus cher. Ralentir : voilà encore une idée écofrugale pour améliorer le niveau de vie des familles ! l

Que dire du manque de temps ?

Alors c’est sûr, consommer mieux demande plus de temps. Ces arbitrages sont de toute façon au cœur des questions familiales : « Vu ce que la crèche me coûte, n’aurais-je pas plutôt intérêt à passer du temps avec mes enfants ? ».

EN SAVOIR

+

www.ecofrugalproject.org

Espérez-vous changer radicalement les modes de consommation ?

Je ne me veux en aucun cas donneur de leçon : l’écofrugalité est une démarche d’amélioration continue. Il ne s’agit pas d’appliquer à la lettre tous les conseils que j’ai recensés, mais de piocher, çà et là, des bonnes idées, de faire des choix éclairés et de trouver les bonnes informations.

Qu’est-ce que vos conseils peuvent apporter aux familles ?

Je le disais, derrière le bénéfice économique, il y en a beaucoup d’autres. « Faire maison », c’est transmettre un savoir à ses enfants, leur montrer l’importance de bien s’alimenter, leur apprendre les ingrédients qui composent une recette… Ces habitudes participent à l’éducation des enfants, c’est l’occasion de partager des moments

POUR ALLER

+

LOIN

MonAtelier-Ecofrugal.fr : une initiative collaborative et citoyenne

Pour toucher un public encore plus large, Philippe Lévèque propose désormais à ceux qui s’intéressent à la consommation écofrugale de devenir Ambassadeurs d’un atelier écofrugal. Il s’agit du premier atelier collaboratif et citoyen de partage de bonnes pratiques pour consommer mieux et faire des économies. Le concept : réunir ses amis et ses connaissances pour partager bons plans, trucs et astuces, bonnes adresses. Zéro déchet, circuits courts, économie collaborative, troc/don/prêt d’objets… Les thèmes ne manquent pas ! Pour récompenser les ambassadeurs, une Box Ecofrugal leur est envoyée, garnie de cadeaux utiles offerts par des entreprises engagées … et du guide Ecofrugal. + d’infos sur www.monatelier-ecofrugal.fr

à lire... Le guide écofrugal Philippe Lévèque (Marabout, 2015)

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Les familles comme agents économiques © Bertrand Clech

Les moins de 18 ans représentent 22 % de la population française et 40 % des adultes ont des enfants à charge. Le traitement des familles, est donc crucial, du point de vue de l’efficacité des dépenses publiques comme de l’équité du système socio-fiscal.

Henri STERDYNIAK Économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE)

L

es familles ont la charge spécifique d’élever leurs enfants, charge que la société doit les aider à assumer. Aussi, la politique familiale française se donne-t-elle trois objectifs.

Les objectifs de la politique familiale française

Les familles avec enfants devraient avoir un niveau de vie au moins égal à celui des couples sans enfant ou des personnes sans enfants. D’une part, l’équité intergénérationnelle voudrait que les enfants aient approximativement le même niveau de vie que les adultes, actifs ou retraités. D’autre part, la société a besoin d’enfants et d’enfants bien éduqués ; en plus de leurs activités productives, les parents remplissent donc une fonction sociale, celle d’élever leurs enfants ; rien ne peut justifier que leur niveau de vie soit inférieur à ceux qui n’ont pas cette fonction. L’élevage des enfants représente une lourde charge pour les parents, en terme financier certes, mais aussi en termes de temps et de perte de liberté. La parentalité est un esclavage volontaire. Pour les jeunes adultes, la constitution d’une famille est concurrencée par les soucis de carrière, les exigences de la vie intellectuelle, les charmes des loisirs, les plaisirs du libertinage. Avec deux enfants par femme, la France se situe nettement au-dessus de la préoccupante moyenne européenne (1,6 enfant par femme) ; il faut

maintenir cet avantage comparatif. La société doit assurer aux enfants des conditions de vie satisfaisantes qui leur permettent d’acquérir les compétences sociales et intellectuelles nécessaire pour s’insérer dans l’économie du XXIème siècle. Sortir tous les enfants de la pauvreté est le premier investissement social que la société doit effectuer. Certes, cela suppose des dépenses collectives (crèches, activités extra-scolaires, dépenses d’éducation renforcées dans les quartiers défavorisés, etc.), mais cela nécessite aussi que leurs familles ne vivent pas dans la pauvreté, que leurs parents aient la disponibilité (en temps, en conditions matérielles) pour s’occuper de leurs enfants. Au niveau des personnes sans ressources, celles qui ont des enfants en charge devraient se voir assurer un niveau de vie plus élevé que celles qui n’en ont pas : les parents jouent un rôle social (élever leurs enfants) ; ceux-ci ne sont en rien responsables de leur situation et ne doivent pas trop en pâtir. La société doit promouvoir le modèle de la famille bi-active qui évite que les femmes aient à choisir entre l’emploi et la vie familiale. Le travail des femmes est un instrument essentiel d’égalité entre les femmes et les hommes. C’est un modèle pour leurs enfants. C’est aussi un rempart contre la pau-

vreté et la précarité. En même temps, la bi-activité fait peser de lourdes contraintes d’organisation et d’emploi du temps sur les parents, que la société se doit d’alléger au maximum (modes de garde de qualité et à faibles coûts pour les très jeunes enfants, proximité emploi-logement, etc.). La France a réussi à maintenir un niveau satisfaisant de fécondité ; le taux d’activité des femmes est relativement élevé (82,7 % pour les 25-54 ans contre 92,6 % pour les hommes) et l’écart avec le taux des hommes diminue régulièrement. Le système français d’imposition et de prestation reste familial. La société reconnaît le droit des personnes à se marier (ou à se pacser), à fonder une famille, à mettre en commun leurs ressources. Cette conception de la famille solidaire est aussi normative : les personnes mariées se doivent assistance ; un parent doit assurer à ses enfants le même niveau de vie que le sien ; c’est la base de l’obligation alimentaire, des pensions alimentaires et des pensions de réversion, qui protègent les enfants et les conjoints à plus faibles ressources.

Le niveau de vie des enfants

Cependant, malgré une politique familiale relativement généreuse, le niveau de vie des enfants reste nettement inférieur à celui de l’ensemble de la


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population (de 9,1 % en 2014). Le taux de pauvreté des enfants (19,8 % en 2014) est nettement plus important que celui de l’ensemble de la population (14,1 %). Le revenu mensuel médian par unité de consommation en 2017 peut être évalué à 1745 euros par mois. Un enfant (qui représente 0,3 uc) devrait donc recevoir environ 520 euros par mois pour avoir le revenu médian. Or, les allocations familiales sont très loin de ce niveau : 65 euros par enfant pour une famille de deux enfants ; 98 euros par enfant pour 3 enfants. Dans le domaine fiscal, le quotient familial n’est pas une aide aux familles ; il ne fait que tenir compte de leur niveau de vie pour les familles à 1 ou 2 enfants ; il n’aide que les familles de 3 enfants ou plus (par la demi-part supplémentaire à partir du troisième enfant). Pour les familles les plus pauvres, le RSA a été calibré de façon à assurer un niveau de vie équivalent aux personnes isolées, couple et familles avec enfant. Mais, contrairement au minimum vieillesse, le RSA ne sort pas ses bénéficiaires de la pauvreté. Or, les enfants vivent avec des parents d’âge actifs, que la société refuse de trop aider s’ils sont sans emploi pour ne pas les désinciter à travailler. Cela contribue au fort taux de pauvreté des enfants. Pour des revenus de l’ordre du Smic, les familles avec enfants ont en principe, grâce à la Prime d’activité, un niveau de vie équivalent à celui des couples pour des revenus. Mais le taux de recours à la Prime d’activité n’était encore que de 64 % fin 2016. Par contre, l’absence de Prime d’activité fait qu’une famille d’un salarié au Smic passant en chômage a un niveau de vie très bas. Au-delà, les familles avec enfants ont un niveau de vie

nettement plus bas que celui des couples sans enfant. Le niveau de vie des familles relativement aux couples sans enfant est d’autant plus faible qu’elles ont plus d’enfants et plus de revenu. A partir de deux Smic, l’écart de niveau de vie se creuse entre les familles avec enfants et les couples. Il atteint vite 15 % (pour une famille avec un enfant), 26 % (avec deux enfants) et 34 % (avec trois enfants). Les mesures prises par le gouvernement depuis 2012 (forte baisse du plafond du quotient familial, dégressivité des allocations familiales) ont encore aggravé cet écart pour les familles des classes moyennes, qui sont souvent des familles bi-actives, qui ne sont pas les privilégiées du système.

enfant et par la création d’un complément familial pour les chômeurs. La lutte contre la pauvreté des enfants doit être financée par l’ensemble des ménages (et non par les seules familles avec enfants).

Des actions à engager

Individualisation des prestations : un risque pour les familles

La France ne distribue pas d’allocations familiales aux familles avec un enfant et les allocations familiales sont plus élevées à partir du troisième enfant. Dans l’idéal, chaque enfant devrait ouvrir le droit à une allocation égale à 30 % du revenu médian (soit 523 euros). Dans la mesure où le montant des allocations est très loin d’atteindre ce niveau, il est légitime d’aider plus les familles qui supportent la plus grande perte de niveau de vie en raison de la présence d’enfant, donc les familles nombreuses plutôt que les familles avec un enfant1. Le taux de pauvreté d’ailleurs est beaucoup plus élevé pour les familles nombreuses que pour les familles avec un enfant (19,3 % contre 7,2 %). Améliorer la situation relative des enfants demanderait une forte revalorisation des allocations familiales ; toutes les prestations familiales devraient être indexées sur l’évolution des salaires ou du revenu médian. Réduire le taux de pauvreté des enfants passerait par une nette augmentation du RSA (et donc automatiquement de la Prime d’activité) pour les familles avec

Au contraire, le Haut Conseil à la Famille et le Haut Conseil du Financement de la Protection Sociale ont cru pertinent de présenter des projections où l’équilibre comptable de la branche famille serait assuré par la stagnation des prestations familiales en pouvoir d’achat alors que les salaires réels progresseraient de 1 ou 1,5 % l’an. Il n’est pas acceptable de projeter ainsi une paupérisation continuelle des familles, sans débat social ouvert qui plus est.

Il est choquant que le rapport Sirugue ou un rapport récent de Terra Nova2 proposent des réforme des minimas sociaux en oubliant les enfants. Il est dommage qu’un candidat à l’élection présidentielle ait préconisé un Revenu Universel d’Existence de 600 euros par adulte en oubliant totalement les enfants (qui devraient avoir 240 euros par mois si un couple a droit à 1200 euros). Il est préoccupant qu’un autre ait préconisé une Allocation Sociale Unique (qui baisserait fortement les prestations des familles les plus pauvres). D’autres veulent remplacer individualiser la fiscalité en remplaçant le quotient familial par un crédit d’impôt ce qui n’aurait aucune logique fiscale (les familles doivent être taxées selon leur capacité contributive). Il est symptomatique qu’aucun n’ait proposé une revalorisation significative des allocations familiales. Notre société a fait un choix que l’on peut remettre en cause : les transferts en faveur des personnes âgées sont en quasi-totalité publics ; la prise en charge

1/ Voir Henri Sterdyniak, 2011), « Faut-il remettre en cause la politique familiales française », Revue de l’OFCE, janvier. 2/ Terra Nova, Pour un minimum décent, contribution à la réforme des minima sociaux, 2016.

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des enfants (hors éducation) se fait en grande partie dans le cadre familial. La société ne prend totalement en charge que les enfants des familles les plus pauvres. Socialiser la prise en charge des enfants supposerait des prestations de l’ordre de 520 euros par mois par enfant, soit des prestations familiales de l’ordre de 110 milliards d’euros (contre 40 aujourd’hui). Le discours moderne en faveur de l’individualisation du système fiscalo-social français fait courir le risque, en période de pression sur les dépenses publiques, que la fiscalité soit individualisée, mais que la hausse des allocations familiales n’ait pas lieu. Ce sont les enfants (et de nombreuses femmes) qui souffriraient de la remise en cause de la solidarité familiale qui impliquerait la fin des pensions de réversion et des pensions alimentaires. Il faudrait au contraire la réaffirmer, en particulier en demandant une forte hausse des pensions alimentaires.

Le mouvement familial devrait encore davantage jouer des moyens de pression dont il dispose. Il faudrait tenir compte des enfants dans toutes les réformes (de ce point de vue, le RSA et la Prime d’activité sont satisfaisants). Ne faudrait-il pas réclamer pour que les intérêts des enfants soient mieux pris en compte que leurs parents votent pour eux ? l


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POINT DE VUE

Les ruptures conjugales : un coût élevé pour les femmes… … Si elles se sont spécialisées dans la sphère domestique pendant leur union1.

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ne rupture conjugale est une opération coûteuse pour les couples. Les conjoints, du moins pour ceux qui étaient mariés, ont à acquitter les honoraires d’avocat liés à la procédure de divorce, auxquels peuvent s’ajouter des frais de notaire lorsqu’il y un acte de partage des biens du couple.

Une baisse de niveau de vie, surtout pour les femmes

Ils ont également à supporter, ce qui n’est pas forcément anticipé par les individus, une réduction de leur niveau de vie. En effet, se séparer conduit à perdre le bénéfice des économies d’échelle réalisées pendant la vie de couple en raison du partage de dépenses communes (notamment le logement). Cette perte de niveau de vie n’est pas également répartie entre les membres du couple dès lors que les revenus des ex conjoints sont inégaux et ou qu’ils n’optent pas pour une résidence alternée de leurs enfants. La perte de niveau de vie est alors plus prononcée pour le conjoint qui avait un revenu nettement plus faible que celui de son conjoint et/ou qui obtient la garde principale des enfants. De fait, en raison de la plus faible contribution des femmes aux revenus des couples (d’après une étude de l’INSEE publiée en 2014, les femmes contribuent à hauteur de 36 % des revenus du couple) et d’une faible diffusion de la résidence alternée (la résidence chez la mère représente près

de 75 % des cas), les femmes subissent en moyenne une plus forte dégradation de leur niveau de vie que les hommes après une rupture conjugale. L’existence de transferts publics issus des systèmes de protection sociale et de transferts privés entre ex-conjoints, notamment ceux encadrés par le droit (pension alimentaire, prestation compensatoire dans le cas des conjoints mariés) contribue à atténuer l’asymétrie des pertes de niveau de vie entre hommes et femmes mais ne permet pas de la faire disparaître. Ainsi, d’après une étude récente menée par C. Bonnet, B.Garbinti et A. Solaz (2015), une fois pris en compte les transferts liés au système sociofiscal et les transferts privés, le niveau de vie des hommes divorcés ou ayant rompu un Pacs est en moyenne 3,5 % plus élevé qu’avant divorce tandis que celui des femmes baisse de 14,5 %.

Une spécialisation domestique coûteuse en cas de séparation

Les inégalités de genre en termes de niveau de vie post divorce résultent pour partie de décisions qui ont été prises avant le divorce et qui contribuent à réduire la capacité de gains des femmes. Ainsi, encore aujourd’hui, c’est la conjointe qui, dans la grande majorité des cas, continue à porter l’essentiel de la charge des ajustements entre emploi et vie familiale. Ainsi A. Pailhé et A. Solaz (2010) rappellent que moins d’un

cinquième des pères déclarent un changement professionnel suite à une naissance, et, dans une majorité des cas, sans lien avec l’arrivée de l’enfant, contre près de la moitié des femmes. Indolore pour les femmes pendant la vie commune, du fait de la mise en commun des ressources, cette spécialisation domestique devient coûteuse lorsque le couple se sépare. Ainsi, l’étude de Bonnet et al. (2015) montre que les femmes dont le conjoint avait un revenu représentant plus de 60 % du revenu du couple souffrent en moyenne d’une perte de niveau de vie de 21 % par rapport à la situation d’avant divorce alors que celles dont le revenu correspondait à plus de 60 % du revenu du couple voient leur niveau de vie augmenter en moyenne de 18 % après la séparation. Le coût de la spécialisation ne s’apprécie pas seulement à court terme mais également à moyen voire à long terme. En effet, avoir eu une trajectoire professionnelle entrecoupée de périodes d’inactivité ou d’activité à temps partiel rend plus difficile le retour sur le marché du travail au moment du divorce en raison d’une plus faible employabilité. Par ailleurs, en cas d’interruption de travail prolongée, les femmes subissent une perte de salaire lorsqu’elles retournent en emploi, cet effet perdurant à long terme. Ce mécanisme rend alors plus difficile la restauration du niveau de vie antérieur pour la femme. Enfin,

1/ Cette contribution reprend en partie le contenu d’un article publié par la revue Population en 2016 (C. Bourreau-Dubois et M. Doriat-Duban, « La couverture des coûts du divorce : le rôle de la famille, de l’Etat et du marché », Population, n°2016/3 (vol. 71) ; http://www.cairn.info/revue-population-2016-3-page-489.htm)

Cécile BOURREAU-DUBOIS Professeur des universités, économiste, Université de Lorraine, Beta UMR-CNRS 7522

Myriam DORIAT-DUBAN Professeur des universités, économiste, Université de Lorraine, Beta UMR-CNRS 7522

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conjoints pendant le mariage, et par extension, atténuer le choc économique que constitue la séparation conjugale. En l’occurrence, il ne s’agit plus pour l’Etat de réparer les situations difficiles et/ou de compenser des inégalités de genre mais de chercher à infléchir le comportement des individus. On l’a vu, l’investissement spécifique dans la sphère domestique est à l’origine de coûts importants pour les femmes en cas de rupture de leur union. Ces investissements conduisent à ce que leurs revenus d’activité soient moins importants.

une présence irrégulière ou moins intensive sur le marché du travail grève les revenus de remplacement perçus lors du passage à la retraite.

L’impact des ruptures compensé par la protection sociale

Les inégalités de genre qui s’expriment lors du divorce sont prises en considération, de manière plus ou moins étendue, par le droit de la protection sociale. Ainsi, certains pays pratiquent le partage des droits à la retraite (« splitting pension ») en cas de divorce. Le principe consiste à faire masse des droits à retraite acquis par l’homme et la femme pendant la durée de l’union et à les partager également entre eux au moment du divorce. Ainsi, en Allemagne, en Suisse et au Canada, les droits à retraite acquis pendant la durée du mariage des deux conjoints sont partagés à égalité. Au RoyaumeUni, les droits à la retraite entrent dans l’ensemble du patrimoine du ménage, qui sera ensuite réparti entre les deux

ex-conjoints. Ce dispositif permet de remédier à la faiblesse des droits propres des femmes qui auraient réduit leur activité pendant le mariage pour réaliser des investissements spécifiques dans la vie domestique. De son côté, la France a depuis longtemps instauré des droits familiaux de retraite qui visent notamment à compenser l’impact, sur le niveau de retraite des mères, de carrières écourtées en raison des interruptions liées aux enfants. Enfin, les inégalités de genre consécutives au divorce sont prises en charge, en dernier recours, par les dispositifs relevant de l’aide sociale (RSA, minimum vieillesse).

Limiter les inégalités par l’emploi des mères

A côté de ces dispositifs permettant une compensation ex-post des inégalités de genre qui sont révélées de manière concrète par le divorce, l’Etat peut aussi mobiliser des outils pour limiter le risque de spécialisation domestique de la part de l’un des

Il s’agit donc d’inciter les mères à se maintenir en emploi après la naissance de leurs enfants. De ce point de vue les dispositifs qui prévoient des congés parentaux réservés aux pères, non transférables aux mères, comme cela se fait depuis longtemps en Suède et depuis peu en France, créent des conditions favorables pour réduire les inégalités économiques de genre que l’on constate au moment de la rupture conjugale. En amont des choix d’activité des mères, l’Etat peut également veiller à améliorer le niveau de qualification des femmes. Enfin, les pouvoirs publics peuvent utiliser le levier de la fiscalité en mettant en place une fiscalité favorable à la double activité dans les ménages, comme par exemple l’individualisation de l’impôt sur le revenu. Ce type d’interventions publi­ ques correspond à la conception moderne des politiques sociales (politiques visant à favoriser l’emploi des femmes) défendue par le sociologue Esping Andersen, pour qui l’Etat-Providence doit être davantage investisseur qu’infirmier. l


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Analyse

Agrandir la famille : un arbitrage complexe entre temps et argent Pour les parents d’un enfant supplémentaire, concilier vie familiale et vie professionnelle, c’est résoudre une délicate équation financière et temporelle : comment gagner suffisamment pour entretenir une famille qui s’agrandit, tout en conservant suffisamment de temps pour s’en occuper ? Un enfant coûte de l’argent… et du temps Un enfant en plus, c’est un budget conséquent : pour vivre décemment, un couple type ayant 3 enfants devra dépenser environ 500 € de plus par mois qu’avec deux, selon les budgetstypes de l’UNAF1. Les recherches les plus récentes estiment que les aides sociales et fiscales ne couvrent en moyenne qu’un quart à un tiers2 du coût financier d’un enfant. Les parents d’un nouveau-né, s’ils souhaitent que leur niveau de vie ne se dégrade pas trop, auraient donc plutôt intérêt à augmenter ou maintenir leurs revenus professionnels. Et donc, pour la plupart d’entre eux, à augmenter ou maintenir leur temps de travail rémunéré : rappelons que 87 % des salariés sont payés en fonction de leur nombre d’heures de travail et que 49 % ont recours à des heures supplémentaires rémunérées. Or, un enfant en plus pèse sur l’emploi du temps domestique : il représente du temps de soin en plus, mais aussi de nouvelles contraintes d’organisation, notamment si la famille compte déjà des enfants à charge.

