Réalités R E V U E D E L’ U N I O N N A T I O N A L E D E S A S S O C I A T I O N S F A M I L I A L E S
28, place Saint-Georges, 75009 Paris - Tél. : 01 49 95 36 00 www.unaf.fr I
Familles Santé mentale
@unaf_fr ISSN : 0220 9926 - Prix : 10 €
N° 120-121 - 2017
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Réalités N°120-121 / 2017
Sommaire REVUE DE L’UNION NATIONALE DES ASSOCIATIONS FAMILIALES Magazine édité par L’Union Nationale des Associations Familiales 28, place Saint-Georges 75009 PARIS www.unaf.fr
Familles et santé mentale
Direction : Présidente et directrice de la publication : Marie-Andrée Blanc Directrice générale : Guillemette Leneveu
ÉDITORIAL Santé mentale : les familles en première ligne par Marie-Andrée Blanc, Présidente de l’UNAF........3
i
INTRODUCTION 3 questions à Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé...........................................5
Ont participé à ce numéro : Servane Martin, Nicolas Brun, Hélène Melin, Nathalie Talibon
PRÉSENTATION Semaines de la Santé mentale, édition 2018........5
Impression - Mise en page Hawaii Communication 78310 Coignières 01 30 05 31 51
Donner la parole aux familles de malades psychiques ....................................................................6 LES CHIFFRES-CLÉS................................................8
Crédits photos : X, Shutterstock
Contact : Service Communication Tél. : 01 49 95 36 00 courriel : realites.familiales@unaf.fr Dépôt légal : Décembre 2017 - n°ISSN 0220 9926
Ages de la vie
• Santé mentale du bébé et de ses parents
par Dominique Ratia-Armengol, ANAPSYpe......30
par Jean-Pierre Drapier, Fédération des CMPP....34
• Santé mentale et adolescence, une période à risques
par Jonathan Lachal, pédopsychiatre..............36
État des lieux • Les contours de la santé mentale : « A votre santé (mentale) ! »
par Philippe Barrier, philosophe.......................12
• La place de la famille dans le soin psychiatrique et dans la santé mentale
par Patrick Chaltiel, psychiatre des hôpitaux ....14
• Recherche en santé mentale : quels espoirs pour demain ? Extraits des actes du Brain Day, Fondation FondaMental ........................................................
• Quels aspects psychologiques dans l’endoctrinement des jeunes ? Interview de Fethi Benslama, psychanalyste, Professeur à Paris-Diderot..................................38
• Suicide : les personnes âgées, un public à risque par Françoise Facy et Marc Fillatre, Union nationale de prévention du suicide......40
Liens familiaux et entourage
par Bruno Maresca, CREDOC............................18
Reproduction interdite sauf autorisation de l’UNAF
Analyse
• « Mon enfant va-t-il bien dans sa tête ? »
• Parcours de soin et articulation entre les secteurs sanitaire, social et médico-social
Respectueux de l’environnement, ce document est imprimé sur du papier utilisant la certification forestière PEFC (Programme européen de certification forestière). La certification PEFC donne l’assurance que le papier que nous utilisons est issu de pâtes produites à partir de forêts gérées durablement.
par PSYCOM.................................................................26
AVANT-PROPOS Engagés pour améliorer la vie des familles par Marie-Pierre Gariel, Présidente du département Santé, Protection sociale, Vieillesse...........................4
Rédaction : Rédaction en chef : Laure Mondet Rédaction en chef adjointe : Elise Séaume Secrétariat de rédaction : Cécile Chappe
Diffusion et abonnements : Abonnement annuel (3 numéros) : France : 22 euros Étranger : 25 euros Commande au numéro : Numéro simple : 6,50 euros Numéro double : 10 euros Numéro triple : 13 euros + 3,15 euros de frais de traitement
• Santé mentale de A à Z : quelques repères
• Impact des troubles psychiques sur les familles
par Thérèse Prêcheur - UNAFAM.....................42
• Communication positive parents-enfants, pour une relation épanouie
21
• Santé mentale et territoires : le rôle des CLSM par Laurent El Ghozi, Président de Elus locaux, santé et territoires (ELST).....................24
par Arnaud Riou.....................................................44
• Crazy’App : comprendre et changer les représentations sur les troubles psychiques
par Margot Morgiève - ICM - Institut du cerveau et de la moelle épinière........................................46
2
RÉALITÉS FAMILIALES#FAMILLES ET SANTÉ MENTALE#2017
Familles et santé mentale • Mieux-être à l’école : l’estime de soi en questions
par Sylvie Gaisne - FNAREN..............................48
Aider et accompagner les familles
• Parents avec une maladie mentale : quels impacts pour les enfants ?
Interview de Jaqueline Wendland.....................51
• Travail social et accueil des troubles psychiques par Monique Soulard-Pechberty, psychologue clinicienne et formatrice à l’UNAFOR..............53
• Les pratiques parentales doivent-elles relever de la juridiction de la santé publique ?
par Xavier Briffault, sociologue..........................55
• Habiter son logement : Nouvel accompagnement pour une psychiatrie citoyenne
par UDAF 52.......................................................... 66
• La médiation locative
par UDAF 53..........................................................67
• GEM : travailler ensemble pour aller mieux
par UDAF 65..........................................................68
• Les actions de l’UDAF 81 pour la santé mentale
par UDAF 81..........................................................69
• Handicap psychique et insertion sociale : les réponses de l’UDAF 86
par UDAF 86..........................................................70
• Des collaborations et des actions pour la santé mentale
par UDAF 87..........................................................71
• Les différentes actions pour la prise en compte de la santé mentale
Aux côtés des familles Les services des UDAF
• Handicap et troubles psychiques : le réseau UNAF-URAF-URAF engagé ! ................................................................. 60
Initiatives des UDAF
par UDAF 94..........................................................72
Initiatives des associations familiales • Soigner nos « fêlures »
par Associations Familiales Laïques................73
• Famille et Tendresse : accompagner les projets de réinsertion
par Famille de France..........................................74
• Parrainer un GEM : un choix et un engagement
• Burn out maternel dans les familles de multiples
• Le Club d’Activités
• Un réseau de familles, pour les familles
• Quand les GEM de la Creuse mettent l’accent sur l’estime de soi
Association invitée
par UDAF 2B..........................................................62 par UDAF 16..........................................................64
par UDAF 23..........................................................65
par Fédération Jumeaux et Plus........................75 par UNAFAM..........................................................76
• Jouer ensemble pour mieux accompagner la croissance de l’enfant par FNAREN
..........................................................
Bibliographie
78
81
3
Edito Santé mentale : les familles en première ligne Marie-Andrée BLANC Présidente de l'UNAF
Avec une personne sur quatre touchée par un trouble psychique à un moment ou à un autre de sa vie, la santé mentale est une question de santé publique qui dépasse largement les dispositifs d’aide aux plus vulnérables et concerne toutes les familles.
Toute la famille est impactée Quand l’un des siens souffre, c’est toute la famille qui est impactée. L’apparition d’un trouble psychique sévère chez l’un des membres d’une famille soulève des questionnements douloureux et un sentiment de culpabilité qui n’épargne ni les parents, ni la fratrie. Avec le poids de la honte, la crainte du regard des autres, souvent les familles se replient sur elles. L’époque où l’on isolait les malades de leur famille supposée « toxique » est révolue, mais elle a laissé des traces. Si l’évolution de la psychiatrie moderne tend à renforcer l’implication des familles dans le soin, trop ont encore le sentiment de se heurter à des murs. Elles se sentent jugées et disent la difficulté d’obtenir des informations sur l’état de santé de leur proche, alors même qu’elles sont censées faire partie intégrante du processus de soin et vivent chaque jour avec la maladie. Pourtant, ce sont elles qui assurent un quotidien complètement bouleversé et prennent tout en charge, au risque d’y laisser leur santé physique… et mentale.
Donner la parole aux familles Au vu de la lourde charge qui pèse sur leurs épaules, les familles fragilisées ont besoin d’être aidées. C’est ainsi que l’UNAF, avec l’ensemble de son réseau, représente les familles de personnes malades psychiques, pour faire avancer leurs droits et lutter contre l’isolement et la stigmatisation. L’UNAF porte ainsi leur voix dans de nombreuses instances : Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), Comité national pour la bientraitance et les droits des personnes âgées (CNDB), Comité d’orientation stratégique de l’Agence nationale des établissements sociaux et médico-sociaux (ANESM), etc. Elle anime aussi le Collectif inter associatif des aidants familiaux(CIAAF) dont la mission est de faire reconnaître la place et le rôle de tous les aidants familiaux et de faire avancer leurs droits. Récemment l’UNAF a aussi apporté sa pierre à la Stratégie nationale de santé, par le biais de France assos santé. Enfin, sur le terrain, dans chaque territoire, UDAF et associations travaillent avec les familles pour créer des réponses adaptées. Accès au soin qualifié de « parcours du combattant », retards de diagnostics, territoires insuffisamment dotés de structures de soin et d’accompagnement social… La liste des combats à mener pour venir en aide aux familles de malades psychiques est longue. Elle donne tout son sens à la représentation familiale.
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RÉALITÉS FAMILIALES#FAMILLES ET ARGENT#2017
Avant-Propos
Marie-Pierre GARIEL Présidente du Département santé – protection sociale – vieillesse de l’UNAF
Engagés pour améliorer la vie des familles La santé mentale est une préoccupation partagée par de nombreuses familles, à des degrés très variables : certains parents s’interrogent sur le bon développement de leur enfant, tandis que pour d’autres, il s’agit d’épauler un proche touché par une dépression sévère, ou encore de supporter une vie quotidienne marquée par les crises et les hospitalisations.
Représenter les familles pour leurs droits Le réseau UNAF-UDAF-URAF connaît bien les problématiques auxquelles sont confrontées ces familles, quel que soit leur niveau de gravité. Le travail et les échanges avec les associations familiales, et notamment l’UNAFAM qui regroupe les familles et proches de personnes touchées par la maladie ou un handicap psychiques, ont créé des liens très forts. Les UDAF et les URAF portent ainsi la voix et les combats de ceux qui souffrent, dans de nombreuses instances où elles font valoir les intérêts des familles en matière de prévention, de droits et d’accompagnement : Agences régionales de santé (ARS), Conseils locaux de santé mentale, Conseils de surveillance des établissements publics de santé, Conseils d’administration des Caisses de sécurité sociale, Centres intercommunaux et communaux d’action sociale, Comités départementaux de soutien à la parentalité…
Des actions concrètes pour aider les familles au quotidien D’autre part, l’expérience de l’UNAF et des UDAF auprès des majeurs protégés et la professionnalisation du métier de mandataire à la protection juridique des majeurs ont participé à forger son expertise sur les problématiques rencontrées par les personnes touchées par la maladie ou le handicap psychiques et leur famille. Grâce à leur vision transversale, les UDAF apportent des réponses adaptées là où les familles en ont le plus besoin et développent des services innovants. C’est le cas avec le dispositif « Famille-gouvernante », qui propose à des personnes qui ne peuvent vivre seules une « colocation », avec l’assistance d’une gouvernante chargée de veiller à leur bien-être et à leur insertion sociale ; mais aussi avec bien d’autres services et initiatives autour de la santé mentale présentés dans la rubrique « Aux côtés des familles ». Pour marquer cet engagement de l’ensemble du réseau, l’UNAF est partenaire des Semaines d’information sur la santé mentale 2018 sur le thème « Parentalité et enfance » : un moment privilégié pour valoriser nos actions de promotion de la santé mentale auprès du grand public, sensibiliser les familles, créer des liens et proposer des pistes d’actions pour améliorer durablement le bien-être de toutes les familles.
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3 questions à :
Agnès BUZYN Ministre des Solidarités et de la Santé.
«La santé mentale intervient dans toutes les politiques que je porte»
En quoi la question de la santé mentale concerne la ministre des solidarités et de la santé ?
Parler de santé mentale me concerne évidemment ; cela me concerne en tant que personne d’une part car cela nous amène à questionner notre condition et la société dans laquelle nous évoluons ; cela me concerne en tant que médecin et pour y avoir déjà été confrontée ; cela me concerne en tant que ministre de la santé mais aussi en tant que ministre des solidarités. Ainsi, je tiens à rappeler qu’aujourd’hui près de 2,4 millions de personnes sont prises en charge en établissement de santé dont 2 millions en ambulatoire pour un trouble psychique sévère, et 75% d’entre elles sont accompagnées au quotidien par leur famille. Et la demande de soins est croissante, alors que la prévalence des troubles psychiques est marquée par un gradient social, et le système de santé français est confronté à des difficultés et des inégalités d’accès aux soins. Comme je vous le disais donc, cette situation m’interpelle, d’autant plus que la santé mentale intervient dans l’ensemble des politiques que je porte, que ce soit la famille, les solidarités, la santé ou encore le médico-social.
Quels sont vos projets pour aider les patients et leurs familles ?
Les enjeux de la politique de santé mentale sont immenses. La situation de prise en charge des personnes atteintes de pathologies mentales en France est très préoccupante. En France, actuellement, les interventions précoces sont trop faibles et le diagnostic trop tardif. On observe un allongement des délais d’accès aux soins, de fréquentes ruptures dans les parcours, une coordination insuffisante des acteurs sanitaires, sociaux et médico-sociaux, une réponse hétérogène de mise en œuvre sur les territoires… La psychiatrie et l’amélioration des parcours de santé des patients atteints de pathologies mentales sont des priorités de l’action que je souhaite mener pour la santé et afin de répondre aux enjeux que viens d’évoquer.
Mieux répondre aux pathologies mentales et à ce qu’elles impliquent passe par une meilleure appréhension de celles-ci. Or, le champ de la recherche en psychiatrie est aussi faible. Alors, il s’agit de pathologies dont on sait très peu de choses, sur le plan épidémiologique, mais aussi sur l’évaluation des pratiques et des organisations. Nous devons aller plus loin dans la politique de santé mentale en priorisant repérage, accès aux soins précoces et prise en charge coordonnée. La politique qui guidera mon action en la matière est une politique qui répond à une logique territoriale et qui harmonise les bonnes pratiques. La recherche est un vecteur pour mieux connaitre les maladies mentales et trouver les meilleures prises en charges dans le respect des personnes, elle sera donc mobilisée dans ce projet. Je tiens à souligner que la psychiatrie et l’amélioration des parcours de santé des patients atteints de pathologies mentales sont des priorités de l’action que je souhaite mener pour la santé.
Comment comptez-vous impliquer les usagers dans ces changements ?
Je suis très attachée à la place du citoyen dans les politiques de santé et j’y ai consacré un volet entier de la stratégie nationale de santé – elle-même ayant été ouverte à la consultation publique. Pour ce faire, je compte m’appuyer sur les deux instances qui ont été mises en place dans la suite de la loi de modernisation de notre système de santé, le Conseil national de santé mentale (CNSM) et le comité de pilotage de la psychiatrie (Copil psychiatrie). Le Copil psychiatrie, dont la dernière réunion s’est tenue en septembre, réunit autour de 5 thématiques des représentants des professionnels de santé mais aussi des malades ou de leurs familles. Son expertise et ses travaux effectués seront une base riche dans la réflexion préalable aux projets que j’entends mener en matière de santé mentale.
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RÉALITÉS FAMILIALES#FAMILLES ET ARGENT
Parlons de la parentalité et de l’enfance avec les SISM 2018 ! 29 e
édi tio n
S AN T É
Des centaines d’événements dans toute la France et 5 objectifs
12 - 25
ma rs 201 8
www.semaine-s
Depuis 29 ans, les Semaines d’information sur la santé mentale (SISM) permettent à la population, tous les ans en mars, de parler de santé mentale lors d’événements variés. Les 29e SISM ont lieu du 12 au 25 mars 2018 sur le thème « Santé mentale : Parentalité et Enfance ».
ante-mentale.fr
P F A F P / S
DE PERSONNES DE FAMILLES ET AMIS UNION NATIONALE PSYCHIQUES MALADES ET/OU HANDICAPÉES
Créée en 1990 à l’initiative de l’Association française de psychiatrie (AFP), les Semaines d’information sur la santé mentale sont maintenant coordonnées par un collectif national réunissant 23 partenaires. A partir du thème annuel, chacun peut organiser un événement gratuit, ouvert à tous et répondant à 5 objectifs : • sensibiliser le public aux questions de santé mentale, • informer sur les différentes approches de la santé mentale, • rassembler acteurs et publics des manifestations, professionnels et usagers des services de santé mentale, • aider au développement des réseaux de solidarité, de prévention et de soins en santé mentale, • faire connaître les lieux, les moyens et les personnes pouvant apporter un soutien ou une information de proximité.
Qui organise les événements pendant les SISM ? Chaque année des collectifs (réunissant citoyens, patients, professionnels, mairies, écoles, bibliothèques, élus, grand public…) se mobilisent pour organiser des manifestations. Chacun peut se rapprocher des structures locales de sa ville pour créer un partenariat et organiser un événement. En 2017, plus de 1400 événements ont eu lieu.
« Santé Mentale : Parentalité et Enfance » en 2018 « Le bien être, c’est être bien. C’est un droit et un devoir, envers soi, envers les autres, dès le plus jeune âge1» . La question du bien-être et de la préservation d’une bonne santé mentale tout au long de sa vie se pose très tôt. Cette 29e édition des SISM sera l’occasion d’échanger autour des pistes d’actions possibles pour favoriser le bien-être des enfants, promouvoir la santé mentale dès le plus jeune âge, accompagner la parentalité de tous, et en particulier des personnes souffrant de troubles psychiques.
EN SAVOIR
+
www.semaine-sante-mentale.fr 1/ Plan d’action en faveur du bien-être et de la santé des jeunes, Rapport du Pr Moro et de M. Brison au Président de la République, 2016
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Donner la parole aux familles de malades psychiques Pour faire écho aux propos des experts, professionnels et associations qui paraissent dans ce numéro de Réalités Familiales « Familles et santé mentale », nous avons aussi souhaité donner la parole aux familles. Enfants, parents, frères, sœurs, grands-parents, conjoints : les familles sont en première ligne aux côtés de leur proche pour l’aider à vivre avec la maladie. Ce sont elles qui ressentent la culpabilité, l’impuissance et le désarroi devant la souffrance de leur proche malade. Elles aussi vivent au quotidien les crises, l’enfermement et la solitude face au regard des autres. Elles encore qui prennent en charge le « parcours du combattant » que représente l’accès aux soins… Pour leur donner la parole, nous avions selectionné parmi les nombreux témoignages du recueil « Paroles de familles », réalisé par l’UNAFAM. Cette expression personnelle, intime et réelle donne vie et sens aux grandes questions abordées et aux actions menées par le réseau des UDAF et les associations familiales.
Troubles psychiques – la parole aux familles, UNAFAM
TRO UBL ES PSY CHIQ UES LA PAR OLE AUX FAM ILLE S
+
Ce recueil a pour objectif de partager l’expérience de ceux qui vivent avec une personne souffrant de troubles psychiques, de faire comprendre la nécessité de ne pas rester isolé et démuni face à la maladie psychique, et enfin de faire prendre conscience de la nécessité de soutenir la cause de ces personnes démunies afin d’améliorer la situation. A lire en ligne sur www.unafam.org
DE TÉMOIGNAGES
Frères et sœurs face aux troubles psychotiques Sous la direction d’Hélène Davtian, UNAFAM Plus de 30 frères et sœur ont participé à l’élaboration de ce document qui vise à donner les moyens de comprendre la maladie, de ne pas s’isoler, de savoir comment aider son frère ou sa sœur en tenant compte de soi.
La poire en bois
Roméo à la folie
Didier Meillerand, Le texte vivant (2017) Ce livre est le témoignage d'un frère d'une personne en situation de handicap psychique. L'auteur décrit de quelle manière il a vécu la schizophrénie de son frère et comment sa maladie a déterminé son propre devenir. Didier Meillerand, en livrant son témoignage, souhaite que la souffrance des frères et sœurs des personnes en situation de handicap psychique soit aussi entendue pour se construire avec cette fragilité comme une force.
Christine Sagnier, Zinedi (2017) Il y a les ados qui se cherchent, et puis il y a les ados qui vont mal, très mal même parfois. Klara en sait quelque chose, elle qui n’a cessé de vouloir venir en aide à Roméo, son fils unique aussi ébouriffant qu’ébouriffé… Derrière le ton vif, l’humour grinçant et le rythme trépidant, le roman s’attaque à une question sérieuse : le parent happé dans l’engrenage infernal des soins psychiatriques peut-il demeurer sain d’esprit ? La réponse est à la fin du roman.
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RÉALITÉS FAMILIALES#FAMILLES ET SANTÉ MENTALE#2017
Familles et santé mentale En France, plus de 2 millions de personnes vivent avec des troubles psychiques sévères. 75 % d’entre elles sont accompagnées au quotidien par leur famille.
Chiffres
clés
2,5
%
millions de Français
sont touchés par la dépression chaque année.
2
% de la population souffre :
• de troubles bipolaires, • de troubles obsessionnels compulsifs, • de troubles de la personnalité limite ou borderline.
1/4
de la population mondiale
1
souffrira un jour de troubles psychiques.
%
de la population souffre :
• de schizophrénies, • de troubles du comportement alimentaire.
Les risques 10 500 suicides et 200 000 tentatives de suicide
(TS) chaque année en France.
47%
SUICIDE
des personnes ayant eu des pensées suicidaires au cours des 12 derniers mois n’en ont parlé à personne.
42
%
des hommes ayant fait une tentative de suicide dans l’année ne sont pas allés à l’hôpital et n’ont pas été suivis par un professionnel.
2 à 3 fois plus
SANTÉ
de fumeurs chez les personnes atteintes de troubles psychiques.
Moins 9 ans
d’espérance de vie en moyenne pour les personnes atteintes par un trouble psychique.
9
Traitements et soins
4,1%
En France,
du budget de recherche en santé consacré à la santé mentale (contre 7% en Grande Bretagne et 11% aux États-Unis)
1
de personnes ,4sontmillion suivies dans les services de psychiatrie publique.
76
%
des patients suivis en psychiatrie au moins une fois dans l’année le sont en ambulatoire.
de 20 millions + d’actes réalisés en 2014 dont 4
%
c’est le temps de traitement associant neuroleptiques et intervention familiale, après lequel les rechutes peuvent disparaître pour plus de 80 % des schizophrènes.
12% Centre médico-psychologiques (CMP)
Etablissement pénitentiaire
1an
5%
15 048
c’est le nombre de psychiatres en exercice en France. 23 % des psychiatres libéraux exercent à Paris, tandis que certains départements n’en comptent qu’un seul.
Unité d'hospitalisation somatique
6%
60%
Domicile
Centre médicopsychologiques (CMP)
13
%
92 000
Centre d'activité thérapeutique à temps partiel (CATTP)
patients hospitalisés en psychiatrie sans leur consentement en 2016.
(Sources : OMS, Unafam, Fondation FondaMental, Psycom, DREES, Santé publique France- Baromètre santé 2014, « Le coût de la psychiatrie en France »-Karine Chevreul 2012)
Poids économique et social • Perte de qualité de vie...
1ère cause
TRAVAIL
d’invalidité et d’arrêts maladie longue durée.
+
65,1 milliards d'euros
• Perte de productivité...
+
24,4 milliards d'euros
• Coût du secteur sanitaire...
ARRÊT DE TRAVAIL
2 cause ème
d’arrêt de travail.
13,4 milliards d'euros
+ 6,3 milliards d'euros +
• Coût du secteur social et médico-social...
• Médicaments...
808
,46 e
c’est le montant maximum de l’Allocation pour Adulte Handicapé, dont peut bénéficier une personne si son état de santé mentale ne lui permet pas de travailler.
2,2 milliards d'euros
milliards d'euros 110 par an = c’est le prix payé par l’Etat pour les troubles psychiques en France.
10
RÉALITÉS FAMILIALES#FAMILLES ET SANTÉ MENTALE#2017
Focus Ados
1
82
%
ado sur 4
est concerné par les troubles somatiques et psychologiques d’intensité variable :
28
42
,2 %
%
des garçons
2
des 11-15 ans ont une perception POSITIVE de leur vie.
ème
Les Troubles du comportement alimentaire (TCA) sont la 2ème cause de mortalité chez les 15-24 ans.
des filles
3
ème
Le suicide est la 3ème cause de mortalité chez les adolescents.
Cela concerne
34
% des ados qui vivent avec
40
% des ados qui vivent avec l’un de leurs parents.
42
% de ceux qui vivent dans
leurs deux parents.
une famille recomposée.
36,7 17,3
% des 11-15 ans ont du mal à
35,5
% des filles de corpulence normale
s’endormir.
% des 11-15 ans se sentent déprimés.
Les facteurs de souffrance
Conduites addictives
68
%
ont déjà expérimenté le tabac.
42
%
ont fumé du cannabis
au moins une fois.
se sentent « un peu ou beaucoup trop grosses ».
6
,6 %
Privation en termes de niveau de vie
des ados de 17 ans n’ont jamais consommé d’alcool, de tabac et de cannabis.
Pas d’ami sur qui compter
89
Cyber harcèlement
%
X
Dans ces situations, le risque d’être en souffrance est multiplié…
Tension avec le père Tension avec la mère Avoir + de 15 ans
ont déjà été ivres.
Etre une fille Angoisse de l’échec scolaire :
26
%
x x x x x x x x
0,86 1,45 1,5 1,5 1,6 1,7 1,7 2,2
Parmi les joueurs, disent avoir rencontré des problèmes à l’école ou au travail à cause de leur pratique du jeu vidéo. (Sources : Enquête internationale Health Behaviour in School-aged Children - HSBC, 2014 ; UNICEF, 2014 ; ADASTCA ; INSERM)
État des lieux Comment « définir » ce que sont la santé et la maladie mentale ? Comment poser les bons mots sur des réalités forcément fluctuantes et propres à chaque individu ? Lorsque l’on soigne l’esprit, plusieurs dimensions se superposent et entrent en action : famille et entourage, environnement social, hospitalier, science et recherche, politiques publiques… Dans chacun de ces domaines, experts et professionnels posent les enjeux de ce numéro.
#12-28
État des lieux
12
RÉALITÉS FAMILIALES#FAMILLES ET SANTÉ MENTALE#2017
Les contours de la santé mentale : « A votre santé (mentale) ! » Les contours servent à définir, généralement de l’extérieur, un corps, une figure… Ils tracent une limite, une frontière qui permettent de cerner un phénomène. Peut-on, pour autant, avoir la prétention de « faire le tour » de la santé mentale ?
Philippe BARRIER Philosophe, docteur en sciences de l’éducation Lauréat de l’Académie de Médecine Prix « éthique et réflexion » Pierre Simon 2014
M
ais les contours sont aussi les alentours, ce qui borde plus ou moins clairement un territoire, un domaine. Il y a davantage de flou, de vague dans cette approche qui permet de penser que les limites, les frontières peuvent avoir quelque chose de poreux. En explorant ce qu’il y a autour de la santé mentale, on parvient peut-être davantage à la définir sans rigidité, à échapper aux représentations convenues et sclérosées.
Pas d’équilibre sans déséquilibre
Paradoxalement, lorsqu’on évoque la santé, on évoque aussi la maladie ; moins comme son absolu opposé que comme ce qui lui est irréductiblement lié, à la fois comme limite et, d’une certaine façon, comme complice. L’une ne va pas sans l’autre. L’une manifeste l’autre, par contraste – mais aussi solidarité. Il n’y a pas d’équilibre sans déséquilibre, qui est premier et qu’on cherche à corriger dans une constante dynamique qui ne garantit jamais un acquis définitif. C’est aussi vrai pour le somatique que pour le psychique, dont nous sommes un inextricable entrelacs. En psychologie, les mots sont terribles. Puissants. Violents. Ils statufient. Ils tuent. J’ai lu Freud (d’abord parcouru fié-
vreusement en cachette) dans la terreur, à 14 ans. Chaque nouvelle phrase me semblait une condamnation au néant psychique. J’avais toutes les tares, toutes les névroses ! Toutes les complications de ce qu’il pouvait y avoir de plus compliqué, de plus pervers, de plus définitivement mauvais ! Je n’osais plus regarder les autres en face qui, eux, savaient certainement à quoi s’en tenir me concernant, et ne me toléraient parmi eux que par pitié. A moins que les pauvres ne fussent dans l’ignorance complète de mon affreuse perversité et tombassent bientôt des nues en la découvrant, m’abandonnant alors avec dégoût à mon enfer intérieur… Bref, je comprenais que j’avais un inconscient. Freud n’y était pour rien, si j’ose dire, sinon en tant que révélateur.
En psychologie, les mots sont terribles
J’avais été opportunément plongé au cœur de la problématique fondamentale de la santé mentale par ce sentiment de honte qui m’avait envahi à la lecture du génial explorateur de l’inconscient. La découverte de mon fonds intérieur le plus secret était en même temps, immédiatement et concomitamment, celle d’un rapport aux autres – et d’abord aux proches, à la famille. L’inconscient était
aussi relationnel et familial, sinon familier. En fait, l’apparition de la première faille, le premier trouble cognitif et affectif fondamental, avait eu lieu sept ans plus tôt, dans la petite église à l’odeur de moisi d’un minuscule village de l’Aisne où nous allions « prendre la messe », papa, maman, ma sœur et moi. En sainte famille, effectivement. Juste avant l’entrée en piste du vieux prêtre, en levant le regard sur la voûte du chœur, l’idée d’éternité m’avait saisi et affolé, et avait failli me précipiter dans le néant. Qu’est-ce que cela peut signifier un temps qui ne finit pas, et qui ne commence pas non plus ? Ou, à l’inverse, qu’est-ce qu’il peut y avoir avant le temps, si le temps a bien un commencement (pour avoir une fin) ? Ce n’était évidemment pas la contradiction logique qui me bouleversait, mais la contradiction ontologique. J’étais terrifié, j’avais envie de crier ; ou plutôt, j’étais envahi de silence définitif, bouche ouverte en poisson muet, yeux ronds exorbités. Je me levai pourtant comme tout le monde à l’arrivée du prêtre et des enfants de chœur, et la petite clochette agitée à la sortie de la sacristie me fit presque pleurer de soulagement. La question me tarauda longtemps, par intermittences, tout au long de mon enfance et de mon adolescence. S’y ajouta celle d’une
État des lieux
incompréhensible et tenace culpabilité qui me fit concevoir et sentir l’enfer sur terre, bien que je le craignis dans un au-delà auquel je ne croyais déjà plus… C’est une maladie auto-immune bien concrète, mon bon vieux diabète de type 1, qui, à 16 ans, parvint à me distraire de cette douloureuse aporie ontologique ; comme par hasard !
Impossible de définir la santé mentale de l’intérieur...
Je n’étais pas parti pour écrire des confidences, pourtant ; encore moins des confessions. Mais, dès le début de ma réflexion, je me suis bien rendu compte qu’il me serait impossible de définir exclusivement de l’extérieur le phénomène, de contourner la maladie mentale, de l’éviter, de faire comme si j’en étais moi-même exempt, prémuni, protégé par mon statut d’auteur. La maladie mentale est en nous, elle rode à l’aise dans nos esprits comme l’ombre de nos pensées saines. Et c’est tant mieux (ou tant pis). C’est ainsi. J’entends certains de mes lecteurs se dire : « parle pour toi ! En toi, peut-être, mais pas en nous ! ». Le fou, c’est toujours l’autre. En effet, la folie définit l’autre absolu, même en nous.
Le fou, c’est toujours l’autre
Les mots ne sont pas que terribles et violents, ils sont drôles aussi, avec leur fâcheuse tendance à dire toujours plus que ce qu’ils disent, à faire entendre ce qu’ils n’osent pas dire franchement. L’état de folie résulte d’un décret, ou relève de l’insulte : on « traite » quelqu’un de fou. Drôle de traitement hyperbolique ! Elle n’est jamais pensée que comme une extrémité, toujours dans une appréhension asymptotique : « espèce de fou ». Soi-même, dans une plainte furieuse, on proclame qu’on « devient fou », que telle situation, telle personne nous « rend fou ». L’autre est toujours responsable de notre folie. Il nous exempte de la nôtre. 1/ « Ethique » III, Proposition VI.
L’autre est toujours responsable de notre folie Cette extériorité, cette extériorisation, cette mise à la porte est toute la question. Enfermer les fous, c’est bien les mettre dehors, en effet, les exclure de la société, les extraire de la Communauté. A cause de la dangerosité de leur contagion. De la trouille qu’ils nous fichent. Ils sont notre limite, notre extrémité. Ils ne peuvent et ne doivent être qu’hors de nous. A l’étranger absolu qu’ils incarnent pour nous (c’est-à-dire à notre place), nous n’accordons que le droit d’asile… d’aliénés : l’hôpital psychiatrique où l’hospitalité n’est pas de mise, où le Droit est exclu par essence, où le sujet n’est plus sujet, institutionnellement anéanti pour le protéger d’un lui-même qu’il est sensé méconnaitre et dont on le prive.
Comme toute pathologie, la maladie mentale est une souffrance de l’être
Les proches, la famille (avant même l’Etat) ont le pouvoir de précipiter dans cet abîme un sujet jugé mentalement suspect, c’est-à-dire perçu comme une menace. Par qui et pour qui ? La paranoïa de Camille Claudel était-elle une menace pour la société ou pour sa mère jalouse, son frère, le poète du Partage de Midi, ou son maître, mort à l’ombre de son Balzac d’ombre et de puissance ? L’a-t-on protégée d’elle-même en la privant définitivement de la reconnaissance institutionnelle de son art, tant désirée ? La famille conjurée relayant « naturellement » l’étatique Institution*. Comme toute pathologie, la maladie mentale est une souffrance, du corps, de l’esprit et de tout l’être. Indéniablement. Indéfectiblement. Mais qu’est-ce que soigner la maladie chronique ? Rétablir l’impossible ordre antérieur ? Supprimer les symptômes pour faire comme si ? Le malade chronique est celui dont la vie intègre définitivement comme paramètre une pathologie qui la menace et
« Personne ne peut comprendre la « morsure de la folie ». D’ailleurs on n’imagine pas que les troubles psychiques se présentent ainsi. Souvent, on croit qu’un fou est quelqu’un qui déraisonne tout le temps. Notre fille est quelqu’un comme tout le monde. Elle peut même paraitre totalement normale et c’est pour cette raison qu’elle berne si facilement ses psychiatres. Seulement, par moment, elle dérape et là, plus rien ne l’arrête, pas même elle-même. Comment se résigner à l’indicible ? »
Jocelyne (mère) dont il doit limiter la puissance destructrice pour « persévérer dans son être », comme dit Spinoza1.
Voyons le fou comme l’un des nôtres
Le respect de son être implique de le considérer comme membre de la Communauté. La guérison est là, le « rétablissement », d’abord dans ses droits. Et dans ce droit premier, fondamental, du respect absolu et inconditionnel de sa personne. Si nous voyons le fou comme l’un des nôtres, le mal principal est défait. Une part énorme de la souffrance intime est déposée. La « part du fou » est faite au sein du fou lui-même ; la possibilité de s’en distinguer (sinon de s’en émanciper) lui est ainsi offerte. C’est alors le rôle de la médecine que de disparaître comme action corrective, pour accompagner, soutenir, renforcer un être qui s’affirme dans sa « dignité malgré tout ». l
*Sur ce sujet, lire aussi l’article page 14
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RÉALITÉS FAMILIALES#FAMILLES ET SANTÉ MENTALE#2017
La place de la famille dans le soin psychiatrique et dans la santé mentale L’évolution moderne de la psychiatrie et du champ de la santé mentale a transformé radicalement le rôle et l’implication des familles dont l’un des membres est touché par un trouble psychique. Ainsi, à notre époque, 90 % des patients atteints par ces troubles, souvent sévères et de longue durée, vivent au sein de leur famille, et non plus à l’écart dans des institutions soignantes ou sociales. Dr Patrick CHALTIEL Psychiatre des hôpitaux, chef de service, Bondy (93)
Article initialement paru dans la revue « Un autre regard » (UNAFAM n°3, 2009)
C
ette transformation se heurte actuellement à des archaïsmes (tant dans la représentation de ces maladies que dans la conception des soins et que dans les compensations du désavantage social associé ou consécutif à ces troubles). Ces archaïsmes aggravent considérablement la souffrance de l’entourage, déjà fortement perturbé par le caractère angoissant et stigmatisant de l’apparition d’un trouble psychique sévère chez un proche. Or, la résistance de la famille au traumatisme de la maladie mentale constitue, d’expérience, un facteur d’amélioration du pronostic pour le patient. Il est nécessaire de clarifier les niveaux d’implication complexes et multiples des familles dans la prévention, le soin psychiatrique et la réinsertion sociale des personnes souffrant de troubles psychiques, et les différents niveaux d’aide indispensables à ces familles pour que les proches du patient (parents, fratrie, conjoint, enfants) puissent participer, dans des limites supportables, à favoriser une évolution positive pour la personne atteinte, sans avoir à y sacrifier leur propre santé et leur équilibre affectif, relationnel et fonctionnel.
Les archaïsmes auxquels se heurtent les familles Ceux-ci ont deux sources principales dans l’histoire de la psychiatrie : L’utopie asilaire (Esquirol), première étape d’humanisation du traitement des malades mentaux. Issue de la philosophie des lumières et de l’esprit des droits de l’homme, elle a consisté, pendant un siècle et demi, à soigner les malades à part, à distance de leur milieu social et de leurs proches. Dans le contexte de cette « Médecine Aliéniste », il est recommandé aux proches du patient de demeurer à distance, voire, de faire le deuil de leur relation antérieure avec celui-ci. Cette utopie demeure encore présente et vivace dans les esprits, malgré le changement de cap radical qu’a opéré la psychiatrie de la seconde moitié du XXe siècle (psychiatrie intégrative diamétralement opposée à l’utopie asilaire). Les attitudes archaïques issues de cette source confrontent les familles à : • une absence, voire un refus de dialogue et de communication de la part des soignants, • un maintien dans l’ignorance en ce qui concerne la maladie et le soin, sous couvert de « secret médical » • une rupture des liens pro-
longée, imposée au patient et à ses proches, au prétexte abusif « d’autonomisation » alors que ce qui se construit au cours de cette rupture est, au contraire, une dépendance institutionnelle très lourde et invalidante. Les hypothèses psychodynamiques exclusives comme fondement étiologique des troubles psychiques. Opposées à l’organicisme figé du XIXe siècle et ses conceptions lésionnelles (voire dégénératives) du trouble psychique, elles ont introduit un virage important, au début du XXe siècle (mise en évidence par Charcot des aspects « fonctionnels » du trouble hystérique et invention par Freud du complexe d’Œdipe et de la psychanalyse : méthode cathartique). Malgré les immenses apports des conceptions psychodynamiques, il ne peut être nié que celles-ci (associées aux rémanences culturelles et religieuses judéo-chrétiennes : notions de faute originelle, de souffrance rédemptrice, de culpabilité) ont participé à un esprit de culpabilisation des familles culminant dans l’antipsychiatrie qui accusera la famille patriarcale, oppressive et totalitaire, d’être la source principale des maladies mentales (sociogénèse familiale).