Mesurer le temps parental

Le temps parental comprend notamment les soins aux enfants, les déplacements de l’enfant, la sociabilité et les loisirs, et l’aide au travail scolaire. Il est rarement mesuré, et selon des périmètres qui peuvent varier selon les choix des chercheurs. Mais son total est toujours considérable. • l’Insee mène tous les 10 ans une enquête « emploi du temps » en demandant aux personnes interrogées de décrire par tranches de 10 minutes tout ce qu’elles font. En moyenne, par parent d’enfant à charge, le temps parental représente 8h00 par semaine3 (11h pour les mères, 5h pour les pères). • Une autre étude4, plus ancienne, rapportée en 2000, conclut que le temps parental représenterait jusqu’à 39 heures par semaine, à se répartir entre deux parents, soit l’équivalent d’un emploi à mi-temps. Au-delà du temps consacré spécifiquement aux enfants (toilette, repas, sociabilité, etc.), qui représente environ 16 heures par semaine pour

un couple, c’est l’ensemble du temps domestique (incluant aussi ménage, lessive) qui croît rapidement avec le nombre d’enfants. En 2010, un couple avec trois enfants, par exemple, y consacre 2h30 par jour de plus qu’un couple sans enfant soit 17h30 de plus par semaine.

Yvon SERIEYX Chargé de mission économie / emploi, UNAF

Le temps : une ressource limitée, d’étroites marges de manœuvre pour les parents Face à la forte charge du temps parental et domestique, si les parents souhaitent maintenir leur temps de travail, ils doivent considérablement réduire la Graphique 1

Différence quotidienne de temps de travail domestique d’un couple avec enfant(s) par rapport à un couple sans enfant5. 4h48 mn

3h36 mn 2h24 mn 1h12 mn 0h00 mn 1 enfant

2 enfants

1/ Différence entre les budgets types « F» et « G» de l’UNAF. 2/ Adélaïde Favrat, Céline Marc, et Muriel Pucci, « Les dispositifs sociaux et fiscaux en faveur des familles : quelle compensation du coût des enfants ? », Economie et statistique 478, no 1 (2015): 5‑34, doi:10.3406/estat.2015.10555. 3/ Thibaut De Saint Pol et Mathilde Bouchardon, « Le temps consacré aux activités parentales », Études et Résultats, no 841 (mai 2013), https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01376369. 4/ Marie-Agnès Barrère-Maurisson et Olivier Marchand, « Temps de travail, temps parental : la charge parentale, un travail à mi-temps », 2000, http://www.epsilon.insee.fr:80/jspui/handle/1/3669. 5/ Excluant une partie du temps parental (notamment conversations, jeux et activités, lectures non scolaires….) Guillaume Allègre et al., « Travail domestique : les couples mono-actifs en font-ils plus (document de travail) » (OFCE, 2014), https://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/dtravail/WP2014-17.pdf.

3 enfants

4 enfants et plus

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taire auprès de professionnels… si on en a les moyens. Dans cet arbitrage temps/argent, c’est pour la plupart des familles le temps familial qui l’emporte, et l’argent qui perd… et donc le niveau de vie qui baisse.

La réduction du temps consacré au travail coûte aux familles qui s’agrandissent.

seule marge de manœuvre qui leur reste : leur temps « personnel », c’est-à-dire le temps laissé libre par le travail domestique ou rémunéré : le sommeil, le repos, les loisirs… Une modélisation des données de l’avant dernière enquête Emploi du Temps (1998-99) estime que lorsque les parents de trois enfants de 3 à 14 ans travaillent à plein temps, ils réduisent, en semaine, de 3h48 leur temps personnel quotidien par rapport à une famille analogue sans enfants. Plus encore, trois enfants « coûtent » un peu plus d’une heure de temps « physiologique » (qui comprend le sommeil) pour le père comme pour la mère. Plus généralement, pour les parents travaillant à plein temps, le sentiment de manquer de temps dans la vie quotidienne est fortement corrélé au nombre d’enfants à charge6.

Dépenses financières en hausse, temps domestique en hausse, temps personnel réduit à sa portion congrue : un enfant en plus contraint presque inévitablement les familles à arbitrer entre argent et temps. Le temps, par définition, est limité, et inextensible. On peut compter sur le temps des proches… ou pas. Ou encore « acheter du temps » supplémen-

Selon l’Insee, les baisses de niveau de vie qui suivent la naissance d’un enfant seraient d’ailleurs davantage dues à « une réduction, voire un arrêt de l’activité professionnelle dans le ménage, qu’à la charge financière supplémentaire induite par cette naissance7 ». C’est l’une des raisons pour lesquelles, malgré les aides aux familles, le niveau de vie annuel moyen d’un couple avec trois enfants est, en 2013, inférieur de 6 790 € à celui d’un couple sans enfant. Cet arbitrage en faveur du temps s’impose en partie de lui-même : règlements, lois, institutions, exigent des parents qu’ils passent du temps auprès de leurs enfants. L’éducation nationale est un bon exemple d’obligation institutionnelle : respecter les horaires (8h3016h30) et calendriers scolaires (15 semaines de congés contre 5 pour le droit du travail8) exige des parents qui travaillent un effort d’organisation important, a fortiori si leurs horaires sont éclatés ou leurs calendriers imprévisibles. Les enseignants, par ailleurs, enjoignent souvent tout parent à s’impliquer fortement dans la scolarité de leurs enfants, ce qui suppose des heures de présence. Ces contraintes s’additionnent, voire se multiplient, à mesure que s’agrandit une famille.

La famille passe avant le travail… au détriment de son niveau de vie

Surtout, la hiérarchie des valeurs pèse dans la balance

entre temps familial et temps de travail : la famille reste, comme dans la plupart des pays, la valeur de référence, bien davantage que le travail. Interrogés sur « ce qui les définit le mieux », ce à quoi ils s’identifient, 81,8 % des parents occupant un emploi citent avant tout « leur famille », et seulement 3 % « leur travail » . Cette prééminence s’est manifestée par exemple à l’issue de la loi Aubry réduisant le temps de travail : le temps familial a été le second bénéficiaire le plus cité du passage aux 35 heures (après le sommeil et le repos)9. Cet arbitrage, enfin, est durable : le temps parental, entre 1999 et 2010, a augmenté, même si c’est en grande partie à cause des temps de transport. Et en dépit de la réduction du temps de travail, le désir de passer du temps en famille est loin d’être assouvi : en 2012, un peu moins de la moitié des parents travaillant à plein temps disaient éprouver au moins plusieurs fois par an des difficultés à remplir leurs responsabilités familiales parce qu’ils passent trop de temps à leur travail10. Aujourd’hui, l’arrivée d’un enfant conduit nombre de familles à arbitrer entre temps et argent au profit du temps domestique et familial, et au détriment de la rémunération professionnelle, notamment des mères. Demain, cet arbitrage affectera peut être plus également les carrières des deux parents, mais il est fort probable qu’il contraindra encore souvent pères ou mères, en couple comme isolés, à réduire, au moins temporairement, leur temps de travail rémunéré, et donc le niveau de vie de la famille entière. l

6/ Alain Chenu, « Les horaires et l’organisation du temps de travail », Économie et Statistique 352‑353 (2002): 151‑67. 7/ Jean-François Eudeline et al., « L’effet d’une naissance sur le niveau de vie du ménage » (INSEE, 2011), https://www.insee.fr/fr/statistiques/13738 05?sommaire=1373809. 8/ Enquête Histoire de vie 2003, INSEE, Calculs UNAF 9/ CREDOC, « Les comportements de départs des Français : premières incidences des 35 heures », consulté le 28 avril 2017, http://www.credoc.fr/ publications/abstract.php?ref=Sou2002-1443. 10/ Enquête EQLS (Eurofound, 2012), Calculs UNAF


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Éducation financière : limites et perspectives L’éducation financière se développe de plus en plus dans les pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Qu’entend-on par éducation financière ? Quelle en est sa finalité et ses usages ? Faire face à une complexité croissante des services financiers et à une protection sociale de plus en plus individualisée Le 20 décembre 2016, le ministre de l’Économie Michel Sapin lançait le comité d’éducation financière. La France répond ainsi à la demande de l’OCDE à ses états membres, de développer des programmes d’éducation financière des particuliers. Il s’agit d’une part de faire face à une complexité croissante des services et produits financiers (épargne, assurance vie, investissement, crédits,…), et d’autre part de faire face à l’érosion de la protection sociale qui transfère de plus en plus de risque sur les individus. Les garanties collectives laissent progressivement la place aux assurances individuelles, a fortiori en période d’austérité budgétaire. Il serait donc nécessaire d’informer la population pour qu’elle prenne en compte ce phénomène dans sa stratégie patrimoniale. Selon l’OCDE, « l’éducation financière vise à la fois à améliorer la connaissance des produits, concepts et risques financiers, mais aussi à acquérir au moyen d’une information, d’un enseignement ou d’un conseil objectif, les compétences et la confiance nécessaires pour : • devenir plus sensibles aux risques et opportunités en matière financière ; • faire des choix raisonnés, en toute connaissance de cause ; 1/ www.nber.org/papers/w6085.pdf

• savoir où trouver une assistance financière ; • prendre d’autres initiatives efficaces pour améliorer le bienêtre financier. » Ce périmètre très large comprend aussi bien la gestion du budget familial et les choix de consommation, que les pratiques d’investissement sur les marchés financiers. Il s’agit donc de bien armer, de manière préventive, chaque consommateur afin qu’il prenne les bonnes décisions, les plus « rationnelles » possibles. L’éducation financière, ainsi formulée, permettrait de transférer des connaissances et des compétences afin de mieux maîtriser in fine les produits et services et donc d’améliorer la situation financière des particuliers.

Quelle efficacité, quelle portée pour l’éducation financière ?

Il n’existe que très peu d’études d’impact démontrant le lien entre l’éducation financière et l’amélioration à long terme de la situation financière des consommateurs. La seule étude1 disponible, souvent citée en exemple, a été financée par la banque Merrill Lynch et n’est malheureusement pas de nature à rassurer le lecteur quant à l’objectivité de la démarche. Pour lutter contre le surendettement ou les difficultés financières, il ne suffit pas de développer l’éducation financière des consommateurs

comme on l’entend communément énoncé. Cela reviendrait à reporter la responsabilité uniquement sur les consommateurs, ou celle des pouvoirs publics qui n’éduquerait pas assez les citoyens, et non vers la nature des services financiers, leurs modalités de diffusion et la façon de les réglementer. L’éducation financière doit s’inscrire dans une politique plus globale incluant aussi un cadre législatif et règlementaire protecteur et une offre de conseil et d’accompagnement budgétaire et financier pour être pleinement efficace. Certes, il ne faut pas nier la part de responsabilité des individus dans leurs choix financiers. Le transfert de connaissances et de compétences financières est bien une partie de la solution. Mais il ne faut pas non plus tomber dans l’extrême inverse : de nombreux paramètres influencent les situations financières et prises de décision des consommateurs. On peut citer notamment le fait que les individus n’utilisent pas qu’un seul hémisphère du cerveau pour décider. Les émotions jouent un rôle dans certains cas, en particulier pendant des situations d’urgence (s’endetter par peur d’être expulsé de son logement, ou pour ne plus avoir faim ou froid), voire de dépendance affective (s’endetter pour faire plaisir à ses enfants). On peut également rappeler ici d’autres limites du modèle « homo œconomicus » :

Morgane LENAIN Administratrice de l’UNAF en charge du dossier consommation, surendettement, Microcrédit

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Quels publics pour l’éducation financière ?

importance du contexte socioculturel, de l’éthique, dans la prise de décision ; existence de différents biais cognitifs ; rationalité limitée2. Si l’éducation financière, en tant que transfert de connaissances et compétences, peut donc avoir un intérêt en temps de « paix financière », il est parfois plus délicat de se souvenir de ces principes, si tant est qu’ils aient été tous bien mémorisés quand les problèmes nous « tombent dessus ». C’est là toute la différence entre l’éducation et les conseils budgétaires et financiers. Ceux-ci sont en général plus personnalisés et adaptés au degré d’urgence et aux capacités des consommateurs. Enfin, l’éducation financière ne peut pallier les difficultés budgétaires structurelles. Celles-ci peuvent en outre rendre difficile la constitution d’un matelas d’épargne assez épais pour faire face aux accidents de la vie (perte d’emploi, longue maladie, divorce…).

Comme l’expliquent souvent les travailleurs sociaux, il est difficile d’apprendre à gérer un budget quand le « budget est négatif ».

Compte tenu des points susmentionnés, qu’en conclure quant aux publics de l’éducation financière ? On a coutume de dire que les personnes précaires doivent être une cible privilégiée de l’éducation financière. Ceci revient donc à dire qu’a priori ces personnes disposent de moins de connaissances et de compétences financières que le reste de la population. Pour aller au-delà des impressions et des idées préconçues, il est important de se pencher sur les études disponibles. En France, le centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Credoc) a justement mené en 2011, avec l’Institut pour l’éducation financière du public (IEFP), une étude3 relative à la culture financière des Français, permettant notamment de mesurer cette culture en fonction des revenus des ménages. Un certain nombre d’items montrent que globalement la gestion budgétaire n’est pas toujours pratiquée par les Français, mais on n’observe pas de différences significatives en fonction des revenus. On observe même que les ménages les plus pauvres connaissent mieux leurs dépenses mensuelles ou le montant annuel de leurs frais bancaires que le reste de la population. Il semble donc peu efficace, car stigmatisant, de faire des publics précaires une cible privilégiée des modules d’éducation financière. Pour terminer, on pourra faire aussi remarquer que le terme même d’éducation n’est pas toujours adapté pour un public adulte. Les adultes pourront eux bénéficier, s’ils le souhaitent, de conseils personnalisés, répondant directement à leurs problématiques quotidiennes ou d’un accom-

pagnement à plus ou moins long terme selon leur situation. C’est tout l’intérêt des structures proposant au grand public des conseils budgétaires, comme le pratique déjà, par exemple, le réseau des Unions Départementales des Associations Familiales. Il sera intéressant de ce point de vue de suivre le développement en France des Points conseil budget, impulsé par l’Etat. Enfin, pour qu’une éducation financière adressée aux enfants dans le cadre scolaire soit pleinement efficace, il est important de ne pas négliger le rôle des parents et de leur nécessaire inclusion dans le programme. En effet,« Aujourd’hui, tant en France que dans les pays de l’OCDE, il est souvent admis que l’implication des parents contribue non seulement aux résultats scolaires, mais aussi à des aspects non cognitifs comme les aspirations éducatives et professionnelles des enfants, la persévérance, l’autonomie, la confiance »4. Il faut favoriser la cohérence éducative entre l’école et les parents. En conclusion, si l’éducation financière est bien une des actions susceptibles de prévenir le surendettement et les difficultés financières, il faut bien avoir conscience de ses limites, face aux difficultés budgétaires structurelles des familles d’une part, et dans le mécanisme individuel de prise de décision d’autre part. Ainsi, il sera plus logique de concentrer les efforts et les moyens dédiés à l’éducation financière sur les publics jeunes, encore en phase d’apprentissage, de la compléter par une politique publique de conseil et d’accompagnement budgétaire et financier, et de l’inscrire dans un cadre législatif et réglementaire qui régule certains produits ou pratiques financières.. l

2/ www.cae-eco.fr/La-protection-du-consommateur-rationalite-limitee-et-regulation.html 3/ www.credoc.fr/pdf/Rapp/R277.pdf 4/ 2014 Mise de jeu Questions pour l’éducation et modèle éducatif France Stratégie Par V. Wisnia‐Weill et C.Collombet p.11


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Budgets de familles pauvres et comptabilité administrative Lorsqu’ils doivent prendre en charge des personnes rencontrant des difficultés économiques, un certain nombre de travailleurs sociaux (assistants sociaux, conseillers en économie sociale et familiale, délégués aux prestations familiales, etc.) sont amenés à réaliser une évaluation de la situation financière de ces ménages.

À

ces occasions, les budgets des familles sont tous mis en forme selon des procédures relativement similaires, mobilisant des catégories standardisées (total des revenus et des dépenses, mensualisation, reste-à-vivre, forfait alimentaire et capacité de remboursement) obtenues au moyen d’opérations mathématiques basiques (additions, soustractions, divisions, etc.). Ils sont ainsi retraduits dans le langage administratif, ce qui constitue un préalable à leur évaluation puis à leur traitement à plus grande échelle (pour qu’ils puissent par exemple prétendre à la procédure de surendettement). Ce faisant, pour que cette mise en forme soit possible, pour que les comptes des ménages entrent dans les catégories comptables des administrations, des ajustements – plus ou moins importants – sont parfois nécessaires. L’ampleur de ces décalages lorsqu’il s’agit de mettre en case les budgets des plus pauvres souligne deux choses : d’une part, l’inadéquation de certaines de ces catégories pour rendre compte de l’organisation budgétaire de ces ménages ; d’autre part, leur caractère implicitement normatif, voire moralisateur et ce malgré leur apparente scientificité (les outils de gestion sont bien souvent présentés comme parfaitement neutres, voire purement pragmatiques, mais ils suggèrent

déjà qu’il y aurait une manière « normale » de compter, de gérer et une autre « moins normale » de consommer, de s’organiser).

Le fait d’agréger, par exemple, les revenus et les dépenses de l’ensemble des membres du ménage (pour obtenir le total des ressources et des dépenses) suppose ainsi que l’on considère que tout l’argent du ménage est mis en commun et sert à parts égales à tous ses membres. L’origine des revenus (salaires des parents – masculin ou féminin, salaires des enfants, prestations sociales, pension alimentaire, etc.) est ainsi censée n’avoir d’incidence ni sur la manière dont ils sont dépensés (pour le logement, l’habillement, l’alimentation ou les loisirs par exemple) ni sur les bénéficiaires de ces dépenses (l’ensemble de la famille, l’un des parents, les enfants, etc.). Dans cette approche comptable administrative tout se passe comme si la provenance et la destination de l’argent n’avaient aucun effet sur la gestion des comptes.

certaines familles, notamment, les allocations familiales ou les pensions alimentaires ont un statut à part : elles peuvent n’être utilisées que pour les dépenses des enfants et ne sont, dans ce cas, à aucun moment envisagées comme pouvant servir aux règlements d’échéances de prêt. De même, au sein d’une même famille, les dépenses ne sont pas toujours réparties à égalité entre les différents membres (Roy, 2008). Les produits achetés pour les enfants sont bien souvent de meilleure qualité que ceux que les parents s’autorisent. Par ailleurs, les époux ne s’octroient pas systématiquement les mêmes libéralités. Ces décalages entre la conception administrative « mutualisatrice » et les pratiques des familles peuvent se retrouver dans tous les milieux sociaux. Mais, il est des cas, plus fréquents dans les familles pauvres, où l’ampleur de ces désajustements est flagrante et dont la prise en compte est toujours problématique : comment prendre en compte les ressources apportées par des enfants-salariés encore domiciliés chez leurs parents ?

Or, de nombreuses études (Hoggart, 1970 ; Schwartz, 2002 ; Zelizer, 2005) ont montré que la plupart des ménages ne considèrent pas leurs ressources et leurs dépenses comme indifférenciées. Dans

Ces éléments soulignent en réalité à quel point les procédures qui permettent de recenser les comptes domestiques ne fonctionnent véritablement en pratique que pour un modèle particulier d’orga-

Des catégories souvent désajustées

Ana PERRIN-HEREDIA Chargée de recherche CNRS (CURAPP-ESS)

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La norme qui veut que l’équilibre budgétaire se réalise mensuellement expose les familles à une double peine économique. nisation domestique, celui de « Monsieur Gagne-pain » (Potucheck, 1997) : le père « pourvoyeur » travaille et gagne l’argent qui permet à toute la famille de vivre ; la mère gère et s’occupe du foyer ; les enfants, une fois en possession d’un salaire, s’émancipent (étant considéré comme évident qu’ils le peuvent). On perçoit ainsi dans quelle mesure ces catégories comptables sont aussi porteuses d’une certaine conception de la manière dont doit fonctionner un couple, une famille, et de la manière dont l’argent doit être employé et réparti au sein du couple, de la famille.

Que se passe-t-il alors dans les cas où les revenus connaissent d’importantes variations d’un mois sur l’autre ? Comment des catégories comptables qui supposent que tous les mois se ressemblent peuvent-elles rendre compte par exemple de la réalité des situations vécues par des intérimaires ? Mais elles se posent aussi plus ponctuellement lorsqu’il faudrait planifier ses dépenses alors que la taille du ménage varie constamment (hébergement de proches à intervalles réguliers). Comment, dans ces conditions, est-il possible d’anticiper des dépenses mensuelles régulières ?

De la même façon, la mensualisation systématique des ressources et des dépenses véhicule un présupposé normatif fort. Elle revient à supposer que les ressources et les dépenses se renouvellent chaque mois à l’identique. Cette hypothèse fonde d’ailleurs la prévision budgétaire : ce qui s’est passé les mois précédents permet de prévoir ce qui se passera les mois suivants.

Les procédures institutionnelles de mises en compte via la mensualisation de tous les revenus et de toutes les dépenses ne fonctionnent donc véritablement que pour certaines situations bien particulières : celles où un salaire, relativement constant et assuré sur un temps long, est versé régulièrement ; celles également où les configurations familiales ne font

pas varier considérablement les dépenses d’un mois sur l’autre. Ce modèle de stabilité, salariale et familiale, que présupposent les catégories administratives est cependant loin d’être la norme, en particulier pour la majorité des individus dont les budgets se retrouvent mis en compte par des institutions sociales.

Un désajustement souvent coûteux et stigmatisant

Pour les familles qui, pour diverses raisons, ne fonctionnent pas selon les modèles administratifs, ces décalages peuvent générer des coûts et des surcoûts assez importants. Les cas des enfants salariés cristallisent ce type de problèmes notamment parce qu’ils ne sont pas systématiquement traités de la même manière. Ainsi, l’administration fiscale ne tient pas compte du fait que les enfants salariés puissent aider financièrement leurs parents ou leurs frères et sœurs au quotidien. Ils paient alors leurs impôts comme s’ils étaient célibataires. En revanche, l’administration sociale considère qu’ils subviennent aux besoins des proches avec lesquels ils résident lorsqu’elle calcule les aides personnalisées au logement auxquelles peuvent prétendre leurs parents, le montant du Revenu de solidarité active (RSA) ou des allocations familiales des parents. Plus généralement, la norme qui voudrait que l’équilibre budgétaire se réalise mensuellement occasionne des frais, notamment bancaires, pour les familles qui ne bénéficient pas de cette régularité et de cette stabilité salariale et familiale. Elle les expose souvent à une sorte de « double peine économique » (Perrin-Heredia, 2011) en leur faisant payer deux fois le prix de leurs conditions d’existence économiques et sociales difficiles. Le décalage entre la manière dont les administrations pensent les comptes des ménages et la


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façon dont, concrètement, les ménages des milieux populaires gèrent leur économie domestique peut également délégitimer leurs pratiques dans la mesure où les catégories institutionnelles, telles le restevivre, reposent aussi sur des présupposés moraux et sociaux quant à la manière dont l’argent doit être dépensé. Ainsi, par exemple, en obtenant la capacité de remboursement par soustraction (le reste-àvivre moins le forfait alimentaire), les administrations ne tiennent pas compte de la manière dont les plus pauvres organisent leur consommation et leur épargne. En effet, le calcul par déduction d’une capacité de remboursement donne à cette somme un statut de surplus. Elle correspond à un montant théorique qui pourrait être épargné en cas d’absence de crédits ou d’impayés. Ce type de calcul tend ainsi à stigmatiser comme des gestionnaires imprévoyants ceux qui ne parviendraient pas à épargner ces sommes. Pourtant les plus pauvres tentent bien évidemment eux aussi de sécuriser leur consommation et d’avoir prise sur le temps. Bien que pour eux l’épargne monétaire soit très difficile à constituer, l’argent liquide « glissant »

entre les doigts (Roig, 2009), les pratiques visant à solidifier cette épargne sont néanmoins nombreuses (achats en grande quantité de denrées en nourriture ou en produits d’hygiène et d’entretiens, pratiques de congélation, etc.). Ainsi, les stocks fonctionnent pour ces ménages comme une épargne pour lisser la consommation dans le temps. En cela, les catégories comptables institutionnelles, parce qu’elles n’enregistrent qu’une absence d’épargne monétaire (et non pas une épargne « en stock ») conduisent à les désigner comme imprévoyants. En définitive, l’ampleur et la fréquence des ajustements nécessaires à l’évaluation des budgets des plus pauvres souligne à quel point les catégories comptables administratives peinent à tenir compte de la manière dont les plus démunis s’organisent pour vivre au quotidien. Plus encore, ces décalages conduisent à aborder sous l’angle du défaut de compétences gestionnaires ou d’incapacité à « bien » faire ses comptes des situations que les administrations ne parviennent le plus souvent pas à appréhender dans leur réalité faute de catégories ajustées. l

SOURCES HOGGART R., 1970, La Culture du pauvre : étude sur le style de vie des classes populaires en Angleterre, Paris, Éditions de Minuit (Le Sens commun), 423 p. PERRIN-HEREDIA A., 2011, « Faire les comptes : normes comptables, normes sociales », Genèses, 84, p. 69‑92. POTUCHECK J.-L., 1997, Who Supports the Family ? Gender and Breadwinning in Dual-Earner Marriages, Stanford California, Stanford University Press. ROIG A., 2009, « Separar de sí, separar para sí : aproximaciones a las prácticas de ahorro domésticas en sectores populares urbanos argentinos », séminaire d’ethnographie économique, ENS-EHESS, 2009. ROY D., 2008, « L’argent du « ménage », qui paie quoi ? », Travail, genre et sociétés, 15, p. 101‑119. SCHWARTZ O., 2002, Le monde privé des ouvriers : hommes et femmes du Nord, Paris, Presses universitaires de France (Quadrige), 531 p. ZELIZER V.A., 2005, La signification sociale de l’argent, Paris, Seuil, 348 p.

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Mes questions d’argent, un outil pédagogique pour tous Mes questions d’argent est un outil pédagogique en ligne qui permet à chacun de trouver rapidement une réponse pratique et neutre à ses questions sur le budget, les relations bancaires, l’épargne, le crédit… mais aussi l’économie et la finance.

Stéphane TOURTE Directeur des particuliers, Banque de France

Quelques dates clés Le plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion bancaire de 2013 comportait une action visant à développer les compétences financières et budgétaires tout au long de la vie. Le Comité consultatif du secteur financier (CCSF) a été chargé par le Ministre de l’économie et des Finances d’élaborer des propositions pour une stratégie nationale en éducation financière. En janvier 2015, le rapport du CCSF, réalisé grâce à la mobilisation des acteurs institutionnels, associatifs et professionnels, a donné une définition et des propositions de mise en œuvre d’une telle stratégie. Ces propositions s’appuyaient également sur les travaux de l’OCDE, particulièrement active sur ce sujet. Parmi les recommandations de ce rapport figuraient d’une part la désignation d’un opérateur national pour coordonner l’ensemble des actions existantes et à venir et d’autre part le rôle central d’un portail internet dédié.

Mise en œuvre de la stratégie nationale d’éducation financière du public

La Banque de France, institution déjà très investie au service de l’économie et des particuliers, notamment avec son réseau d’implantations départementales, a été désignée opérateur de la stratégie nationale d’éducation financière du public lors de son lancement le 20 décembre 2016.

Afin de coordonner les actions et pouvoir mettre en place cette stratégie, elle a largement sollicité les nombreux acteurs associatifs, institutionnels et professionnels. Une définition et trois axes ont ainsi pu être déterminés cadre de ces échanges fructueux, en se basant sur les recommandations du rapport du CCSF. Mieux comprendre pour mieux décider : l’ambition de l’éducation financière est de permettre à chacun de disposer des bases économiques, budgétaires et financières afin de prendre des décisions en pleine connaissance de cause. La stratégie repose sur 3 principes : 1. Développer un enseignement d’éducation budgétaire et financière pour les jeunes, 2. Soutenir les compétences budgétaires et financières des français tout au long de la vie, 3. Développer les compétences à mobiliser dans l’accompagnement des publics en situation de fragilité financière par les intervenants sociaux.

Une démarche résolument collaborative et partenariale

L’objectif de la Banque de France dans son rôle d’opérateur est bien celui de chef d’orchestre. L’ambition est de référencer, sélectionner et promouvoir les actions et les ressources existantes émanant des différents partenaires et mettre

en place de nouveaux dispositifs sur les sujets non traitées. Une vingtaine d’acteurs participent au comité national et une douzaine, dont l’UNAF, siègent au comité opérationnel présidé par le Gouverneur de la Banque de France. La Banque de France développe deux axes : • Toucher directement tous les publics grâce au portail « Mes questions d’argent » afin de clarifier l’information et d’en simplifier l’accès. Ce portail constitue une vitrine de contenus fiables, pédagogiques et pertinents créant une synergie entre les partenaires et valorisant les contacts de proximité et les actions de terrain. • Dans une logique de démultiplication, concevoir, valoriser et promouvoir des ressources pédagogiques mutualisées facilitant l’accompagnement des personnes en situation de fragilité financière par les intervenants sociaux et des supports pédagogiques permettant aux enseignants de sensibiliser et de former leurs élèves dans les domaines budgétaires et financiers.

Mes questions d’argent, le portail de l’éducation économique, budgétaire et financière

Concrètement, le portail Mes questions d’argent (MQDA), mis en ligne le 24 janvier 2017, a constitué la première étape de cette stratégie. Il répond à l’objectif de soutenir les com-


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pétences budgétaires et financières de toutes les personnes à tous les moments de leur vie. Il a été développé pour apporter une information claire et fiable à tous les publics grâce à des contenus sélectionnés parmi ceux de l’ensemble des acteurs associatifs, institutionnels et professionnels investis dans l’éducation financière de nos concitoyens. Il permet de répondre aux objections sur la neutralité de l’information formulées par des intervenants sociaux, des adultes et des jeunes lors d’ateliers : l’information sur les questions d’argent, omniprésente, en particulier sur internet, suscite en effet une certaine méfiance des internautes, notamment visà-vis des conseils ou des messages qui pouvaient parfois être biaisés par des objectifs commerciaux Garantissant l’accès à des informations pédagogiques et neutres, il comprend 1 500 références, sélectionnées sur les sites des différents partenaires. À titre d’illustration, l’UNAF est présente dans la rubrique budget dans la rubrique « Faire mes comptes » avec le guide « Maîtriser son budget pour éviter les problèmes d’argent » et naturellement dans la rubrique « En cas de tutelle ou de curatelle » avec le guide « Curateur ou tuteur familial ». Pratique, il permet à chacun de trouver, en trois clics, avec une navigation simple, une réponse à ses questions, autour de huit grands thèmes : le budget, le compte bancaire, les assurances, l’épargne et les placements, la retraite, le financement d’un projet, la gestion de difficultés et les questions d’économie. Variées, les ressources proposées correspondent aux différentes attentes des publics. Les articles, quiz, vidéos, lexiques mais aussi des outils très pratiques tels que des simulateurs ou des lettres-types sont aisément accessibles.

Partenarial et proche des publics, ce portail permet à chacun de trouver à l’aide de la carte de France interactive un contact de proximité pour réaliser ses démarches auprès de la Banque de France ou pour se faire accompagner pour les partenaires de la stratégie d’éducation financière. Il a été développé également pour servir de site d’éducation budgétaire de référence aux Points conseil budget (PCB) et à tous les intervenants sociaux. Les UDAF sont bien entendu référencées dans cet outil. Quelles sont les prochaines étapes ? Le portail MQDA ne se développera pas davantage, il faut conserver un nombre limité de références pour en garantir la facilité d’accès. Mais il va s’enrichir de rubriques destinées aux intervenants sociaux et aux enseignants.

l’ensemble du territoire, le cas échéant en partenariat avec d’autres acteurs. Les associations pourront solliciter chaque succursale pour assurer ces sessions. Pour les jeunes, le ministère de l’Éducation nationale et la Banque de France travaillent actuellement à la coconstruction de ressources pédagogiques permettant aux enseignants de faire acquérir aux élèves des connaissances et des compétences dans les domaines budgétaires, économiques et financiers en s’appuyant sur les connaissances de base comme les mathématiques. Ces supports seront aussi accessibles dès la rentrée de septembre 2017 sur « Mes questions d’argent ». l

?

La rubrique « Intervenants sociaux » regroupe des ressources pédagogiques spécialement développées pour les travailleurs sociaux et les bénévoles. La Banque de France en assurera la promotion en proposant des sessions de sensibilisation sur des thèmes plus variés qu’auparavant au service des intervenants sociaux. Audelà du surendettement, des fichiers d’incidents et du droit au compte, le Microcrédit, les relations bancaires, les réclamations, le crédit sont désormais des sujets qui pourront être présentés par les équipes de la Banque de France sur EN SAVOIR

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www.mesquestionsdargent.fr

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RÉALITÉS FAMILIALES#FAMILLES ET ARGENT#2017

Les mots du crédit et de la banque au quotidien COMITÉ CONSULTATIF DU SECTEUR FINANCIER

GLOS SAIRE Banque au quotidien et crédit

Secrétariat général du CCSF

Juin 2010

Extrait du Glossaire de la banque et du crédit au quotidien (2010)

Le Comité Consultatif du secteur financier a réalisé, en partenariat avec les associations de consommateurs, dont l’UNAF, un Glossaire du crédit et de la banque au quotidien. Sélection. Crédit renouvelable Opération par laquelle un établissement de crédit met ou promet de mettre à disposition d’un client une somme d’argent moyennant intérêts et frais sur la partie utilisée. Cette somme se renouvelle au fur et à mesure des remboursements du capital. Elle peut être remboursée à tout moment, en totalité ou en partie. Autres termes employés : crédit permanent, compte permanent, réserve d’argent, crédit revolving.

Droit au compte

Toute personne domiciliée en France, dépourvue d’un compte de dépôt, et qui s’est vue refuser l’ouverture d’un compte de dépôt par une banque, a le droit de demander à la Banque de France de désigner un établissement bancaire pour bénéficier d’un compte de dépôt et du service bancaire de base gratuit associé au droit au compte. La banque, qui refuse d’ouvrir un compte à un particulier, peut lui proposer d’effectuer à sa place les démarches auprès de la Banque de France pour bénéficier du droit au compte. Une convention de compte doit être signée.

Médiateur

Désigné par la banque, le médiateur est une personne indépendante, impartiale et tenue à la confidentialité, qui est chargée de recommander une solution amiable aux litiges rencontrés entre un particulier et sa banque. Après avoir épuisé les autres démarches (recours) auprès de

l’agence et du service clientèle de l’établissement, le particulier peut saisir gratuitement le médiateur de son établissement pour les opérations liées au fonctionnement de son compte, les opérations de crédit ou d’épargne. Ses coordonnées sont reprises dans la convention de compte et figurent généralement sur le relevé.

Mobilité bancaire

En cas de changement de banque, on ne parle pas d’un transfert de compte mais d’une clôture de l’ancien compte et d’une ouverture d’un nouveau compte. Depuis 2009, la nouvelle banque peut effectuer à la place du client et avec son accord, les formalités nécessaires pour que les prélèvements et virements réguliers reçus soient présentés sur le nouveau compte. Il s’agit du service d’aide à la mobilité bancaire.

Prêt à taux zéro

Prêt sans intérêts, proposé sous certaines conditions par les établissements de crédit ayant signé une convention avec l’État.

Récapitulatif annuel des frais bancaires

Document adressé aux clients, récapitulant le total des frais perçus par la banque ou l’établissement de paiement au cours de l’année passée au titre de la facturation des produits et services liés à leur compte. Ce document est obligatoirement envoyé chaque année gratuitement, avant le 31 janvier.

Secret « bancaire » (Secret professionnel) Relevant du secret professionnel, le secret « bancaire » est l’obligation légale, pour la banque et ses collaborateurs, de ne révéler aucune information concernant ses clients à un tiers. Le secret peut être levé dans certaines conditions très strictes à la demande de certaines autorités administratives ou judiciaires.

Service bancaire de base

Le service bancaire de base est composé d’un ensemble de services proposés gratuitement par un établissement bancaire dans le cadre du droit au compte. Ce service comprend l’ouverture, la tenue et la clôture du compte, la délivrance de RIB, les dépôts ou retraits d’espèces au guichet, l’envoi mensuel d’un relevé de compte, l’encaissement des chèques ou des virements, le paiement par prélèvements, la consultation à distance du solde du compte, une carte de paiement à autorisation systématique et deux chèques de banque par mois ou moyens de paiement équivalents offrant les mêmes services. Le service bancaire de base ne comprend pas la délivrance d’un chéquier ni l’autorisation de découvert. l


Aux côtés des familles L’UNAF et son réseau sont mobilisés au quotidien auprès des familles sur les questions budgétaires. Les Unions départementales gèrent plusieurs types de services. Déployés sur l’ensemble du territoire, ces services constituent un maillage territorial qui font du réseau des UDAF un opérateur associatif de poids dans le domaine de l’accompagnement budgétaire des familles ou encore de la protection juridique des majeurs. Ces pages présentent aussi des initiatives plus originales des UDAF ainsi que celles des associations familiales.

#62-88


Aux côtés des familles

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RÉALITÉS FAMILIALES#FAMILLES ET ARGENT#2017

SERVICES D’ACCOMPAGNEMENT BUDGÉTAIRE

Points conseil budget et services « Information et soutien au budget familial » Les Points conseil budget (PCB) et les services d’information et de soutien au budget familial (ISBF) sont des lieux ouverts à tous, qui proposent des conseils confidentiels, gratuits et personnalisés concernant la gestion budgétaire.

P

our mettre en œuvre la politique publique de prévention du surendettement, l’Etat a souhaité développer sur l’ensemble du territoire français un réseau de « Points conseil budget » (PCB), en commençant par une phase d’expérimentation en 2016. Cette démarche a consisté plus concrètement à labelliser des structures existantes proposant une offre d’accompagnement budgétaire à destination d’un public très large confronté à des difficultés financières. Un cahier des charges a été proposé pour 4 régions expérimentales (Ile-de France, Hauts de France, Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine, Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées) et a créé deux niveaux de Points conseil budget : • Les PCB de niveau 1 (PCB1), qui proposent cet accompagnement en face-à-face, dans les territoires, et sont ouverts à tout public

•L es PCB de niveau 2 (PCB2), qui proposent cet accompagnement par téléphone, uniquement sur prescription des créanciers. Ils ont une spécialité : négocier à l’amiable les dettes des personnes avec leurs différents créanciers, notamment les créanciers nationaux. Pour cette fonction particulière, les PCB1 peuvent faire appel à leurs services si besoin. Dans le cadre de cette expérimentation, 15 UDAF ont été labellisées en tant que PCB1, ce qui en fait le premier réseau de PCB1. En-dehors de ce cadre expérimental, l’UNAF développe dans les UDAF les services « Information et soutien au budget familial », qui s’inspirent de la logique Points conseil budget, mais affichent de légères différences d’organisation. C’est ainsi que l’on peut retrouver des UDAF, accueillant en face-à-face les publics, mais assurant l’ensemble des fonctions couvertes par les PCB1 et PCB2, y compris la négociation de dettes, voire d’autres actions concourant à l’équilibre budgétaire des familles.

Qui est concerné ?

Ces services s’adressent à toutes les personnes qui souhaitent : •a méliorer la gestion de leur budget ; • f aire face à une situation financière difficile ; •a nticiper un changement de situation familiale ou professionnelle ayant un impact sur leurs ressources ou leurs dépenses.

AMÉLIORER FAIRE FACE ANTICIPER

Il s’agit aussi de prévenir le surendettement, en apportant des solutions le plus tôt possible aux personnes en difficulté financière pour améliorer durablement leur situation budgétaire. Tous les publics peuvent y être reçus, y compris les personnes en emploi, qui ne sont pas suivies par les services sociaux.


/ LES SERVICES DES UDAF /

Chiffres

clés

Aux côtés des familles

DES SERVICES PCB/ISBF

2013 : Adoption du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, dont le développement du réseau des PCB est une mesure.

2016 :

52

Points conseil budget dont

Déploiement des PCB dans 4 régions expérimentales.

46 PCB1 (les 15 UDAF engagées constituent le 1 réseau) 6 PCB2 er

Réseau des UDAF engagées dans les PCB / ISBF

LES PROCÉDURES DE RÉTABLISSEMENT PERSONNEL

2B 2A

971

PCB : 15 UDAF ISBF : 33 UDAF (Données 2016)

972 973

974

976

En complémentarité avec les PCB / ISBF, 26 UDAF gèrent également des procédures de rétablissement personnel. Cette procédure permet l’effacement des dettes d’une personne surendettée dont la situation financière est tellement dégradée qu’aucun plan de redressement n’est envisageable. Elle est engagée à l’initiative de la commission de surendettement avec l’accord du débiteur. Elle peut être prononcée avec liquidation judiciaire (vente des biens) si la personne surendettée possède un patrimoine, ou sans liquidation judiciaire dans le cas contraire.

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Aux côtés des familles

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RÉALITÉS FAMILIALES#FAMILLES ET ARGENT#2017

SERVICES D’ACCOMPAGNEMENT BUDGÉTAIRE

Microcrédit personnel garanti Le microcrédit personnel est un prêt à la consommation destiné aux particuliers qui souhaitent financer un projet mais n’ont pas accès au crédit bancaire classique. C’est un outil de développement économique et social, mais aussi de lutte contre l’exclusion bancaire des ménages. En quoi ça consiste ?

C’est un prêt compris entre 300 et 3 000 euros. Il peut s’élever à 5 000 euros dans certains cas exceptionnels. Le taux d’intérêt proposé est fixe et la durée de remboursement s’étale de 6 à 36 mois, 48 dans certains cas exceptionnels. Le prêt est accordé pour financer un projet qui vise à une meilleure insertion professionnelle et/ou sociale, projet qui doit être validé par un travailleur social ou un bénévole. Il peut s’agir de répondre à des projets de mobilité (permis de conduire, achat de véhicule), à un besoin de formation, d’équipement du logement, de faire face à des dépenses de santé, ou à des événements familiaux… En revanche, la création d’entreprise et le remboursement de dettes ne sont pas éligibles au dispositif.

Un accompagnement social et budgétaire

La particularité du microcrédit personnel est qu’il est assorti d’un accompagnement social et budgétaire. Les demandeurs peuvent ainsi bénéficier auprès des UDAF qui proposent un service microcrédit d’un accompagnement durant l’ensemble de la procédure : accueil, écoute, réorientation si nécessaire, conseils budgétaires, aide au défichage, constitution du dossier microcrédit, présentation à la banque, suivi du bénéficiaire à intervalle régulier pendant toute la durée du remboursement. Le prêt est accordé par un partenaire bancaire, avec lequel le bénéficiaire signera un contrat de prêt. Il est garanti à 50 % par l’Etat, via le Fonds de Cohésion sociale, et à 50 % par la banque prêteuse. Créé en 2005 par la loi de programmation pour la cohésion sociale, le Fonds de Cohésion Sociale a favorisé le développement du microcrédit personnel en allouant un budget pour garantir ces prêts à hauteur de 50 %. La gestion de ce fonds est confiée à la Caisse des Dépôts et Consignations. Lire aussi l’interview de Géraldine Lacroix de la CDC, sur le microcrédit, page 30.