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La famille passe ainsi, entre le XIXe et le XXe siècle de la honte sociale, liée aux stigmates de la « dégénérescence morale », à la culpabilité du « sacrifice humain » dont le trouble psychique serait l’expression. Les attitudes archaïques issues de cette source confrontent les familles à : • des attitudes de suspicion, voire à des projections fantasmatiques violemment accusatrices, • des attitudes d’opposition systématique à toute tentative de participation familiale aux soins, ou d’alliance aux soignants, • une victimisation du patient entraînant, chez celui-ci, une position passive iatrogène et une propension revendicatrice qui contribue à péjorer ses capacités d’intégration et d’appartenance aux groupes humains.
La famille à l’éclosion du trouble psychique et au seuil du soin
Lors de l’apparition, qu’elle soit brutale ou insidieuse, d’un trouble psychique sévère chez une personne, son entourage familial vit, en général, l’accès aux soins comme un véritable « parcours du combattant », associant plusieurs composantes péjoratives et conduisant à un vécu collectif de rejet, d’abandon, voire de maltraitance. Ceci conduit la famille à se replier sur elle-même, et repousse dans le temps le début des soins, dont on sait pourtant que la précocité est l’un des facteurs essentiels d’amélioration du pronostic. Ces composantes péjoratives retardant l’accès aux soins, sont : Cliniques : chez toute personne souffrant d’un trouble psychique majeur (psychose, trouble sévère de la personnalité ou du comportement, état limite) coexistent le plus souvent une conscience et un déni du trouble. Ce dernier, associé
à la méconnaissance générale dont font l’objet les maladies mentales et les soins psychiatriques, peut faire « tâche d’huile » et conduire l’entourage du patient à s’associer à son déni et à scotomiser l’existence et la réalité de ce trouble, surtout en cas de début progressif et insidieux (perte d’intérêts et d’investissements, repli, retrait social...). Soignantes : nous avons cité précédemment la persistance, au sein des « cultures soignantes » en psychiatrie, d’archaïsmes traduits par une méfiance, voire un rejet à l’égard de l’entourage familial (sous couvert de « secret professionnel » ou de « droits de la personne », utilisés ici de façon inappropriée et dilatoire). Cette mise à l’écart est particulièrement violente pour l’entourage dans les troubles à début brutal (explosion hallucinatoire, agitation, propos délirants, angoisse massive, parfois violence impulsive désordonnée ou ciblée sur un proche.) Le réflexe urgentiste consistant à s’occuper du seul malade en
l’isolant de son entourage et en excluant ce dernier de tout éclairage et de toute décision médicale (sauf à solliciter un parent pour « signer » l’hospitalisation à la demande d’un tiers... un traumatisme culpabilisant de plus ! ) est particulièrement inapproprié à l’Urgence psychiatrique. Cette dernière, en effet, même si elle repose sur le dévoilement brutal d’une pathologie tout à fait réelle, comporte toujours une dimension intersubjective dont l’analyse permettra d’affirmer le diagnostic et de prendre des mesures mieux appropriées dans la grande majorité des cas que la contrainte immédiate à des soins non consentis. C’est le travail de l’Accueil psychiatrique, spécifique et très différent de l’Urgence médicochirurgicale en ce qu’il se déploie dans une temporalité et une contextualisation adaptées à chaque situation dans son idiosyncrasie* et son déroulement propre. Sociologiques : encore de nos jours, au XXIe siècle, un constat s’impose : la maladie mentale,
« Quand on parle de cette maladie, on oublie le principal : la famille. On est le trait d’union, entre leur monde et le monde. Entre eux et les gens dits ordinaires, nous sommes aux premières loges, et somme toute, c’est souvent nous qui découvrons que quelque chose ne tourne pas rond. »
Charlène (mère)
*Idiosyncrasie : Comportement particulier, propre à chaque individu.
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le trouble psychique et le soin psychiatrique font l’objet d’une méconnaissance et d’une peur archaïque, entretenant des comportements instinctuels individuels et collectifs de fuite ou d’agression. La contrainte systématique et la réclusion prolongée sont les avatars les plus courants de cette terreur mystique et des superstitions dont ce champ est victime. Pourtant l’OMS a depuis longtemps souligné l’incidence considérable, en termes de santé publique et de développement socio-économique, des troubles psychiques (chiffrant leur prévalence, toutes pathologies confondues, au quart de la population du monde). Plus récemment, l’Europe a organisé une réflexion commune à ce sujet (conférence ministérielle d’Helsinki en janvier 2005), en constatant qu’une famille sur quatre a rencontré, rencontre ou rencontrera des troubles psychiques nécessitant un soin psychiatrique pour l’un de ses membres. Il est donc à déplorer que, malgré ce constat, la communication, l’information et l’éducation publique laissent, par leur absence, le champ libre à un imaginaire anachronique, repoussant ces maladies et ceux qui en sont atteints hors du champ de l’humain. Contrairement à l’alcoolisme, au cancer, aux maladies génétiques, au Sida, la maladie mentale ne fait l’objet d’aucune communication (sauf sous ses aspects étranges et « sensationnels », renforçant la crainte qu’elle inspire) et d’aucun appel à la solidarité publique (appel à la tolérance, recueil de fonds, reconnaissance d’utilité publique pour les associations contribuant aux soins ou à la réinsertion). Le résultat, pour les patients d’abord, mais aussi pour leurs familles, est un vécu douloureux de rejet, d’abandon, ou d’agressivité de l’entourage social (y compris, parfois, de la famille élargie elle même). Ceci est un facteur de repli sur soi,
« Mon ressenti ? Des portes qui se ferment à notre approche de parents, aucun dialogue en période d’hospitalisation, aucun soutien, aucune explication sur l’état de santé de nos enfants. On ne demande pourtant qu’un peu d’humanité. »
Christine
(mère d’Isabelle et Xavière)
de renoncement aux relations sociales, à la solidarité humaine, aggravant considérablement le pronostic de la maladie et la souffrance du patient et de ses proches (parents, conjoints, frères et sœurs, enfants).
La famille dans la durée de la maladie et le soin au long cours
Les pathologies psychiques sévères ne sont rapidement curables que dans une très faible proportion : la plupart d’entre elles sont chroniques ou récidivantes, et, malgré les considérables progrès thérapeutiques qui caractérisent la seconde moitié du XXe siècle, socialement et fonctionnellement invalidantes. Les thérapeutiques symptomatiques sont prédominantes dans le soin psychiatrique. Les troubles psychiques ayant des causes multiples et encore mal connues (génétiques, neurobiologiques, relationnelles, existentielles, socioculturelles), toute thérapeutique prétendue étiologique ne peut, à l’heure actuelle, être validée que par des preuves empiriques et statistiques, sujettes à de nombreux biais subjectifs et culturels. Les traitements efficaces de ces troubles et maladies conjoignent plusieurs approches en une constellation, dite biopsychosociale. Ce sont des traitements lourds, de longue durée et non dénués d’effets secondaires péjoratifs, voire iatrogènes. Le principal gage d’efficacité de ces traitements est l’instauration d’une relation de confiance avec le patient. Cette relation
de confiance est la condition d’une meilleure acceptation des soins. Nous savons tous que leur interruption inopportune conduit souvent à une récidive des troubles, toujours péjorative quant au pronostic fonctionnel et social de la maladie. La qualité du lien avec l’entourage familial du patient est ici fondamentale à plusieurs titres. Tout d’abord, l’expérience nous montre que lorsque la famille jette l’éponge-soutien et renonce à toute aide à l’égard du patient, celui-ci va développer inéluctablement une dépendance institutionnelle pathologique irrémédiable. Il renoncera à son tour à toute évolution, puisque seuls ses symptômes et son statut de malade justifient cette dépendance et garantissent une « sécurité » face à la perspective d’une reproduction de l’abandon par cette néo-famille (l’institution soignante) dont l’identité se nourrit de sa fragilité. Ensuite, on peut constater que les traces du traumatisme prolongé de la maladie mentale, au sein de l’entourage familial du patient, sont profondes et susceptibles d’induire des troubles secondaires, somatiques ou psychiques chez les proches parents. Il est donc éthiquement injustifiable de laisser ceux-ci évoluer, sous prétexte de « protéger » la relation transférentielle établie avec le patient, en taxant d’intrusion insupportable et néfaste les appels à l’aide de ces proches (quand bien même ceux-ci se manifestent de façon inappropriée : contestataire, revendicative ou critique).
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L’agressivité des proches du patient à l’égard des soignants est, le plus souvent, à la mesure de leur détresse et de leur désespoir. Leurs reproches et leurs critiques sont, par ailleurs, souvent justifiés par la connaissance intime qu’ils ont du patient et nécessitent non seulement une écoute « compassionnelle », mais un dialogue ouvert et attentif, instaurant un climat d’échanges au lieu de leur opposer un « savoir médical » défensif, impersonnel et abscons. À contrario, une famille reconnue dans ses compétences et ses ressources en termes de solidarité, aidée dans sa souffrance et soutenue dans son désir de comprendre et de participer au soin, constituera le groupe humain le plus adapté à prendre en charge une prévention secondaire et tertiaire de la maladie et une démarche de réinsertion sociale du patient (à la condition expresse que celleci ne repose pas sur la famille seule ! - ce qui est souvent le cas aujourd’hui).
Propositions
Premier principe : la famille constitue actuellement, pour 90 % des patients psychiatriques, un milieu naturel de vie au sein duquel ces patients, dans le meilleur des cas, trouvent suffisamment de soutien et de chaleur affective pour leur permettre de réintégrer, progressivement, la vie sociale. Néanmoins, la famille n’est pas un milieu « thérapeutique » et l’on ne saurait lui faire porter seule la charge totale d’un patient présentant une pathologie sévère et durable. C’est pourquoi toute famille dont l’un des membres est touché par un trouble psychique sévère doit être respectée, soutenue, accompagnée de façon régulière et durable par les équipes chargées du soin, mais aussi par une politique sociale de santé mentale dégageant des moyens suffisants pour permettre une
désintrication et une évolution du lien familial, en direction d’un gain d’autonomie... Deuxième principe : l’accompagnement thérapeutique doit prendre plusieurs formes, chacune d’elles répondant à un objectif spécifique. • Au plan des connaissances, les familles doivent profiter d’une information suffisante et personnalisée sous forme d’un dialogue régulier avec l’équipe soignante. La spécificité du trouble psychique implique un aménagement du « secret médical » qui doit être partagé au plan du diagnostic (lorsque la famille le demande, cette information doit lui être donnée, en présence du patient) mais aussi lors des difficultés évolutives, liées aux différentes phases de la maladie (psycho-éducation cognitive). • Au plan de la santé psychique de chacun de ses membres, la famille doit faire l’objet d’une vigilance préventive et thérapeutique de l’équipe soignante, sans pour autant que le terme de « maladie » soit utilisé de façon abusive, confusionnante... et encore moins culpabilisante. Il faut toujours différencier la pathologie psychique touchant le patient, des souffrances et des troubles psychiques secondaires au sein de son entourage, sans pour autant enfermer le patient dans sa pathologie et le laisser s’identifier à sa fonction de malade. Ce travail délicat est dévolu à la
Thérapie Familiale*. Cette thérapie familiale ne saurait constituer une approche exclusive ou imposée à la famille mais doit répondre à une demande, à une capacité et à un désir partagés de remise en question. La fratrie du patient doit y être présente ou représentée. Troisième principe : l’accompagnement social, relais du soin psychiatrique, doit être mis en place au sein d’une politique de santé mentale pluripartenariale, pilotée par l’État d’une part et les élus locaux de l’autre. Il n’est pas du ressort des équipes soignantes, bien que celles-ci doivent être consultées quant au degré du handicap psychique et aux nécessités d’accompagnement à l’autonomie et à la vie sociale. Il n’est pas non plus du ressort des familles, bien que celles-ci doivent aussi être consultées dans leur évaluation du degré de proximité ou de distanciation nécessaire à une évolution vitale des liens familiaux. Il doit être mené au sein d’un Conseil local de santé mentale (CLSM)*, dirigé et convoqué régulièrement par les élus locaux, réunissant les partenaires du soin et de la société civile ainsi que des responsables locaux de la sécurité publique, et mettre en place et financer les dispositifs prévus par la loi : logements adaptés, services d’accompagnement à la vie sociale ; service d’accompagnements à l’activité culturelle et professionnelle (entreprises d’insertion). l
*Lire aussi p.27
*Lire aussi p.24
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Parcours de soin et articulation entre les secteurs sanitaire, social et médico-social Bruno MARESCA Directeur du Département Évaluation des politiques publiques du CREDOC
Source : DREES - Extrait des Actes du séminaire de recherche « Organisation de l’offre de soins en psychiatrie et santé mentale » .
L’articulation entre secteurs sanitaire, social et médico-social implique des acteurs nombreux, aux caractéristiques hétérogènes, entre lesquels les interactions ne sont pas systématiques. À première vue, il est ardu de s’orienter dans ce paysage.
N
éanmoins, l’articulation entre ces différentes formes de prise en charge apparaît de plus en plus importante pour favoriser des parcours cohérents qui évitent que les patients restent hospitalisés faute de mieux, ou bien qu’ils n’accèdent pas à la prise en charge sanitaire.
Des trajectoires différentes En tout, cinq types de trajectoires différents peuvent être distingués. • Le premier, dit « d’autonomisation » repose sur des appuis sanitaires forts. Il concerne des patients sortis de l’hôpital et qui continuent d’être suivis de manière importante en hôpital
de jour ou en CMP/CATTP (voir schéma). Des solutions d’hébergement et des activités qui restent dépendantes du secteur sanitaire sont possibles. • Le type deux correspond à un transfert au médicosocial. Il s’agit alors des patients sortis de l’hôpital et pris en charge
LE SYSTÈME D’ACTEURS PRIS EN COMPTE
Médicosocial Structures plus ou moins spécialisées
➜ Hébergement • Etablissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) • Foyer d’accueil médicalisé (FAM) • Maison d’accueil spécialisée (MAS) • Institut médico-éducatif (IME) • Foyers • Maison relais • Lieux de vie… ➜ Foyer de jour, atelier ➜ Service d’accompagnement médico-social pour adulte handicapé, (SAMSAH)/Service d’accompagnement à la vie sociale (SAVS) ➜ (Travail protégé, Etablissement et service d’aide par le travail – ESAT)
Système de ressources
➜ Tutelle/curatelle ➜ Maison départementale des personnes handicapées (MDPH)
Psychiatrie Secteur Public Secteur
➜ Hospitalisation complète ➜ Hospitalisation temps partiel • De jour • De nuit ➜ Ambulatoire • Centre médico-psychologique (CMP) • Centre d’activité thérapeutique à temps partiel (CATTP)
Intersecteur
Sanitaire Hors Psychiatrie
➜ Unités spécifiques • Précarité • Gérontologie • Addictologie
➜ Gériatrie ➜ Urgences ➜ Addictologie ➜ Urologie ➜ Médecin généraliste
Associatif du sanitaire
Psychiatrie Secteur Privé
➜ Appartements collectifs
➜ Psychiatrie libérale ➜ Cliniques privées
SOCIAL Familles Association ➜ GEM ➜ Familles ➜ Usagers
Social Droit Commun
➜ Hébergement Centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS)/autre ➜ Centre communal d’action sociale (CCAS) ➜ Aide sociale (Conseil Général) ➜ Sécu, CMU ➜ Associatif précarité (par ex. : Croix Rouge…)
Logement non spécialisé ➜ Logement secteur privé ➜ Bailleurs sociaux
Travail non spécialisé ➜ Pôle emploi ➜ Entreprise
* SÉRIE ÉTUDES ET RECHERCHES N° 129 (avril 2014). Titre initial : « Quelques enseignements de l’évaluation du plan santé mentale sur l’articulation entre secteurs sanitaire, social et médico-social ».
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par un acteur médicosocial. Si une certaine satisfaction peutêtre ressentie lorsque ce type de transfert est réussi, mieux vaut s’assurer avant le transfert effectif de la nécessité et de la faisabilité d’un relais médical et psychiatrique à mettre en place. • Le troisième type correspond aux personnes qui refusent le contact avec la psychiatrie et sont souvent en grande précarité. L’entrée dans le circuit de soins se fait alors par des structures médicosociales ou sociales, ou par des équipes mobiles. • Dans le quatrième groupe, se trouvent les patients dont la trajectoire est bloquée. Ils n’ont pas de sortie possible de l’hôpital faute d’une solution d’hébergement adaptée en aval. Cela engendre beaucoup de sorties retardées, après des hospitalisations justifiées au départ, qui sont très coûteuses pour la collectivité. Ces trajectoires traduisent des « dysfonctionnements » subis par la psychiatrie. • Enfin le dernier groupe concerne les trajectoires dites « en échec ». Il s’agit de patients sortis de l’hôpital. Ils sont sujet à des ré-hospitalisations fréquentes faute de prises en charge adaptées : ce sont des situations peu satisfaisantes sur le plan de l’étayage de la personne (solitude, précarisation…). Les projets thérapeutiques peuvent également être en échec du fait du désaccord de la famille. Dans les faits, tout part du sanitaire et de la façon dont il conçoit son rôle. Le positionnement des équipes n’est pas homogène. L’hôpital peut tout d’abord n’être considéré que comme le lieu du soin, où le patient est géré selon un parcours médical, auquel est associée une durée d’hospitalisation adéquate. Dans cette acception de l’hôpital, la question du projet de vie ne concerne pas le sanitaire.
Une autre approche consiste au contraire à considérer que l’hôpital a la responsabilité de la construction du projet de vie à l’extérieur, pour sécuriser l’étayage du patient. Cette posture justifie une approche pluridisciplinaire au sein de l’hôpital. Elle prône la continuité avec l’extérieur et la complémentarité entre le sanitaire, le médicosocial et social. Si ces deux approches de l’hôpital recouvrent la plupart des cas, il en existe encore une troisième, celle de l’hôpital « intégrateur ». Dans cette perspective, l’établissement hospitalier dispose de ses propres solutions pour organiser le parcours des patients et libérer des lits pour le soin. L’hôpital crée des structures associatives, gérant des solutions d’accès au logement, à la sociabilité, voire à l’emploi, associations qui souvent s’autonomisent. Cette approche peut être qualifiée de « tout thérapeutique », dans le bon sens du terme. L’une des premières questions qui se pose à l’accompagnement médicosocial et social est de savoir s’il a les moyens de prendre en charge le soin ou de l’intégrer dans la prise en charge. Soit l’accompagnement est assuré en gérant le rapport au soin, hors urgence et soins vitaux, soit il exclut tout rapport avec le soin et développe son intervention hors de tout projet thérapeutique. Pour tous, la question de savoir jusqu’où se charger du projet de vie est cruciale. L’accompagnement doitil prendre en compte la forme de la construction d’un projet de vie ou bien se limiter à des questions ciblées, le logement notamment ? Et aussi concevoir l’intervention comme une prise en charge ponctuelle, ou bien projetée dans la durée ?
Un enjeu fort : décloisonner le sanitaire et le médicosocial
Entre le sanitaire, le médicosocial et le social, le travail relationnel et la connaissance
mutuelle sont nécessaires pour partager un langage commun et permettre la constitution de réseaux de connaissances interpersonnelles. Ces derniers sont très importants. Une formation à la gestion de la maladie mentale apparaît nécessaire du côté médicosocial, mais aussi du côté sanitaire. C’est un enjeu fort que de décloisonner le sanitaire et le médicosocial pour permettre aux professionnels à apprendre à travailler ensemble. En effet, une forte demande de formation et de partage d’expériences s’exprime au sein du médicosocial. De même, il existe du côté sanitaire une certaine méconnaissance des structures médico-sociales et de leurs projets. La capacité à constituer des réseaux et des partenariats apporte une plus-value importante comme lors de la mise en place d’un Conseil local de santé mentale par exemple. Les réseaux informels qui fonctionnent grâce aux connaissances interpersonnelles, sont très inégalement développés parce que leur mise en place nécessite du temps. Pour répondre à la problématique de la garantie du retour dans la structure après hospitalisation, la solution est la mise en place d’une convention entre établissements. Des dispositifs permettent de réserver des places à l’extérieur du sanitaire pour des patients vivant avec un trouble psychique ou bien de formaliser des liens limités aux consultations extérieures, sans contrepartie. Une autre piste est d’amener les soins vers les personnes qui ne vont pas d’elles-mêmes à l’hôpital, grâce à des équipes mobiles. Qu’elles soient spécifiques à la prise en charge de la précarité ou de la gérontopsychiatrie, leur objectif est de prévenir les arrivées à l’hôpital par le biais des urgences. Certains dispositifs d’aide à la sortie pourraient être améliorés en permettant la préparation de l’admission dans une struc-
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ture médicosociale. Ces structures auraient entre autre pour responsabilité l’évaluation des capacités de réinsertion.
Ne pas opposer les approches
*MDPH : Maison départementale des personnes handicapées
En conclusion, deux nœuds de difficultés majeurs apparaissent au regard de l’objectif du décloisonnement. Le premier se trouve dans le secteur sanitaire et concerne le phénomène des « inadéquats ». Le second, au niveau du médico-social, réside dans les limites du projet d’autonomisation de la personne, qui conduit à redouter la prise en charge des personnes vivant avec un trouble psychique. Il semble préférable de ne pas opposer l’approche « hospitalocentrée » à une approche alternative, désinstitutionnalisée.
Les alternatives à l’hospitalisation et les partenariats se développent quand les partenaires peuvent s’appuyer sur un hôpital disponible et réactif. Pour conclure, il faut souligner la tension que traverse le sanitaire sur l’avenir même de la psychiatrie et qui conditionne le type de collaboration qui peut se développer avec le médicosocial. Comment concilier des prises en charge où l’on considère tantôt que le médicosocial n’est mobilisé que pour un passage de relais (modèle diagnostic/traitement/sortie), tantôt qu’il est un partenaire de la construction du projet de vie (modèle intégrateur) ? Des travaux de recherche pourraient permettre d’approfondir l’analyse de la dualité des visions sanitaires de la prise en
charge de la santé mentale. Il pourrait être utile d’approfondir l’analyse des difficultés du médico-social à se confronter à la prise en charge des troubles psychiques, qui résultent de l’inversion de la proportion handicapés/psychotiques et de l’inadéquation des projets de structure à ces nouveaux profils. Une revue d’expérience des outils de travail communs entre le sanitaire et ses partenaires pourrait se révéler utile, tout comme une analyse des différents dispositifs, de leur genèse, de leur raison d’être, de leurs effets sur les prises en charge, et leur possible duplication. Le fonctionnement de la MDPH* mériterait peut-être lui aussi d’être décrit de façon plus approfondie, pour être mieux compris. l
« Pour l’instant, les répercussions du handicap de notre fille – qui souffre de schizophrénie depuis au moins huit ans – lui interdisent toute activité professionnelle, même en milieu protégé. La question des ressources se pose donc. (…) Nous avons trouvé une réponse institutionnelle auprès de la MDPH de notre département, qui a accordé à notre fille une carte d’invalidité, pour un taux d’incapacité supérieur à 80 %, l’allocation aux adultes handicapés, le complément de ressources (correspondant à une capacité de travail inférieure à 5 %, elle est reconnue très éloignée du travail, même en milieu protégé) et la reconnaissance de ses parents comme aidants familiaux.»
Christine (mère)
État des lieux
Recherche en santé mentale : quels espoirs pour demain ? Prendre les maladies mentales de vitesse, réduire les souffrances qu’elles occasionnent, permettre aux malades de bénéficier des traitements innovants et faire que le regard porté sur ces maladies change, tels sont les combats de la Fondation FondaMental depuis sa création. Ils font écho aux attentes, immenses, des malades et de leurs proches. « Malgré toute l’importance des maladies psychiatriques : importance en nombre de patients du fait de la haute fréquence des maladies ; importance en nombre d’année de vie avec la maladie car ces maladies débutent majoritairement chez le jeune adulte, et les comorbidités sont nombreuses ; importance de leur retentissement sur la vie sociale des personnes et des aidants qui les accompagne… Et malgré l’impact économique qui en découle, le budget alloué à la recherche en psychiatrie en France est très inférieur à celui alloué aux autres maladies eu égard aux enjeux de santé publique que constituent la maladie et la souffrance psychique. La France investit seulement 4.1 % de son budget pour la recherche en santé en faveur de la santé mentale, (l’Angleterre 7 % et les Etats Unis 11 %). » Marie-Jeanne Richard, Vice-présidente de l’UNAFAM.
Santé mentale et physique sont indissociables L’espérance de vie des malades est amputée de 10 à 15 ans, en raison du risque de suicide et des effets secondaires des médicaments. Claude Finkelstein, Présidente de la FNAPSY
Ophélia Godin, épidémiologiste UPMC (Université Pierre et Marie Curie), chercheur post-doctoral sur le projet PSY-COHorte de la Fondation FondaMental : « S’agissant du syndrome métabolique, un ensemble de désordres métaboliques qui prédispose aux maladies cardiovasculaires, sa fréquence est deux fois plus élevée chez les patients atteints de maladies psychiatriques, comparée à la population générale. En France, grâce aux informations des platesformes de diagnostic et de dépistage des Centres experts de la Fondation FondaMental (plus d’une trentaine), la prévalence du syndrome métabolique a été estimée à
24 % pour les patients schizophrènes (plus de 50 % d’entre eux étaient en surpoids), et à 20 % chez les patients atteints de troubles bipolaires. (…) A l’évidence, santé mentale et physique sont indissociables : les personnes vivant avec des troubles psychiatriques présentent des pathologies somatiques non identifiées. Or le syndrome métabolique se diagnostique, se prévient et se soigne. Le dépistage et la surveillance en routine du syndrome métabolique et des paramètres cardiovasculaires doivent être systématisés dans la prise en charge, tout comme la relation psymédecin de famille. »
Source : Extraits des actes du « Brain Day », organisé par la Fondation FondaMental le 1er septembre 2017, Conseil Economique, Social et Environnemental.
er Brain Day - 1 septembre 2017 Conseil économique social et environnemental
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Identifier les mauvaises réponses aux traitements Les familles assistent avec stupéfaction au changement de comportement de leur enfant. Les médecins, dont on ne peut pas contester les compétences, proposent des traitements de manière empirique. Le diagnostic parvient tardivement. L’entourage éprouve un sentiment d’impuissance. Dominique Deffis, Association PromesseS
Pr Nicolas Glaichenhaus, immunologiste, Professeur à l’Université de Nice-Sophia Antipolis : « Les enjeux de la prise en charge : un diagnostic plus précoce, l’identification du traitement le plus adapté pour un patient donné, de nouveaux médicaments, qui fonctionnent mieux et peut-être associés, le repérage des patients à risque. On sait depuis plusieurs années que le cerveau et le système immunitaire (SI) communiquent, que le cerveau contrôle la réponse immunitaire et que les produits du SI peuvent être à l’origine de modifications du comportement, contribuer au développement des maladies psychiatriques. De nombreuses cellules (lymphocytes, etc.) se parlent en produisant des petites molécules : les cytokines. On sait encore qu’il existe une corrélation
www.fnapsy.org www.promesses-sz.fr
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*Prodomes : Symptômes marquant le début d’une maladie
entre des anomalies du SI et le développement de maladies psychiatriques : les enfants de femmes qui attrapent la grippe pendant leur grossesse ont un risque plus élevé de développer par la suite une maladie psychiatrique, et notamment la schizophrénie. Le développement du cerveau de ces enfants étant perturbé par les cytokines activées lors de l’épisode grippal. (…) Il est effectivement possible de stratifier des malades sur la base de leurs symptômes et de leurs marqueurs biologiques, et que cette stratification pourrait permettre d’aider le médecin à prescrire à chacun de ces patients le traitement le mieux adapté à sa maladie. Dans un futur plus lointain, et sous réserve qu’une relation de cause à effet puisse être établie entre cytokines et symptômes, il pourrait être envisagé d’associer des antipsychotiques à d’autres médicaments pouvant neutraliser les « mauvaises » cytokines, et ceci dans le but d’augmenter le taux de rémissions chez les patients chez lesquels les antipsychotiques seuls sont inefficaces. »
L’ajustement du traitement est primordial pour le pronostic de la maladie et ses conséquences familiales, sociales et professionnelles. Nous attendons par conséquent beaucoup de la recherche, sur les traitements en particulier. www.argos2001.fr www.schizo-oui.com
Annie Labbé, Présidente de l’association Argos 2001
Pr Frank Bellivier, Université Paris Diderot, chef du Département de Psychiatrie et de Médecine Addictologigue- Hôpital Fernand Widal Centres Experts Bipolaire et Dépression Résistante de la fondation FondaMental : « Mettre à l’ordre du jour du Brain Day, consacré aux nouvelles stratégies thérapeutiques, des recherches sur le Lithium, un vieux médicament, peut paraître audacieux ! Il existe pourtant des perspectives d’amélioration des pratiques pour le Lithium, chef de file inégalé du traitement de fond des troubles bipolaires, curatif des épisodes maniaques, préventif des récurrences maniaques et dépressives.
On observe en effet des trajectoires “miraculées“ par la molécule, qui éteint les symptômes pour certains… mais 30 à 40 % des patients ne voient pas de modification de leurs troubles. Pour mieux comprendre la variabilité de la réponse aux sels de lithium, nous travaillons sur cinq axes de recherche. (…) Ces recherches sont prometteuses et permettront de mieux utiliser le Lithium, un magnifique médicament, mais elles ouvrent aussi la voie à l’exploration des variabilités de réponse et de tolérance que l’on observe pour les autres médicaments des troubles bipolaires, stabilisateurs de l’humeur, que sont les anticonvulsivants et les antipsychotiques atypiques, ou même les antidépresseurs dans la dépression. La personnalisation du traitement pourrait être introduite très tôt, pour les formes prodromales* comme lors des premiers épisodes. Prédicteurs efficaces, détection précoce, exposition au Lithium contrôlée, autonomie des patients, usagers et soignants bénéficieront directement des résultats de ces recherches. »
Psychoses et auto-immunité C’est dès les tous premiers prodromes que la maladie doit être détectée et traitée. Cela pourrait éviter un traitement lourd et hypothèquerait beaucoup moins la vie de la personne. Pour cela, un travail important d’information est à mener dans les lycées et les facultés. Michèle Delorme, Présidente de Schizo ?… Oui !
Dr Laurent Groc, Neurobiologiste, Directeur Recherche CNRS, Université de Bordeaux, Institut Interdisciplinaire de Neurosciences : « A l’origine des troubles psychotiques, l’on trouve des facteurs génétiques et des facteurs environnementaux, les gènes déterminant les constituants de la synapse, du métabolisme et de l’immunité. 500 billions de synapses (plus que d’étoiles !) transmettent via l’activation de récepteurs des informations “excitatrices“, modulatrices, ou inhibitrices. Les transmissions excitatrices et modulatrices sont les cibles privilégiées des psychotropes aujourd’hui sur le marché. Mais quels sont les facteurs qui conduisent à leurs dérèglements ? La théorie de l’auto-immunité (quand le système immunitaire se retourne contre soi) a été réactivée en 2007 à l’occasion de la description d’une encéphalite où ont été identifiés des anticorps dirigés contre un récepteur excitateur (au glutamate), un récepteur clé pour les troubles psychotiques et la schizophrénie en particulier. En réduisant fortement le taux de ces anticorps (anti-récepteurs NMDA) avec une immunothérapie chez ces patients, on balaie les symptômes…
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Cette découverte a donc ouvert l’espoir que des auto-anticorps similaires pourraient être présents chez des patients psychotiques. (…) Un réel espoir est donc permis, avec une étude à large échelle en cours en ce moment. »
Stimulation cérébrale profonde et TOC Des patients peuvent présenter des formes sévères parce qu’ils n’ont pas eu accès à un diagnostic précoce ni aux thérapies de première intention, comme les thérapies cognitivo-comportementales, dont nous demandons qu’elles soient plus harmonieusement distribuées en France… Il existe encore de nombreuses zones blanches concernant le traitement du TOC. Christophe Demonfaucon, Président de l’Association française de personnes souffrant de troubles obsessionnels et compulsifs (AFTOC)
Pr Antoine Pelissolo, Université Paris-Est Créteil, Pôle de psychiatrie et d’addictologie à l’Hôpital Henri Mondor : « Plusieurs cibles de stimulation étaient possibles car le TOC est associé à des dysfonctionnements touchant un réseau de diverses structures corticales et sous-corticales, notamment les ganglions de la base. Ceux-ci sont impliqués dans la communication entre différentes zones du cerveau, avec en particulier une fonction de régulation de l’action, mais aussi des émotions et des cognitions (pensées). Au sein de ce réseau probablement trop actif chez les patients souffrant de TOC, le choix s’est porté sur le noyau sous-thalamique, impliqué dans les processus de prise de décision, notion critique dans les obsessions et les compulsions. On applique donc des stimulations de très faible intensité mais continues dans ces noyaux par l’intermédiaire d’électrodes profondes reliées à des piles implantées en sous-cutané. (…) Cette technique s’avère donc efficace et extrêmement bénéfique pour des patients en situation d’échec des traitements classiques, et notre expérience montre que les résultats se maintiennent dans le temps (plus de 10 ans de recul pour les premiers patients opérés). »
Construire la médecine personnalisée en psychiatrie Pr Marion Leboyer, Directrice de Fondamental « Nous avons encore beaucoup à découvrir et à comprendre des maladies mentales, mais nos progrès sont réels. La recherche ouvre des voies de compréhension inédites sur les causes et les mécanismes d’action de ces maladies. Les travaux qui vous ont été présentés en témoignent et portent en eux les germes d’innovations thérapeutiques majeures. Bien sûr, du chemin reste à parcourir
pour éprouver la solidité de nos hypothèses de travail et pour en faire bénéficier demain, aprèsdemain, nos patients. Claude Finkelstein, Dominique Deffis, Annie Labbé, Michèle Delorme, Bertrand Jacques et Christophe Demonfaucon… Tous nous ont raconté le combat quotidien des malades et de leurs proches, la grande hétérogénéité des formes cliniques de chaque maladie, l’approche souvent empirique des soins que nous sommes aujourd’hui en mesure de proposer, le temps que nous perdons parfois – encore trop souvent - avant de trouver la stratégie thérapeutique la mieux adaptée, qui saura contenir la maladie, éviter les rechutes et redonner au patient la liberté de vivre sans être la proie des « caprices hasardeux » de la maladie… Reprendre le pouvoir, prendre de vitesse les maladies mentales en proposant des soins de meilleure qualité, individualisés et centrés autour du patient. Tels sont les enjeux, avant tout humains, de la recherche médicale. Il serait faux de croire que ce combat-là appartient uniquement aux médecins et aux chercheurs. C’est l’affaire de tous, patients, familles et associations compris. La promesse de changement que porte la recherche ne peut advenir que par la mobilisation de tous. » l EN SAVOIR
www.aftoc.org
+
La Fondation FondaMental Créée en 2007 à l’initiative du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, la Fondation FondaMental est une fondation de coopération scientifique dédiée à la lutte contre les maladies mentales les plus sévères (schizophrénies, troubles bipolaires, dépression résistante, autisme de haut niveau, TOC résistant, conduites suicidaires, syndrome du stress post-traumatique).
www.fondation-fondamental.org
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Santé mentale et territoires : le rôle des conseils locaux de santé mentale La loi de modernisation du système de santé1 (LMSS) du 26 janvier 2016, confortée par la nouvelle Stratégie nationale de santé, met en avant la prévention, l’amélioration des parcours de soins et de santé, la réduction des inégalités sociales et territoriales. La démocratie en santé, la territorialisation et l’innovation technique et organisationnelle sont les principaux leviers pour y parvenir. Laurent EL GHOZI Président d’Elus, Santé publique et territoires (ESPT)
*CLSM : Conseils locaux de santé mentale
L
’article 69 de la LMSS redéfinit la « politique de santé mentale et l’organisation de la psychiatrie » en leur appliquant ces exigences et, en particulier, en inscrivant dans la loi le Conseil local en santé mentale, dont la ministre, Marisol Touraine affirmait en ouverture des 2° rencontres des CLSM*, co-organisées par l’association « Elus, santé publique & territoires » et le Centre collaborateur de l’OMS pour la santé mentale (CCOMS), en mars 2013 à Lyon, « qu’ils étaient la refondation radicale de l’utopie déjà ancienne du secteur permettant une prise en charge ouverte sur la cité, appuyée sur toute la collectivité » et soulignant « la capacité des élus à agir de manière transversale et en proximité ». CLSM, dont l’intérêt est affirmé depuis plus de dix ans dans de nombreux rapports comme dans l’évaluation du Plan Psychiatrie et santé mentale et pour la création desquels plaident aussi bien les associations de patients, que des psychiatres et des élus engagés. Tandis que le secteur de psychiatrie est confirmé et ses missions bien précisées, la politique de santé mentale fait l’objet d’un « projet territorial de santé mentale », appuyé sur un diagnostic
partagé. Le CLSM est clairement associé à ces démarches et organisations dont il « peut mettre en œuvre les actions sur son territoire d’intervention ».
De quoi s’agit-il ?