Qui est concerné ?

Les personnes à qui s’adresse le microcrédit sont nombreuses : ce sont celles qui n’ont pas accès

au crédit via le système bancaire classique à cause de revenus trop faibles, d’un travail précaire ou d’une absence de garantie. Ils doivent néanmoins disposer d’une capacité de remboursement. Jeunes, salariés en contrat à durée déterminée ou à temps partiel, intérimaires, personnes âgées à faibles ressources, étudiants, chômeurs et bénéficiaires du RSA sont les principaux bénéficiaires de ce dispositif. Il s’adresse aussi à ceux qui ont trop de revenus pour bénéficier d’aides sociales mais pas suffisamment pour avoir la confiance des banquiers et obtenir un prêt à la consommation classique. Sans le microcrédit, ces personnes n’ont parfois pas d’autres solutions que de se tourner vers des crédits renouvelables, chers et quasi-systématiquement présents dans les dossiers de surendettement, s’ils veulent réaliser leur projet. Les services microcrédit, qu’ils soient plateformes ou non, ont vocation à être intégrés à des services plus larges d’information et soutien au budget familial, ou points conseil budget.


/ LES SERVICES DES UDAF /

Chiffres

clés

Aux côtés des familles

DU MICROCRÉDIT

77%

des prêts accordés sont destinés à l’achat ou à la réparation d’un véhicule pour se rendre au travail ou décrocher un emploi, pour un montant moyen de 2 266 euros. Viennent ensuite le logement (12%) l’éducation ou la formation (3%) et la santé (1%). (Données 2016 – CDC)

100 000

34

microcrédits personnels décaissés depuis l’origine du Fonds de Cohésion Sociale (à fin 2016)

plateformes microcrédit existent en France, dont 18 UDAF

Réseau des UDAF engagées dans le Microcrédit personnel garanti

2B 2A

971

Service microcrédit

972 973

974

976

Plateforme microcrédit Prescripteur microcrédit (Données 2016)

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Aux côtés des familles

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RÉALITÉS FAMILIALES#FAMILLES ET ARGENT#2017

SERVICES D’ACCOMPAGNEMENT BUDGÉTAIRE

Aide éducative budgétaire L’Aide éducative budgétaire (AEB) est un service gratuit qui propose d’accompagner les familles ayant des difficultés dans la gestion de leur budget. Elle est proposée aux familles, dans le cadre d’une démarche volontaire. En quoi ça consiste ?

L’AEB est mise en œuvre par un conseiller en économie sociale et familiale, en collaboration avec le demandeur. Le rôle de l’AEB est d’accompagner les familles et de leur apprendre à être totalement autonome dans la gestion de leur budget, afin d’éviter comme le surendettement, les dépendances aux aides financières ou toute difficulté qui mettent la vie familiale en péril. L’intervention se fait sur plusieurs aspects : • Prise de conscience de ce qu’est un budget et comment le construire. • Comment équilibrer son budget et éviter la dépendance aux aides extérieures. • Soutien dans la gestion quotidienne du budget. Cette mesure est mise en œuvre en étroite collaboration avec le bénéficiaire, par le biais de rendez-vous réguliers. Après un bilan complet de la situation budgétaire, le travailleur social identifie les difficultés qui mettent en danger l’équilibre budgétaire de la famille. Les actions à mener sont ensuite déterminées conjointement par le travailleur social et le bénéficiaire, mais aussi en collaboration avec les intervenants sociaux des administrations concernées. Des outils sont mis en place pour résoudre les

problèmes rencontrés : élaboration d’une grille budgétaire mensuelle de gestion, plan d’apurement des dettes et élaboration d’échéanciers et dans certains cas aide au montage d’un plan de surendettement…

Qui est concerné ?

L’action éducative budgétaire est destinée à toute personne en difficulté budgétaire. Il s’agit d’une action volontaire, consentie par la personne ou la famille, définie dans sa durée et mettant en œuvre des interventions individualisées. L’AEB varie en effet en fonction de la situation personnelle du bénéficiaire. Cette action peut intervenir sur deux axes : •P réventif : aider à anticiper des charges, élaborer des budgets prévisionnels, etc. •C uratif : aider au traitement de dettes, contact avec les créanciers, mise en place de dossiers de surendettements. Elle peut aller de la simple information ponctuelle, pour aider une famille à faire face à une difficulté passagère, à un suivi complet et régulier, dans le cadre par exemple de la fin d’un accompagnement plus lourde (MJAGBF par exemple).


/ LES SERVICES DES UDAF /

Aux côtés des familles

Réseau des UDAF engagées dans l’accompagnement éducatif et budgétaire

2B 2A

971

972 973

974

976

AEB : 43 UDAF (Données 2015)

CONCLUSION

Comprendre comment l’argent circule dans la famille : un préalable à tout accompagnement budgétaire. « Les UDAF qui œuvrent en matière d’accompagnement budgétaire ont à cœur de comprendre les causes profondes des difficultés financières des familles accompagnées. C’est en investissant du temps au moment du diagnostic que l’on améliore les chances de retrouver un équilibre budgétaire durable. Ce travail nécessite des compétences sociales, budgétaires, mais aussi juridiques voire psychologiques. L’argent a en effet de multiples dimensions : comptable bien sûr mais aussi symbolique. Comprendre comment l’argent circule dans la famille, et dans son environnement proche, est un préalable indispensable à tout accompagnement budgétaire. Nous retrouvons ici l’importance de proposer une prise en charge globale des personnes accueillies, par le prisme de l’analyse du budget et des dettes. Ceci nécessite d’avoir construit tout un tissu local partenarial pour répondre à l’ensemble des problématiques (santé, logement, énergie, médiation familiale...). Par leur implantation sur l’ensemble du territoire départemental, notamment via leurs associations membres, les compétences de leurs salariés et bénévoles, et leurs nombreuses représentations (CCAS, CAF, MSA, CPAM, bailleurs sociaux, commissions de surendettement, CCAPEX…), les UDAF sont donc bien positionnées pour répondre à ces exigences, et porter ainsi les services Points conseil budget et « Information et soutien au budget familial ». Fabien TOCQUÉ, Coordonnateur du pôle Economie-Consommation-Emploi à l’UNAF

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Aux côtés des familles

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RÉALITÉS FAMILIALES#FAMILLES ET ARGENT#2017

SERVICES D’ACCOMPAGNEMENT BUDGÉTAIRE DANS L’INTÉRÊT DE L’ENFANT

Accompagnement en économie sociale et familiale L’accompagnement en économie sociale et familiale (AESF) est une aide proposée aux familles en difficultés, qui consiste notamment en une aide à la gestion des dépenses. Cette aide est attribuée au titre de l’Aide sociale à l’enfance (ASE). Le cadre législatif

L’accompagnement en économie sociale et familiale a été instauré par la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance. Il s’agit d’une mesure administrative contractuelle qui vise à aider les familles confrontées à des difficultés financières à retrouver la maîtrise de leur budget, dans l’intérêt des enfants. Elle relève de la compétence du Conseil général qui peut déléguer son application à un autre organisme ou à une association, par exemple à l’UDAF. L’accompagnement est généralement effectué par un conseiller en économie familiale et sociale.

Qui est concerné ?

L’AESF s’adresse aux familles d’au moins un enfant mineur ouvrant droit à des prestations familiales. C’est la famille qui est destinataire de l’accompagnement, mais il est mis en œuvre pour protéger le ou les enfant(s) et prévenir les risques de dangers. Sont concernées les familles rencontrant des difficultés passagères ou récurrentes, qui peuvent avoir des conséquences préjudiciables aux conditions de vie des enfants.

COMPRENDRE ÉLABORER ANTICIPER

Souvent, la précarité économique est doublée par une précarité sociale, qui peut causer des souffrances psychologiques et créer des difficultés : exercice de la parentalité difficile, relations parents-enfants perturbées ou conflictuelles. Les difficultés liées à l’usage ou au manque d’argent peuvent avoir des conséquences néfastes pour l’enfant. Elles peuvent engendrer : •u n cadre de vie insécurisant et peu structurant pour l’enfant ; •d es conditions de scolarité instables et peu/pas d’accès à des activités socioculturelles ; •d es difficultés de santé pouvant être liées à une alimentation carencée ou un logement insalubre ; • un isolement progressif de la famille ; •d es difficultés persistantes dans le domaine du logement (risque d’expulsion, coupures d’énergie, etc.).

En quoi ça consiste ?

L’AESF est demandé par la famille ou proposée par un travailleur social avec l’accord de la famille. Une fois la situation budgétaire évaluée et les objectifs de l’accompagnement fixés, la demande est examinée en commission d’Aide sociale à l’enfance, qui prend la décision de mettre en place l’accompagnement. L’AESF a pour objectif d’aider les parents dans la gestion de leur budget au quotidien. Il n’implique pas que les prestations familiales soient reversées au service chargé de l’accompagnement. L’intervention d’un professionnel consiste à donner des informations, des conseils pratiques et un appui technique pour permettre : •d e comprendre, avec la famille, la nature des difficultés rencontrées au niveau budgétaire ; •d ’élaborer avec elle des priorités budgétaires et d’organiser la gestion du budget ; •d ’anticiper les dépenses imprévues lorsque la nature des revenus de la famille le permet ou d’intégrer la diminution des ressources suite à un changement de situation.


/ LES SERVICES DES UDAF /

Aux côtés des familles

Réseau des UDAF engagées dans l’Accompagnement en économie sociale et familiale

2B 2A

971

972 973

974

976

AESF : 15 UDAF soit environ 1 000 mesures (Données 2016)

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ACCOMPAGNEMENT BUDGÉTAIRE DANS L’INTÉRÊT DE L’ENFANT

Mesure d’aide à la gestion du budget familial Prononcée dans le cadre de la protection de l’enfance, la Mesure d’aide à la gestion du budget familial (MJAGBF) vise à assurer la protection des enfants lorsque les prestations sociales ne sont pas utilisées dans son intérêt. Elles sont alors confiées à un tiers, le Délégué aux prestations familiales. Le cadre législatif

La MJAGBF a été créée par la loi réformant la protection de l’enfance du 5 mars 2007 pour remplacer la Tutelle aux prestations sociales (TPSE) par une mesure clairement positionnée du côté de la protection de l’enfance. Contrairement à la TPSE, attachée au Code de l’action sociale et des familles et figurant dans le Code de la sécurité sociale, la MJAGBF est inscrite au Code civil (article 375-9-1). Il s’agit d’une mesure d’assistance éducative, prononcée par le Juge des enfants et confiée au Délégué aux Prestations Familiales (DPF). Le statut de DPF a été créé par la même loi du 5 mars 2007. Un certificat national de compétence (CNC) accessible aux travailleurs sociaux de niveau III précise les contours de l’intervention dans le cadre de la MJAGBF, ses limites, la déontologie et la symbolique de l’argent. Le DPF est inscrit sur une liste tenue à jour par le préfet et a prêté serment.

Qui est concerné ?

La gestion des prestations familiales est confiée à un DPF : • si elles ne sont pas employées pour des besoins liés au logement, à la santé et à l’éducation des enfants, • et si l’Accompagnement en économie sociale et familiale (AESF, voire page 68) est insuffisant pour rétablir la gestion autonome des prestations.

ACCOMPAGNER PROTÉGER AGIR

En quoi ça consiste ?

Il s’agit de mettre en œuvre un travail sur l’ensemble de la dynamique familiale, à partir d’un processus d’apprentissage, l’objectif étant la satisfaction des besoins de l’enfant. L’UDAF perçoit pour cela les prestations familiales sur un compte individuel ouvert au nom de la personne. Le DPF en charge de l’exercice de la mesure et sous la responsabilité du cadre du service mènera une action éducative auprès du bénéficiaire afin de rétablir les conditions d’une gestion autonome des prestations. Il se rend autant que possible au domicile de la famille, et selon un rythme adapté aux besoins réels et à l’évolution de la situation. Le DPF privilégie les moments où les deux parents pourront être impliqués. Un budget mensuel est élaboré. Il prend attache auprès des créanciers de la famille (fournisseurs d’énergie, administrations… ). L’accompagnement des familles s’inscrit dans une complémentarité d’interventions avec des partenaires, dont les compétences et les connaissances spécifiques permettent d’apporter une réponse globale et trouver des solutions à des situations complexes. Les pratiques des DPF se déclinent autour de trois objectifs principaux : •a ssurer la protection des enfants et la cohérence de la cellule familiale en préservant l’utilisation et la destination des prestations familiales, conformément au Code civil. Priorité est ainsi donnée par le délégué aux dépenses liées au logement, à la santé, à l’alimentation, aux loisirs des enfants ; • t ravailler avec la famille à l’équilibre et à l’éducation budgétaire à partir de la gestion directe des prestations familiales en vue de permettre un retour à l’autonomie ; • c onduire auprès des parents une action éducative visant la réappropriation de leurs responsabilités parentales. Cette mesure présente la spécificité d’être conçue au bénéfice des enfants mais exercée auprès des parents. Le fait de percevoir les prestations familiales offre au DPF un levier très fort pour mener l’action éducative de soutien à la fonction parentale.


/ LES SERVICES DES UDAF /

Aux côtés des familles

Réseau des UDAF engagées dans la Mesure d’aide à la gestion du budget familial

2B 2A

971

972 973

974

976

MJAGBF : 77 UDAF soit environ 10 000 mesures (Données 2016)

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Aux côtés des familles

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RÉALITÉS FAMILIALES#FAMILLES ET ARGENT#2017

SERVICES MJPM

Mandataires judiciaires à la protection des majeurs Les services de protection juridique des majeurs accompagnent les personnes qui bénéficient d’une mesure de protection judiciaire. Avec 147 000 mesures exercées, le réseau des UDAF est le premier réseau associatif de services mandataires judiciaires à la protection des majeurs en France. Qui protéger, et pourquoi ?

Le vieillissement, le handicap, la maladie, un accident de vie, peuvent altérer les facultés d’une personne et avoir pour conséquence une impossibilité à pourvoir seule à ses intérêts. La protection judiciaire permet une protection de la personne et/ou de ses biens, afin notamment d’éviter les éventuels abus dont elle peut être victime ou les dommages qu’elle peut se causer à elle-même. Pour bénéficier d’une mesure de protection, la personne majeure doit remplir les deux conditions suivantes : • l’altération de ses facultés mentales et/ou corporelles, médicalement constatée, empêche l’expression de sa volonté ; • cette altération doit mettre la personne dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts. Exemples : une personne atteinte de handicap mental, de troubles psychiatriques, de la maladie d’Alzheimer, dans le coma suite à un accident… Les mesures de protection judiciaires sont ordonnées par le juge des tutelles après expertise d’un médecin habilité, inscrit sur la liste du procureur de la République. La mesure adoptée est proportionnée et individualisée, c’est-à-dire qu’elle doit être adaptée en fonction du degré d’altération des facultés de la personne. Elle doit être nécessaire, c’est-à-dire qu’aucune mesure moins contraignante n’était envisageable. La mesure de protection judiciaire est en priorité confiée à la famille, mais quand ce n’est pas possible la protection est confiée à l’Etat, qui désigne un mandataire.

Les différents régimes de protection judiciaire

• La sauvegarde de justice : un régime provisoire Elle est instituée à titre provisoire, soit comme préalable à l’organisation d’un régime de protection judiciaire plus durable, soit pour protéger un majeur dont les facultés sont altérées de façon temporaire ou encore afin que la

personne soit représentée pour un acte déterminé. La personne sous sauvegarde de justice conserve sa capacité juridique, contrairement aux régimes de curatelle et de tutelle, ainsi que l’exercice de ses droits, à moins que le juge désigne un mandataire spécial pour accomplir des actes précis. •L a curatelle : un régime d’assistance Ce régime concerne la personne vulnérable qui a besoin d’être conseillée ou assistée dans les actes les plus importants de la vie civile. Le juge des tutelles peut l’adapter en l’allégeant ou en la renforçant. Trois niveaux de protection sont proposés. Dans tous les cas, la personne en curatelle perd sa capacité juridique, mais conserve son droit de vote. -L a curatelle simple : le majeur accomplit seul les actes de gestion courante (actes d’administration et actes conservatoires) et peut par exemple gérer seul son compte chèque. Il est assisté pour les actes les plus importants : les actes de disposition. Cette assistance se manifeste par l’apposition de la signature de la personne protégée et du curateur. - L a curatelle aménagée : le juge énumère les actes que la personne peut faire seule et ceux pour lesquels l’assistance du curateur est nécessaire. -L a curatelle renforcée : le curateur perçoit les revenus de la personne majeure et assure lui-même le règlement de ses dépenses, sur un compte ouvert au nom de celle-ci. •L a tutelle : un régime de représentation La tutelle est le régime le plus strict. Elle vise à protéger une personne majeure qui ne peut plus accomplir elle-même les actes de la vie civile, et a donc besoin d’être représentée d’une manière continue par un tuteur. Le juge peut également aménager une tutelle, en l’allégeant, autorisant la personne à faire seule ou avec simple assistance de son tuteur les actes énumérés. Le droit de vote est en principe conservé, mais le juge peut décider de le supprimer.


/ LES SERVICES DES UDAF /

Chiffres

clés

Aux côtés des familles

DE LA PROTECTION JURIDIQUE DES MAJEURS

800 000

personnes sont protégées, dont plus de la moitié par leur famille.

370 000

147 000

dont

mesures de protection judiciaire sont confiées aux acteurs associatifs

mesures exercées par le réseau des UDAF

Réseau des services de mandataires judiciaires à la protection des personnes des UDAF

57 UDAF exercent des Mesures d’accompagnement social personnalisé (MASP) et des Mesures d’accompagnement judiciaire (MAJ). La MASP est destinée à « toute personne majeure qui perçoit des prestations sociales et dont la santé ou la sécurité est menacée par les difficultés qu’elle éprouve à gérer ses ressources ». Elle vise le rétablissement d’une gestion autonome des ressources de la personne en lui apportant un soutien budgétaire et social.

2B 2A

971

90 UDAF exerçant 92 services MJPM (Données 2016)

972 973

974

976

La MAJ ne peut être prononcée qu’en cas d’échec d’une mesure administrative (MASP). Le Mandataire Judiciaire désigné par le Juge des Tutelles, reçoit les prestations sociales sur un compte ouvert au nom du Majeur Protégé et doit les gérer dans l’intérêt de la personne en tenant compte de son avis et de sa situation familiale. De plus, il exerce une action éducative tendant à rétablir les conditions d’une gestion autonome des prestations sociales.

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Aux côtés des familles

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RÉALITÉS FAMILIALES#FAMILLES ET ARGENT#2017

L’aide à la gestion du budget des réfugiés L’UDAF de l’Aude et SOLIHA Méditerranée se sont engagés conjointement à accompagner pendant une phase expérimentale de 14 mois une vingtaine de personnes et familles réfugiées accueillies dans l’Aude et suivies par l’association solidaires pour l’habitat : SOLIHA Méditerranée. www.udaf11.fr

L

médiatiser leurs relations avec l’UDAF afin de faciliter cet accompagnement budgétaire et administratif.

Ainsi l’UDAF a en charge deux types d’accompagnement :

Pour ce faire, SOLIHA rédige une fiche synthétique de présentation du ménage pouvant prétendre à cette aide en donnant l’ensemble des éléments nécessaires à connaître pour l’UDAF afin que cette dernière puisse mener à bien et rapidement le travail requis autour de la gestion budgétaire. Les ménages repérés et proposés par SOLIHA sont soumis à la validation conjointe de la Direction Départementale de la Cohésion Sociale et de la Protection des Populations (DDCSPP) et de la Caisse des Allocations Familiales (CAF), pilotes institutionnels de l’expérimentation.

es modalités d’accompagnement des bénéficiaires sont traduites au sein d’un protocole opérationnel de partenariat précisant l’intervention de l’UDAF sur les actions à conduire en matière d’aide à la gestion budgétaire en lien avec le travail social mené par SOLIHA auprès du public réfugié accueilli dans le département de l’Aude.

• Un accompagnement basé sur la transmission des apprentissages à la gestion budgétaire, impliquant les démarches administratives à effectuer et la connaissance de l’organisation administrative sur le plan national et local, soit un rôle de transmission de savoirs afin de faciliter l’intégration. • Un accompagnement financier basé sur les priorités budgétaires afin de résorber un éventuel endettement. Quant à SOLIHA, référent en titre du projet d’insertion par le logement et de celui d’insertion globale de la personne réfugiée, relèvent de sa compétence toutes les démarches liées au logement : savoir habiter, savoir louer, médiatisation avec l’environnement, le voisinage, les éco-gestes etc., ainsi que toutes les démarches relatives à l’emploi, la formation, la parentalité, la santé, l’accès aux droits, etc. Dans le cadre conventionnel, au regard du travail social et éducatif mené, son intervention consiste à recenser les familles concernées par l’Aide à la Gestion du Budget des Réfugiés (AGBR) et à MÉDITÉRRANÉE

Après un premier bilan de cette expérimentation réalisé début 2017, il est apparu que l’adhésion à ce projet a été immédiate. On constate une forte demande d’échanges allant bien au-delà de la gestion budgétaire. Être à l’écoute des histoires de chacun au vu des traumatismes engendrés par les parcours de vie est primordial. A cet effet, du temps doit être laissé à chacun et les intervenants doivent aussi être attentifs aux conséquences de ces troubles afin de pouvoir proposer une orientation adaptée. Des suivis réguliers se mettent en place progressivement. Les interventions des professionnels sont repérées et même sollicitées. Ces premiers mois d’intervention démontrent la nécessité d’un accompagnement non seulement budgétaire mais aussi pour l’accès et le fonctionnement des administrations. Beaucoup d’informations sont transmises sur le fonctionnement des structures, l’utilisation des services. Les bénéficiaires du dispositif n’hésitent pas à questionner sur divers sujets : « les impôts, pour qui ? pourquoi ? ». L’accompagnement effectué jusqu’à présent contribue certes au maintien des droits, mais surtout à l’intégration qui permettra aux personnes d’être autonomes dans leur vie quotidienne, au moins le temps de leur séjour sur le territoire français. l


/ INITIATIVES DES UDAF /

Aux côtés des familles

« Budget et vie quotidienne » avec des jeunes issus de la Protection de l’Enfance C’est en 2016 lors d’un échange entre la Direction de l’Aide Sociale à l’Enfance du Département et des Cadres du Pôle Famille de l’UDAF, que le projet a vu le jour.

L

e Conseil Départemental souhaite favoriser l’autonomisation des jeunes de 18 à 21 ans qui sortent de la Protection de l’Enfance, en particulier sur le volet « vie quotidienne ». L’entrée dans la vie active représente un changement important : nouveau logement, éloignement pour le travail ou les études, responsabilités en matière de gestion d’un budget…. L’idée est de donner aux jeunes des outils leur permettant d’accéder à plus d’autonomie. De son côté, l’UDAF de Charente est impliquée dans la Protection de l’Enfance par son service des Mesures Judiciaires à la Gestion du Budget Familial (MJAGBF). Elle est aussi investie dans l’éducation à la gestion du budget, auprès d’un public de salariés par son service d’Action Éducative et Budgétaire (AEB). L’UDAF vient aussi d’ouvrir un service d’information et soutien au budget familial (ISBF). Nous souhaitons prévenir des situations de surendettement. Une expérience a donc été menée auprès de deux groupes de jeunes, sur deux territoires différents de Charente. Le parcours incluait les thèmes : entrée dans la vie active, budget familial, compte bancaire, accès à un premier logement et crédits à la consommation. Quatre rencontres ont eu lieu sur 4 mois et ont rassemblé de 3 à 13 jeunes chacune. Ces temps collectifs ont complété des prises en charge individuelles des jeunes assurées par les équipes du Conseil Départemental. Les groupes mélangeaient jeunes issus de la Protection de l’Enfance et jeunes en service civique, pour favoriser une mixité de situations. Les séances étaient animées par la conseillère en Économie Sociale Familiale de l’UDAF en

charge de l’activité AEB et la Chef de Service. La présence d’un Cadre du Département qui connaissait les participants a permis d’apporter des précisions. Pour des raisons d’agenda, les séances ont été fixées à un mois d’intervalle. Les jeunes étaient moins mobilisés au fil des séances, peut-être en partie du fait de cet espacement. Pour autant, ces délais leur ont aussi permis de s’approprier leurs découvertes. Grâce à un questionnaire de satisfaction, nous avons appris que certains ont déjà utilisé ces apports, en particulier sur la gestion d’un budget familial. La nécessité de « faire un budget » ou de « faire des choix » a été entendue par une grande majorité des participants. Ainsi, tous indiquent se sentir prêts à faire un budget. La plupart indique une meilleure compréhension des notions de bail, dépôt de garantie, garant. La séance sur les crédits est celle qui a suscité le plus grand intérêt et les découvertes les plus nombreuses. Le crédit est en effet le plus souvent cité par les jeunes comme permettant l’accès à l’autonomie. Aucun des jeunes n’a cité l’accès au logement : au moment des ateliers un logement indépendant n’était pas à l’ordre du jour. 8 jeunes sur 9 affirment que ces ateliers vont les aider dans cette démarche d’indépendance, ce qui confirme l’intérêt d’une telle proposition. Le Conseil Départemental réfléchit à la formalisation du « projet pour l’autonomie » prévu dans le cadre de la loi sur la protection de l’enfant du 16 mars 2016 et aux étapes pour mettre en œuvre un parcours d’autonomisation à proposer à tous les jeunes suivis dans le cadre de la protection de l’enfance. l

www.udaf16.org

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Aux côtés des familles

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RÉALITÉS FAMILIALES#FAMILLES ET ARGENT#2017

Deux actions en faveur des accédants à la propriété L’UDAF d’Ille-et-Villaine présente deux initiatives en faveur des accédants à la propriété confrontés à des difficultés budgétaires, pour les aider dans leur parcours, mais aussi après leur entrée dans le logement.

35 www.udaf35.fr

Le Fonds d’aide aux accédants à la propriété en difficulté

Le Fonds d’aide aux accédants à la propriété en difficulté d’Ille-et-Vilaine (FAAD 35) a vocation à étudier toutes les situations et aider tous les ménages, domiciliés à titre de résidence principale en Ille-et-Vilaine, rencontrant des difficultés à l’occasion de leur parcours d’accession. Le travailleur social de l’UDAF 35, qui prend en charge l’accompagnement d’un ménage en difficulté, suit son dossier pour l’ensemble de la mission le concernant. En complémentarité de l’action de l’ADIL 35, un entretien personnalisé mené en face à face est systématiquement proposé afin de travailler sur la notion de surendettement et le budget. Le ménage peut faire appel aux conseils du travailleur social de l’UDAF 35 à tout moment pendant la procédure de surendettement.

NOS MISSIONS

La constitution d’un dossier de surendettement ➜ L’INFORMATION : il s’agit d’aider les familles à comprendre le traitement des situations de surendettement, le rôle de la commission, les différentes phases de la procédure. ➜L ’ÉVALUATION : il s’agit d’expliquer les conséquences possibles du dépôt d’un dossier de surendettement après analyse de la situation globale des personnes. ➜L ’ACCOMPAGNEMENT dans la constitution du dossier. ➜L E SUIVI DU DOSSIER en relation avec les différentes instances concernées. Une analyse budgétaire avec pour objectifs : ➜L ’ACQUISITION de méthodes de gestion de budget, ➜L ’AIDE À LA RÉFLEXION quant aux priorités et aux modes de consommation, ➜L A MISE EN ŒUVRE de conseils individualisés, étude des capacités de rétablissement du budget et transmission d’outils de gestion.

30

accédants à la propriété Au total, re du FAAD. ont été reçus en 2016 dans le cad Âge

Type de construction

Autres crédits

Les clés de l’accession

Selon un constat de l’ADIL, les ménages en accession à la propriété sont aujourd’hui confrontés à des difficultés financières très rapidement après l’entrée dans les lieux alors qu’auparavant ces difficultés apparaissaient majoritairement en fin de remboursement de prêt. La Banque de France constate depuis plusieurs années l’augmentation constante du nombre d’accédants à la propriété en situation de surendettement. La loi Lagarde de 2010 a réaffirmé l’accessibilité de la procédure de surendettement aux accédants à la propriété. Le projet immobilier n’est pas le fait générateur de la situation de surendettement mais au fil du parcours, les ménages ont souscrit des crédits pour faire face à des dépenses imprévues ou à un accident de la vie. Face à ce constat, la CAF a souhaité développer une action de prévention et d’information destinée aux ménages souhaitant faire l’acquisition de leur résidence principale. Pour mener à bien ce projet, la CAF s’est adjointe le concours de l’ADIL dans un premier temps puis celui de l’UDAF dans un second temps. Cette collaboration a fait l’objet de conventions définissant les modalités d’intervention de l’ADIL et de l’UDAF. Ce dispositif d’information, destiné aux primo-accédants, s’intitule « Les clés de l’accession ou comment sécuriser votre premier projet d’acquisition de votre résidence principale ». Animées par une conseillère en économie sociale et familiale de l’UDAF 35 et une conseillère de l’ADIL, ces sessions, d’une durée de 2 heures 30, ont pour objectif d’aider les jeunes ménages à accéder à la propriété dans les meilleures conditions possibles. Au programme, elles proposent des informations juridiques sur les différents contrats, sur les sources de financement et des conseils pratiques pour évaluer l’impact du projet sur le budget et le niveau de vie du ménage. l


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Aux côtés des familles

Animations budgétaires C’est en août 2008 que l’UDAF du Lot a mis en place le service de microcrédit personnel garanti. Depuis sa création, nous avons enregistré une progression régulière des demandes, avec une augmentation conséquente de son activité en 2015.

D

ans le cadre de cette activité, et plus particulièrement lors de l’analyse budgétaire des situations, des constats ont été établis et ont mis en évidence le besoin de renforcer les connaissances et la compréhension de certains mécanismes budgétaires (ressources/dépenses, hiérarchisation des priorités, gestion des aléas de la vie) et services bancaires d’un public en difficultés financières. En réponse à ce besoin, en 2016, nous avons signé une première convention avec FINANCES & PÉDAGOGIE, association qui développe depuis plusieurs années un programme d’éducation financière à destination notamment des populations en situation de plus ou moins grande fragilité. Pour la première année d’expérimentation, des conventions de partenariat ont été conclues avec deux associations lotoises qui accompagnent des adultes rencontrant des difficultés socio-professionnelles. Chaque session de formation s’est décomposée en trois modules de trois heures chacun. Le premier a traité plus particulièrement des services bancaires, les deuxième et troisième du budget familial et de l’argent au quotidien.

La mise en œuvre de ce programme repose sur une pédagogie active (mises en situation, études de cas, utilisation d’outils et de jeux pédagogiques...) et la démarche vise à encourager la prise de responsabilité de chacun. L’exercice, qui aurait pu être ardu et peu attractif, s’est révélé être, de par l’approche qui en a été faite, tout au contraire stimulant et a autorisé l’engagement des participants. Le nombre de désistements entre les 3 modules a été minime, si nous tenons compte d’une part du caractère non obligatoire de cette formation et du public bénéficiaire (un parcours personnel souvent chaotique et marqué par des difficultés d’apprentissage). Le retour des participants a été très favorable. Nous avons de ce fait décidé de reconduire cette animation budgétaire en 2017, en nous appuyant toujours sur un partenariat avec les associations et structures du territoire. Cette formation a été proposée au cours du premier trimestre à des jeunes adultes qui pour certains d’entre eux fréquentent un centre social et pour d’autres résident dans un Habitat pour jeunes. Une deuxième session est programmée au printemps. Elle s’adressera à des seniors adhérents d’une association d’aide aux aidants. Nous travaillons enfin pour le dernier trimestre à un partenariat avec des structures spécialisées dans l’accompagnement de personnes en situation d’handicap. Pour chacune des formations, un travail est réalisé en amont avec la formatrice de FINANCES & PÉDAGOGIE pour adapter la démarche, tant sur le fond que sur la forme, au public bénéficiaire. Si le nombre de modules reste inchangé, les questions budgétaires traitées lors de ces modules tentent de répondre, au plus près, aux problématiques financières rencontrées par les participants. Les supports choisis le sont également en tenant compte des particularités des personnes présentes. En mettant en œuvre ces animations budgétaires, l’UDAF du Lot a pour objectif d’étayer son accompagnement des familles, notamment de celles en situation de fragilité financière. l

www.udaf46.org

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RÉALITÉS FAMILIALES#FAMILLES ET ARGENT#2017

Accompagner les familles dans la gestion de leur budget Depuis 2010, l’UDAF de la Mayenne a développé un service gratuit d’Aide Éducative Budgétaire (AEB).

www.udaf53.fr

I

l propose d’accompagner les familles ayant des difficultés dans la gestion de leur budget, en leur permettant d’acquérir une gestion adaptée à leur situation. Cet accompagnement individuel, effectué par une chargée de mission de l’UDAF, peut permettre ainsi d’éviter un déséquilibre budgétaire pouvant mettre en péril l’avenir d’une famille. Il permet également de ne pas compromettre le succès d’éventuels dispositifs activés en amont tels qu’une Procédure de Rétablissement Personnel (PRP), un plan de surendettement, etc. L’AEB est une démarche volontaire dont le déroulement se fait en plusieurs étapes : • Une évaluation de la situation afin de déterminer les difficultés rencontrées, • L’élaboration des objectifs du suivi avec la famille, • La mise en place d’un accompagnement budgétaire individualisé, • Le bilan de fin d’intervention. Depuis 2015, le service a étendu son champ d’actions : • A raison de trois demi-journées par mois, une permanence est proposée à la Maison d’Arrêt de Laval. Résultant d’une convention avec le Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation (SPIP) qui accompagne, entre autres, les détenus dans leur accès aux droits sociaux et dans la préparation de leur libération, l’UDAF propose des entretiens individuels durant lesquels le détenu peut poser toute question en relation avec le thème du budget et de l’argent. Il est ainsi accompagné dans l’élaboration de son budget, dans l’analyse de ses difficultés financières et dans la recherche de solutions adaptées à sa situation. Cette démarche peut aboutir, lors du traitement de dettes, à des demandes d’échéanciers, de remise gracieuse, de délai de grâce ou encore la constitution d’un dossier de surendettement.

Pour ce projet, d’AEB à la Maison d’arrêt de Laval, l’UDAF53 a reçu un prix de l’initiative en économie sociale, remis le 4 mai 2017 par la Fondation Crédit Coopératif. •P lusieurs conventions ont été également établies avec divers partenaires mayennais afin d’apporter une complémentarité de leur service : avec le Service Conseil Logement pour les personnes locataires en difficultés financières et avec le CCAS de Laval pour maintenir l’autonomie financière de personnes en situation de précarité et lutter contre le surendettement. •E nfin, le service a été sollicité récemment par des organismes publics pour une formation collective de leurs salariés. Cela répond tout à fait aux missions de notre Institution, L’UDAF étant organisme de formation. Pour cette action, l’AEB pourrait sortir du mode d’intervention individuel pour entrer dans un mode d’intervention collectif. l

CONTACTER NOTRE SERVICE AEB

Anne-Laure GOUBAUD, Chargée de Mission Tél: 02 43 49 73 89 @: algoubaud@udaf53.unaf.fr Du lundi au jeudi de 9h à 12h et de 14h à 17h. Le vendredi de 9h à 12h. Permanence chaque premier lundi du mois : • à la mairie d’Evron de 9h30 à 11h30 ; • à la mairie de Château-Gontier/Bazouges de 13h30 à 16h (uniquement sur rendez-vous).


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Aux côtés des familles

Voyage au pays du caddie Les différentes mesures de protection exercées par l’UDAF des DeuxSèvres (tutelles, curatelles, mesures judiciaires d’aide à la gestion du budget familial…) mettent en œuvre des interventions individuelles d’accompagnement du budget dans la vie quotidienne.

E

n complément de ces interventions, l’Udaf des Deux-Sèvres a souhaité développer des actions collectives sur le thème de la consommation et du budget, le but étant de développer l’autonomie des usagers et de les rendre acteurs de la mesure dont ils bénéficient. L’action collective crée également une nouvelle dynamique entre le professionnel et l’usager, les places et postures de chacun étant différentes. L’usager peut notamment valoriser ses compétences individuelles en partageant ses expériences avec le groupe. Face aux évolutions sociétales, l’accompagnement collectif permet : • de questionner le mode de consommation propre à chacun, • d’aborder la question de la consommation de manière moins intrusive qu’en individuel, • de prendre conscience des sollicitations dans la société de consommation, • d’identifier les marges de manœuvre potentielles et de l’impact des autres dépenses, • de développer une cohérence en matière d’accompagnement par le biais du partenariat. Afin de mettre en pratique l’approche collective dans la gestion du budget, un groupe de mandataires et de délégués aux prestations familiales de l’UDAF des Deux-Sèvres a donc développé, en lien avec des travailleurs sociaux du département et du CCAS de Niort une action intitulée : « Voyage au pays du caddie »

www.udaf79.fr

Voyage au pays du caddie Les ateliers ont été organisés autour des thèmes suivants : Atelier n°1 : Embarquement immédiat : le budget • Travail, amour, argent, santé : des charges fixes jusqu’au projet

Atelier n°2 : Escale en terre inconnue

• Les différents moyens de paiement, relevés bancaires, banquier, les produits bancaires (crédits, épargne, assurances, ...) •C omment négocier ?

Atelier n°3 : Safari promo

•R edéfinir les produits de base, • Représentation de l’alimentation (lien social, familial, partage, culture, ...) • Logistique domestique : argent = produits transformés

Atelier n°4 : Point de vue panoramique

• La parentalité, couple, liens amicaux et familiaux, rapport à soi •C onsolation, appartenance à un groupe

Parole s de participants

Atelier n°5 : A chacun son cap

• Les autres dépenses : addiction, animaux domestiques ... •P rojet, sécurité, plaisir, autonomie • Comment s’organiser pour atteindre ses projets ?

Atelier n°6 : Arrivée à destination •L e bilan d’évaluation

En conclusion, cette action collective vient compléter les interventions individuelles des mandataires judiciaires et des délégués aux prestations familiales et l’idée d’un outil participatif à la fois du professionnel et de l’usager a depuis germé. Un groupe de travail transversal aux deux services a travaillé sur l’idée d’un « carnet de bord », outil de travail au service du professionnel et de l’usager et qui reprendra à la fois le suivi des interventions chronologiques tout en permettant à l’usager d’exprimer ses attentes et ses choix, à la fois liés à ses capacités budgétaires et à son mode de vie. l

« C’est une reconnaissance pour nous » « Si on vient c’est qu’on est prêt à se remettre en question » « La banque fait peur, le supermarché c’est la fête foraine » « Depuis que je viens ici, je fais attention, mon argent me fait la semaine » « Très vivant » « Très explicite » « Imagé » « C’est ludique » « Je trouve cela super que vous preniez du temps pour cela » « Les “magnets” c’est très représentatif »

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CONSEIL NATIONAL DES ASSOCIATIONS FAMILIALES LAÏQUES

Le réseau local de solidarité, outil de transformation sociale Le surendettement est un mal endémique révélateur d’un pouvoir d’achat en berne et d’une précarité endémique. Zoom sur une action inter associative dans le département de Seine et Marne.

cnafal@cnafal.net www.cnafal.org

RÉSEAU LOCAL DE SOLIDARITÉ

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n 10 ans le nombre de dossiers déposés a augmenté de 15 % et les dossiers recevables de 23 % ! 86 % de dossiers relèvent de crédits à la consommation et plus de 70 % de crédits renouvelables ! Un tiers des personnes sont âgées de plus de 55 ans et 82 % sont endettées sur des charges courantes ! A plus de 60 % ce sont les employés et les ouvriers qui sont représentés ! Le CNAFAL s’est prononcé lors de la discussion sur la loi consommation pour l’établissement d’un fichier positif de manière à prévenir le surendettement. Mais en France, le salaire médian est très bas : la multiplication de contrats courts, de CDD, de temps partiel ne permet pas aux gens de vivre décemment ; c’est cela qui est en cause ! Nos concitoyens ont droit à un niveau de vie décent, qui leur permette d’avoir accès à tous les biens et les protections disponibles ! En 2006, Jean Metreau, administrateur à l’UDAF 77, fait part de la situation des familles surendettées et propose que l’UDAF et les associations adhérentes accompagnent les familles en difficultés. L’idée est lancée et très vite un collectif appelé « info-dettes » se met en place et est sur le terrain début 2007. Il regroupe plusieurs associations : les AFP, la CSF, les associations familiales laïques et une association de solidarité : le Secours Populaire Français. Des permanences sont installées dans plusieurs villes de l’agglomération melunaise et des bénévoles accompagnent les demandeurs dans une démarche d’éducation populaire. Après avoir vérifié que le dossier relève d’un surendettement et non d’un endettement, le bénévole aide le demandeur à remplir son dossier. On ne se substitue pas à la personne surendettée, on la rend actrice. L’UDAF qui assure la coordination administrative, met en place des formations avec un prestataire, ce qui permet aux bénévoles d’acquérir des savoirs, des savoirfaire et des savoir-être. L’association familiale laïque de Vaux-le-Pénil prend en charge la coordination opérationnelle, ses secrétaires assurant la gestion des appels téléphoniques … Très vite le nombre de permanences info-dettes se multiplie. 10 ans après l’ouverture des premières permanences, elles

sont au nombre de 10, concernent tout le sud du 77 et mobilisent près de 30 bénévoles. Chaque année une formation assurée par Daniel Bijardel, représentant de l’UDAF à la commission de la Banque de France, permet d’actualiser les connaissances des anciens et de « qualifier » les nouveaux bénévoles. Le CDAFAL avec ses six associations du sud 77, partie prenante de ce collectif inter-associatif et organisateur de la formation des bénévoles, propose que se constitue un réseau de solidarité sur l’agglomération de Melun Val de Seine. Les associations familiales laïques qui depuis 10 ans augmentent chaque année leurs effectifs de 8 à 10 %, ne se satisfont pas de leur propre développement. Elles veulent contribuer à mieux répondre aux demandes des familles et à mutualiser les moyens des associations en prenant l’exemple d’info-dettes.

Faire ensemble

Après la tenue d’un colloque en novembre 2014, le réseau local de solidarité prend forme l’année suivante avec l’ouverture d’un local commun avec le CDAFAL 77, Info-Dettes, la LDH et le DAL sur Melun. Des familles en recherche de logement ou menacées d’expulsion, viennent exposer leur situation et ensemble, bénévoles et demandeurs, nous choisissons une démarche. La permanence est assurée par le DAL et Familles laïques de Melun, mais nous agissons vraiment en réseau avec les autres associations : avec la Ligue des Droits de l’Homme, quand il s’agit de répondre à des familles issues de l’immigration, avec le Secours Populaire lorsqu’une aide alimentaire urgente doit être apportée ou avec Info-Dettes pour les dossiers surendettement. Le réseau local de solidarité est un outil de transformation sociale : • I l contribue à mutualiser les moyens au service de toutes les familles et notamment des plus vulnérables. • I l responsabilise les demandeurs qui, informés et accompagnés se prennent en charge et peuvent s’engager, s’ils le souhaitent. l


/ INITIATIVES DES ASSOCIATIONS FAMILIALES /

Aux côtés des familles

FAMILLES DE FRANCE

Nos associations en action Les familles se sont regroupées en créant nos associations familiales dans le but de trouver des idées et des solutions en relation avec leur pouvoir d’achat pour acheter moins cher, partager, s’entraider, donner.