Face à la triple contrainte constituée par la raréfaction de l’offre publique de soins en psychiatrie renforçant les inégalités, à la réduction drastique et bénéfique des durées de séjour en hôpital et au caractère chronique prolongé des affections psychiatriques, la prise en charge et l’accompagnement multi-acteurs de personnes souffrant de troubles psychiques doit s’organiser dans la cité, là où elles passent l’essentiel de leur vie. Dès lors, c’est toute la collectivité et ses services, tous les acteurs du territoire qui doivent être mobilisés au sein d’une gouvernance locale partagée, pour permettre la pleine citoyenneté de ces personnes. Plateforme de concertation et de coordination reposant sur le tryptique fondamental : élu local responsable du bien-être de toute sa population, psychiatre du secteur public en charge de la santé mentale des habitants, et usagers et aidants, associé à tous les acteurs concernés. Ainsi, le CLSM représente un modèle efficace de gouvernance
1/ Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, article 69
partagée de la santé publique sur un territoire reconnu par tous et incarné par son élu. Aujourd’hui, près de 200 CLSM fonctionnent. Les UDAF, représentant des familles et indirectement des usagers, font assez régulièrement partie de l’Assemblée plénière, et sont même parfois à l’initiative de leur installation. La constitution d’un CLSM repose sur la volonté convergente de l’élu et du psychiatre, confrontés l’un et l’autre à des difficultés croissantes face à des personnes en souffrance à leur domicile, de plus en plus vieillissantes, souvent isolées voire précaires, dont les besoins de vie quotidienne dépassent largement les possibilités de réponse adaptée de l’une ou l’autre institution. Que faire alors sinon tenter d’unir ses compétences, ses moyens, ses connaissances pour améliorer leur situation, mais aussi celle de leurs proches, voire de leur voisinage ? Ils y sont également fortement poussés par les demandes nouvelles et légitimes des « patients/usagers/citoyens », qui souhaitent vivre sans discrimination, profiter des biens et services de la cité, contribuer à la vie sociale, travailler quand c’est possible, bref, être reconnu comme des
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citoyens à part entière. Cette irruption de la « démocratie en santé » dans le champ de la santé mentale est un formidable levier de changement, de progrès social pour tous, de citoyenneté et de cohésion sociale : difficile alors pour un élu de ne pas l’entendre et y faire place ! Le premier temps est la « rencontre », parfois méfiante, souvent à partir de difficultés réciproques pour lesquelles l’autre a peut-être un bout de solution à partager. Vient alors « l’alliance » élu/soignant/usager et proches, pour un évident intérêt commun, permettant de construire un même projet partagé pour améliorer la vie de tous. La réussite d’une première action commune permettra, avec la « confiance » d’aller plus loin, d’agréger d’autres partenaires… L’initiative peut donc venir de l’un ou l’autre des acteurs de ce triptyque fondamental, mais si l’un des trois fait défaut, le CLSM ne peut pas bien fonctionner. Souvent la question est posée de savoir « qui » représente « l’usager » : un patient auto-désigné, choisi par le Secteur, des familles… ? La présence d’un Groupe d’entr’aide mutuel (GEM) lui donne légitimité, d’où l’importance d’en soutenir la création et le fonctionnement. Le fonctionnement d’un CLSM repose aujourd’hui sur les recommandations élaborées par le CCOMS* pour la santé mentale en lien avec l’association ESPT, souvent reprises dans le cahier des charges des appels à projets des ARS*, en attendant un cadre national dont il faut souhaiter qu’il soit tout à la fois clair, ferme mais assez souple pour permettre sa mise en œuvre dans toutes les configurations locales. Il comporte une assemblée générale, réunissant autour du trépied fondateur, l’ARS et tous les acteurs locaux dont l’engagement va contribuer à
une meilleure vie pour les personnes souffrant de troubles psychiques : services sanitaires et sociaux (ville et département) secteur médico-social, bailleurs, écoles, associations (usagers, proches, familles), services de vie à domicile, culture, sport, voire police, justice ou encore employeurs… Elle définit ses priorités en fonction des réalités locales, des besoins repérés (en particulier dans le Diagnostic territorial en santé mentale prévu par la Loi) et des ressources existantes. Si l’existence d’une commission chargée de résoudre les « situations complexes », d’en assurer le suivi voire la prévention par un réseau d’alerte est quasi constante, le choix des thématiques retenues pour les groupes de travail est varié : la question du logement, adapté, accompagné, diversifié… se pose habituellement, mais aussi celles relatives à la vie sociale, au travail, à l’enfance et la jeunesse, à la stigmatisation, au rétablissement ou à la pleine citoyenneté. De nombreuses actions sont initiées, accompagnées ou portées par les CLSM, parmi lesquelles on retrouve souvent : • travail sur la prévention, en particulier auprès des jeunes - quand on sait l’importance étiologique des « adversités durant l’enfance » et de leur cumul pour la santé mentale, – • formation des intervenants de proximité (par exemple gardiens d’immeubles…), • continuité de soins entre l’hôpital et la ville, y compris en associant les médecins généralistes, • accès aux soins somatiques, y compris dentaires, • lutte contre la stigmatisation et toutes discriminations, • sensibilisation du public, en particulier au cours des Semaines d’information sur la santé mentale (SISM), • voire création de nouvelles structures, sanitaires ou médicosociales, pour garantir la continuité des soins et de l’accompagnement au domicile.
« Il faudrait vraiment que les structures d’accompagnement soient adaptées à la maladie psychique. Et surtout qu’elles soient en nombre suffisant.»
Rose
(mère)
La place des familles et des proches est centrale et leur rôle déterminant parce que ce sont elles qui portent le plus souvent la charge quotidienne de l’accompagnement et l’inquiétude, voire la tutelle des personnes vivant avec des troubles psychiques ou un handicap. Il ne faut pas qu’elles hésitent à solliciter leurs élus, à faire remonter leurs préoccupations, à faire des propositions pour pallier aux manques qu’elles identifient. Leur connaissance et leur implication leur donnent toute légitimité pour revendiquer une place de co-acteur et pour être entendues. Ce peut être via les associations de parents ou les structures plus généralistes telles que les UDAF, bien sûr. Le rôle du maire – bien que sans compétence réglementaire en santé - est primordial du fait de ses responsabilités générales vis-à-vis de chacun de ses concitoyens, des services et moyens qu’il peut mobiliser et de son pouvoir, exclusif, de convocation de toutes les institutions et acteurs de son territoire au service d’une politique d’intérêt général. Il ne faut donc pas hésiter à le sensibiliser, à l’informer sur ces nouvelles possibilités d’action collective pour plus d’égalité, plus de démocratie au bénéfice de ceux qui, parce qu’ils souffrent dans leur esprit, sont plus fragiles et méritent l’attention bienveillante de tous. l
*CCOMS pour la santé mentale : Centre Collaborateur de l’Organisation Mondiale de la Santé pour la recherche et la formation en santé mentale *ARS : Agence régionale de santé
EN SAVOIR
+
L’association nationale « Élus, santé publique & territoires » regroupe des élus de communes et de leurs groupements désireux de contribuer à la réduction des inégalités sociales de santé par la promotion des politiques locales de prévention, promotion et éducation à la santé.
www.espt.asso.fr
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RÉALITÉS FAMILIALES#FAMILLES ET SANTÉ MENTALE#2017
Santé mentale de A à Z : quelques repères La santé mentale est un sujet à la fois vaste et sensible où les mots ont leur importance. Pour mieux définir le sujet, Psycom nous propose ces quelques mot-clés.
PSYCOM
A
Addictions (troubles addictifs) Les troubles addictifs regroupent : alcoolisme, toxicomanies, tabagisme et addictions comportementales (ex : jeu, internet). Les substances psychoactives à risque de dépendance (alcool, tabac, drogues, etc.), agissent sur le circuit de récompense du cerveau1.
Anxiété
Etat mental de trouble et d’agitation, avec un sentiment d’insécurité indéfinissable, une peur sans objet. Il existe plusieurs types de troubles anxieux : le trouble anxieux généralisé, l’attaque de panique, le trouble panique, les troubles obsessionnels et compulsifs (TOC). Les principaux symptômes sont : angoisse, peurs, tensions musculaires, agitation, problèmes de mémoire, de concentration et de sommeil, irritabilité, symptômes somatiques (sueurs, nausées, boule dans la gorge, tremblements).
B
Bipolarité (troubles bipolaires)
E
Les troubles bipolaires (avant appelés psychose maniacodépressive) sont caractérisés par des variations anormales de l’humeur, alternant des périodes d’excitation (manie ou hypomanie) et de dépression (voire de mélancolie), entrecoupés de périodes de stabilité. Pour qu’un diagnostic de trouble bipolaire puisse être posé, il faut qu’il y ait eu au moins un trouble dépressif caractérisé et un épisode maniaque ou hypomaniaque.
Burn-out ou syndrome d’épuisement professionnel
Le burn-out (littéralement se consumer de l’intérieur) est un processus dont la phase finale se traduirait par un état d’épuisement professionnel (à la fois émotionnel, physique et psychique) ressenti face à des situations de travail « émotionnellement » exigeantes.
D
Dépression (troubles dépressifs)
La dépression se manifeste par une humeur triste, une perte d’intérêt pour toute activité et une baisse de l’énergie. Les autres symptômes sont une diminution de l’estime de soi et de la confiance en soi, une culpabilité injustifiée, des idées de mort et de suicide, des difficultés à se concentrer, des troubles du sommeil et une perte d’appétit. La dépression peut aussi s’accompagner de symptômes somatiques2.
1/ Mission interministérielle de lutte contre la toxicomanie (MILDT). 2/ Classification internationale des maladies (CIM-10) - OMS 3/ Plan d’action d’Helsinki pour la santé mentale en Europe - OMS Europe
Empowerment Notion récemment apparue en santé, il y a quelques décennies, l’empowerment désigne l’accroissement de la capacité d’agir de la personne malade via le développement de son autonomie, la prise en compte de son avenir et sa participation aux décisions la concernant. L’empowerment est étroitement lié à la notion de rétablissement. Porté par un cadre politique favorable, l’empowerment se décline sur deux niveaux d’action : individuel et collectif, dans le sens où il influence l’organisation des soins3.
H
Handicap cognitif
Il est la conséquence de dysfonctionnement des fonctions cognitives (attention, mémoire, langage, etc.). Il n’implique pas de déficience intellectuelle, mais des difficultés à mobiliser ses capacités cognitives.
Handicap mental
Il est la conséquence d’une déficience intellectuelle, que l’OMS définit comme « un arrêt du développement mental ou un développement mental incomplet ».
Handicap psychique
Lorsque les troubles psychiques sont durables et entraînent une perte d’autonomie, on peut parler de handicap psychique. La personne dont la participation sociale et professionnelle est limitée par les troubles peut bénéficier de compensation et d’accompagnement. Le han-
État des lieux
dicap psychique se distingue du handicap mental car la personne n’a pas de déficience intellectuelle.
P
Pair-aidance*
La pair-aidance repose sur l’entraide entre personnes souffrant ou ayant souffert d’une même maladie, somatique ou psychique. Les groupes supports entre personnes ayant vécu des expériences similaires existent depuis longtemps dans le domaine des addictions par exemple. De nombreuses expériences de pair-aidance et de pair-émulation ont été menées en Amérique du Nord et se développent à présent en France.
Phobies
La phobie est une peur irrationnelle spécifique, déclenchée par un objet ou une situation n’ayant pas en eux-mêmes de caractère dangereux. Les phobies sont très fréquentes dans la vie psychique normale. Elles deviennent pathologiques par leur intensité et leur retentissement sur la vie de la personne. Les phobies s’accompagnent soit de conduites d’évitement de l’objet ou de la situation, soit de conduites qui rassurent (conduites contraphobiques). Il existe plusieurs types de troubles phobiques : les phobies spécifiques, l’agoraphobie, les phobies sociales, la dysmorphophobie, etc.
Psychiatre et pédopsychiatre
Le psychiatre est un médecin qui a effectué 4 années de spécialisation en psychiatrie. Le pédopsychiatre est un psychiatre spécialisé dans les troubles psychiques des enfants et des adolescents. En tant que médecins, ils sont habilités à poser un diagnostic, prescrire des médicaments, des examens et des soins, décider d’une hospitalisation et rédiger des certificats médicaux. Dans un service de psychiatrie, le psychiatre coordonne, avec l’équipe pluridisciplinaire, la prise en charge globale de la personne (psychologique,
somatique et sociale). Il travaille en réseau avec les médecins généralistes, mais aussi les services sociaux, médicosociaux, éducatifs et judiciaires. Certains psychiatres proposent des thérapies. Ils ont alors suivi une formation en plus du cursus médical.
Psychologue
Il est titulaire d’un diplôme universitaire de troisième cycle en psychologie, acquis après 5 années d’études. Le psychologue assure le soutien psychologique des personnes en souffrance psychique. Il peut faire passer des tests de personnalité ou de niveau intellectuel et assure des entretiens psychothérapiques.
« Cela ne guérit pas nos maux, mais plus on est informé, plus on peut réagir, faire valoir nos droits ou ceux de nos malades, quand ils les acceptent, et donc parvenir à faire en sorte qu’ils soient entourés au mieux. L’accompagnement doit bien sûr être adapté à la variabilité des malades psychiques. favorisent les évolutions individuelles et la réalisation de nouveaux équilibres en fonction des évènements de la vie du groupe.
Matthieu (père)
R
Psychanalyste
La majorité des psychanalystes sont des médecins psychiatres ou psychologues. Outre ses connaissances théoriques, tout psychanalyste a suivi une psychanalyse personnelle (dite didactique) avec un praticien expérimenté, puis une supervision de ses premières psychanalyses. Le psychanalyste propose un travail thérapeutique par le biais d’entretiens réguliers (psychanalyses ou psychothérapies analytiques).
Psychomotricien
Le psychomotricien est un spécialiste des problèmes de motricité et d’image du corps (difficultés d’orientation dans l’espace et le temps, instabilité, maladresse…). Il utilise différentes thérapies corporelles (relaxation, gymnastique, expression corporelle).
Psychothérapies systémiques ou familiales
Rétablissement
Le « rétablissement » est un concept anglo-saxon qui trouve son origine dans des mouvements d’usagers des années 1980 et 1990, qui prônaient la reprise du pouvoir d’agir (empowerment) et la défense des droits. Il désigne un cheminement personnel de la personne pour se réapproprier sa vie et se réinsérer dans la société. Pour les soignants, ce modèle suppose un accompagnement sur le long terme et axé dès le début vers l’autonomie de la personne.
Risques psycho-sociaux (RPS)
Ils regroupent le stress au travail, les harcèlements et violences internes ou externes au travail, le syndrome d’épuisement professionnel (burn-out). Les RPS peuvent se traduire par l’expression d’un mal-être ou d’une souffrance au travail, des conduites addictives, une dégradation de la santé physique et mentale.
S
Selon les praticiens de ces thérapies, la famille est considérée comme un « système », dont les processus d’interaction et de communication peuvent dysfonctionner. L’objectif de ces thérapies est de permettre aux membres d’une famille d’évoluer vers un fonctionnement plus souple sans mettre en danger le système familial. Elles
Santé mentale
« Etat de bien-être permettant à chacun de reconnaitre ses propres capacités, de se réaliser, de surmonter les tensions normales de la vie, d’accomplir un travail productif et fructueux et de contribuer à la vie de sa communauté » (OMS).
Schizophrénies
La schizophrénie est une affection psychiatrique qui peut prendre des formes très variées. Les symptômes s’organisent autour de trois axes : La désorganisation ou la dissociation ;
*Lire aussi p.68
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Troubles des comportements alimentaires (TCA)
le délire paranoïde et les symptômes dits positifs ou productifs (ex : hallucinations) ; les symptômes dits déficitaires ou négatifs (ex : isolement social, troubles cognitifs). Les symptômes doivent être présents de façon permanente depuis au moins six mois pour faire le diagnostic de schizophrénie.
Stress
Réaction d’adaptation non spécifique de l’organisme à une agression physique, psychologique ou sociale et qui s’accompagne d’un état anxieux.
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Thérapie cognitivo-comportementale (TCC)
La thérapie cognitivo-comportementale (TCC) est une thérapie brève, validée scientifiquement, qui vise à remplacer les idées négatives et les comportements inadaptés par des pensées et des réactions en adéquation avec la réalité. Elle aide à dépasser progressivement les symptômes invalidants, tels les rites, les vérifications, le stress, les évitements, les inhibitions, les réactions agressives ou la détresse à l’origine d’une souffrance psychique.
Travailleur social (assistant de service social et éducateur)
Il met en œuvre des mesures d’aide sociale nécessaires (droits, logement, travail, ressources). Pour cela, il travaille en réseau avec les professionnels de la psychiatrie et les établissements scolaires ou de formation professionnelle, les foyers, les missions locales d’aide à l’emploi, les offices HLM, etc.
schizophréniques, addictifs, etc.). C’est-à-dire des états psychologiques, temporaires ou permanents, plus ou moins sévères, qui peuvent entraîner gêne, souffrance, perte de capacités ou problèmes comportementaux dans la vie quotidienne.
L’alimentation est une fonction vitale qui apporte les éléments nutritionnels indispensables, en quantité et en qualité, à une bonne santé. En dehors de l’aspect physique, cet acte comporte une implication psychologique, affective et sociale. L’équilibre entre des exigences personnelles, culturelles et métaboliques est nécessaire, mais peut être difficile à trouver. Parfois cette difficulté peut se traduire par des troubles du comportement alimentaire (anorexie mentale et boulimie).
Tutelle et curatelle (protection juridique)
Toute personne majeure souffrant d’une altération de ses facultés mentales ou corporelles, qui la met en difficulté pour s’occuper seule de ses intérêts, peut bénéficier d’une protection juridique. Cette mesure de protection implique non seulement la protection des intérêts financiers et patrimoniaux, mais également la protection de la personne. Ordonnée par le juge des tutelles après expertise d’un médecin habilité, la mesure choisie est proportionnée et individualisée en fonction du degré d’altération des facultés de la personne. Trois grands niveaux de protection existent : la sauvegarde de justice, la curatelle et la tutelle. Les mesures de protections juridiques sont confiées en priorité à la famille, ou à un mandataire habilité par l’Etat. l
Troubles obsessionnels et compulsifs (TOC)
Les TOC se manifestent par des pensées dérangeantes, répétitives et incontrôlables, appelées obsessions, qui causent une forte anxiété. Pour diminuer la souffrance qui en résulte, les personnes développent des comportements répétitifs, ritualisés, irraisonnés et irrépressibles appelés compulsions.
Troubles psychiques
Désignent les troubles mentaux ou psychiatriques (troubles anxieux, dépressifs, bipolaires, EN SAVOIR
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Organisme public d’information, de formation et de lutte contre la stigmatisation en santé mentale, le Psycom agit pour mieux faire comprendre les troubles psychiques, leur traitement et l’organisation des soins psychiatriques.
Rubrique Santé mentale de A à Z : www.psycom.org/Espace-Presse/Sante-mentale-de-A-a-Z Brochures d’information sur les troubles psychiques et la santé mentale, à commander ou télécharger : www.psycom.org/Brochures-d-info TRO N TA L E SANTÉ ME
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Santé mentale et jeunes
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Analyse La quête du bonheur et de la santé mentale est un questionnement dans chaque famille. A chaque âge ses problématiques, ses fragilités, ses risques : les connaître permet aussi de mieux les prévenir. Cette rubrique explore ainsi l’importance des liens familiaux et du retentissement de la maladie dans l’entourage. Puis, il est question des possibles interactions avec l’école, les acteurs du soin et la société toute entière.
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RÉALITÉS FAMILIALES#FAMILLES ET SANTÉ MENTALE#2017
La santé mentale du bébé et de ses parents L’arrivée d’un bébé est une période particulièrement sensible tant pour l’enfant qui vient de naitre que pour les parents qui l’accueillent. Elle génère des bouleversements et poursuit une histoire parentale qui s’est co-construite, avant même que l’enfant « vienne au monde ».
Dominique RATIA-ARMENGOL Psychologue clinicienne et Présidente de ANAPSY.pe (Association nationale des psychologues de la petite enfance).
*Néoténie : Condition de dépendance totale du bébé, propre à l’espèce humaine
D
urant les neuf mois de grossesse, dans le ventre de la mère, le fœtus a commencé à se développer à l’abri du monde extérieur, construisant déjà ses premières expériences de vie intra-utérine pluri-sensorielles (auditives, visuelles, tactiles, gustatives…) qui fondent son histoire fœtale d’exploration d’avant la naissance, la protohistoire1 comme on la nomme aujourd’hui – que l’échographie révèle aux parents qui l’ont vu se mouvoir, « faite de réaction et de mémorisation »2. Donner naissance pour la mère, naitre à la vie aérienne pour le bébé après avoir vécu dans un milieu aquatique, être recueilli par ses parents après l’accouchement, sont des moments de vie d’une grande intensité ! Les bouleversements durables, engendrés par la nouveauté de cette situation, demeurent profondément inscrits dans l’histoire de chacun des êtres concernés, et s’inscrivent dans l’intimité de chaque famille. Il est alors troublant pour ces nouveaux parents d’avoir à découvrir ce nouvel être, l’enfant réel, qui n’est plus cet « enfant imaginaire » comme on s’accorde à le dire, qu’ils avaient habillé jusqu’alors de toutes leurs projections imaginées. Dans le devenir du bébé, la santé physique et mentale devient alors la préoccupation
centrale des adultes qui dorénavant ont à faire acte d’attention psycho-affective et d’éducation, pas seulement les parents, mais également les professionnels de la petite enfance penchés sur le berceau social des « 0-3 ans ».
La dépendance totale du bébé en fait la fragilité et la richesse
A sa naissance, le petit de l’homme est à la fois porteur d’un « capital » aux multiples potentialités, et un bébé totalement immature et inachevé. La néoténie* qui désigne cette condition de dépendance totale du bébé, propre à l’espèce humaine, en fait à la fois sa fragilité et sa richesse. Mais il faudra qu’il dispose du temps nécessaire pour se développer harmonieusement à l’abri des tumultes du monde des adultes. En effet, « un bébé seul ça n’existe pas »3 sans le secours de maternants bienveillants auxquels pouvoir s’attacher et avec qui construire des liens psycho-affectifs. L’importance de l’entourage et de l’environnement, de même que le respect du temps psychique spécifique de l’enfant pour grandir, qui se compte en années, sont les facteurs qui contribueront à son équilibre physique et mental. Pris en compte en tant que sujet, la reconnaissance, de nos jours, des ressentis du bébé, de
ses éprouvés et de ses « compétences », a entrainé une révolution dans la manière d’être avec lui, de s’en occuper, de s’en préoccuper. Accompagner le bébé dans la conquête de son équilibre et de son autonomie tout au long de son enfance, c’est lui permettre dans l’appui que lui procure son entourage, de se découvrir, en même temps que découvrir son environnement. De sa capacité à respirer, à téter, à se redresser, tenir l’équilibre debout et marcher pour aller à l’assaut du monde qui l’entoure, de son cri d’appel, au langage corporel, puis verbal, le bébé a tant à découvrir, à apprendre, sur lui-même et les autres, non sans difficultés face à l’ampleur de ses activités ludiques. Ses découvertes sont d’autant plus enrichissantes que leur réalisation est rendue possible dans les interactions avec ceux qui prennent soin de lui. Le nouveau-né bien portant a une sensibilité qui lui permet d’être particulièrement réceptif aux attentions et satisfactions bienveillantes qu’on lui prodigue et un appétit extraordinaire pour entrer en relation avec l’Autre4, observable dès la naissance. A tel point qu’un bébé dont on ne prend pas soin psycho affectivement peut se déprimer, refuser d’être nourri, présenter des troubles psycho-
1/ Sylvain Missonnier « Le premier chapitre » (2011) 2/ Dominique Ratia-Armengol « Quand les temps changent, les bébés changent-ils ? », 1001BB n°156 (Editions Erès, à paraitre en 2018) 3/ Donald W. Winnicott, “L’enfant et le monde extérieur” (Payot Rivages, 1989) 4/ Marie-Christine Laznik
/ LIENS FAMILIAUX /
somatiques et relationnels plus ou moins graves, indépendamment des bébés porteurs de handicap. Le nouveau-né comprend-il les mots ? Non, pas aux sens où nous les utilisons. Mais il les « prend avec lui », il en comprend l’adresse qui lui est faite, lui qui a baigné dans le langage des humains au mode de communication verbale spécifique qu’est la parole.5 Si pour le bébé « tout est langage »6, la période pré-verbale du bébé est celle du langage corporel, où il ne va pas de soi d’avoir à décoder ce bavardage corporel, le bébé s’exprimant et répondant tous ses sens en éveil, de tout son corps qui capte, communique en se tendant vers l’autre. L’entourage anticipant ou répondant à ses besoins, à cette appétence relationnelle, procure au bébé un sentiment d’apaisement des tensions provoquées par l’inconfort physique ou psychique, échanges
à partir desquels se tissent des liens psycho-affectifs. C’est ainsi que « dans les premières années de la vie, la relation psychologique s’inscrit dans le corps de l’enfant et inversement. Lorsqu’on s’adresse à un bébé, on ne parle pas à sa tête, mais à tout son être psycho-corporel, à sa sensorialité. Le corps se forme, développe ses aptitudes, pendant que la psyché se construit et réciproquement.( …). Et ce que le bébé n’émet pas en sons, en phonèmes signifiants, il le dit à travers les expressions de son corps... » .7 Ces dires-là, ont à être entendus et c’est « en raison de malentendus » qu’alors se troublent les relations, aux conséquences plus ou moins alarmantes.
Les bouleversements du devenir parent
« On ne nait pas parent, on le devient ! ». Responsabilité jalonnée de difficultés insoupçonnées auparavant, d’autant plus que l’amour ne suffit pas !8 Aux ressources qu’ils devront
5/ D. Delouvin, Présidente d’honneur ANAPSYpe 6/ Françoise Dolto, « Tout est langage » (Gallimard, 1995) 7/ Sylvian Giampino, intervention au colloque d’Analyse Freudienne (mars 2015) 8/ Claude Halmos, « Pourquoi l’amour ne suffit pas, aider l’enfant à se construire », Pocket , 2009
découvrir en eux-mêmes pour être de « bons parents », se noue une inquiétude parentale qui n’est pas vaine. C’est le cas du « baby-blues » qui témoigne des effets de bouleversements du devenir parent, syndrome relativement spécifique du post-partum (qui n’est pas une maladie, une dépression ou une maladie dépressive). Ces processus psychophysiologiques sont normaux. Il s’y « joue » la rencontre avec le bébé réel, avec appréhension tant cette « préoccupation maternelle primaire » est vive. Jusqu’à l’âge de la marche, le bébé est perçu comme calme, même si pour les plus précoces des signes avant-coureur « d’opposition » sont repérables (il tourne la tête, repousse son assiette dès le début du repas). Mais dès que le bébé marche, un nouveau bouleversement « déboule » dans la famille : c’est qu’il faut lui courir après à tout instant ! Il ne laisse plus de répit à ses parents. Qui plus est, il n’est pas content d’être empê-
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ché. Il s’oppose à cette entrave, opposition devant laquelle le parent ne cède pas au nom de sa sécurité et des contraintes de la vie quotidienne. L’importance de cet interdit (pour le bébé, il est indispensable de joindre le geste à la parole) est constitutive de la construction subjective et psychique de l’enfant, tout au long de l’enfance. Les réactions normales de colère, de trépignements de refus d’être empêché de pouvoir aller jusqu’au bout de ce qu’il voulait tester, toucher, découvrir, réaliser, les pleurs non de tristesse mais de frustration émeuvent les parents, quand ils ne les découragent pas au point de céder. Or, l’affirmation de l’autonomie par le petit enfant n’est pas la loi des cris et des explosions émotionnelles ! La santé mentale du bébé est ce prix à payer des parents qui ont à contenir ces débordements pulsionnels. Ces flux pulsionnels et émotionnels font souvent douter les parents qui craignent de ne pas en faire assez, ou assez bien, voire de frustrer l’enfant. Et ce travail d’éducation n’a de sens que s’il s’inscrit dans la permanence et durant le temps de l’enfance où il est nécessaire de faire acte d’autorité. Reprenant Sylviane Giampino, « éduquer, c’est conduire, tourner vers, porter vers et non protéger de, se méfier de. Eduquer est éprouvant. Il faut apprendre à se séparer, il faut vivre le manque, lot de chacun : on ne peut pas tout, on ne doit pas tout, et l’autre non plus ». Plus les enfants sont jeunes, plus leur vécu et leur personnalité sont tissés au vécu et à la personnalité de ceux qui les entourent. Plus aussi, ils réagissent avec tout leur être à ce qu’ils vivent. Le corps du petit
enfant est psychologique et inversement. Un problème de santé transforme son comportement, une tension familiale peut le rendre malade, retarder son développement moteur, bloquer sa croissance ou l’accélérer. On a alors des enfants trop en avance, très vifs, sous l’effet d’une sur-maturation défensive. Or, sous couvert d’une juste préoccupation d’intervenir au plus tôt pour favoriser l’équilibre psychologique des enfants, des méthodes éducatives de prévention reviennent en force. Les normes socio-éducatives font pression sur les parents. Et, pour prévenir plus vite que le risque que les bébés ne prennent pas en retard le train des performances, de nouvelles méthodes éducatives surgissent.9
Les tout-petits doivent être maintenus à l’abri des injonctions de performance
Mais face aux assauts de ces précipitations éducatives et des idéologies de la performance, de l’envahissement des technologies et de la consommation dans le champ de la petite enfance, les psychologues cliniciens travaillant auprès des enfants de moins de trois ans, affirment que les tout-petits doivent être maintenus à l’abri des injonctions de rapidité, d’efficacité, de rentabilité, d’apprentissages performants, et de conduites sociales conditionnantes et normalisantes. De plus, sur la base des théories de neuropsychologie comportementaliste, qui permettent de repérer toute déviance à une norme établie, le moindre geste, les premières bêtises d’enfants risquent d’être interprétées comme l’expression d’une personnalité pathologique qu’il conviendrait de contenir au plus vite par une série de mesures associant rééducation et psychothérapie.10
Ainsi non seulement, on attend précocement des enfants, des aptitudes qui nécessitent justement le respect de la spécificité du temps de l’enfance11 pour se développer12, mais encore on traque13 même chez les plus petits, les écarts par rapport à des normes calibrées. Ecarts interprétés comme des retards, pire, des déviances, des troubles mentaux. Les catégories de « troubles de comportement » ou de « dysfonctionnements » sont attribuées de plus en plus tôt à ces tout-petits, avec les dangers de leurs effets pathogènes sur la dynamique du grandir des enfants. Notre alerte des années 90 est réactualisée, aujourd’hui, non seulement à propos de la tyrannie de la norme, mais sur le regard porté par les experts de l’INSERM à propos de l’instabilité émotionnelle à dépister en tant que trouble de conduites dès les trois premières années de leur vie : impulsivité, intolérance aux frustrations, non maîtrise de la langue et dont feraient également partie : la docilité, l’agressivité, le faible contrôle émotionnel, l’impulsivité, l’indice de moralité bas.14 Un des précurseurs de ce trouble des conduites serait le TOP : « troubles oppositionnels avec provocation », en clair l’opposition, la désobéissance et les colères répétées, l’agressivité chez un enfant qui sont en passe de devenir des maladies dont on ne sait plus d’ailleurs si c’est la morbidité qui est en cause plutôt que le côté moral, et qui dérange. Mais selon Bernard Golse15 : « nous pouvons affirmer qu’un enfant n’est pas un provocateur parce qu’il est opposant. Une approche sensée, décèle dans cette agressivité un appel à l’autre, peut être un appel au secours, en tout cas il convoque l’adulte ». Autrement dit, ce qui compte pour l’enfant, c’est que son appel soit entendu.
9/ Tel que le programme « Parler bambin » 10/ Collectif Pas de zéro de conduite pour les enfants de 3 ans : « Appel en réponse à l’expertise INSERM sur le trouble des conduites chez l’enfant ». 11/ « Quel temps psychique pour les bébés ? » Sous la direction de D. Ratia-Armengol, 1001 BB n°115, Eres (2011) 12/ « Développement du jeune enfant » rapport Giampino 13/ 3ème journée d’étude « Des bébés tous des traqués ? » de l’ANAPSYpe, qui en 1990 avait anticipé les risques de dérive. 14/ « Trouble des conduites chez l’enfant et l’adolescent », rapport de l’INSERM (2005). 15/ Bernard Golse « L’enfant, ou le top des top » dans Collectif Pas de zéro de conduite pour les enfants de 3 ans.
/ AGES DE LA VIE /
Analyse
Sortons de l’alternative : soit on parle, soit on met des limites, quand le rôle éducatif consiste précisément à chaque âge, et à parler et à mettre des limites ! » Claude Halmos, « Grandir », Fayard (2009) roi ». Entre ces deux extrêmes, quels équilibres à trouver par les parents et professionnels en charge de l’éducation des enfants ? « La coupe déborde », ajoute S. Giampino, quand s’y ajoutent des critères moraux : « absence de remords », « mensonge », « besoin de nouveauté », « ne change pas sa conduite » s’agissant d’enfants de moins de 4 ans. Selon le vieil adage « mieux vaut prévenir que guérir » et l’idée que plus on intervient tôt plus c’est efficace, les experts de l’INSERM partent d’une autre conception de la prévention : celle de la cible. On dépiste non pas le problème mais les critères de risques. Il s’agit donc d’intervenir tôt, mais directement dans la vie de l’enfant. A cette conception prédictive de la prévention, nous opposons « la prévention prévenante », car le risque réside surtout dans la médicalisation à l’extrême des phénomènes d’ordre éducatif, psychologiques et social, entretenant la confusion entre malaise social et souffrance psychique, voire maladie héréditaire.
Comment ne pas insécuriser les parents pour qu’ils sécurisent leur enfant ?
Oui, le métier de parent est un art difficile, raison pour laquelle des professionnels de la petite enfance dont des psychologues sont à « l’écoute des bébés et de ceux qui les entourent »16 et que s’est développé l’accompagnement à la parentalité, explique Sylviane Giampino. On retrouve cette logique de prévention
dans les PMI qui proposent des équipes pluridisciplinaires, avec les réseaux d’aide à la parentalité et les lieux d’accueil parents-enfants, et mais aussi avec la présence de psychologues et psychanalystes dans les maternités et les crèches. On parle alors de santé mentale partant de cette conception que les conditions de vie, d’environnement affectif, de santé peuvent perturber le développement des bébés ou leur équilibre psychologique. Ce qui a prévalu à la mise en place des structures de consultations médicales et psychologiques (CMP*, CMPP*, CAMPS*, SESSAD*, PMI*, médecine scolaire, RASED*, etc.), à visée soignante et de prévention qui prennent en charge les enfants qui présentent une souffrance psychique s’apparentant à un trouble des conduites. La « cible » est hautement éducative car l’éducation est le support essentiel dans l’accompagnement du développement de l’enfant et de sa construction psychique. Cependant, les donnes éducatives ont changé. Autrefois, l’autorité parentale se fondait sur l’obéissance de l’enfant, qui n’avait pas à contredire l’adulte, au risque d’inhibitions et de névroses. Aujourd’hui, l’éducation se veut respecter la liberté de l’enfant, sa possibilité d’expression, au risque de malentendus, d’en faire un « enfant-
16/ « A l’écoute des bébés et de ceux qui les entourent » Sylviane Giampino, Eres 17/ Pierre Delion pédopsychiatre
L’enfant en détresse pris dans une souffrance forcément individuelle, est dans des embarras qui en général le dépassent largement. L’enfant, du fait de sa peur, voire de l’angoisse qu’il ressent (pour des raisons très diverses, par exemple le père ou la mère sont malades, ou en prison, délirants) va alors réorganiser son comportement en fonction de ces éléments, en produisant des symptômes de différents ordres. L’important n’est pas de faire un dépistage systématique, mais de rendre possible pour les parents, la rencontre avec des professionnels, pour accueillir cette souffrance de l’enfant, la reconnaître, éventuellement la traiter. Mais parler de souffrance psychique en termes trop précis à un âge où l’enfant est en remaniement incessant dans son développement peut aussi avoir des effets délétères17. Il en est ainsi des diagnostics hâtifs des troubles de type hyperactivité et des déficits de l’attention. Et si tout n’est pas joué à 3 ans, les premières années du bébé n’en sont pas moins particulièrement primordiales du fait qu’il n’est pas encore apte à vivre par lui-même. Sa santé mentale dépend pour une grande part des options éducatives parentales, mais aussi de ceux qui les relaieront pour prendre part à son éducation : modes de garde, loisirs, école. l
*CMP, CMPP : Centres médico-psychologiques et psycho-pédagogique *CAMPS : Centre d’action médico-sociale précoce *SESSAD : Service d’éducation spéciale et de soins à domicile *PMI : Protection maternelle et infantile *RASED : Réseau d’aide spécialisé pour les élèves en difficulté (dispositifs internes à l’Education nationale)
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Mon enfant va-t-il bien dans sa tête ? Y-a-t-il un parent qui ne se soit pas posé la question ? A tort ou à raison d’ailleurs : avec des lunettes assombrissantes pour les plus anxieux ou au contraire des lunettes roses pour ceux qui refusent de voir ce que l’entourage, l’école ou le médecin de famille leur soulignent.
Jean-Pierre DRAPIER Pédopsychiatre, psychanalyste, médecin-directeur de CMPP*, ex-administrateur et ex membre de la Commission Scientifique de la FDCMPP,* président du Collège de clinique psychanalytique de Paris
*CMPP : Centre médico-psycho-pédagogique *FDCMPP : Fédération des CMPP
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t en effet, pour une mère ou un père leur enfant est ce qu’il y a de plus précieux, de plus fragile entraînant aussi bien le désir de le protéger, y compris de lui-même que l’inquiétude sur son développement, une culpabilité sousjacente (« Est-ce que je fais bien ? Est-ce que je fais tout ce qu’il faut ? ») tout autant que l’impossibilité de supporter la blessure narcissique d’un enfant qui ne serait pas parfait, ne correspondrait pas à l’idéal qui précède même sa naissance. D’où la difficulté d’écrire un article destiné à « aider les parents à repérer les troubles psychiques chez leurs enfants » sans renforcer l’angoisse des uns ou la banalisation des autres.
Rappelons aussi avant de poursuivre que « L’Enfant » n’existe pas et qu’il n’y a que des sujets singuliers avec des rythmes de développement et d’acquisitions particuliers et donc qu’il ne faut prendre les indications chiffrées qui pourraient suivre que comme des moyennes entre les plus rapides et les plus lents et pas comme un étalonnage absolu.
Les parents ne sont pas les « psys » de leurs enfants
Quelques repères
Je pense d’abord utile de rappeler aux parents qu’ils sont des parents et pas des professionnels, pas les « psys » de leurs enfants, qu’ils ont le droit de ne pas savoir et que souvent leur ressenti est plus important que la lecture d’articles ou de discussions à l’emporte-pièce sur internet. En particulier à une époque où déferlent les diagnostics ready-made, « à la mode » et qui font de tous nos enfants soient des dys-quelque chose, soient des TDAH (rappelons la catastrophe sanitaire qui sévit aux Etats-Unis avec 11 % des 4/18 ans sous méthylphénidate, une amphétamine), voire des autistes.