E

lles établissent des échanges, des pratiques économiques et des relations sociales. Mieux encore, les familles sont à l’initiative d’une économie durable, circulaire et renouvelable et à travers nos associations, elles sécurisent leur existence et mutualisent leurs moyens. La valeur argent est une préoccupation constante chez elles et elles organisent dans leurs échanges, des flux qui la minimisent pour en partager les bénéfices à moindre coût. À cet égard Familles de France a été précurseur de l’achat groupé dès 1926 et en 1940 des coopératives alimentaires.

Familles de France en Gironde : prise en compte de la fragilité pour rebondir

Notre fédération en Gironde constate la progression significative des situations de surendettement qui s’explique par la précarisation des ressources avec la baisse des revenus due à des accidents de la vie, à la retraite ou préretraite et alerte sur la banalisation du crédit. « Dans la majorité des cas, les difficultés financières rencontrées par les familles s’accompagnent de détresse psychologique, de perte de reconnaissance sociale : les personnes se sentent impuissantes à trouver une solution, elles s’isolent et développent un sentiment de honte. Des problèmes familiaux s’y greffent (crise du couple, séparation, souffrance des enfants,…) ainsi que des répercussions sur la santé ». C’est pourquoi Familles en Gironde a mis en place plusieurs services pour accompagner les familles en situation de vulnérabilité matérielle et ou psychologique. « Le recours à une aide extérieure à la famille va rompre l’isolement. Nos différents services offrent aux familles un cadre sécurisant qui leur permet de se ressourcer, d’élaborer, de se projeter dans l’avenir, de se responsabiliser et de faire des choix dans l’intérêt de chacun et en particulier celui des enfants », précise Dominique Lamouroux, spécialiste du surendettement. « Notre service sur le surendettement établit le bilan budgétaire des familles, accompagne le rétablissement de l’équilibre financier, constitue un dossier et son suivi tout au long de la procédure jusqu’à présentation devant les tribunaux si nécessaire. Il propose une action éducative et préventive budgétaire. Notre équipe est composée de : 4 bénévoles (dont 3 anciens cadres de la banque et 1 étudiante), 3 salariées dont 2 juristes et une 1 chargée de clientèle bancaire. Notre action se développe sur le dépar-

tement, notamment avec l’aide du ministère de la justice dans le cadre des CDAD (Conseil Départemental d’Accès au Droit) avec un partenariat avec les communautés de communes. Nos actions s’inscrivent dans une dynamique locale en appui avec le réseau local de l’action sociale. Cela nous permet d’aller au plus près des populations fragiles. Le public nous est orienté soit par les CCAS, les Maisons Départementales de la Solidarité et de l’Insertion, la Banque de France, le site internet ou le bouche à oreille. La prévention est très difficile à faire car les familles ont du mal à parler de leurs problèmes d’argent. Elles essaient de trouver seules des solutions et viennent lorsque les contentieux se mettent en place. Il y a toujours des solutions pour régler l’endettement et un accompagnement multipartenarial permet de stabiliser les situations ». Familles de France en Gironde 14 Cours de l’Intendance 33000 Bordeaux Tél : 05 56 51 17 17 federationfamillesgironde@wanadoo.fr

AGF 67 : L’éducation à la vigilance pour minimiser les risques

La consommation entre dans les actes quotidiens des familles : achat, vente, prêt, difficultés financières, signature de contrats. Confrontées à des difficultés sociales, économiques ou de santé, elles subissent de plein fouet une dégradation de leurs conditions de vie et se replient sur elles-mêmes. L’AGF67 déploie des actions pour les soutenir et les accompagner dans leurs difficultés. Les motifs de consultations concernent principalement les difficultés financières (budget, dettes), les problèmes de location immobilière, l’achat mobilier et le recours aux différentes garanties, les problèmes de voisinage, d’opérateurs de téléphonie, d’assurances. Les personnes en surendettement sont orientées vers le dispositif « Pass contre le surendettement » créé en partenariat avec l’UDAF 67.

L’ AGF 67 11 rue du Verdon - BP50067 67024 Strasbourg Cedex Tél : 03 88 21 13 80 - https ://www.agf67.fr

www.familles-de-france.org

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RÉALITÉS FAMILIALES#FAMILLES ET ARGENT#2017

Association familiale de Blois : des passerelles pour revivre dignement

L’association est à l’initiative d’activités complémentaires pour aider les familles à ne pas « couler ». Avec Emmaüs, St Vincent de Paul, les restos du Cœur, la Croix Rouge et le Secours Catholique, elle fonde une banque de prêt sans intérêt CLES (Caisse Locale Entraide Solidaire) et une épicerie sociale « La Passerelle » dont le principe est de permettre aux personnes les plus démunies d’acquérir des produits alimentaires et d’entretien à prix réduit. C’est par ailleurs un lieu d’échange pour recréer des liens qui propose des ateliers (éducation à la gestion du budget, cuisine...), des repas à thème, des échanges de recettes. Depuis 15 ans une vingtaine de bénévoles sont chargés de l’approvisionnement, de l’accueil des familles, de leur écoute et prodiguent des conseils en matière d’équilibre alimentaire. La carte de bénéficiaire s’obtient auprès d’un service ou un organisme social partenaire en fonction de la situation financière et de la taille de la famille. Les familles rencontrent d’abord une assistante sociale qui va calculer le « reste à vivre », définir le temps de l’aide et la fréquence des visites. Parallèlement, pour sortir ces familles de l’isolement, l’association, a instauré le prix « Colette Breton » qui consiste à offrir à l’une d’entre elles une semaine de vacances tous frais payés. Association familiale de Blois 45 Av. du Maréchal Maunoury 41000 Blois Tél : 02 54 90 23 66 http ://blois.familles-de-france.org

AFCO : L’échange de service pour se dépanner

Lauriane Fino, animatrice politique familiale, témoigne : nous avons mis en place un service TROC AFCO qui fonctionne sous forme Système d’échange local (ou Sel) et réunit des personnes qui échangent des services, des biens ou des savoirs sans utiliser d’argent. C’est l’occasion de discussions, de réflexions et de prises de conscience sur l’économie et la monnaie, avec la volonté d’évoluer vers plus de citoyenneté, de solidarité et d’humanité. C’est donc un réseau où les membres peuvent confronter leurs offres et leurs demandes. Les échanges sont évalués en « crédit ». Ils peuvent être de différentes natures. L’échange de « services » (jardinage, informatique, bricolage...), de savoirs (cours de français ou de langues étrangères, économie...) ou de biens (lampe, sac, jouet...). Pour l’échange de biens, le montant de la transaction peut être modifié par les deux selistes concernés. Lorsqu’un membre reçoit un service, il n’est pas dans l’obligation de rendre un service à ce même membre. Les échanges peuvent se faire dans un seul sens.

Le membre pourra alors rendre un service à un autre seliste. Concernant les biens, le seliste proposant l’objet, fixe un nombre de crédit : son « prix ». Chaque participant s’engage à ne pas être en négatif lors de son départ du service, pour la bonne marche des échanges. Le seliste s’engage à venir au moins une fois par an pour avoir accès aux offres et demandes et figurer sur le registre. Le service est dans sa phase de lancement depuis sa création en décembre dernier et compte une vingtaine de personnes, nombre qui augmente petit à petit.

Association Familiale des Cantons d’Oyonnax 5 rue Michelet - 01100 OYONNAX Tél : 07 81 95 30 75 - famillesoyonnax@gmail.com

Un programme éducatif dès le plus jeune âge

En 2016 : 2 485 adhérents consommation, 1 121 dossiers traités, 5 813 heures de permanence, 1 855 RDV assurés. Notre fédération de l’Ain pilote, après absorption, les activités consommation d’ORGECO 01. Cinq permanences sont implantées sur tout le département. Philippe de Mondenard, président de la fédération et Gisèle Arena, secrétaire générale, témoignent. En dehors du traitement des litiges, nous proposons l’accompagnement des situations de surendettement, une proposition de microcrédit personnel, des conférences et des ateliers d’éducation à la consommation. Cette éducation à la consommation est importante : elle forme au jugement critique, au choix, à une réception réfléchie et rationnelle des messages marketing. Elle s’inscrit dans une vision de société plus large, qui inclut le développement durable, le regard sur le gaspillage… Elle touche à la question du développement de l’enfant, des valeurs que l’on veut transmettre. Dans notre approche il s’agit : • De gérer son budget, d’éviter les situations à risques et connaître la pratique d’une consommation responsable à travers des ateliers destinés 16-25 ans avec la mission locale d’Ambérieu. Objectifs : avoir la bonne attitude avant un achat, connaître ses droits en tant que consommateur, sensibiliser aux bons gestes lors des achats en ligne car les stratégies marketing passent souvent par les réseaux sociaux et Internet. • De favoriser l’éducation du jeune consommateur de façon ludique par des ateliers en milieu scolaire (7 à 16 ans) en l’informant, lui faire découvrir à partir de son expérience quotidienne les risques et dangers d’une consommation mal maîtrisée. Le but est de responsabiliser pour qu’il maîtrise mieux son environnement et décode les risques encourus. • D’encourager l‘autonomie dans l’organisation administrative de la famille, informer sur le


/ INITIATIVES DES ASSOCIATIONS FAMILIALES /

fonctionnement des institutions et sur leurs droits et possibilité d’allocations par des ateliers « classer ses papiers » en partenariat avec les mairies, Pôle Emploi, les CCAS pour suivre les dossiers administratifs et communiquer plus facilement avec les administrations. Cet atelier est aussi dispensé préventivement auprès des jeunes pour les préparer à organiser leurs documents.

Familles de France ORGECO 5 rue Michelet - 01100 OYONNAX Tél : 07 83 50 02 88 - ffaorgeco.bresse@gmail.com

AGF 17-18 : Un microcrédit pour un ordi

C’est l’histoire d’une rencontre entre une bénévole active et une étudiante volontaire. Partner dans un grand cabinet de conseil, Elisabeth dédie quelques heures par semaine à aider les personnes en difficultés. Jeune française, Amina est en pleine reconversion. Elle doit de façon urgente acquérir un ordinateur puissant pour pouvoir passer son BTS Conception Assistée par Ordinateur. Mais comment financer cet achat ? Le 15 février 2017, Amina pousse la porte de l’AGF 17-18 pour monter un dossier de Microcrédit. Mi-mars, sa demande est acceptée. 3 000 € arrivent sur son compte bancaire les jours suivant. « La situation d’Amina m’a touchée. Elle a quitté sa famille pour monter à Paris. Sérieuse et motivée, elle a choisi de renoncer à son travail en grande surface pour mener à bien de nouvelles études et se projeter dans l’avenir. » confie Elisabeth. « Mon vieil ordinateur, lourd et hors d’âge, ne me permettait pas de télécharger les logiciels indispensables à mon cursus » précise Amina. Sur les conseils d’Elisabeth, l’étudiante monte un

dossier en seulement deux rendez-vous à l’Association. Pour gagner du temps, elle le dépose directement au Crédit Municipal de Paris, dans le 4e arrondissement. C’est à cette adresse prestigieuse que siège chaque mardi la commission microcrédit du CMP. Quatre banques sont présentes et étudient les dossiers présélectionnés. Le financeur qui accepte le projet peut accorder un crédit de 300 à 3000 € s’étalant de 6 à 36 mois. Le taux fixe est de 4.08 %, sans aucun frais de dossier, ni aucune pénalité. « En étudiant la situation financière d’Amina, je me suis rendu compte qu’il était également possible d’optimiser son budget personnel » ajoute Elisabeth. En effet, elle remboursait un crédit à la consommation à 14 %. « Je l’ai aidé à trouver une solution pour diminuer ses mensualités » précise la bénévole. Aujourd’hui Amina est rassurée. Installée en collocation dans les Yvelines, elle poursuit ses études et rêve du jour où elle créera ses propres sites internet. Elle travaille avec un matériel à la hauteur de son ambition. Elisabeth et toute l’équipe de l’AGF 17-18 lui souhaitent bonne chance pour ses examens.

AGF 17-18 26 rue Cardinet - 75017 PARIS Tél : 01 47 63 04 07 - www.agf17-18.fr Les associations Famille de France tissent des partenariats privilégiés (institutionnels ou privés) qui renforcent leurs actions auprès des familles en même temps qu’elles s’organisent pour répondre à leurs besoins. Nos savoirfaire sont une ressource territoriale non négligeable à l’initiative de services et de projets qui participent à la préservation du lien social et familial et à l‘éducation à la consommation responsable. l

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FAVEC

Les aides à nos adhérents Reconnue d’utilité publique en juillet 1956, la Fédération des associations des conjoints survivants et parents d’orphelins (FAVEC) peut recevoir des legs sans droits de mutation. www.favec.org

L

a FAVEC soutient et défend les droits des veuves, des veufs et des parents d’orphelins, qui se trouvent souvent désemparés lors du décès d’un proche. En plus des difficultés liées au deuil, ils doivent souvent faire face à des difficultés d’ordre économique. Pour faire connaître leurs droits aux personnes veuves, la FAVEC a formé ses équipes qui donnent les informations utiles pour faire plus facilement les démarches nécessaires, par exemple la constitution des dossiers de réversions. Elle propose également les aides suivantes.

Le legs Tartarin Nazelle

Un de ces legs a été remis par Monsieur Tartarin Nazelle à la FAVEC pour distribuer des aides aux jeunes veuves en recherche d’emploi et demandeuses de formation. Tous les ans, nous interrogeons nos associations départementales pour qu’elles fournissent un dossier complet nominatif (situation : nombre d’enfants, revenus personnels, charges familiales, devis et descriptif de la formation). Une commission FAVEC se réunit pour sélectionner les dossiers de demande des adhérents. La FAVEC distribue une somme comprise entre 700 € et 1 200 € suivant le nombre de dossiers acceptés;

Exemple : Madame X, demeurant en milieu rural, demande une aide pour payer sa formation, passer son permis de conduire ou éventuellement acheter un véhicule. Elle fournit pour son dossier différents devis et écrit une lettre de motivation et d’utilisation du legs.

Le prix des fondations Académie Française

La FAVEC propose également le « Prix Académie Française » qui octroie des sommes à des veuves et veufs en grandes difficultés matérielles. Le dossier est instruit par un(e) responsable départemental(e) FAVEC. Il doit remplir les conditions suivantes : •a voir 2 enfants à charge ou 1 enfant infirme ne pouvant subvenir à ses besoins • être de nationalité française • j oindre 3 attestations de notables différents (Maire, Curé, Pasteur, Assistante sociale, Enseignant, Médecins, Employeur) relative à la réputation du parent et à l’éducation des enfants

Aides ponctuelles

Des aides ponctuelles peuvent être distribuées dans les départements sous forme numéraire. Enfin, nous aidons les Veuves et les Veufs à constituer leurs dossiers afin d’obtenir leurs droits financiers. l


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ENFANCE ET FAMILLES D’ADOPTION

Capital affectif Cela fait toujours un pincement au cœur lorsqu’argent et adoption se trouvent liés. Comme si argent voulait dire prix de l’adoption et, en l’occurrence, prix d’un enfant, puisque c’est lui qui est au cœur de l’adoption. Comme si argent équivalait à marchandisation.

P

ourtant, à de nombreux égards, l’argent est nécessaire, notamment en adoption internationale. S’il est incontournable pour des frais de dossiers, de traduction ou de procédure, s’il est indispensable lorsqu’il permet l’accompagnement personnalisé par des professionnels connaissant particulièrement un pays, il devient vivifiant lorsqu’il est au service de la rencontre entre des adultes et un enfant. La plupart des futurs parents doivent aujourd’hui se déplacer dans le pays de naissance de l’enfant qui va leur être confié. Si on exclut le souhait légitime des responsables qui, dans les pays d’origine, souhaitent rencontrer ceux à qui ils confient l’avenir de leurs enfants, un voyage d’adoption, c’est d’abord le rendez-vous avec un enfant, « son » enfant, et avec tous ceux qui l’ont entouré, nourri, soigné, et peut-être préparé à l’arrivée de ses futurs parents. Oublié le choc climatique, du froid sibérien aux touffeurs tropicales, qui laisse pantelant au pied de l’avion, oublié le décalage horaire, oubliés les mois, les années d’attente angoissée, perdues de vue les frayeurs à venir avant que l’enfant monte, pour la première fois, dans un avion, vers l’inconnu impensable. Dans son milieu et ses repères, entouré de visages qu’il connaît bien, bercé par des mots à la musique reconnue, l’enfant découvre ces étrangers qui vont devenir ses parents. Quelques heures peuvent suffire pour que ces inconnus s’intègrent au paysage familier, mais d’autant plus aujourd’hui où les enfants sont confiés en adoption de plus en plus grands, c’est le temps qui va donner son sens à la relation qui naît. Le temps n’a le même rythme dans aucun pays : suivre le rythme imposé des rencontres avec l’enfant, et mener de front des démarches auprès d’administrations n’est pas forcément de tout repos. Les futurs parents devront demeurer dans le pays autant que celui-ci l’impose, donc ils doivent pouvoir y résider dans des conditions « confortables » : si la notion diffère d’une personne à l’autre, la réalité n’en a pas moins un coût qu’on ne peut ignorer. C’est le prix à payer pour véritablement « voir » et s’imprégner de ce qu’a été jusqu’ici la vie de l’enfant qui devient le leur. C’est le prix à payer surtout pour que l’en-

fant se sente « bien » lui aussi, lui ne sait rien de ce qui l’attend. Et cette bienfaisante période dite « de convivialité » a un coût qui peut vite devenir exorbitant – et même prohibitif pour certains – en raison de sa durée et des frais, d’hébergement notamment, qu’elle entraîne.

www.adoptionefa.org

Une visite sur le site de la Mission de l’adoption internationale montre que nous ne faisons plus mystère des sommes nécessaires à la réalisation du vœu le plus cher d’actuellement 17 000 de nos compatriotes. Mais les budgets présentés sont étrangement muets sur sa part essentielle : celle du temps passé dans le pays de l’enfant, à faire connaissance avec lui et à recevoir ce qui fait trace de son histoire, mais aussi, à mémoriser les noms des amis, de sa nounou, et à fabriquer des souvenirs communs qui prendront rang dans sa « mémoire d’origine ». l

Article extrait de la revue Accueil n° 167, « Adoption et argent », juin 2013

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FEMMES ACTIVES ET FOYER

La famille et l’argent Il ne faut pas rêver. À moins d’avoir une fortune personnelle ou un conjoint qui gagne des milles et des cents, il est fort probable que votre décision d’être femme au foyer va un peu compliquer le budget de la famille. Femmes actives et foyer https://faef.blogspot.com/

S

i l’aspect financier vous bloque, mettez tout à plat, et faites bien vos comptes. Il y aura un sacrifice financier, mais peut-être pas si grand que vous ne le pensiez. Il faut tout mettre dans la balance : que veut-on vraiment ? Quel est notre choix de vie ?

C’est encore mieux en le disant

Prenez bien conscience d’une chose. Vous n’avez pas de complexes à avoir. Votre mari travaille et gagne l’argent de la famille ; vous, vous vous occupez des enfants, de la maison, de son confort quotidien et du vôtre en économisant de ce fait des sommes non négligeables par votre savoirfaire. Comme pour tout le reste, en parler à deux est la première chance de réussite. Les non-dits, en particulier dans ce domaine, sont source de frustrations et même de ruptures. Quels sont les revenus du ménage ? Le salaire de votre mari et les allocations que l’État vous verse s’il y a lieu.

Extrait du « Petit manuel de la femme au foyer », Brigitte Jacquelin (Le Centurion)

L’argent ne fait pas le bonheur mais il y contribue.

Après, il n’est plus question d’argent qui rentre, mais d’argent qui ne sort pas. Et c’est là que les femmes au foyer sont capables d’une ingéniosité et d’une créativité sans fin pour économiser et gérer le quotidien. Elles peuvent aussi développer un réseau d’amies susceptibles de partager des « trucs et astuces » absolument incroyables. Le logement est le plus gros poste du budget d’une famille. Tout le monde a besoin d’un toit sur sa tête sous lequel on se sent bien. Mais il est des critères de confort aujourd’hui qui n’ont pas forcément lieu d’être.

C’est malin

Certes les enfants ont besoin d’un domaine privé, mais au début, un tiroir où cacher ses trésors suffira bien à condition qu’il soit parfaitement respecté de tous. Il y a des multitudes de possibilités pour arranger un logement pas tout à fait assez grand, d’en choisir un moins cher parce que moins bien placé ou en moins bon état. Il arrive aussi que le réseau d’amis que vous avez pu étoffer en étant au foyer vous aide à trouver l’habitation qui vous convient. Cela s’appelle la chance, ou la providence, cela existe et il faut y être attentif. « L’argent ne fait pas le bonheur mais il y contribue. » C’est aussi vrai que de ne pas oublier qu’attendre et espérer sont une excellente école de contrôle de soi permettant d’apprécier ce que l’on a à sa juste valeur… Lorsque l’on vit dans un foyer équilibré, avec un père et une mère responsables et présents, qu’il y a un vrai amour et une confiance mutuelle entre les époux, l’économie familiale doit être considérée comme une répartition des tâches et des responsabilités. La mère comme le père apportent leur pierre à l’édifice familial, il n’y a pas d’histoire de domination là-dedans. J’ajouterais qu’économiquement parlant, la mère qui élève ses enfants est aussi créatrice de richesse. Si vous en doutez, faites une évaluation chiffrée de la valeur des tâches qui vous incombent par jour au tarif d’une personne extérieure. l


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SOS VILLAGES D’ENFANTS

L’argent : un levier essentiel vers l’autonomie Apprendre à gérer son budget, ses ressources, ses dépenses fait partie de l’éducation de tout enfant et adolescent.