A contrario, éviter de se rassurer avec des arguments faciles du type « moi aussi j’ai fait pipi au lit jusqu’à 11 ans » ou « mon frère n’a parlé qu’à 4 ans » d’autant qu’il ne manque pas de professionnels non spécialisés qui vont banaliser les troubles pourtant les plus évocateurs. Toutes ces précautions nécessaires étant prises, donnons quelques éléments plus précis autour du développement infantile dans différents axes : Le nouveau-né est une personne et pas un tube digestif sonore ; très tôt, le premier mois en général, il interagit par le regard en particulier avec la « puissance nourricière », celle qui a un soin particularisé pour lui. L’enfant qui ne regarde pas, encore plus qui détourne le regard, celui qui se raidit dans les bras (en dehors du mal-être lié à des coliques ou autres douleurs) doit attirer l’attention. Mais ce n’est pas parce qu’un enfant refuse le sein qu’il va mal : simplement, il peut trou-
ver ça un peu fatigant, pas assez nourrissant et qu’alors le passer au biberon n’est pas un drame, simplement un peu frustrant ou culpabilisant pour la maman. Celle-ci d’ailleurs repère souvent un accord ou un désaccord entre ses bras et l’enfant quel que soit le mode d’alimentation. En général, un nourrisson se tient assis vers 6/7 mois, marche seul entre 9 et 16 mois, se saisit volontairement d’un objet vers 5/6 mois et vers 9/10 mois le manipule sans problème et le porte à la bouche. Ce ne sont que des retards francs qui doivent inquiéter car, encore une fois, ce ne sont que des moyennes. C’est la même chose en ce qui concerne l’acquisition de ce qui fait le propre de l’humanisation : la parole. Classiquement on dit qu’un nourrisson utilise des mots simples vers un an (maman, papa, popo, lolo etc.) et « parle » avec des phrases simples entre 18 et 24 mois et comme vous et moi (ou presque) vers 3 ans. Mais il y a les « sportifs » qui vont marcher tôt et parler tard et à l’inverse les « intellos » qui vont parler avant de marcher. Ce qui peut être inquiétant, c’est l’association d’un retard psychomoteur ET d’un retard de parole mais aussi une régression, c’est à dire un enfant qui semble perdre son intérêt pour ce qu’il avait acquis. En parallèle, se pose la question de la compréhension de ce que vous lui dites : vers 18 mois le bébé comprend à
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peu près toutes les consignes simples, même non appuyées par le geste. Mais avant le psy peut-être faut-il consulter un ORL pour dépister un trouble de l’audition ! Un des acquis de l’enfant qui signe sa tentative d’autonomisation, c’est de dire « Non » ; non à l’Autre et à ses exigences, c’est une manière de dire « Oui » à ses propres désirs. Vers 18 mois, c’est même un grand classique et cela n’inquiète que devant sa persistance et si cela devient un non à la vie, non à une relation agréable, si c’est l’installation d’un état de guerre permanent. La question de la propreté revient souvent dans les demandes de consultation : là aussi il faut insister sur la variabilité liée à de multiples facteurs (éducatifs aussi bien que de maturation sphinctérienne) mais une énurésie isolée qui persiste au-delà de 4 ans n’est souvent qu’un symptôme de conflits intrapsychiques banaux plus gênant (pour les parents !) que l’agitation ou l’opposition. Cela s’accompagne-t-il ou non d’un collage à la mère, d’un rejet du père, de la tentative de squatter le lit parental voire d’en éjecter un protagoniste légitime ? Bref, entre-t-on dans un conflit œdipien serré ? Si les parents se sentent débordés, alors il peut être intéressant de consulter. Plus tard vient la question de l’école ; les enfants sont « naturellement » curieux (donc désireux d’apprendre) et sociables. Un enfant isolé, en guerre avec ses congénères et/ou les adultes de l’école, qui se sent ou qui est persécuté, victime, est un enfant qui va mal, de même qu’un enfant qui n’a aucune appétence pour le savoir, voire le refuse. La chute brutale des résultats scolaires est toujours révélatrice que quelque chose vient bloquer l’enfant : il est préoccupé par d’autre(s) question(s) que la grammaire ou les opérations.
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Une période de grands remaniements A l’adolescence ce peut-être simplement les premières questions et les premiers tourments de l’amour et de la sexualité. C’est une période de grands remaniements corporels et psychiques, les idéaux de l’enfant (et qui étaient peu ou prou ceux des parents) chutent en même temps que les parents de leur piédestal. Les copin(e)s et les sorties deviennent plus important que la famille et son cocon. C’est bien normal et moins préoccupant que l’ado qui ne quitte pas sa chambre, son ordinateur ou les jupons de maman. Ceci dit, la dite « crise de l’adolescence » n’est pas une fatalité : quand elle est trop violente, démonstrative, s’accompagnant de passages à l’acte forts (vols, fugues, prises de toxiques etc.) ou d’un repli sur soi, elle peut avoir deux significations différentes. Soit il s’agit pour le sujet de « dire » quelque chose, d’interroger la relation à ses parents et aux limites que les unes et les autres soient trop sévères ou trop laxistes, soit elle peut se confondre avec un processus pathologique telle une entrée dans la psychose. La bizarrerie, les propos incohérents, l’agressivité immotivée envers les parents ou la fratrie, les idées persécutives centrées sur une ou quelques personnes (par contre que le monde entier en veuille à l’ado est plutôt banal !) peuvent interroger à juste droit.
« J’ai constaté son échec à l’école. Je me suis dit que ce n’était pas grave et qu’elle apprendrait un métier manuel. Elle n’arrivait pas à assumer les petites tâches de la vie quotidienne comme se lever le matin. C’est ainsi que j’ai compris que c’était plus compliqué que le simple échec scolaire ».
A la fin de cet article, j’ai quand même le sentiment de n’avoir répondu que partiellement à la commande de départ mais c’est que le faire d’une manière générale, “pour tous”, est réellement une tâche impossible…. tout autant que le métier de parents ! Peut-être vont-ils y trouver tout de même quelques indications et, en tout cas, je terminerai sur un dernier conseil : la France dispose (pour combien de temps encore ?) d’un réseau important de CMPP (Centre Médico-Psycho-pédagogique) et CMP (Centre Médico-Psychologique) infantojuvénil avec des psychiatres, pédopsychiatres, psychologues, psychanalystes, orthophonistes, psychomotricien(ne)s et éducateurs compétents ; en cas de doute, d’un sentiment d’impuissance ou de souffrance, demander à rencontrer quelqu’un, en parler, faire un bilan si nécessaire n’engagent à rien d’autre qu’à y voir plus clair et le cas échéant se rassurer ou bien engager des soins suffisamment précoces pour pallier aggravation et complications. l
Sarah (mère)
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Santé mentale et adolescence, une période à risque On dit souvent que l’adolescence est le plus bel âge de la vie. Pourtant, cette période qu’on qualifie parfois de crise s’apparente davantage à un long processus de transition qui doit aboutir à la constitution d’un individu adulte autonome.
Jonathan LACHAL Pédopsychiatre, Praticien Hospitalier Universitaire à la Maison de Solenn, APHP, à l’Université Paris Descartes, et au CESP-INSERM 1178,
L
’adolescence n’est pas un long fleuve tranquille, et les modifications physiques, psychiques et sociales qui s’y opèrent en font une période de grande vulnérabilité. Révolte et construction identitaire, puberté et rencontre avec la sexualité, autonomisation et séparation de la famille, gestion des limites et transgressions, socialisation et affiliations, sont autant de challenges qu’un adolescent aura à affronter durant un temps qui ne cesse de s’allonger vers l’âge adulte. L’adolescent est un être en questionnement : la première question, « qui suis-je ? » va induire la plupart des suivantes. Face aux modifications physio-psychologiques profondes, la menace sur le sentiment de continuité de l’existence est grande. L’adolescent se met à « penser ses pensées », et se pose alors la question de l’origine de ces pensées : est-ce la sienne, celle d’un autre, celle d’un autre soi ? La construction des identifications va passer par les questions de « D’où je viens ? » (Filiation) et « A qui je peux faire confiance ? » (Affiliations). Enfin, il se demandera « Vers où je souhaite aller ? Qui je souhaite devenir ? ».
Ce sont les parents qui sont les plus compétents pour détecter et comprendre la souffrance de leurs adolescents
Le corps comme médiateur Lorsque tous les facteurs nécessaires à ce processus ne sont pas réunis, lorsqu’un deuil, une absence, un traumatisme ou bien d’autres facteurs de vulnérabilité comme la migration ou la précarité viennent l’empêcher, l’adolescence peut alors devenir une souffrance qui va être exprimée par des symptômes propres à cet âge. Le cerveau étant le siège d’un remodelage important, les adolescents ont souvent du mal à trouver les mots pour exprimer ce qu’ils ressentent, et le corps sert alors de médiateur. Ce peut être des somatisations, des douleurs qui vont interpeler par leur répétition et l’absence d’anomalie physique associée. Ce sont aussi les passages à l’acte transgressifs, où l’adolescent peut se mettre en danger, qui vont encore une fois interpeler les adultes par leur caractère répété et leur dangerosité. Ce sont ensuite les agressions sur soi, qui comportent les automutilations (blessure auto-infligée) et les tentatives de suicide, et qui sont malheureusement si fréquentes à l’adolescence . Ce sont enfin les troubles alimentaires, qu’ils soient dans le trop (obésité, boulimie nerveuse) ou dans le pas assez (anorexie mentale). Tous ces actes où le corps vient dire la souffrance peuvent être le reflet d’un épisode dépressif, d’une difficulté à se séparer (trouble de l’attachement), d’un trouble anxieux ;
mais ils peuvent également être la réaction à un facteur de stress direct, comme par exemple un deuil ou un harcèlement scolaire.
Des difficultés d’apprentissage aux « conduites à risque »
L’école est le lieu où un adolescent passe la plus grande partie de son temps, et la scolarité est souvent impactée lorsque l’adolescent est en souffrance. La déscolarisation n’est jamais le reflet de la paresse ; elle doit être considérée comme le point d’appel d’une lutte ou d’un retrait. Les difficultés d’apprentissage (dyslexie, dysorthographie, dyspraxie…) peuvent conduire à une souffrance invalidante. Le refus scolaire anxieux est une pathologie spécifique, en augmentation en occident. Il doit être évoqué devant un refus de l’adolescent de s’inscrire dans les apprentissages. Ses étiologies sont complexes et multiples. Les conduites addictives sont rencontrées de plus en plus tôt à l’adolescence. Il s’agit d’abord des addictions aux substances psychoactives. L’alcool et le cannabis y occupent une place importante en France, mais de plus en plus de produits de synthèse sont consommés avec tous les risques aigus (troubles du comportement, mises en danger) et chroniques (déscolarisation et désocialisation) qu’ils comportent. Il s’agit ensuite des
1/ Le suicide est la 2e cause de mortalité des 15-25 ans en France. Les tentatives de suicide sont très fréquentes à cet âge : 1 adolescent sur 10 fera une tentative de suicide entre 15 et 25ans. Pour plus d’information, voir Lachal J, Moro MR, Grandclerc S. Ados et suicide En parler et se parler. Le Muscadier; 2016. 128 p. (Choc Santé INSERM).
/ AGES DE LA VIE /
Analyse
addictions dites comportementales, et notamment aux mondes virtuels, où certains adolescents passent la plus grande partie de leur journée. Lorsque les adolescents s’engagent, c’est de manière pleine et entière, avec leur esprit mais aussi leur corps. Ainsi de nombreux adolescents se sont engagés lors des émeutes de 20052, et les mouvements djihadistes* recrutent le plus souvent parmi les jeunes adolescents3.
Pathologies psychiatriques : un diagnostic difficile
Enfin, c’est aussi à l’adolescence que vont émerger les grandes pathologies psychiatriques que l’on rencontre chez l’adulte : les troubles schizophréniques dont l’âge moyen de survenue est de 18 ans ; et les troubles de l’humeur, aujourd’hui appelés troubles bipolaires, qui comportent les manifestations dépressives et les épisodes maniaques (élation de l’humeur). Le diagnostic est plus difficile qu’à l’âge adulte, et souvent posé avec retard. Les symptômes initiaux sont souvent atypiques, plus inconstants, moins bien systématisés. Les conséquences en termes de pronostic (maladie chronique à l’âge adulte) imposent aux médecins de prendre le temps nécessaire pour s’assurer de la justesse du diagnostic. Ce temps, bien qu’il soit le plus souvent nécessaire, est un temps de souffrance et d’incertitude pour le patient comme pour la famille.
Les parents, des partenaires indispensables du soin
Mais alors, comment doit-on être parent lorsque notre adolescent est en souffrance ? On dit parfois que le métier de parent est le plus difficile du monde. C’est à la fois vrai et faux. Lorsque notre enfant qu’on connait si bien se transforme, qu’il commence à s’opposer, à
*Lire aussi p.38
prendre des risques, à suivre des chemins qu’on ne souhaiterait pas qu’il emprunte, il peut devenir cet étranger inquiétant qu’évoquent les psychanalystes. On ne parvient plus tout à fait à le comprendre, ni à complètement percevoir s’il va bien ou s’il souffre. A la manière d’un parent avec son nourrisson, le parent d’un adolescent doit sans cesse s’adapter face à un adolescent qui grandit chaque jour un peu et change de manière très rapide. Il devient alors difficile de séparer ce qui fait partie du processus normal de l’adolescence de ce qui est le signe d’une souffrance et qui doit être pris en charge.
les parents sont des partenaires indispensables du soin. Ils sont les décideurs de toute prescription. Ils sont les moteurs de l’alliance avec les soignants, de l’inscription dans les soins et de leur observance. Ils informent les équipes et accompagnent au quotidien les adolescents. Même lorsque c’est le processus de séparation qui est au cœur de la souffrance, et que le soin propose un travail sur cette séparation (en proposant par exemple une poursuite des études en internat) la place des parents demeure centrale. Sans leur adhésion au projet, l’investissement des adolescents est compromis.
Pourtant, ce sont les parents qui sont les plus compétents pour détecter et comprendre la souffrance de leurs adolescents. Lorsqu’ils se posent la question d’une possible souffrance, ils ne doivent pas hésiter à en parler autour d’eux : à l’école, aux autres parents d’adolescents, à leur médecin traitant, ou encore dans des lieux spécialisés : les Maisons des Adolescents4 qui proposent gratuitement une écoute et une orientation spécialisée, et les centres de consultations pour enfants et adolescents (Centre Médico-Psychologiques CMP5 et Centres Médico-Psycho-Pédagogiques CMPP6). Lorsqu’un diagnostic de souffrance psychologique est posé,
Avec l’aide de professionnels, les parents vont pouvoir retrouver leurs compétences de parents et aider leurs adolescents à devenir des adultes. Pour cela, il est d’abord important qu’ils s’informent et se rassurent, et c’est le travail des équipes médicales de les aider à cela. La pathologie psychiatrique impose souvent des modifications de la vie de famille. Mais les parents doivent toujours garder en tête de rester des parents : les adolescents ont besoin d’être aimés et portés par des adultes qui partagent avec eux de l’affection et les aident à identifier, contenir et réguler leurs émotions. Avec leur aide et leur créativité7, ils deviendront des adultes épanouis. l
2/ Voir Des adolescents dans les émeutes, Mansouri M,Moro MR, dans Moro MR. Troubles à l’adolescence dans un monde en changement: comprendre et soigner. Paris: A. Colin; 2012. 3/ Voir Gutton P, Moro MR. Quand l’adolescent s’engage. Radicalité et construction de soi. In Press; 2017. 4/ Guide complet et adresses sur le site de l’Association Nationale des Maison des Adolescents http://www.anmda.fr/ 5/ Chaque secteur géographique est rattaché à un CMP enfant-adolescent. 6/ Annuaire des CMPP http://annuaire.action-sociale.org/etablissements/jeunes-handicapes/centre-medico-psycho-pedagogique--c-m-p-p---189.html 7/ Moro MR, Amblard O. Avec nos adolescents : osons être parents ! Bayard; 2016. 147 p.
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Analyse
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RÉALITÉS FAMILIALES#FAMILLES ET SANTÉ MENTALE#2017
INTERVIEW
Quels aspects psychologiques dans l’endoctrinement des jeunes ? Fethi BENSLAMA Professeur de psychopathologie clinique Directeur de l’Institut Humanités et Sciences de Paris Université Paris-Diderot Paris 7
Ces dernières années, la radicalisation des adolescents et des jeunes adultes est devenue un danger de plus dont la société, et les familles en première ligne, tentent de se protéger. Fethi Benslama, psychanalyste et spécialiste du fait religieux, apporte son éclairage sur les ressorts d’un engagement difficile à comprendre. Existe-t’il un « profil-type » des jeunes qui partent en Syrie ou commettent des actes terroristes ?
Il n’y a pas de profil type, parce que les causes qui conduisent un jeune, femme ou homme, à se radicaliser, et chez un très petit nombre à s’engager dans le jihadisme, sont multiples. C’est un réseau de causes religieuses, sociales, politiques et psychologiques dans lesquelles le hasard ou la mauvaise rencontre jouent aussi un rôle. On peut bien sûr dégager des généralités, par exemple en disant : un tiers manifeste des troubles psychologiques, et le reste alors ? Ou bien, une majorité provient de familles musulmanes, mais il y a au moins le tiers qui n’appartient pas à ce milieu. Si on dit que les causes sont sociales, alors on devrait avoir des millions de radicalisés. Bref, il ne faut pas isoler une cause, mais voir le tissu causal et en dernier ressort la couture propre du cas particulier.
Les recruteurs s’appuient-ils, comme on l’entend souvent, sur certaines aspirations ou certaines fragilités des jeunes recrues ?
Les deux tiers des jeunes qui se radicalisent ont entre 15 et 25 ans, il s’agit de la période de la transition juvénile. C’est un processus long dans lequel on sort de l’enfance, je dirai même que l’on déconstruit l’enfance, pour se reconstruire en adulte. Cela implique des transformations radicales de l’identité du sujet, de ce qu’il est et de ce qu’il veut devenir. Or, ce processus peut être marqué par des difficultés structurelles ou passagères, selon le contexte et le cas du jeune. C’est là que l’offre de radicalisation peut paraître une solution. Ceux qui font cette offre connaissent bien les problèmes de la transition juvénile, ils ont fabriqué cette offre en fonction de la quête du jeune et des problèmes qu’il rencontre. Elles
sont de deux ordres pour aller vite : premièrement, il y a une quête d’idéaux très forte, parce que le jeune laisse tomber les idéaux merveilleux de l’enfance et en cherche d’autres qui correspondent à son élan, à sa transformation physique et psychique qui le tire vers le haut. Il y a des jeunes qui sont en panne de cette élévation, qui ne trouvent pas la solution pour se dégager de la peau de l’enfant et ils en souffrent. Ils sont dans le marasme. L’image que je donne souvent est celle que vous pouvez saisir en écoutant le Boléro de Ravel, il y a une longue phase de souffrance dans une aspiration stridente à naître, avant la délivrance. L’offre de radicalisation propose une délivrance rapide, la possibilité de se dégager de la souffrance à travers une croyance en béton qui ne souffre aucun doute et dans laquelle l’idéal héroïque joue un rôle majeur. Le deuxième problème est relatif au fait que le passage juvénile comporte des interrogations sur sa propre identité : qu’est-ce qu’être femme ou homme ? Que suis-je ? Qui est moi et qui est l’autre ? Qu’est-ce que la vie et la mort ? Il y a un tumulte identitaire qui devient catastrophique chez certains jeunes désorientés. Là également l’offre de radicalisation propose des recours et des réponses fortes, tel que « tu peux devenir un autre exceptionnel ». Bref, elle substitue à l’embarras, à l’égarement ou à la confusion, la certitude d’être quelqu’un.
Il ne faut pas se contenter de relever des signes. Il faut parler avec les jeunes, créer du lien, chercher l’aide auprès de tiers quand on n’y arrive pas.
/ AGES DE LA VIE /
Les deux tiers des jeunes qui se radicalisent ont entre 15 et 25 ans !
Peut-on faire un rapprochement entre l’islamisme radical et certaines dérives sectaires ?
Peut-on faire un parallèle entre l’islamisme radical et la pulsion suicidaire ?
Il y a certains ressorts qui ressemblent à ceux de l’emprise sectaire, mais avec la radicalisation islamiste, il s’agit d’un phénomène historique et anthropologique d’ampleur qui dépasse la configuration sectaire. Le contexte de la guerre depuis un demi-siècle dans le monde musulman proche, celui du Moyen Orient, est le fait fondamental. Les puissances occidentales en sont parties prenantes et l’ont nourrit à travers leurs interventions et le jeu incendiaire de leurs intérêts. Il y a donc un retour de flamme. Ici, il ne s’agit pas d’un gourou avec ses disciples qui se soumettent à ses fantasmes délirants. Regardez ce qui s’est passé en Afghanistan, en Irak, en Syrie, ce n’est pas une affaire de sectes malfaisantes, ce sont des mondes qui sont détruits et dont le tourbillon horrible aspire ceux qui s’en approchent de près ou de loin. Il y a des jeunes qui sont happés, soit par fascination pour la haine, soit au contraire parce qu’ils pensent pouvoir contribuer au sauvetage. C’est à cette échelle qu’il faut saisir le phénomène.
L’islamisme radical n’est pas suicidaire dans sa globalité, mais il y a une frange qui l’est, celle qui conduit au sacrifice de l’autre et de soi-même.
Selon vous, y a-t-il des signes qui peuvent alerter les parents d’adolescents attirés par ce type de violences ?
Des signes, il y en a beaucoup, dans une civilisation mondiale qui a fait de l’imaginaire de la violence une nourriture quotidienne. Une culture américaine bas de gamme, appuyée sur une industrie puissante, a joué un rôle majeur sur ce plan, elle est suivie partout par des marchands locaux qui profitent de la révolution technologique du numérique pour pénétrer dans l’intimité des êtres. La violence islamiste peut fasciner mais c’est un cas parmi beaucoup d’autres. Ce n’est pas par hasard que 65 % de ceux qui commettent des actes terroristes ont un passé de délinquant. Être attentif et protéger les enfants, rester en contact étroit avec les adolescents, les accompagner est un impératif. Il ne faut pas se contenter de relever des signes. Il faut parler avec les jeunes, créer du lien, chercher l’aide auprès de tiers quand on n’y arrive pas. l
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RÉALITÉS FAMILIALES#FAMILLES ET SANTÉ MENTALE#2017
Suicide : les personnes âgées, un public à risque La vieillesse est une période de grande vulnérabilité due à de nombreux changements : modifications physiques, cognitives, esthétiques, renoncements, blessures narcissiques. Tous ces aspects peuvent conduire la personne âgée à présenter une baisse de l’estime de soi et une dépression.
Françoise FACY Présidente de l’UNPS, directrice de recherche INSERM honoraire
Marc FILLATRE Vice-président de l’UNPS, psychiatre au CHU de Tours
L
a fréquence du suicide, encore sous-estimée, concerne 10 à 15 % des personnes âgées (PA) de plus de 65 ans et 20 % des plus de 75 ans. Entre 20 et 45 % des personnes âgées en Institution sont concernées par la dépression. Cette vulnérabilité peut engendrer une souffrance psychique. Lorsque celle-ci est importante et continue, elle peut conduire la personne à poser un acte suicidaire pour arrêter de souffrir et non pas pour mourir. Quelle que soit la tranche d’âge, la dépression est souvent à l’origine d’un passage à l’acte suicidaire. « Le comportement suicidaire n’est pas une maladie, mais l’aboutissement de l’interaction complexe de divers facteurs neurobiologiques, psychologiques, culturels et sociaux, qui ont marqué la personne à différents niveaux, mais qui isolément ne suffisent pas à expliquer le suicide. »1
Nombre et taux de décès par suicide En 2014, on compterait, après correction, près de 9 773 décès. Le nombre de décès par suicide est nettement plus élevé chez les hommes que chez les femmes et le taux est trois fois supérieur chez les hommes. Le taux de décès par suicide augmente fortement avec l’âge, surtout chez les hommes. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) pointe un paradoxe français : la contradiction entre la « meilleure place dans le monde » accordée à la France en matière de système de soins, et les résultats « limités » dans l’évolution des suicides depuis trente ans : la France conserve le même rang (10e parmi 26 pays d’Europe) en 2010 qu’en 1987. Les recommandations d’actions portent sur des populations « cibles » : les hommes de plus de 75 ans et les sujets des deux sexes entre 35 et 55 ans.
Attitudes et moyens de prévention
• Déconstruire les idées reçues sur le suicide. Par exemple, des réponses peuvent être apportées :
« Parfois, sous le coup de la colère, après toutes ses tentatives de suicide, j’ai envie de dire à mon mari : « Cela suffit, maintenant. Tu n’as qu’à prendre une bonne corde, ne fais pas semblant, comme ça. » Mais je sais que si je prononçais ces paroles, et s’il passait à l’acte, je me le reprocherais toute ma vie... »
Fabienne
(épouse)
1/ Tiré de « Suicide au Canada », 1994
« La personne qui en parle ne le fait pas » : 75 % des personnes décédées par suicide l’avaient annoncé. « Elle n’a pris que 10 comprimés, c’est du cinéma » : une tentative de suicide n’est jamais anodine, quels que soient les moyens mis en œuvre. Tout passage à l’acte constitue un appel qui, s’il n’est
pas entendu, risque de s’exprimer par la suite de manière encore plus violente. « Le suicide est une maladie » : le suicide est avant tout un mal de vivre. « Parler du suicide encourage le passage à l’acte » : parler du suicide à quelqu’un qui va mal, c’est l’occasion pour la personne en souffrance de se sentir reconnue, et ainsi faciliter une demande d’aide et de soutien. •R epérer des signes d’alerte au niveau comportemental, verbal et somatique : - Affectifs : tristesse intense, anxiété, incapacité à éprouver du plaisir, manque d’envie… - Intellectuels : difficulté à se concentrer, dévalorisation de soi, pensées négatives… - Sociaux : repli sur soi, isolement... - Physiques : fatigue, ralentissement des gestes, de la parole… - Corporels : altération du sommeil et de l’appétit… Chez la personne âgée, s’ajoutent les spécificités suivantes : apathie, agressivité, plaintes concernant la mémoire, les douleurs physiques ou l’impression d’être un poids pour les autres. • Repérer des facteurs de protection. Ils peuvent s’inscrire sur deux registres différents : des ressources internes (propres à la personne) ou des ressources externes (propres à l’environnement).
/ AGES DE LA VIE /
Analyse
Effectifs, taux standardisés* de décès par suicide et pourcentage de décès par suicide dans la mortalité totale selon le sexe et la classe d’âge – France métropolitaine, 2014.
1-14
Nb décès 15
HOMMES Taux pour % mortalité Nb 100 000 totale décès 0,3 2,4% 12
FEMMES Taux pour 100 000 0,2
% mortalité Nb totale décès 2,5% 27
DEUX SEXES Taux pour % mortalité 100 000 totale 0,2 2,4%
15-24
281
7,5
16,6%
92
2,5
15,0%
373
5,0
16,2%
25-54 ans 25-34
3 210 679
26,1 17,6
12,5% 21,9%
950 171
7,5 4,3
7,2% 14,3%
4 160 850
16,8 10,9
10,7% 19,8%
35-44
1 106
26,4
18,2%
299
7,0
9,2%
1 405
16,7
15,1%
45-54
1 425
33,4
8,6%
480
10,9
5,4%
1 905
22,2
7,5%
55-74 ans
1 830
27,5
2,1%
746
10,2
1,7%
2 576
18,9
2,0%
55-64
1 127
29,0
3,1%
443
10,6
2,5%
1 570
19,8
2,9%
65-74
703
75 ans ou + 1 325 75-84 851
25,7
1,5%
303
9,8
1,2%
1 006
17,7
1,4%
59,4 50,3
0,8% 1,1%
424 269
11,4 11,2
0,2% 0,4%
1 749 1 120
35,4 30,8
0,5% 0,8%
85-94
458
83,8
0,6%
146
12,0
0,1%
604
47,9
0,3%
95 et +
16
72,7
0,2%
9
9,8
0,03%
25
41,3
0,1%
Tous Ages
6 661
23,1
2,4%
2 224
6,8
0,8%
8 885
14,9
1,6%
Ressources internes : avoir une bonne capacité d’adaptation, avoir une bonne estime de soi, savoir demander et rechercher du soutien, avoir la croyance, la foi en quelque chose (religion...). Ressources environnementales : être inscrit dans un rôle actif et valorisant dans la communauté (activités sportives, de loisirs, investissement associatif…), avoir un bon soutien social (famille, amis), être dans un dispositif de soins (traitement d’une dépression, psychothérapie).
Une organisation des acteurs de prévention et d’intervention
L’engagement des politiques publiques est important : la prévention de la dépression et du suicide s’inscrit dans la « Prise en compte de la souffrance psychique de la personne âgée : prévention, repérage, accompagnement », d’après les recommandations de bonnes pratiques professionnelles de l’Anesm*, suivant 5 axes : • La prévention continue de la souffrance psychique, • Le repérage précoce des signes de souffrance psychique, • La prise en charge interdisciplinaire de la souffrance psychique, • La gestion des situations de crise suicidaire, • Cas pratiques pour l’appropriation de la recommandation.
Elles s’adressent principalement aux professionnels des « établissements et services qui accueillent des personnes âgées ou qui leur apportent à domicile une assistance dans les actes quotidiens de la vie, des prestations de soins ou une aide à l’insertion ». (Article L312-1, alinéa 6 du CASF). L’intervention recommandée pour la prévention du suicide suppose la coordination des acteurs à trois niveaux : • Les personnes qui ont un rôle d’alerte : les personnes sentinelles en contact direct avec les personnes âgées (intervenant à domicile, pharmacien, dentiste...), les associations de bénévoles dans le cadre du programme MONALISA. • Les personnes qui analysent l’alerte : médecins généralistes, secteur médico-social (équipes médico-sociales départementales, CLIC, CCAS). • Les personnes qui traitent l’alerte et accompagnent les personnes : coordination gérontologique (équipes médico-sociales départementales, CLIC, CCAS, réseaux et filières gériatriques), psychologues et secteur psychiatrique (hospitalier et libéral)) en lien avec le médecin généraliste. En matière de prévention du suicide, la citoyenneté s’affirme par une vigilance au quotidien.
C’est toute la distance qui sépare « regarder » et « voir », comme « entendre » et « écouter ». L’UNPS s’adresse à ses adhérents pour, ensemble, explorer les pistes et les réflexions susceptibles de développer la prise de conscience de tous qu’une prévention du suicide est possible : - encourager la démarche empathique de chacun face au mal-être et au suicide, - soutenir une approche plurielle face au risque suicidaire, - et faire reconnaître l’implication de ses membres dans la coordination globale des actions de prévention territoriales et nationales. l
*Anesm : Agence nationale de l’évaluation de la qualité des établissements et des services sociaux et médico-sociaux.
EN SAVOIR
+
L’Union nationale pour la prévention du suicide (UNPS) Parmi les associations adhérentes de l’UNPS, plusieurs sont explicitement dédiées aux Ainés, soit par leur public cible, comme Solitude Ecoute, au sein des Petits Frères des Pauvres, ou ADAG, réseau spécifique des personnes âgées de l’Ain, ou l’ACPPA en Rhône-Alpes, gestionnaire d’EHPAD ; soit par les caractéristiques propres de leurs adhérents (Familles endeuillées : Jonathan Pierres Vivantes, FEVSD…) ; soit par une partie de leurs activités (Suicide Ecoute, Suicide Phénix…). Le réseau UNPS développe des liens associatifs forts pour partager les réalités, au niveau des besoins des personnes, des réponses et moyens existants et des engagements institutionnels, collectifs et familiaux. + d’infos sur www.unps.fr
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RÉALITÉS FAMILIALES#FAMILLES ET SANTÉ MENTALE#2017
Impact des troubles psychiques sur les familles La suppression dans les années 1970-80 de 60 000 lits d’hôpital spécialisé a complètement changé la donne du soin psychiatrique en France. La famille qui était tenue comme la cause des troubles est maintenant considérée comme un « aidant naturel » et la demeure familiale est devenue un lieu de soin. Thérèse PRÊCHEUR Administratrice de l’UNAFAM – Représentante UNAFAM à la Conférence des mouvements de l’UNAF
C
e changement de pratiques, de paradigme, essentiellement lié à des problèmes économiques, présente l’avantage de déstigmatiser la maladie psychique mais ne tient aucun compte de la spécificité de la psychose et de son impact violent sur la famille.
Les premiers symptômes
« Qu’est-ce qu’il nous fait ? » Un coup de tonnerre dans un ciel serein, ou une insidieuse arrivée à bas bruit ? La maladie psychique va se déclarer différemment en fonction du caractère de la personne, des événements, du contexte... Une chose est sûre, vous ne reconnaissez plus votre proche : lui, d’habitude si travailleur, ne fait plus rien, ou il s’isole, devient agressif. Ou alors, il ne dort plus, fait des achats inconsidérés, tient des propos décalés, se déconnecte peu à peu du réel. Vous ne
« Dès que la maladie est là, toute la famille s’envole, il n’y a plus personne. C’est comme lorsque les parents sont âgés, vieillissent : 90 % n’ont pas le temps. Les autres ont le sens du devoir, s’y collent. Mon autre fils a un parcours tout à fait normal. Ce qu’il en pense ? On n’en parle pas. Ça doit beaucoup l’inquiéter, mais je ne sais pas. Dans la fratrie, ils ne sont que deux : il sait bien qu’il n’y a pas d’échappatoire, c’est lui qui va hériter du bébé, lequel a tout de même déjà bientôt trente ans. Il a conscience de sa mission future, quand nous ne serons plus là. »
Matthieu (père)
savez plus que faire. Vous attendez en pensant : « Ca va passer, c’est l’adolescence... » Mais, ça empire, l’atmosphère est chaque jour plus tendue. L’un des autres enfants vous lance : « Mais, les parents, faites quelque chose ! » Faire quoi ? Consulter un médecin. Mais votre proche refuse tout net. C’est l’impasse. En pratique : Si vous vous posez des questions sur le comportement d’un de vos proches parlez-en à un spécialiste : psychologue, psychiatre, Centre Médico-Psychologique (CMP).
L’entrée dans la maladie
« Le délire, ça ne peut pas arriver chez nous ! » Et pourtant ces maladies arrivent à tout âge, dans tous les milieux, dans toutes les sociétés. Pour chacun les problèmes vont se poser différemment. Une personne en dépression acceptera d’aller voir un psychiatre, une autre souffrant de troubles bipolaires ou de schizophrénie pourra rester longtemps dans le déni de ses troubles. Force est de constater que la stigmatisation reste sévère et constitue un frein considérable à l’acceptation des soins. « Les psychiatres c’est pour les fous », pense-t-elle. La situation peut se dégrader jusqu’au moment où la famille, n’en pouvant plus, sera obligée de contraindre aux soins celui qui n’en sent pas l’utilité. Et pourtant ses manifestations de souffrance psychique sont tellement évidentes ! En pratique : Si les troubles
sont avérés, des soins sont nécessaires, volontaires parfois, acceptés de mauvaise grâce souvent, d’autres fois encore, sans consentement. La loi du 5 juillet 2011 encadre les soins sans consentement.
Les soins sans consentement
« Ils l’ont mis en isolement ! » Voici une particularité de la psychiatrie, qu’on ne rencontre pas dans les autres branches de la médecine. Le comportement de la personne en souffrance est tel que parfois il est fait recours à cette pratique (encadrée mais de plus en plus décriée...). Il faut bien admettre que ces troubles sont difficiles à soigner, le diagnostic délicat à poser, les soins pas évidents à prescrire. Ceci fait que les familles sont encore parfois tenues à l’écart, peu informées. La première visite dans un service de psychiatrie peut être traumatisante pour la famille : les portes sont fermées à clé, vous attendez dans un sas qu’on vienne vous ouvrir, et parfois la visite n’est pas permise. En pratique : Lors d’une hospitalisation, demandez à être reçu, écouté et informé. Maintenez un contact très proche avec le service. Préparez avec le plus grand soin la sortie d’hospitalisation, en lien avec les soignants.
Et après …
En fin de compte, la personne a reçu des soins, soit en libéral, soit dans un CMP, soit en hospi-
/ LIENS FAMILIAUX ET ENTOURAGE /
talisation complète dans une clinique ou un hôpital spécialisé. Le plus souvent, le retour à la maison va se faire directement faute de place dans un centre de postcure... et personne n’est préparé à ce retour malgré tout l’amour et la meilleure volonté du monde. « Nous avons besoin d’aide ! » Tel est le sentiment de l’entourage. « Il a tellement changé... nous ne le reconnaissons plus... il n’a plus les mêmes codes que nous... il ne veut plus prendre son traitement... Nous sommes perdus. » Les questions identitaires taraudent : « C’est elle qui est folle ou c’est moi ? » La crise psychotique attaque la pensée de celui qui la vit mais également celle de celui qui en est témoin. Ce dernier ne sait plus comment se situer et réagir devant des comportements aussi imprévisibles. Le sentiment d’impuissance absolue ou d’invasion totale, physique et psychique, annihile ses capacités. Il perd la conscience de ses limites et de son identité. Ceci est particulièrement problématique pour l’entourage jeune en pleine croissance. En pratique : Informez-vous. Rejoignez une association spécialisée dans l’accompagnement des familles confrontées aux troubles psychiques. Participez à des groupes de parole, stages, journées d’étude, groupes d’entraide, conférences organisés par l’UNAFAM.
La fratrie
« Et nous, on n’existe pas ? » Quand l’angoisse est telle que le souci est constant, que les réponses ne sont pas trouvées, les parents se focalisent sur la personne malade et c’est bien compréhensible. Mais les frères et sœurs peuvent se sentir abandonnés. Ils risquent de ne pas exprimer leurs propres difficultés pour ne pas ajouter au malêtre général. Or, eux aussi ont particulièrement besoin d’aide. Ils sont souvent les premiers à détecter les signes avant-coureurs, font souvent face au déni
des parents qui ne peuvent encore accepter une éventualité aussi douloureuse. Ne nous étonnons pas de leur demande d’aller en pension ou de prendre un emploi à des centaines de kilomètres. Ils vont aussi se poser des questions sur l’hérédité lorsqu’il y aura un projet d’enfant. En pratique : Organisez la vie familiale de façon à laisser à vos autres enfants la possibilité de mener leur propre vie, de voir leurs amis, de prendre des loisirs. Ecoutez-les, proposez leur d’aller parler à un psychologue, de rejoindre un groupe de frères et sœurs ou un groupe de parole de l’UNAFAM.
« La naissance de notre deuxième enfant a donné un coup d’accélérateur à son mal-être, puis le décès coup sur coup de ses parents a amplifié ses difficultés. Il s’est aussi considérablement amaigri. Il refusait de consulter le moindre médecin, pas même un dentiste. Son hygiène commençait à être très limite. Il ne prenait plus soin de lui. Son allure était vraiment différente. Mais comme la situation avait glissé, très graduellement, je ne m’en apercevais pas vraiment. »
Elise (épouse)
La vie en couple
« Ca passe ou ça craque ». Dans un tel tsunami, les couples sont mis à rude épreuve. L’homme et la femme réagissent chacun à leur façon à l’événement, avec des tempos différents. Les jugements négatifs peuvent fuser très rapidement : - « Tu le protèges trop, une vraie mère poule, il ne pourra jamais devenir adulte » - « Toi, tu es beaucoup trop lointain et froid : il va se sentir abandonné. Tu exiges trop et vas le décourager. » Faute d’information, ces protagonistes risquent de ne rien comprendre à cette situation inédite et de ne pas y répondre de manière adaptée. En pratique : L’adaptation à la maladie psychique est indispensable au couple s’il veut tenir le coup : il réfléchira aux stratégies à adopter dans le cadre qui est le sien. Importance de continuer à vivre ensemble une vie sociale : rencontre d’amis, avoir des activités, des loisirs communs….
Les questions en suspens
« Est-ce qu’on l’invite au mariage ? » Les fêtes, rassemblements familiaux et amicaux sont des occasions de stress intense. Les cousins vont poser des questions, qui sous leur aspect bienveillant, seront vécues comme intrusives. Les comparaisons avec les uns et les autres vont fuser. La personne
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en souffrance risque de faire des éclats, redoutés de tous. En pratique : Il est important d’informer la famille et les amis de la situation et de leur donner quelques indications sur la conduite à tenir : discrétion, calme, bienveillance.
L’accompagnement
« On a été content de trouver cette association-là. » Lorsque l’on a la chance de trouver les services adéquats, des soins de réhabilitation, un accompagnement pour être dans un logement (collectif ou individuel) et avoir des activités, cela aide grandement au rétablissement
Que devenons-nous au long cours ?
« Quand je pense à ce que nous étions... » La résilience, ça existe vraiment. Au regard des difficultés innombrables et des stress écrasants, nous constatons des changements prodigieux. Lorsque les personnes de l’entourage tiennent le coup, avec l’aide d’un travail entre pairs, elles développent un sens de l’écoute, de l’accueil, une sensibilité, une prise en compte de la différence. Elles s’adaptent à un rythme, une pensée et des croyances autres. « L’être » prend le devant sur le « faire ». En définitive, n’est-ce pas cela qui compte dans une vie ? l
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RÉALITÉS FAMILIALES#FAMILLES ET SANTÉ MENTALE#2017
Communication positive parents-enfants, pour une relation épanouie Les êtres humains, et en premier lieu les enfants, ont besoin d’amour pour s’épanouir. L’amour répond complètement aux besoins de l’enfant, quel que soit son âge. En tant que parents, nous souhaitons tous transmettre notre amour à nos enfants. Mais l’amour reste, pour beaucoup, une notion abstraite, difficile à incarner dans les attitudes quotidiennes. Arnaud RIOU
Texte tiré du livre « Pour une parentalité bienveillante » d’Arnaud Riou, éditions Leduc.s (2017)
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ourtant, il existe une forme d’amour que nous pouvons ressentir et partager, et qui comble tous les besoins vitaux de l’enfant. Elle renforce son estime de soi, favorise sa confiance en lui, améliore la qualité de ses relations avec son entourage. Elle permet de désamorcer, chez lui, les comportements violents et peut l’aider dans sa scolarité. D’un point de vue pratique, cette forme d’amour ne vous coûtera pas d’argent et ne vous demandera que cinq minutes par jour ! Cette forme d’amour s’appelle l’écoute. Savoir écouter est l’une des façons les plus concrètes d’aimer, c’est aussi la base de toute communication. […]
Une écoute attentive
[…] Dans la pyramide des besoins, celui d’être entendu fait partie des besoins de base. Pour nous construire, nous avons besoin d’être reconnus pour ce que nous sommes. […] Lorsqu’un enfant s’adresse à vous, il ne vient pas forcément chercher une solution à la question qu’il vous pose. Même s’il arrive avec une demande, il vient généralement pour deux raisons : soit pour vous dire qui il est, soit pour que vous l’aidiez à découvrir qui il est.
Les besoins de l’enfant
Pour s’apaiser sur l’origine du conflit, l’enfant a besoin,
au préa lable, d’être reconnu dans sa sphère émotionnelle. Comment se sent-il ? Est-il en colère, déçu, découragé, triste, inquiet ? Comment a-t-il vécu ce qui vient de se passer ? Ce sont ces questions que les parents devraient poser dans une attitude d’écoute. Cette écoute sera d’autant plus bénéfique qu’elle intégrera les trois qualités fondamentales : l’attention, la bienveillance et l’équanimité. […]
Porter une réelle attention
« On ne voit bien qu’avec le cœur, l’essentiel est invisible pour les yeux », dit le renard au Petit Prince, dans l’œuvre de SaintExupéry. Vous apprendrez beaucoup en écoutant autrement qu’avec vos seules oreilles. Laissez résonner l’histoire que vous raconte votre enfant dans tout votre corps. Écoutez par les pores de votre peau. Laissezvous toucher. N’analysez pas ce que dit votre enfant, ne raisonnez pas, laissez-le résonner en vous — c’est bien différent. Comportez-vous comme si vous aviez des antennes capables de décrypter l’invisible, vous serez surpris de ce qu’elles vous apprendront. Regardez attentivement l’enfant : par exemple, comment se tient-il pour vous raconter son histoire ? Son attitude physique vous renseignera sur ce qu’il ressent. L’enfant vous semble-
t-il inquiet ? Son rythme est-il lent, rapide ? Son regard est-il direct, fuyant ? Prenez le temps d’être attentif, pas seulement aux mots de votre enfant, mais à la façon dont il parle. Parle-til fort ? Chuchote-t-il ? Que vous inspire son intonation ? Votre attention sera plus aisée si vous prenez de la distance pendant votre observation ; regardez votre enfant comme si c’était la première fois, ou la dernière. En étant attentif, vous décrypterez ce que l’enfant assume et ce dont il a honte. À ce stade, et pour maintenir cette qualité d’écoute, résistez absolument au réflexe qui consiste à vouloir solutionner le problème ou à faire dévier votre écoute. Gardez-vous bien également de porter un jugement, quoi que vous perceviez. Ne dites pas : « J’ai l’impression que tu mens, je vois bien que tu ne me regardes pas dans les yeux », ce qui aurait pour effet de déstabiliser l’enfant ou de lui donner l’impression qu’il est manipulé. Soyez juste attentif ; silencieux et attentif. Faites éventuellement préciser l’enfant : « Et qu’est-ce que ça t’a fait à toi ? » Aidez-le à parler de lui et de ce qu’il ressent, créez un lien sincère, soyez ami avec lui : « Ainsi, tu étais très en colère ? » Assurez-vous que vous ne jugez pas l’enfant. Même si son comportement ne
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Les conseils de famille
rentre pas dans les codes établis ou dans vos valeurs, écoutez-le attentivement, sans intervenir, même s’il a désobéi, même s’il a menti, même s’il a honte, même s’il vous surprend : « Tu as voulu taper ton ami ? », « Tu as eu envie de voler cet objet ? », « Tu m’en veux encore, c’est ça ? ». C’est cette qualité d’attention qui vous ouvrira à la seconde qualité. […]
Écouter vraiment l’enfant
« De toute façon, vous êtes tous ligués contre moi… », proteste l’enfant. « Tu te sens seul, tu aimerais te sentir davantage soutenu, c’est ça ? » recadre alors le parent. Le recadrage est une technique de communication très utile dans le monde des adultes, notamment dans des situations de négociation, d’animation de réunions, de gestion de conflits. Recadrer, c’est permettre à celui qui parle d’en revenir aux faits et à la façon dont il les a vécus, c’est le faire passer du « vous êtes » à « je me suis senti » pour qu’il ne fasse pas de généralités, qu’il ne conclue pas que tout le monde pense comme lui, qu’il n’exagère pas, qu’il sorte du jugement ou qu’il n’interprète pas l’intention de l’autre. Lorsque votre enfant s’exprime, lorsqu’il vous parle de sa journée et de la façon dont il l’a vécue, si vous êtes un parent attentif, vous serez vigilant à ne pas lui couper la parole, à ne pas tenter de solutionner rapidement le problème, à ne pas lui faire la morale ; autrement dit, vous éviterez toutes les interventions que nous venons
d’évoquer. Moins le parent intervient pendant l’écoute, plus l’écoute servira vraiment à quelque chose. Mais une écoute attentive n’est pas pour autant une écoute silencieuse. Si vous devez être vigilant à ne pas couper le fil de l’histoire de l’enfant, vous pouvez, de plus, l’aider à rester sur ses rails. […]
Amener l’enfant à identifier ses besoins et à faire des demandes
Ce point est fondamental, car bien souvent nous répondons aux besoins de l’enfant avant même qu’il nous en ait fait la demande. C’est ce comportement qui l’amène à se plaindre, à se couper de ses besoins, et à ne plus savoir ce qu’il veut. Or, pour établir des comportements responsables, les enfants ont besoin d’apprendre à la fois à faire des demandes et à les adresser aux personnes compétentes pour y répondre. […] L’enfant sera aidé si le parent, dans ce cas, l’amène à transformer sa plainte en demande : « Qu’attends-tu de moi ? Tu as une demande à me faire ? » Cette attitude me semble très saine, car elle encourage l’enfant à prendre la responsabilité de ses demandes. Ce faisant, l’enfant se dégage des comportements qui reposent sur la plainte, la critique et le reproche pour adopter une attitude responsable qui consiste à exprimer ses besoins, à parler de lui et de ce qu’il ressent, et à faire des demandes précises aux personnes concernées. […]
Cette dernière section s’adresse davantage aux familles nombreuses. Toutes les structures de vie en collectivité disposent d’un espace où chacun peut librement exprimer ce qu’il ressent, ce qui le met en joie comme ce qui l’irrite. […] Le conseil de famille est un espace qui permet à chacun, d’une part, de s’exprimer, d’autre part, de s’accorder avec les autres sur des règles de vie en commun. Les enfants ont besoin de règles, et ils souffrent lorsque des règles arbitraires leur sont imposées de façon imprévisible en fonction de l’humeur des parents. […] Les parents qui souhaitent établir un conseil de famille verront leur projet s’épanouir plus harmonieusement s’ils sont vigilants à ne pas donner à cette structure un caractère trop rigide. Un conseil de famille peut être ludique et ne durer que quelques minutes. Il apportera de la cohésion à votre maison, surtout si vous ne perdez pas de vue sa raison d’être : offrir un cadre supplémentaire qui vous permette de réellement manifester la forme la plus visible de l’amour que vous portez à vos enfants — votre écoute. Notre vision du monde n’est pas le monde, et ce que voient les parents n’est pas ce que voient les enfants. […] Chacun aura une vision bien différente en fonction de sa propre histoire et de ses influences. Notre intelligence est notre faculté de nous adapter à l’autre. Ainsi, l’intelligence du parent n’est-elle pas d’opposer son expérience à celle de l’enfant ni de lui imposer son expérience comme un modèle. En écoutant avec un réel intérêt le point de vue de l’enfant, le parent en apprendra plus sur son enfant, sur lui-même et sur la relation. l
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Crazy’App : comprendre et changer les représentations sur les troubles psychiques En France, les troubles psychiques sont peu ou mal connus, alors qu’ils concernent directement une personne sur cinq qui, au cours de sa vie, est ou sera confrontée à la maladie mentale. Ces pathologies, mal connues du grand public affectent près de 20 % de la population française, soit 12 millions de personnes. Margot MORGIÈVE
Attitudes et croyances
Chercheuse en sciences humaines et sociales, PhD. ICM - Institut du Cerveau et de la Moelle épinière (équipe BEBG), Fondation FondaMental & CERMES3 - Centre de Recherche Médecine, Sciences, Santé, Santé Mentale et Société.
La stigmatisation est un processus qui transforme les caractéristiques d’une personne en une marque négative ou d’infériorité aux yeux d’un groupe social. Elle comporte une dimension représentationnelle (stéréotypes et préjugés) et comportementale (discrimination). La plupart des recherches menées sur la stigmatisation liée aux troubles mentaux se sont centrées sur la première dimension, à savoir les attitudes et les croyances. Un profil très négatif se dégage de ces représentations : les personnes ayant des troubles psychiques, particulièrement les schizophrènes sont perçues comme imprévisibles, agressives, dangereuses, moins intelligentes et déraisonnables. La dévalorisation et la discrimination d’une partie du public à l’égard des personnes présentant des troubles psychiques poussent ces dernières à adopter des stratégies comme le secret ou de replis sur soi pour éviter ces réactions négatives. Cette stratégie de dissimulation est coûteuse car elle affecte l’identité de ces personnes qui doivent apprendre à vivre comme si elles n’étaient pas malades et qui se trouvent contraintes de ne jamais parler, jamais montrer leur maladie. Ces personnes peuvent même craindre par anticipation des attitudes négatives de la part de leur famille,
amis ou employeurs alors même que ce n’est pas forcément le cas : c’est le processus d’autostigmatisation. La peur, l’embarras et la stigmatisation sont ainsi des facteurs qui contribuent à la réticence à demander de l’aide et à rechercher un traitement et retardent objectivement la prise en charge des troubles mentaux.
Familles, proches, aidants
La stigmatisation ajoute une dimension de souffrance à l’expérience de la maladie qui conduit à un isolement, une dévaluation et une exclusion sociale. Elle n’affecte pas uniquement les personnes présentant des troubles psychiques mais également leurs familles. La maladie mentale confronte les patients et leurs proches à de nombreux changements au quotidien dus à la maladie et à la stigmatisation qu’ils subissent à cause du trouble. Les aidants familiaux peuvent ainsi être négativement touchés par le stress associé aux symptômes de la maladie, l’épuisement lié au fait d’assister les patients dans leurs besoins et le manque de soutien. L’épuisement est caractérisé par un sentiment de détresse, d’inquiétude, de culpabilité et de rupture dans le quotidien qui peut à son tour avoir des effets négatifs sur les interactions sociales et familiales et la réduction du temps de loisir.
Peut-on réduire la stigmatisation ? Les recherches portant sur les attitudes de la population à l’égard des personnes présentant des troubles physiques ou psychologiques montrent que les handicaps associés à la maladie mentale se classent parmi ceux qui sont les moins acceptés socialement. Les stéréotypes et préjugés associés aux troubles mentaux ont un impact négatif sur la prise en charge (recours aux soins, observance du traitement) et la qualité de vie en société des personnes (estime de soi, stress, isolement, logement, emploi...). La lutte contre la stigmatisation et la discrimination des personnes atteintes de troubles mentaux a émergé comme un axe prioritaire des politiques publiques en matière de santé mentale depuis le début des années 2000 avec la reconnaissance légale du handicap psychique par exemple (loi du 11 février 2005), mais réduire les perceptions négatives du public envers les problèmes de santé mentale est une tâche immense qui n’a eu jusqu’ici qu’un succès limité. La plupart des interventions visant la réduction de la stigmatisation ont tenté d’entrainer des changements dans les attitudes de la population en favorisant une compréhension scientifique de troubles spécifiques. Or, les enquêtes ont montré que
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l’apport d’explications neurobiologiques ne suffit pas pour réduire la stigmatisation et que cela peut même provoquer des réactions fortement négatives.
Enquêter sur les représentations
La recherche sociologique sur les représentations des maladies mentales peut permettre de faire un état des lieux des connaissances et attitudes de la population générale et d’identifier les freins à l’inclusion des personnes présentant des troubles de santé mentale. Les représentations sociales correspondent à l’ensemble des connaissances scientifiques, populaires, des images, valeurs, croyances et opinions partagées par les membres d’un même groupe, elles ont une fonction identitaire car elles permettent de créer une limite entre ce groupe et les autres. Les représentations permettent de comprendre et d’expliquer le monde dans lequel le sujet évolue et créent des attentes qui orientent ses pratiques par rapport à la réalité. Dans la relation de soin en général et particulièrement dans le champ de la santé mentale, la prise en compte des représentations et attentes des différents acteurs est un élément essentiel d’amélioration du processus de soin : en amont de la prise en charge, dans le choix de la stratégie thérapeutique, et dans la consolidation de l’alliance thérapeutique. Bien que moins étudiée, la relation des patients avec leurs proches dépend elle aussi des représentations de chacun, lesquelles ont ainsi un impact important sur l’évolution clinique et le vécu de la maladie. À ce jour le peu d’études existantes sur le sujet sont essentiellement basées sur la grande enquête « Santé mentale en population générale » (SMPG) conduite par le Ministère de la Santé et l’OMS il y a plus de dix ans. Donc c’est un thème qui reste véritablement à investiguer. Dans ce contexte Crazy’App a été conçue comme une enquête originale sur les représentations des Français
sur la santé mentale (http :// www.crazyapp.fr). Elle a été réalisée par des chercheurs du Centre de recherche, médecine, sciences, santé, santé mentale, société (CERMES3) et de l’Institut du Cerveau et de la Moelle épinière (ICM) en partenariat avec la Cité des sciences et de l’industrie, la fondation Philippe et Maria Halphen et l’association Meeting for Minds. Plus vivante qu’une enquête traditionnelle, la Crazy’App a invité les participants à répondre à un questionnaire en ligne à l’aide de vidéos réalisées avec des personnes vivant avec la maladie. Il nous a ainsi été possible d’évaluer les représentations de la population en regardant une « vraie personne » (contrairement à ce qui est habituellement fait : où, au mieux, on interroge les gens sur la base d’une description d’un cas clinique exposé mais plus souvent en les faisant seulement réagir à une « étiquette », par exemple : « Que pensez-vous des schizophrènes ? »). L’enquête a ainsi permis d’établir un état des lieux des représentations et comportements potentiellement stigmatisants vis-à-vis de quatre troubles psychiques : l’anorexie, la bipolarité, le trouble obsessionnel compulsif (TOC) et la dépendance à l’alcool. L’enquête a aussi été conçue comme pouvant contribuer à faire évoluer les représentations du grand public par l’intermédiaire d’un espace web pédagogique confrontant leurs réponses à celles d’experts psychiatres.
« Déjeuneriez-vous avec des bipolaires ? »
5 830 personnes ont accédé à l’enquête Crazy’App et on compte 2 600 répondants pour chaque trouble. Les répondants ont en moyenne 36 ans, 75 % sont des femmes, 35 % déclarent avoir ou avoir eu un problème de santé mentale et 38 % déclarent avoir déjà consulté pour un problème de santé mentale. La fiabilité avec laquelle les participants ont reconnu le diagnostic de chacun des troubles présentés et leurs réponses quant aux causes de ces mala-
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La peur, l’embarras et la stigmatisation sont des facteurs qui retardent objectivement la prise en charge des troubles mentaux. dies, combinant à la fois des influences environnementales et neurobiologiques, informent d’une bonne connaissance des troubles psychiques. Quel que soit le trouble, la plupart des répondants rejettent les causes relatives à la spiritualité mystique ou religieuse, à la pollution et à la nutrition, et soulignent les causes relatives au vécu et au psychisme (histoire de vie, événements de vie, psychologie). Néanmoins 50 % des répondants rejettent l’existence de causes neurologiques pour l’anorexie et l’addiction alors qu’ils sont plus de 80 % à les identifier pour la bipolarité et le TOC. Au-delà des différentes dimensions explorées par la Crazy’App sur les causes, les conséquences, les traitements possibles ou souhaitables, l’un des résultats majeurs réside dans le fait que le dispositif d’enquête en lui-même favorise l’expression d’attitudes positives à l’égard des personnes présentant de troubles psychiques. En effet, les réponses aux questions ne se faisaient pas seulement par rapport à une sous-population définie par un trouble (« les anorexiques », « les bipolaires », « les alcooliques », « les toqués ») mais par rapport à une personne singulière qui s’est exprimée sur son vécu en vidéo et dont la personne enquêtée a vu le visage, le corps et la gestuelle. C’est une situation qui tend à générer de l’empathie et de la sympathie. L’enquête Crazy’App confirme ainsi la nécessité de mettre en place des programmes de déstigmatisation basés sur des interventions qui prévoient des contacts avec les personnes présentant un trouble psychique dans un contexte d’éducation plutôt que des campagnes d’information désincarnée à grande échelle. l
+ d’infos sur www.crazyapp.fr
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RÉALITÉS FAMILIALES#FAMILLES ET SANTÉ MENTALE#2017
Mieux-être à l’école : l’estime de soi en questions Qualité de base pour tout individu, l’estime de soi correspond à la valeur que chacun s’accorde, à partir de la conscience de ses ressources et de ses manques, de sa capacité à surmonter les obstacles, à rectifier ses erreurs et à trouver des solutions pour agir.
Sylvie GAISNE Rééducatrice en RASED « Métier en voie de disparition ? »
FNAREN, à partir d’un texte FNAREN pour Climat scolaire
C
e sentiment personnel se construit et évolue tout au long de la vie, à partir de ses expériences propres à travers le regard de l’autre.
Pourquoi la question de l’estime de soi se pose à l’école ?
L’estime de soi est fondamentale car elle est nécessaire aux réussites scolaires et permet autonomie de pensée et prise de risque pour se lancer et progresser dans tout apprentissage. Nouveauté, surprise, difficulté, tâtonnement, échec, déstabilisation et restructuration sont parties intégrantes de tout apprentissage. Celui qui apprend doit posséder une sorte de « capital confiance », des repères et l’assurance qu’il ne sera pas anéanti par l’épreuve. L’estime de soi se construit selon des modalités repérées : • que le sujet soit acteur de ses expérimentations et auteur de ses stratégies ; • que les expériences soient suffisamment variées, vécues dans différents domaines et en interactions. L’acquisition de l’estime de soi met en jeu dimensions affectives, sociales et cognitives. L’enfant prend ainsi progressivement conscience de sa capacité à se mobiliser et à supporter de s’engager dans ce risque d’apprentissage pour devenir un élève capable d’apprendre parmi les autres.
L’enfant doit pouvoir entreprendre, construire ce qu’il n’est pas sûr de réussir immédiatement. L’école joue ici un rôle important car elle institue la reconnaissance du droit à la non-réussite, à l’erreur et aux réajustements... et du temps pour apprendre. Le regard que portent adultes et élèves de l’école peut être destructeur ou constructeur de l’estime de soi. Lorsque l’école pointe les écarts à la norme, elle isole l’enfant dans la difficulté voire l’étiquette. Par contre, si elle s’adapte, reconnaît et propose à chaque élève une place et un cheminement, y compris une aide ajustée pour apprendre à son rythme, à partir de ses ressources, elle contribue à restaurer confiance et bonne estime de soi.
Ce qui favorise une bonne estime de soi
Sentiment de sécurité, grâce à des repères stables avec l’accompagnement de personnes sécurisantes, dignes de confiance, qui posent des règles claires, concrètes et constantes (espace hors menaces)1. Sentiment d’appartenance par la qualité de la place et de l’accueil réservés à chacun. L’appartenance facilite l’acceptation de l’autre, l’intégration de tous et les apports de chacun au groupe dans un mieux vivre ensemble. Cela nécessite d’instituer des espaces d’échanges
où l’individu - de là où il est - puisse s’exprimer car il est avant tout un être social. Connaissance de soi et des autres par une approche et des exigences éducatives qui valorisent de multiples formes d’intelligence2. Les émotions que l’enfant explore et exprime quand il est en découverte de lui au travers d’activité libre ou d’expression créative, l’apprentissage de savoir-être(s), de la gestion personnelle des conflits permettent aussi l’affirmation de soi, tout en développant les relations aux pairs et un meilleur climat scolaire. Sentiment de compétences car le besoin fondamental de réussite met à distance la construction d’une identité négative. Pour oser s’engager, mettre en place les stratégies qui lui permettront de surmonter les difficultés qu’il rencontre et atteindre l’objectif qu’il poursuit, l’enfant doit d’abord pouvoir s’appuyer sur ses ressources.
Influences de l’école sur l’estime de soi
L’exigence scolaire amène de passer du statut d’enfant à celui d’élève. Elle peut influer sur l’estime de soi car elle induit une autonomie, un développement autre : changement de repères, adaptation à de nouvelles personnes, relations et nouveaux codes parfois très différents de ceux qui ont été construits dans
1/ « JE est un Autre- Pour un dialogue pédagogie-psychanalyse » - Jacques Lévine, Jeanne Moll. ESF Editions. 2001 2/ (H. Gardner)
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la famille. La première exigence de séparation de l’enfant avec sa famille demande parfois du temps, pour se rencontrer, se comprendre, (s’) apprendre. En milieu scolaire, mise en place et renforcement du sentiment d’appartenance passent par une co-réflexion constructive et non conflictuelle entre famille et école. Or la cohérence favorisant l’accrochage scolaire ne va pas de soi ; il peut être nécessaire de prendre le temps de co-construire un cadre bienveillant où chacun peut être acteur. L’école se doit d’être sécurisante et protectrice, d’instituer des règles et des pratiques éducatives communes au service d’objectifs favorisant l’estime de soi. L’espace et le temps pensés à l’école : des repères spatio-temporels stables sont nécessaires pour construire un sentiment de sécurité pour enfants et adultes. L’aménagement de l’espace scolaire : l’espace doit être aménagé de façon à offrir un cadre sécurisant, contenant, apaisant, définissant clairement des limites entre espaces personnels et collectifs d’activités (classe, cour…) de déplacement (couloirs, entrée), de repos (dortoir). L’aménagement du temps scolaire : l’emploi du temps doit être organisé en respectant rythme et bien-être de l’enfant. Il lui permet de construire ses repères, de pouvoir anticiper, d’avoir un projet. La construction de situations de réussite : tout enfant, petit d’Humain, est éducable et l’école peut le faire progresser. Outre les aides pertinentes apportées, il s’agit de mettre en place des situations où l’élève peut réussir et être valorisé pour lui permettre de prendre conscience qu’il peut et sait faire, de développer le sentiment de compétence et d’évolution. Aussi l’attitude bienveillante des enseignants va permettre à l’enfant de surmonter les difficultés, d’oser prendre des risques et
ainsi de développer son estime de soi. Le statut de l’erreur : l’erreur ne doit pas être synonyme d’échec, mais « curseur de réussite ». L’erreur reste trop souvent une faute sanctionnée par une mauvaise note-appréciation (toujours réductrice, et parfois démobilisante), au lieu de servir de base pour permettre à chaque élève de mesurer le chemin parcouru, et d’entrer dans une dynamique soutenue de progrès. Le statut de l’évaluation : les adultes accompagnant l’élève doivent être vigilants aux finalités, moyens et temps de l’évaluation car c’est le principal ressort du processus d’acquisition du sentiment de compétence. L’évaluation doit aider l’élève à prendre conscience de la valeur de ses compétences (être, faire, connaître), réfléchir à la façon dont il les développe, identifier la prochaine étape d’acquisition et comprendre comment il peut utiliser ses ressources et compétences pour apprendre les savoirs inconnus.
Travail du rééducateur : accompagner la construction-restauration de l’estime de soi dans l’école
Bon nombre de difficultés scolaires sont liées à la construction d’une faible estime de soi, qu’elle soit le fait des élèves, parfois de leurs parents, voire des enseignants. Chacun, de sa place, peut ressentir douloureusement la difficulté à dépasser certains obstacles, et se trouver fragilisé, perdant une partie de ses repères, de ses moyens et de sa créativité. Le rééducateur de l’Éducation nationale intervient dans le champ de l’adaptation scolaire pour tout enfant, de la maternelle au CM2. Cet enseignant spécialisé n’est plus en responsabilité d’une classe mais intervient auprès des élèves, parents et enseignants, à travers des actions de prévention en direc-
3/ CEPE (Construire Ensemble la Politique de l’Enfance)
tion des classes ou dans le cadre de remédiations auprès d’un petit groupe d’élèves, ou d’un élève en particulier. De fait, il a une fonction de médiateur-tiers et est un professionnel étayant de la mise en œuvre du principe d’éducabilité. La prévention : Si prévenir la difficulté scolaire et ses coûteuses conséquences est l’affaire de tous les acteurs du système éducatif ; la posture et l’expérience spécifiques du rééducateur lui permettent de mettre en place des projets ciblés, notamment autour de la construction de l’estime de soi à l’école. Le professionnel élabore avec les enseignants des projets d’accueil pour qu’enfant et parents puissent se risquer à se séparer le plus sereinement possible, que chaque enfant puisse investir les apprentissages scolaires parmi les autres. Il organise des espaces de rencontre et de parole où tous les interlocuteurs sont importants (atelier pour les élèves, entretiens co-réflexifs avec les enseignants, rencontre avec les parents). Il cherche à ce que l’enfant puisse construire en toute sécurité des liens entre son monde privé et les codes de l’école. Cette conception « prévenante » et non prédictive de la prévention3 vise à (re)donner à chacun confiance en soi, en ses potentialités, pour s’engager activement dans le monde de l’école et des savoirs. La mise en place de ces projets de prévention précoce en direction de tous les enfants y com-
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L’estime de soi est fondamentale car elle est nécessaire aux réussites scolaires.
pris de ceux pouvant relever du handicap permettent d’éviter l’apparition-installation-amplification de difficultés et participent à l’adaptation de l’école à tous. La remédiation : • Auprès des parents : devenir parents d’élève ne va pas de soi et il est important que les parents puissent mieux gérer leur stress et réduire leurs doutes quant à leurs capacités éducatives pour accompagner leur enfant dans un projet scolaire. Le rééducateur accompagne afin que les parents puissent (re)trouver une place au sein de l’institution scolaire, pour ensemble chercher à comprendre la situation et aider l’enfant à mieux réussir à l’école. Il s’agit alors de souligner les forces même si les difficultés sont abordées, faire appel à leur propre estime de parents quels que soient leurs vécus d’élèves, rendre explicite les attendus, favoriser une vision plus globale et nuancée de la situation et sortir de l’image parfois réductrice que renvoie un élève en difficulté. Ainsi les parents ont une meilleure image de leur enfant et de l’école. • Auprès des enseignants : « expair » et spécialiste des relations au scolaire, le rééducateur organise des temps pour favoriser mise en mots des dif-
ficultés rencontrées, questionnements et élaboration. L’objectif est de mettre à distance ce qui fait problème et de faire évoluer les représentations de chacun. Il induit ainsi une réflexion (re)mobilisante pour construire-mener des projets d’enseignement en direction de ces élèves pour lesquels l’école « ne va pas de soi », afin que ces enfants puissent à leur tour (re)trouver, dans leurs projets d’apprentissage, une dynamique de plaisir à être des élèves. • Auprès de l’élève pour lequel l’enseignant demande de l’aide parce que les adaptations mises en place en classe ne permettent pas de dépasser les difficultés qui se manifestent (inhibition, immaturité, agitation, communication et relations difficiles, inappétence, refus, souffrance). Rééducateur et enseignant collaborent EN SAVOIR
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en complémentarité pour travailler spécifiquement au sein de l’école afin de permettre à ces enfants d’y trouver une place et aussi de (re)découvrir des processus de création, expérimentation, échanges, élaboration, communication et expression. Contrairement aux préconisations actuelles, tout rééducateur, enseignant spécialisé RASED, doit pouvoir continuer à travailler directement avec ces enfants qui ne peuvent pas répondre aux attentes à un moment donné : en panne d’apprendre et en souffrance. Ces professionnels interviennent dans le cadre ajusté d’un projet d’aide spécialisée pour que l’enfant améliore son estime de soi, dépasse les blocages qui parasitent ou figent sa pensée, et puisse développer progressivement une attitude d’élève et un projet d’apprendre, tant au niveau de son comportement que de son efficience intellectuelle.
L’avenir du mieux-être dans l’école, un enjeu sociétal
Je pense que si l’école, institution publique, se veut inclusive, elle doit se donner les moyens dont ces différents professionnels complémentaires et suffisamment formés pour mieux accueillir les enfants, identifier les besoins mais aussi apporter les aides nécessaires y compris directes à l’enfant qui ne parvient pas à être élève… « Faire ce qu’on dit, l’école de la confiance » affirme notre ministre… Chiche ! l
FNAREN - Fédération Nationale des Associations départementales des Rééducateurs de l’Education Nationale
Force de proposition avec son comité scientifique et ses partenaires agit notamment pour que la formation spécifique soit réellement professionnalisante (nouvelle formation modulaire CAPPEI aide relationnelle depuis février 2007) et que les postes identifiés « G » soient en nombre suffisant partout (diminution de 50 % depuis M. Darcos 2008) pour permettre un travail différencié efficace en réseau. + d’infos sur www.fnaren.fr
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INTERVIEW
Parents avec une maladie mentale : quels impacts pour les enfants ? De nombreux enfants grandissent avec un parent atteint d’une pathologie psychique. Jaqueline Wendland a dirigé l’ouvrage « La parentalité à l’épreuve de la maladie ou du handicap : quel impact pour les enfants ? », qui s’intéresse notamment aux parents atteints par une maladie mentale et formule des recommandations sur des actions préventives et de soutien destinées à toute la famille. Jaqueline WENDLAND
Les enfants de parents touchés par la maladie mentale sont-ils une population particulièrement vulnérable ? Pourquoi ? De manière générale, les enfants de parents présentant un trouble psychiatrique sont des enfants plus vulnérables d’un point de vue psychologique : il peut avoir une composante génétique, héréditaire pour certaines maladies, mais aussi et surtout des facteurs environnementaux. Le fait de grandir avec une mère dépressive augmente les risques que l’enfant développe une dépression ou un autre trouble, ou ait des difficultés dans son développement. L’impact sur les enfants dépend en fait de très nombreux facteurs.
Quels sont ces facteurs qui vont déterminer l’impact de la maladie sur les enfants ?
Tout dépend de la maladie mentale du parent : elles sont tout de même assez différentes. Des psychoses, des troubles graves de la personnalité, ne vont pas affecter de la même manière qu’un trouble anxieux, dépressif ou des TOC… La nature de la pathologie, sa gravité, la phase de la maladie, la qualité du suivi et des soins entrent également en ligne de compte, la présence ou non d’un conjoint sain et soutenant, d’un entourage familial également soutenant ou non. Dans certains cas, des crises surviennent de façon quotidienne et dans les phases aigues, la personne n’arrive pas à fonctionner normalement avec sa maladie. Pour d’autres, la parentalité n’est pas empêchée au quotidien, la maladie entrave peu la disponibilité, mais le parent est parfois moins sensible aux besoins de l’enfant, moins à l’écoute, les déchiffre moins bien, mais il est là quand même. Il assure un « minimum ». Dans les cas extrêmes, le parent malade n’est pas en état de s’occuper de son enfant et la situation peut pré-
senter un danger. On assiste ainsi à la survenue d’accidents domestiques pour des enfants en bas âge et livrés à eux-mêmes, des enfants que le parent « oublie » d’aller chercher à l’école… La maladie peut aussi se déclarer plus tard, quand l’enfant est déjà là. L’enfant qui a connu son parent en bonne santé ne vit pas les choses de la même manière. D’une manière générale, les enfants de parents malades ont tendance à prendre en charge les aspects de la vie quotidienne que les parents ne peuvent pas assurer. On appelle ce phénomène la parentification : ces enfants qui prennent en charge la maison, les courses. Cela peut être des enfants qui ont une hyper maturité, sont très préoccupés par leurs parents. A l’adolescence, certains prennent même en charge la maison, les factures… Parfois aux prix de leurs loisirs, de leur insouciance, d’une certaine sécurité. Mais cette maturité peut conférer certains bénéfices secondaires aux ados : ils peuvent se sentir valorisés par ces responsabilités, profiter d’une liberté plus précoce…
Quel rôle joue alors le reste de la famille et l’entourage en général ?
L’entourage, c’est une autre grande variable qui joue un rôle central sur le devenir des enfants. Si la maman est malade, mais que le papa va bien, la situation peut être satisfaisante pour les enfants. En revanche, parfois - ce n’est pas rare - les deux parents sont atteints : deux personnes avec des troubles psychiatriques qui se rencontrent sur leur lieu de soins, tombent amoureux et se mettent en couple... La situation est alors plus compliquée. De façon élargie, grands-parents, frères et sœurs, et parfois amis proches s’ils sont disponibles ont un rôle important pour compenser certains manques ou carences de soins quand les parents ne peuvent pas assumer complètement. Dans certains cas,
Professeur de Psychologie clinique et Psychopathologie de la parentalité, première enfance et périnatalité et psychologue à l’Unité Petite Enfance et Parentalité Vivaldi (CHU Pitié-Salpêtrière, Paris).
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« On ne dit pas assez combien, dès lors que le patient éclate et souffre, la famille entière à son tour éclate et souffre. (…) A l’époque, je découvrais la maladie de mon père, sans comprendre. Je débutais ma vie professionnelle, sentimentale. Ça m’a perturbé tellement que j’ai fui. C’était dans les années 80. Déjà, il n’y avait pas d’aide pour la famille.
Jocelyne (fille)
les troubles psychiques des parents trouvent leur origine dans leurs familles respectives : maltraitances, troubles psychiatriques chez les grandsparents… Du coup l’aide n’est pas satifaisante.
Comment repérer les enfants « invisibles », ceux qui ne sont pas accompagnés, ni par l’entourage familial, ni par les professionnels du soin, ni par des travailleurs sociaux ?
Souvent les enfants dont les parents ne sont pas suivis ou dont les troubles psychiques ne sont pas diagnostiqués n’osent pas parler car ils peuvent être pris dans ce qu’on appelle un conflit de loyauté : « si je parle de ce qui se passe à la maison, mon père ou ma mère risque d’être hospitalisé et je risque moi-même d’être placé, la justice va venir mettre son nez dans notre famille ». Déjà, changer le regard de la société sur les troubles mentaux et le handicap psychique est essentiel. Cela permettrait aux enfants de parler plus facilement, y compris à l’école, avec moins de réticence et sans craindre les moqueries et les stigmatisations parce que leur parent n’est pas comme les autres. Ce travail est nécessaire. A l’école, il est rare que l’on s’inquiète de la santé mentale des parents. La plupart du temps, personne ne sait rien. Alors que cet endroit, où les enfants passent énormément de temps, pourrait devenir un lieu d’épanouissement où les enfants sont déchargés des contraintes, des inquiétudes.
Existe-t-il des dispositifs d’accompagnement efficaces pour aider ces familles ?
à lire...