P

our ceux accompagnés en protection de l’enfance, cet apprentissage est d’autant plus crucial que la fin du placement est souvent source d’angoisse et d’incertitude, et que, de fait, l’impératif d’autonomie est plus précoce pour eux que pour la plupart des jeunes qui vivent au sein de leur famille jusqu’à la fin de leurs études voire au-delà. C’est pourquoi, dans ses villages d’enfants et ses établissements, l’association SOS Villages d’Enfants met en place un accompagnement spécifiquement destiné à faciliter cet apprentissage, essentiel pour l’avenir des enfants et des jeunes qu’elle accueille.

S’appuyer sur des actes de la vie courante pour apprendre aux enfants à bien gérer l’argent

Au sein des villages d’enfants SOS, cet axe éducatif se traduit avant tout par la place qu’occupe l’éducatrice familiale dans la gestion du budget familial. SOS Villages d’enfants accueille des fratries pour lesquelles une décision de placement a été prise par le juge des enfants en raison de lourdes difficultés familiales qui compromettent leur développement et leur éducation. Afin de se rapprocher le plus possible d’une vie ordinaire, les enfants sont accueillis dans des maisons semblables à celles de l’environnement immédiat et que rien ne distingue de celles du voisinage. Ils vivent au quotidien avec une éducatrice familiale (ou « mère SOS »). Un village d’enfants est composé d’une dizaine de maisons, et d’une « maison commune ». L’équipe psycho-éducative y développe de multiples activités pour les enfants et leurs familles et soutient le travail quotidien des éducatrices familiales. Chaque éducatrice familiale gère le budget de la maison et sensibilise les enfants à la nécessité d’épargner pour des projets particuliers ou de vacances. Ils sont ainsi confrontés à la réalité de la vie économique, ce qui participe à leur responsabilisation et leur autonomisation progressive. Ces budgets sont établis à partir d’un barème associatif et permettent de calculer chaque mois les sommes nécessaires à la prise en charge des enfants. Calculés en fonction du nombre et de l’âge des enfants accueillis dans la maison, ils prennent en compte les besoins alimentaires,

du logement, de transport, de santé, de scolarité, d’habillement, mais également la culture, les loisirs, et l’entretien courant de la maison. Cette responsabilisation de l’éducatrice familiale participe du rapprochement vers une vie ordinaire, et lui permet de sensibiliser les enfants au quotidien à la gestion de l’argent, en lien avec les besoins individuels et collectifs.

www.sosve.org

Le thème de l’alimentation est un support fréquemment utilisé dans les villages d’enfants pour apprendre aux enfants à gérer un budget tout en veillant à respecter un équilibre alimentaire. C’est le cas au village d’enfants de Plaisir dans les Yvelines qui a mis en place des « ateliers cuisine » à destination des jeunes enfants. Animés par l’éducatrice scolaire, ces ateliers ont pour objectif principal de donner du sens aux apprentissages scolaires comme le calcul mental par exemple. Ils sont également l’occasion de responsabiliser les enfants sur les questions de budget utilisé pour l’alimentation. Ces ateliers ont lieu en période scolaire sur le temps de midi et pendant les vacances scolaires, pour les enfants de 3 à 11 ans, regroupés par tranche d’âge et par niveau scolaire.

TÉMOIGNAGE D’UNE ÉDUCATRICE FAMILIALE Rose-Marie est éducatrice familiale au village d’enfants SOS de Plaisir depuis 3 ans. Elle accueille une fratrie de 3 filles âgées de 5 à 9 ans et une adolescente de 11 ans. Pour elle, apprendre à bien gérer l’argent passe d’abord par des comportements au quotidien : « l’eau qu’on laisse couler, la lumière qu’on n’éteint pas, des fenêtres qu’on laisse ouvertes sans éteindre le chauffage… ». Le fait d’avoir un budget à gérer permet de sensibiliser les enfants à d’autres dépenses que celles liées à leurs besoins individuels. Rose-Marie se sert du budget familial en les emmenant souvent faire les courses : « Souvent, à l’occasion des courses, ils ont envie de dépenser mais ne savent pas quoi acheter. Je les accompagne dans leurs choix, on regarde les prix, je les mets en situation, je les sensibilise à la répartition des dépenses. Face à un souhait, un besoin, une intention particulière, on prend un temps avec l’enfant. Il doit être responsabilisé ». Pour Rose-Marie, le constat est positif : « Les trois plus jeunes font plus attention. J’entends : « C’est trop cher. Mais je sens que c’est fragile, c’est un travail sur du long terme. »

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Au moment des courses, des objectifs sont fixés !

Un budget de 3 euros par enfant est demandé aux éducatrices familiales, ce qui représente environ 15 euros par groupe. Les enfants font face au « challenge » de proposer un menu équilibré (entrée, plat, dessert), en tenant compte du budget disponible. Au moment des courses, les objectifs sont les suivants : • Apprendre à se repérer dans un magasin (identifier les différents rayons : discount, rayon frais, surgelés, épicerie fine) ; • Savoir évaluer le rapport qualité/prix ; • Respecter son budget en étant capable de faire des choix ; • Réaliser un menu équilibré à moindre coût ; • Apprendre à vérifier son ticket de caisse et compter sa monnaie ; • Respecter les règles générales d’hygiène et de sécurité. Gérer un budget qui a du sens et qui rejoint d’autres impératifs éducatifs comme la santé, c’est bien là tout l’intérêt de ce genre d’expérience.

La délicate transition entre le placement et la vie autonome

La maison Claire Morandat est un établissement géré par l’association SOS Villages d’enfants qui propose un accompagnement éducatif et social à des jeunes de 16 à 21 ans. Hébergés dans un premier temps dans des studios regroupés et accompagnés par une équipe pluridisciplinaire, les jeunes investissent ensuite un logement autonome. Apprendre assez tôt à épargner et à anticiper. Karine est conseillère en économie sociale et familiale à La Maison Claire Morandat depuis 2012. Elle intervient particulièrement sur la problématique du logement à la sortie de l’établissement et poursuit l’accompagnement des jeunes jusqu’à deux ans après leur départ et, exceptionnellement au-delà.

« Il s’agit de les préparer à la sortie, en les mettant face à la réalité car certains ne sont pas dans l’anticipation. Je constitue avec le jeune la demande de logement, en anticipant le budget prévisionnel en fonction de ce qu’il peut payer, afin de lui donner une idée du coût correspondant au loyer, aux factures (sur la base de leur consommation actuelle), en tenant compte des aides. Tout est basé sur les explications, les échanges. Le travail se fait globalement sur l’insertion, la pérennisation des revenus, toujours dans l’objectif du maintien dans le logement. Il faut leur faire comprendre qu’ils doivent mettre de côté pour leur installation future, leur conseiller de vivre comme s’ils étaient sortis de l’établissement. Ces apprentissages se font en lien avec mes collègues du service éducatif de la Maison Claire Morandat chargés de la prise en charge car c’est dès l’entrée du jeune dans l’établissement que cette démarche éducative est mise en place, en s’adaptant bien sûr à la situation de chacun. Par exemple, 10 € sont prélevés chaque semaine sur leur budget pour réunir le montant nécessaire à la caution ». L’utilisation par le jeune du budget qu’il reçoit dans l’établissement pour ses dépenses courantes, augmenté par les bourses pour les scolaires, fait l’objet d’un suivi, d’une évaluation régulière, au sens de l’ensemble de la gestion de la vie quotidienne. Ils apprennent à structurer leurs achats et à constituer une épargne. « La sortie est très insécurisante pour les jeunes. C’est pourquoi cet axe éducatif occupe une place essentielle dans le processus d’autonomisation des jeunes et conditionne réellement leur avenir ». Isabelle, 21 ans, a quitté La Maison Claire Morandat en février dernier. Elle ne bénéficie plus de l’APJM (Allocation Personnalisée Jeunes Majeurs). Elle est maintenant accompagnée par la Mission locale pour sa recherche d’emploi et perçoit pour un an la Garantie Jeunes (471 €/ mois). Isabelle perçoit également l’APL (Aide personnalisée au logement) qui lui permet de prendre en charge le loyer de son studio. « Je ne peux pas rester une journée sans travailler. J’essaie de respecter mon contrat. J’ai été très bien préparée par la MCM, même s’il fallait que je me fasse engueuler ! Sur l’aspect budgétaire, par exemple, à la MCM, j’épargnais sur l’enveloppe que je recevais toutes les semaines. Et je me sers toujours aujourd’hui du tableau utilisé avec la conseillère en économie sociale et familiale, qui est un très bon outil permettant d’avoir une vue d’ensemble sur les dépenses par poste (loyer, factures, courses…). Je peux mieux économiser ; environ 200 € par mois (100 pour le scooter nécessaire à mes déplacements, 100 à la banque). Les conseils de l’équipe de la MCM, leur accompagnement, le fait que je puisse compter sur eux me motivent et me rassurent. Je me sens mieux, je suis plus indépendante.» l


Bibliographie

Le centre de documentation de l’UNAF situé au 28, place Saint-Georges à l’UNAF propose une large gamme d’articles, de textes de références et d’ouvrages sur le thème.

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Bibliographie

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Dans le cadre de la politique de dématérialisation du fonds documentaire, la plupart des documents cités sont disponibles en ligne.

Sél e cti o n Bibliographique REVENUS, NIVEAUX DE VIE ET TRANSFERTS FAMILIAUX Hippolyte d’ALBIS, Ikpidi BADJI, INSEE Inégalités de niveaux de vie entre les générations en France Economie et statistique (n° 491-492), 2017. 24 p. « Le niveau de vie augmente fortement avec l’âge, de 25 à 64 ans. Par exemple, la consommation des 50-54 ans est supérieure de 35 % à celle des 25-29 ans. À partir de 65 ans, l’évolution dépend de l’indicateur de niveau de vie considéré. Par ailleurs, le niveau de vie des générations du baby-boom est supérieur à celui des générations nées avant-guerre mais inférieur ou égal à celui des générations qui les suivent. » L’élévation du niveau de vie des générations est liée à la croissance économique et « aucune génération n’a eu une consommation inférieure à celle des générations qui l’ont précédée. » En ligne sur le site de l’Insee : www.insee.fr/fr/statistiques/­ 2647428 ?sommaire=2647454

Julie ARGOUAC’H, Antoine BOIRON, INSEE. Les niveaux de vie en 2014 / INSEE Première (n° 1614), 2016. 4 p. « En 2014, en France, le niveau de vie médian de la population s’élève à 20 150 euros annuels, soit un montant proche de celui de 2013. Les 10 % de personnes les plus modestes ont un niveau de vie inférieur à 10 770 euros. Les 10 % les plus aisés ont un niveau de vie au moins 3,5 fois supérieur, au-delà de 37 260 euros. Le seuil de pauvreté s’établit à 1 008 euros mensuels. La pauvreté ainsi définie touche 14,1 % de la population, et dépend grandement du statut d’activité : 36,6 % des chômeurs vivent au-dessous du seuil de pauvreté. La situation familiale joue aussi un rôle important : 35,9 % des personnes vivant dans une famille monoparentale sont pauvres en termes monétaires. » En ligne sur le site de l’Insee : www.insee.fr/fr/themes/document.asp ?id=5017®_id=0

Antoine BOIRON, Julie LABARTHE, INSEE Les revenus et patrimoine des ménages 2016 , 176 p. Principaux indicateurs et des analyses sur les inégalités monétaires, la pauvreté et le patrimoine des ménages. L’Insee note que les inégalités se sont nettement creusées entre 2008 et 2011 avec de fortes variations aux deux extrémités de l’échelle des revenus. La crise a accentué certains traits de la pauvreté qui touche notamment davantage les familles monoparentales ou nombreuses, et, partant, les enfants. A noter la fiche thématique sur « Composition familiale et niveau de vie ». En ligne sur le site de l’Insee : www.insee.fr/fr/publications-etservices/sommaire.asp ?ref_id=REVPMEN16

Carole BONNET, Bertrand GARBINTI, Anne SOLAZ Les variations de niveau de vie des hommes et des femmes à la suite d’un divorce ou d’une rupture de Pacs In : Couples et familles, Insee Références, 2015, pp. 51-61 « La perte de niveau de vie directement imputable à la rupture est de l’ordre de 20 % pour les femmes et de 3 % pour les hommes. Ces variations sont particulièrement sensibles à la part qu’apportait chaque conjoint dans les revenus du couple résultant en partie de la spécialisation entre travail domestique et travail professionnel rémunéré. Les variations de niveau de vie des mères dépendent assez peu du nombre d’enfants à charge avant la rupture, contrairement à celles des pères. Les prestations sociales et dans une moindre mesure les pensions alimentaires versées entre conjoints limitent en effet les pertes que connaissent les mères de familles nombreuses. » En ligne sur le site de l’Insee : www.insee.fr/fr/themes/document.asp ?reg_id=0&ref_id=COUFAM15d_D3_Niveau


Bibliographie

Laura CASTELL, Mickael PORTELA, Raphaëlle RIVALIN, INSEE Les principales ressources des 18-24 ans : premiers résultats de l’enquête nationale sur les ressources des jeunes INSEE Première (n° 1603), 2016. 4 p. Pour les 18-24 ans l’aide des parents représente un apport essentiel. Cette aide est d’abord financière et variable selon le milieu social. Elle concerne pratiquement 9 jeunes sur dix en cours d’études. Quand les jeunes travaillent, l’aide financière est moins importante. La cohabitation sous le toit parental reste encore un cas de figure fréquent pour les jeunes adultes. En ligne sur le site de l’INSEE - m. à j. 14 mars 2017 www.insee.fr/fr/themes/document.asp ?reg_id=0&ref_id=ip1603

Fabien DESHAYES Transferts économiques, sentiments et obligations en familles précaires : Dossier thématique I : « Famille et argent » Recherches familiales (n° 14), 2017. pp. 23-36 A partir d’une enquête ethnographique, cet article montre que dans les familles populaires à faibles ressources, la prise en charge familiale supplante souvent le recours aux institutions sociales, en raison de principes moraux (s’occuper des plus vulnérables), économiques (la sauvegarde économique du ménage) et affectifs (du fait de liens qui existent de longue date). Trois champs d’observations ont été couverts : l’hébergement des proches, la prise en charge des personnes handicapées et celle des enfants. En ligne sur le site de l’UNAF : http ://intradoc.unaf.fr/exlphp/ vue-recherche/unaf_recherches_familiales

Elodie KRANKLADER, Amandine SCHREIBER, INSEE Le sentiment d’aisance financière des ménages : stable au fil des générations, mais fluctuant au cours de la vie In : France, portrait social, Insee Références, 2015 , pp. 69-86 « En France métropolitaine, six ménages sur dix se sentent peu à l’aise financièrement en 2011. L’opinion d’un ménage quant à son aisance financière varie au cours de sa vie, car les facteurs qui l’influencent fluctuent eux-aussi (revenus, structure familiale, etc.). À diplôme et à génération donnés, les premières décennies de la vie adulte voient les contraintes financières ressenties s’accentuer, alors même que le revenu du ménage s’élève lui aussi. C’est entre 40 et 44 ans que les ménages se sentent le moins à l’aise financièrement. » Ce sont le logement et l’alimentation qui pèsent pour près de 40 % dans le budget des ménages qui ressentent des difficultés financières ; quant aux familles monoparentales elles s’estiment plus souvent en difficulté budgétaire. En ligne sur le site de l’Insee : www.insee.fr/fr/themes/document.asp ?reg_id=0&ref_id=FPORSOC15e_D1_menage

Emilie PENICAUD, Thomas RENAUD, Laurence RIOUX La situation financière se transmet partiellement de génération en génération / INSEE Première (n° 1636), 2017. 4 p. « En 2011, 54 % des personnes âgées de 25 à 66 ans estiment que leur situation financière est meilleure, voire bien meilleure, que celle de leur famille quand elles-mêmes étaient adolescentes. La plupart des caractéristiques parentales jouent un rôle dans la formation du niveau de vie de leurs enfants. En particulier, la situation financière des parents se transmet partiellement à leurs enfants : 59 % des personnes dont les parents joignaient très difficilement les deux bouts ont un niveau de vie inférieur à la médiane, contre 44 % de celles dont les parents ne rencontraient aucune difficulté pour payer les dépenses nécessaires. Cette transmission s’effectue principalement via le niveau d’éducation atteint par les enfants. » En ligne sur le site de l’Insee : www.insee.fr/fr/statistiques/2592060

L’ARGENT DANS LE COUPLE ET AU SEIN DE LA FAMILLE Argent, don et lien social / Empan (n° 82), 2011. pp. 10-112 Après plusieurs articles autour de l»Essai sur le don» de Mauss, ce numéro balaye les multiples aspects et symboliques de l’argent dans la société d’aujourd’hui. L’argent public, celui de la redistribution, les monnaies d’échanges, le surendettement, l’école et l’argent sont quelques-uns des angles étudiés. En ligne sur le site Cairn : www.cairn.info/revue-empan-2011-2.htm

Isabelle BALSAMO L’argent en famille / Terrain ; n° 45, 2005, 174 p., Plusieurs sociologues et ethnologues étudient ici la place de l’argent dans les relations familiales par l’examen d’une multiplicité de cas concrets et à la lumière des enseignements de théoriciens de l’économie. Les transferts financières révèlent l’état de solidarité d’un groupe familial et les familles recomposées se trouvent particulièrement exposées aux turbulences que ces transactions peuvent exprimer.

En ligne sur le site de la revue : https ://terrain.revues.org/3467

Hélène BELLEAU, Raphaëlle PROUXL Le revenu familial, un concept vague et insidieux : analyse critique et historique des relations économiques familiales Enfances, Famille, Générations (n° 15), 2011. pp. 78-109 « Les relations économiques entre parents et enfants et entre conjoints se sont radicalement transformées au cours du dernier siècle. Les changements économiques (urbanisation, crises financières, guerres, etc.) mais aussi certaines lois et mesures sociales ont influencé grandement les liens d’interdépendances au sein des ménages au point d’en inverser parfois le sens des flux monétaires. En nous attardant spécifiquement au contexte québécois, cette réflexion tente de dégager les principaux points tournant de cette évolution en posant un regard sur les liens entre les jeunes et leurs parents et entre ces derniers et sur les enjeux sociaux qu’elle suscite. » En ligne sur le site Erudit :http ://id.erudit.org/iderudit/ 1008147ar

Hélène BELLEAU, Caroline HENCHOZ. L’usage de l’argent dans le couple : pratiques et perceptions des comptes amoureux : Perspective internationale L’Harmattan : 2008, 323 p. « La gestion de l’argent dans la sphère domestique se trouve à la jonction des approches théoriques qui mettent l’accent sur la famille en tant que réseau d’échanges et de solidarité et celles qui portent sur les dynamiques interindividuelles et les rapports de pouvoir au sein des couples. » A partir d’entretiens dans différents pays, les chercheurs, dont les contributions constituent cet ouvrage, ont ainsi étudié les rapports économiques dans le couple dans un contexte de fragilité accrue des unions et d’indépendance financière croissante des femmes »

COUPLES ET FAMILLES Le couple, l’argent, le pouvoir... : Un sujet tabou ? Les Dossiers des Nouvelles Feuilles Familiales (n° 78), 2006. 91 p. Après quelques témoignages de couples qui dévoilent leurs pratiques et leurs sentiments face à l’argent et au budget familial, des thérapeutes du couple font part des échanges entre les participants

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Bibliographie

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à un groupe de parole. Une analyse plus profonde des rapports à l’argent dans le couple fait l’objet de la dernière partie du numéro. Les questions du surendettement et de l’argent dans la séparation y sont abordées. La Famille et l’argent Les Dossiers des Nouvelles Feuilles Familiales (n° 118), 2016. 94 p. « La relation à l’argent ne se vit pas de la même manière dans une famille où il faut tout compter et dans celle où le manque est une notion assez théorique » souligne l’association familiale belge « Couples et familles », dans son numéro consacré à la famille et l’argent. Les nombreux témoignages et souvenirs d’enfance qui l’illustrent en attestent. Dans une société de l’hyper-consommation, il est indispensable de parler de l’argent aux enfants, que ce soit dans le cadre familial ou à l’école. Ce numéro très accessible aborde ce sujet encore tabou pour beaucoup. Emilie GILMER Famille et argent : un mariage délicat Ecole des Parents (n° 609), 2014. « Un Français sur quatre a prêté de l’argent à un proche au cours des douze derniers mois. Cette entraide familiale constitue l’un des remparts anticrise plébiscités par les Français, mais elle génère aussi de nouvelles souffrances. ». Article en ligne : www.parolesdepsy.com/famille-et-argent-un-mariage-delicat/