La parentalité à l’épreuve de la maladie ou du handicap : quel impact pour les enfants ? Jaqueline Wendland, Emilie Boujut, Thomas Saïas – Editions Champ Social (2017)
Des dispositifs existent mais ils sont très inégalement répartis sur le territoire français. Dans certains territoires, il n’y a pas de structure de soutien à la parentalité, les familles sont seules à porter les malades. Dans d’autres endroits, le tissu associatif et médico-psychosocial est très dense et les accompagnements spécifiques sont bien développés. Parmi les lacunes que nous avons repérées : il existe très peu d’informations dédiées aux enfants sur les troubles mentaux des parents. Pour les adolescents, c’est un peu mieux : des groupes de parole leur sont destinés pour les aider à comprendre et à s’exprimer. Ce n’est pas le cas pour les enfants : à moins qu’eux-mêmes ne présentent des troubles psychologiques, ils sont rarement suivis. Non qu’ils aient forcément besoin d’un suivi psychologique, mais un accompagnement, une attention particulière est nécessaire pour mettre des mots sur les problèmes de
leurs parents, et ce très tôt. D’une manière générale, les services qui reçoivent les parents atteints par une maladie mentale devraient donner plus la parole aux enfants, y compris aux tout-petits. Les moins de 3 ans repèrent très vite que leur parent ne va pas bien. Par exemple : une maman qui pleure, un papa qui fait des crises, une rupture dans le quotidien liée à une hospitalisation… Il est important de mettre la situation en mots clairs, adaptés et d’expliquer les difficultés que rencontrent les parents. Les parents aussi ont besoin de parler de la façon dont leur maladie interagit avec leur parentalité, comment ils vivent leur rôle de parent, et pas uniquement du point de vue de leur trouble. Il est nécessaire de les aider à prendre confiance en leurs capacités, en leurs compétences de parents, parfois aussi à connaître leurs limites. Avoir des enfants peut avoir des effets très positifs sur la vie des personnes malades : cela devient une raison, une motivation supplémentaire pour aller bien. Devenir parent donne un nouveau statut, une nouvelle identité. On n’est plus uniquement un « malade ». On assiste ainsi à des stabilisations. Pour d’autres personnes, la charge de cette responsabilité est insurmontable et les fragilise davantage. C’est pour cette raison qu’il existe des consultations préconceptionnelles consacrées à évoquer toutes ces questions, imaginer la suite, se préparer… Mais aussi penser à des choses plus concrètes : la poursuite ou l’adaptation du traitement pendant la grossesse. Il faut également prévoir la phase du post-partum, particulièrement à risque, par exemple pour les personnes souffrant de troubles bipolaires. Avant même l’arrivée de l’enfant, ces questions peuvent être évoquées. Certaines personnes renoncent alors à devenir parent. Aujourd’hui, il y a quand même moins de stigmatisation par rapport aux parents malades psychiques qu’il y a 20 ans. A l’époque, on incitait fortement les femmes à avorter. Aujourd’hui, personne n’est légitime pour conseiller cette alternative, pour décider qui peut ou non devenir parent. La société a heureusement évolué, même si les préjugés persistent.
À l’issue de vos recherches, allezvous formuler des recommandations d’actions à mener ?
C’est le but de la démarche. Cet ouvrage synthétise deux ans de recherches autour des travaux scientifiques existants sur le développement et le devenir des enfants vivant avec des parents malades ou handicapés. Depuis septembre, nous sommes entrés dans une 2e phase : nous réalisons des entretiens avec des professionnels du domaine sanitaire et social pour connaître leur avis sur les situations, les besoins, les représentations autour de la parentalité, de la maladie et du handicap. Un 3e volet, pour entendre les familles et les proches des malades, est à l’étude. l
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Travail social et accueil des troubles psychiques Sous la dénomination de travailleurs sociaux se cachent plusieurs qualifications : l’éducateur, l’assistant social, le conseiller en économie sociale et familial. Pendant leur formation, tous reçoivent des apports théoriques en matière de connaissance des différentes pathologies et handicaps psychiques pouvant toucher les publics dont ils auront la charge.
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es stages pratiques sont proposés pour faire des liens entre connaissances académiques et expériences de terrain. Pour autant, la réalité de l’exercice du métier reste une épreuve du quotidien, notamment pour de jeunes professionnels qui ont à s’inscrire à la fois dans des liens singuliers à l’usager, mais également dans des institutions avec chacune son projet et son fonctionnement.
Le quotidien à l’épreuve de relations complexes et frustrantes
Etre confronté à la maladie psychique impose une relation à l’autre qui ne fonctionne pas en référence à des normes sociales et communicationnelles attendues et maitrisées. Les professionnels s’engagent dans des échanges qui ne vont pas de soi. Les personnes qui souffrent de troubles psychiques peuvent avoir un discours altéré, une pensée incohérente, un rapport à la réalité étrange. Elles expriment des affects anxiogènes, parfois sans retenue, dans des moments de crise ou des périodes d’instabilité. Elles peuvent glisser vers des comportements à risque qui les menacent ou menacent leur entourage. C’est à cet autre « étrange » que le professionnel doit porter attention. Ce corps à corps psychique et physique tisse un lien particulier où aidants et aidés se cherchent et se protègent à la fois. Ils s’engagent tous deux dans un face à face qui doit
garder toute sa spécificité : soit dans un lien éducatif qui développe des attitudes et comportements socialisés, soit dans un lien thérapeutique qui apporte les soins nécessaires à un traitement des symptômes, soit dans lien pédagogique qui vise à « apprendre à apprendre », à la fois des savoirs de base, mais également des stratégies cognitives. Cette relation asymétrique convie le professionnel à se rendre disponible, à l’écoute des besoins de la personne, dans une recherche constante de réponses adaptées aux besoins tels qu’ils ont été identifiés. Pour autant, la prise en charge est rarement linéaire, les acquis sont difficilement consolidables. Quand certains progrès laissent croire à une amélioration, un événement imprévu vient à nouveau fragiliser l’édifice. C’est alors la déception qui s’empare des intervenants, la frustration aussi, quand ils ont l’impression d’avoir mis toutes leurs compétences et leurs savoirs être dans leur travail, et que les objectifs sont en deçà de ceux espérés, ou quand une phase de régression vient mettre à mal tout ce qui a été fait en amont. C’est pourquoi les travailleurs sociaux fonctionnent souvent en équipe pluridisciplinaire mêlant autant que possible personnel du soin, de l’enseignement et de l’accompagnement. Ils partagent leur approche de l’usager au cours de réunion de synthèse pour construire avec leurs collègues des prises en charge plus globales. Enfin,
les institutions proposent des espaces d’analyse de la pratique professionnelle pour leur permettre de comprendre ce que chacun engage dans la relation à cet autre si différent.
Monique SOULARD PECHBERTY Psychologue clinicienne Formatrice UNAFOR Centre de Formation de l’UNAF
Quand il faut aller bien là où la personne va mal
Souvent, les travailleurs sociaux qui gravitent autour de la personne qui souffre de troubles psychiques cherchent à aménager autour d’elle un environnement protecteur et sécurisant. Ils mobilisent toutes les aides possibles, au niveau socio administratif et financier, mais également au niveau des soutiens nécessaires à la compensation du handicap psychique. Cette fonction permet de garantir leurs droits fondamentaux, mais également leur inscription dans la société. Or, les professionnels observent une démission de certains partenaires dès qu’une personne est placée en institution. Comme si la structure devait avoir toutes les réponses à tous les problèmes posés par la personne, comme si le maintien d’une situation stable et satisfaisante relevait de sa seule responsabilité. Cette logique partenariale génère un mouvement de repli institutionnel où
« J’ai des difficultés à avoir des activités en ville. Je fais la marmotte, j’ai besoin d’être sollicité et de sentir le lien avec l’extérieur, sentir que j’ai une place et que j’existe pour quelqu’un »
Driss
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psychiques, les professionnels qui en ont la charge devant faire pour elle, voire prendre leur place sur la scène sociale, bien au-delà de ce qui est nécessaire parfois. Ils deviennent la partie « saine » de la personne, occultant la partie malade et en souffrance qui reste alors confinée entre les murs de l’institution.
Regard croisé travailleurs sociaux / familles : le malentendu est-il nécessaire ?
Il est important de reconnaître le sentiment de dépossession qu’une famille peut ressentir quand elle voit un proche confié à une institution.
*Lire aussi p.72 et 74
EN SAVOIR
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les professionnels vont essayer de trouver seuls des solutions aux problèmes qui se posent à « leurs usagers », sans plus rechercher de contact à l’extérieur. A l’opposé, les partenaires vont s’adresser aux travailleurs sociaux référents sans chercher à rencontrer l’usager. Ce glissement efface la place même des personnes qui souffrent de troubles psychiques. En effet, pourquoi s’adresser directement à elles alors qu’un professionnel sait pour elles, fait pour elles, et de façon efficace et cohérente ? Pourquoi « perdre du temps » avec quelqu’un qui présentent des altérations, alors qu’un référent peut répondre pour lui ? Pourquoi s’engager dans une relation complexe et insécure quand il est possible de l’éviter en s’adressant à un professionnel ? Cette attitude partenariale reste un vrai problème pour l’inclusion des personnes souffrant de troubles
Monique Soulard-Pechberty, psychologue clinicienne, intervient à l’UNAFOR pour former les mandataires judiciaires à la protection des majeurs. Elle anime également des groupes d’analyse de la pratique professionnelle et participe à des missions d’audit, de conseil et d’élaboration de projet auprès de structures du secteur social et médico-social.
La place des familles dans les institutions en charge des publics souffrant de troubles psychiques est de plus en plus reconnue, voire recherchée. La loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico sociale leur donne une place réelle. Les familles ont accès au projet de l’institution, au règlement de fonctionnement, et dans de nombreux cas, au projet d’accompagnement ou de soins de leur proche. Pour autant, les relations restent problématiques sur le terrain. Du côté des familles, la nécessité de confier un proche à des professionnels n’est pas toujours vécue de façon sereine. Certaines se sentent démunies, impuissantes, mises à mal dans leur rôle protecteur ou éducatif. Inconsciemment, elles peuvent développer un sentiment de culpabilité, de honte parfois. Les institutions les renvoient à une place où elles seraient en échec. De l’autre côté, les professionnels peuvent se sentir jugés, « épiés » par les familles qui seraient à la recherche de la faute, de la mauvaise posture professionnelle. En attendant la faille, elles maintiendraient une forme de pression sur les équipes et les institutions. La conflictualité de ce face à face entre professionnels et familles est très présente dans les discours institutionnels. Cette tension doit être prise en compte pour améliorer les liens de collaboration et éviter toute dérive vers des rivalités imaginaires ou des fonctionnements toxiques. Il est important de reconnaître le sentiment de dépossession
qu’une famille peut ressentir quand elle confie un proche à une institution. Que le placement soit choisi ou subi (intervention d’un juge, placement psychiatrique), il reste que le parent proche n’est plus la seule référence dans l’environnement de la personne qui souffre de troubles psychiques. Il doit partager sa place avec des « gens » extérieurs à la famille. Les professionnels ont alors à rassurer les familles en se positionnant clairement du côté d’une prise en charge maitrisée, alliant savoir-faire et savoir-être, en offrant une pratique lisible et objectivable. Ils doivent se montrer pédagogues pour favoriser la compréhension et l’acceptation du travail qui est assuré par les équipes. L’intérêt est double dans cette recherche de collaboration : les personnes accueillies en institution ne sont pas prises dans des conflits de loyauté entre la famille et le professionnel, ne pouvant choisir ni l’une ni l’autre sous peine de trahir et les uns, et les autres. Les familles et les professionnels reconnaissent avoir besoin les uns des autres, dans un souci de complémentarité et ce, dans le seul intérêt de la personne qui souffre.
Accueillir la maladie psychique : une responsabilité partagée
La maladie mentale renvoie à une angoisse de morcellement ou d’effondrement, angoisse projetée parfois massivement et brutalement vers l’extérieur. Les personnes qui l’accueillent se doivent d’offrir une posture solide et congruente pour amortir la souffrance et construire autour de la personne une protection apaisante. Pour soutenir la fonction contenante de cette enveloppe, il faut une alliance bienveillante entre tous les acteurs qui gravitent autour de la personne, professionnels et familles réunis. C’est dans une même visée d’accueil, de soutien et d’accompagnement qu’un projet d’amélioration ou d’inclusion peut se dessiner et se mettre en œuvre, dans l’intérêt unique de la personne. l
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Les pratiques parentales doivent-elles relever de la juridiction de la santé publique ? S’il faut tout dire, la furor sanandi, pas plus que tout autre fanatisme, ne saurait être de quelque utilité à la société humaine. (Freud S., 1915, Observations sur l’amour de transfert.) Xavier BRIFFAULT
L’intérêt des pouvoirs publics pour notre santé mentale n’a jamais été aussi grand. Qu’il s’agisse de nous éviter d’être déprimés, anxieux, en burn-out, en carence de compétences psychosociales, agressifs envers nous-mêmes ou autrui, de trop manger, trop boire, trop fumer, etc., le dispositif de santé publique multiplie les programmes de prévention et de prise en charge de notre mal-être.
C
eci s’accompagne d’une politisation croissante des enjeux. Dans les sociétés démocratiques contemporaines, la « bonne » santé mentale définit en effet largement ce qu’est une « bonne » vie et constitue de plus en plus, selon les termes du sociologue Alain Ehrenberg, une « raison d’agir »1. S’agissant de santé publique, ce mouvement se présente comme œuvrant pour l’amélioration du bien-être de la population et de chacun de ses membres, en s’appuyant sur des interventions efficaces, fondées sur des données scientifiques probantes, inscrites dans un paradigme d’evidencebased practices2. Pour autant, ce
mouvement bienveillant mérite qu’on l’examine3. En effet, le caractère « total » des ambitions de la santé publique dans ce domaine laisse supposer que ce sera bientôt le tout de l’humain qui relèvera de sa juridiction. C’est ce qu’entreprend cet article en examinant comment le dispositif d’evidence-based mental medicine de la santé publique s’empare de l’un des lieux privilégiés de construction du dit humain, la famille. Il s’appuie sur un travail d’analyse approfondie - dont on trouvera les développements dans Santé mentale, santé publique : un pavé dans la mare des bonnes intentions4 - d’un programme
de formation aux « bonnes pratiques parentales » destiné à prévenir les troubles mentaux et les usages de substances addictives chez les enfants (le programme SFP5) qui sert de base au Programme de Soutien aux Familles et à la Parentalité (PFSP) mis en œuvre par l’Institut national de prévention et d’éducation à la santé (INPES) et poursuivi par l’Agence nationale de santé publique (Santé Publique France) dans le cadre de son programme « Santé mentale », avec des déclinaisons sur l’ensemble du territoire français par différentes agences régionales de santé (ARS) et comités départementaux d’éducation pour la santé (CODES)6.
1/ Ehrenberg A., 2010, La Société du malaise, Paris, Odile Jacob. 2/ Geddes J. et al., 1998, « Evidence-Based Practice in Mental Health », Evidence-Based Mental Health, 1(1) : 30-36. ; Stout C. E., Hayes R. A., 2004, The Evidence-Based Practice : Methods, Models and Tools for Mental Health Professionals, John Wiley & Sons. 3/ Jourdan D., 2012, La Santé publique au service du bien commun : politiques et pratiques de prévention à l’épreuve du discernement éthique, Paris, Éditions de santé ; Peretti-Watel P., Moatti J.-P., 2009, Le Principe de prévention : le culte de la santé et ses dérives, Paris, Le Seuil. 4/ Briffault X., 2016, Santé mentale, santé publique : un pavé dans la mare des bonnes intentions, Grenoble, PUG. 5/ Kumpfer K. L. et al., 2008, « Cultural Adaptation Process for International Dissemination of the Strengthening Families Program », Eval. Health Prof., 31 (2) : 226-239. ; Spoth R. L., Redmond C., Shin C., 2001, « Randomized Trial of Brief Family Interventions for General Populations : Adolescent Substance Use Outcomes 4 Years Following Baseline », J. Consult. Clin. Psychol., 69 (4) : 627-642. 6/ Roehrig C., 2013, « Programme de soutien aux familles et à la parentalité ˝SFP 6-11 ans“ : description et facteurs d’influence potentiels de son implantation en France », Global Health Promotion, 20 (2) : 8-12.
Chargé de recherche HDR au CNRS Membre du Conseil Scientifique de la Santé Publique France
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« On parle souvent de la stigmatisation de nos proches malades, mais même si le sujet est délicat et moins souvent évoqué, on remarque, et particulièrement dans le monde de la psychiatrie toujours baigné par la psychanalyse, une véritable stigmatisation des familles considérées comme presque systématiquement toxiques. Soit on couve trop, soit on abandonne. Les proches sont hélas encore mis en avant comme cause unique de la pathologie »
Eric (père) Intervenir le plus en amont chez le plus grand nombre possible Mieux vaut prévenir que guérir, dit la sagesse populaire, et le dispositif de santé publique fait largement sien cet adage. De fait, les problèmes de santé mentale sont difficiles à résoudre, leurs conséquences sont majeures, les thérapeutiques existantes peinent souvent à éviter la chronicisation des troubles. La rhétorique de justification d’actions préventives précoces convainc donc aisément ; nul ne conteste qu’il vaudrait mieux les éviter. Et quelle prévention plus précoce, et donc plus efficace, que d’agir sur le très jeune enfant, voire sur l’enfant qui n’est pas encore né, en agissant sur ses (futurs) parents ? Selon le psychologue canadien Richard Tremblay, célèbre pour ses travaux sur la violence des enfants, une véritable intervention préventive doit débuter avant l’âge de 18 mois, et même avant la conception. Pour l’auteur du quasi-eugéniste « Developmental Origins of Disruptive Behaviour Problems : the “Original Sin Hypothesis“, Epigenetics and their Consequences for Prevention »7, les interventions préventives sur l’enfant sont en fait des « interventions correctives sur les mères qui ont une longue histoire de problèmes d’adapta-
tion sociale et mentale ». Pour Richard Tremblay, le temps est venu d’investir massivement dans l’évaluation expérimentale d’interventions préventives de grande ampleur, menées de façon collaborative au niveau international. Pour cela, « les essais contrôlés randomisés sont le meilleur outil pour tester des hypothèses causales, tout en testant des interventions efficaces », ce « de la période prénatale jusqu’à au moins la période prénatale de la troisième génération ». Il ne s’agit plus de tenter de parvenir à une compréhension approfondie du fonctionnement humain. Les approches compréhensives des sciences humaines et sociales sont ici avantageusement remplacées par une série de tests expérimentaux transgénérationnels sur des groupes de population, visant à apporter la preuve de ce qui marche ou pas pour réduire les problèmes ciblés. Mais quelles populations et quels problèmes cibler ? Une stratégie commune des préventeurs est qu’il vaut mieux viser un risque bénin qui concerne toute la population que de cibler une fraction de celle-ci exposée à un risque grave8. En effet, les actions ciblées sont difficiles à mettre en œuvre. Il est plus facile de mener des campagnes
de masse qui enjoignent à chacun de moins boire, ou de mettre en place des programmes de formations parentales structurant les pratiques parentales autour de la prévention de la future consommation du jeune enfant. Tout cela repose sur une hypothèse éminemment contestable : celle selon laquelle il existerait une continuité entre les différents niveaux d’intensité d’une conduite donnée, et en particulier entre les comportements moyens et les abus pathologiques. La conséquence est que les « seuils de risque » à partir desquels il devient légitime d’intervenir ne cessent de baisser, puisqu’on dispose avec le développement de la santé publique de moyens accrus d’interventions de masse qui ont des effets très faibles, mais sur des populations très importantes. Justifier une intervention qui agit marginalement sur un facteur marginalement relié à un problème devient donc plus facile, puisque l’effet général engendré est supposé être pondérable. L’idéal de la santé publique est en fait d’intervenir le plus tôt possible sur l’ensemble de la population.
Cibler les principaux contributeurs au fardeau des maladies
Intervenir dès la naissance ou même avant, et sur tout le monde… mais sur quel problème ? En santé publique, il est d’usage de raisonner sur la base du « fardeau global des maladies » (burden of disease)9, un indicateur des années de vies perdues en raison de la mortalité ou de la morbidité des maladies, considérant qu’il est rationnel d’investir les moyens le plus importants sur les problèmes qui ont le plus d’impact et, dans une perspective de prévention, sur les facteurs qui augmentent les risques de ces problèmes. Ce fardeau est calculé à partir de
7/ Tremblay R. E., 2010, « Developmental Origins of Disruptive Behaviour Problems : the “Original Sin Hypothesis“, Epigenetics and their Consequences for Prevention », J. Child Psychol. Psychiatry, 51 (4) : 341-367. 8/ Patrick Peretti-Watel et Jean-Paul Moatti (2009) 9/ Granados D. et al., 2005, « Les “Années de vie ajustées sur l’incapacité“ : un outil d’aide à la définition des priorités de santé publique ? », Revue d’épidémiologie et de santé publique, 53 (2) : 111-125. 10/ Vos T. et al., 2015, « Global, Regional and National Incidence, Prevalence and Years Lived with Disability for 301 Acute and Chronic Diseases and Injuries in 188 Countries, 1990-2013 : A Systematic Analysis for the Global Burden of Disease Study 2013 », The Lancet, 386 (9995) : 743-800.
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larges études épidémiologiques dans lesquelles l’OMS joue un rôle central10. Les troubles de santé mentale y jouent un rôle majeur, tout particulièrement la dépression et les addictions aux substances toxiques, qui sont les cibles principales de nombreux programmes de formation aux bonnes pratiques parentales, dont le programme SFP auquel nous nous intéressons. Il est donc rationnel, d’un point de vue épidémiologique, économique et politique, d’engager les moyens visant à prévenir l’usage de ces substances. Pour cela, les programmes evidencebased de formation aux bonnes pratiques parentales sont des outils particulièrement appréciés et promus par les institutions de santé publique. Faciles à mettre en œuvre à l’identique sur de multiples sites (le programme SFP se compose ainsi d’un manuel suffisamment simple pour que trois jours de formation suffisent aux futurs animateurs pour conduire un groupe d’une dizaine de parents-enfants pendant quatorze semaines), leur promesse d’une parentalité scientifiquement validée les rend attractifs et peu stigmatisants. À cet égard, ils ont un potentiel sérieux d’extension à l’ensemble de la population, et pas seulement aux « groupes à risques élevés » auxquels ils étaient initialement destinés (enfants de parents toxicomanes en centre de désintoxication par exemple).
Les « raisonnements de l’ours » en santé publique « Le raisonnement de l’ours » est le titre d’un texte du philosophe contemporain Vincent Descombes (2007) inspiré de la fable de Jean de la Fontaine L’Ours et l’amateur des jardins. Un ours, soucieux de la quiétude de la sieste de son ami jardinier dérangé par une mouche importune, y écrase celle-ci d’un coup de pavé bien ajusté, fracassant du même coup la tête du dormeur. L’ours, dit Descombes, est un mauvais raisonneur : « Il raisonne mal, parce qu’il raisonne comme un monomaniaque. Il se comporte comme un agent attaché à un but unique, visant obstinément un objectif posé de façon inconditionnelle ou inaccessible à toute révision au cours de la réflexion sur les moyens d’atteindre le but. La prémisse manquante est évidemment que le vieillard doit continuer à dormir (et donc à vivre). » Le premier but à atteindre faisait lui-même partie d’un but plus général avec lequel il ne doit pas s’avérer contradictoire. C’est une faute similaire de raisonnement que commet le dispositif de santé publique en mettant en œuvre des actions de lutte contre les addictions par la formation aux bonnes pratiques parentales, au moyen de programmes manualisés conçus il y a plusieurs décennies et testés
dans quelques écoles d’Iowa du Sud (Briffault, 2016), sans vraiment se préoccuper de ce que contiennent ces programmes, au seul motif qu’ils seraient scientifiquement démontrés comme efficaces et que ladite efficacité primerait sur toute autre considération. Considérons, par exemple, l’une des préconisations centrales du programme SFP, formulée dans la cinquième des quatorze séances du programme sous la dénomination « récompenser / ignorer ». Il s’agit en fait de la classique technique skinnérienne de conditionnement opérant avec renforcement des comportements souhaités par la récompense et extinction des comportements non souhaités par l’ignorance (conditionnement opérant avec punition négative)11. La technique est présentée ainsi : « Le truc est d’aider les enfants à apprendre qu’ils obtiendront de l’attention pour les comportements que vous voulez, tandis qu’ils seront ignorés pour les comportements que vous ne voulez pas. Pour ignorer les comportements non voulus : 1. Ne regardez pas l’enfant : détournez-vous totalement de lui, afin de ne pas lui donner le moindre signe d’attention. 2. Ne parlez pas à l’enfant, même s’il vous demande pourquoi vous l’ignorez. Sinon, vous lui apportez une récompense en lui portant attention. Ne touchez pas l’enfant, ne le laissez pas vous toucher. Ne dites à l’enfant pourquoi vous l’ignorez que lorsque le comportement a cessé. 3. Si le comportement persiste, c’est peut-être qu’il est récompensé par d’autres. Expliquez aux autres (amis, proches) qu’il faut ignorer le comportement et comment le faire » Pourtant, de nombreux travaux montrent que l’utilisation parentale de techniques de « contrôle psychologique »
11/ Freixa i Baque E., 1981, « Une mise au point de quelques concepts et termes employés dans le domaine du conditionnement opérant », L’Année psychologique, 81 (1) : 123-129..
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– dont la définition comprend l’item « lorsque mon enfant se comporte mal, je cesse de lui parler jusqu’à ce qu’il me satisfasse à nouveau » – est délétère pour l’enfant et que ce sont des facteurs de risque de développement de troubles mentaux graves12. De nombreuses autres préconisations du programme SFP, et d’autres programmes de parentalité, posent des problèmes d’une gravité similaire ou supérieure.
La fin justifie les moyens. Mais quelle fin ?
Avant de proposer des programmes de ce type aux parents et aux enfants français au seul motif qu’ils seraient « evidencebased » et prétendent décaler de quelques mois chez un enfant sur dix la première consommation d’alcool non autorisée, il est impératif de mener un débat éthique, c’est-à-dire non plus seulement en termes de choix des moyens, mais en termes de choix des finalités. La relation parent-enfant est massivement structurante du psychisme et de la totalité de la vie de l’enfant. C’est, avec l’école, le principal
lieu d’éducation et de socialisation de l’enfant et de l’adolescent. Les programmes evidence-based de formation aux bonnes pratiques parentales ne sont pas de simples boîtes à outils. Ils sont massivement structurants de la parentalité et des pratiques parentales et, à ce titre, ils ont un potentiel majeur de définition de ce qu’est un « bon enfant », et de façonnage de la vie de l’enfant. La légitimité de ce façonnage par des programmes destinés à modifier des indicateurs de santé publique doit être questionnée, aussi evidence-based ces programmes soient-ils. Le paradigme evidence-based a certes de nombreux avantages. Parmi ceux-ci figure l’obligation de justifier rationnellement les choix en y incluant l’analyse critique des données des publications du champ scientifique, plutôt qu’en étant uniquement opinion-based, dogma-based, eminence-based ou tout autre forme de position a priori . Mais il présente aussi de redoutables risques, au premier rang desquels figure celui, s’agissant du
thème de cet article, pour les parents ou les professionnels qui les accompagnent de ne plus être les agents « en charge de tout un ensemble complexe et diffus de fins qu’il lui appartient d’ordonner dans sa délibération »14, mais de simples opérateurs d’un processus sociotechnique qui définit la relation parent-enfant comme un cas d’espèce subordonné au cas général de la relation sujet expérimental-étude expérimentale15. Ce qu’engendre ce processus, c’est aussi de nouvelles représentations sociales, de nouvelles institutions du sens, de nouvelles structures signifiantes, qui opèrent dans les relations en façonnant les participants qui instancient les rôles et les catégories qu’elles définissent. Ils apportent une nouvelle socialité humaine, une nouvelle anthropologie, c’est-à-dire qu’ils « ne produisent pas seulement des explications pour les hommes, mais des hommes pour ces explications »16. Et s’agissant de la « fabrique » des enfants, la question est trop sérieuse pour être laissée aux seuls opérateurs de santé publique. l
12/ Mariaskin A., 2009, The Roles of Parenting and Moral Socialization in Obsessive-Compulsive Belief and Symptom Development, Duke University ; Verhoeven M. et al., 2010, « Parenting and Children’s Externalizing Behavior : Bidirectionality during Toddlerhood», Journal of Applied Developmental Psychology, 31 (1) : 93-105. 13/ Isaacs D. et al., 1999, « Seven Alternatives to Evidence-Based Medicine Service », BMJ, 319 : 18-25 14/ Descombes V., 2007, « Le raisonnement de l’ours », in Le Raisonnement de l’ours et autres essais de philosophie pratique, Paris, Le Seuil. 15/ Briffault X., 2013, « Le process de construction de l’esprit malade et de sa maintenance à l’ère de l’Evidence-Based Mental Medicine », Topique, 123 (2) : 23-40. 16/ Castel P.-H., 2009, L’Esprit malade, Paris, Ithaque.
Aux côtés des familles Accompagnement, logement, insertion sociale… Les UDAF et associations familiales sont actives sur tout le territoire pour innover et proposer différents niveaux d’accompagnement adaptés aux enjeux locaux et aux besoins des familles qui font face à un problème de santé mentale.
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Handicap et troubles psychiques : le réseau UNAF-URAF-URAF engagé ! Très impliquées au niveau local dans la mise en œuvre des politiques publiques en faveur des familles vulnérables, avec les acteurs ayant un lien avec les publics en situation de handicap psychique, opérateur majeur de la protection juridique des majeurs, les UDAF sont à l’initiative de réponses variées, innovantes et adaptées au degré d’autonomie et aux problématiques d’insertion rencontrées par les personnes en situation de handicap psychique et de leur famille.
L’insertion par le logement D’après le document « UNAF, UDAF, URAF, un réseau engagé ». A consulter sur www.unaf.fr
*SAMSAH : Service d’Accompagnement Médico-Social pour Adultes Handicapés
Les
« Famille - Gouvernante »
Les « Famille - Gouvernante » récréent un environnement de vie familial pour des personnes isolées, cumulant handicaps et/ou pathologies. 5 à 6 personnes ne pouvant vivre seules de façon autonome, et ne relevant plus d’une hospitalisation ou d’un mode d’hébergement institutionnel, sont colocataires d’une unité d’habitation (qui peut contenir plusieurs appartements, situés à proximité). Elles bénéficient ensemble quotidiennement de la prestation d’une gouvernante, chargée de veiller à leur entretien et à leur bien-être. UDAF engagées dans le dispositif « Famille-gouvernante »
Les
Maisons Relais
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Résidences accueil
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Les maisons relais sont destinées à l’accueil de personnes à faible niveau de ressources, dans une situation d’isolement ou d’exclusion lourde, et dont la situation sociale et psychologique, voire psychiatrique, rend impossible leur accès à un logement ordinaire, à échéance prévisible, sans relever toutefois de structures d’insertion de type CHRS. Ce dispositif s’inscrit dans une logique d’habitat durable, sans durée limitée et non comme une solution d’hébergement temporaire.
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UDAF engagées dans le dispositif Résidence accueil
C’est une formule de maison relais dédiée aux personnes en situation de handicap psychique, suivies par un service d’accompagnement (accompagnement social, SAVS ou SAMSAH)*. Un partenariat formalisé avec des équipes de soins et d’accompagnement social et médico-social est donc prévu. Le projet social s’articule autour de 3 axes : un cadre de vie animé par un hôte, un accompagnement social et un accompagnement sanitaire. Les résidences accueil s’adressent à des personnes suffisamment stabilisées pour vivre en logement autonome, mais dont la fragilité rend nécessaire une présence qui, sans être continue, apporte sécurité et convivialité, ainsi qu’un accompagnement social.
UDAF engagées dans le dispositif Maison relais UDAF engagées dans les deux dispositifs
1/ Cartes mises à jour décembre 2017 après enquête déclarative envoyée à l’ensemble des UDAF.
/ LES SERVICES DES UDAF /
Aux côtés des familles
L’insertion sociale Les
GEM (Groupes d’entraide mutuelle)
L’objectif essentiel des GEM est de rompre l’isolement et l’exclusion sociale de personnes en situation de handicap psychique, en favorisant leur insertion dans la cité, à travers la restauration et le maintien des liens sociaux. Il s’agit de lieux de rencontres, d’échanges et de soutien entre les adhérents. Ainsi, les personnes peuvent, quand elles le souhaitent, se retrouver dans ces espaces, pour passer des moments conviviaux ou organiser des activités et des sorties. Ces groupes sont organisés sous forme associative et ne sont pas des structures médico-sociales.
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UDAF engagées dans le dispositif GEM
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Les SAVS (Service d’Accompagnement à la Vie Sociale)
C’est un service spécialisé dans le handicap psychique. Les SAVS ont pour mission l’assistance et l’accompagnement dans tout ou partie des actes de l’existence, ainsi que l’accompagnement social en milieu ouvert. L’objectif est de favoriser le maintien ou la restauration des liens sociaux dans le milieu familial ou professionnel, en facilitant l’accès aux services offerts par la collectivité.
Les SAMSAH (Service d’Accompagnement Médico-Social pour Adultes Handicapés)
Les SAMSAH ont le même objectif que les SAVS, mais intègrent en sus une dimension thérapeutique à travers des prestations de soins ou un accompagnement médical et paramédical.
Les principales représentations des unions (UDAF/URAF)
Les UDAF engagées dans le dispositif SAVS : •UDAF 29 •UDAF 51 •UDAF 54 •UDAF 86 •UDAF 971
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Les UDAF engagées dans le dispositif SAMSAH : •UDAF 79 •UDAF 971
« Il serait indispensable que chaque malade psychique soit suivi par un éducateur référent. C’est parfois possible, avec un service d’accompagnement à la vie sociale, un SAVS – comme celui qui suit mon fils - ou un service d’Accompagnement médico-social pour Adultes handicapés, un SAMSAH. Mais ces structures n’existent pas dans toutes les villes. »
Charlène (mère)
• Conférences de surveillance des ARS • Conférences régionales de santé et d’autonomie (CRSA) • Conférences de territoire • Comités Locaux de Santé Mentale • Conseils Départementaux Consultatif des Personnes Handicapées • Commissions des Droits et de l’Autonomie des Personnes Handicapées (MDPH) • Conseils de surveillance des établissements publics de santé • Commissions de recours des usagers et de la qualité de la prise en charge des centres hospitaliers • Service Intégré d’Accueil et d’Orientation (SIAO) • Conseils d’administration des offices de l’habitat • Commissions de médiation du droit au logement opposable (DALO) • Commissions de coordination des actions de prévention des expulsions (CCAPEX) • Conseils d’administration des Caisses de sécurité sociale (CAF, CPAM, etc.) • Conseils de la vie sociale d’établissements sociaux et médico•sociaux • CCAS et CIAS Comités départementaux des services aux familles • Comités départementaux de soutien à la parentalité…. Etc.
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Parrainer un GEM : un choix et un engagement www.udaf2b.fr
Dans les UDAF, nous le savons tous, si nos missions nous engagent sur tous les fronts aux côtés des familles, nous pouvons compter sur les valeurs qui nous rassemblent pour sous-tendre nos actions. Malgré tout, il est parfois des situations face auxquelles il faut également une bonne dose d’audace, de belles convictions et une vision claire d’un avenir meilleur pour tous... sans exception.
C *GEM : Groupe d’entraide mutuelle
e sont probablement tous ces ingrédients qui nous ont permis de faire un pari un peu fou. Et par la suite, de relever un défi plus grand que nous... En effet, en Haute-Corse, dès 2004, nous avons décidé de soutenir un projet transfrontalier proposé par nos voisins italiens, sans que rien ne laisse entrevoir la future loi de 2005 et sa circulaire promulguant l’avènement des GEM*.
à encourager et les besoins qui commençaient à s’exprimer ? Pour la majorité des membres du Conseil d’Administration et des professionnels de L’UDAF, à cette époque là, le monde de la Santé Mentale c’était « rendez-vous en terre inconnue » ! Pourtant, dès le début, nous avons fait le choix de nous engager auprès de celles et ceux qui rêvaient de voir ce projet se transformer en réalité.
Mais quel était donc la nature de ce projet qui remuait et mobilisait tant de monde ? En Italie, depuis la fin des années 70 et sa fameuse loi « Basaglia » les hôpitaux psychiatriques sont fermés. Très rapidement donc, soignants et familles ont soutenus patients ou proches afin que ceux-ci s’organisent en associations. C’est ainsi que les premiers « Grouppi di auto aiutu mutuo » Groupes d’entraide Mutuelle (GEM) sont nés. Aujourd’hui, le système fonctionne plus ou moins bien selon les régions. Et partout, seuls quelques lits accueillent les personnes pour lesquelles l’hospitalisation reste la seule solution, juste pour quelques jours, le temps de calmer la période de crise.
C’est ainsi que l’UDAF a été amenée à s’impliquer et à mettre en œuvre les actions nécessaires. Sans notre soutien, le groupe projet n’aurait pu exister faute de lieu pour se réunir et de professionnel pour les accompagner pendant ces 3 années et à aboutir à la création de l’association « Se Construire Ensemble » et par la suite à la demande d’agrément pour devenir un GEM.
Une coopération entre la Corse et l’Italie
L’objectif des Toscans était donc d’exporter leur modèle de Santé Mentale. Et pour les Corses, le but à atteindre était de créer une association d’usagers de la santé mentale. Ce challenge sur trois ans, nécessitait de créer et maintenir une dynamique suffisamment forte, pour initier une démarche qui s’inscrive dans la durée. Bien que la DDASS était porteur du projet, elle ne pouvait s’engager plus loin que le cadre de ses missions ne le lui permettait. Une cheville ouvrière devait assurer la cohésion du groupe projet, organiser et animer des temps de travail entre les différents voyages entre Corse et Italie. Très vite donc, un vide est apparu. Qui et comment faire pour continuer à soutenir les rêves qui naissaient, les efforts
Une magnifique aventure humaine
Se lancer dans une telle aventure à plusieurs inconnues requiert également de la volonté car on avance à tous petits pas. Et le chemin est long. Pourtant, ce long chemin a également été une magnifique aventure humaine. Au premier chef pour ceux qui l’ont vécu, bien sûr, et pour notre UDAF également. De voyages en réunions, de conférences en visites, de découvertes en apprentissages, les participants au projet INTERREG passèrent au fil des mois et des années, d’observateurs passifs à apprenants, jusqu’à devenir eux-mêmes acteurs. Soutenir ce projet depuis le début jusqu’à sa concrétisation nous a permis de découvrir de nouveaux territoires, d’explorer de nouvelles façons de faire. Notre rôle de parrain, nous l’avons exercé et nous l’exerçons aujourd’hui encore avec sérieux et implication sans toutefois ne jamais nous immiscer dans la vie du GEM et des choix de ses adhérents. Cela nécessite de veiller au bon fonctionnement de l’association, d’être toujours là, mais en
/ INITIATIVES DES UDAF /
retrait, et de veiller en répondant présent en cas de besoin. En fait, nous sommes le tiers de confiance vers lequel le GEM se tourne en cas de conflit. Avec le nouveau cahier des charges de 2016, les rôles de chacun ont été clairement définis. Parrain et gestionnaire doivent impérativement à présent être totalement séparés. Pour notre part, dès le début, nous avions fait le choix du parrainage. Bien que tout ne soit pas toujours facile, nous l’assumons avec bonheur. Surtout lorsque nous mesurons le chemin parcouru, les avancées et les changements positifs réalisés par le GEM. Et lorsque nous voyons les sourires et entendons les retours positifs des personnes qui fréquentent l’association « Se Construire Ensemble ». Depuis 2004, le GEM est régulièrement en lien avec les GEM de Toscane. Les voyages ont continué au gré des projets, colloques, conférences pour les Semaines d’Information sur la Santé Mentale ou pour des rencontres sportives ou culturelles. Il organise et participe à des INTER-GEM avec le GEM de Corse-duSud, ceux du continent, ceux de Toscane bien sûr et même avec des Norvégiens ! Membre du Collectif National Inter GEM (CNIGEM), instance qui défend la cause des GEM au niveau national, il participe également activement au niveau local où il est devenu un acteur incontournable de la Santé Mentale. Il a contribué au contrat local de santé, il anime un groupe de travail sur la lutte contre des discriminations dans le Conseil local de santé mentale, est présent avec les autres partenaires, dont l’UDAF dans de nombreuses réunions comme celles du Plan territorial de santé, du Plan territorial de santé mentale, de la PRAMCA*, en lien étroit ave l’ARS de Corse et la ville de Bastia. Il siège également au CISS* Corse.
Aux côtés des familles
« Notre fille a mis trois ans pour franchir la porte d’un groupe d’entraide mutuelle, un GEM. Elle ne voulait pas retrouver au milieu de personnes malades psychiques. Aujourd’hui, cinq ans après, elle est administratrice de ce GEM et elle fait partie d’une association qui porte témoignage dans toutes les structures de formation d’infirmiers et de travaillers sociaux. A tel point que je suis obligé de lui dire qu’il faut qu’elle vive aussi chez elle. »
Pierre (père) 2017 à même vu l’officialisation du jumelage de la Bretagne et la Corse à travers les deux GEM « Le Bon Cap » de Lannion et celui de Bastia « Se Construire Ensemble ». Pour notre UDAF, loin d’un engagement militant auprès des personnes en souffrance psychique notre rôle n’en est pas moins important. Soutenir au quotidien une association afin que ces membres puissent se réapproprier, à leur rythme, leurs capacités et exercer pleinement leur citoyenneté au cœur de la cité est une autre très belle manière de répondre à notre mission première de défendre les intérêts matériels et moraux de toutes les familles du département. l
www.gem 2b.fr
*PRAMCA : Plateforme régionale d’accompagnement du malade chronique vers l’autonomie *CISS : Collectif inter associatif sur la santé
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Le Club d’Activités Parmi les différents services qui constituent son « pôle psychique », l’UDAF de la Charente gère depuis 2008 un lieu d’accueil de jour dénommé « Le Club d’Activités ».
www.udaf16.org Eric Garans Chef de service du « pôle psychique »
I
l est installé dans un lieu central dans la ville, très accessible par les transports de l’agglomération d’Angoulême. Ses locaux se composent d’une grande cuisine/salle à manger, d’un salon/bibliothèque/vidéothèque, de deux salles d’activités et d’un bureau. Une terrasse et un jardin situé en contrebas complètent l’espace accessible aux adhérents. Il s’agit pour la plupart de personnes que la maladie psychique empêche de prétendre à une insertion professionnelle, et plus encore de s’installer dans un logement indépendant. La maladie et ses signaux (l’anxiété, la difficulté à communiquer, à s’adapter aux situations inconnues) restreignent parfois l’accès à des loisirs, à la culture, à des rencontres. Souvent, leur environnement ne va pas au-delà du cercle familial, qu’il s’agisse de la famille naturelle ou d’une famille d’accueil. Il est donc essentiel que les
« Il faut dire aussi qu’à force, on s’en sort. La maladie peut être stabilisée, la vie sociale améliorée. ». « Je tiens à le dire : même si je suis malade, sous médicament, et bien je reste agréablement surpris par la vie. »
Noël (fils de Mathilde)
personnes en situation de troubles psychiques construisent une existence sociale dans des lieux où elles se savent accueillies avec bienveillance et en sécurité. Les adhérents fréquentent le Club d’Activités de façon séquentielle, une ou plusieurs fois dans la semaine. Ils viennent y pratiquer des ateliers et partager des repas. Au Club, chacun est attendu, accueilli, reconnu en tant que personne singulière. Il s’y tisse des rencontres et une reconnaissance qui dépassent les liens familiaux. L’utilité sociale du Club d’Activités n’est pas très éloignée de celle des Groupes d’Entraide Mutuelle, mais il s’adresse à un public dont les capacités ont été émoussées par les troubles psychiques, qui a beaucoup moins d’aptitude à l’initiative et nécessite donc des temps plus structurés, repérés, et toujours en présence d’un professionnel. Des partenaires du secteur psychiatrique ou médico-social connaissent le Club et y ont recours pour que leurs usagers y vivent une nouvelle expérience collective en dehors des institutions. Mais nous observons que de plus en plus de familles nous saisissent directement. Parfois c’est parce qu’elles sont en situation d’avoir encore à demeure un enfant devenu adulte, et qui n’a pas trouvé sa place en établissement. Parfois c’est parce qu’elles doivent s’occuper d’un frère dont leurs parents ont compensé longtemps le handicap, avant d’être eux-mêmes rattrapés par l’âge. Elles trouvent avec le Club d’Activités une proposition souple, sans contrainte administrative excessive, et gratuite. Le Club constitue ainsi un répit pour les familles, une alternative, un lieu où le proche en situation de handicap psychique va continuer d’enrichir son expérience des situations de vie. Nous pensons que les adhérents tirent profit du fait de venir au Club d’Activités, et que ces bénéfices sont alors favorables à l’environnement familial. Le Conseil Départemental de la Charente soutient et finance la mission du Club d’Activités depuis sa création. Pour pouvoir le pérenniser il accompagne sa transformation en service médico-social. L’UDAF de la Charente y est favorable et fera en sorte que cette évolution associe les adhérents et leur famille. l
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Aux côtés des familles
Quand les GEM mettent l’accent sur l’estime de soi L’UDAF de la Creuse a impulsé la création et gère depuis une dizaine d’années les deux groupes d’entraide mutuelle du département. Elle gère ces accueils par délégation de l’association « Camille Claudel », parrainée par l’UNAFAM, qui réunit les adhérents des groupes d’entraide mutuelle situés à Guéret et Aubusson. www.udaf23.fr
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es structures ont pour vocation de rompre l’isolement des personnes souffrant de troubles psychiques stabilisés, en leur permettant de s’investir dans la définition et l’organisation des projets d’activités et de loisirs variés, dans un esprit d’entraide et de développement du lien social. L’année 2017 a été l’occasion pour les GEM de la Creuse de s’ouvrir à de nouveaux projets, au cœur des partenariats locaux.
La photographie à l’honneur à Guéret
Un photographe professionnel à la retraire, membre de l’UNAFAM et administrateur de l’UDAF, a proposé bénévolement un « Atelier photos » aux adhérents du GEM de Guéret début 2017. Un groupe de personnes a été rapidement intéressé par ce projet et l’activité a débuté en avril, chaque jeudi après-midi. La prise en main de l’appareil photo numérique a tout d’abord été abordée et ensuite la mise en pratique s’est effectuée à l’extérieur. Certains adhérents viennent avec leur appareil et pour ceux qui n’en possèdent pas, le bénévole en met à disposition. A chaque séance, il est décidé collégialement du lieu et du sujet à photographier. La nature, les animaux, les villages et les monuments font partie des prises de vue les plus souvent réalisées sur les conseils du bénévole qui partage ses connaissances techniques, comme par exemple sur le cadrage, la luminosité ou la masse... Les photos prises sont régulièrement visionnées sur ordinateur ce qui permet de constater l’évolution de chacun dans son travail. A l’occasion de la « Ballad’PSY », évènement organisé par l’UNAFAM en septembre à Guéret, visant à faire connaître au grand public le contexte de la santé mentale et à lutter contre les préjugés et les représentations parfois trop négatives, le travail de l’atelier photographie a été présenté. Les adhérents du GEM de Guéret ont tenu un stand qui comportait notamment une exposition de photos sélectionnées par l’atelier. Ces derniers ont tiré une forte satisfaction de cette journée puisqu’ils ont pu montrer le travail
auquel ils se consacrent depuis plusieurs mois et fournir toutes les explications nécessaires aux visiteurs intéressés. Aujourd’hui l’activité se poursuit avec de plus en plus de demandes pour rejoindre l’atelier tandis qu’un nouveau projet d’exposition est déjà en cours.
Détente et bien-être à Aubusson...
Parallèlement et en partenariat avec le contrat local de santé, un projet bien-être et santé est proposé au GEM d’Aubusson. Des séances sont ainsi organisées un jour par mois. Le programme s’est construit en collaboration avec une masseuse-esthéticienne, une coiffeuse et une éducatrice spécialisée en prévention santé. Il s’articule autour d’une composante cuisine-repas, de temps plus spécifiques autour d’ateliers cosmétiques, coiffure, massages, relaxation, et d’échanges liés aux problématiques de santé. Ces ateliers ont pour but de motiver les adhérents à reprendre soin de leur corps qui a souvent souffert de la maladie, dans un cadre sécurisant et loin du regard parfois jugeant de la société. Progressivement, les participants reprennent plaisir à s’occuper d’eux. Ils réinvestissent ce qu’ils ont (re)découvert pendant ces moments de détente. En 2018, cette action devrait être prolongée et complétée par des séances de gym douce animées par un professionnel. l
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Habiter son logement : Nouvel accompagnement pour une psychiatrie citoyenne Répondant à un appel à projet lancé par la DIHAL (Délégation Interministérielle de l’Hébergement et à l’Accès au logement) et retenu pour sa qualité innovante, l’UDAF 52 a concrétisé un projet de pair-aidance pour accompagner des personnes en souffrance psychique en difficulté dans leur logement. www.udaf52.fr
*UNAFAM : Union nationale de familles et amis de malades psychiques.
Un projet novateur initié par l’UDAF 52 et ses partenaires
Ainsi, depuis octobre 2015, un partenariat associant l’UDAF 52, Chaumont Habitat, l’Association GEM « Le Fil d’Ariane » (Groupe d’Entraide Mutuelle) dont la gestion est déléguée à l’UDAF 52, l’UNAFAM de Haute-Marne1 et le Centre Hospitalier de Haute-Marne (CHHM52) s’est constitué autour de ce projet. Le dispositif « Habiter son logement » vise à soutenir les personnes isolées face à une problématique d’accès et de maintien au logement par l’intervention d’un travailleur pair ayant vécu des expériences similaires.
Rôle et statut du travailleur pair
Le pair-aidant a lui-même vécu des situations difficiles et est stabilisé. Il accompagne les intervenants sociaux avec une posture différente : son expérience lui permet de développer l’« aller vers », le « faire avec » auprès des personnes accueillies et ainsi contribuer à l’émergence de pratiques d’accompagnement global et pluridisciplinaire hors les murs. Il partage avec ses pairs en difficultés les expériences personnelles et les outils qui l’ont mené au rétablissement. Ses missions sont de redonner espoir, soutenir et responsabiliser ses pairs dans la reprise de pouvoir sur leur vie puisqu’il a luimême affronté des obstacles liés à la maladie et adopté des stratégies facilitant son rétablissement. Il sensibilise aussi les professionnels pour leur permettre de mieux comprendre la souffrance psychique et de préparer l’environnement à
« Ce jeune de dix-neuf ans qui vivait dans les jupes de sa mère, un jour, a répondu aux sollicitations maternelles et franchi la porte d’un GEM. Six mois après, lors d’une réunion inter-GEM, ce garçon prenait la parole devant cinquante personnes. À la fin de son intervention, il m’a dit : «Si vous ne dites pas à ma mère ce que j’ai fait, elle ne me croira jamais. »
Michel (frère & bénévole)
appréhender la manifestation du trouble. Il participe également à la réduction de la stigmatisation. De plus, ce projet permet au pair-aidant issu du GEM de retrouver un statut social par le biais d’un retour à l’emploi dans un cadre « souple, adaptable et modulable », qui favorise le rétablissement et le développement de la confiance et l’estime de soi. Les missions sont contractualisées sous la forme d’interventions rémunérées à l’heure avec une association d’insertion locale, TREMPLIN52. Les pair-aidants sont formés et accompagnés par deux coordinateurs de projets.
Intérêt du dispositif pour les personnes accompagnées
Les situations repérées ont pu être débloquées par l’intervention du pair-aidant, que ce soit pour sortir de l’isolement ou pour accepter une première démarche de mise en état d’un logement insalubre et encombré. Pour la personne accompagnée, la capacité du pair de « se mettre à la place » et de « juste proximité » sont des atouts relationnels. Le pair met le potentiel lié à son vécu à la disposition de l’autre pour « libérer la Parole » et « donner de l’Espoir ».
Avenir du dispositif
A long terme, les impacts attendus sont de faciliter l’intervention des acteurs sur des situations complexes, de valoriser le vécu expérientiel du pair-aidant et de faire émerger un nouveau métier dans le domaine de la maladie psychique. La proximité d’acteurs concernés par la souffrance psychique a permis de mettre en exergue une volonté commune de travailler ensemble. Le financement national arrivant à échéance, l’UDAF 52 et les partenaires étudient la possibilité de consolider et pérenniser cette action en espérant bénéficier du soutien essentiel de financeurs tel que le Conseil Régional, l’Agence Régionale de Santé, l’Etat, la Ville et l’Agglomération de Chaumont. l
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Aux côtés des familles
La Médiation Locative Le service de médiation locative de l’UDAF de la Mayenne sous-loue des logements à des personnes relevant du Plan Local d’Action pour le Logement et l’Hébergement des Personnes Défavorisées (PDALHPD) ou sortant d’établissements spécialisés tels que les services psychiatriques.
L
e but est de permettre à ce public d’accéder au logement et de s’y maintenir. Le parc locatif de l’UDAF se compose d’une vingtaine de logements de différents types, du parc privé ou social et s’établit sur les communes de Laval et Château-Gontier. Le parc est amené à se modifier au gré des arrivées et départs de sous-locataires. Ce service se compose de 3 dispositifs dont l’un est porté par le Centre Hospitalier du Haut Anjou et formalisé par la signature d’une convention depuis 2010. Dans ce cadre, l’UDAF gère 13 appartements situés sur divers quartiers de la ville de Château-Gontier ainsi qu’une maison utilisée en tant qu’espace collectif et animée par 2 hôtes aides-soignants détachés par le centre hospitalier. Les candidats sous-locataires sont exclusivement des personnes souffrant de maladies psychiques et étant stabilisées. Pour intégrer le dispositif, le candidat sous-locataire doit déposer un dossier qui est examiné lors d’une commission d’admission composée de : l’Agence Régionale de Santé (ARS), la Direction Départementale de la Cohésion Sociale et de la Protection des Populations (DDCSPP), l’association GEIST, Mayenne Habitat, L’union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques (UNAFAM), le service logement de la ville de Château-Gontier, le Service Intégré d’Accueil et d’Orientation (SIAO), le Service d’Accompagnement Médico-Social
pour Adultes Handicapés (SAMSAH), l’équipe du centre hospitalier (Direction, cadres de santé, psychiatre référent, hôtes)et l’UDAF. Un règlement intérieur régit, pour les sous-locataires, le fonctionnement de ce dispositif. Celui-ci stipule en particulier l’obligation de signer un contrat thérapeutique.
www.udaf53.fr Service de médiation locative de l’UDAF de la Mayenne : Anne-Laure GOUBAUD / Chargée de mission Tél : 02 43 49 73 89 @: algoubaud@udaf53.unaf.fr
« Ça ne s’est pas fait tout seul, mais aujourd’hui, mon fils schizophrène est stabilisé. Il vit de façon autonome, dans son appartement. il accepte son traitement, il s’entend bien avec son frère et sa sœur. Je sais qu’il pourra s’en sortir, sans nous. C’est un apaisement, pour toute la famille. »
Mathilde (mère) Le rôle de l’UDAF consiste en : ✓ la prospection de logement (contact avec les propriétaires pour explication du dispositif),
✓ la gestion immobilière du propriétaire
privé (réalisation du bail / états des lieux / avis d’échéance), ✓ l’équipement des logements au besoin (achat du matériel / livraison / montage), ✓ la gestion immobilière et administrative du sous- locataire (réalisation du bail / états des lieux / formalités CAF-MSA / avis d’échéance / gestion du règlement des loyers / régularisation des charges /contrats d’assurances et d’énergies / gestion éventuelle de sinistre).
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Aux côtés des familles
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RÉALITÉS FAMILIALES#FAMILLES ET SANTÉ MENTALE#2017
GEM : travailler ensemble pour aller mieux Le Groupe d’Entraide Mutuelle de Bagnères de Bigorre est un lieu d’accueil d’échanges et de loisirs favorisant le lien social et l’entraide
www.udaf65.fr
L
e GEM a pour objectif d’aider à rompre l’isolement, de restaurer les liens sociaux, de reprendre confiance en soi. Il accueille des personnes souffrant de troubles psychiques. En avril 2013, à l’initiative de l’association Recyclo-Loco, en partenariat avec le GEM, un composteur a été mis en place « pour soulager les poubelles des déchets fermentescibles, créer des expériences de compostage en milieu urbain en même temps que des moments conviviaux de partage entre habitants d’un même quartier, et créer un compost utilisable par ses usagers ».
« Nos expériences mises en commun, sans fausse retenue, en toute confiance et sans honte, sont riches d’espoirs, d’idées nouvelles, de pistes, d’encouragements. Je suis d’ailleurs beaucoup plus à l’aise maintenant avec mon problème par rapport au regard des autres. »
Geneviève (mère) La construction de celui-ci a entièrement été prise en charge par le GEM et ses adhérents. Scier du bois, prendre les bonnes dimensions, suivre un plan, concentration extrême, assemblage, coupes précises, réflexion intense… Autant de travaux qui ont permis aux adhérents, des personnes souvent en marge de la société, de travailler ensemble, de créer, et surtout, de voir leur travail reconnu. Les animateurs les ont aidés, mais surtout guidés dans leurs travaux. Ce composteur est destiné aux adhérents du GEM, aux habitants riverains de la place de la médiathèque, et est placé dans le jardin du GEM. Il permet au voisinage proche du GEM de rentrer et de porter un autre regard sur le lieu parfois stigmatisé. Des temps d’échanges et de convivialité se nouent entre les inscrits extérieurs et les adhérents.
Qu’est-ce qu’un compost ?
En France, la quantité annuelle de déchets est de 350 kg par personne et 30 % des ordures ménagères sont des déchets organiques, donc recyclables. Les déchets de jardin et de cuisine constituent près du tiers des déchets produits par un ménage moyen. Le compostage est une pratique accélérant le processus naturel de décomposition de la matière organique en sels minéraux et en humus. Il reproduit donc le cycle naturel de la matière. Ainsi, composter permet de réduire la quantité de vos déchets ménagers et favorise la vue du sol, améliore sa fertilité et sa teneur en humus. Le compost est ensuite distribué aux habitants et utilisé dans le jardin du GEM. Le jardin du GEM est également labellisé
« Jardin de Noé » Les Jardins de Noé sont des jardins qui favorisent la biodiversité en ville. Il y a une charte avec 10 gestes à adopter au jardin. Il faut au moins en remplir 3 pour demander son inscription en tant que « Jardin de Noé ». En ce qui concerne le GEM, nous avons répondu à un appel à projet des harmony’culteurs en lien avec « Jardins de Noé » et nous avons été lauréat. l
Groupe Entraide Mutuelle 2 rue du 19 mars 1962 65200 Bagnères de Bigorre Tél. : 05 81 75 45 65
/ LES SERVICES DES UDAF /
Aux côtés des familles
Les actions de l’UDAF 81 pour la santé mentale Au-delà du service à la protection des majeurs, l’UDAF du Tarn s’est largement impliquée dans l’accompagnement et le suivi des personnes présentant des troubles psychiques.
C
TARN
’est ainsi que l’UDAF du Tarn a développé le dispositif Famille Gouvernante depuis mars 2008 ; depuis cette date-là, des modules ont été créés dans 4 villes du département : Albi, Castres, Gaillac et Lavaur. A ce jour, 54 résidants sont hébergés dans le dispositif. De plus, en 2014, l’UDAF du Tarn a ouvert une résidence accueil de 13 résidants en centre-ville d’Albi.
du médico-social, de l’insertion sociale et professionnelle, du logement, de la sécurité...
Parallèlement à ces dispositifs, l’UDAF du Tarn s’est impliquée dans le montage d’un Conseil Local de Santé Mentale sur la ville d’Albi.
Il s’agit d’un espace de réflexion et d’échanges pour tenter de répondre au mieux aux questions liées à la santé mentale dans le but de venir en aide et d’accompagner des personnes souffrant de troubles psychiques en préservant leur dignité.
Fondé le 5 novembre 2013, ce Conseil Local de Santé Mentale est une instance de concertation entre différents acteurs, impliqués de près ou de loin dans la santé mentale. Initié au départ par la ville d’Albi et l’hôpital psychiatrique d’Albi, l’UDAF du Tarn a été un des premiers partenaires qui a permis la mise en place de ce Conseil Local de Santé Mentale ; elle siège au comité de pilotage qui en assure l’animation et la coordination. Il rassemble aujourd’hui plus de 40 partenaires concernés par les questions de la santé mentale : des représentants d’institutions ou d’associations intervenant dans le champ de la santé, du social,
www.udaf81.fr
La santé mentale est entendue au sens large, couvrant une typologie de public très vaste, de la petite enfance au grand âge ; et considérant les maladies psychiatriques, la souffrance psychique (dépression, anxiété...), les addictions, le handicap mais aussi l’habitat, l’isolement, le bien-être...
En favorisant le décloisonnement entre acteurs, le CLSM vise à favoriser la prévention, l’accès aux soins, et l’inclusion sociale des habitants en souffrance psychique de son territoire.
« Je vis avec lui au quotidien. C’est pour cela que je peux, moi parent, voir tous les petits signes qui permettent d’anticiper un peu la suite, et j’aimerais être mieux écoutée lorsque J’alerte les soignants, pour pouvoir éventuellement anticiper les rechutes, les amortir. »
Karen (mère)
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Handicap psychique et insertion sociale : les réponses de l’UDAF 86 Depuis 2004, l’UDAF 86 soutenue par l’UNAFAM, a initié une démarche d’accompagnement pluriel des personnes en situation de handicap psychique. Regroupant 5 services, le Pôle Insertion accompagne chaque année près de 650 personnes. www.udaf86.asso.fr
UDAF 86 et UNAFAM : un partenariat qui conjugue savoir-faire et expertise
Comment répondre aux différentes problématiques rencontrées par les personnes handicapées psychiques ? C’est ainsi que la longue et fructueuse collaboration entre l’UDAF 86 et l’UNAFAM a débuté il y a maintenant 13 ans. Accompagnement social, logement, insertion professionnelle… « Si on souhaitait intégrer ces personnes professionnellement, tout ce qui gravitait autour devait être réglé » indique Jean Renaud, délégué régional adjoint UNAFAM et administrateur UDAF. Conscients de la nécessité de proposer un accompagnement pluriel, un premier projet a été rapidement élaboré. Au final, c’est l’ouverture d’une première Maison Relais à Poitiers en 2004, qui ancre l’implication de l’UDAF 86 dans le domaine du handicap psychique. Impulsée par son partenariat avec l’UNAFAM, elle n’a alors cessé de créer de nouveaux services (formation et insertion/maintien dans l’emploi, accompagnement social, logement) tout en développant de nouvelles maisons relais à travers le territoire. Depuis 2013, elle parraine également 2 GEM.
SAVS : un accompagnement polyvalent et adapté
Créé en 2009, le Service d’Accompagnement à la Vie Sociale propose aux personnes handicapées psychiques un accompagnement individualisé par le biais d’informations, de conseils et d’actions concrètes pour toute question relevant de la vie quotidienne. Éric Jovanovic, accompagnateur social, précise que la volonté de la personne
« Chaque moment qui passe est une page blanche qui défile. C’est l’angoisse des premiers mots à mettre sur une page. L’angoisse de remplir les pages. Ce n’était pas le cas quand j’avais un travail. C’est comme lutter contre ses angoisses. Le Service d’accompagnement à la vie sociale, le SAVS, remplit bien notre vie et nous permet de ne pas nous désocialiser. »
Driss
est déterminante tout au long du processus, qui peut s’inscrire dans la durée selon les besoins (en moyenne 3 ans) « Ce sont des personnes isolées socialement qui ont besoin de stimulation, mais nous n’imposons rien, rien n’est fait dans la contrainte, tout est dans la potentialité ». Disponibilité, adaptabilité et polyvalence sont donc les maîtres mots des accompagnateurs du service qui fournissent un travail de terrain reconnu et apprécié des partenaires.
GEM : convivialité, échange et soutien
Vrais créateurs de lien social, les Groupes d’Entraide Mutuelle permettent aux personnes fragiles et isolées de se retrouver autour d’activités socio-culturelles, d’échanger et de partager. Pour Stéphanie Leclere, animatrice (Au Bonheur du GEM) « les adhérents viennent chercher du bien-être, ils prennent plaisir à faire les activités ensemble et apprécient le fait de se sentir capables de réaliser des choses. Chacun apporte sa contribution et il y a de ce fait un échange perpétuel ». Les parcours de vie sont différents mais les adhérents sont unanimes sur le fait que le soutien et la convivialité trouvés dans ces lieux de vie rendent le quotidien plus agréable et plus doux face à la maladie. Les 2 GEM parrainés bénéficient d’une bonne dynamique grâce à l’investissement des adhérents et au soutien sans faille des animateurs.
L’UDAF 86 poursuit sa mobilisation
D’ici la fin de l’année, une plateforme téléphonique d’écoute pour les familles ayant un proche en souffrance psychique, va être mise en place. Par ailleurs, l’UDAF 86 a répondu à un appel à candidature de l’ARS pour porter le dispositif emploi accompagné sur la Vienne. La création d’un 3ème GEM itinérant permettra quant à lui, de répondre à une forte demande en zone rurale. Ces nouveaux projets illustrent bel et bien la volonté de l’UDAF 86 de poursuivre son engagement dans le domaine du handicap psychique. l
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Aux côtés des familles
Des collaborations et des actions pour la santé mentale L’UDAF 87 et l’UNAFAM 87 ont souhaité dès 2009 mener diverses actions visant à faciliter l’intégration dans la cité de personnes en situation de handicap psychique.
C
ette politique départementale a nécessité la mise en œuvre de collaborations avec les acteurs locaux dont le PRISM, association œuvrant dans le domaine de la réinsertion des personnes en situation de handicap psychique.
Une action inédite et fédératrice :
C’est dans ce cadre et dans la perspective de proposer une action permettant à ces personnes, à la fois de prendre la parole et de valoriser leurs compétences avec pour support la vidéo, que l’UDAF a développé un partenariat avec le PRISM et les adhérents du GEM* de Limoges. L’action s’est déclinée en deux temps : • Réalisation d’un film d’atelier par les usagers des structures volontaires, bien entendu et les animateurs ou acteurs de terrain. • Projection du film et débat avec le public à l’occasion de la Semaine d’Information sur la Santé Mentale en mars 2010.
Les objectifs :
1- Valoriser le travail effectué par les structures qui proposent des services d’accompagnement à la vie sociale. En effet, entre l’hôpital et l’insertion sociale et professionnelle, il existe divers paliers d’intégration et il est nécessaire de développer une offre en direction de ce public spécifique, lui assurant une vie sociale et citoyenne satisfaisante. 2- Témoigner de la réalité du vécu des usagers et des personnes de leur entourage qui les accompagnent. 3- Sensibiliser l’opinion publique à cette problématique et développer une culture citoyenne de solidarité envers les malades et leur entourage. Il s’agissait en somme de proposer aux usagers et bénéficiaires de services d’accompagnement à la vie sociale (SAVS) de participer à des ateliers images et de réaliser un film d’atelier d’une part et de développer, grâce à la mutualisation des compétences des diverses structures partenaires de l’action, une politique départementale en faveur des personnes en situation de handicap psychique d’autre part. « La vie ici » est un film d’atelier de 30 mn qui a reçu le troisième prix de la CPAM de la Haute-
Vienne, il a été projeté en OFF au Festival international du Film Psy de Lorquin, aux journées Croix Marine, aux AG des Sociétaires Caisse d’Epargne, financeur de l’action ainsi qu’à l’AG 2010 de l’UNAF et bien entendu à l’occasion des Semaines Information Santé Mentale 2010 dans les salles de projection du territoire. Cette réalisation avait pour finalité de faire évoluer le regard que porte la société sur la maladie, de briser les préjugés autour de cette problématique et développer une culture citoyenne de solidarité envers les malades et leur entourage. Dès lors, les collaborations dans l’organisation de manifestations à l’occasion notamment des SISM ont été l’occasion de renforcer des partenariats déjà existants lesquels ont abouti en 2015 à la création du Collectif.
L’UDAF 87, membre fondateur du Collectif SISM 87.
Afin de formaliser ces collaborations, un Collectif regroupant le Centre Hospitalier Esquirol, l’association PRISM, les Groupes d’Entraide Mutuelle de Haute-Vienne, l’UNAFAM 87 et l’UDAF 87 a été créé dans l’objectif de coordonner et de mettre en œuvre diverses actions d’information et de sensibilisation grand public en vue de favoriser une meilleure connaissance de la santé mentale, pour un autre regard sur ce handicap. Un document fondateur a été signé par les responsables des structures lesquelles souhaitent toutefois que ce Collectif s’enrichisse, en fonction des thématiques, d’autres acteurs locaux intéressés par les questions relatives à de la santé mentale. Ce collectif organise tout au long de l’année diverses actions d’information et de sensibilisation en plus de celles proposées dans le cadre des SISM telles que les Randopsy, qui visent à « marcher ensemble contre les préjugés » ou des rencontres thématiques. l
www.udaf87.fr
*GEM : Groupe d’entraide mutuelle
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Les différentes actions pour la prise en compte de la santé mentale L’UDAF du Val de Marne accompagne des personnes vulnérables majeures et des familles dans le cadre de mesure de protection juridique, de gestion du budget familial ou encore de soutien au logement. Les professionnels sont alors régulièrement amenés à prendre en charge des problématiques autour de la santé mentale. www.udaf94.fr
L’UDAF du Val de Marne a choisi de répondre à ces problématiques à travers plusieurs axes :
résence d’un psychologue en tant P que fonction support
Au sein des équipes, son travail consiste à accompagner au quotidien les mandataires dans leurs missions. Fonction ressource, il apporte une expertise clinique permettant de circonscrire une ou plusieurs problématiques dans une situation jugée complexe et de définir des pistes d’intervention. Il est fréquemment amené à rencontrer les majeurs protégés en binôme avec le mandataire lors de visite à domicile, de rendez-vous dans nos locaux ou dans ceux de structures partenaires avec lesquelles il est régulièrement en lien. Son intervention permet d’améliorer la prise en charge psychiatrique et psychologique notamment pour les personnes en rupture de soins ou en grande précarité.
Création d’une commission des situations complexes
Cette commission vise à étudier en interne de manière pluridisciplinaire les situations les plus complexes en particulier en lien avec des questions de santé mentale. Composée d’un responsable, d’une référente technique, du psychologue et du délégué référent du dossier, cette commission est un temps durant lequel les différents aspects du suivi sont repris : histoire de la personne, antécédents médicaux et sociaux, liens de la personne, professionnels déjà engagés... Le travail de la commission permet de mieux comprendre la problématique de la personne, de soutenir le professionnel, de trouver des pistes de travail et de mieux orienter vers des services partenaires.
Création d’un observatoire sur la santé
L’objectif de cet observatoire est d’analyser les besoins et problématiques en termes de santé des usagers suivis à l’UDAF du Val de Marne. Il permet secondairement de recueillir et de rendre exploitable des données sur les personnes suivies en vue d’améliorer la prise en charge, construire des partenariats, demander des financements ou encore créer des nouvelles offres de service. Les résultats ont ainsi montré la forte prévalence de problématiques autour de la santé mentale parmi le public suivi et la nécessité de développer un partenariat fort dans ce domaine.
Biennale de l’UDAF 94 et la participation des usagers
En 2016, l’UDAF du Val de Marne a organisé sa deuxième biennale autour du thème de l’accès aux droits et aux soins des personnes vulnérables. Cette rencontre a ainsi mis en avant des dispositifs innovants de prise en charge (Permanences d’Accès aux Soins de Santé du CHI Créteil, dispositifs de lutte contre l’exclusion de la Croix rouge…) et des réseaux pluri-partenariaux (Réseau santé mentale à Ivry-sur-Seine, Réseau de santé de proximité-Créteil solidarité, réseau santé Mentale Précarité Vulnérabilité de St Maur-Joinville) œuvrant sur le département du Val de Marne pour l’accès aux soins des plus vulnérables, et notamment sur la question du handicap psychique. Des films témoignages des usagers des services de l’UDAF ont rythmé la journée et ainsi également laissé une place à la parole du public ciblé par cette problématique de l’accès aux soins. l
Les témoignages sont visibles sur la chaine YouTube de l'Udaf 94 et/ou sur le site internet www.udaf94.fr.
/ INITIATIVES DES ASSOCIATIONS FAMILIALES /
Aux côtés des familles
ASSOCIATIONS FAMILIALES LAÏQUES
Soigner nos « fêlures » 1981. A l’initiative de Roger Gentis débute le « Théâtre Aloïse ». Composée de personnalités souffrant de troubles psychotiques et de professionnels de la santé mentale, la troupe donne plusieurs représentations.
L
’idée du psychiatre est « d’ouvrir la psychiatrie sur l’extérieur (…) et d’aménager des lieux institutionnels de type littéralement intermédiaires, ou si l’on préfère un terme plus théorique, transitionnels (…) où la psychiatrie interfère avec autre chose, où il y ait une espèce de chevauchement entre deux (ou plusieurs) champs ». Trente ans plus tard, Scènes ouvertes - Orléans poursuit, à sa façon, cette action.
2006
L’association voit le jour. Elle souhaite désenclaver le « malade » et sa « famille » des enfermements psychiatriques par la créativité, les rencontres et le mixage social le plus large possible. Ses administrateurs comme ses comédiens regroupent des personnes issues de la « société civile », d’autres en grandes souffrances psychiques (hospitalisés ou non) et des soignants en psychiatrie. La première année, c’est la mise en place de l’association et de soirées avec des groupes musicaux orléanais.
2007-2010
Scènes ouvertes décide de monter de toutes pièces un grand spectacle : « Les ombres des anges ». « Cité Solo » suivra en 2013. 4 000 spectateurs applaudissent les comédiens-chanteurs. La psychiatrie doit devenir une affaire collective. « Hors les murs des hôpitaux, hors des contentions et de la médication, c’est dans la création et par la mise en scène pour un public, que nombre d’entre nous construisent des liens sociaux, s’affirment, prennent confiance, cherchent à se dépasser ». C’est « ce cheminement, parfois chaotique, que nous poursuivons et ce pourquoi nous nous investissons aussi dans des débats dans des écoles professionnelles, collèges et lycées, des tables rondes, conférences et événements publics et dans la publication trimestrielle d’un bulletin pour nos 140 Adhérents » explique J.M. Martin, administrateur. Chaque jeudi, le groupe est au travail au Théâtre d’Orléans. Avant sa mise en scène définitive par des professionnels, la fabrique du spectacle privilégie la spontanéité. « Nous
cnafal@cnafal.net www.cnafal.org Propos recueillis par A. Bertrand de l’Association Familiale Laîque de ChécyBou-Mardié, membre de Scènes ouvertes.
prenons le temps de parler et d’improviser : trois années pour construire un spectacle ! Comme dans les psychodrames, nous utilisons les idées, les ‘’histoires de vie’’ de chacun ». Cette fabrique originale permet de trouver sa place dans un groupe. « Elle dynamise le jeu entre l’imaginaire et la réalité, jeu qui s’inscrit ensuite, dans un contexte symbolisé par les contraintes du théâtre et le spectacle livré au public ». Cela devient alors « soignant ». l
AUJOURD’HUI, SCÈNE OUVERTE VOUS PROPOSE :
FELURES Et si un jour, un grain de sable se glissait dans les rouages bien huilés de la machine à évaluer, à formater, à trier ? Et si un jour, des grains de folie germaient dans nos esprits sillonnés de fêlures, nous, spectateurs perplexes de ce monde éclaté, miné, en jachère ? Le désastre provoqué oblige un petit groupe de rescapés d’un univers psychiatrique à s’organiser pour survivre. Rejoignez ces Allumés sous les feux de la rampe ! 200 personnes ont œuvré à cette nouvelle Comédie. 25 Comédiens sur le plateau en février 2018 au TGP Orléans La Source et à l’Espace G. Sand de Chécy. Réservations 02 38 70 04 00 - 06 20 74 54 98 (après-midi) sofeluresreservation@gmail.com - sceneouverte@yahoo.fr www.facebook.com/associationsceneouverte
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RÉALITÉS FAMILIALES#FAMILLES ET SANTÉ MENTALE#2017
FAMILLES DE FRANCE
Famille et Tendresse : accompagner les projets de réinsertion L’association Famille et Tendresse accompagne les personnes en situation de handicap psychique ainsi que leur famille. Les personnes souffrant de maladies psychiques ne sont pas des malades de l’intelligence.
www.familles-de-france.org
*ESAT : Etablissements et Services d’Aide par le Travail
P
lus de six millions de personnes en France ont recours à la psychiatrie et pourtant il est encore très difficile de le quantifier tant il y a une diversité de traitements, d’âges et de comportements. Il est urgent que le diagnostic intervienne le plus tôt possible et que l’accompagnement soit rapide pour éviter l’épuisement dû aux nombreux méandres administratifs. L’entreprise de réhabilitation psychosociale de ces personnes suppose la création et l’organisation d’établissements médico-sociaux. En 1992, le projet premier de l’association, qui n’a pu voir le jour, avait pour but d’ouvrir un internat d’excellence prenant en charge globalement le processus de réhabilitation jusqu’à l’accompagnement professionnel en laissant le patient reprendre sa vie en main, se redonner confiance, se reconstruire et lui permettre d’exister. Depuis 2015, l’association s’est recentrée sur ses compétences et une nouvelle organisation à travers son concept de Pôle d’Orientation pour personnes en situation de handicap psychique (POP). Dans le Var, 200 personnes sont en attente d’une prise en charge en ESAT* et le pourcentage de sortie de ces établissements vers le milieu professionnel ordinaire est de 1 %, ce qui est très peu. Aussi, Famille et Tendresse préconise la mise en place de POP dans les ESAT, qui accompagnent les personnes en situation de handicap psychique et de préférence, éviter le passage en ESAT et commencer la réinsertion socioprofessionnelle dès leur sortie des services psychiatriques avec un accompagnement sanitaire, social et en y associant les familles. Cet accompagnement durera le temps nécessaire à leur réinsertion socioprofessionnelle et leur parcours en entreprise en milieu ordinaire, en formation professionnelle et dans le temps. Cet accompagnement se fera par l’intermédiaire d’un « Job coach » (accompagnant-entraineur au retour à l’emploi). Une convention de partenariat est signée afin d’agir ensemble, plus vite et plus loin avec des
objectifs opérationnels communs : • adapter l’employabilité des personnes en entreprise et proposer à l’employeur un accompagnement par un tiers référent. • s ynthétiser les savoir-faire dans l’accompagnement psycho-social. Parallèlement, l’association s’attache à diffuser largement de l’information sur le handicap psychique, à en démystifier le caractère auprès des écoles, des entreprises, des institutions, et, à lutter contre le déni comportemental familial et personnel. L’association est constituée d’un conseil d’administration directeur de 14 personnes, d’un comité de professionnels médicaux (7 médecins dont 4 psychiatres), d’un comité technique professionnels de santé et de 4 délégations régionales (Nord, PACA, Bretagne, Occitanie). L’association recherche des militants actifs (bénévoles, professionnels et associations partenaires) pour dupliquer et adapter le concept du POP à d’autres territoires. l
Association Familles de France Famille et Tendresse Pierre Vieuville (président) 724 Vieux chemin de la Ripelle 83200 LE REVEST LES EAUX 04 94 20 45 72 – 06 08 10 14 70 contact@famille-et-tendresse.fr https://famille-et-tendresse.fr
/ INITIATIVES DES ASSOCIATIONS FAMILIALES /
Aux côtés des familles
FÉDÉRATION JUMEAUX ET PLUS
Burn-out maternel dans les familles de multiples Les mères de multiples sont confrontées plus que toute autre maman à des situations quotidiennes qui dépassent leurs capacités physiques et cognitives et qui les précipitent dans une très grande fatigue allant jusqu’à l’épuisement.