Bertrand GARBINTI, Pierre LAMARCHE, Laurianne SALEMBIER, INSEE Héritages, donations et aides aux ascendants et descendants INSEE, 2012 Les revenus et le patrimoine des ménages, édition 2012 « La probabilité d’avoir versé une donation à ses enfants augmente avec l’âge, le revenu et le niveau de patrimoine détenu. L’histoire familiale joue également : des parents eux-mêmes bénéficiaires d’une donation seraient plus enclins à en faire à leurs enfants. Un autre mode de transmission de ressources entre vifs est l’aide financière, sous forme de don d’argent ou de paiement d’un loyer par exemple. Avoir aidé financièrement ses enfants, tout comme avoir aidé ses parents, va de pair avec un niveau de vie ou un patrimoine élevés. Ces transferts peuvent avoir un impact important sur le patrimoine des bénéficiaires : leur patrimoine médian est plus élevé que celui des autres. » En ligne sur le site de l’Insee : www.insee.fr/fr/statistiques/1373963 ?sommaire=1373966

Caroline HENCHOZ Le trésor conjugal : analyse du couple par son argent Enfances, Familles, Générations, (n°10), 2009 « Lorsqu’on interroge les conjoints sur la mise sur pied de leur organisation financière, la réponse qu’ils donnent spontanément est que « ça s’est passé tout seul ». Le croisement de résultats de recherches sur l’évolution de l’usage de l’argent (Henchoz, 2008b) et du linge (Kaufmann, 1992) dans l’histoire conjugale permet de souligner le rôle central du silence dans le processus de construction de la conjugalité contemporaine. Si ce processus est considéré comme naturel et spontané, c’est parce qu’il se fonde davantage sur les représentations de la conjugalité contemporaine (dont nous examinerons trois dimensions : l’amour, l’égalité et les attentes de genre) que sur une réelle « conversation » entre les partenaires (Berger

et Kellner, 1988). Le silence est le meilleur moyen trouvé par les conjoints pour préserver leur bonne entente (Hahn, 1991) et conjuguer les représentations antinomiques de l’argent et de la conjugalité. Cependant, le silence résulte aussi de l’absence de mots à disposition pour désigner les inégalités qui découlent de la mise en pratique d’idéaux conjugaux comme l’amour, le désintérêt et l’égalité. Dès lors, la construction du couple débouche davantage sur une fiction de compréhension rarement remise en question que sur le partage d’une vision commune de la réalité. » En ligne sur le site Erudit : http ://id.erudit.org/iderudit/037521ar

Stéphanie LALANDE CHAMPETIER DE RIBES, Cécile PLOT, Nicolas REGIS, Géraldine CAVAILLE Séparation et compte bancaire : [dossier] Actualité juridique famille (n° 9), 2011. pp. 399-415 Comment se prémunir contre d’éventuelles saisies diligentées par les créanciers de l’ex-partenaire ? Quels sont les pouvoirs du juge aux affaires matrimoniales dans le cadre d’une séparation et de l’autonomie bancaire ? Ce dossier aborde les questions délicates soulevées par une séparation, sur la situation bancaire de chacun. Un article présente la proposition de règlement portant création d’une ordonnance européenne de saisie conservatoire des avoirs bancaires et propose des modèles de lettres. Gilles LAZUECH L’argent des enfants ou l’accord en question Terrains et travaux (n° 21), 2012. pp. 199-216 « A l’occasion de transferts d’argent particulièrement fréquents au sein des familles – celui de l’argent de poche et celui d’un budget alloué aux enfants par leurs parents l’auteur tente d’éprouver empiriquement la notion d’accord. Il envisage, dans un premier temps, les raisons d’un accord souvent difficile entre parents et enfants à propos de l’argent de poche ; puis, dans un second temps, il observe les conditions d’un accord retrouvé lorsque l’on passe de l’argent de poche à celui du budget. » Article en ligne sur Cairn : www.cairn.info/revue-terrains-et-travaux-2012-2-page-199.htm

Ana PERRIN-HEREDIA, Jérôme VACHON « Les familles des milieux populaires ont leur propre rationalité économique » : [rencontre avec Ana Perrin-Heredia] Actualités sociales hebdomadaires (n° 2862), 2014. pp. 26-27 « On ne peut comprendre la logique économique des catégories populaires si l’on n’essaie pas de connaître leurs conditions de vie. C’est l’idée développée par la sociologue Ana Perrin-Heredia dans sa thèse et dans plusieurs articles récents. Une recherche qui interroge le rôle des travailleurs sociaux au sein des dispositifs d’éducation budgétaire. » Ana PERRIN-HEREDIA, La mise en ordre de l’économie domestique : accompagnement budgétaire et étiquetage de la déviance économique Gouvernement et action publique (n° 2), 2013, pp. 303-330 Nicole PRIEUR, Bernard PRIEUR La famille, l’argent et l’amour : les enjeux psychologiques des questions matérielles Albin Michel, 2016 Dans une approche pluridisciplinaire, les auteurs, psychologues, étudient ici la place de l’argent à travers les différents cycles de la vie du couple et de la famille.


Bibliographie

Ingrid VOLERY Les partages financiers au sein du couple : principes de justice et rapports de genre Politiques sociales et familiales (n° 105), 2011. pp. 73-84 « Depuis une trentaine d’années, les travaux conduits en sociologie de la famille font apparaître une dynamique d’individualisation qui transforme les formes familiales mais aussi le sens des relations qui s’y nouent (importance de l’amour, de l’égalité, de l’autonomie, etc.). S’appuyant sur une étude qualitative, cet article montre à quel point les valeurs portées par ce processus d’individualisation sont traduites à partir des socialisations sexuées et des positions matérielles que les hommes et les femmes occupent dans le rapport conjugal. Il met en exergue l’importance de pratiques financières qui sont peu discutées alors qu’elles naturalisent les critères de partage se référant au sexe ou en autorisent, au contraire, la déconstruction. » Les partages financiers au sein des couples : principes de justice et rapports de genre Ingrid Voléry

Laboratoire lorrain de sciences sociales (2L2S), université de Nancy 2.

Mots clés : Individualisation – Relation conjugale – Genre.

Depuis une trentaine d’années, les travaux conduits en sociologie de la famille font apparaître une dynamique d’individualisation qui transforme les formes familiales mais aussi le sens des relations qui s’y nouent (importance de l’amour, de l’égalité, de l’autonomie, etc.). Dans quelle mesure ce « nouvel ethos conjugal », érigeant les aspirations personnelles en requêtes légitimes, transforme-t-il les rapports de genre ? S’appuyant sur une étude qualitative, cet article montre à quel point les valeurs portées par le processus d’individualisation sont, en fait, traduites à partir des socialisations sexuées et, surtout, des positions matérielles que les hommes et les femmes occupent dans le rapport conjugal. Il met donc en exergue l’importance de pratiques financières qui sont peu discutées alors qu’elles naturalisent les critères de partage se référant au sexe ou en autorisent, au contraire, la déconstruction.

D

epuis maintenant plus de vingt ans, de nombreux travaux font état d’un processus d’individualisation qui transforme les valeurs et les sources de normativité encadrant les rapports sociaux. Chaque individu est désormais invité à se prendre lui-même comme point de référence pour penser et agir (Giddens, 1994). Dans le domaine des relations familiales, ce processus d’individualisation a fait émerger un « couple relationnel » dont François de Singly (2000) a examiné les contours : importance des liens et du « soi », bien évidemment, mais aussi volonté croissante de composer les manières de faire couple et d’entrer en parentalité. À ce jour, les débats portés en sociologie de la famille ont essentiellement concerné les incidences de telles valeurs sur l’entraide conjugale et la durabilité des unions. Sans nier d’aucune manière la pertinence d’un tel questionnement, cet article s’attelle toutefois à une autre discussion. Dans quelle mesure ces

normes, censées promouvoir la réflexivité et les aspirations personnelles, peuvent-elles redéfinir les rapports de genre ? Cette question paraît d’autant plus importante que deux zones d’ombre subsistent. En amont, peu d’études s’intéressent à la façon dont les principes d’autonomie, d’égalité et de reconnaissance sont traduits par les hommes et les femmes. Pour l’heure, tout se passe comme si ces « valeurs générales » se déclinaient indépendamment de leurs socialisations sexuées et des positions qu’ils occupent dans l’organisation conjugale (Mathieu, 1991). En aval, il reste également à mesurer l’impact de cette individualisation sur des relations recouvrant des dimensions matérielles (la distribution sexuée des tâches, par exemple) mais aussi des dimensions symboliques impliquant, entre autres, les visions et les normes de classement des contributions des hommes et des femmes. Pour répondre à ces interrogations, le choix a été de partir non pas des identités ou des formes de perception de soi, mais des pratiques financières observées au sein des couples.

Ce déplacement problématique s’appuie sur l’idée selon laquelle les relations conjugales, et leur structuration autour de critères faisant référence à une prétendue nature féminine ou masculine, découlent d’agencements matériels encore trop peu analysés. C’est là un point sur lequel convergent des travaux conduits dans des terrains divers. La sociologie de la famille a, en effet, montré que la construction des liens met en jeu des comptes et des partages, y compris lorsque les conjoints sont très attentifs à leur implication affective (Martial, 2005 ; Belleau, 2008). Quant aux recherches s’inscrivant dans la lignée du féminisme « matérialiste » (1), elles ont démontré que les stéréotypes sexués s’enracinent dans des organisations matérielles qui, lorsqu’elles changent, ne suscitent pas nécessairement un repositionnement

(1) Le « féminisme matérialiste », constitué autour de Christine Delphy (1975), insiste sur deux éléments : d’une part, le caractère socialement construit de la bicatégorisation homme-femme et des relations entre les sexes et, d’autre part, l’importance des rapports matériels d’exploitation et de leur justification idéologique soulignés par l’approche marxiste, mais négligés par des recherches se centrant sur les aspects symboliques de la domination masculine.

Politiques sociales et familiales 73

n° 105 - septembre 2011 Rapports sociaux de sexe

En ligne sur le site de la CAF : www.caf.fr/sites/default/files/ cnaf/Documents/Dser/PSF/105/1PSF106-1ngrid_Volery.pdf

EDUCATION BUDGETAIRE ET FINANCIERE – RELATIONS AVEC LES BANQUES COMITE CONSULTATIF DU SECTEUR FINANCIER, Emmanuel CONSTANS La définition et la mise en oeuvre d’une stratégie nationale en matière d’éducation financière La Documentation française : 2015, 194 p. Après avoir fait le constat que l’éducation financière est plutôt lacunaire en France, ce rapport propose trois axes principaux d’actions : développer un enseignement d’éducation budgétaire et financière pour tous les élèves ; soutenir les compétences budgétaires et financières des Français tout au long de la vie ; accompagner les publics en situation de fragilité financière. L’UNAF a contribué aux travaux du groupe de réflexion ; l’engagement et l’expertise de son réseau dans l’éducation budgétaire sont présentés dans cette étude. LA DÉFINITION ET LA MISE EN ŒUVRE D’UNE STRATÉGIE NATIONALE EN MATIÈRE D’ÉDUCATION FINANCIÈRE

Rapport du groupe de réflexion présidé par M. Emmanuel Constans dans le cadre du Comité consultatif du secteur financier (CCSF)

FÉVRIER 2015

SPE - PAO-PP-Infographie

En ligne sur le site de la Documentation française : www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/154000141 /index.shtml Compendium sur l’Inclusion Financière

CONFEDERATION DES ORGANISATIONS FAMILIALES DE LA COMMUNAUTE Bonnes pratiques des organisations familiales EUROPEENNE Compendium sur l’inclusion financière : bonnes pratiques des organisations familiales / 2016 , 32 p. Les budgets-types de l’UNAF [Union nationale des associations familiales], ainsi que les points conseil budget qu’elle a initiés, figurent en bonne place dans cet ouvrage, parmi les autres initiatives des organisations familiales de quelques pays européens. Celles-ci s’investissent dans le conseil budgétaire et l’éducation financière, le soutien aux familles vulnérables ou encore les campagnes de sensibilisation ou le crédit. Autant d’exemples qui sont présentés ici.

En ligne sur le site de la Coface : www.coface-eu.org/en/Publications/Compendium-on-Financial-Inclusion/

Jean-François LAE, Numa MURARD L’argent, c’est du temps : L’expérience sociale de la pauvreté économique Terrains/Théories (n° 1), 2015. « La formule selon laquelle « le temps, c’est de l’argent » s’applique à ceux qui ont le pouvoir de transformer le temps en argent. Pour les autres, dans la pauvreté économique engendrée par le chômage de masse, il faut inverser la formule : « l’argent, c’est du temps ». Le temps de tenir un peu, de trouver une autre ressource, de rembourser une dette. De l’observation empirique, l’article tire les conclusions théoriques sur les rapports entre la synchronisation des activités et le degré de désencastrement de la vie économique, ainsi que sur le degré d’articulation de l’argent au système des besoins.» Les auteurs affirment notamment : « les politiques familiales reposent sur un malentendu. Alors que ces allocations ont une visée nataliste, sont centrées sur les enfants, et disparaissent avec eux, les familles pauvres font de cette ressource une base essentielle de leur survie. » En ligne sur le site de la revue : http ://teth.revues.org/393

Jeanne LAZARUS, De l’aide à la responsabilisation : l’espace social de l’éducation financière en France - Genèses (n° 93), 2013, 23 p « L’éducation financière des populations est un thème émergent des politiques publiques internationales, présentée par ses promoteurs comme une forme de protection des citoyens face à la libéralisation des marchés financiers pour promouvoir une plus grande prise en charge individuelle des risques sociaux. L’objet de cet article est d’observer son développement spécifique en France et sa forte imbrication avec les transformations du travail social. Dans un premier temps l’auteur décrit l’espace social de l’éducation financière, et s’intéresse ensuite plus spécifiquement à un acteur important de cet espace : Finances et Pédagogie, association qui appartient aux Caisses d’Épargne, dont elle analyse les partenariats noués avec des associations et des services sociaux. » En ligne sur Cairn : www.cairn.info/revue-geneses-2013-4-page-76.htm

Sandra MIGNOT Parole d’argent : un dispositif d’intégration bancaire Actualités sociales hebdomadaires (n° 2623), 2009. pp. 32-35 « Dans le quartier Malakoff, à Nantes, l’association APIB (Agir Pour l’Intégration Bancaire) aide depuis 2008 les habitants à surmonter leurs difficultés financières et à ne pas basculer dans l’exclusion sociale. Pour ce faire, elle opère un rapprochement entre deux mondes distants, les travailleurs sociaux et les institutions bancaires. » Ana PERRIN-HEREDIA L’Accompagnement budgétaire : un instrument ambivalent du gouvernement des conduites domestiques Gouverner les conduites, Presses de Sciences Po, 2016 Par l’observation de personnes surendettées et des personnes qui les conseillent, l’auteur montre comment le « cadre flou » de l’accompagnement budgétaire « peut être investi par les accompagnateurs pour imposer des pratiques et détourné par les accompagnés pour échapper aux pressions normalisatrices ». En ligne sur le site Cairn : www.cairn.info/gouverner-lesconduites--9782724619003-page -365.htm

Ana PERRIN-HEREDIA Faire les comptes : normes comptables, normes sociales Genèses, (n° 84), 2011, p. 69-92. « Les catégories qui permettent de recenser les budgets domestiques font l’objet d’opérations de traduction de la part de divers agents d’institutions (conseillers bancaires, travailleurs sociaux, etc.) lorsqu’elles

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Bibliographie

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s’appliquent aux économies domestiques des milieux populaires. Leur contenu normatif est ainsi souligné : elles reposent sur des représentations, socialement situées, de l’unité domestique (le ménage), et du temps (le mois), susceptibles de faire peser une «double peine » économique sur les budgets populaires. » En ligne sur le site Cairn : www.cairn.info/revue-geneses2011-3-page-69.htm

Fabienne PINOS Inclusion financière et populations précarisées : effets des « business models » des services financiers en France 2015 , 401 p. L’auteur de cette thèse de doctorat assure démontrer « qu’en dépit d’une réglementation française apparemment protectrice pour le consommateur et à visée inclusive, les modèles bancaires actuels entretiennent l’exclusion ». Elle estime par ailleurs que les « dispositifs publics ou associatifs qui luttent contre l’exclusion bancaire ne correspondent aux besoins des exclus que pour certains profils, dans certains contextes ». Elle étudie les relations inclusion financière, et systèmes commercial et associatif, et politiques sociales. « L’officialisation de l’accès à la monnaie en tant que service d’intérêt général », et la « réhabilitation de la valeur de l’épargne » : telles sont ses préconisations qui étayent un modèle économique de services financiers inclusif. En ligne sur le site Archives ouvertes : https ://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01252570/

SURENDETTEMENT Valérie BILLAUDEAU, Richard GAILLARD Secrets des personnes en situation de surendettement 2013 , 12 p. Secret des personnes en difficulté, secret des banques, secret des médias... Les auteurs se sont intéressés à cette approche du silence et de l’invisibilité du phénomène du surendettement. Ils interrogent les relations et articulations entre les recherches réalisées sur le surendettement des particuliers (enquête auprès de la presse écrite, analyse d’émissions télévisées, des dossiers de surendettement et des réponses d’un groupe de parole) et les secrets qui y sont corrélés. En ligne sur le site Social science research network http ://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm ?abstract_id=2383420

Caroline HENCHOZ, Tristan COSTE Endettement problématique des jeunes et solidarité familiale : Dossier thématique I : « Famille et argent » Recherches familiales (n° 14), 2017. pp. 37-48 Quand, comment et pourquoi les jeunes adultes endettés recourent-ils à l’aide parentale ? A partir de d’entretiens avec une vingtaine de jeunes de moins de 30 ans, les auteurs retracent la temporalité du surendettement et montrent que la transition du secret à son dévoilement, puis à l’activation de la solidarité familiale, survient à une phase particulière du parcours d’endettement. En ligne sur le site de l’UNAF : http ://intradoc.unaf.fr/exlphp/vue-recherche/unaf_recherches_familiales

INSTITUT D’ETUDES POLITIQUES DE PARIS ; ASSOCIATION CRESUS-ILE-DE-FRANCE-PARIS, Mathilde BRICAULT, Paul CHALVIN, Marion DAVENAS, Nicolas PERROT Surendettement, fait de société : décryptage par ceux qui le vivent : Rapport d’étude réalisé dans le cadre d’un projet collectif de Sciences Po / 2012 , 42 p. A la demande de l’association Cresus Ile-de-France, cinq étudiants de Science Po Paris ont conduit des entretiens individuels

approfondis avec des usagers de l’association qui vivent, ou ont vécu une situation de surendettement, afin de mieux comprendre le phénomène. En ligne sur le site de Cresus Ile de France www.cresus-iledefrance.org/wp-content/themes/cresus/ images/rapport_etudiants_iep.pdf

Sébastien ROBINNE Surendettement et mariage : une relation maudite ? Revue lamy droit civil (n° 97), 2012. pp. 51-55 « Quels sont les effets du surendettement vis-à-vis des couples mariés, tant au regard de leur patrimoine que de leurs pouvoirs ? C’est à cette question que cet article essaie de répondre en dégageant les principes connus, car tranchés par la jurisprudence, et les zones d’ombre qui restent à éclaircir. » Katia ROUFF Le surendettement, une souffrance sociale Lien social (n° 1076), 2012. pp. 10-17 Atteinte plus profonde que purement économique, la situation de surendettement entraîne souvent une chute de l’estime de soi, renforce les risques d’exclusion et peut même altérer la santé. Les travailleurs sociaux qui accompagnent les personnes surendettées ont un rôle à jouer pour restaurer leur confiance et lutter contre leur sentiment de culpabilité et de dévalorisation. Cet article pose la problématique, interroge des spécialistes de la question, et présente les initiatives d’accompagnement, notamment des UDAF. L’auteur aborde aussi les questions qui restent en suspens : la création d’un fichier positif des crédits, la notion de « reste pour vivre ». Jean-Philippe VALLAT, Rémi THERME Analyse du surendettement à travers le budget des familles Informations sociales (n° 182), 2014. pp. 49-51 Les auteurs, respectivement sous-directeur responsable des recherches et chargé de mission à l’Union nationale des associations familiales (UNAF), expliquent comment la notion de budget se situe au coeur de la démarche d’accompagnement d’une situation de surendettement. Après avoir présenté le travail de la commission de surendettement, ils insistent sur la démarche complémentaire d’accompagnement social et d’éducation bugétaire menée par les Unions départementales des associations familiales (UDAF). En ligne sur le site Cairn : www.cairn.info/revue-informationssociales-2014-2-page-50.htm


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R E V U E D E L’ U N I O N N A T I O N A L E D E S A S S O C I A T I O N S FA M I L I A L E S

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n°85-86-87 l 2008

Vivre avec la maladie d’Alzheimer : un défi pour le XXIe siècle

13e

n°88 l 2008-2009

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L’Europe des familles

10e

n°95-96-97 l 2011 L’accueil de la petite enfance

10e

n°106-107 l 2014 Être aidant familial aujourd’hui

ISSN : 0220 9926 - Prix : 6,50 €

n°89 l 2009

6,50 e

No 89 - 2009

Parrainer un enfant près de chez soi

10e

n°100-101 l 2012

n°98-99 l 2012

Le logement, une question familiale

10e

n°108-109 l 2014

L’alimentation au cœur des familles

Soutien à la parentalité avec et pour les parents

10e

n°110-111 l 2015 Numéro spécial 70 ans d’engagements pour les familles

ISSN : 0220 9926 - Prix : 10 e

10e

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N° 92-93 - 2011

n°92-93 l 2010

La place de l’enfant dans la médiation familiale

10e

n°102-103 l 2013 Familles et Ecole

10e

n°112-113 l 2015 Associations Familiales L’Union fait la force !

n°94 l 2011

Nouvelles technologies santé et familles

10e

n°104-105 l 2014

La place des familles dans la protection de l’enfance

10e

n°114-115 l 2016 Familles connectées

10e 10e

n°116-117 l 2016 Loisirs et vacances en famille

n°118-119 l 2017 Familles & argent

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