C
’est pourquoi, depuis près de 40 ans le Mouvement Jumeaux et Plus adresse à ses adhérents des messages de prévention, issus d’un travail de recherche sur les témoignages reçus et les avis de son Comité scientifique, visant à diminuer la fréquence et l’intensité des situations de burn out maternel. Il diffuse aussi des éléments de bonnes pratiques éducatives visant à orienter les parents vers le développement d’une parentalité durable, respectueuse des ressources des adultes et respectueuses des besoins de ces enfants qui viennent, à deux ou trois en même temps, faire famille au risque de la déborder. Au-delà des tabous, Jumeaux et Plus sait que devenir parent touche au tragique de nos vies et qu’il faut prendre le temps d’aborder les ressorts de l’épuisement parental avec les mamans qui doutent, qui n’en peuvent plus et qui ne comprennent pas pourquoi elles en sont arrivées là. Nous posons d’emblée que le burn out maternel ne peut être confondu avec les mécanismes classiques de la dépression et n’interroge donc pas la santé mentale de nos mères courage. Nos candidates à l’épuisement sont avant tout des femmes qui veulent être à la hauteur de la somme des injonctions contemporaines gravitant autour de la maternité : être bonne mère, excellente maîtresse de maison, amante infatigable, sportive et cultivée, et professionnellement toujours dans la course.
www.jumeaux-et-plus.fr Or quand elles sont confrontées à un nombre trop élevé d’heures de maternage par jour, et aux situations répétées d’échecs logistiques, éducatifs, affectifs, ces mamans ont souvent honte de demander aide et soutien. Elles sont victimes de l’injonction véhiculée par la société dans son ensemble : « Ce sont tes enfants, débrouilletoi ! ». Injonction contre laquelle Jumeaux et Plus lutte inlassablement en adressant un message simple : « Faites-vous aider ! » car il faut plus d’un adulte, voire tout un village selon l’adage, pour élever ses enfants. Les mamans doivent se faire aider par leur conjoint selon le principe de l’alternance dans les soins donnés aux enfants, par les parents, les amis, les professionnels du secteur du social et du médico-social, par la PMI, par les associations Jumeaux et Plus. Elles doivent tenir le compte de leur dette de sommeil sans quoi elles ne peuvent durablement se rendre disponibles à leurs enfants. Elles doivent prendre soin d’elles avant tout, parce qu’elles sont les premiers soutiens de leurs enfants.
Le plus grand ennemi des mamans, c’est la fatigue !
Afin de cesser de crier, voire de frapper ces enfants qu’elles ont tant voulu, comme en témoigne Stéphanie Allenou, mère de jumeaux et professionnelle de la petite enfance, dans son livre Mère épuisée, avant de faire éclater le couple mis sous pression, les mamans doivent savoir briser l’isolement dans lequel elles s’enferment, demander conseil à leur médecin, demander secours et assistance sans vergogne. Comme le dit si justement Agnès Dutheil, auteure de La Psychologie Positive avec les enfants, « avant d’être maman, j’étais une mère parfaite ». Alors avant de dérouler le scénario noir jusqu’à son terme, Jumeaux et Plus rappelle aux mères de multiples ce simple message : « Osez parler de vous, organisez-vous, protégez-vous parce qu’on a le droit, quand on est à l’origine du monde, pour quelques semaines, pour quelques mois d’être fortes et faibles à la fois. » l
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RÉALITÉS FAMILIALES#FAMILLES ET SANTÉ MENTALE#2017
UNAFAM
Un réseau de familles, pour les familles www.unafam.org
Aujourd’hui en France, plus de 2 millions de personnes vivent avec des troubles psychiques sévères. 75% d’entre elles sont accompagnées au quotidien par leur famille. Association reconnue d’utilité publique, l’Unafam*(Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ ou handicapées psychiques) agit partout en France pour accompagner et améliorer la vie des personnes touchées par des maladies psychiques (patients, familles, amis…).
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lle accueille, écoute, soutient, forme et défend les intérêts communs de tous ceux qui vivent avec ces troubles et ceux qui les entourent afin de les aider à briser leur isolement et mieux vivre ensemble.
De l’asile à la cité : naissance de l’Unafam
Lire aussi p.42
Dans les années 1960 s’est amorcé un large mouvement de désinstitutionalisation, soutenant l’idée que l’hospitalisation ne devrait pas être la seule réponse principale au besoin de soin des malades psychiques. L’arrivée de nouveaux médicaments a entraîné la réduction de la durée des hospitalisations. L’essentiel de l’accompagnement des personnes malades a ainsi été pris en charge non plus par l’hôpital mais par leur entourage : famille, amis, relations. Ce mouvement de transfert a changé les modes de soin, mais également la place des familles, dont le rôle est devenu essentiel dans l’aide et le soin des personnes malades, sans que les difficultés de ces aidants familiaux ne soient suffisamment prises en compte. C’est dans ce contexte que l’Unafam a été créée en 1963 par des familles concernées par la maladie d’un proche, avec le soutien de psychiatres.
Un réseau d’entraide bénévole
Aujourd’hui, ce sont plus de 2 000 bénévoles formés, ayant dû faire face à la maladie de leur proche, qui assurent des permanences dans les 100 délégations départementales et les points d’accueil (300 sites d’accueil au total dans toute la France y compris en Outre-mer.). Chaque année, ces bénévoles accueillent plus de 18 000 personnes en entretien individuel et traitent 25 000 appels de familles. Les délégations offrent la possibilité aux familles de participer à des groupes de parole ou à des réunions conviviales comme des cafés rencontres, leur permettant de sortir de leur isolement. Un grand dynamisme est déployé dans
les délégations : des activités sont proposées aux familles telles que psytrialogue (ateliers d’échanges spécifiques, réunissant les personnes vivant avec un trouble psychique, leur entourage et les professionnels de santé), gestion du stress, mise en commun de ressources entre deux départements voisins, recherche de partenariats (familles, patients, professionnels…).
Déstigmatisation et défense des intérêts
Au-delà de cet accompagnement, l’Unafam défend les intérêts communs des familles et des personnes malades à travers de nombreux mandats de représentations et en portant ses demandes au plus haut niveau dans les instances gouvernementales. Elle est également mobilisée pour faire changer le regard sur les personnes malades et leur entourage à travers des actions de déstigmatisation, de sensibilisation ou de formation externe. Soucieuse de répondre aux préoccupations des familles espérant de nouvelles pistes thérapeutiques, l’Unafam soutient la recherche, notamment à travers un prix recherche. Par ailleurs, l’Unafam s’intéresse également à l’innovation dans les pratiques de soins et d’accompagnement. L’association repère et diffuse les bonnes pratiques, principalement à travers son observatoire. Dans le cadre de la mise en œuvre de ses missions sociales, notamment pour la défense des usagers et la déstigmatisation, l’Unafam noue des partenariats avec des associations nationales ou locales dans le domaine de la santé mentale et du handicap psychique. Au plan national l’Unafam est membre de structures de concertation avec les ministères comme le Conseil National Consultatif pour les Personnes Handicapées (CNCPH), la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie (CNSA), l’association est sollicitée lors des évolutions législatives.
/ INITIATIVES DES ASSOCIATIONS FAMILIALES /
L’Unafam agit aussi au plan régional et départemental via ses participations au sein d’organismes sanitaires et sociaux : le Projet Régional de Santé (PRS), les Commissions Départementales des Soins Psychiatriques (CDSP), les Maisons Départementales des Personnes Handicapées (MDPH)… L’association est aussi
Aux côtés des familles
présente dans les instances hospitalières au sein des conseils d’administration des hôpitaux psychiatriques et des Commissions des Usagers (CDU). ». l
Ce que veut l'Unafam... pour les malades ! Nous voulons améliorer l’environnement des personnes vivant avec des troubles psychiques et leur donner les moyens de trouver une place dans la société. Ceci peut se faire non seulement grâce aux professionnels de santé, aux travailleurs sociaux et aux autres acteurs impliqués dans le domaine sanitaire, médical et médico-social, mais aussi dans la vie quotidienne, grâce aux membres de la société dans son ensemble.
1 - L’accès et la continuité des soins médicaux spécialisés
Les troubles psychiques sont persistants et peuvent parfois durer toute la vie du malade. Assurer la continuité des soins à proximité du lieu de vie est essentiel.
2 - La garantie de ressources a minima
Lorsqu’elle ne peut travailler, la personne en souffrance psychique doit pouvoir avoir des ressources régulières et suffisantes. • Les personnes qui n’ont pas voulu ou pu faire reconnaître leur situation de handicap sont dans la situation de droit commun et peuvent percevoir le Revenu de Solidarité Active (RSA), • l’Allocation Adulte Handicapé (AAH) est la source de revenus pour les personnes reconnues handicapées, • Les personnes qui exercent une activité professionnelle au moment de l’arrivée des troubles peuvent, sous certaines conditions, percevoir une pension d’invalidité.
3 - Un logement adapté ou un hébergement
Avoir un logement adapté est une condition nécessaire pour que la personne accède à l’autonomie. Il existe diverses options de logements selon le niveau d’autonomie de chacun (logement sans prestation, maisons relais, résidences accueil, hébergements en institution médico-sociale…).
4 - Un accompagnement pour favoriser l’intégration sociale
Les personnes en situation de handicap psychique ont besoin d’être accompagnées. L’accompagnement d’une personne handicapée psychique peut concerner soit la vie quotidienne, soit la vie sociale, ou bien les deux à la fois.
5 - Une protection juridique personnalisée et adaptée
Dans certains cas, dans l’intérêt des personnes malades, il est indispensable de mettre en œuvre une protection juridique (sauvegarde de justice, curatelle simple ou renforcée, tutelle). Ces protections visent à conseiller, surveiller ou protéger la personne pour tout ou partie des actes de la gestion de son patrimoine ou éventuellement de ses revenus et de la vie civile.
6 - Un travail ou des activités qui donnent un sens à la vie
Pendant les périodes où la santé psychique ne permet pas de travailler, des activités de loisirs, culturelles ou sportives, peuvent faciliter le rétablissement de relations sociales.Plus tard, certains pourront intégrer des établissements adaptés, ou bénéficier de formations qui leur permettent de préparer une insertion vers le milieu ordinaire de travail.
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FNAREN
Jouer ensemble pour accompagner la croissance de l’enfant Comment faire pour que les structures éducatives deviennent un espace habitable par tous ceux qui les fréquentent, enfants et adultes, et que chacun s’y reconnaisse ? www.fnaren.fr
*Lire aussi p.XX
A
Pontcharra (38), depuis 8 ans, le projet « On joue ensemble » réunit chaque jeudi, pendant 1 heure, des enfants accompagnés de leurs parents et accueillis par un réseau de professionnels au sein de l’école. Passerelle entre l’école et la famille, ce temps de rencontre « institutionnalisé » autour d’activités ludiques permet de tisser des liens entre les différents acteurs de l’éducation d’un enfant, pour lui permettre de mieux rentrer dans sa vie d’écolier et d’investir les apprentissages. Ce dispositif permet aux adultes de se rencontrer autrement, de mieux se connaître, de faire évoluer les regards des uns et des autres sur l’enfant, mais aussi sur les institutions « école » et « famille », pour contribuer ensemble à la réussite de tous. « On se passe le ballon et on dit son prénom ! » Il est 8h30, ce jeudi à l’école maternelle Villard-Benoît, Léa, Giulio, Rémi, Yamina et leurs copains débutent leur journée autour de jeux avec une quinzaine de mamans et papas. Ce jour-là, ils auront même droit à une surprise : Inès, responsable de la halte-garderie, et Annie, une maman, ont préparé un petit spectacle... Maryse Charmet, rééducatrice en RASED1 est à l’origine du projet « On joue ensemble ». « Il y a 9 ans, les enseignants se sont rendu compte qu’il y avait beaucoup d’absentéisme et des difficultés autour de la langue. J’ai rencontré les familles et certaines ont exprimé les difficultés qu’elles avaient à la maison : le sommeil, les règles, « dire non »… Mais ces familles avaient du mal à demander de l’aide aux professionnels du centre médico-social. Il fallait donc créer des passerelles pour apprendre à se connaître ». C’est ainsi que le projet – porté par l’Éducation nationale, en partenariat avec la Ville de Pontcharra via la ludothèque, la médiathèque, le département de l’Isère, l’Aide à domicile en milieu rural (ADMR) et l’association de parents 1/ Réseaux d’Aides Spécialisées aux élèves en difficulté
d’élèves – est né : chaque jeudi matin, les parents, accompagnés de professionnels de la petite enfance (assistante sociale, psychologue scolaire, directrice d’école, ludothécaire…), sont invités à venir jouer avec leurs enfants, à rencontrer les autres, enfants et adultes, présents et à partager 1 heure ensemble. L’accueil est convivial et personnalisé. On se dit bonjour, on échange quelques mots pour inviter à participer à « On joue ensemble ». Les parents sont libres de rejoindre la rencontre à tout moment de l’année, sans avoir à s’inscrire. Le cadre bienveillant et sécure est garanti par la posture professionnelle des accueillants. On est dans l’écoute, l’échange, la coopération : chacun y est reconnu comme « un interlocuteur valable ». Dans la salle où a lieu « On joue ensemble », café et thé sont partagés par les participants. Enfants et parents choisissent leurs jeux : pâte à modeler, jeux de société, dînette, livre… Les échanges entre parents et professionnels naissent lors d’une partie et se prolongent autour d’un café. Des jeux collectifs sont parfois proposés pour aider à lier connaissance. Rires et fous-rires sont garantis et renforcent les liens. La séance se termine par une histoire : un rituel apprécié et partagé par l’ensemble du groupe, des plus petits, non scolarisés, aux plus grands ! « On joue ensemble » est né de la volonté de créer un espace de rencontre avec les parents dans l’école ; un espace où l’on construit et expérimente une relation basée sur la confiance. Au fil du temps, nous avons pu évaluer que « On joue ensemble » laisse une trace humanisante et constater que les relations ainsi tissées entre enfants, parents et professionnels se poursuivent tout au long de la scolarité.
Bibliographie
Le centre de documentation de l’UNAF situé au 28, place Saint-Georges à l’UNAF propose une large gamme d’articles, de textes de références et d’ouvrages sur le thème.
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Bibliographie
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Dans le cadre de la politique de dématérialisation du fonds documentaire, la plupart des documents cités sont disponibles en ligne.
Sél e cti o n Bibliographique Promouvoir la santé mentale de la population in : La santé en action (n° 439), 2017. pp. 8-46 La santé mentale est une composante essentielle de la santé globale des individus. Elle n’est donc pas limitée au seul champ de la psychiatrie et engage la responsabilité et l’implication d’une diversité d’acteurs et de milieux (villes, écoles, traDossier vail). Ce dossier rassemble la contribution de 25 experts, présente un état des Promouvoir la santé mentale connaissances, et passe en revue un cer- de la population tain nombre d’initiatives de terrain pour promouvoir une santé mentale positive, mobilisant tous les acteurs requis.
Bien-être des jeunes Généraliser les alliances éducation-santé
Maladies chroniques
PRÉVENTION ⁄ PROMOTION ⁄ ÉDUCATION
Strasbourg finance l’activité physique
Saint-Denis
Prise en charge des violences à la Maison des femmes
Mars 2017 / Numéro 439
Numéro en ligne sur le site de Santé Publique France http ://inpes.santepubliquefrance.fr/SLH/sommaires/439.asp
L’organisation des soins en psychiatrie BENAMOUZIG, Daniel ; coord. ; ULRICH, Valérie ; coord., Revue française des affaires sociales (n°2), 2016. 285 p. Ce numéro thématique analyse les changements importants dans l’organisation de la prise en charge des troubles de santé mentale et montre les disparités de l’offre de soins sur le territoire national. Les contributions à ce dossier s’articulent autour de trois axes. Un premier ensemble porte sur l’évolution des soins sous contrainte, le renforcement des droits des patients et la plus grande implication des malades et des familles dans les programmes des soins. Un deuxième ensemble d’articles décrit les parcours de soins en santé mentale de publics spécifiques : étudiants, migrants précaires, enfants et adolescents autistes, séjours de longue durée à l’hôpital. Ces articles soulignent la coordination difficile des secteurs sanitaire, médico-social et social en matière de santé men-
tale. Les articles du troisième axe se fondent sur l’exploitation de bases de données médico-administratives peu utilisées dans le champ de la psychiatrie. A partir du recueil d’informations médicalisées en psychiatrie, une étude propose de décrire les personnes hospitalisées sans leur consentement et explore le rôle de l’environnement géographique, socio-économique et sanitaire dans les disparités observées. Les dispositifs d’accès aux soins Actualités sociales hebdomadaires (n° 2964 Cahier2), 2016. pp. 103-115 Dans le dossier consacré aux droits des personnes démunies, les dispositifs d’accès aux soins (permanences d’accès aux soins de santé, lits halte soins santé, lits d’accueil médicalisés...) mis en place par les pouvoirs publics pour lutter contre l’exclusion sont présentés. Les permanences d’accès aux soins de santé sont chargées de faciliter l’accès au système de santé et d’accompagner les populations précaires dans leurs démarches. Les lits halte soins santé et les lits d’accueil médicalisés visent également à apporter une solution aux personnes sans domicile atteintes de pathologies mentales. L’article présente les missions, l’organisation, le champ d’intervention, les activités de ces dispositifs. Enfin, un focus est fait sur une expérimentation intitulée « Un chez-soi d’abord » qui propose une prise en charge nouvelle aux personnes sans abri atteintes de problèmes mentaux sévères. Santé mentale : les limites de la psychiatrie : dossier LEVRAY, Nathalie, La Gazette Santé - Social (n° 96), 2013. pp. 22-29 Cet article analyse la crise d’identité du système psychiatrique en France et souligne la confusion entre psychiatrie et santé mentale. Les acteurs sanitaires, médico-sociaux et associatifs, ainsi que les usagers et leur famille expriment le besoin d’une loi pour organiser la psychiatrie et la prise en charge de la santé mentale
Bibliographie
CONSEILS LOCAUX DE SANTÉ MENTALE Les conseils locaux de santé mentale, des outils démocratiques ? GUARDIOLA, Isabelle, Actualités sociales hebdomadaires (n° 2959), 2016. pp. 22-25 La loi de modernisation de notre système de santé donne un sérieux coup de pouce au développement des conseils locaux de santé mental (CLSM), en réunissant sur un territoire les élus, les professionnels de santé, les institutions, les associations de patients, les usagers et les aidants.
compétences psychosociales. Cet accompagnement sur-mesure a comme objectif de permettre aux jeunes de trouver la motivation pour réduire les risques. Santé mentale & mal-être des jeunes : Actes de la session Université des Familles UNAF-PSS, 14/05/2014 L’UNAF publie les actes de la session de Santé mentale & mal-être des jeunes l’Université des familles du 14 mai 2014 sur le sujet « Santé mentale et mal-être des jeunes ». Cette UNIF rassemblait plusieurs professionnels de santé pour répondre aux questions suivantes : • Quelles sont exactement les données concernant la santé mentale des jeunes ? • Que recommander aux parents pour mieux percevoir le malaise des jeunes et les accompagner ? • Comment faire quand un jeune ne veut pas consulter ? Actes du 14 mai 2014
Les conseils locaux de santé mentale : Etats des lieux 2015 Centre Collaborateur de l’Organisation Mondiale de la Santé pour la recherche et la formation en santé mentale (CCOMS), 2015, 16 p. Le Centre collaborateur de l’Organisation mondiale de la santé pour la recherche et la formation en santé mentale dresse un état des lieux du développement des conseils locaux de santé mentale. Ces lieux ont été conçus pour promouvoir des actions d’accès à la citoyenneté, aux soins et aux droits. Les publics ciblés par les actions vont de la petite enfance aux personnes âgées en passant par les parents et les publics précaires. Le développement de ces conseils est un enjeu important dans les futurs territoires de santé, en matière de prévention, d’insertion et d’autonomisation en santé mentale. En 2014, une centaine de CLSM sont opérationnels. Cette enquête met en lumière leurs initiatives, ainsi que leur hétérogénéité et les freins à leur fonctionnement.
En ligne sur le site du CCOMS www.ccomssantementalelillefrance.org/sites/ccoms.org/files/ Etat %20des %20lieux %20des %20CLSM-05-2015.pdf
Les conseils locaux de santé mentale en plein essor PAGNEUX, Florence, Actualités sociales hebdomadaires (n° 2821), 2013. pp. 26-29 Cet article présente l’instance des conseils locaux de santé mentale (CLMS). L’objectif de cette instance de concertation est de décloisonner la prise en charges des personnes souffrant de handicap psychique, en partageant les informations, en favorisant la participation des familles et en apportant un autre regard sur la santé mentale dans la ville.
Jeunesse / Santé 1
En ligne sur le site de l’UNAF www.unaf.fr/spip.php ?article18696
Les consultations jeunes consommateurs font du sur-mesure RAYNAL, Florence, Actualités sociales hebdomadaires (n° 2831), 2013. pp. 24-27 Le dispositif des consultations jeunes consommateurs (CJC) offre aux adolescents et leur entourage un espace propice à la réflexion sur leurs usages de produits psychoactifs illicites et autres comportements à risques. Cet article présente les modes d’interventions des CJC qui mettent en place des stratégies adaptées pour inciter les jeunes à venir consulter et faciliter ainsi l’accès aux soins. Les CJC accompagnent également l’entourage du jeune et pour les mineurs, l’adhésion de la famille est recherchée La pédopsychiatrie : Prévention et prise en charge CONSEIL ECONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL, BUISSON, JeanRené ; Avis et rapports du Conseil Economique, Social et Environnemental (n° 04), 2010. 82 p. Le rapport dresse un état des lieux de la prévention et de la prise en charge des troubles psychiatriques des enfants et des adolescents. L’auteur alerte sur le retard de la France en matière de pédopsychiatrie et insiste sur le rôle essentiel de l’école en termes de dépistages, mais aussi sur le rôle de la famille dans le parcours de soins.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AVIS ET RAPPORTS DU
CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL
STRATÉGIE « UE 2020 » :
CONTRIBUTION DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL À LA PRÉPARATION DU
PROGRAMME NATIONAL DE RÉFORME
SANTÉ MENTALE ET JEUNES Adolescents difficiles : que faire quand on ne sait plus que faire ? : Entretien avec Bertrand Ravon ; in : Actualités sociales hebdomadaires (n° 2944), 2016. pp. 24-27 Interrogé par la rédaction de la revue Actualités sociales hebdomadaires, Bertrand Ravon, sociologue, restitue cette problématique dans son contexte historique et dresse un rapide rappel des modes de prise en charge des jeunes en grande difficulté depuis les années 1950 à nos jours. Il souligne le poids de plus en plus grand des psys et notamment des pédopsychiatres dans la prise en charge et plaide une démarche d’accompagnement dans la durée et le temps et non dans l’urgence et l’injonction. Contre les addictions, aller vers les jeunes, là où ils sont FREMINVILLE, Solange De, La Gazette Santé - Social (n° 124), 2015. pp. 32-34 Les enquêtes montrent la hausse de la consommation des substances psychoactives par les adolescents. Cet article présente des initiatives innovantes de lutte et d’éducation misent en place par des professionnels du secteur sanitaire et social. Ces nouveaux modes de prévention renforcent l’intervention précoce et les
2010
Communication présentée par M. Yves Dezellus
Télécharger le rapport sur le site du CESE (Format pdf - 335 Ko) www.ces.fr/rapport/doclon/10030304.pdf
SANTÉ MENTALE ET PROFESSIONNELS Majeurs protégés, majeurs citoyens : un autre regard sur la « Tutelle » LAVOUE, Stéphane, LE GALL, Catherine, UDAF du Haut-Rhin (2017) 66 p. Aujourd’hui, plus de 800 000 personnes sont en tutelle ou curatelle, par décision de justice. Il s’agir de les protéger d’euxmêmes et des autres. La moitié de ces mesures sont exercées par les familles
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Bibliographie
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et les proches, mais lorsque ce n’est pas possible, le juge les confie à des professionnels dit « mandatires judiciaires à la protection des majeurs ». C’est ce lien particulier entre personne protégées que l’UDAF du Haut-Rhin a décidé de mettre en lumière, en demmandant au photographe Stéphane Lavoué et à la journaliste Catherine Le Gall d’aider à porter un autre regard sur la « Tutelle ». Les invités au festin soignent autrement PAGNEUX, Florence, Actualités sociales hebdomadaires (n° 2916), 2015. pp. 26-29 Depuis 25 ans, l’association « Les Invités au festin » développe une expérience d’alternative psychiatrique fondée sur la création de lieux d’accueil et de vie non médicalisés et une vie communautaire. L’association possède deux lieux de vie, dotés du statut de maison-relais et s’adresse aux publics en souffrance psychique dont l’état s’est stabilisé et qui n’ont ni leur place à l’hôpital, ni dans un logement autonome. Santé mentale et liberté d’aller et venir : Dossier in : Revue de droit sanitaire et social (n° 6), 2015. pp. 949-1015 Ce dossier rassemble les réflexions des professionnels de santé et les préoccupations des pouvoirs publics concernant la place de la liberté d’aller et venir pour les personnes souffrant de troubles psychiques. Les articles étudient les évolutions juridiques en France mais aussi en Grande-Bretagne et au Québec et examinent la façon dont est traitée la tension entre protection de la liberté individuelle, protection de la santé du patient et protection de l’ordre public. Au domicile, psychiatrie et médico-social peinent à se coordonner PAQUET, Michel, Actualités sociales hebdomadaires (n° 2929), 2015. pp. 24-27 Cet article présente les résultats de l’étude de l’Agence nationale de l’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (ANAP) qui décrit les différents types de prise en charge mis en œuvre pour accompagner à la sortie de l’hôpital les personnes souffrant de troubles psychiques. Les interventions à domicile des équipes de psychiatrie permettent de maintenir ou de réinsérer les patients dans un logement ordinaire après une hospitalisation. La coopération entre les acteurs du secteur médico-social et la psychiatrie doit être complémentaire, afin de répondre aux attentes des familles, tant au niveau des soins à domicile que de l’accompagnement médico-social. Maladies psychiques, entre mythes et réalités : Dossier in : Union sociale (n° 278), 2014. pp. 17-25 Les maladies psychiques touchent un grand nombre de Français. Pourtant, la politique de santé mentale fait figure de parent pauvre du système et reste très en deçà des besoins des personnes concernées. Ce dossier donne la parole aux associations qui luttent pour permettre aux malades d’être mieux accompagnés dans le cadre d’un parcours favorisant l’autonomie et leur citoyenneté. Travail social et psychiatrie : quelle coopération ? DELHON, Laetitia, Lien social (n° 1133), 2014. pp. 26-33 Le décloisonnement entre sanitaire et social se traduit en pratique par une coopération accrue notamment entre travail social et psychiatrie. Celle-ci prend des formes très variées selon les acteurs et les lieux comme l’illustrent les témoignages présentés dans cet article.
Psychiatrie : mutations et perspectives COLDEFY, Magali ; EHRENBERG, Alain, ADSP - Actualité et dossier en Santé Publique (n° 84), 2013. pp. 15-65 Ce dossier traite des politiques de santé mentale en France et de leurs évolutions. L’inclusion sociale et l’insertion professionnelle des personnes souffrant de troubles psychiques demeurent l’un des objectifs de ces politiques. Les réformes successives ont permis la prise en charge en dehors de l’hôpital mais une réelle coordination et complémentarité des acteurs demeure un enjeu.
SANTÉ MENTALE ET FAMILLE « Si maman va bien, bébé va bien. » La gestion des risques psychiques autour de la naissance : Dossier thématique I : « Naître » VOZARI, Anne-Sophie, Recherches familiales (n° 12), 2015. pp. 153-163 Cet article analyse les troubles psychiques dans la relation mèreenfant susceptibles d’apparaitre chez certaines femmes enceintes et jeunes mères et peuvent contrarier le bon développement psychique et affectif de l’enfant. Les pouvoirs publics et les professionnels de la périnatalité tentent de prévenir et soigner ces troubles de manière à protéger l’enfant. Accompagner les enfants quand les parents vont mal HELFTER, Caroline, Actualités sociales hebdomadaires (n° 2889), 2014. pp. 26-29 Le placement familial d’enfant est pour partie motivé par les troubles psychiques du ou des parents. Il s’agit alors pour les professionnels d’assurer aux enfants qui leur sont confiés sécurité et stabilité sans perdre le lien avec les parents. Il s’agit aussi d’accompagner les parents dans leur fonction parentale. Le livret des parents – Saison 2 : l’adolescence Ministère des familles, de l’enfance et des droits des femmes (2017) Votre enfant est adolescent.e ou entre dans l’adolescence : en tant que parent, vous vous posez des questions sur cette période ? Vous intervenez auprès de parents ou de jeunes et vous cherchez des outils pour échanger avec les parents d’adolescents ? Illustré par Claire Cantais, Le livret des parents « Saison 2 : l’adolescence » aborde en 25 pages différentes questions autour de l’adolescence et ce qu’elle implique pour les parents : devenir parent d’adolescent.e, rester parent tout en accompagnant l’autonomie, être vigilant.e et oser se faire aider. Ce livret a été écrit par le ministère des familles, de l’enfance et des droits des femmes, avec le concours d’expert.e.s et de réseaux associatifs nationaux, dont l’UNAF, en partenariat avec la Caisse nationale des allocations familiales et la Caisse centrale de mutualité sociale agricole. Parents et psychiatres : difficile rencontre HELFTER, Caroline, Actualités sociales hebdomadaires (n° 2680), 2010. pp. 29-31 Cet article fait la synthèse d’une enquête réalisée auprès de 50 parents rencontrés par l’intermédiaire d’associations familiales, dont l’UNAFAM, afin de connaître l’opinion des familles sur l’accueil et la prise en compte de l’entourage familial au cours de l’hospitalisation de grands adolescents ou jeunes adultes en secteur psychiatrique. Au vu des témoignages des parents, le défaut d’explications de la part des soignants est une cause de souffrance et laisse les familles très désemparées.
Bibliographie
La famille face à la maladie mentale : Dossier L’Ecole des parents (n° 572), 2008. pp. 19-39 La famille d’un individu atteint d’une maladie mentale, peine à se faire reconnaître, tolérer, accompagné, même lorsque cette maladie est reconnue officiellement comme un handicap. Avec la réduction de l’hospitalisation, les proches se trouvent davantage confrontés à la prise en charge du malade en souffrance psychique. Dans ce dossier, des professionnels de la santé mentale et du social échangent sur leurs expériences et leurs pratiques. Un article s’intéresse plus particulièrement à la maladie mentale au sein des familles immigrées.
SANTÉ MENTALE ET INSERTION Handicap psychique et insertion : Quels besoins ? Quelles coopérations ? Quelles réponses ? : Journées Nationales d’échanges UNION NATIONALE DES ASSOCIATIONS FAMILIALES, 2013, 52 p. La journée nationale d’échanges organisée à Niort le 29 novembre 2012 par l’UNAF et les UDAF de Charente, de la Marne, des DeuxSèvres et de la Vienne sur le thème « Handicap psychique et insertion » avait comme objectifs de dresser un panorama des activités permettant une meilleure insertion des personnes en situation de handicap psychique et de sensibiliser le réseau dans ce domaine. Les dispositifs de Familles Gouvernantes, Maison Relais et Résidences d’Accueil mis en place par les UDAF ont été présentés, ainsi que la façon dont l’UNAF a envisagé le handicap psychique et les enjeux de cette notion en matière de politique publique. L’association Galaxie a insisté sur l’insertion professionnelle des personnes handicapées psychiques. Ensuite, trois tables rondes ont traité successivement de l’insertion par le logement, l’insertion sociale, puis l’insertion professionnelle des personnes handicapées psychiques. Guillemette Leneveu, directrice générale de l’UNAF, a brossé le tableau de l’implication du réseau dans le secteur, tant au niveau de la définition des politiques publiques que de l’offre de services des UDAF.
SUR LES ÉCRANS 12 Jours, de Raymond DEPARDON (en salle depuis novembre 2017) Chaque année en France, environ 92 000 mesures d’hospitalisations psychiatriques sans consentement sont effectuées. L’hôpital a alors 12 jours, à compter de l’hospitalisation du patient, pour saisir le juge des libertés et de la détention qui validera ou non la mesure. Ces audiences, menées par 4 juges aux approches différentes, ont lieu deux fois par semaine à l’hôpital du Vinatier à Lyon et concernent des personnes jugées irresponsables de leurs actes. Raymond Depardon a filmé 72 patients éprouvés par la maladie, qui témoignent avec dignité et sensibilité.12 Jours présente 10 d’entre eux et nous invite à écouter leur témoignage. « Ce sont avant tout des personnes qui souffrent, leurs paroles sont précieuses pas seulement décalées ni insensées, elles sont simples et fortes, et engagent leur avenir ».
Télécharger le document sur le site de l’UNAF (Format pdf - 402.8 Ko) www.unaf.fr/IMG/pdf/actes_colloque_291112.pdf
Handicap psychique et logement : la difficile équation PAQUET, Michel, Actualités sociales hebdomadaires (n° 2811), 2013. pp. 22-25 « L’accès au logement des personnes souffrant de handicap psychique reste délicat à mettre en oeuvre car les fluctuations de la maladie requièrent un accompagnement au long cours. En dépit d’avancées sur le terrain, il continue de buter sur les cloisonnements entre les secteurs sanitaire et social. » L’UNAF est citée pour son réseau de familles gouvernantes et l’expérience américaine « Housing first » est présentée.
www.addictaide.fr Un portail très pratique et complet dédié aux familles qui permet à chacun de trouver une information, des outils, une analyse des recherches en cours, etc. On y trouve des fiches pour comprendre les addictions, des tests pour évaluer ses propres consommations et connaître le risque d’addiction, un point sur les risques physiques associés et des contacts de professionnels pour en parler et être accompagner si besoin… La partie forum facilite les échanges et les débats entre les personnes concernées ou intéressées par la question des addictions.
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RÉALITÉS FAMILIALES#FAMILLES ET SANTÉ MENTALE#2017
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Réalités
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R E V U E D E L’ U N I O N N A T I O N A L E D E S A S S O C I A T I O N S FA M I L I A L E S
R E V U E D E L’ U N I O N N A T I O N A L E D E S A S S O C I A T I O N S FA M I L I A L E S
« PARRAINER UN ENFANT PRÈS DE CHEZ SOI »
LA PLACE DE L’ENFANT DANS LA MÉDIATION FAMILIALE
13e
n°85-86-87 l 2008
Vivre avec la maladie d’Alzheimer : un défi pour le XXIe siècle
13e
n°88 l 2008-2009 L’Europe des familles
6,50 e
10e
n°95-96-97 l 2011 L’accueil de la petite enfance
10e
n°106-107 l 2014 Être aidant familial aujourd’hui
ISSN : 0220 9926 - Prix : 6,50 €
6,50 e
No 89 - 2009
n°89 l 2009 Parrainer un enfant près de chez soi
10e
n°100-101 l 2012
n°98-99 l 2012
Le logement, une question familiale
10e
n°108-109 l 2014
L’alimentation au cœur des familles
Soutien à la parentalité avec et pour les parents
10e
n°110-111 l 2015 Numéro spécial 70 ans d’engagements pour les familles
ISSN : 0220 9926 - Prix : 10 e
10e
6,50 e
N° 92-93 - 2011
n°92-93 l 2010
La place de l’enfant dans la médiation familiale
10e
n°102-103 l 2013 Familles et Ecole
10e
n°112-113 l 2015 Associations Familiales L’Union fait la force !
n°94 l 2011 Nouvelles technologies santé et familles
10e
n°104-105 l 2014
La place des familles dans la protection de l’enfance
10e
n°114-115 l 2016 Familles connectées
10e 10e
n°116-117 l 2016 Loisirs et vacances en famille
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n°118-119 l 2017 Familles & argent
n°120-121 l 2017
Familles & santé mentale
Annexes
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“RÉALITÉS FAMILIALES”
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N° 120-121 - 2017